HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME HUITIÈME

LIVRE NEUVIÈME

 

CHAPITRE PREMIER. — PITT ET LA CONVENTION

 

 

Grand caractère déployé par la Convention, après la mort de Louis XVI. — Funérailles de Lepelletier Saint-Fargeau. — Suicide de son assassin. — Effet produit sur les diverses Cours de l'Europe par la nouvelle de l'exécution de Louis XVI. — Meurtre de Basseville à Rome. — Conduite artificieuse de Pitt. — Prétendus griefs allégués par le gouvernement anglais. — Scission parmi les whigs. — Pitt avait refusé de faire la moindre démarche pour sauver Louis XVI. — Politique de Pitt à la nouvelle de l'exécution de Louis XVI. — Mouvement provoqué dans Londres. — Renvoi de Chauvelin. — La Convention insultée par le gouvernement anglais. — Intrigues diplomatiques de Talleyrand et de Dumouriez. — Mission secrète de Maret à Londres. — Attitude indomptable de la Convention. — Réfutation victorieuse par Brissot des faux griefs de l'Angleterre. — Griefs de la France bien fondés. — L'Alien Bill discuté, dans la Chambre des Communes ; scène de violence jouée par Burke. — Effrayante position de la France ; puissance de ses ennemis ligués. — La Convention se montre admirable d'intrépidité, de calme et d'audace. — La guerre, provoquée par Pitt, est déclarée par la Convention. — Dévouement du peuple. — Démission de Roland. — Lettre officielle de Monge à tous les ports de mer. — Mensonges calculés de Pitt dans la Chambre des Communes. — Emportements de Burke. — L'Angleterre laisse envahir la Pologne. — Réplique décisive de Fox à Pitt et à Burke. — Journée du 25 février à Paris. — Émeute factice. — Décret contre Marat. — Manœuvres contre-révolutionnaires à Lyon. — Complot de Dumouriez. — Revers aux frontières. — Enthousiasme militaire et patriotique à Paris.

 

La Convention, après l'exécution de Louis XVI, déploya le plus grand caractère. Les passions de parti qui l'avaient tant de fois déjà et si misérablement agitée firent un moment silence. Dans une proclamation au peuple français, elle revendiqua pour chacun de ses membres, d'un cœur intrépide, dans un style fier, la responsabilité du meurtre d'un roi ; et, la face tournée vers l'Europe, elle se montra pleine d'un calme méprisant, prête à lancer comme à relever tous les défis, sûre d'elle-même, de sa force, de son droit, et, dans sa volonté de lutter jusqu'à la mort, unanime.

Honorer les martyrs de la liberté, c'était noblement ouvrir cette campagne contre les rois qui restera pour jamais l'étonnement et l'admiration de l'histoire : le 24 janvier, Michel Lepelletier fut porté au Panthéon.

Dans le cortège figuraient la Convention en masse, la société des Jacobins, les sections, toutes les corporations de Paris avec leurs bannières. Le cortège, c'était le peuple.

Le corps, placé sur un char sépulcral très-élevé, laissait voir la plaie par où s'était échappée la vie. Au moment du départ, le président de la Convention monta près du mort et lui posa sur la tête une couronne de chêne[1]. Puis, l'on se mit en marche. Les drapeaux en deuil, les tambours voilés, le visage pâle et comme doucement endormi de la victime, ses habits sanglants qui flottaient au bout des lances, son frère qui suivait chancelant et consterné, la statue de la loi étendant le bras comme pour saisir l'assassin, les piques ornées de cyprès, les torches funéraires, un ciel nébuleux, tout concourait à porter dans les âmes une impression de tristesse héroïque[2].

Et le long de la route funéraire, on s'entretenait des vertus de Michel Lepelletier ; de son culte pour les idées nouvelles, si remarquable chez un haut magistrat de l'ancien régime ; de son immense fortune, mise au service de la liberté ; de sa bienfaisance ; de ce qu'il écrivait, dans le rude hiver de 1788, à son homme d'affaires, prêt à vendre l'eau de ses étangs aux meuniers qui manquaient d'eau pour leurs moulins : Donnez et ne vendez pas[3]. On rappelait aussi ses travaux, son rapport sur le Code pénal, empreint d'un sentiment si vif d'humanité ; son horreur de la peine de mort, et ce beau plan d'éducation nationale, où, la misère étant bannie de l'enfance, on demandait au superflu du riche de pourvoir à l'éducation des fils du pauvre. Ah ! il méritait certes qu'on le pleurât, l'homme de bien qui avait voulu et proposé l'ÉDUCATION commune, gratuite, obligatoire[4].

On le pleura, et l'on fit plus. A sa mémoire furent prodigués des honneurs tels que le seul Germanicus, dans l'histoire, en avait reçu de semblables. Son nom fut donné à une section, à une rue, à une place publique, à une commune. La Convention fit placer dans la salle de ses séances un tableau où David l'avait peint. Le peuple français, par l'organe de ses représentants, déclara adopter sa fille unique, et ce fut à cette occasion que Barère fit passer le principe de l'adoption dans nos lois[5].

L'émotion produite par les funérailles de Lepelletier durait encore, lorsqu'on apprit que c'en était fait de son assassin. Deparis, c'était le nom de cet homme[6], était resté quelques jours dans la capitale, après le meurtre commis, retenu qu'il était par un violent désir d'immoler le duc d'Orléans, la première victime qu'eût cherchée son fanatisme. Il avait même eu l'audace de se mêler au cortège de Lepelletier, dans le farouche espoir d'ensanglanter jusqu'à son lit de parade. Mais le duc d'Orléans n'ayant point paru, les amis du meurtrier parvinrent à lui persuader qu'il n'avait plus qu'à quitter la France, où son signalement était donné et sa tête mise à prix. Il se décide, fuit vers la frontière, et, le soir, arrive à Forges-les-Eaux, dans une auberge dite du Grand-Cerf. Ruisselant de pluie, il s'approche de l'âtre, où des colporteurs s'entretenaient des choses du jour. Que pense-t-on de la mort du roi ? dit-il en se mêlant à la conversation. On pense, répondit un d'eux, qu'on a bien fait de le frapper. Pour moi, je voudrais que tous les tyrans du monde n'eussent qu'une tête, afin qu'on pût l'abattre d'un seul coup. A ces mots, Deparis se lève brusquement, sans prendre soin de dissimuler l'horreur qu'il éprouve. Quelques malédictions murmurées par lui dans l'escalier qui menait à sa chambre sont entendues et achèvent d'éveiller les soupçons. On l'épia, et on le vit qui se promenait d'un air égaré, se mettait à genoux, baisait sa main droite. Le lendemain, de bonne heure, des gendarmes étaient à son chevet. Mais il avait caché un pistolet sous son traversin, et au moment où on allait l'arrêter, il se brûla la cervelle. On trouva dans son portefeuille douze cents livres en assignats et une fleur de lis de cuivre argenté, plus un papier, sur lequel ces mots : Mon brevet d'honneur. Qu'on n'inquiète personne ; personne n'a été mon complice dans la mort heureuse du scélérat Saint-Fargeau. Si je ne l'eusse rencontré sur ma route, je faisais une plus belle action, je purgeais la terre du parricide d'Orléans[7]. Tallien et Legendre, envoyés à Forges-les-Eaux, constatèrent dans leur rapport l'identité de l'assassin. Et cependant, une rumeur se répandit que Deparis s'était sauvé. A Forges-les-Eaux, disait-on, il avait assassiné un voyageur, et, pour déjouer les poursuites, remplacé les papiers de sa nouvelle victime par les siens propres. C'est ce que le frère de Michel Lepelletier crut plus tard lui-même, sur la foi d'indications, d'ailleurs fort peu concluantes[8].

Un meurtre, telle fut la seule démonstration que provoqua en France l'exécution de Louis XVI. Au dehors, elle émut faiblement les émigrés. Monsieur, alors en Westphalie, prit aussitôt le titre de régent de France, et institua le comte d'Artois, son frère, lieutenant général du royaume. Il disait, dans les lettres patentes : Le ciel nous a sûrement destinés pour être les ministres de sa justice[9].

En attendant, l'acte accompli dans la Convention était salué, d'un bout de la France à l'autre, par une sombre mais générale sympathie ; de chaque commune affluaient des adresses d'adhésion ; et, promptes à s'associer à ce mouvement, les armées écrivaient à l'Assemblée : Nous vous remercions de nous avoir mises dans la nécessité de vaincre[10].

Autour de la Révolution, en effet, tout allait s'embrasant.

Non que les rois, l'œil fixé sur l'échafaud de Louis XVI, se sentissent saisis d'une compassion chevaleresque : la politique des princes ne connaît guère de tels mobiles.

Seule, on l'a vu, l'Espagne avait tendu la main pour détourner le coup fatal ; ni la Prusse, ni l'Autriche n'avaient remué ; et Pitt, quoique sommé par Fox d'intervenir, était demeuré comme immobile : il calculait sur l'horreur que produirait en Europe cette tête coupée.

Une fois le coup frappé, les Cours s'agitèrent.

L'impératrice de Russie chasse de ses États les Français et interdit tout contact de ses sujets avec la France[11], comme avec une nation pestiférée.

L'Espagne, que ne dirige plus le calme génie du comte d'Aranda, se prépare à entrer tête baissée dans la lutte.

Le roi de Prusse, se chargeant de récompenser les services que Louis XVI ne put acquitter, écrit à un gentilhomme français, nommé d'Aubier : Comme gage du tendre souvenir que je conserve à votre maître, je vous donne ma clef de chambellan[12].

Les dispositions de la cour de Naples ne pouvaient être douteuses : là régnait, sous le nom d'un fantôme de roi et d'un fantôme de mari, une sœur de Marie-Antoinette, Caroline d'Autriche, doublement asservie à l'influence anglaise par Acton, son amant, et par cette Emma Hamilton, dont la beauté impudique paya, plus tard, à Nelson le salaire de la foi trahie et du sang versé[13].

Quant au gouvernement papal, il n'avait point attendu le 21 janvier pour faire prêcher dans les églises contre les Français, et provoquer à des assassinats pieux par maint cantique sanglant chanté dans les rues et sur les places publiques[14]. Aussi le secrétaire de légation Basseville avait-il été massacré à Rome, dès le 13 janvier, pour avoir arboré les couleurs de la République française.

Assailli dans sa voiture par les sauvages dévots du Transtevere, le malheureux était parvenu, au travers de leur foule hurlante, à gagner la maison d'un banquier français. La meute que les prêtres ont lancée, s'y précipite. C'est à peine si le maître de la maison a le temps de sauter par la fenêtre, pendant qu'un perruquier frappait mortellement Basseville d'un coup de rasoir[15]. La relation romaine, publiée sur cet événement, se terminait ainsi : La chose est faite : à de pareils traits, on reconnaît l'ancienne Rome ![16]

Et l'Angleterre ? Elle était alors sous la main de Pitt : c'est tout dire. A la suite du 10 août, Pitt avait rappelé lord Gower, ambassadeur d'Angleterre à Paris, sous prétexte que ses lettres de créance étaient caduques depuis l'emprisonnement du roi[17] ; et le 25 novembre, M. Stratton, chargé des affaires britanniques près de la cour de Vienne, avait remis au comte de Cobentzel un mémoire tendant, selon l'expression du prince de Hardenberg, à remonter la machine désorganisée de la coalition[18]. En même temps, Chauvelin, ministre de France à Londres, cessait d'y être considéré comme revêtu d'un caractère public[19]. Il réclama en vain. Dans une note où lord Grenville exposait longuement et avec aigreur les prétendus griefs de la nation anglaise, le collègue de Pitt déclarait sèchement au diplomate français qu'on ne pouvait l'accréditer à la cour de Londres qu'en qualité de ministre de sa Majesté très-chrétienne[20].

C'était, non pas précisément déclarer la guerre, mais la rendre inévitable.

Pitt la désirait effectivement, et avec cette violence froide qui le caractérisa.

Pour ce qui est de ses motifs, il en avait trois principaux[21].

Le premier, le plus puissant, était tiré de ce fameux décret du 19 novembre 1792, par lequel la Convention promettait secours et fraternité à tous les peuples qui, opprimés, voudraient redevenir libres, décret que celui du 15 décembre était venu compléter si glorieusement.

Pitt comprit tout de suite ce qu'il y avait de grandeur en un tel système, et plutôt que de laisser aux mains de la Convention un levier de cette force, il résolut de bouleverser le monde.

Son second mobile était la crainte de voir les armées républicaines, après avoir pénétré en Belgique, envahir la Hollande, qu'au moyen du stathouder, le cabinet de Saint-James dominait.

Troisième et dernier grief : considérant que l'Escaut parcourt la Belgique aussi bien que la Hollande, et doit par conséquent appartenir en commun aux deux peuples, la France républicaine, par un haut sentiment de justice, venait de mettre fin à cette servitude de l'Escaut que Joseph II avait eu la lâcheté de vendre aux Hollandais pour quelques millions de florins[22]. Or, quoique l'intérêt de l'Angleterre ne se trouvât point engagé ici d'une manière directe, le gouvernement anglais affecta de regarder l'ouverture de l'Escaut par la Convention comme un essai de dictature européenne. L'Angleterre, écrivait lord Grenville à Chauvelin, ne souffrira jamais que la France s'arroge le pouvoir d'annuler à son gré, et sous prétexte d'un prétendu droit naturel, le système politique de l'Europe[23].

En résumé, ce que Pitt abhorrait dans la Révolution française, c'était la grandeur qu'elle semblait promettre à la France, comme prix de la liberté donnée au monde.

Mais il sentit qu'il ne fallait point brusquer l'attaque, de peur que la Révolution française n'eût pour appui, au sein même de l'Angleterre, les sympathies par elle éveillées dans les âmes généreuses. Deux sociétés s'étaient formées à Londres, qu'animait l'esprit jacobin, l'une sous le titre de Société constitutionnelle, l'autre sous celui de Société des amis de la révolution de 1688[24] ; et à mille symptômes, on pouvait reconnaître que le souffle puissant de l'esprit nouveau avait passé le détroit. Pitt trembla qu'une commotion sociale intérieure ne répondît au cri de guerre contre la France, s'il était prématurément poussé. Il apporta donc dans ses préparatifs une astuce profonde, et mit tout en œuvre pour rejeter sur la Convention les torts d'une initiative, dont il savait bien que l'orgueil anglais s'irriterait sans retour. Déjà les massacres de septembre avaient détaché de la cause de la France, toujours défendue par Fox et par Sheridan, beaucoup de whigs d'une trempe plus molle, le duc de Portland, lord Carlisle, lord Fitz-Williams, M. Wyndham[25] : Pitt poussa d'une main prudente à ce mouvement de défection. Sûr que rien n'était plus propre à le précipiter, que l'exécution de Louis XVI, il s'abstint avec le sang-froid le plus cruel de tout ce qui eût été de nature à sauver ce prince infortuné, en dépit des magnanimes instances de Sheridan et de Fox.

Puis, pour faire croire que la constitution anglaise, que l'existence même de l'Angleterre étaient en danger, on le vit tout à coup recourir à un ensemble de moyens répressifs dont la situation ne justifiait en aucune sorte l'extraordinaire et alarmant étalage. Les milices du sud-est de l'Angleterre furent armées, des troupes reçurent ordre de marcher sur Londres, on avança de quarante jours la réunion du parlement, on renforça la Tour d'une garnison nouvelle, on déploya enfin un formidable appareil de guerre contre le livre des Droits de l'homme, de Thomas Paine[26] !

Et tandis que ces démonstrations officielles opposaient à la propagande de la liberté celle de la peur, les agents de Pitt s'étudiaient à enflammer les esprits par des manœuvres adaptées à la diversité des intérêts, des passions, ou des préjugés. Aux dévots, l'on disait que les révolutionnaires étaient tous des athées, et comment en douter depuis que Dupont avait fait profession d'athéisme à la tribune ? Aux commerçants en quête de marchés exclusifs, on représentait les Français comme des conquérants avides, qui dévoraient la Belgique, en attendant qu'il leur fût donné de dévorer le monde. Aux rigoristes presbytériens on faisait horreur de l'activité que la France osait déployer le dimanche. Aux gens paisibles on montrait des poignards, et l'on s'écriait : Voilà la religion des Français ![27]

La fermentation croissait d'heure en heure : survient la nouvelle du 21 janvier. C'était un coup de foudre pour les amis de la paix et de la France. Fox fut consterné, la pensée de Pitt triomphait. Les partisans du ministère prennent aussitôt le deuil, affectant une douleur qui n'était que l'hypocrisie de la haine. Plusieurs, rassemblés au théâtre quand on y annonça l'événement, s'élancent hors de la salle en levant les mains au ciel et en poussant de grands cris. D'autres se montrent dans les rues avec un ruban noir[28]. Les descendants de ceux qui tuèrent Charles Ier ne pouvaient concevoir qu'on coupât la tête à un roi.

Le gouvernement anglais s'empressa de mettre à profit ce mouvement. Le 24 janvier, lord Grenville, ministre des affaires étrangères, envoyait à Chauvelin l'ordre de quitter l'Angleterre dans le délai de huit jours[29] ; et, le 28 janvier, un message du roi notifiait aux deux chambres que les forces de terre et de mer allaient être augmentées, mesure nécessitée, disait le message, par l'acte atroce qui venait de s'accomplir à Paris[30], et par les dangers que l'ambition de la France, ses projets, ses principes, faisaient courir, non seulement à la puissance de l'Angleterre, mais au maintien de l'ordre dans toutes les nations civilisées[31].

Insulter à ce point la Convention et la France équivalait certainement à une déclaration de guerre. Cela était si manifeste, que le message royal ayant provoqué de la part du parlement des adresses de vive adhésion, le comte Stanhope dans la Chambre des Communes, et les lords Landsowne, Lauderdale et Derby dans la Chambre des Lords, protestèrent solennellement contre une démonstration qui était l'embrasement du monde[32]. Pitt ne l'ignorait pas, et c'est ce qu'il voulait, sa politique étant de rendre la guerre inévitable, mais en rejetant sur la Convention la nécessité de la déclarer, très-attentif d'ailleurs à se prêter aux démarches qui pouvaient faire louer sa modération.

C'est ainsi que, dans le temps même où il armait toute l'Angleterre et irritait l'orgueil de la France, son apparente condescendance favorisait le développement d'une intrigue dont la conservation de la paix était le but, Talleyrand le machinateur, et Dumouriez le héros.

Ce dernier s'était prononcé très-ouvertement contre les magnanimes décrets des 19 novembre et 15 décembre 1792[33] ; après avoir un moment rêvé la conquête de la Hollande, il en était venu à croire ou du moins à dire qu'il fallait s'en abstenir soigneusement si on ne voulait pas risquer de perdre la Belgique[34] ; il avait, en outre, montré beaucoup de penchant pour l'alliance anglaise[35] ; et quant à ses rapports avec les Jacobins, de la part d'un homme capable de tous les artifices, ils n'avaient rien dont la diplomatie des rois eût à s'inquiéter. Talleyrand augura de tout cela qu'il ne serait pas impossible de faire consentir le cabinet de Saint-James à la paix, si Dumouriez se chargeait de la négociation. Le général était venu passer à Paris le mois de janvier : on lui parle de ce projet, qui flattait son orgueil et qu'il saisit avidement. L'affaire est portée au Conseil. Dumouriez, depuis son arrivée à Paris, n'avait paru ni chez Monge, ministre de la marine, ni chez Roland, ministre de l'intérieur, ni chez Clavière, ministre des finances ; encore moins s'était-il empressé d'aller voir le ministre de la guerre, Pache[36], son ennemi déclaré, mais en revanche il avait beaucoup fréquenté la maison de Lebrun et celle de Garat, avait souvent figuré à leur table[37], et se flattait de les dominer. La vérité est que Garat fit au Conseil la proposition d'envoyer Dumouriez en ambassade extraordinaire à Londres, proposition qui tomba devant la résistance de Pache, Monge et Clavière[38].

Il ne restait plus, ce semble, qu'à abandonner le projet : on n'en fit rien. Le goût de l'intrigue était si conforme au génie de Dumouriez, qu'il amena Lebrun et Garat à convenir qu'on suivrait l'affaire sans bruit, en attendant l'heure favorable pour le succès. Un agent secret fut donc envoyé à la Haye, avec une lettre adressée à lord Auckland, ambassadeur d'Angleterre en Hollande[39], et Maret, depuis duc de Bassano, prit la route de Londres, sous prétexte d'une démarche concernant les intérêts privés du duc d'Orléans[40], mais en réalité pour savoir de Pitt s'il voulait sincèrement traiter avec Dumouriez[41].

On peut se demander si, en ouvrant l'oreille à d'aussi étranges ouvertures, Pitt n'entendait que se donner le temps de compléter ses préparatifs ; ou bien, s'il n'avait pas déjà la pensée d'amener Dumouriez sur le terrain de la défection[42] ; ou enfin, si, comme Garat et Dumouriez lui-même en eurent quelque soupçon[43], il ne fut pas tenté du désir perfide d'attirer à Londres, pour l'y retenir, le meilleur général que la France eût à lui opposer : ce qui est certain, c'est qu'il reçut Maret avec une bienveillance marquée, lui témoigna une grande répugnance à combattre la France, et le congédia bien convaincu de ses dispositions pacifiques[44].

Maret, ainsi séduit et trompé, se préparait à transmettre à Dumouriez, Lebrun et Garat ce qu'il croyait d'excellentes nouvelles, lorsque le gouvernement français, averti par Chauvelin, envoya au négociateur illicite et occulte une réprimande sévère, et l'ordre de revenir en France[45]. Maret, obligé d'obéir, ne se découragea point.

Un second voyage est entrepris. Mais, cette fois, il arriva qu'au moment même où Maret sortait de Paris, Chauvelin était renvoyé de Londres. Cette circonstance effraya l'émissaire clandestin. A peine débarqué à Douvres, il écrivit à Lebrun pour lui demander de nouvelles instructions, et, n'obtenant point de réponse, quitta l'Angleterre sans avoir sollicité de Pitt une autre entrevue[46].

Aussi bien, toutes ces petites combinaisons souterraines n'avaient aucune chance de succès ; et il est probable que Pitt ne feignit de s'y prêter que parce qu'il les savait futiles. Comment Dumouriez, tout général qu'il était, comment Lebrun et Garat, quelle que fût leur position dans le Conseil, purent-ils se flatter un seul instant de l'espoir d'agir d'une manière efficace, sans l'adhésion de la majorité des ministres, sans le concours des comités diplomatiques et de défense générale, et en dehors de la Convention ?

Il est juste de dire que si Pitt désirait la guerre, les hommes d'État de la Convention étaient loin de la redouter. Propager la liberté par les armes souriait à leur audace, et rien ne paraissait impossible à ces cœurs orageux. Brissot, l'inspirateur du Comité de défense générale, avait écrit à Dumouriez, le lendemain de la bataille de Jemmapes, les lignes suivantes, qui peignent bien le génie des hommes du temps et leurs grandes passions : C'est ici un combat à mort entre la liberté et la tyrannie. Pas un Bourbon ne doit rester sur le trône. Ah ! mon cher, qu'est-ce qu'Albéroni, Richelieu qu'on a tant vantés ? Que sont leurs projets mesquins, comparés à ces soulèvements du globe, à ces grandes révolutions que nous sommes appelés à faire. Novus rerum nascitur ordo. J'aime à croire que la révolution de Hollande ne s'arrêtera pas devant le fantôme d'illuminés[47], et qu'il ne sera pas pour nous le sta, sol. Une opinion se répand ici : la République française ne doit avoir pour bornes que le Rhin2[48].

Restait à savoir, l'Angleterre et la France en venant aux mains, de quel côté serait l'équité. Il y avait des griefs énoncés de part et d'autre : étaient-ils également fondés ?

Nous avons vu que ceux dé l'Angleterre se réduisaient à trois principaux : 1° les décrets des 19 novembre et 15 décembre, proclamant la solidarité des peuples libres ; 2° les projets qu'on supposait à la France contre la Hollande ; 3° l'ouverture de l'Escaut.

Or, dans un discours prononcé le 12 janvier, Brissot avait répondu à chacun de ces trois griefs de la manière à la fois la plus solide et la plus brillante.

D'abord, il était assez étrange que le gouvernement anglais prétendît empêcher la France de secourir les peuples qui, injustement opprimés, auraient recours à elle. C'était lui faire un crime de sa magnanimité même, et déclarer au monde que, dès qu'il convenait à la France de prendre parti pour les victimes, l'Angleterre ne pouvait que prendre parti pour les tyrans. A la vérité, Pitt affectait de croire que les décrets des 19 novembre et 15 décembre n'avaient été lancés par la Convention que comme un appel à la turbulence de toutes les minorités factieuses qui s'aviseraient d'arborer le bonnet rouge ; mais, sur ce point, le cabinet de Saint-James avait reçu des explications qui fermaient toute issue à la mauvaise foi : il lui avait été officiellement notifié que la Convention n'entendait en aucune sorte jeter des brandons de discorde et souffler la passion des complots dans des états neutres ou amis, et que les décrets dont l'Angleterre prenait alarme se rapportaient au seul cas où la révolte contre l'oppression, dans un pays, serait l'effet de la volonté générale, se révélant par des signes non équivoques[49].

En ce qui concernait l'invasion supposée prochaine de la Hollande, au moins aurait-il fallu attendre que la supposition se réalisât pour en faire un motif de guerre. Mais il y avait à répondre quelque chose de bien plus décisif encore : A la fin du mois de novembre 1792, Dumouriez avait demandé au Conseil exécutif l'autorisation de s'emparer de la ville de Maëstricht, sans laquelle il ne pouvait défendre ni le pays de Liège, ni la Meuse ; et, quoique pour légitimer cette prise les motifs ne manquassent pas, l'autorisation avait été formellement refusée[50]. Or, de la part du gouvernement français, cette modération était d'autant plus remarquable, que la Hollande lui avait donné maint sujet d'offense ; que les émigrés étaient en armes et en uniformes à la Haye ; qu'on y faisait éclater une haine violente contre la France ; qu'on avait renvoyé d'Amsterdam, sans leur laisser le temps d'être payés de ce qui leur était dû, la troupe des comédiens français ; enfin, que le grand pensionnaire, Van Spiegel, avait livré en pâture aux insultes des émigrés Noël, ministre de France, et Thinville, secrétaire d'ambassade, lesquels avaient fini par être expulsés ignominieusement[51].

Relativement à l'ouverture de l'Escaut, Pitt soutenait avec raison qu'elle était contraire au traité d'Utrecht et à celui qu'en 1785, Joseph II avait conclu avec les Provinces-Unies. Mais le respect de traités passés entre les gouvernements sans le concours ni l'adhésion des peuples ne saurait aller jusqu'à la consécration des iniquités politiques les plus flagrantes. L'ouverture de l'Escaut par la France, victorieuse de l'Autriche, était une mesure non-seulement désintéressée mais généreuse. La République française, s'écriait noblement Brissot dans son discours du 12 janvier, devait-elle, en rendant la Belgique à la liberté, laisser subsister l'esclavage pour un des plus beaux fleuves qui arrosent ce pays ? Devait-elle violer les principes d'éternelle justice qui toujours dirigeront ses armes ? Puisque l'Escaut parcourt la Belgique comme la Hollande, son cours n'appartient-il pas en commun aux deux peuples ? Quel titre la nature a-t-elle donné aux Hollandais sur la propriété exclusive ? Est-ce à leurs travaux, à leur industrie, que ce fleuve doit son existence  L'Escaut, qui traverse la Zélande, n'est-il pas le même qui a baigné auparavant les murs d'Anvers ? Et s'il était juste qu'un fleuve, commun à plusieurs peuples, fût la propriété d'un seul, celle de l'Escaut n'appartiendrait-elle pas à aussi bon titre aux Anversois, qui l'ont d'abord, qu'aux Hollandais, qui ne le reçoivent qu'après ?[52]

Ainsi, des trois griefs, articulés par le cabinet de Saint-James, pas un qui fût fondé, soit en fait, soit en droit.

Subsidiairement, Pitt se plaignait de la propagande des idées françaises en Angleterre par les agents du Jacobinisme ; mais lui-même n'entretenait-il à Paris aucun agent de sa politique ? Et là où les propagandistes français n'employaient que le pouvoir de la parole, les émissaires du gouvernement britannique n'employaient-ils pas l'avilissante puissance de l'or ? Et n'étaient-ils donc capables d'aucun effort propre à étendre l'influence des intérêts anglais, ceux qui avaient dépensé tant d'argent pour étouffer la liberté naissante des Provinces-Unies, augmenter les partisans du prince d'Orange, débaucher les troupes patriotes, acheter le rhingrave de Salin et le grand pensionnaire Bliwrik[53] ?

Combien plus légitimes les plaintes du gouvernement français !

Rappel de lord Gower, le lendemain du 10 août ;

Cessation de tout rapport officiel avec l'ambassadeur de France à Londres, depuis la suspension de Louis XVI ;

Refus de reconnaître les pouvoirs de la Convention ;

Opposition mise à des achats de grains et d'armes par des agents de la République française ;

Détention de bateaux et vaisseaux chargés de grains pour la France, en violation du traité de 1786 ;

Prohibition par acte du parlement de la circulation des assignats ;

Acte inquisitorial et vexatoire rendu contre les Français habitant l'Angleterre, en violation de l'article 4 du traité de 1786 ;

En violation de l'article 1er du même traité, secours d'argent aux émigrés et aux chefs de rebelles armés contre leur patrie ;

Armement considérable par mer et augmentation des forces de terre, ordonnés sans provocation de la part de la France, et dans le but avoué de la combattre ;

Coalition avec les ennemis de la France, notamment l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse.

Voilà quels furent les faits constatés dans un lumineux travail du Comité de défense générale ; et, sauf la défense portant sur la circulation des assignats en Angleterre, laquelle était de droit, tous ces faits constituaient autant de griefs dont il était aussi impossible de nier l'existence que la gravité[54].

L'alien-bill, tel que le parlement anglais venait de le voter, contenait à lui seul la guerre. Pour rencontrer quelque exemple d'une mesure aussi extraordinaire et violente, il eût fallu remonter jusqu'au règne d'Élisabeth[55]. Le bill assujettissait tout Français arrivant en Angleterre à rendre compte de lui-même[56] ; à déposer les armes en sa possession ; à ne point aller d'un lieu à un autre sans passeport ; à vivre, enfin, s'il était pauvre, dans un district déterminé, avec la police debout sur sa porte et le soupçon assis à son foyer[57]. Vainement Grey, Taylor, le major Maitland et Fox s'étaient-ils élevés contre un projet que le Conseil des Dix à Venise n'eût pu rêver plus tyrannique, Pitt l'avait fait passer, précisément en le présentant comme un coup de canon tiré contre les Jacobins[58]. A cette occasion, une scène étrange fut donnée au parlement. Après avoir appuyé le bill dans un discours plein d'éloquence et de délire, Burke parlait de trois cents poignards fabriqués à Birmingham, lorsque tout à coup il jette un de ces poignards sur le parquet de la Chambre des Communes[59], et s'écrie furieux : Regardez ceci ! voilà un des fruits à retirer de l'alliance avec la France. Ah ! je ferai tout pour préserver ce pays de l'infection française, et écarter leurs principes de nos esprits, leurs poignards de nos cœurs[60].

Tels se montraient à l'égard de la France les sentiments de Pitt, de Burke, du gouvernement anglais, de la majorité des deux Chambres. L'ordre donné au représentant de la Convention à Londres de quitter l'Angleterre dans un délai de huit jours vint combler la mesure des outrages : après une semblable insulte, il fallait choisir entre le déshonneur et la guerre. La Convention n'hésita pas une minute.

Et cependant, la disproportion des forces était frappante.

La marine d'Angleterre, composée de cent cinquante-huit vaisseaux de ligne, vingt-deux vaisseaux de 50, cent vingt-cinq frégates et cent huit cutters, était au complet de ses officiers et de ses équipages ; sans compter que, pour la cause commune, la Hollande pouvait armer cent vaisseaux de guerre de différentes grandeurs. La marine française, au contraire, veuve de ses officiers, par suite de l'émigration, ne comptait que soixante-six vaisseaux de ligne, quatre-vingt-seize frégates et corvettes[61]. De sorte que pour n'être pas écrasés par l'Angleterre sur son champ de bataille, la mer, nous n'avions devant nous qu'une chance, celle des prodiges !

Quant aux combats à livrer sur terre, la Révolution, — si, comme elle y était décidée, elle affrontait la Hollande et l'Espagne, — allait avoir à vaincre onze armées, parfaitement disciplinées et bien pourvues de vivres, de chevaux, d'artillerie, de munitions, ces armées, formant comme un vaste réseau autour de la France, qu'elles étreignaient de toutes parts :

Autrichiens, en Belgique

50.000

De Coblentz à Bâle

40.000

Entre la Meuse et le Luxembourg

33.000

Prussiens, en Belgique

12.000

Prussiens, Hessois et Saxons sur le Rhin

65.000

Hollandais, en Belgique

20.000

Anglais, Hanovriens et Hessois, en Belgique

30.000

Troupes de l'Empire et de Condé, sur le Rhin

20.000

Austro-Sardes, en Italie

45.000

Napolitains et Portugais, en Italie

10.000

Espagnols, sur la frontière du Midi

50.000

TOTAL

375.000

Or, au 1er janvier 1795, les armées de la République n'allaient pas au delà de 220.000 hommes[62].

La situation des finances n'était pas plus rassurante : le capital de la dette s'élevait à huit milliards trente-quatre millions[63]. Pour soutenir une immense circulation en papier, on n'avait que ce qui meurt où la guerre naît, et l'Europe entière conspirait contre les assignats.

Placée, avec si peu de ressources, en face de tant de périls, la Convention fut sublime.

Le 1er février, sur un rapport de Brissot, elle déclara la guerre au roi d'Angleterre, dans un silence et avec une unanimité formidables.

Le stathouder des Provinces-Unies avait outragé les agents de France, accueilli les émigrés, persécuté les patriotes français, encouragé les fabricateurs de faux assignats, fait cause commune avec le gouvernement anglais : la Convention le mit avec le plus méprisant dédain au nombre de ses ennemis[64].

Le même jour, sur un rapport de Cambon, elle décrétait qu'aux deux milliards quatre cent mille livres d'assignats, alors en circulation, il en serait ajouté huit cent mille, auxquels on donnerait pour gage la valeur des bois et forêts dont la vente était ajournée, celle des biens affectés à la liste civile, la rentrée du bénéfice à faire sur la reprise des domaines engagés, la valeur des biens nationaux situés dans le département du Mont-Blanc et dans les districts nouvellement réunis à la République, le produit de la vente des biens des émigrés, l'indemnité à demander aux peuples qui seraient redevables à la France victorieuse de leur liberté reconquise. Le rapport contenait cette belle constatation : La postérité ne sera pas peu étonnée de voir un peuple en lutte avec tous les despotes ligués, s'occuper du remboursement d'une dette contractée par le despotisme, en acquitter soixante-douze millions par an, payer exactement les rentes des capitaux empruntés et une quantité énorme de pensions à des personnes auxquelles la Révolution a fait perdre leur état[65].

Il y avait danger sans doute à multiplier ainsi, quelque précaution qu'on prît pour les asseoir sur un gage, des signes déjà si nombreux. Mais quand il faut de toute nécessité passer sur un pont qui tremble, on y passe en fermant les yeux. Selon le mot d'un écrivain du temps[66], l'assignat était un pont de bois jeté sur des gouffres écumants, mais qui, à défaut d'un pont de pierre, nous servit à les franchir.

Il fallait pourvoir à l'organisation de l'armée : le comité de la guerre se mit au travail avec une ardeur passionnée, et, le 7 février, Dubois-Crancé présentait un plan qui portait l'ensemble des forces à tenir sur pied au chiffre de cinq cent mille soldats, les divisait en huit armées, ordonnait la levée immédiate de trois cent mille hommes, attribuait au Conseil exécutif, sous la ratification des représentants du peuple, la nomination des généraux en chef, assignait à cette mission un caractère purement temporaire, et réglait ainsi la nomination des officiers : un tiers à l'ancienneté, et les deux tiers au choix, sur la présentation de trois candidats par les soldats.

Devenue aussi sobre de paroles qu'impatiente d'action, l'Assemblée vota tout cela d'un élan[67].

Puis, coup sur coup, dans l'espace de quelques jours, elle décréta :

Que la Convention vivrait au sein des- armées, aurait l'œil sur les places fortes et les camps, par neuf commissaires investis du droit d'écarter les incapables, de punir les indifférents, de foudroyer les traîtres[68] ;

Que Pache, attaqué vivement, serait remplacé comme ministre de la guerre, par le général Beurnonville[69] ;

Que les monnaies d'or et d'argent auraient désormais pour empreinte une couronne de branches de chêne, et pour légende ces mots : République française[70] ;

Qu'à Paris, menacé d'un déficit qui ne laissait de choix qu'entre l'augmentation du prix du pain et le recours à une contribution extraordinaire, une taxe progressive serait établie sur les riches[71] ;

Que tous les Français, de dix-huit ans jusqu'à quarante ans, les fonctionnaires publics exceptés, seraient déclarés en état de réquisition permanente pour la guerre[72].

Et, chose admirable, dans le temps même où la Convention se préparait à soutenir la lutte la plus prodigieuse qui fût jamais, elle méditait le plan d'une constitution nouvelle ; elle s'occupait du progrès des sciences et de la formation d'un Muséum national ; elle se faisait rendre compte par Barère des travaux de la commission chargée de rassembler au Louvre, aux Capucins et aux Augustins, les chefs-d'œuvre de peinture, de sculpture, de bibliographie ; elle interrogeait son comité de l'instruction publique sur l'emploi des fonds d'encouragement destinés aux savants et aux artistes ; de la même main qui avait si rudement frappé l'émigration de la noblesse, elle arrêtait l'émigration des arts, et le bruit du canon d'alarme ne l'empêchait pas de s'enquérir avec sollicitude d'un tableau original de Rubens, trouvé, couvert de poussière, au fond d'un grenier de la rue Saint-Lazare[73].

De son côté, le Conseil exécutif agissait avec décision. Roland avait donné sa démission le 25 janvier ; mais, loin d'affaiblir le ministère, cette retraite tendait à lui rendre l'unité. Lebrun, après s'être un instant laissé égarer en d'obscures intrigues, avait fini par céder à l'ascendant de Brissot[74], et Monge, ministre de la marine, adressait à tous les amis de la liberté dans les ports de mer une lettre officielle qui contenait ces paroles de feu : Le roi et le parlement d'Angleterre ont dessein de nous faire la guerre : les républicains anglais le souffriront-ils ? Déjà ils témoignent leur répugnance à porter les armes contre leurs frères les Français. Eh bien, nous volerons à leur secours ; nous ferons une descente dans leur île ; nous y jetterons cinquante mille bonnets rouges, et nous y planterons l'arbre sacré[75].

On a écrit que les Comités de la Convention et le Conseil exécutif avaient reçu le faux avis que les amis de la France et de la paix dominaient dans Londres, que le peuple y était en fermentation, et qu'un écriteau, affiché jusque sur les murs du palais de Georges III, lui avait désigné le signal de la guerre comme celui de sa chute[76]. Mais qu'un semblable rapport fût ou non parvenu à la Convention, il est certain qu'elle avait été fort exactement renseignée sur le véritable état des choses et des esprits en Angleterre par Noël, homme dont on connaissait le discernement[77]. Il n'entra donc rien de présomptueux ou de frivole dans la confiance que la Révolution française déploya. Cette confiance fut tout héroïque ; elle eut pour fondement la foi ! Et certes, quand l'Assemblée voyait venir à elle des sections entières mettant à la disposition de la nation les propriétés foncières des citoyens dont elles étaient composées[78], il lui était bien permis de croire la France invincible.

Tant de vigueur remplit l'Europe d'étonnement. Pitt ne s'attendait pas à cet imposant mélange d'énergie el de calme, il en parut troublé. Un message du roi, où, avec une mauvaise foi inconcevable, la Convention était accusée d'avoir déclaré la guerre sans provocation aucune et de gaieté de cœur[79], avait été adressé, le 11 février, à la Chambre des Communes : ce fut l'objet d'un long débat qui mit à nu l'âme de Pitt. Tout le fiel qui la rongeait se fit jour dans les paroles suivantes, qui venaient après une réfutation vraiment dérisoire des griefs articulés par la Convention : Les Français nous font la guerre, ce semble, d'abord, parce que nous aimons notre constitution ; ensuite, parce que nous abhorrons leur conduite, et en troisième lieu, parce nous osons pleurer le roi qu'ils ont assassiné. Oui, ils voudraient nous ravir cette dernière ressource de l'humanité, qui consiste à porter le deuil des victimes : Quis gemitus populo romano liber erit ? Ils voudraient déraciner en nous les affections de l'homme, transformer en crime notre sympathie pour le malheur, étouffer nos soupirs et défendre à nos larmes de couler[80].

Le ministre anglais ne se fit pas scrupule d'affirmer que le grief tiré de l'accession du cabinet de Saint-James au traité conclu entre l'Autriche et la Prusse était entièrement faux[81]. Ce qui était entièrement faux, c'était cette affirmation, comme l'ont établi des documents ultérieurement publiés, et comme le prouvent sans réplique les révélations du prince de Hardenberg : Il s'agissait de porter les deux Cours alliées d'Autriche et de Prusse à combiner un système de défense militaire. Le cabinet de Saint-James se montrait disposé à concourir à ce résultat nécessaire. Tels furent l'esprit et le sens du mémoire diplomatique qu'un courrier anglais apporta, le 25 novembre (1792), à M. Stratton, chargé des affaires britanniques près la cour de Vienne. Ainsi, c'est dans la communication faite à la cour de Vienne, par M. Stratton, du mémoire envoyé par la Cour de Londres, qu'on trouve la première démarche de ce Cabinet pour ranimer et fortifier la coalition contre la France[82]. De sorte que cette démarche, faite secrètement le 25 novembre 1792, Pitt, en plein parlement et à la face de toute l'Europe, la niait, le 11 février 1793 !

Pour se donner le droit de taxer la Convention de perfidie, Pitt affecta de s'indigner d'une déclaration de guerre survenue au moment où l'on négociait avec Dumouriez[83], comme s'il eût ignoré que cette prétendue négociation était une intrigue suivie en dehors des autorités constituées ! Comment le ministère anglais pouvait-il être admis à traiter clandestinement avec un simple général, lorsqu'il refusait de reconnaître la Convention, c'est-à-dire le pouvoir duquel ce général relevait et le seul qui représentât la France ?

A ce tissu d'injures, de sophismes, et, il faut bien le reconnaître, de mensonges, Fox ne se contenta point d'opposer les inspirations d'une politique fondée sur le respect de la vérité et de la justice : convaincu que, si la guerre avait été déclarée par la France, elle avait été incontestablement provoquée par l'Angleterre, il proposa un amendement de nature à ramener la concorde entre les deux pays[84]. Mais Burke se lève, et d'une voix amère : Les sentiments de l'honorable orateur, dit-il, si la Chambre les adoptait, se pourraient traduire ainsi :Français, vous vous êtes efforcés de détruire le repos de toutes les nations de l'Europe ; vous avez introduit l'anarchie parmi vous, et couvert votre propre pays de ruines ; vous avez assassiné votre roi : n'importe, poursuivez le cours de vos crimes ; au meurtre de votre souverain, ajoutez ceux de sa femme, de sa sœur, de son fils, et la destruction du reste de sa famille ; et soyez bien sûr qu'il ne sera pas touché à un cheveu de vos têtes[85]. Ces déclamations virulentes, inutilement combattues par Sheridan, prévalurent : Pitt l'emporta[86].

Il est à remarquer que la nécessité de mettre un frein à l'esprit envahissant de la France fut un des arguments qui, dans ce débat, se produisirent avec le plus de succès. Or, en ce moment même, la Russie et la Prusse couraient à un second démembrement de la Pologne, sans que l'Angleterre, pour les arrêter, dît une parole ou fît un geste. Déjà en effet les Russes étaient à Varsovie, et, sous prétexte que la constitution polonaise du 3 mai 1791 se liait aux triomphes de la propagande révolutionnaire, Frédéric-Guillaume, non content d'avoir envahi plusieurs districts de la grande Pologne, investissait Dantzick[87]. Il est vrai que cette entreprise, inspirée par une politique de brigand, on avait soin de la colorer de considérations presque touchantes : de quoi se pouvait plaindre la Pologne ? ce qu'on en faisait ne pouvait être que pour son bien ; on lui volait son territoire dans l'unique but d'assurer son repos ; on la mettait en pièces, afin de couvrir ses provinces limitrophes et d'empêcher la contagion morale d'y pénétrer ![88]

Pitt souffrait cela cependant, lui qui, au nombre des motifs allégués pour mettre le feu au monde, plaçait l'invasion supposée de la Hollande par les armées françaises ! Fox ne manqua pas de signaler cette contradiction. Eh quoi ! s'écriait-il indigné, sommes-nous donc si coupables de regarder le motif mis en avant comme un pur prétexte, lorsque, d'une part, nous voyons le ministère proclamer bien haut l'inviolabilité des États neutres, et, d'autre part, ce même ministère permettre que la Pologne soit foulée aux pieds ?[89] Il fit, pour détourner la guerre, un dernier, un généreux effort ; tout fut inutile. Les ennemis extérieurs de la Révolution lui auraient peut-être pardonné ses orages, mais son crime irrémissible était d'être si grande.

La calomnie, d'ailleurs, ne pouvait être difficile, à cause des désordres qu'une commotion violente, ou entraîne naturellement, ou fournit l'occasion de susciter. Et c'est ce que la journée du 25 février, à Paris, ne prouva que trop bien.

Depuis que le débat sur la guerre s'était ouvert dans le Parlement anglais, divers membres de la Convention avaient secrètement reçu de Londres l'avis que des émissaires de Pitt machinaient une émeute à Paris, rien ne paraissant plus propre à servir les vues du gouvernement anglais dans ce moment, et à confondre ses adversaires. Dubois-Crancé, notamment, fut informé que des manœuvres étaient pratiquées de longue main pour faire, d'une disette factice, sortir un soulèvement[90]. Mais, soit qu'il ne crût qu'à demi à ces informations, soit qu'il les voulût compléter et craignît d'en divulguer prématurément le mystère, il attendit.

Cependant, le prix du pain à Paris avait subi une forte hausse, et, sans qu'on s'en expliquât bien la cause, le savon était monté, de quatorze et seize sols la livre, à trente-deux sols[91]. Le 24 février, il y eut des rassemblements tumultueux à la porte des boulangers, et des bateaux qui apportaient une cargaison de savon ayant paru sur la Seine, les blanchisseuses coururent en foule sur le quai, frémissantes, éperdues, et se firent délivrer la marchandise à un prix fixé par elles-mêmes.

De là, elles vont à la Convention, criant : Du savon et du pain ! C'était un dimanche. L'Assemblée les ajourne au mardi. Mais elles, en se retirant : Et nous, nous nous ajournons à lundi. Quand nos enfants nous demandent du lait, nous ne les renvoyons pas au surlendemain ![92] La soirée fut menaçante. Une fermentation sourde annonçait l'approche d'un désastre. Marat se mit à sonner le tocsin dans son journal, peignant en furieux le tableau du mal, et indiquant pour remède le pillage de quelques magasins, à la porte desquels on pendrait les accapareurs[93]. Le sinistre numéro est lancé dans la matinée du 25. Pour les machinateurs au service du royalisme ou à la solde de l'étranger, rien ne pouvait venir plus à propos. A huit heures du matin, des bandes de gens appartenant à des conditions diverses se portent chez les épiciers et chandeliers. La rue des Cinq-Diamants et celle des Lombards sont assiégées, à la lettre. Des inconnus allaient de boutique en boutique, disant : Avez-vous du sucre, du café, du savon ? donnez au prix qu'on vous dira ; sinon, vos propriétés sont en péril2[94]. Parmi les femmes, plusieurs avaient des pistolets à la ceinture el ne s'en cachaient pas. Il y avait aussi dans leurs rangs des hommes déguisés, dont quelques-uns n'avaient pas même pris la précaution de faire leur barbe[95]. On se fit délivrer le sucre à vingt et vingt-cinq sols la livre, le savon et la chandelle à douze sols. Beaucoup de marchandises furent ravies, non-seulement par des femmes du peuple, mais par des dames en chapeau, fort bien vêtues et enrubannées.

A une d'elles, dont le linge très-fin et très-blanc contrastait avec celui de ses compagnes, un détaillant dit : Madame veut-elle aussi du savon pour blanchir son linge ?[96] On pilla jusqu'à de l'esprit-de-vin ; et ce qui prouve, écrivent avec une profonde amertume les républicains des Révolutions de Paris, que ce n'était pas le vrai peuple qui fit les honneurs de cette journée, c'est que, chez plusieurs chandeliers, on s'empara du suif en pain, après avoir cassé les moules ; c'est que, dans un temps où tout était cher, le beurre et le miel furent gaspillés, foulés aux pieds[97].

Par une déplorable fatalité, Santerre, ce jour-là, se trouvait à Versailles où il passait une revue de dragons, de sorte qu'aucun ordre n'avait été donné à la garde nationale. De son côté, Pache, élu depuis quelques jours maire de Paris, se trouvait consigné chez lui par l'émeute.

A deux heures après-midi, le Conseil général de la Commune se rassemble, arrête qu'il restera en permanence, et s'occupe des moyens de rétablir l'ordre[98]. Arrivaient de minute en minute des citoyens, commissaires de section ou officiers de paix, porteurs de nouvelles désolantes, et le cri tant mieux ! partait des tribunes. Jacques Roux, ce prêtre qui avait conduit Louis XVI à l'échafaud, fut accusé devant ses collègues d'avoir poussé au pillage ; il se contenta de répondre effrontément qu'il avait toujours professé les vrais principes et ne s'en départirait pas, dût-on l'appeler le Marat du Conseil général[99].

Pendant ce temps, la Convention discutait deux propositions, l'une de Saladin, demandant que les juges du district d'Amiens fussent mandés à la barre, pour avoir mis en liberté un prêtre, surpris disant la messe en France après émigration ; l'autre de Goupilleau, autorisant les directoires à faire des visites dans tout lieu désigné comme recélant des émigrés, soit nobles, soit prêtres[100]. Robespierre appuya vivement les deux motions[101], et elles venaient de passer, lorsque, montant tout à coup à la tribune, Bazire appela sur Paris livré au désordre l'attention de l'Assemblée. Elle chargea aussitôt la municipalité de prendre toutes les mesures requises par les circonstances, lui conférant le droit de faire battre la générale[102] : intervention tardive, qui ne mit fin à l'émeute que quand se voyaient partout les traces de son passage !

Tous les amis de la Révolution furent consternés ; la section de Bon-Conseil, celle des Piques, celle des Droits de l'Homme, envoyèrent successivement faire part à la Commune de la douleur dont les pénétrait cette humiliante journée[103]. La feuille de Prudhomme exprima très-bien la désolation des patriotes : Ils prévoient, disait-elle, que le 25 février éloignera de Paris ceux qui voulaient s'y fixer ; que le commerce intérieur sera perdu, le crédit ruiné, la liberté calomniée, et que les sujets des despotes seront rattachés au joug par la crainte d'excès semblables[104].

Puis, avec une véhémence extrême, ce journal, que, du fond de la tombe, Loustalot semblait inspirer, s'élevait contre la Convention, trop lente à s'occuper des troubles ; contre la Commune, trop lente à les réprimer ; contre Marat, surtout, formellement accusé d'avoir dit à un de ses amis intimes, quelques jours avant le 25 février : N'achetez point de maison à Paris[105].

Le 26, Barère, dans la Convention, demanda que les instigateurs ou auteurs des excès de la veille fussent poursuivis et châtiés. Ensuite, Salles ayant dénoncé Marat, Pénières lut l'article où l'Ami du peuple avait parlé de piller quelques magasins et de pendre à la porte les accapareurs. Il se fit un grand tumulte. Les uns criaient qu'il fallait sur-le-champ le mettre en accusation ; les autres que c'était un fou, mais un fou dangereux, et qu'il le fallait traiter comme tel. Bancal proposa qu'on le fit examiner par des médecins. Boyer-Fonfrède aurait voulu que la Convention se contentât de cette déclaration : Hier matin, Marat a prêché le pillage ; hier soir, on a pillé. Buzot conseilla amèrement à l'Assemblée de ne point mettre en accusation, de peur qu'il ne fût acquitté, Monsieur Marat. Lui ne s'émut nullement. Il ne nia rien, il accusa. Il appela ceux de la droite une faction criminelle. A son tour, il demanda pour eux les petites maisons. Thirion s'offrant à le défendre, il s'y opposa : Je saurai bien me défendre moi-même. La prétention des Girondins à jouer le rôle d'hommes d'État paraissait l'amuser fort. Les imbéciles ! dit-il ; et, chassé de la tribune par les clameurs, il en descendit en haussant les épaules et en riant. De semblables scènes tendaient à avilir la Convention : un membre s'en plaignit ; la discussion fut close, et la dénonciation contre Marat renvoyée aux tribunaux ordinaires[106].

Vinrent les récriminations haineuses et les imputations sans base. Aux Jacobins, on entendit Collot-d'Herbois accuser Roland d'avoir suscité les désordres du jour, pour déshonorer l'administration municipale de Pache ; et, comme si ce n'était pas assez de cette calomnie absurde, il ajoutait que l'ex-ministre de l'intérieur avait placé douze millions en Angleterre ; que lui, Collot, en avait la preuve, mais cette preuve, il ne la donnait pas[107].

Ce qui était moins difficile à prouver, c'était la part des manœuvres contre-révolutionnaires dans la journée du 25. Il fut constaté que la farine à Paris ne manquait pas ; que la crainte d'une disette était née principalement d'alarmes répandues avec une perfidie systématique ; qu'on avait vu des femmes qui n'étaient ni mariées ni mères de famille prendre jusqu'à six pains de quatre livres, alors qu'elles en pouvaient à peine consommer deux ; que, parmi les personnes arrêtées la main dans le pillage, il y avait des hommes titrés, des abbés, une comtesse qui, déguisée, distribuait des assignats[108].

Nul doute que le mal n'eût encore d'autres causes : une misère réelle, l'état d'inquiétude où se consumaient les esprits, la tendance à tout soupçonner, les colères entretenues par des prédications anarchiques, et, par exemple, des articles tels que celui de Marat[109] ; mais si le Moniteur eut raison d'écrire : Il ne faut pas croire qu'il n'y ait que les menées et l'or de nos ennemis qui agitent la République, il eut raison de ne pas nier la part que ces menées et cet or eurent dans nos malheurs[110].

Les choses en étaient là, quand arriva la nouvelle que des visites domiciliaires faites à Lyon, l'emprisonnement de cent cinquante personnes, et la démission de Nivière Chol, maire de la ville, avaient mis tout en rumeur dans cette importante cité, peuplée, assurait-on, d'aristocrates et de royalistes. Ils y étaient effectivement en force, s'appuyant sur la bourgeoisie, et enveloppant de leurs haines le Club central, refuge des Jacobins lyonnais. Entre tous les révolutionnaires, Chalier leur était odieux, Chalier, président du tribunal criminel, et auquel ils attribuaient le projet d'élever la guillotine sur le pont Saint-Clair et la place des Terreaux, altéré qu'il était, disaient-ils, du sang de ses ennemis. La démission de son rival, Nivière Chol, leur donnant le signal qu'attendait leur inimitié, ils éclatent ; et le jour même où l'émeute grondait dans Paris, la Convention apprend qu'à Lyon la contre-révolution vient d'avoir son heure de triomphe ; que la maison de Chalier a été menacée, le Club central envahi et saccagé, le livre de ses archives brûlé sur la place publique, le buste de Jean-Jacques cloué injurieusement à l'arbre de la liberté, le poste de l'arsenal occupé ainsi que la Poudrière, Nivière Chol réélu. Ces faits, exposés par Tallien dans la séance du 25 février[111], provoquèrent un décret de la Convention, enjoignant au Conseil exécutif d'envoyer à Lyon des forces répressives, et nommant trois commissaires revêtus de pleins pouvoirs. Rovère, Bazire et Legendre furent choisis. Ils partent aussitôt. Mais Lyon était désormais une proie à déchirer pour les factions contraires. Parmi les agitateurs arrêtés se trouvait un domestique d'émigré, porteur de libelles concernant Louis XVI.

L'ordre ayant été donné de le conduire à Roanne, on l'y traînait. Tout à coup un homme de l'escorte se détache, court au prisonnier, et d'un coup de baïonnette dans le ventre l'étend mort sur la place[112]. Ainsi s'annonçait à Lyon le règne de la fureur.

Tallien reçut, comme démenti à son rapport, une lettre qui incriminait violemment les Jacobins lyonnais. Laussel, procureur de la Commune à Lyon, y était chargé d'exécration en sa double qualité de tribun et de prêtre.

Chalier y apparaissait sous les traits d'un moderne Sylla.

Lui aussi, d'après la lettre, avait ses listes de proscription et ne rêvait que de funérailles ; on allait jusqu'à lui imputer d'avoir voulu la guillotine sur les ponts, afin que, les têtes une fois coupées, les corps tombassent dans la rivière. Et le signataire s'écriait : Grand Dieu ! fais que la Convention m'entende, et sévisse contre tant d'attentats ![113] Celui qui reculait ainsi d'horreur à l'idée du sang des hommes mêlé à l'écume des flots, portait un nom que la Loire semble murmurer aujourd'hui encore : il s'appelait Carrier !

La déplorable journée du 25 à Paris, les troubles de Lyon, ceux qui dans le même temps éclatèrent à Bordeaux et à Dijon[114], la Vendée qui se levait, le lien mystérieux qui paraissait unir sur tant de points à la fois les efforts de l'esprit de révolte ou d'anarchie, tout cela n'était que trop fait pour servir la coalition.

Elle venait, d'ailleurs, de prendre un développement redoutable par deux traités conclus entre Catherine II et l'Angleterre : l'un d'alliance militaire contre la France, l'autre d'alliance commerciale. Les deux Puissances s'engageaient, non-seulement à fermer leurs ports aux marchandises françaises, mais encore à briser tout rapport de commerce entre la France et les neutres[115]. En attendant qu'on pût prendre la Révolution corps à corps et l'étouffer, on l'isolait.

De son côté, l'Autriche, pressée par l'Angleterre de reconquérir les Pays-Bas et chargée plus spécialement de la conduite de la guerre offensive, poussait en avant cent douze mille hommes, sous les ordres du prince de Saxe-Cobourg, préféré comme général en chef des armées impériales à un guerrier plus habile, mais de moins noble extraction, Clairfayt[116].

Ce dernier, que la victoire de Jemmapes et la rapide conquête de la Belgique n'avaient pas encore rejeté au delà du Rhin, occupait alors Berghem, où il n'était séparé de l'armée française que par la petite rivière de la Roër, et par Juliers, très-médiocre forteresse.

Cependant Dumouriez avait quitté Paris ; avec quels desseins ? Il les a lui-même dévoilés, depuis, dans ses Mémoires. Son plan était d'envahir la Hollande comme avait fait la Belgique ; de dissoudre le comité révolutionnaire hollandais ; d'annuler le décret du 15 décembre ; d'offrir aux Anglais la neutralité, aux Autrichiens une suspension d'armes ; de réunir les deux républiques belge et batave ; de proposer à la France une réunion avec elles, et, en cas de refus, de marcher sur Paris, pour y dissoudre la Convention et y écraser le jacobinisme[117].

Ce plan, qui était d'un traître, quoique Dumouriez, en le léguant à l'histoire, ne paraisse pas s'en douter, fut confié à quatre personnes seulement, parmi lesquelles Miranda nomme Danton, Lacroix et Westermann[118]. Assertion terrible, si elle est vraie ! Mais rien ne peut ici être affirmé avec certitude, sinon qu'à cette époque Danton soutenait Dumouriez[119], qu'il fût initié ou non à ses projets.

Pour les accomplir, l'audacieux général envoie au général Miranda l'ordre d'assiéger Maëstricht ; détache de son armée, dispersée sur la Meuse, quatorze mille hommes, mille chevaux, presque toute l'artillerie ; entre en Hollande, le 22 février ; s'empare de Bréda, le 25 ; de Klunderl, le 26[120] ; et fait tout trembler autour de lui, devant lui.

Mais, derrière lui, ce qu'il laissait, le voici. Le 3 mars, un officier écrivait aux Révolutions de Paris :

Nous ne pouvons compter sur nos généraux. D'Harville vient de nous trahir à Aix-la-Chapelle ; nous y avons été surpris. Si vous apprenez la levée du siège de Maëstricht, ne vous en étonnez pas. Hier seulement, 2 mars, notre artillerie y a paru. Aussi nos canonniers ont-ils fait des reproches fondés à Miranda. Nos troupes sont admirables sous le feu, la misère semble ajouter à leur courage. Mais nous n'avons que quelques mortiers mal approvisionnés, et la place tire soixante coups à l'heure. Les généraux veulent laisser échapper un grand nombre de leurs amis bloqués dans la ville.

La lettre était signée : René Bellanger, capitaine d'une compagnie brestoise[121].

Le 5 mars, autre lettre, qui disait : Croira-t-on jamais que ce qui se passe est naturel ? Aix-la-Chapelle enlevée, Bréda découvert, le siège de Maëstricht levé ! Qui ne voit qu'on a voulu sauver quatorze ou quinze cents émigrés, bloqués dans cette dernière ville ? On parle partout de trahison. On accuse Valence. On crie contre Miranda[122].

Bientôt, toute la vérité fut connue. Le 1er mars, le prince de Cobourg avait rejoint Clairfayt à Berghem ; et, profitant de l'absence de plusieurs de nos officiers généraux, de la criminelle négligence ou de la division des autres, de l'étendue trop grande de nos cantonnements, de la sécurité de Miranda, qui croyait n'avoir affaire qu'à une vingtaine de mille hommes, les Autrichiens avaient tenté brusquement l'attaque, franchi la Roër, forcé trois redoutes à Aldenhoven, occupé Aix-la-Chapelle après un combat sanglant dans les rues, et refoulé les Français vers Liège, tandis que, séparés par ce mouvement, Stengel et Neuilly étaient rejetés dans le Limbourg, et que Miranda, levant le siège de Maëstricht, abandonnant même la rive gauche, se repliait sur Tongres[123].

Telle était donc la situation : la coalition universalisée, et la France précipitée dans tous les périls à la fois, de toutes parts ; sur mer, nulle place pour nos vaisseaux ; dans l'intérieur de nos villes, la révolte ; à la tête de nos armées, l'esprit de trahison ; à nos frontières, la déroute.

Situation sans exemple ! Une seule chose la pouvait égaler et l'égala : l'héroïsme de la Convention, combiné avec l'intrépide élan du peuple français. Le 4 mars, l'immortelle Assemblée reçoit des dons en armes, vêtements, bas, souliers, que les sociétés envoient pour nos soldats demi-nus[124].

Le 5, sur la motion de Choudieu, combattue d'abord par Buzot et Barbaroux, mais amendée ensuite par leur ami Boyer-Fonfrède, elle décrète l'envoi aux frontières des fédérés qui sont dans Paris[125].

Le 6, elle appelle dans son sein Labretêche, frappé à Jemmapes de quarante et un coups de sabre, et, par la main du président, lui pose une couronne civique sur la tête[126].

Le 7, elle applaudit à ces mots de Barère : Un ennemi de plus pour la France n'est qu'un triomphe de plus pour la Liberté ; et pleine d'une confiance magnanime, avec calme, unanimement, elle déclare la guerre à l'Espagne[127].

Le 8, sur la proposition de Danton, elle décide que des commissaires pris dans son sein iront dans les quarante-huit sections de Paris et dans tous les départements de la République rappeler aux citoyens en état de porter les armes le serment de maintenir la liberté et l'égalité jusqu'à la mort[128].

Mais déjà tout Paris est debout ; les sections se sont assemblées ; on a fermé les spectacles ; les enrôlements, qui s'étaient ralentis, recommencent dans chaque quartier[129] ; tous les jeunes gens employés dans les bureaux de la Commune partent, et elle annonce qu'elle n'emploiera plus de célibataires[130] ; le Conseil général a publié une proclamation autour de laquelle le peuple se presse frémissant : Hommes du 14 juillet[131], du 5 octobre, du 10 août, réveillez-vous ! Le drapeau noir flotte à l'Hôtel de Ville ; et les volontaires en marche ne s'arrêtent que pour demander à la Convention de prendre soin de leurs enfants et de leurs femmes, pendant qu'eux ils s'en vont mourir[132].

 

 

 



[1] Révolutions de Paris, n° 185.

[2] Révolutions de Paris, n° 185.

[3] Voyez la Vie de Michel Lepelletier, présentée à la société des Jacobins, par Félix Lepelletier, son frère. Première édition, p. 10 et 11.

[4] Voyez le Projet de Code pénal et le Plan d'éducation nationale de Michel Lepelletier, dans le XXIVe tome de l'Histoire parlementaire, p. 11-86.

[5] Vie de Michel Lepelletier, par son frère, p. 24 ; et Biographie universelle, à l'article Michel Lepelletier de Saint-Fargeau.

[6] Et non Paris. Voyez, à ce sujet, l'Histoire des Montagnards, par M. Esquiros, t. II, p. 296. — L'auteur parle d'après des communications reçues du frère même de Deparis.

[7] Histoire des Montagnards, par M. Esquiros, p. 299 et 300. — Révolutions de Paris, n° 187. — Rapport de Tallien à la Convention, séance du 5 février 1793.

[8] Voyez, à la suite des Œuvres de Michel Lepelletier, publiées à Bruxelles, par son frère, en 1826, la note qui concerne le suicide de Deparis.

[9] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 459.

[10] Sur l'étendue et la fougue de ce mouvement, on peut voir le journal de Brissot, et notamment le n° 1282 du Patriote français.

[11] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 191.

[12] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 171.

[13] A Naples, lors de la première restauration de Ferdinand IV.

[14] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 344.

[15] Révolutions de Paris.

[16] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 344.

[17] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 127.

[18] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 133.

[19] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 128.

[20] Answer of lord Grenville to M. Chauvelin's note, STATE PAPERS, Annual Register, 1793.

[21] Ils sont exposés tout au long dans la note ci-dessus de lord Grenville.

[22] Rapport de Brissot dans la séance du 12 janvier 1793.

[23] STATE PAPERS, Annual Register, 1793.

[24] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 141.

[25] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 141.

[26] Voyez le rapport de Brissot à la Convention, séance du 12 janvier 1793. — Et aussi les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 144.

[27] Rapport de Brissot.

[28] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 457.

[29] STATE PAPERS, Annual Register, 1793.

[30] STATE PAPERS, Annual Register, 1793.

[31] STATE PAPERS, Annual Register, 1793.

[32] Protest against a war with France, in consequence of the rejection of earl Stanhope's amendment to the address to his Majesty moved by lord Grenville on friday. Feb. 1, 1793. — Protest in the house of lords against the address voted in answer to the royal message. Feb. 1, 1793. STATE PAPERS, Annual Register, 1793.

[33] Voyez ce qu'il en dit lui-même dans ses Mémoires, t. III, liv. VII, chap. IV, p. 304.

[34] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. XI, p. 381.

[35] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. XI, p. 381.

[36] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. IV, p. 309.

[37] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. IV, p. 309.

[38] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. IV, p. 309.

[39] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 157.

[40] Annual Register for the year 1793, chap. VI, p. 252.

[41] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 157.

[42] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 155.

[43] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. XII, p. 384.

[44] Annual Register, for the year 1793, chap. VI, p. 232.

[45] Annual Register, for the year 1793, chap. VI, p. 252.

[46] Annual Register, for the year 1793, chap. VI, p. 252.

[47] Frédéric-Guillaume.

[48] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. Ier, p. 159.

[49] STATE PAPERS, note from M. Chauvelin to lord Grenville. Annual Register, for the year 1793.

[50] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. XII, p. 380.

[51] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VII, chap. XIV, p. 397.

[52] Voyez le Rapport de Brissot sur les dispositions du gouvernement britannique, reproduit en entier dans l'Histoire parlementaire, t. XXIII, p. 72.

[53] Voyez le Rapport de Brissot sur les dispositions du gouvernement britannique, reproduit en entier dans l'Histoire parlementaire, t. XXIII, p. 72.

[54] Voyez le décret du 1er février, dans l'Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 204-207.

[55] L'Annual Register, rédigé dans les idées de Burke, en convient lui-même. Voyez le volume relatif à l'année 1793, chap. II, p. 35.

[56] Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 39.

[57] Voyez la déclaration de Dundas, lors de la seconde lecture de l'alien-bill, Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 39 et 40.

[58] Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 43.

[59] Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 40.

[60] Annual Register.

[61] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, pages 179 et 180.

[62] Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 414.

[63] Rapport du 28 février 1793, sur les finances.

[64] Séance du 1er février 1793.

[65] Rapport de Cambon sur les finances, séance du 1er février 1793.

[66] Mercier, le Nouveau Paris, chap. LXXXV.

[67] Voyez la loi sur l'organisation des armées dans l'Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 170-190.

[68] Décret du 2 février 1793.

[69] Séance du 4 février 1793.

[70] Décret du 5 février 1793.

[71] Décret du 7 février 1793.

[72] Décret du 20 février 1793.

[73] Séance du 6 février 1793.

[74] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 159.

[75] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 177.

[76] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 175.

[77] Annual register for the year, 1793, chap. VI, p. 254.

[78] C'est ce que fit, par exemple, dans ce même mois de février, la section du Finistère. Voyez la séance du 12.

[79] STATE PAPERS, Annual Register, for the year 1793.

[80] Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 59.

[81] Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 59.

[82] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 133-136.

[83] Annual Register, for the year 1793, chap. II, p. 55.

[84] Voyez cet amendement dans l'Annual Register, chap. II, p. 62.

[85] Annual Register, p. 64.

[86] Annual Register, p. 68.

[87] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 194.

[88] Ce sont les propres termes de la déclaration de Frédéric-Guillaume, en date du 16 janvier 1793.

[89] Voyez la séance de la Chambre des Communes du 18 février 1795, dans l'Annual Register, p. 70.

[90] Révolutions de Paris, n° 190.

[91] Révolutions de Paris, n° 190.

[92] Révolutions de Paris, n° 190.

[93] Journal de la République française, numéro du 24 février 1793.

[94] Révolutions de Paris, n° 190.

[95] Révolutions de Paris, n° 190.

[96] Révolutions de Paris, n° 190.

[97] Révolutions de Paris, n° 190.

[98] Conseil général de la Commune, séance du 25 février 1793.

[99] Conseil général de la Commune, séance du 25 février 1793.

[100] Conseil général de la Commune, séance du 25 février 1793.

[101] Voyez son discours dans l'Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 348 et 349.

[102] Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 352.

[103] Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 340 et 341.

[104] Révolutions de Paris, n° 190.

[105] Révolutions de Paris, n° 190.

[106] Voyez la séance du 26 février 1793, dans l'Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 354-372.

[107] Séance des Jacobins du 25 février 1793.

[108] Déclaration de Gevrin, administrateur des subsistances. — Déclaration d'un boulanger, citée par Mathieu dans la séance de la Convention du 24 février 1795. — Révolutions de Paris, n° 190. — Procès-verbal de la Commune, séance du 25 février 1793, etc., etc.

[109] Dans son livre sur Marat, M. A. Bougeart s'efforce de disculper l'Ami du Peuple de toute participation dans les pillages du 25 février. (Voyez Marat, par A. Bougeart, t. II, p. 174-182. Paris, 1865.) L'article de Marat parut le 25 février au matin, et les troubles ayant commencé quelques jours auparavant, le journaliste ne pouvait en être le promoteur, dit M. Bougeart ; et il ajoute que les émeutiers étaient si peu de l'avis de Marat qu'ils n'ont pendu personne. Nous ne relèverons pas l'étrangeté de ce mode de défense, mais nous ferons observer à M. Bougeart que si les troubles avaient, en effet, commencé quelques jours auparavant, les pillages n'eurent cependant lieu que le soir du jour de la publication de l'article de Marat.

[110] Voyez la lettre du Moniteur, 18 juin 1793. Cette lettre que, dans son Histoire de la Convention, t. II, p. 310, édition de Bruxelles, M. de Barante cite, pour prouver qu'il y avait impudence à dénoncer, dans les troubles du 25, l'influence du royalisme et de l'étranger, n'implique rien de semblable. Ajoutons que M. de Barante a soin d'omettre tous les faits par où cette influence se révéla.

[111] Rapprocher ce rapport du récit des Révolutions de Paris, n° 190, et de la narration du Journal de Lyon, n° 33, reproduite t. XXIV, p. 595 et suivantes de l'Histoire parlementaire.

[112] Révolutions de Paris, n° 190.

[113] Révolutions de Paris, n° 191.

[114] Voyez le discours de Vergniaud, séance du 13 mars.

[115] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 198.

[116] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 203-205.

[117] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. I, p. 15 et 14.

[118] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. I, p. 15 et 14.

[119] Voyez l'éloge qu'il en fait dans la séance du 10 mars 1795.

[120] Histoire parlementaire, t. XXIV, p 419.

[121] Révolutions de Paris, n° 191.

[122] Révolutions de Paris, n° 191.

[123] Voyez, sur ces mouvements, le Tableau historique de la Révolution de France, par les généraux Servan et Grimoard, cité t. XXIV, p. 427 et suivantes de l'Histoire parlementaire, et aussi les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 209.

[124] Révolutions de Paris, n° 191.

[125] Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 450-462.

[126] Révolutions de Paris, n° 191.

[127] Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 474.

[128] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 8.

[129] Révolutions de Paris, n° 190.

[130] Adresse lue par Chaumette à la Convention, séance du 9 mars 1793.

[131] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 15.

[132] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 17.