HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME HUITIÈME

LIVRE NEUVIÈME

 

CHAPITRE III. — SOULÈVEMENT DE LA VENDÉE

 

 

Conspiration de la Rouarie. — Thérèse de Mollien. — Les nobles du Poitou. — Leurs préjugés, leurs traditions fédéralistes, leur ignorance. — Les prêtres et les femmes en Vendée. — Le paysan vendéen et son curé. — Entrée de Rodrigue, évêque constitutionnel, à Fontenay. — La bourgeoisie en Vendée. — Pichard du Page. — Le château de la Proutière. — Dumouriez en Vendée. — Révoltes préliminaires. — Propagande contrerévolutionnaire et fanatique. — Géographie de la Vendée. — Soulèvement. — Ses causes générales, sa cause occasionnelle. — Cathelineau. — Les paysans maîtres de Machecoul. — Souchu. — Charette. — Journées de septembre royalistes. — Esprit qui anime les paysans. — Bonchamps. — Désastres aux environs du château de l'Oie. — Envoi de Mercier du Rocher et de Pervinquière à Paris. — Ils sont entendus par la Comité de sûreté générale. — Dispositions des divers membres présents, à l'égard de la Vendée. — Ardeur de Santerre, de Marat ; étrange froideur des Girondins ; scène curieuse entre Mercier du Rocher et Brissot.

 

Pendant ce temps, la Vendée[1] se soulevait.

Déjà, et dès 1791, la Bretagne avait vu s'ourdir une conspiration royaliste, dont le chef était un aventurier célèbre. Ex-officier des gardes-françaises ; fougueux amant de l'actrice Fleury, pour laquelle il se battit en duel ; devenu trappiste après avoir tenté de s'empoisonner ; rendu à la vie de soldat par les orages de son cœur ; mêlé aux guerres d'Amérique sous le nom de colonel Armand ; organe, à son retour en France, des résistances féodales de sa contrée ; jeté à la Bastille, puis un moment gagné à la Révolution, Armand Tuffin, marquis de la Rouarie, avait fini par organiser en Bretagne une vaste conjuration, dans laquelle l'amour fit entrer Thérèse de Mollien, femme romanesque et hardie[2].

Le complot prit des développements rapides ; mais tandis que les conjurés en préparaient l'explosion, des regards de feu les suivaient dans l'ombre ; des mains qu'ils ne soupçonnaient point tenaient la hache suspendue sur leurs têtes, et chacun de leurs pas était compté. La Rouarie s'était confié, l'imprudent ! à son médecin, Latouche ; celui-ci avait secrètement prévenu Danton, et Danton avait averti à son tour le gouvernement révolutionnaire, qui, sûr désormais d'écraser la conspiration, à son jour, à son heure, la laissa s'étendre, pour connaître tous ses ennemis et les frapper d'un seul coup[3].

La Rouarie touchait à l'échafaud, croyant toucher au succès, lorsque, le 30 janvier 1795, une maladie l'enleva.

Le Comité de sûreté générale se décide alors à sévir ; les papiers du chef de la conspiration sont saisis dans un bocal de verre chez Desilles, père du jeune officier de ce nom, tué à Nancy ; les conjurés, voulant tenir secrète aussi longtemps que possible, la mort de la Rouarie, l'avaient enterré avec mystère au fond d'un bois ; on déterre le cadavre ; vingt-huit personnes sont arrêtées, et on en aurait atteint un bien plus grand nombre, si Thérèse de Mollien, à qui la liste des conspirateurs avait été remise, ne l'eût brûlée en toute hâte, à la première nouvelle de la mort du marquis[4].

La mine s'embrasa néanmoins, chargée qu'elle était depuis longtemps ; et sur divers points la révolte éclata, furieuse, sauvage.

Le district de la Roche-Bernard était présidé par un de ces hommes dont la Révolution était venue faire des héros et des martyrs. Il se nommait Sauveur. Tombé au pouvoir des rebelles, qui, pour lui arracher le cri de : Vive le roi ! épuisèrent les supplices, il étonna leur rage par l'indomptable sérénité de sa foi républicaine ; et, mis en lambeaux, livré aux flammes, il expira en criant : Vive la nation ! La Roche-Bernard fût appelée la Roche-Sauveur par la patrie reconnaissante ; et ce souvenir est le plus vivant qui soit resté d'une révolte dont on peut dire que le sang l'étouffa[5].

Mais tandis que l'incendie s'éteignait en Bretagne, il s'allumait en Poitou, c'est-à-dire dans la province divisée par la Constituante en trois départements : Deux-Sèvres, Vienne et Vendée. Or, là, malheureusement, le fléau eut une durée égale à sa violence ; ce fut la guerre civile, dans ses plus tragiques fureurs. Et tout concourut à ce résultat funeste : les menées des nobles, les intrigues du clergé servies par les femmes, les lâches retours d'une portion de la bourgeoisie, les fautes commises par les autorités révolutionnaires, et enfin l'invincible attachement du paysan pour son curé, pour la cloche de son village, pour ses bœufs, pour ses bruyères.

Ce qui distinguait la noblesse poitevine, avant 1789, c'était, non point, comme on l'a tant dit et répété, l'esprit monarchique, mais le pur esprit féodal. Les nobles du Poitou appartenaient à cette classe de hautains gentilshommes, que notre histoire nous montre disputant pied à pied au pouvoir central le terrain de ses conquêtes et jalousant le roi. A une époque célèbre de nos discordes civiles, on les avait vus préférer au drapeau royal leurs bannières féodales[6], et se donner des chefs contre la France. Plus tard, aux États généraux, leurs représentants furent les derniers qui protestèrent contre la réunion des trois ordres ; et, même après la Révolution, après l'Empire, on les trouve conspirant pour faire de leur pays particulier une province indépendante de leur grande patrie : tentative qui fournit à Louis XVIII le plus spécieux prétexte dont, envers la Vendée, son ingratitude se pût couvrir.

Autre circonstance caractéristique : au moment de la Révolution, la plupart des nobles du Poitou étaient notoirement irréligieux. Animés contre les prêtres d'un levain d'antagonisme local, qu'entretenaient de perpétuelles et misérables disputes, soit à propos des dîmes, soit touchant les honneurs de l'encens et du pain bénit[7], nombre d'entre eux avaient prêté aux leçons du philosophisme une oreille complaisante, et pris rang dans la franc-maçonnerie des esprits forts ; non que leurs prétentions à cet égard fussent justifiées par leurs lumières : les chefs de la Vendée contre-révolutionnaire ont laissé des milliers d'autographes qui, à l'exception de ceux de Lescure, la Rochejacquelein, Marigny et Piron, témoignent tous de la plus grossière ignorance[8]. Mais telle avait été l'influence de Voltaire, que l'incrédulité, au dix-huitième siècle, était devenue presque une affaire de bon goût ; aussi les nobles poitevins, dont plusieurs, du reste, avaient pour aïeux des protestants convertis par force ou par corruption, se dispensèrent-ils volontiers d'aller à la messe, jusqu'au jour où la Révolution, en menaçant leurs privilèges et leur fortune, vint les ramener au pied de l'autel. Le revirement fut soudain, il fut complet ; et le catholicisme en révolte compta ses plus ardents complices parmi des petits-fils de huguenots[9].

A la tête du haut clergé, dans cette partie du royaume, figurait de Mercy, cadet d'une famille dévouée à l'Autriche, et qui devait l'opulent évêché de Luçon aux bonnes grâces de Marie-Antoinette. Digne émule du galant cardinal de Rohan, ce prélat avait fait de son palais épiscopal d'abord, puis de sa maison de campagne de Châteauroux, le théâtre de fêtes dont on parlait beaucoup dans le pays. La reine de ces fêtes était madame Serventeau de l'Échasserie, femme charmante, et mariée, mais à un vieux mari avec lequel elle ne vivait pas. Les autres principaux meneurs étaient Beaupoil de Saint-Aulaire, évêque de Poitiers, et de Coucy, évêque de la Rochelle, tous deux intolérants à l'excès.

Il est facile de deviner ce que pouvait être une armée conduite par de pareils chefs. Pour fanatiser une population ignorante et naïve, que ses vertus mêmes contribuaient à livrer à l'empire de l'imposture, on eut recours aux machinations les plus honteuses, on descendit à l'emploi de supercheries à peine croyables. L'histoire d'un gros chat noir que le sacristain d'un prêtre assermenté avait traîtreusement enfermé dans le tabernacle, et que les prêtres réfractaires déclarèrent être le diable, lorsque, s'élançant de l'autel, il se mit à bondir au milieu des fidèles épouvantés, cette triste et ridicule histoire peut donner une idée des manœuvres dont étaient capables les pieux fauteurs de la guerre civile[10]. Tantôt ils propageaient l'horreur de la Révolution, en vertu de révélations nocturnes dont il avait plu à Dieu de les honorer ; tantôt ils faisaient passer aux anges, descendus tout exprès du ciel pendant la nuit, de fantastiques processions ; et, rassemblant les paysans sur quelque éminence, ils leur ménageaient, au moyen de lanternes magiques placées à distance, des spectacles surprenants[11]. La manière dont ils prouvaient à ces âmes simples que le pape représente bien réellement Dieu sur la terre, est curieuse à rapporter. Suivant eux, quand il y avait à élire un pape, les cardinaux se rassemblaient, chacun ayant à la main un cierge éteint ; ils invoquaient le Ciel, et Dieu manifestait sa volonté, en allumant soudain le cierge de celui qu'il voulait avoir pour vicaire dans ce monde[12].

Il est douloureux d'avoir à constater qu'une propagande déshonorée par de tels mensonges trouva moyen d'enrôler à son service l'enthousiasme abusé de beaucoup de femmes. Ils sont si faibles, ces êtres si puissants ! Les cordes poétiques de leur cœur aiment tant à vibrer sous la main des hommes du mystère, en l'honneur de dieux inconnus Ce qu'un éloquent et profond écrivain de nos jours a dit du pouvoir que le prêtre exerce sur l'époux par l'épouse, et sur les enfants par la mère[13], n'apparut jamais plus clairement que dans la Vendée de cette époque. Les paroles pleines de flamme latente qu'à travers la grille des aveux, dans un coin de l'église sombre, le prêtre murmurait à l'oreille de sa pénitente agenouillée, passèrent bientôt sur les lèvres du mari, où elles prirent un accent sauvage ; et l'amant, à son insu, devint l'homme du confesseur. Oh ! combien coururent au meurtre, d'une âme éperdue, qui, comme autrefois l'amiral Coligny, ne firent que céder à ces prières de femme, dont le poison même est si doux !

Il y avait cependant un sérieux obstacle à l'action du haut clergé : c'était la piété sincère des pauvres curés de campagne, piété qui, chez beaucoup d'entre eux, s'associait à des instincts démocratiques. De là leur ardeur à saluer dans la Révolution, quand elle éclata, l'avènement de l'égalité promise par l'Évangile ; de là l'éclat jeté, au sein des assemblées révolutionnaires, par les Dominique Dillon, les Lecesve, les Jallet, les Ballard.

Or, pour les paysans vendéens, le véritable chef à suivie, c'était le curé. Loin de leur inspirer confiance et respect,, le bénéficier, le moine, le grand seigneur, étaient fréquemment l'objet de leurs railleries ; et si le simple hobereau, chasseur et quelque peu ivrogne, les attirait davantage, c'est parce qu'au physique encore plus qu'au moral il leur ressemblait. Ils n'étaient pas, d'ailleurs, sans savoir gré à la Révolution de ce qu'elle avait fait pour eux en les délivrant des privilèges féodaux et des dîmes. Que dis-je ? Ils avaient si bien senti passer le grand souffle de l'esprit nouveau, que le jour où ils déployèrent leur étendard, ils se placèrent sous l'invocation du principe d'égalité. Le commandement au plus digne ! tel fut leur cri, et il advint, chose frappante, que les chefs élus d'une révolte royaliste présentèrent un pêle-mêle de nobles, de vilains, de voituriers, de barons. Lorsque, appelé en duel par le garde-chasse Stofflet, le marquis de Bonchamps refusa le cartel, il ne lui écrivit pas, ainsi qu'aurait fait sans doute en pareil cas son grand-père ou son père : Un gentilhomme ne se bat point contre un roturier ; sa réponse fut celle qu'eût tracée la main de Loustalot : Non, monsieur, je n'accepte pas votre défi ; Dieu et le roi peuvent seuls disposer de ma vie, et notre cause perdrait trop à être privée de la vôtre[14].

Si donc les curés fussent restés fidèles à la Révolution, il n'y eût pas eu de Vendée militaire. Mais Camus fit adopter la Constitution civile du clergé, et tout fut perdu. Rien de plus dangereux en révolution que les hommes à idées étroites, quand leur médiocrité se trouve servie par un caractère inflexible et relevée par la vertu. Camus avait l'âme de Caton d'Utique ; Dumouriez lui-même, s'armant de son impudence, eût malaisément soutenu l'intrépide regard du disciple de Saint-Cyran, et nul ne pouvait mettre en doute sa probité, depuis qu'on l'avait vu sacrifier avec une joie héroïque les quarante mille livres de rente que lui rapportait, avant la Révolution, sa charge d'avocat du clergé[15]. Mais il avait foi aux miracles du diacre Pâris ! Janséniste intraitable, il imagina de réformer la discipline de l'Église, et il ne comprit pas que la Constitution civile du clergé était une mèche allumée sur un baril de poudre[16]. De cette mesure, surprise, dans l'Assemblée constituante, au scepticisme moqueur des uns et à l'imprévoyante condescendance des autres, nous avons eu occasion d'apprécier le caractère ; quant aux résultats, ils furent terribles en Vendée. Il y avait dans le clergé des fourbes et des ignorants : les premiers n'eurent pas de peine à persuader aux seconds que la religion était en péril. Que fallait-il de plus ? Le curé déserta la Révolution, et le paysan suivit son curé.

Le lecteur a déjà eu sous les yeux, dans un précédent volume, le tableau des effets que produisirent, et l'obligation de prêter serment, et le schisme qui en sortit. L'église où le prêtre assermenté officiait fut dénoncée et regardée comme un lieu de pestilence. L'autel que le prêtre réfractaire allait dresser au fond des bois vit, au contraire, accourir de loin, de bien loin, la foule émue des paysans et des paysannes. Il s'établit dans la maison des missionnaires et des religieuses de Saint-Laurent une fabrique de faux miracles qui firent délirer la dévotion de pauvres natures candides. Le cœur de Jésus, colporté en images, servit de point de ralliement à de mystiques fureurs. Plus d'une fois, des bandes de femmes hurlantes poursuivirent à coups de pierres, jusque sur les marches du temple, jusque dans l'asile sacré des morts, le pasteur que la Révolution avait marqué de son signe. La discorde s'assit au foyer des familles. Le bonheur du lit conjugal fut troublé par d'irréparables anathèmes. La guerre civile était là[17] !

Encore si les prêtres assermentés eussent tous honoré leur ministère par la sainteté de leur vie ou la dignité de leur attitude ! Mais, à côté de personnages tels que l'abbé Grégoire, le clergé constitutionnel en montra d'autres que décrièrent leur ambition, leur égoïsme, et sinon la légèreté de leurs mœurs, au moins le peu de décence de leurs allures. Voici, par exemple, le portrait que trace de l'évêque constitutionnel donné au département de la Vendée, un homme qui, placé jusqu'au bout sur le théâtre qu'il décrit, a suivi toutes les péripéties du drame et personnellement connu tous les acteurs.

Quand Rodrigue, curé de Fougeray, fit son entrée à Fontenay comme évêque, les patriotes se rendirent à la barrière de Nantes pour le recevoir. Moulin, président de la société ambulante, porta la parole, et peignit les maux que le fanatisme répandait sur la Vendée. Le nouveau prélat était en bottes fortes ; il avait sa soutane retroussée, son bâton à la main ; son domestique tenait une petite rosse très-maigre sur laquelle étaient attachées des bougettes. Pour toute réponse au discours de l'orateur, Rodrigue secoua la tête, haussa les épaules, et se remit en selle pour gagner une hôtellerie. Le cortège l'y suivit ; quant à moi, je ne le suivis pas. Cet homme est un parfait égoïste qui n'a jamais connu que les émoluments de sa place... Quand, deux ans après, la mode vint de renoncer au sacerdoce, il abdiqua les honneurs de la mitre avec le même sang-froid qu'il les avait acceptés. Du reste, il est honnête ; ses mœurs sont pures ; il a un caractère ferme, et les événements ont peu de prise sur lui[18].

 

Dans cette revue des causes qui poussèrent la Vendée à des folies sanglantes, il importe de tenir compte des contre-poids, et, notamment, des dispositions de la bourgeoisie. Imbu de la philosophie du dix-huitième siècle, le bourgeois, en Vendée comme ailleurs, détestait le prêtre et s'applaudissait d'être devenu l'égal du noble. La revendication des droits de la raison humaine, la liberté de penser et d'écrire, l'égalité devant la loi, l'admissibilité de tous aux emplois publics, le désarmement de la tyrannie féodale, l'immolation des titres à l'industrie, constituaient autant de conquêtes que le bourgeois vantait avec un patriotique orgueil, sur lesquelles il n'entendait pas qu'on revînt ; et, dans ces limites, il était très-franchement révolutionnaire[19]. Mais, tant qu'une iniquité resterait à détruire, y avait-il chance que le mouvement s'arrêtât ? et jusqu'où irait-il, dès que le peuple se serait mis à réclamer sa part de la victoire commune ? A cet égard, la bourgeoisie conçut des inquiétudes qui préparèrent mainte désertion : témoin celle de Pichard du Page.

Cet homme, en qui des formes séduisantes n'étaient que le relief d'un esprit éclairé, avait été des plus prompts à embrasser, en 1789, la foi nouvelle ; non celle que devait professer Robespierre, mais celle dont se contenta l'intelligence timide de Necker. Pichard du Page, au moment de la Révolution, comptait au nombre des anoblis, revêtu qu'il était d'une charge de secrétaire du roi ; il y avait donc générosité de sa part à vouloir la chute des distinctions honorifiques. Mais la Constitution anglaise, avec sa pondération des pouvoirs et ce respect de la loi sous lequel il semble qu'elle abrite la liberté... le procureur-syndic de la Vendée, en 1789, ne demandait pas davantage. Vouloir plus lui paraissait un danger ; et l'essor prodigieux que prenait la Révolution l'ayant ébloui d'abord, puis étonné, et enfin glacé d'effroi, il se compromit par des mesures d'un caractère équivoque. Pour comble de malheur, une femme aimable et spirituelle, madame Grimouard de Saint-Laurent, réussit, en s'emparant de son cœur, à changer insensiblement la direction de ses pensées. Bien souvent, l'hésitation ressemble au repentir ; et où les passions sont surexcitées, le repentir ressemble toujours un peu à la trahison : Pichard du Page, que le peuple avait porté en triomphe, en vint à lire son nom sur la liste des suspects ; et, le 9 floréal an II, sa tête tombait dans le panier fatal qui, ce jour-là même, reçut celles de la Tour du Pin, de l'amiral d'Estaing et du duc de Villeroy ! Eh bien, voilà, dans l'histoire d'un seul homme, l'histoire d'une portion de la bourgeoisie pendant la Révolution ; et comment se défendre d'un sentiment de mélancolie profonde, quand on rapproche les deux extrémités d'une semblable carrière[20] ?

Mais il est juste aussi de reconnaître que la Révolution avait sur les bras trop d'ennemis, et des ennemis trop implacables pour ne pas exiger de ses serviteurs une fidélité sans réserve. Dans la Vendée surtout, dans la fanatique Vendée, ne fallait-il-pas, pour la contenir, des convictions vaillantes, et des mains fortes qui, soit qu'elles prissent une plume ou une épée, ne tremblassent jamais ?

Ce fut un autre des fléaux de cette contrée brûlante que la composition hétérogène des administrations. A côté de patriotes désintéressés et fermes, il s'y glissa nombre de gens de loi pleins des préjugés de la robe, des procureurs avides, des robins qui regrettaient leurs épices supprimées, de gros marchands que la stagnation du commerce irritait. Plusieurs se laissèrent aller à entretenir avec des femmes de gentilshommes des relations d'amour où leur patriotisme, doucement enveloppé, s'endormit[21].

Aux torts de l'indifférence s'ajoutèrent ceux du zèle ignorant. D'inutiles violences aigrirent l'habitant des chaumières. La rivalité naturelle des campagnes et des villes fut enflammée par mainte fausse mesure. Dans un rapport officiel daté du commencement de 1793, on trouve, rangées parmi les causes de la fermentation générale, les insupportables lenteurs de la justice administrative, les injustices de la régie nationale à l'égard des fermiers et régisseurs de biens d'émigrés, la tyrannie des receveurs courant les campagnes et disant : Parbleu ! vous payerez, et si les huissiers manquent, nous viendrons vous exécuter nous-mêmes[22].

Ainsi, tout poussait à la guerre civile ; et elle s'annonça, avant d'éclater, par une foule de révoltes partielles, ayant pour objet, tantôt l'abolition des droits d'octroi, tantôt l'éloignement d'un prêtre constitutionnel, et se liant presque toujours aux intrigues de quelques instigateurs cachés. Les communes de Bressuire, de Maulévrier, de Clisson, de Vieillevigne, de Saint-Christophe de Ligneron, de Montoir, furent tour à tour le théâtre de ces troubles, dans l'intervalle qui sépare le mois de décembre 1790[23], du mois de juin 1791, époque à laquelle eut lieu, de la part des nobles, la première tentative d'insurrection générale.

A la tête du complot était Robert de Lezardière, homme de mérite, fort instruit et ami particulier de Malesherbes.

Dès la fin de 1790, un bruit vague avait couru que Robert de Lezardière entretenait avec quelques meneurs de Paris une correspondance factieuse ; que le signal d'un vaste soulèvement devait être donné à Châtillon-sur-Sèvres, et que là les bandes des évêchés de Luçon et de la Rochelle devaient venir rejoindre, à un jour fixé, les nobles du Haut-Poitou. Ces rumeurs parvinrent aux oreilles de Pichard du Page, qui n'en tint compte ; et la conspiration se développa si bien, que, du 20 au 27 juin 1791, le château de la Proutière, près Talmont, devint le rendez-vous de toute la noblesse du pays et d'une centaine de valets ou gardes-chasse, choisis pour accompagner leurs maîtres dans l'expédition de Châtillon. On sut, plus tard, par l'interrogatoire du cuisinier de la Proutière, qu'il y avait projet de s'emparer des Sables d'Olonne, ce que prouvait, du reste, la présence, en vue de cette ville, de quatre bâtiments étrangers, chargés d'hommes. Heureusement, la vigilance des administrations des côtes écarta le péril.

D'autre part, les autorités du district des Sables furent prévenues à temps. Des gardes nationaux accourent en toute hâte ; le château évacué précipitamment est livré aux flammes, et on arrête dans leur fuite un grand nombre de conjurés, qui sont conduits d'abord à Montaigu, puis aux Sables. Survint le décret d'amnistie, qui, en les sauvant, leur fut une occasion de triomphe, parce qu'aux Sables, le prêtre dominait. A leur sortie de prison, Lezardière et ses fils furent escortés chez madame la chevalière de Vaugirard, où les attendait un banquet splendide, par trente soldats, qui marchaient deux à deux, tenant chacun sous le bras une dame noble[24]. L'étalage de cette insultante joie et l'impunité s'entourant de la pompe d'une victoire ne pouvaient qu'indigner profondément les patriotes : de sorte qu'au lieu de calmer les haines, l'amnistie les envenima.

Arrivèrent sur ces entrefaites deux commissaires que le pouvoir central envoyait. L'un était-Gensonné, si célèbre depuis, et l'autre Gallois, traducteur de Filangieri. Ils se mirent aussitôt à parcourir le pays, accompagnés de Dumouriez, qui y commandait alors. Mais comme ils étaient munis de pouvoirs insuffisants et que le mal d'ailleurs avait déjà poussé de trop profondes racines, ils le virent, le constatèrent et ne le guérirent pas. Un de leurs premiers actes avait été de faire fermer les églises non paroissiales, en laissant aux religieuses toute liberté d'introduire leur aumônier dans l'enceinte de leurs maisons pour y dire la messe, à la condition de ne la point sonner : eh bien, cette mesure, commentée par les prêtres, passa pour un prodige de persécution ; et l'on eut l'humiliant spectacle d'une foule de femmes qui chaque jour couraient inonder les cours des couvents, où elles restaient à genoux des heures entières un chapelet à la main[25].

Quant à Dumouriez, il s'occupait beaucoup moins de parer au fléau, que de chercher dans le ciel l'étoile des d'Orléans, et de soigner sa fortune en ouvrant à quiconque paraissait pouvoir la servir des perspectives attirantes. On lit dans les Mémoires inédits de Mercier du Rocher : Quand Dumouriez fut nommé lieutenant général des armées du roi, il me parla de sa promotion d'un air enthousiaste, et me dit en me tâtant les côtes : Je ne vous perdrai pas de vue, mon petit luron[26]. Ce n'est pas que ce soldat sceptique se piquât à l'égard des religieuses de Saint-Laurent et des missionnaires, d'un sentiment bien tendre : non certes, et même il parlait assez cavalièrement de les chasser. Mais cela ne l'empêchait pas de frayer avec tout prêtre bon vivant ; et, sans trop s'embarrasser de soins patriotiques, il cultivait sa popularité auprès du beau sexe, dansait des farandoles avec les femmes du peuple, nouait des intrigues d'amour presque sous les yeux de la jeune et jolie madame de Beauvert, sa maîtresse en titre, et donnait dans sa maison Denfer du Clouzy des dîners joyeux, où il racontait ses aventures et traitait l'Assemblée constituante de vieille. courtisane hors de service, pendant que son fameux valet de chambre Baptiste, le prétendu futur vainqueur de Jemmapes, versait à boire aux convives enchantés[27].

De la fin de juin 1791 jusqu'à la fin d'août 1792, il n'y eut pas moins de neuf tentatives insurrectionnelles, soit dans le département de la Loire-Inférieure, soit dans celui de la Vendée[28]. La dernière eut lieu aux environs de Bressuire, parmi de pauvres paysans que Mauroy et de la Rochejacquelein ameutèrent au moyen de leurs domestiques.

Baudry d'Asson, qui habitait non loin de la Forêt-sur-Sèvres, Delonche, maire de Bressuire, et leurs valets, tels étaient les chefs ostensibles du mouvement. Cette nouvelle mit Fontenay en émoi. Sans perdre un instant, l'administration du département de la Vendée se met en communication avec celle des Deux-Sèvres. Il y avait à Chantonnay un bataillon de Nantes en route pour le Midi : Mercier du Rocher reçoit mission d'aller le requérir et de le mener à Bressuire ; on lui adjoint Bourdin, un de ses collègues ; et les voilà partis en poste, à sept heures du soir[29]. La nuit était si obscure, qu'ils faillirent tomber dans la rivière qui coule sous le pont de Charon. Après avoir échappé à ce péril, et traversé des bandes de prêtres qui, pour éviter la réclusion qu'ils avaient encourue, fuyaient à travers champs, les deux commissaires arrivèrent à Chantonnay vers une heure du matin. Ils y trouvent le bataillon nantais, en détachent deux cent cinquante hommes et prennent la route de Bressuire. Ils en approchaient, quand, tout à coup, ils aperçurent la terre jonchée d'armes, de bonnets et de sabots. Ils avancent, et le champ qui conduit au pont de Cornet leur apparaît couvert de cadavres épars çà et là. Ils étaient nus. Ce spectacle m'émut vivement, écrit Mercier du Rocher[30]. Voilà donc, m'écriai-je, la guerre civile ! Je remarquai parmi les morts un enfant de douze à treize ans. Je fis compter les cadavres, il y en avait cent environ. On reconnaissait, aux mains fines et blanches de quelques-uns, qu'ils n'étaient pas de simples cultivateurs.

Ce carnage provenait d'un combat qui s'était livré la veille entre les gardes nationaux des Deux-Sèvres et les rebelles, combat qui avait été fatal aux derniers. Les deux commissaires de Fontenay furent reçus à Bressuire avec de grandes acclamations de joie, et ils y apprirent que cette ville avait été assiégée pendant trois jours ; que les habitants avaient fait plusieurs sorties, presque toutes couronnées de succès, mais qu'ils n'auraient pu résister longtemps, sans les renforts que leur avaient de toutes parts envoyés les villes circonvoisines[31].

Rien ne donne une idée plus exacte de l'état de la Vendée que cet épisode préliminaire. On y trouve presque tous les traits qui allaient caractériser cette guerre lamentable : habileté des nobles à se tenir sur le dernier plan, initiative prise par les valets de seigneurs, obligation pour les autorités locales de s'appuyer réciproquement, franc-maçonnerie des villes opposée au soulèvement des campagnes, ardeur des gardes nationaux, — médecins, avocats, hommes de lettres, marchands, — à suppléer, contre des paysans en délire, à l'absence des troupes de ligne ; enfin, bravoure et acharnement des deux partis.

Cependant, la situation devenait de plus en plus menaçante. Le fanatisme courait, comme une flamme subtile, de village en village. Même dans certains centres, où l'on se serait attendu à rencontrer la Révolution en force, les patriotes se comptaient avec inquiétude. Il s'était établi à Fontenay, par exemple, une société populaire, sous la présidence d'un nommé Laparra, tapissier de Bordeaux, ami de Roland ; et cette société comprenait à peine vingt membres[32]. Le maire de la ville, Biaille-Germon, était si ouvertement hostile aux progrès de la Révolution, que, lorsqu'il eut à annoncer aux habitants que la République avait été proclamée à Paris, il s'acquitta de ce devoir avec une mauvaise humeur qui fut un scandale public[33].

Au point de vue de la défense militaire, la situation n'était pas plus rassurante. Les forces régulières, en Vendée, étaient presque nulles. Il est bien vrai que, grâce au zèle prévoyant d'administrateurs tels que Mercier du Rocher et Pierre-Jean Fillon[34], on avait formé des gardes nationales permanentes, soldées sur les sous additionnels, et même des compagnies de canonniers ; mais outre que les instructeurs manquaient, une semblable ressource risquait fort d'être insuffisante, s'il advenait que le pouvoir central eût à employer contre la ligue de ses ennemis extérieurs jusqu'à son dernier écu et son dernier soldat.

A ces difficultés s'ajoutait la mauvaise volonté de certains généraux. Verteuil, commandant de la 12e division, ne s'occupait nullement de la défense des côtes. Batteries, poudrières, corps de garde, tout accusait une négligence coupable. Le Directoire de la Vendée se plaignit, et la réponse de Verteuil fut qu'il fallait s'adresser à Mercier l'Epinay, son directeur d'artillerie à l'île de Rhé, comme à l'homme chargé du placement des batteries. Or, on avait intercepté une lettre de la femme de cet officier, dans laquelle elle se réjouissait de la guerre avec l'Angleterre, et exprimait l'espoir que l'année 1793 serait plus heureuse que l'année 1792[35].

Et l'esprit de révolte gagnait de proche en proche ; et déjà, dans l'enceinte d'un vaste périmètre formé : au nord, par la Loire, depuis son embouchure jusqu'à Saumur ; au sud, par la route de Thouars aux Sables ; à l'est, par la rivière de Thoué jusqu'à Thouars ; à l'ouest, par l'Océan, tout le sol se trouvait, pour ainsi dire ; miné. Chaque jour presque, nouvelle alerte. Le bourgeois quittait aussitôt son comptoir ou sa boutique, prenait son fusil et courait au feu.

Le 24 janvier 1793, Biret, procureur-syndic du district des Sables, écrivait à l'administration du département de la Vendée[36] :

Hier, l'annonce du jugement de Louis Capet a été fort mal reçue. Au club des Amis de la Liberté, certains personnages n'ont pas craint de traiter de scélérats les législateurs qui ont condamné Louis à la mort. Ce matin on remarquait sur tous les visages un air sombre et consterné ; des groupes de marins se promenaient sur les quais avec beaucoup d'agitation, et de temps en temps il leur échappait des gestes pleins de menaces. Dans les campagnes, le jugement fera une impression plus mauvaise encore. Il faut veiller.

 

Dès ce moment, en effet, les menées des prêtres et des nobles redoublèrent non-seulement d'activité, mais de puissance. C'est à cette époque que du fond de l'Espagne, où il s'était retiré, M. de Coucy lança la fameuse lettre pastorale qui prêchait la haine des intrus et la résistance jusqu'à la mort. Les correspondances factieuses, venues de l'étranger, se multiplièrent. Ordinairement apportées par des navires, elles étaient adressées à d'obscurs habitants de Nantes ou d'autres ports, et ceux-ci les faisaient passer à des dévotes, dont le rôle était de les transmettre à ceux qui avaient charge de les colporter[37]. Bientôt, à cette propagande occulte, on put faire succéder un apostolat violent. Les prêtres réfractaires sortaient de leurs retraites, assemblaient les cultivateurs, et tantôt bénissant leur courage, tantôt leur chantant des cantiques ou leur expliquant des passages de l'Écriture choisis avec un art funeste, les poussaient à ce fanatisme dont l'un d'eux donna une preuve si frappante, lorsque, sommé par un gendarme de se rendre, il répondit : Et toi, rends-moi mon Dieu ![38] De leur côté, les domestiques des émigrés couraient la campagne un chapelet à la main, annonçant la prochaine arrivée de leurs maîtres, parlant de l'imminente apparition des Anglais sur les côtes, et ameutant les populations par les sacristains de paroisse et par les femmes[39]. Inutile d'ajouter que derrière ce mouvement étaient, en compagnie du haut clergé, les nobles de la province. Seulement, ils attendaient, pour se montrer au grand jour, que l'insurrection fût tout à fait mûre et se généralisât. Jusque là, ils se contentaient de parader en public vêtus comme le paysan et portant à la boutonnière une image qui représentait le cœur de Jésus[40].

Parut, sur ces entrefaites, le décret qui prescrivait une levée de trois cent mille hommes ; c'était une étincelle tombant sur une immense traînée de poudre : tout s'embrasa. Quoi ! cette république réprouvée de Dieu — le curé l'a dit, — elle nous demande d'aller mourir pour la France ! La France est ici, dans nos fermes. Quitter nos enfants et nos femmes, quitter nos bœufs ! jamais ! Ainsi répondirent à la patrie saignante ces pauvres paysans égarés ; et quelque héroïsme qu'ils aient déployé dans la lutte, le sentiment égoïste qui se fit jour à travers leurs fureurs, en marque l'explosion générale d'une tache absolument indélébile. Depuis la mort de Louis XVI, un mot très répandu parmi eux était : Puisqu'il n'y a plus de roi, nous ne devons plus payer d'impôts[41]. Quand l'impôt que la patrie leur demanda fut celui du sang, le tocsin fut sonné, le même jour, dans plus de six cents villages[42].

Pour comble de malheur, elle éclatait, cette horrible guerre civile, dans un pays qu'on eût dit créé tout exprès parla nature pour lui servir de théâtre. Un général républicain, de qui l'on a pu écrire qu'il parcourut cette contrée à la lueur des incendies[43], en a laissé une description que nous ne saurions mieux faire que de reproduire :

Le Marais est cette partie du Bas-Poitou qui touche à la mer. C'est un pays plat et très-découvert, dont les issues sont impraticables durant l'hiver, et très-difficiles pendant les autres saisons. Il est coupé sur tous les points de sa circonférence par des canaux ou marais salants, espèce de fortification naturelle, qui en rend l'attaque très-dangereuse, et par conséquent favorable à la défense... Les canaux ont communément de trente à quarante pieds de large de l'extrémité supérieure d'une rive à l'autre. Le rebelle, portant son fusil en bandoulière, s'appuie sur une longue perche, et saute de l'un à l'autre bord avec une facilité surprenante. Si la présence de son ennemi ne lui permet pas de faire cet exercice sans s'exposer au coup de fusil, il se jette dans sa miole, bateau très-plat et très-léger, et parcourt avec une extrême rapidité le canal, toujours assez encaissé pour le dérober à la vue de ceux qui le poursuivent. Bientôt, il reparaît, vous lâche un coup de fusil et disparaît à l'instant... Le Bocage et le Loroux forment le pays qu'on doit appeler Vendée, puisque c'est celui où la guerre a été la plus vive. La localité du Bocage contraste parfaitement avec celle du Marais. Le Bocage — il en est de même du Loroux, un peu moins couvert cependant que le Bocage dans la partie voisine du rivage de la Loire, — est un pays très-coupé, quoiqu'il n'y ait pas de grandes rivières ; très-inégal, quoiqu'il n'y ait pas de montagnes, et très-couvert, quoiqu'il y ait peu de forêts. Il est très-inégal et très-coupé, parce qu'il a beaucoup de collines, de vallons, de ravins, de petites rivières presque toujours guéables, de ruisseaux que l'on passe à pied sec, mais que les moindres pluies transforment en torrents. Il est très-coupé, parce que toutes les propriétés y sont divisées en petits clos ou champs environnés de fossés. Il est très-couvert, parce que ces champs sont entourés de fortes haies plantées sur la crête des fossés, quelquefois d'arbres disposés de telle sorte qu'ils font l'effet de palissades autour d'un ouvrage de fortification. Ce qui contribue à rendre ce pays très-couvert, c'est que la terre y étant très-grasse et très-fertile, les bruyères, les landes, les épines, les genêts, et généralement toutes ces productions spontanées et parasites, y sont d'une force, d'une grandeur démesurées. Les chemins sont affreux. Ils n'ont que la largeur des charrettes du pays. Les convois ont de la peine à faire trois lieues dans toute une journée. Comment conduire une colonne à travers une contrée qui refuse tout à l'attaque et présente tant de ressources à la défense ?... Comment improviser un ordre de bataille... lorsque les ondulations du terrain, les haies, les arbres, les buissons qui en obstruent la superficie, ne vous permettent pas de voir à cinquante pas autour de vous ?[44]

 

Pour donner à la guerre une durée formidable, il suffisait que les Vendéens sussent adapter à la configuration de leur pays leur manière de combattre ; et c'est, nous le verrons, ce qu'ils ne firent que trop bien.

Le 10 mars, jour de la levée extraordinaire, l'insurrection éclata sur plusieurs points à la fois.

Dans l'Anjou, trois mille hommes du district de Saint-Florent s'étaient rassemblés : ils courent au chef-lieu demander avec menaces l'exemption de la milice. Une poignée de républicains marche à leur rencontre ; la gendarmerie arrive ; on fait avancer une pièce de canon. Mais, loin de s'effrayer, les paysans s'élancent sur la pièce, s'en emparent, la tournent contre les républicains, les mettent en fuite. L'administration du district fut envahie ; de ces papiers maudits les vainqueurs firent un feu de joie, et se partageant les assignats qui leur tombèrent sous la main, passèrent la journée en réjouissances[45].

Non loin de là, dans le village du Pin-en-Mauge, vivait un brave homme d'une quarantaine d'années environ, à la physionomie ouverte, aux épaules carrées, aussi brave que robuste. D'abord ouvrier en laines, puis colporteur, il soutenait par un travail actif une famille de cinq enfants ; ses voisins l'estimaient fort[46] ; de plus, il était acquis aux prêtres et sacristain de sa paroisse[47]. Il se nommait Cathelineau. Lorsqu'on lui vint conter l'affaire de Saint-Florent, il était à pétrir le pain de son ménage. Aussitôt le voilà qui essuie ses bras, met un habit, rassemble ses compères, et les mène droit à Jallais, où était un poste républicain. Le tocsin sonnait de toutes parts, et la petite troupe partie du Pin-en-Mauge n'avait cessé de se grossir, chemin faisant. Le poste est enlevé. On prit une pièce de canon, que les paysans ravis baptisèrent gaiement le Missionnaire[48].

Ce premier succès en promettait d'autres. Le 14, Cathelineau se rend maître du village de Chemillé que défendaient deux cents républicains ; et, le 15, sachant que la ville de Chollet n'avait qu'une garnison insuffisante, soutenu d'ailleurs par de nouvelles bandes, celle de Foret, le héros de Saint-Florent, celle de Stofflet, garde-chasse de M. Maulevrier, il pousse hardiment devant lui. Beaucoup de paysans étaient en sabots, et portaient, au lieu de fusils, des fourches de fer, des faux à l'envers, des bâtons, même des broches[49] ; mais plusieurs d'entre eux étaient d'adroits chasseurs, et dans leurs rangs figuraient de lestes contrebandiers. Les patriotes sortirent des portes au nombre de cinq cents ; mais, après un vif combat, ils furent rejetés dans la ville, où les paysans, qui les serraient de près, entrèrent avec eux pêle-mêle. L'insurrection y trouva des munitions, des armes, du canon, et la Marie-Jeanne fut donnée pour compagne au Missionnaire[50].

Là se borna la première campagne des Vendéens dans l'Anjou. Le temps de Pâques approchait : ils retournèrent chez eux, comptant bientôt recommencer[51].

Mais, pendant ce temps, le feu avait pris dans le Marais.

Dès le 10, les paysans des environs de Machecoul avaient envahi cette ville, où ils inaugurèrent leur triomphe par le massacre[52]. Pour mieux régulariser les égorgements, et de peur qu'il n'échappât une victime, on institua un comité, à la tête duquel figura tout d'abord un homme qu'il faut connaître.

Parmi les pièces originales qui se rapportent à la guerre de Vendée, il en est une dont voici la teneur :

1° J'irai tous les soirs prendre l'ordre de M. de Briord et convenir avec lui des ouvrages du lendemain. 2° Je me lèverai quand la cloche sonnera, en observant de la faire sonner à quatre heures en été et un peu avant cinq heures en hiver. 3° J'aurai soin que tous les domestiques se lèvent, et que chacun d'eux aille, les bouviers panser leurs bœufs, les autres leurs chevaux ; que la première servante fasse la soupe et la trempe ; que les deux autres pansent les vaches et les tirent, etc., etc. Je tiendrai les livres, ferai les écrits, les courses, et enfin toutes les choses relatives aux affaires de M. de Briord.

Fait à Briord, le 23 avril 1779.

SOUCHU.

 

Deux ans après, Souchu était procureur fiscal de Briord, sans qu'à l'égard de son maître sa position se fût beaucoup modifiée ; car dans un autre accord passé entre eux à cette époque, on lit[53] : M. Souchu mangera avec moi quand je serai seul ; mais, quand il y aura grande compagnie, il mangera à l'office. Lorsque je n'y serai pas, il se tiendra au feu de l'office ou de la cuisine et mangera à l'office. Ainsi, Souchu, vrai Néron de village, appartenait bien réellement au pays de Retz ; ce n'était pas, comme on l'a tant dit, un étranger amené là, dans un fatal moment, par un hasard fatal ; quand l'insurrection éclata, il vivait depuis longtemps déjà au service de Charette de Briord, oncle du trop fameux Athanase Charette ; et même il avait reçu ordre d'accompagner ce dernier à Paris, dans un voyage qu'y fit, au commencement de 1792, le futur chef vendéen[54]. C'était, du reste, un homme fort supérieur par l'intelligence, et à son patron et à la plupart des nobles de la contrée. Il avait quelque instruction, et lui du moins écrivait correctement sa langue[55].

Son premier soin, à Machecoul, fut d'organiser la vengeance, au moyen d'un comité sanglant qui s'établit sous sa présidence ; après quoi il envoya chercher Charette, qui, amené à Machecoul, y fut salué commandant en chef par la foule, réunie sur la place publique[56].

Le nouveau général avait tout ce qu'il fallait pour servir avec éclat la cause royaliste et la perdre. Soldat agile, intrépide et hardi, d'une décision qui réparait son imprévoyance, affamé de pouvoir, d'indépendance encore .plus, aussi incapable d'accepter des égaux que de subir un maître, avec cela perdu de mœurs comme un homme de cour, et rude comme un homme des bois, tel était Athanase Charette.

Né à Nantes, d'une ancienne famille d'armateurs, lieutenant de vaisseau d'abord, puis chasseur, il s'était abandonné éperdument à une vie pleine de fatigues, de périls et d'imprévu, laquelle, en fortifiant son corps, avait bronzé son âme. Lorsque, sans rien savoir de son repas du jour et de son gîte de la nuit, il s'enfonçait haletant dans la forêt de Machecoul ou dans celle du Princé, qui n'a pas moins de sept lieues de tour, et qu'il passait ses journées à en fouiller les profondeurs, vivant au hasard, couchant chez le premier paysan venu, et quelquefois, ne regagnant sa maison que huit jours après en être sorti[57], il se trouvait faire, à son insu, l'apprentissage du rôle que lui avait réservé le destin ; il s'habituait au seul genre de guerre possible dans un pays où tout n'est que bois, halliers, ravins, immenses champs de genêts, routes impraticables ; il apprenait sur les bêtes fauves la chasse aux hommes.

La vérité est que le héros et le brigand se confondirent si bien en lui, que la ligne de séparation eût été très-difficile à tracer. Au fond, il ne se soucia jamais beaucoup ni du trône ni de l'autel : les défendre, c'était pour lui une aventure. Toutefois il eut, dans les commencements, le scrupule, assez étrange en un pareil être, de revêtir des dehors de piété. La veille d'une affaire, il faisait jeûner ses soldats, leur ordonnait de dire le chapelet, le disait avec eux ; mais l'écrivain royaliste qui nous transmet ces détails est forcé de convenir que cette ferveur dura peu[58]. Elle s'accordait mal, en effet, avec la légèreté de Charette, son goût pour les fêtes, et ses amours, qui furent d'un oiseau de proie. Quoique son front bas, sa bouche plate et son nez au vent ne semblassent guère de nature à séduire les femmes, il y avait dans l'expression de son visage quelque chose de si impudemment audacieux, et dans la conformation de sa tête, bizarre, monstrueuse presque, un caractère de force si marquée[59], qu'il troublait les moins vertueuses et faisait peur aux autres. Il introduisit au sein de son armée des mœurs où la mollesse se mariait à la férocité. Plus d'une fois, les bandes émules de la sienne furent réduites à un état de détresse qui les obligea de recourir à lui ; et leurs députés le trouvaient, tantôt voluptueusement étendu sur un sofa qu'entourait un essaim frivole de jeunes gens et de femmes, tantôt se livrant avec eux à des danses folâtres[60].

Quant à son ignorance, sans être plus grande que celle de la plupart des nobles du pays, elle était extrême. On aura une idée de son orthographe et de son style par le billet suivant, qu'au mois de mai 1795 il adressait à Bulkeley, commandant de la Roche-sur-Yon :

Monsieur, je suis bien fâché de ne pouvoir tenir tout à fait ma promesse ; mais à l'impossible rien n'est tenu. Je suis fâché de ne pouvoir vous anvoyer de la poudre Vous savez sans doute que le camp de la Loué et de la Croix-Morineau ont dû avoir été attaqué par les brigands de Nantes. Je suis avec fraternité, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Le chevalier CHARETTE[61].

 

Par cet autre billet, qu'il adressait à Souchu en mars 1795, on jugera de sa mansuétude :

A. M. Souchu, pour lire au comité central.

Frères et amis, — il empruntait cette formule aux Jacobins, — nous avons pris Pornic. Les brigands de cet endroit s'étant réfugiés dans différentes maisons, je ne trouvai que le feu qui put faire sortir ces coquins de leurs cavernes. Vous me trouverez peut-être sévère, mais vous sçavez comme moi que la nécessité est un devoir, etc.

Le chevalier CHARETTE[62].

 

Voilà quel chef les paysans de Machecoul se donnèrent. Les égorgements avaient commencé quand il arriva, ils continuèrent ; et l'horreur des journées de septembre fut, au nom de Dieu et du roi, dépassée, oui, dépassée ! Du moins, en septembre, l'œuvre de sang s'accomplit sous l'impression de périls prodigieux, dans l'élan d'une ivresse furieuse ; en septembre, l'excès même de cette ivresse n'empêcha pas l'intervention d'un tribunal qui, tout terrible qu'il était, prononça des acquittements nombreux ; en septembre, les arrêts de mort se cachèrent dans des formules trompeuses, pour épargner à la victime jusqu'au dernier moment la poignante certitude de son sort ; en septembre, si on tua, ce fut du moins au milieu d'un silence morne, et la joie ne servit d'accompagnement qu'au triomphe de ceux dont l'innocence avait été reconnue[63]. Ici, rien de semblable, une dévotion imbécile et barbare ayant su inventer des raffinements et s'étant déployée en scènes qui consternent la pensée. Qu'on se figure une large fosse : au bord, des hommes attachés l'un à l'autre et à genoux ; derrière ces malheureux, d'autres hommes les couchant en joue ; à quelques pas de là, des prêtres murmurant leurs prières, et des femmes, d'un air contrit, disant leur chapelet. Tout à coup un signal est fait, les prêtres cessent de prier, les femmes interrompent leur chapelet, les hommes armés font feu, les hommes agenouillés au bord de la fosse y tombent[64]. C'est la fournée d'aujourd'hui ; à demain, la seconde ; la troisième viendra après-demain et ainsi de suite pendant plus de cinq semaines[65], jusqu'à extermination complète de tous les patriotes, ou saisis dans Machecoul, ou ramassés dans les environs. Chaque fournée était de trente. La veille de l'exécution, deux listes étaient formées : la première, de ceux qui devaient être assassinés le lendemain, la seconde de ceux qu'on réservait pour le surlendemain. On instruisait les premiers du coup qui les attendait, et on les faisait passer des mains du confesseur à celles des bourreaux.

Dans le sacrilège langage de ces défenseurs du trône et de l'autel, le massacre s'appelait le chapelet, par allusion à l'espèce de chaîne qu'on formait en liant l'une à l'autre les victimes[66]. Or, on n'avait garde de réciter le chapelet de ceux qui figuraient sur la liste du jour, en l'absence de ceux qui étaient portés sur la liste suivante. Pour donner à ces derniers l'avant-goût de la mort et prolonger leur agonie, on les forçait d'assister au supplice de leurs compagnons, et, pendant toute la nuit qui précédait leur propre supplice, on les laissait seuls avec les spectres enfantés par cet affreux souvenir[67]. Le curé constitutionnel de Machecoul avait, comme prêtre républicain, un titre particulier à la haine des vainqueurs : le soin de le punir ayant été abandonné aux femmes pieuses de l'endroit, elles le mirent en pièces[68].

Joubert, président du district, ne fut égorgé qu'après avoir eu les poings sciés. On enterra des hommes vivants ; et, à la reprise de la ville, écrit Beauchamp, on voyait encore, dans une vaste prairie voisine qui servait de tombeau aux républicains immolés, un bras hors de terre, dont la main, accrochée à une poignée d'herbes, semblait celle d'un spectre qui s'était vainement efforcé de sortir de la fosse[69].

Tels furent les débuts de l'insurrection vendéenne ; d'où le nom de brigands donné aux insurgés.

Il est juste de remarquer, toutefois, que loin d'être imputables à tous les royalistes qui prirent l'épée, ces excès parurent abominables à beaucoup d'entre eux[70]. Il importe, en outre, de distinguer, dans la Vendée militaire, entre le peuple soit du Haut-Poitou, soit de l'Anjou, et celui du pays de Retz et des marais voisins de l'Océan. Au second revient la responsabilité des plus grandes violences ; le premier avait des mœurs douces. Aussi, dans cette contrée, les actes furent-ils moins sauvages et les chefs moins rudes[71]. Mais c'est un des malheurs inhérents aux discordes civiles que cette solidarité dont elles enveloppent tous les membres d'un même parti, solidarité confuse qui amène les sages à répondre de la conduite des fous et donne à expier aux bons les crimes des méchants.

Le surlendemain de la prise de Machecoul, le Directoire du département de la Vendée reçut communication d'une pièce adressée aux administrateurs de la ville de Challans.

C'était une sommation hautaine que résumaient ces mots : Capitulation, ou la mort. Elle était datée du camp de la Garnache[72], et envoyée par un perruquier nommé Gaston, qui, ayant tué un officier et revêtu l'uniforme de sa victime[73], s'était fait chef de bande. Cette bande, comme on en jugera par une proclamation que nous donnons plus loin, était composée d'hommes moins féroces que ceux de Machecoul. Toutefois, elle ne se faisait pas scrupule, après avoir attaché ses prisonniers deux à deux, de les placer de manière à les exposer au feu en se couvrant de leurs corps, aussitôt qu'un détachement de républicains paraissait[74]. Les administrateurs de Challans ne voulurent ni capituler ni mourir. Dès qu'ils surent que Gaston approchait, ils se réfugièrent précipitamment aux Sables.

Maîtres de Challans, les rebelles adressèrent aux autorités fugitives la lettre suivante, où se révèlent, avec une sorte de naïveté officielle, les griefs d'où sortit cette guerre déplorable :

A Challans, le 14 mars 1793.

Aux Administrateurs de Challans, réfugiés aux Sables :

Nos très-chers frères,

Nous vous écrivons les larmes aux yeux et les armes à la main. Nous ne demandons pas la guerre, mais nous ne la craignons pas. Nous sommes ici au moins dix-huit mille hommes assemblés de toutes les paroisses circonvoisines. A chaque minute il en arrive d'autres. Tous sont décidés à mourir pour la victoire. Vous n'ignorez pas tout le désastre qui afflige la ville de Machecoul et beaucoup d'autres ; nous avons l'avantage de ne pas affliger cette ville à ce point... Nous avons intention de faire bonne et solide paix avec vous, si vous voulez nous accorder seulement quelques conditions qui nous paraissent on ne peut plus justes et intéressantes. Nous demandons : 1° La continuation de notre religion catholique, apostolique et romaine, et des prêtres non-conformistes ; 2° qu'il ne soit point procédé au tirement ; 5° suppression de toute patente ; 4° suppression de l'arrêté du département, qui ordonne aux pères des enfants émigrés ou à leurs parents suspectés de se rendre au chef-lieu. Nous souhaitons de cœur et d'esprit que la fraternité, la liberté, l'égalité, subsistent dans toute leur force entre nous, et conséquemment amnistie réciproque. Nous nous soumettons à déposer les armes dans un magasin, afin que ceux sur lesquels elles ont été prises en soient ressaisis. Nous attendons votre réponse, et sommes vos frères.

La garde royale composée à Challans[75].

 

Le premier nom apposé au bas de cette déclaration est André, lequel se qualifie de prisonnier. Suivent quarante-cinq signatures, parmi lesquelles celle d'un médecin nommé Letenneur, et de Doussin, maire de Châteauneuf. Gaston, qu'on ne voit plus reparaître, ne figure pas dans la liste. Il fut tué quelque temps après, dans une affaire qui eut lieu à Saint-Gervais[76].

Rien de plus propre que le document qui précède à caractériser l'insurrection vendéenne. La grande idée de l'unité française était tellement étrangère aux paysans vendéens, qu'ils demandaient l'immédiat et définitif accomplissement de leurs vœux. à qui ? Aux autorités de Challans ; comme s'il eût dépendu des administrateurs d'un pauvre petit district de défaire à leur gré ce que la France entière avait fait. Et, d'un autre côté, comment n'être pas frappé de cette puissance inévitable que portait en elle la Révolution, quand on voit la garde royale composée à Challans adopter la formule révolutionnaire par excellence : Fraternité, liberté, égalité ? Autre preuve des instincts démocratiques qui, chez le paysan vendéen, se marièrent d'une façon si étrange à un sentiment exalté de superstition et de royalisme : dans une proclamation lancée de Remouillé, en date du 19 mars 1795, et dont l'original est sous nos yeux, on lit : Pendant les six premiers jours que nous avons été assemblés, quoique nous ayons été au nombre de plus de vingt mille, il n'y avait pas un seul individu qui ne fût un paysan. Il est unique qu'il ne s'y soit point trouvé un seul bourgeois, un seul noble. C'est une permission de Dieu qui nous a ainsy réunis, comme c'est tous pour le même objet. Venez donc à nous, tous nos frères. Ne nous servons plus de cette expression d'aristocrate, etc., etc.[77].....

De fait, on n'aperçut guère à la tête des rassemblements, les premiers jours, que des domestiques, des régisseurs, des commissionnaires, des fermiers. Les nobles qui, dès le début, parurent en scène, furent Charette, ce bon M. de Sapinaud, dont la gouaille poitevine disait qu'il eut toujours la mauvaise chance d'avoir des chevaux qui reculaient quand il fallait avancer[78], et, enfin, le marquis de Bonchamps.

Les jeunes insurgés de Saint-Florent, presque moins fiers qu'embarrassés de leurs succès, étaient allés en foule chercher ce dernier dans son château de la Baronnière, pour le mettre à leur tête[79], attendu qu'il avait fait la campagne de l'Inde, avait été capitaine de grenadiers sous les ordres du comte de Damas, et passait pour un excellent officier[80]. Il hésita d'abord, finit par se rendre, et partit avec la députation. Mais, comme il se disposait à monter à cheval, les paysans le prièrent d'aller à pied comme eux, exigence qui me parut de mauvais augure, écrit la marquise de Bonchamps[81]. Le souffle de la Révolution avait passé là.

L'élu des insurgés de Saint-Florent ne ressemblait en rien à Charette. C'était un homme aux manières gracieuses, au visage expressif et au langage recherché. Sa chevelure épaisse et frisée et son teint brun étaient d'un soldat ; mais ses lèvres un peu grosses lui donnaient un air de bonté, que ne démentait pas, du reste, son caractère. Plus que qui que ce soit, il dut être fort étonné de se trouver chef de rebelles qu'on appela des brigands ; car un écrivain qui l'a voulu peindre en ami, nous apprend que ses dehors étaient brillants, ses goûts raffinés et fastueux, ses dépenses plus considérables que ses revenus ; qu'il était grand joueur et beau joueur ; qu'il avait de l'esprit, mais faisait abus des calembours. Il le représente aussi passant une partie de ses heures, quand il était officier, à faire manœuvrer sur une table des fantassins et des cavaliers de métal, ou bien, assis en pantalon de soie devant une glace, et occupé à chanter, en s'accompagnant sur la harpe, des airs d'amour et d'héroïsme[82].

Nous avons dit que les insurgés des environs de Saint-Florent, — ceux qui venaient d'enrôler Bonchamps, — étaient rentrés dans leurs foyers après la prise de Chollet, et attendaient que le temps de Pâques fût passé pour se remettre en campagne ; mais la révolte n'avait pas un seul théâtre, elle en avait mille ; de même que le département de Maine-et-Loire, elle avait envahi ceux de la Loire-Inférieure, des Deux-Sèvres, de la Vendée. Il y eut des essais de révolte jusqu'aux environs de Poitiers et de Saint-Maixent.

Heureusement, il advint que la guerre civile rencontra comme barrière la population calviniste des Deux-Sèvres et d'une partie de la Vienne, ainsi que celle des plaines de Niort., de Fontenay et de Luçon, moins fanatiquement catholiques que les pays boisés. A Fontenay, chef-lieu de la Vendée, les domestiques de quelques gentilshommes essayèrent de fomenter une émeute, et eussent réussi peut-être, si Dupuis et Pierre-Jean Fillon, commissaires du département, n'eussent comprimé les troubles naissants en faisant avancer du canon dans l'église Notre-Dame, rendez-vous des rebelles.

Dès le 4 mars, les administrateurs de Fontenay avaient écrit à la Convention une lettre pleine d'alarmes ; mais pendant qu'ils soupiraient après une réponse et des secours qui n'arrivaient pas[83], la révolte, avec la rapidité de la flamme chassée par un vent furieux, avait successivement enveloppé les campagnes de Clisson, de Montaigu, de Mortagne, de Châtillon, de la Châtaigneraye, de Bressuire. Le 14 mars, le Directoire de la Vendée lançait sur la route de Paris de nouveaux courriers[84] ; et, dès le lendemain, la ville de Chantonnay était prise et pillée[85].

Jusqu'à ce moment, Verteuil, commandant de la douzième division militaire, avait paru comme endormi : la nouvelle de l'occupation de Chantonnay le réveilla. Sur son ordre, le général de brigade Marcé rassemble environ douze cents hommes de troupes de ligne et se dirige vers Chantonnay en toute hâte. Arrivé à un endroit nommé Sainte-Hermine, il y est rejoint par divers détachements de gardes nationales, et, entre autres, par un corps de grenadiers et de chasseurs que la ville de Niort s'était empressée de faire partir, avec deux pièces de canon[86]. A la tête de ces forces, c'est-à-dire d'une petite armée de deux mille quatre cents hommes, traînant après elle neuf pièces de campagne, Marcé pousse droit à Chantonnay, que les rebelles abandonnent à son approche, s'avance vers Saint-Fulgent, rencontre un pont de bois coupé par les paysans, le rétablit et le passe. Le 17 mars, les insurgés ayant paru sur les hauteurs des environs de Chantonnay, trois coups de canon les dispersèrent et Marcé continua d'avancer. Le 19, à quatre heures du soir, son armée s'enfonçait dans les chemins creux, fangeux, qui avoisinent le château de l'Oie. Les paysans, cachés dans les bois qui couvrent les collines d'alentour, le laissent s'engager avec son artillerie en des gorges où elle devenait inutile ; puis, soudain, ils poussent de grands cris, étendent leurs lignes en forme de croissant — ce qu'en termes du pays, ils appelaient s'égailler, — et font un feu terrible sur des colonnes qui ne peuvent ni se déployer ni se défendre. Tout coup portait, aucun pays du monde n'ayant jamais produit de tireurs comparables au chasseur du Loroux et au braconnier du Bocage[87]. La nuit survint et ajouta au désordre. Les ténèbres qui allaient s'épaississant, les clameurs des rebelles grossies par les échos, leur dispersion qui semblait multiplier leur nombre, sèment l'épouvante parmi les soldats de Marcé. Ils se débandent, jettent leurs sacs et leurs fusils pour fuir d'un pas plus rapide et arrivent pêle-mêle à Sainte-Hermine, où ils répandent l'effroi. Là étaient trois représentants du peuple alors en mission dans la Vendée.

Une délibération tumultueuse est ouverte ; mais la panique centuplant le péril, on croit voir à chaque instant paraître les vainqueurs, on croit entendre leurs hurlements, et le mouvement de fuite recommence pour ne plus s'arrêter qu'à la Rochelle. C'était abandonner vingt lieues de terrain, laisser à la merci des rebelles Fontenay, Luçon, Niort, toutes les subsistances de la Plaine et du Marais. Mais ce qu'il y eut de singulier dans cette affaire, c'est que la terreur sembla s'être emparée également des deux partis ; car, huit jours après, on retrouvait sur la route de Chantonnay armes et bagages que l'ennemi n'avait pas osé venir ramasser[88].

Les soldats, soupçonnant leur général de trahison, demandèrent qu'il fût remplacé par le colonel Boulard, qui avait déployé beaucoup de décision et de vigueur. Marcé fut effectivement destitué et, peu de temps après, sur un décret de la Convention, renvoyé devant une cour martiale[89].

Mais ce qu'il fallait, c'était, avant tout, des mesures de salut : le Département de la Vendée se hâta de députer à Paris Mercier du Rocher et Pervinquière[90], qui partirent à l'instant même. Léonard Bourdon, représentant du peuple, venait d'être assailli, à Orléans, par une bande d'assassins : Mercier du Rocher et Pervinquière l'allèrent voir, en traversant la ville, et le trouvèrent étendu dans son lit, blessé, ayant à son chevet deux de ses collègues, Laplanche et Collot-d'Herbois.

Le 23 mars, les envoyés du Directoire vendéen entrèrent à Paris ; et Mercier du Rocher fait remarquer, dans le récit qu'il a laissé de cette mission, qu'on ne leur demanda pas leurs passeports, quoiqu'ils eussent une superbe voiture d'émigré, que précédait un courrier chargé de préparer les relais[91]. Ils se présentèrent, le jour même de leur arrivée, à la barre de la Convention, qui, après avoir écouté attentivement leur rapport[92], les admit aux honneurs de la séance, et décréta qu'ils se rendraient au Comité de sûreté générale.

Là étaient réunis, sous la présidence de Pétion, des membres appartenant aux deux partis alors en lutte. Marat et Santerre, par exemple, y figuraient à côté de Barère, de Gensonné, de Vergniaud, de Barbaroux ; mais les Girondins y dominaient. L'attitude de ces derniers, quand on leur déroula le tableau des malheurs de la Vendée, frappa les deux commissaires d'un étonnement douloureux. Cette attitude était celle de l'indifférence, de la malveillance presque. Pétion, écrit Mercier du Rocher[93], était d'une froideur qui ne peut s'exprimer. Santerre prit, au contraire, à la situation l'intérêt le plus vif, et proposa que, sur-le-champ, on fît partir pour la Vendée, dans toutes les voitures qu'on pourrait se procurer, vingt mille hommes de la garde nationale de Paris. Marat appuya cette proposition avec beaucoup de chaleur ; mais voyant qu'on ne s'inquiétait même pas de la mettre aux voix : Eh quoi ! s'écria-t-il, est-ce que le temps n'est pas venu de songer que le salut public est la suprême loi, et d'armer tous les bons citoyens ? A ces mots, tirant un poignard de dessous sa roupe : Tenez, dit-il, voilà le modèle de l'arme que je vous propose. Barère répondit : Nous ne sommes pas ici pour nous occuper de la forme des poignards. — De quel parti es-tu donc ?Du parti de la République, et je ne sais si Marat en est bien. — Qui, toi, Barère, un républicain ! Le débat s'enflammait : on intervint ; et la séance se termina sans qu'aucune résolution définitive eût été prise[94].

Dans le Conseil exécutif, Pervinquière et Mercier du Rocher trouvèrent des dispositions plus favorables. Beurnonville leur déclara que, s'il n'était pas malade, il s'empresserait de marcher lui-même en personne contre les rebelles ; Monge, surtout, leur parut animé des meilleures intentions. Une somme de trois cent mille francs fut mise à leur disposition, pour fournir aux dépenses extraordinaires du département de la Vendée ; on délivra pareille somme à Morisset, commissaire du département des Deux-Sèvres ; et il fut arrêté que le général Berruyer se porterait à Fontenay avec quinze mille hommes et quinze pièces de canon, tandis que La Bourdonnaye irait occuper Rennes, et Dayat-Beaufranchet la rive droite de la Loire.

Ce plan qui, du reste, ne tarda pas à être dérangé en partie, était de nature à rassurer les commissaires : ils reprirent la route de leur pays, plus tranquilles, mais s'interrogeant, non sans quelque émotion, sur les motifs de l'indifférence qu'ils avaient remarquée chez les Girondins.

Était-il supposable qu'une insurrection royaliste ne remuât aucune fibre dans des cœurs aussi loyalement républicains que ceux de Barbaroux, de Pétion, de Vergniaud ? Et d'ailleurs, quelle force pouvait leur prêter, dans leur lutte contre la Montagne, une révolte dont l'inévitable résultat devait être de surexciter les passions révolutionnaires et de les pousser aux extrêmes ? Peut-être n'attachèrent-ils pas, d'abord, au soulèvement de la Vendée, beaucoup d'importance, absorbés qu'ils étaient par la préoccupation d'embarras plus directs et de périls plus voisins. Ce que je puis assurer, raconte Mercier du Rocher, c'est qu'à ma visite d'adieu chez Beurnonville, je rencontrai Brissot fort occupé à écrire. Je voulus lui montrer sur une carte de France l'étendue du pays qu'occupaient les brigands. Il ne détourna pas la tête ![95]

 

 

 



[1] Il nous a été donné d'avoir sous la main, pour tracer le tableau de la guerre de la Vendée, un inestimable trésor de documents officiels et de pièces originales, composant quatre énormes dossiers.

Extraits d'archives locales, procès-verbaux, rapports écrits au moment même où les événements qu'ils relataient venaient de se passer, lettres autographes des divers chefs vendéens ou des administrateurs de la Vendée, certificats, passeports, affiches, placards, en un mot tout ce qui constitue les vraies sources où l'historien doit puiser, quand il le peut ; voilà ce qu'a bien voulu mettre à notre disposition, comme on en jugera, M. Benjamin Fillon (de Fontenay), bibliographe distingué, auteur de plusieurs ouvrages remarquables, et issu d'une famille qui, en Vendée, a payé généreusement de son sang son culte pour la liberté.

Aux documents dont nous lui sommes redevables, M. Benjamin Fillon a joint des notes de lui de la plus grande valeur, et les Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher, que la position officielle par lui occupée, ses lumières, sa probité, et un patriotisme que la modération ne déserta jamais, rendent un guide sûr pour l'investigateur des choses du temps.

De nouveaux et précieux renseignements, que nous attendons de M. Dugast Matifeux, compléteront nos richesses ; mais déjà nous sommes en mesure d'affirmer que la grande révolte vendéenne apparaîtra dans ce livre sous un jour entièrement neuf, car il est à noter que jusqu'ici cette révolte n'a guère été racontée que par ses auteurs, ou des écrivains qui, tels que M. Crétineau-Joly, les ont suivis pas à pas dans un intérêt de parti. M. Michelet a jeté sur ce sujet les lueurs de son pénétrant génie, mais voilà tout.

Quant à MM. de Lamartine, Thiers, etc. il n'y a vraiment pas ici à en parler.

[2] Voyez les Guerres de la Vendée, de Bonchamps, citées par les auteurs de l'Histoire parlementaire, t, XXV, p. 191 et suiv.

[3] Latouche, après ses révélations, eut charge de continuer le rôle qui pouvait servir à les compléter.

[4] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 191 et suiv.

[5] Les insurgés se portèrent à des actes d'une férocité inouïe. Histoire parlementaire, t XXV, p. 191 et suiv.

[6] Voyez le Tableau des émigrés du Poitou, aux armées des princes et de Condé, par Beauchet-Filleau. — Je n'ai pas cette brochure sous les yeux ; mais elle m'est signalée par M. Fillon, qui l'a lue, et auquel je dois plusieurs des traits dont cette appréciation se compose.

[7] Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher, p. 11.

[8] Nous aurons occasion d'en citer maint exemple.

[9] Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher, p. 11.

[10] Le fait eut lieu à Châtillon-sur-Sèvres, et Mercier du Rocher le raconte avec détails dans ses Mémoires inédits, p. 17.

[11] Une scène de ce genre se passa dans un champ près Châtillon-sur-Sèvres ; les Mémoires inédits de Mercier du Rocher en contiennent la description, p. 17.

[12] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 16. — Il ne faut pas oublier que ces détails reposent sur l'autorité d'un esprit grave, d'un honnête homme, qui a exercé d'importantes fonctions dans le pays dont il parle, et ne raconte que des choses dont il a été témoin.

[13] M. Michelet, dans son beau livre : Le Prêtre et la Famille.

[14] Voyez Notices sur quelques généraux vendéens, à la suite des Mémoires de madame de Sapinaud.

[15] Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher, p. 8.

[16] Mercier du Rocher, dans ses Mémoires inédits, rapporte ce mot comme lui ayant été dit à lui-même par l'abbé Maury.

[17] On peut voir à ce sujet, bien que la forme en soit très-mitigée, le rapport qu'adressèrent à la Législative Gallois et Gensonné. Nous l'avons déjà cité.

[18] Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher.

[19] Lettre de Biret, procureur-syndic du district des Sables, à l'administration du département de la Vendée, sur la situation du district au commencement de 1793.

[20] Mercier du Rocher, dans ses Mémoires inédits, juge Pichard du Page avec une sévérité dont les obligeantes communications de M. Benjamin Fillon nous ont permis de rectifier l'excès.

[21] Les Mémoires inédits de Mercier du Rocher prouvent que le directoire de la Vendée contenait beaucoup de gens de cette espèce.

[22] Lettre de Biret, procureur-syndic du district des Sables, à l'administration du département de la Vendée.

[23] Notes communiquées par M. Benjamin Fillon.

[24] Extrait d'une lettre d'un vicaire des Sables.

[25] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 27.

[26] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 44.

[27] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 33.

[28] Notes communiquées par M. Benjamin Fillon.

[29] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 64.

[30] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 68.

[31] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 69.

[32] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 49.

[33] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 79-81.

[34] Le grand-père de celui à qui nous devons la communication des documents précieux dont nous faisons usage.

[35] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 99.

[36] Cette lettre se trouve parmi les documents que M. Benjamin Fillon a bien voulu nous communiquer.

[37] Notes fournies par M. Benjamin Fillon.

[38] Nous avons déjà eu occasion de citer ce mot dans un précédent volume.

[39] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 116.

[40] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 117.

[41] Ceci avoué par un royaliste. Voyez le Journal de Guerry, p. 19 des Pièces contre-révolutionnaires, publiées par M. Benjamin Fillon.

[42] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 199.

[43] Notice sur le général Turreau, en tète de ses Mémoires.

[44] Mémoires du général Turreau, liv. I, p. 15, 16, 20-25.

[45] Mémoires de madame de Larochejaquelein, chap. IV, p. 46 et 47.

[46] Mémoires de madame de Larochejaquelein, chap. IV, p. 47.

[47] Notes communiquées par M. Benjamin Fillon.

[48] Mémoires de madame de Larochejaquelein, p. 47 et 48.

[49] Voyez, sur la manière dont les paysans étaient armés au début de la guerre, le Journal de Guerry, p. 28 des Pièces contre-révolutionnaires, publiées par M. Benjamin Fillon.

[50] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 200.

[51] Mémoires de madame de Larochejaquelein, p. 49.

[52] Pièces contre-révolutionnaires du commencement de l'insurrection vendéenne, publiées par M. Benjamin Fillon, p. 39. Fontenay, 1847.

[53] Extrait des Archives de la mairie de Nantes.

[54] Notes communiqués par M. Benjamin Fillon.

[55] Notes communiqués par M. Benjamin Fillon.

[56] Pièces contre-révolutionnaires, p. 40.

[57] Mémoires d'un ancien administrateur militaire des armées de la Vendée, p. 11. — Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française.

[58] Notices sur quelques généraux vendéens, par le fils de madame de Sapinaud de Bois-Huguet, à la suite des Mémoires de madame de Sapinaud, p. 14.

[59] Procès-verbal du moulage de la figure de Charette, publié par M. Benjamin Fillon.

[60] Voyez les Éclaircissements historiques, publiés à la suite des Mémoires de madame de Larochejaquelein, n° 3.

[61] Pièces contre-révolutionnaires du commencement de l'insurrection vendéenne, publiées par M. Benjamin Fillon, p. 38. — Nous avons, du reste, l'original de cette lettre sous les yeux.

[62] Pièces contre-révolutionnaires du commencement de l'insurrection vendéenne, p. 43.

[63] Voyez, dans le volume précédent, le chapitre Souviens-toi de la Saint-Barthélemy, où tout cela est prouvé d'une manière irréfragable.

[64] Voyez, dans la collection des Mémoires sur la Révolution française, les Mémoires sur la Vendée, liv. I, chap. 1, p. 14.

[65] De l'aveu des royalistes eux-mêmes, voyez à la suite des Mémoires de madame de Larochejaquelein, le n° 2 des Éclaircissements historiques.

[66] Voyez à la suite des Mémoires de madame de Larochejaquelein, le n° 2 des Éclaircissements historiques.

[67] Mémoires de la Vendée, p. 14.

[68] Mémoires de la Vendée, p. 14.

[69] Beauchamp, cité par les auteurs de l'Histoire parlementaire, t. XXVI, p. 235. — Voyez aussi le Rapport des commissaires de la Convention nationale, envoyés dans les départements de la Loire-Inférieure et de la Mayenne, fait par Villers.

[70] C'est dans ce sens qu'il en est parlé dans la note ci-dessus, à la suite des Mémoires de madame de Larochejaquelein.

[71] Note communiquée par M. Benjamin Fillon.

[72] Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher, p. 107.

[73] Mémoires de madame de Larochejaquelein, p. 50.

[74] Mémoires inédits et manuscrits de Mercier du Rocher, p. 108.

[75] Page 54 des Pièces contre-révolutionnaires, publiées par M. Benjamin Fillon.

[76] Le 10 avril. Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 153.

[77] Proclamation du peuple en réponse aux corps administratifs. — Cette pièce fait partie des documents originaux dont nous devons la communication à M. Benjamin Fillon.

[78] Notes communiquées par M. Benjamin Fillon.

[79] Mémoires de madame de Bonchamps, p. 23.

[80] Mémoires de madame de Bonchamps, p. 15.

[81] Mémoires de madame de Bonchamps, p. 24.

[82] Notices sur quelques généraux vendéens, par le fils de madame de Sapinaud de Bois-Huguet, à la suite des Mémoires de madame de Sapinaud, p. 109.

[83] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 110.

[84] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 110.

[85] Mémoires sur la guerre civile de la Vendée, par un administrateur des armées républicaines, p. 13.

[86] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 110.

[87] Voyez ce que dit à cet égard le général Turreau dans ses Mémoires, p. 26.

[88] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 111 et 112.

[89] Mémoires sur la guerre civile de la Vendée, p. 17 et 18.

[90] Extrait du procès-verbal des conseils généraux du département de la Vendée et du district de Fontenay-le-Peuple, réunis extraordinairement le mercredi 20 mars 1793.

[91] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 120 et 121.

[92] Voyez le discours de Pervinquière dans le Moniteur du 24 mars 1793.

[93] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 124.

[94] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 123-125.

[95] Mémoires inédits de Mercier du Rocher, p. 126 et 127.