Revirement des Girondins. — Leurs tentatives pour reconquérir le ministère. — Lettre secrète de Vergniaud, Guadet et Gensonné au roi. — Mot remarquable de Brissot à Chabot sur le 20 juin. — Brissot parle contre les républicains. — Manœuvres parlementaires de la Gironde. — Le renvoi des fédérés demandé par Lasource. — Calomnies dirigées contre la Gironde. — État de Paris. — Le cabaret du Soleil d'or. — Mallet du Pan se met en rapport avec Coblentz. — Aspect de Coblentz. — Mallet du Pan à Francfort. — Manifeste de la coalition rédigé par le marquis de Limon. — Le duc de Brunswick forcé de signer ce manifeste, qu'il déplore. — Le duc soupçonné par l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse. — Le jour où le duc de Brunswick signe à Coblentz le manifeste contre la France, Carra le propose implicitement pour roi aux Français. — Comment le manifeste de la coalition est accueilli en France. — Agitation héroïque mêlée de désordres. — Mot prophétique de D'Éprémesnil à Pétion. — Le territoire français et le territoire autrichien dans le jardin des Tuileries. — Arrivée des Marseillais à Paris. — Promesse de Santerre violée ; pourquoi ? — Rixe sanglante. — La cour se prépare au combat. — Indomptables préventions de la reine ; ses alternatives de confiance et d'abattement ; son courage. — Attitude de Danton, de Marat, de Camille Desmoulins, de Robespierre. — Le Cadran bleu. — Fermentation générale. — La nature en convulsion.A l'aspect de ce prodigieux élan des âmes, les Girondins ne se purent défendre d'une secrète inquiétude. Ce que Mirabeau avait éprouvé après Necker, et Duport après Mirabeau, ils commençaient, eux, à l'éprouver après Duport. D'une main violente, ils avaient lancé la Révolution ; mais où s'arrêterait son indomptable esprit ? L'hésitation des Girondins se trahit, dès cette époque, par des signes si manifestes, qu'il en courut des bruits dont s'indigna leur courage. On assura que plusieurs d'entre eux étaient déjà munis de passeports pour l'Angleterre, et on nommait Vergniaud, Guadet, Condorcet, Brissot[1]. Ce dernier répondit fièrement : Je méprise trop les lâches qui abandonnent leur poste dans la crise où nous sommes, pour partager leur ignominie[2]. On calomniait en effet les Girondins quand on les supposait capables de fuir. Leur inquiétude était celle qui porte, non à éviter le péril, mais à le détourner en le dominant. Par malheur, des deux routes qui pouvaient conduire à maîtriser la situation, ils choisirent la moins incertaine en apparence, la moins orageuse, et… la pire. Ils voulurent reconquérir le ministère, ils le voulurent avec passion, ce qui leur souffla le désir de sauver le trône, au moment même où les flots de l'opinion soulevée le couvraient déjà de leur écume. Le 20 juin venait d'avoir lieu ; le coup de tonnerre du 10 août allait éclater, et, dans l'intervalle, à quoi songe la Gironde ? A négocier mystérieusement avec la Cour sa rentrée aux affaires. Ce fut à un peintre au pastel, nommé Boze, que Vergniaud, Guadet et Gensonné s'adressèrent pour entamer cette négociation si téméraire, et, dans un pareil moment, si étrange. Ils le chargèrent de remettre à Thierry, valet de chambre de Louis XVI, une lettre signée par laquelle ils annonçaient au roi qu'une insurrection formidable se préparait ; que la déchéance, et quelque chose de plus terrible encore peut-être, en serait le résultat ; qu'un seul moyen restait de conjurer cette catastrophe, et que ce moyen était de rappeler au ministère, dans huit jours au plus tard, Roland, Servan et Clavière[3]. L'ambition de reconquérir le pouvoir tourmentait si fort les Girondins, que le lendemain du 20 juin, Chabot ayant rencontré Brissot dans l'allée des Feuillants, et lui reprochant d'avoir fait reculer la liberté par la manifestation irrégulière de la veille, celui-ci répondit : Vous vous trompez, elle a produit tout l'effet que nous en attendions. Roland, Clavière et Servan vont rentrer au ministère[4]. Aussi, lorsque dans la séance du 24 juillet, Duhem demanda que la question de la déchéance fût immédiatement discutée, ce fut Vergniaud, Vergniaud lui-même, qui adjura l'Assemblée nationale de ne se laisser ni entraîner par des mouvements désordonnés ni subjuguer par de vaines terreurs[5]. Le surlendemain, la pensée du parti se révéla bien plus clairement encore : L'Assemblée discutait un décret ayant pour objet d'investir les municipalités du droit d'arrêter les citoyens prévenus de complots contre la Constitution et la sûreté de l'État. Brissot prend la parole, et après avoir proclamé la nécessité de cette sorte de dictature municipale, lui, l'initiateur intrépide du mouvement républicain en France, lui, le hardi signataire de la pétition républicaine qui avait amené le massacre du Champ de Mars, le voilà qui, à la grande stupéfaction des tribunes, se met à tonner contre la faction des régicides qui veut créer la République ! Le voilà qui s'écrie : S'il existe des hommes qui travaillent à établir maintenant la République sur les débris de la Constitution, le glaive de la loi doit frapper sur eux comme sur les amis actifs des deux Chambres et sur les contre-révolutionnaires de Coblentz ![6] En même temps, au nom de la Commission des Douze, Guadet venait proposer à l'Assemblée une adresse qui concluait ainsi : Vous pouvez encore, Sire, sauver la patrie et votre couronne avec elle : osez enfin le vouloir. Que le nom de vos ministres, que la vue des hommes qui vous entourent, appellent la confiance publique ; que tout, dans vos actions privées, dans l'énergie et l'activité de votre conseil, annonce que la nation, ses représentants et vous, vous n'avez qu'un seul désir, celui du salut public. Ce projet d'adresse avait été préalablement concerté dans les conciliabules de la Gironde : Brissot se hâta de l'appuyer, mais comme, pour arriver à leur but, les Girondins avaient besoin de bien montrer à Louis XVI qu'ils pouvaient à leur gré le sauver ou le perdre, Brissot demandait que, sans rien précipiter sur la question de la déchéance, l'Assemblée chargeât son Comité des Douze d'examiner quels étaient les cas légaux de déchéance, et si les actes de Louis XVI rentraient dans les prévisions de la loi. C'était dire au pauvre monarque : Que la royauté nous prenne pour ses conseillers, ou qu'elle tremble de nous avoir pour ennemis ; car nous portons dans les plis de notre manteau la paix ou la guerre. Mais une pareille tactique avait quelque chose de trop transparent : le discours de Brissot fut couvert de murmures. Les tribunes criaient : A bas, scélérat de Barnave ! A bas, homme à double face ! Et, pour comble, les royalistes applaudissaient[7] ! Aux Jacobins, on le devine, il y eut explosion. Il a dit, s'écria Antoine indigné, il a dit que l'opinion publique n'était pas assez formée sur la déchéance. N'est-ce pas montrer à tous les yeux clairvoyants que son projet ne tend qu'à épouvanter la Cour, pour la forcer, s'il est possible, au rappel des trois ministres ? Il n'était que trop vrai, et l'attitude de la Gironde à l'égard des fédérés acheva de dévoiler les desseins de ce parti, mélange bizarre de patriotisme exalté et d'ambition, d'inspirations magnanimes et d'esprit d'intrigue. Par qui les fédérés avaient-ils été appelés à Paris ? N'était-ce point par les Girondins ? n'était-ce pas d'eux que venait la motion du camp de vingt-mille hommes ? Et cependant, ils ne furent pas plutôt à Paris, les visiteurs si impatiemment attendus, que la Gironde, dont ils n'avaient fait en accourant que suivre l'impulsion, se sentit, au milieu d'eux, mal à l'aise et inquiète. Bientôt, son plus ardent désir fut de se débarrasser de ces hôtes incommodes. Que ne les envoyait-on aux frontières ? ne devait-on pas craindre, si on les retenait à Paris, de paralyser le zèle patriotique des départements ? et puis, convenait-il de laisser exposés aux provocations, aux artifices des ennemis de la liberté, ces natures pleines de feu, qu'il ne serait peut-être pas impossible de précipiter dans tous les excès ? Ainsi parlaient maintenant les Girondins ; et Lasource, un d'eux, alla jusqu'à présenter formellement au club de la Société-Mère la motion du renvoi des fédérés[8]. Mais pas plus qu'à Necker, pas plus qu'à Mirabeau et à Duport, il ne pouvait être donné aux Girondins de prendre la Révolution à leur service, sauf à la congédier ensuite, au gré de leur fantaisie ou à l'heure marquée par leur prudence. L'histoire, même quand des mains puissantes et hardies semblent la pousser, ne fait qu'obéir à la loi de son éternel mouvement ; et lorsque, en vertu de cette loi, elle se précipite, tout parti qui prétend la régler à son pas, égale en orgueil ou en folie ce roi de Perse qui faisait fouetter la mer pour la punir de la désobéissance de ses flots. Là fut la grande erreur des Girondins. Ils perdirent un moment de vue que le danger alors, c'était le royalisme. Mais prétendre que cette erreur n'eût sa source que dans les inspirations d'une cupidité basse, que dans les entraînements d'une ambition vulgaire, ce serait la plus criante des injustices. Ils purent bien songer à arrêter la Révolution, mais à la trahir… jamais ! Leur ambition fut leur faiblesse, non leur crime. Et quant à leur prétendue vénalité mise à l'épreuve, quant aux promesses dorées qui auraient été au moment d'éblouir les regards du sévère Pétion ; quant aux douze millions auxquels Brissot aurait évalué le prix de son concours, et qui eussent fait de lui un royaliste, pour peu qu'ils se fussent trouvés alors dans les coffres de la liste civile, ce sont autant de calomnies ineptes, que pas une ombre de preuve ne justifie, que l'ensemble des faits et des témoignages dément d'une manière triomphante, et que la rage aveugle des passions de parti rend seule explicables[9]. Pétion était la probité même, et Brissot, quels qu'aient pu être ses torts, fut, en ce qui le touchait personnellement, le plus désintéressé des hommes[10]. Ce qui est vrai, ce qui reste acquis à l'histoire, c'est qu'aux approches du 10 août, les Girondins, quoique leur âme fût républicaine, voulurent ajourner la crise de la république à fonder, crurent cet ajournement possible, et y mirent pour condition leur rentrée aux affaires. Mais quoi ! les Prussiens arrivaient, et déjà la Cour croyait entendre le bruit du pas des armées libératrices ; les Prussiens arrivaient, et Luckner battait artificieusement en retraite, et Lafayette tenait la pointe de son épée tournée vers les Jacobins, non vers l'ennemi, et la contre-révolution occupait des postes importants dans l'Assemblée, dans les administrations départementales, au cœur des grandes villes, le long des frontières, partout. Louis XVI crut donc pouvoir se passer d'alliés qui avaient été déjà et entendaient redevenir ses maîtres : l'offre des principaux chefs de la Gironde fut rejetée avec dédain[11]. Cependant, l'agitation était extrême au sein du peuple. Le mot déchéance était dans toutes les bouches ; l'insurrection, mais seulement à l'état de vague désir, était dans tous les cœurs. Il s'était formé, presque au lendemain de la fête du Champ de Mars, deux centres principaux d'où rayonnaient, comme de deux foyers brûlants, les menaces et les colères. C'étaient d'abord le Comité central des fédérés, puis le Bureau de correspondance, établi à la municipalité même, par arrêté du 17, pour mettre en rapport les 48 sections. D'elles-mêmes, elles s'étaient déclarées en permanence sur une pétition du Puy-de-Dôme, signée par plus de dix mille citoyens. Cette permanence des sections fut législativement étendue à la France entière[12] ; et le jour où fut rendu ce décret, qui pourvoyait aux dangers du dedans, il fut décrété en vue de ceux du dehors, que tout commandant de place de guerre qui se rendrait avant l'ouverture d'une brèche, et sans avoir soutenu au moins un assaut, serait puni de mort[13]. Paris bouillonnait de plus en plus. Où s'élevait la Bastille, un banquet civique fut offert aux fédérés, le 26 juillet. Ceux de Brest avaient fait leur entrée la veille, au milieu des acclamations : ils furent au nombre des conviés. Des hymnes chantés en l'honneur de la liberté et de la France, des illuminations, des danses, prolongèrent la joie de ce repas fraternel. Chaque citoyen avait apporté son dîner[14]. Ce soir-là, on se reposa un peu de la haine ! Mais, pendant ce temps, rassemblés rue Saint-Antoine, au cabaret du Soleil d'Or, quelques hommes d'une ardeur moins facile à distraire, complotaient une insurrection générale, le siège du château, l'emprisonnement du roi au fort de Vincennes. C'étaient les mêmes que nous avons vus figurer au 20 juin : Santerre, Fournier l'Américain, le Polonais Lazousky ; et, en outre, Carra, l'auteur des Annales patriotiques ; Vaugeois, ancien compagnon de portefeuille de Pétion, et hôte de Chabot[15] ; Simon, disciple fanatique de Robespierre, et enfin Westermann, simple greffier de Haguenau, dont la Révolution allait faire un grand soldat, Westermann, le futur vainqueur des Vendéens à Beaupréau, à Laval, à Granville, à Baugé, à Savenay. Le plan de campagne tracé par les agitateurs portait que l'armée populaire se diviserait en trois colonnes, dont l'une irait droit au château, en partant de l'emplacement de la Bastille, et dont l'autre serait dirigée vers l'Hôtel de Ville, pendant que la troisième, partie du faubourg Saint-Marceau, se rendrait par le pont à la place Louis XV. Les commissaires convinrent de se rassembler tous autour de la colonne de la Liberté. Le mot d'ordre pour entrer était la colonne blanche. Les drapeaux devaient être de couleur rouge, avec ces mots en caractères noirs : Loi martiale du peuple souverain contre la rébellion du pouvoir exécutif. La Cour, avertie de ces projets insurrectionnels, s'entoura de six à sept mille hommes ; et prévenu, de son côté, des préparatifs de défense qu'on faisait aux Tuileries, Pétion se transporta dans les groupes, conseilla la prudence, fit ajourner le mouvement. Aussi bien, les Marseillais n'étaient pas encore arrivés : on prit le parti de les attendre[16]. Tandis que ces choses se passaient à Paris, l'agent secret de Louis XVI à Francfort, Mallet du Pan, s'efforçait de diriger dans un sens favorable aux intérêts de son maître l'esprit de la coalition. Il s'était d'abord adressé à Coblentz, où il fit plusieurs voyages, sous le nom de Fournier, marchand de toiles[17]. Mais là, il ne tarda pas à sentir que le sol se dérobait sous lui. Divisée en partisans de Calonne, anti-calonistes et monarchiens, c'est-à-dire en factions jalouses qui déjà se disputaient les dépouilles de la France à conquérir, l'émigration ne présentait alors qu'un pitoyable assemblage d'ambitieux impatients et d'insolents rêveurs. Le loyal, l'éloquent Cazalès n'y était considéré que comme une mauvaise tête[18] ; sa franchise importunait, parce qu'elle était lumineuse, ces opiniâtres amants des ténèbres ; les calonistes, qui le croirait ? ne prétendaient pas à moins qu'au rétablissement de l'ancien régime pur et simple ; et quoique Calonne fût tenu en échec par une ligue assez nombreuse d'envieux ou de rivaux, son ascendant sur le comte d'Artois suffisait pour rendre impuissante toute volonté contraire à la sienne[19]. Quant à Monsieur, il poursuivait son plan de remplacer Louis XVI sur le trône, avec une persévérance impitoyable et glacée. C'était lui qui avait apporté, répandu et accrédité à Coblentz l'idée que la tête de Louis XVI était incapable de porter le poids d'une couronne, que les princes devaient se déclarer indépendants et qu'il fallait pourvoir à une régence[20]. Que pouvaient sur des esprits ainsi disposés les efforts de Mallet du Pan pour amener les princes à s'effacer le plus possible ? Ses discours n'éveillèrent que sentiments de répulsion et de défiance ; il s'en aperçut, et tourna tout son espoir vers l'empereur d'Autriche, vers le roi de Prusse. Muni d'un billet que Louis XVI lui envoya, écrit de sa propre main, et qui était conçu en ces termes : La personne qui présentera ce billet connaît mes intentions, on peut prendre confiance à ce qu'elle dira, Mallet du Pan fut présenté aux deux monarques, et autorisé à s'aboucher avec M. de Cobentzel pour l'Autriche, et le comte de Haugwitz pour la Prusse[21], le général major Heymann devant assister à ces conférences. Pour les Puissances coalisées, le seul moyen de faire connaître leurs intentions était de faire précéder l'entrée de leurs armées en France par la publication d'un manifeste : ce manifeste, que devait-il contenir ? Selon Mallet du Pan, il devait annoncer que le corps germanique ne poserait les armes qu'après avoir rendu au roi sa liberté et son autorité ; que cette résolution était inébranlable ; que, si le moindre préjudice était porté soit au monarque soit à sa famille, l'Assemblée nationale, la capitale, toutes les autorités constituées, auraient à en répondre dans leurs corps et biens ; mais que, du reste, on s'armait contre les factieux, non contre la nation, et qu'on entendait seulement sauver des résultats d'une anarchie féroce les peuples aussi bien que les gouvernements. L'envoyé de Louis XVI insistait sur la nécessité de soutenir la terreur par la confiance ; il ne voulait pas qu'on eût l'air de donner des lois à la France, en proposant d'une manière précise telle ou telle forme de gouvernement ; enfin, il demandait que le programme des Puissances fût rédigé de façon à enlever aux Jacobins leur grand argument : la guerre des rois contre les peuples[22]. Les ministres des deux Cours parurent entrer complètement dans ces vues ; ils ne se cachèrent pas de la défiance que Coblentz leur inspirait[23], et Mallet du Pan, jugeant sa mission terminée, quitta Francfort. Mais déjà l'empereur d'Autriche avait entre les mains un autre projet de manifeste, auquel il adhéra et fit adhérer le roi de Prusse. Ce projet avait été rédigé par le marquis de Limon, révolutionnaire ardent devenu depuis peu un royaliste exalté, et qui suivait les inspirations de Calonne[24]. Aussi, rien de plus insensé que cet acte, où l'on sommait orgueilleusement un peuple fier et guerrier entre tous de se rendre à discrétion, de tomber à genoux devant le vainqueur, sans avoir tenté la fortune du combat ! Il y était dit : Que les alliés marchaient pour couper court à l'anarchie en France, sauver le trône, défendre l'autel, rendre au roi sa liberté et son pouvoir ; Que, jusqu'à l'arrivée des troupes de la coalition, les gardes nationales et les autorités étaient rendues responsables de tout désordre ; Qu'on leur enjoignait de revenir à leur ancienne fidélité ; Que les habitants qui oseraient se défendre seraient punis sur-le-champ comme rebelles, et leurs maisons démolies on brûlées ; Que si la ville de Paris ne mettait pas le roi en pleine liberté et ne lui accordait pas le respect qui lui était dû, les princes coalisés en déclaraient responsables personnellement, sur leurs têtes, pour être jugés militairement, ns espoir de pardon, tous les membres de l'Assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité, de la garde nationale ; Que, si le château était forcé ou insulté, les princes en tireraient une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant Paris à une exécution militaire, à une subversion totale ; Que si, au contraire, les habitants de Paris obéissaient promptement aux ordres de la coalition, les princes confédérés s'emploieraient auprès de Louis XVI pour obtenir le pardon de leurs torts ou de leurs erreurs[25] !! C'était le duc de Brunswick qui, comme généralissime de la coalition, était appelé à signer ce manifeste monstrueux : quand on le lui présenta, il fut consterné[26]. Refuser sa signature, il l'aurait dû, et tout l'y poussait : son bon sens, la connaissance qu'il avait de l'esprit français, son involontaire penchant pour la France, la crainte de s'aliéner sans retour un pays où l'on avait fait briller à ses yeux la perspective d'une couronne… Mais il trembla de déplaire aux souverains, et confinant sa critique dans quelques observations de détail insignifiantes, auxquelles on fit droit sans difficulté, il signa. On raconte que ce fut après sa signature donnée que fut introduite la fameuse phrase qui, en cas d'attentat contre le château, menaçait Paris d'une subversion totale ; et l'on ajoute qu'à la vue de cette abominable interpolation, le duc indigné prit l'exemplaire, et, sans oser toutefois le désavouer, le déchira[27]. Ce qui est certain, c'est qu'il considérait ce manifeste comme un acte de démence ; c'est que, dans la suite, il n'en parla jamais que pour le qualifier de déplorable[28] ; c'est qu'enfin, dans des Mémoires écrits à Londres de souvenir, sous l'aiguillon du besoin, et pour un libraire qui les paya six cents livres sterling, Bertrand de Molleville ayant avancé que le duc de Brunswick avait pris part à la rédaction de la pièce dont il s'agit, le duc répondit par un démenti solennel. Les derniers mots de sa lettre étaient : Il est bien permis de chercher à éviter de passer dans les siècles à venir pour un étourdi inconsidéré[29]. Est-il vrai que, dès 1792, l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse eussent été informés des offres brillantes faites au duc de Brunswick pour le porter à embrasser la défense de la Révolution française ? est il vrai qu'en le mettant dans la nécessité de signer l'insolente déclaration, leur but secret fut de le compromettre pour jamais à l'égard de la France ? Le bruit s'en répandit à l'époque même[30]. Toujours est-il que, par une coïncidence fort remarquable, le jour où Brunswick publiait son manifeste, daté du quartier général de Coblentz, c'est-à-dire le 25 juillet 1792, Carra faisait paraître à Paris, dans les Annales patriotiques, l'article suivant, où l'on enveloppa, plus tard, son arrêt de mort : Rien de si bête que ceux qui croient ou voudraient faire croire que les Prussiens songent à détruire les Jacobins, et qui n'ont pas vu dans ces mêmes Jacobins les ennemis les plus acharnés de la maison d'Autriche, les amis constants de la Prusse, de l'Angleterre et de la Hollande. C'est le plus grand guerrier et le plus grand politique de l'Europe que le duc de Brunswick. Il ne lui manque peut-être qu'une couronne, je ne dis pas pour être le plus grand roi de l'Europe, mais pour être le véritable restaurateur de la liberté en Europe. S'il arrive à Paris, je gage que sa première démarche sera de venir aux Jacobins et d'y mettre le bonnet rouge. MM. de Brunswick, de Brandebourg et de Hanovre, ont un peu plus d'esprit que MM. de Bourbon et d'Autriche[31]. Ce n'était pas la première fois que Carra osait appeler un étranger au trône de France. Un jour, il lui était arrivé de proposer ouvertement, à la tribune des Jacobins, le duc d'York pour roi des Français ; mais la société tout entière, saisie d'un violent transport d'indignation, lui avait imposé le silence ; et, depuis, Carra s'était senti poursuivi de tels soupçons, qu'au commencement de la guerre, il était allé déposer, à la barre de l'Assemblée législative, en guise d'abjuration, une boîte d'or dont le roi de Prusse lui avait jadis fait présent[32]. Rapprochements étranges ! le 25 juillet, Brunswick publie, la douleur dans l'âme, un manifeste qui doit le rendre odieux à la nation française : le même jour, Carra demande implicitement pour le duc une couronne, la couronne de France. Et le lendemain, 26 juillet, Carra est, nous l'avons vu, au Soleil d'or, concertant avec Santerre et les révolutionnaires les plus fougueux, les moyens de détrôner Louis XVI ! La trop célèbre déclaration fut connue à Paris, dès le 28.
Chez les uns, elle n'éveilla qu'un sentiment de mépris, mais chez les autres
elle excita des colères désormais inapaisables. Ah ! l'on osait crier à la
France, même avant la bataille : Rends tes armes !
Eh bien, comme ce héros de l'antiquité, elle répondrait : Viens les prendre ! Ah ! on prétendait lui imposer
le roi ! Eh bien, elle le renverserait. Dès ce moment, l'idée de
l'insurrection, partielle encore et flottante, devient générale et acquiert
une précision formidable. Chacun jure de vaincre pour la Révolution, de
vaincre pour l'égalité. Les enrôlements furent plus nombreux et plus
solennels que jamais. La certitude d'écraser l'ennemi et la joie de le braver
animaient tous les discours, étincelaient dans tous les regards. Allons ! disait Robespierre aux Jacobins, il faut que le peuple français soutienne le poids du
monde. Il faut qu'il soit parmi les peuples ce qu'Hercule fut parmi les héros[33]. Sur les 48
sections, appelées à voter la déchéance, 47 la réclament[34]. La section de
Mauconseil va plus loin, elle déclare qu'à partir de ce jour, elle ne
reconnaît plus Louis XVI pour roi des Français[35]. De son côté,
acceptant, quoique d'une manière incomplète encore et timide, les conclusions
d'un discours, bien plus hardi, prononcé l'avant-veille par Robespierre[36], la section des
anciens Cordeliers invoque, dans un arrêté signé Danton, Chaumette et Momoro,
le courage des citoyens passifs, qu'elle excite, qu'elle pousse à s'armer
pour la Constitution en péril[37]. Malheureusement, à cette agitation héroïque se mêlèrent des encouragements vils et des désordres qui servirent à la calomnier. Hébert, dans sa feuille, poursuivait la reine des plus basses injures[38]. On allait crier jusque sous les fenêtres du château la Vie de Marie-Antoinette, qu'accompagnaient des estampes indécentes ; et ces estampes, des colporteurs les montraient aux passants[39]. Les attroupements nocturnes se multiplièrent si fort, que la reine, effrayée, n'osa plus coucher dans son appartement du rez-de-chaussée des Tuileries, et monta au premier étage dans une pièce située entre l'appartement du roi et celui du dauphin[40]. Les passions contraires se heurtant jusque dans la rue, il arriva qu'un jour, à la suite d'une rixe où le tort de la provocation resta douteux, Duval d'Éprémesnil fut transporté tout meurtri au corps de garde du Palais-Royal, de ce même Palais-Royal, d'où était parti en 1788 le rassemblement qui courait alors le protéger contre la Cour ! Pétion entra ; et le regardant fixement, d'Éprémesnil lui dit : Et moi aussi, Monsieur, j'ai été l'idole du peuple. Pétion eut un rapide pressentiment de l'avenir : il s'évanouit[41]. C'était sur la terrasse des Feuillants que d'Éprémesnil avait été maltraité : une députation de gardes nationaux parut à la barre de l'Assemblée, disant qu'il n'était plus possible de garder le jardin des Tuileries, depuis que cette terrasse était ouverte au public, et demandant qu'elle fût fermée. Mais, le lendemain, le peuple établit, de lui-même, pour protéger la promenade du roi, une barrière ingénieuse et touchante. C'était un cordon de ruban tricolore, avec cette inscription : Que ceux qui ont brisé les chaînes du despotisme respectent ce simple ruban[42]. Et il fut respecté. Ce fut au point, qu'un jeune homme, sans prendre garde à la consigne, étant descendu dans le jardin, le peuple réuni sur la terrasse s'ameuta, et eût fait un mauvais parti à l'imprudent, s'il ne lui fût venu l'idée d'ôter ses souliers et d'essuyer avec son mouchoir le sable qui était aux semelles[43], comme pour s'excuser d'avoir passé du territoire français sur le territoire autrichien. Car on se mit à distinguer de la sorte la partie du jardin ouverte à tous, et celle qui était réservée à la reine. Sans compter que la nature de la consigne populaire donna lieu à plus d'une devise menaçante, témoin celle-ci, qui résumait la situation d'une manière expressive : La colère du peuple tient à un ruban, la couronne du roi tient à un fil[44]. Ainsi, tout se précipitait vers le dénouement final. Les Marseillais arrivèrent. Barbaroux, Rebecqui, Pierre Baille, Bourdon, étaient allés au-devant d'eux. A Charenton, les chefs s'abouchent, et l'on arrête le plan à suivre. Santerre ayant promis de faire marcher les faubourgs à la rencontre des nouveaux venus, on convient que les Marseillais seront placés au centre de cette armée, qui semblait devoir être au moins de 40.000 hommes. Elle défilera le long des quais dans une attitude martiale, mais non insurrectionnelle. A l'Hôtel de Ville, on jettera mille hommes pour l'entourer et attendre que les sections aient nommé un autre conseil municipal. Quatre cents hommes sont jugés suffisants pour occuper la mairie, et quatre cents destinés à arrêter le Directoire. On occupera, au moyen de divers détachements, les postes de l'Arsenal, de la Halle au blé, des Invalides, les hôtels des ministres, les ponts ; et, pendant ce temps, l'armée, se portant aux Tuileries, sur trois colonnes, ira camper dans le jardin, jusqu'à ce que réparation de toutes les injustices ait été obtenue[45]. Dans la pensée de Barbaroux, l'auteur de ce plan, il s'agissait bien moins d'une insurrection proprement dite que d'une manifestation calculée de manière à empêcher l'effusion du sang, et, selon ses propres expressions, digne de servir d'exemple aux peuples qui n'ont besoin pour briser leurs fers que de se montrer à leurs tyrans[46]. Barbaroux écrivit au crayon ce qu'on vient de lire ; Fournier l'Américain en prit copie ; et, suivis de deux pièces de canon, les Marseillais, au nombre de 516 hommes[47], entrèrent dans Paris. Mais Santerre n'avait pas tenu parole : au lieu des 40.000 faubouriens qui devaient se présenter pour les recevoir, les Marseillais ne virent venir à leur rencontre qu'une bande peu nombreuse de Parisiens armés de coutelas et de piques[48]. Pour s'expliquer ce qui, dans un tel moment, arrêta tout à coup Santerre, il faut se rappeler qu'il était l'homme de Robespierre, l'homme des Jacobins, et que Barbaroux, quoique agissant un peu en dehors de la Gironde à cette époque, n'en appartenait pas moins à ce parti. Or, quelle était alors la conduite des Girondins ? Effrayés du mouvement qui se préparait, ils s'efforçaient de l'amortir. Brissot, ancien condisciple de Vaugeois, qu'il savait à la tête du comité secret d'insurrection, lui soufflait sa prudence, et combattait auprès de lui l'influence ardente de Chabot[49] ; Lasource insistait sur la nécessité du renvoi des fédérés[50] ; Condorcet, dans la Chronique de Paris, blâmait, comme intempestif, l'arrêté révolutionnaire de la section Mauconseil[51] ; Vergniaud le faisait annuler par l'Assemblée, comme inconstitutionnel[52] ; enfin, au club girondin de la Réunion, nouvellement établi, Isnard et Brissot s'engageaient à demander qu'on envoyât devant la Cour d'Orléans Robespierre et Antoine, ce qui était les confondre avec les conspirateurs royalistes, ce qui était les livrer à l'échafaud[53] ! Il est probable que Santerre, averti à temps, craignit, en abandonnant les faubourgs à l'impulsion de Barbaroux, de mettre au service d'un parti qui n'était pas le sien les forces dont il disposait. Quoi qu'il en soit, la présence des Marseillais avait profondément troublé les royalistes. C'est une chose terrible que la calomnie au service de la peur. Elle avait pris les devants, à l'égard de ces intrépides enfants du Midi. Déjà des libelles payés par la liste civile les avaient représentés comme un impur ramas de galériens échappés du bagne de Toulon, de forçats génois ou liguriens, de renégats vomis sur la côte de Provence par les tartanes de Maroc. On assurait qu'ils avaient tout fait trembler, tout pillé sur leur route. On ne parlait que des dangers de Paris, maintenant abandonné à leurs fureurs. Le fait qu'en traversant la ville, ils avaient offert aux passants d'un air impérieux, en échange de cocardes à rubans, de simples cocardes de laine, fut cité comme le prélude des plus affreux malheurs[54]. Mais comment se délivrer de ces hommes redoutables ? Comment obtenir de l'Assemblée qu'elle les envoyât à la frontière tuer et mourir ? Une circonstance — fut-ce hasard, fut-ce calcul ? — vint très à propos, sur ce point, servir le vœu des royalistes. Le lendemain même de leur arrivée, les Marseillais ayant été invités à prendre part, dans les Champs-Élysées, à un frugal banquet, il se trouva que près du lieu où on les conduisit, étaient attablés, dans un jardin, un certain nombre de grenadiers de la section des Filles-Saint-Thomas, parmi lesquels des Feuillants et des royalistes bien connus : le créole Moreau de Saint-Méry ; Pigeon, employé au Journal de la Cour et de la ville ; Regnaud de Saint-Jean d'Angély ; Berger, attaché aux anciens domaines du roi ; Marquant, un des valets de garde-robe de Marie-Antoinette[55]. Si, dans la chaleur du vin les convives royalistes insultèrent la foule, ou furent insultés par elle, c'est ce qui, au milieu des affirmations contraires, est demeuré incertain. Toujours est-il que le peuple, menacé par le sabre des grenadiers, ayant crié : A nous, Marseillais ! ceux-ci s'élancèrent, franchirent les palissades, joignirent les grenadiers, et, après un court combat, les mirent en déroute. De ces derniers, plusieurs furent blessés. Un agent de change, nommé Duhamel, paya de sa vie un coup de pistolet tiré par lui sur ceux qui le poursuivaient. Une chose remarquable, c'est que les grenadiers dirigeant leur fuite vers le château, le pont-levis des Tuileries se baissa pour les recevoir, et se releva aussitôt pour repousser leurs adversaires. Ils montèrent dans la demeure royale, et là, les dames de la Cour vinrent leur prodiguer les soins les plus affectueux. Une d'elles témoignait des alarmes sur son mari : Ne craignez rien, lui dit la reine, votre mari n'y était pas[56]. La reine le savait-elle ? Paris s'émut, en sens divers, de cette rixe sanglante. Le commandant général, des aides de camp, courent à la mairie, comme saisis d'épouvante et croyant déjà la capitale en feu. Sur un ordre émané de la Cour, on bat la générale ; les Tuileries sont entourées de gens en armes ; des bataillons marchent de tous côtés dans les rues avec leurs canons, et les gardes des Filles-Saint-Thomas se rassemblent en tumulte sur la place Favart, prêts à aller assiéger, à la Nouvelle-France, la caserne des Marseillais[57]. Arrive Mathieu Dumas, qui venait d'apprendre que, dans la funeste collision, deux de ses parents avaient été blessés. Il propose au bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui frémissait de rage, de se transporter au café de Saint-Florentin, où gisait le corps de Duhamel, de prendre le cadavre, et de venir le présenter à la barre de l'Assemblée, se chargeant lui-même du soin de demander vengeance, au nom de la garde nationale de Paris[58]. Cela est convenu, et Mathieu Dumas se rend à son poste en toute hâte. Mais, au lieu du coup de théâtre qu'il attendait, il n'eut devant lui que la scène humiliante de quelques gardes nationaux qui, accourus pour se plaindre, virent leurs plaintes étouffées par les murmures de la gauche et les clameurs des tribunes[59]. Quand une cause est perdue, rien qui ne tourne contre elle, même ce qui semblerait devoir la servir. Ce qui resta de cette querelle, ce fut le sang des défenseurs de la Cour versé, un redoublement d'enthousiasme populaire à l'égard des Marseillais, et, dans la masse des habitants de Paris, un surcroit d'agitation, d'implacables défiances et de haines farouches. La Cour, du reste, ne s'abandonnait pas elle-même. Un grand nombre de lits de camp avaient été disposés dans les combles du château[60]. Le bruit se répandit qu'il se formait, aux Tuileries, un amas d'armes et d'habits militaires[61]. Une foule de hardis gentilshommes dont l'intrépide d'Hervilly animait et gouvernait l'ardeur, se tenaient prêts pour le combat, où ils devaient figurer sous l'uniforme des Suisses. Plusieurs bataillons de la garde nationale, entre autres celui des Filles-Saint-Thomas, brûlaient d'en finir avec la Révolution, et promettaient à la royauté l'appui d'un emportement sauvage. Les constitutionnels, de leur côté, avaient demandé la permission d'entrer dans le palais du roi, quand il en serait temps, pour contribuer à le défendre ; et, repoussés, parce que les courtisans ne les voulaient point admettre au partage de la victoire attendue, ils erraient autour du château, décidés à se faire massacrer, dit madame de Staël[62], pour se consoler de ne pouvoir se battre. De ce nombre étaient Lally-Tollendal, Narbonne, la Tour-du-Pin Gouvernet, Castellane, Montmorency. Pendant ce temps, grâce aux soins vigilants de Bertrand de Molleville, il s'établissait, dans une maison du Carrousel, en face des Tuileries, sous le litre de Club français, un point de ralliement pour tous les officiers et soldats au service de la Cour. On y attacha six ou sept cents auxiliaires, choisis principalement dans la manufacture de Périer, dont plusieurs chefs d'atelier étaient de zélés royalistes. La solde des chefs était de 5 livres par jour, et celle des ouvriers de 40 sols les jours où ils seraient employés, de 10 sols les jours où ils ne le seraient pas[63]. On destinait cette troupe à prendre place dans la lutte, en bonnet rouge et la pique à la main[64], pour diviser et faire hésiter le peuple. Une autre bande d'hommes résolus, choisis de même dans les faubourgs, fut placée sous les ordres d'un Marseillais, contre-révolutionnaire fougueux, dont l'aide de camp joignait à une bravoure extraordinaire le talent de changer sa figure et son langage aussi aisément que son costume et son nom, au moyen de quoi il se faisait passer tantôt pour un patriote de Marseille, tantôt pour un enfant du faubourg Saint-Antoine, pénétrait dans tous les groupes, se glissait dans toutes les tavernes patriotes, plongeait au fond de tous les complots[65]. Ajoutez à cela que, protégé à cette époque, du côté du Carrousel, non plus comme aujourd'hui par une simple grille, mais par des murs, le château des Tuileries était une véritable forteresse ; de sorte que, pour renverser la royauté, il fallait commencer par la prendre d'assaut ! Ainsi, la Cour pouvait, sans trop de témérité, ce semble, nourrir l'espoir de vaincre ; voilà probablement ce qui explique l'obstination de Louis XVI à repousser l'un après l'autre les divers plans d'évasion qui alors lui furent de toutes parts proposés, et dont quelques-uns paraissaient présenter des chances certaines de succès[66]. Il est vrai que la réussite eût exigé le sacrifice de certaines répugnances personnelles de la reine, et ce sacrifice, nulle considération ne fut capable de le lui arracher. Déjà elle avait rejeté avec dédain les offres de Lafayette ; elle en agit de même avec le duc de Liancourt, qui, non content de préparer un asile à la famille royale, dans la province de Normandie, où il commandait, mettait généreusement à la disposition de Louis XVI toute sa fortune, à cent louis de rente près, c'est-à-dire un million[67]. Et cependant, que d'angoisses à traverser jusqu'à ce que sonnât l'heure formidable ! Prompte à passer de la confiance à l'abattement, quelquefois Marie-Antoinette parlait comme si elle n'eût plus aperçu autour d'elle que les pâles messagers de la mort. Un jour, elle disait : Je commence à redouter un procès pour le roi ; quant à moi, je suis étrangère, ils m'assassineront. Que deviendront nos pauvres enfants ? Et elle versait un torrent de larmes[68]. Un autre jour : J'aimerais mieux une longue captivité, dans une tour, au bord de la mer[69]. Mais elle laissait ensuite prendre le dessus à ce qu'il y avait d'indomptable dans son cœur. Madame Campan lui ayant fait faire un corset semblable au gilet du roi, sa fierté ne put jamais se plier à tant de précautions. Elle craignait la mort, elle la bravait. Et les meneurs révolutionnaires, les meneurs en renom, que faisaient-ils dans cet intervalle ? Danton paraissait peu. Pas plus que Robespierre, on ne l'avait vu figurer, le 26 juillet, dans le conciliabule du Soleil d'or[70], il ne devait point figurer davantage dans celui du Cadran bleu, dont nous allons parler[71] ; il ne faisait point partie du Comité secret d'insurrection, formé aux Jacobins, lequel se composait de cinq membres assez obscurs : Vaugeois, grand vicaire de l'évêque de Blois ; Debessé, du département de la Drôme ; Guillaume, professeur à Caen ; Simon, journaliste de Strasbourg, et Galissol, de Langres ; enfin, il ne fut pas au nombre des citoyens qu'on adjoignit à ce comité, et qui étaient Fournier l'Américain, Westermann, Kienlin, Santerre, Alexandre, Lazouski, Lagrey, Garin et Antoine[72]. Robespierre et Danton avaient-ils été mis en réserve pour le moment décisif ? Les Jacobins avaient-ils craint de compromettre prématurément deux hommes dont l'influence était si précieuse ? Le comité Vaugeois, Carra, Santerre, Westermann, n'était-il que le pouvoir exécutif en quelque sorte de la pensée insurrectionnelle ? C'est probable. Ce qui est sûr, c'est que Robespierre et Danton poussaient au mouvement, chacun à sa manière : le premier en s'occupant à pourvoir au lendemain de la déchéance, en préparant les esprits à un ordre de choses tout nouveau, en montrant l'impuissance de l'Assemblée législative à diriger la tempête, et en appelant le peuple, sans distinction cette fois de citoyens actifs et de citoyens passifs, à exercer sur les ruines des pouvoirs du jour son droit souverain[73] ; le second, en répandant autour de lui les passions brûlantes dont il était animé, et en faisant appel aux idées justes, aux légitimes colères, aux sentiments généreux, mais aussi, il faut bien le dire, à de basses ambitions, comme lorsqu'on l'entendit s'écrier, dans son langage puissant et cynique, à propos des places à conquérir : Cette garce de Révolution est ratée : les patriotes n'y ont encore rien gagné[74]. L'exaspération générale ayant atteint ses dernières limites, il semble que Marat eût dû respirer à l'aise. Cet esprit de révolte qu'il avait tant invoqué, il possédait enfin, il tourmentait Paris : Marat devait se sentir heureux. Eh bien, non ; transporté de fureur aussi longtemps que tout était demeuré calme autour de lui, ce génie orgueilleux et malade était devenu timide à l'excès dès qu'autour de lui tout n'avait plus été que bouillante audace. Dans son souterrain, il supputait tristement les mauvaises chances, calculait les périls de la chose publique et les siens propres. Il écrivait à Barbaroux de l'emmener à Marseille, où il songeait à se réfugier, déguisé en jockey[75]. Tout autre se montra Camille Desmoulins. Le 6 juillet, il
lui était né un fils, qu'il avait nommé Horace et qu'il avait présenté à la
patrie, en dehors de toute cérémonie religieuse, voulant, selon ses propres
expressions, s'épargner un jour, de la part de son enfant, le reproche de l'avoir lié à des opinions religieuses qui
ne pouvaient pas encore être les siennes, et de l'avoir fait débuter dans le
monde par un choix inconséquent entre neuf cents et tant de religions qui
partagent les hommes[76]. Un lien
nouveau, de tous le plus fort et le plus doux, rattachait donc Camille à la
vie. Et pourtant, jamais il n'en fut plus prodigue, jamais il ne se rappela
si bien ces nobles paroles qu'autrefois il écrivait à son père : Quand on me parle des dangers que je cours et qu'il
m'arrive d'y réfléchir, je regarde ce que nous étions, ce que nous sommes, et
je me dis à cette vue : A présent, de la mort l'amertume est passée.
Tant de gens vendent leur vie au roi pour cinq sous ! Ne ferai-je rien pour
l'amour de ma patrie, de la vérité et de la justice ? Je m'adresse ce vers,
qu'Achille dit à un soldat dans Homère : Et Patrocle est bien mort, qui valait mieux que toi ![77] Non moins résolu, Robespierre apportait dans les préparatifs de la lutte une énergie plus calme et plus pensive. Autant que la victoire, la nécessité de la rendre véritablement profitable au peuple le préoccupait, comme on peut s'en convaincre par le long discours que, le 29 juillet, il prononça aux Jacobins. Barbaroux raconte, dans ses Mémoires, que, peu de jours
avant le 10 août, un abbé en guenilles, ami de Robespierre, vint le prier de passer
à la mairie ; que lui, Barbaroux, se rendit à cette invitation ; qu'il fut
reçu, à l'Hôtel de Ville par Fréron et Panis, et que ceux-ci, après l'avoir
engagé à faire quitter aux Marseillais les casernes du haut de la
Chaussée-d'Antin pour celles des Cordeliers, plus avantageusement situées en
cas d'attaque, se mirent à l'entretenir vaguement de la nécessité d'un
dictateur[78].
Il ajoute : Le lendemain, on m'invita à une autre
conférence chez Robespierre. Je fus frappé des ornements de son cabinet :
c'était un joli boudoir où son image était répétée sous toutes les formes et
par tous les arts... L'abbé et Panis étaient
avec lui. Baille et Rebecqui m'accompagnaient... il fut question de placer les Marseillais aux Cordeliers.
Ensuite Robespierre, parlant de la Révolution, se vanta beaucoup de l'avoir
accélérée ; mais il soutint qu'elle s'arrêterait si quelque homme extrêmement
populaire ne s'en déclarait le chef et ne lui imprimait un nouveau mouvement.
Je ne veux pas plus d'un dictateur que d'un roi, lui répondit brusquement
Rebecqui, et la conversation fut rompue. En sortant, Panis nous serra la main
: Vous avez mal saisi la chose, nous dit-il, il ne s'agissait que d'une autorité
momentanée, et Robespierre est bien l'homme qui conviendrait pour être à la
tête du peuple. — N'insistez pas, repartis-je, les Marseillais ne baisseront jamais les
yeux devant un dictateur[79]. Il ne faut pas oublier que, vaincu et proscrit à l'époque où il traçait ces lignes, Barbaroux, en parlant de Robespierre, parlait de son plus mortel ennemi. Son témoignage ici ne devrait donc être admis qu'avec beaucoup de réserve, alors même qu'il n'existerait aucun fait éclatant de nature à le démentir. Or, ce fait existe : c'est le discours que nous avons déjà cité, le discours où Robespierre développa, devant les Jacobins, presque à la veille du 10 août, les nécessités de la situation. Rien de plus inconciliable avec cette idée de dictature dont, sur un mot de Panis — celui-ci le nia formellement, du haut de la tribune de la Convention, comme nous le verrons plus bas[80] — Barbaroux fait un crime à Robespierre. Quelles sont en effet, dans la harangue en question, les mesures de salut public que Robespierre indique ? Demande-t-il que, la déchéance une fois prononcée, l'action des principes soit suspendue, et que, momentanément du moins, le peuple abdique entre les mains d'un tribun rendu tout-puissant ? Non, ce qu'il demande, au contraire, c'est que, le trône renversé, on se garde de remplacer un despotisme par un autre despotisme ; c'est qu'on se hâte de convoquer le peuple, mais tout le peuple cette fois, afin que lui-même il décide de ses destinées par la formation d'une Convention nationale, assez forte pour empêcher en dehors d'elle toute tyrannie, et assez dépendante du peuple pour que la tyrannie ne réside pas dans son propre sein[81]. Après cela, que frappés de l'extrême gravité des circonstances, Fréron, Panis et d'autres eussent songé à investir Robespierre d'un pouvoir absolu auquel lui-même n'aspirait pas — son principe ayant toujours été jusqu'à la fin de sa vie celui de la souveraineté du peuple exercée au moyen d'une assemblée — ce ne serait assurément pas impossible, mais qu'y avait-il là qui autorisât Barbaroux à écrire[82] : C'est ainsi que Robespierre cherchait à usurper dès lors le pouvoir national ? Cependant, d'heure en heure, de minute en minute, la fermentation croissait. Les sections organisaient leur permanence. Plusieurs d'entre elles, sur le bruit de la fuite du roi, envoyèrent des patrouilles surveiller le château. L'Assemblée était assaillie de pétitions demandant la déchéance. La Sentinelle de Louvet et l'Ami des citoyens, placardés dans toutes les rues, fournissaient à l'exaltation populaire un aliment recherché avec avidité. Les plus incroyables rumeurs, les scènes les plus extraordinaires, des discours qui semblaient tenir du délire, des prédications où la vérité parlait le langage de l'audace ou de la haine, marquent cette période sans nom. Tantôt c'étaient des citoyens des deux sexes qui tout à coup se précipitaient dans la salle de l'Assemblée en criant : Vengeance, vengeance ! on empoisonne nos frères, et ils se plaignaient qu'on mêlât du verre pilé au pain préparé pour le camp de Soissons[83] ; tantôt c'était Isnard qui, accusé par le ministre Champion d'être vendu aux Anglais, poussait ce cri étrange : Malheureux, ouvre mon cœur ! tu verras s'il est Français ![84]… Sur la place du Carrousel, un inconnu disait à la foule accourue pour l'entendre : Voulez-vous savoir ce que sont les rois et ce qu'est le peuple ? Prenez un morceau de papier blanc, tracez-y des zéros ; qu'aurez-vous ? Rien, n'est-ce pas ? Mais ajoutez à ces zéros un chiffre quelconque, le moindre de tous, l'unité, vous aurez un nombre. Eh bien, les zéros, ce sont les rois ; le chiffre qui les fait valoir, c'est le peuple[85]. Le 3 août, Bigot de Sainte-Croix venait de communiquer officiellement à l'Assemblée, au nom de Louis XVI, la déclaration de Brunswick, lorsque tout à coup, suivi d'une députation de la Commune, Pétion est introduit à la barre. Il se présente au nom de quarante-sept-sections, et il dit : Le chef du pouvoir exécutif est le premier anneau de la chaîne contre-révolutionnaire. Il semble participer aux complots de Pillnitz, qu'il a fait connaître si tard. Son nom est un signal de discorde entre le peuple et les magistrats, entre les soldats et les généraux. Il a séparé ses intérêts de ceux de la nation. Nous les séparons comme lui. Tant que nous aurons un roi semblable, la liberté ne peut s'affermir, et nous voulons demeurer libres. Par un reste d'indulgence, nous aurions désiré pouvoir vous demander la suspension de Louis XVI, tant qu'existera le danger de la patrie ; mais la Constitution s'y oppose. Louis XVI invoque sans cesse la Constitution, nous l'invoquons à notre tour, et nous demandons la déchéance[86]. Cette pétition fut renvoyée au Comité de l'extraordinaire. Elle annonçait un coup qu'il ne restait plus qu'à frapper. Le lendemain, 4 août, le directoire insurrectionnel des fédérés tint une nouvelle séance au Cadran-bleu, sur le boulevard ; Camille Desmoulins-y assistait. D'après le récit de Carra, la réunion se serait transportée le soir, dans la chambre d'Antoine, rue Saint-Honoré, vis-à-vis l'Assomption, juste dans la maison où demeurait Robespierre, et madame Duplay, que ce conciliabule effrayait fort, ayant demandé à Antoine s'il voulait faire égorger Robespierre, Antoine aurait répondu : Si quelqu'un doit être égorgé, ce sera nous sans doute. Il ne s'agit pas de Robespierre, il n'a qu'à se cacher[87]. Quoi qu'il en soit, le plan d'attaque du château fut arrêté ce soir-là ; mais on renvoya les hostilités au 10 août, parce que Santerre et Alexandre n'étaient pas encore en mesure[88]. Les Marseillais, de leur côté, se préparaient au combat. Deux d'entre eux allèrent réclamer à l'Hôtel de Ville des cartouches et des balles. Comme quelque hésitation se manifestait, l'un d'eux s'appuya un pistolet sur le front, en s'écriant : Des balles ! des cartouches ! ou je me fais sauter la cervelle[89]. Panis se sentit ému, Sergent ne put retenir ses larmes ; et, sur leur ordre, libellé en ces termes Bon et très-bon à délivrer sur-le-champ, le lieutenant d'artillerie Duforcod reçut pour les Marseillais cinq mille cartouches à balles[90]. Et tout cela, coïncidence singulière, se passait au milieu des convulsions de la nature, au plus fort d'un orage qui fit oublier l'épouvantable orage du 14 juillet 1788. La soirée du 3 août avait été d'une chaleur étouffante. Vers dix heures, des nuages d'un rouge cuivré s'amoncelèrent vers le couchant, et le roulement lointain du tonnerre se fit entendre. L'aspect du ciel était si effrayant, que partout les portes, les fenêtres, les boutiques, se fermaient avec précipitation. Vers minuit, la tempête éclata si violente, si terrible, que de mémoire d'homme cela n'avait été vu. Je ne crois pas, écrit un témoin oculaire[91], qu'au dernier jour de l'univers, les trompettes qui viendront réveiller les morts au fond de leurs tombeaux fassent un fracas plus affreux et plus continu. A Paris, la foudre tomba en plus de cinquante endroits ; quinze ou vingt personnes furent tuées. Une grille de fer, qui séparait l'hôtel Beaufort, rue Quincampoix, de la maison voisine, fut renversée avec tant de force, qu'elle entraîna une partie de cette maison. Des laitières, des maraîchers, qui apportaient leurs provisions à Paris, furent foudroyés sur la route[92]. La nuit eut un caractère particulièrement sinistre. Une bande de Marseillais, comme si elle eût voulu défier les éléments, traversa les quartiers voisins du Palais-Royal et des Tuileries, en chantant la Marseillaise, dont on entendit les notes sublimes se mêler aux coups répétés du tonnerre et au sifflement de l'orage. On remarqua que la foudre abattit un très-grand nombre de croix, notamment celles qui se dressaient dans la plaine d'Issy, à l'entrée du village de Crosne, dans le cimetière de l'Hay, sur le pont de Charenton. Mais ce que le tonnerre respecta, fait observer amèrement l'écrivain royaliste qui nous a transmis ces détails, ce fut le lieu où, cette nuit-là même, les ennemis du trône se trouvaient réunis pour en concerter la chute[93] ! ——————————————— De tous les historiens qui
nous ont précédé, le seul qui ait bien compris bien mis en relief la
nécessité absolue du 10 août au point de vue du salut même de la France,
c'est M. Michelet. Mais sa persistante partialité à l'égard des Girondins et
de Danton l'a fait tomber, ici encore, dans des omissions ou des erreurs trop
graves pour n'être pas relevées ; car nous prions nos lecteurs de ne point
perdre ceci de vue : Raconter l'histoire de la Révolution, c'est plus qu'écrire
un livre, c'est faire un acte. Qui sait si l'avenir de la France ne dépend
pas de telle ou telle opinion qu'on se sera formée touchant les hommes et les
partis de cette époque mémorable ?… Or, en premier lieu, dans
le livre VI, chap. IX de son Histoire de la Révolution, M. Michelet
jette sur la conduite des Girondins le manteau dont autrefois les enfants de
Noé couvrirent la nudité de leur père ; respect filial, très-honorable en soi
certainement, mais tout à fait inconciliable avec les devoirs rigoureux de
l'historien. Ainsi, il ne parle ni des ouvertures secrètes faites à la cour
par les principaux personnages de la Gironde, ni du mot imprudent de Brissot
à Chabot relativement au 20 juin, ni de la manœuvre parlementaire de Guadet
pour faire tout aboutir à un simple changement de ministère, ni de
l'inconcevable sortie du républicain Brissot contre les républicains, qu'il
voulait qu'on livrât au glaive de la loi comme les contre-révolutionnaires de
Coblentz, ni de l'indignation qu'excita parmi les patriotes ce revirement
imprévu, ni du renvoi des fédérés demandé par Lasource, ni du projet formé
dans le club, spécialement girondin, de la Réunion, d'envoyer devant la cour
d'Orléans Robespierre et Antoine, projet vraiment criminel, parce qu'il ne
pouvait avoir sa source que dans des haines personnelles, criminel surtout
dans un moment où, plus que jamais, les révolutionnaires avaient besoin de
s'unir. Tout ce que M. Michelet apprend à ses lecteurs, c'est que la Gironde
hésita, et bien qu'il avoue qu'elle se trompait en ceci, il s'efforce de
justifier cette hésitation par la grandeur des dangers à courir, par
l'incertitude du succès, par la crainte d'une trop terrible effusion du sang
humain, etc., etc. Quant au triste et, tranchons le mot, scandaleux discours
prononcé par Brissot le 26 juillet, M. Michelet ne le mentionne que pour dire
qu'il était fondé sur un motif sérieux, sur
la vieille superstition, absurde, mais trop réelle : Les
hommes attachent au mot de roi une vertu magique qui préserve leur propriété.
(Voyez les pages du livré précité, 537, 538 et 539.) On a vu combien Danton
figure peu dans tous ces préparatifs du 10 août. Son nom ne paraît guère
qu'au bas d'un arrêté de la section des Cordeliers qui demande, non pas comme
Robespierre l'avait demandé l'avant-veille aux Jacobins, que les citoyens
passifs soient appelés à concourir à une constitution future, mais tout
simplement qu'ils interviennent, aux termes mêmes de la constitution alors en
vigueur, pour la protéger et la défendre. Dans l'embarras où cette éclipse de
Danton semble mettre M. Michelet, que fait-il ? Il prend le parti de le
supposer là où il ne peut l'apercevoir. Par exemple, Manuel obtient-il que
les sections aient un bureau central de correspondance, M. Michelet écrit
entre parenthèses que ce fut sans aucun doute sous
l'influence de Danton. (V. p. 525.) Plus loin, après avoir avancé,
sans en fournir aucune preuve et sans citer ses autorités, — ce qu'il ne fait
jamais, du reste, — que Vergniaud et Danton paraissent les seuls qui, à cette
époque, aient été immuablement opposés à l'idée de quitter Paris, il ajoute :
La chose est à peu près certaine pour Danton.
(P. 541.) Déjà, en parlant d'un discours qu'un inconnu vint prononcer aux
Jacobins et qu'il trouve fort beau, M. Michelet avait tenté, — toujours par
le même procédé, — d'en attribuer l'honneur à Danton : La scène qui va suivre fut-elle arrangée par Danton pour
entraîner les Jacobins, ou bien fut-elle un fait tout spontané, une
inspiration toute populaire ? Je n'essayerai pas de le décider. (Voyez
p. 468.) En vérité, c'est trop donner au système des suppositions et des à
peu près, surtout quand cela ne doit avoir pour effet que d'enfler la
renommée de certains hommes qu'on aime, aux dépens de certains autres qu'on
n'aime pas. L'histoire n'admet pas ces préférences d'artiste ; elle veut
qu'on se décide d'après des faits. C'est une muse sévère. Et notez que les
antipathies de M. Michelet ne sont pas plus fondées en fait que ses
sympathies. Ainsi, Robespierre a beau prendre au mouvement une part plus
active et plus ostensible que Danton ; il a beau se mettre en avant aux
Jacobins, pour conclure à la déchéance, et, la déchéance obtenue, à une
solide organisation de la souveraineté du peuple, de tout le peuple ; il a
beau se mêler des détails mêmes de l'attaque prévue, comme lorsqu'il fait
demander et demande lui-même à Barbaroux l'établissement de la caserne des
Marseillais aux Cordeliers…, M. Michelet n'est pas satisfait. Il reproche à
Robespierre, lui qui n'a rien à objecter au silence de Danton, il lui
reproche, p. 535, de n'avoir pas parlé le 3 et le 4 août, ce qu'il avait fait
cependant le 29 juillet et ce qu'il fit encore le 6 août, c'est-à-dire quand
le terrain devenait absolument brûlant ; il lui reproche, p. 523, de n'avoir
indiqué d'autre remède à la situation qu'une convention nationale, attendu
que une médecine tellement expectante eût eu l'effet
naturel de laisser mourir le malade, donnant ainsi à entendre que
Robespierre voulait la convocation du peuple avant la déchéance, tandis qu'il
la demandait après, afin, comme il l'expliqua lui-même, que le despotisme ne restât pas quand le fantôme appelé
roi aurait disparu. Comment, avec le discours de Robespierre sous les
yeux, M. Michelet a-t-il pu commettre une pareille erreur ? comment a-t-il pu
insinuer que Robespierre entendait subordonner le renversement, du trône à la
lenteur des formalités légales, alors que le langage de Robespierre était
celui-ci : Il faut que l'État soit sauvé, DE QUELQUE
MANIÈRE QUE CE SOIT, ET IL N'Y A D'INCONSTITUTIONNEL QUE CE QUI TEND A SA
RUINE. (Voyez le discours de
Robespierre dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 222.) M.
Michelet n'est pas moins injuste quand il dit, p. 535, que le soir du 3 août,
Robespierre s'abstint très-probablement d'aller aux Jacobins
pour n'exprimer aucune opinion sur les mesures immédiates qu'il convenait de
prendre. C'est un étrange procédé historique, il en faut convenir, que
ce très-probablement qui revient sans
cesse dans M. Michelet, et qui, toujours employé en faveur de Danton, se
trouve invariablement employé contre Robespierre. Admirez l'effet de la
prévention ! c'est de Robespierre que M. Michelet dit, p. 547, qu'il veillait de près le mouvement, se tenait prêt à
profiter. Or, qui profita ?
Fut-ce Robespierre ? Non, ce fut Danton, que le 10 août fit ministre de la
justice, et qui, selon l'affirmation de Prudhomme, non mentionnée par M.
Michelet, se plaignait, la veille même du 10 août, de ce que les patriotes
étaient sans places et n'avaient rien gagné à la Révolution ! Pour ce qui est de l'idée
de quitter Paris, idée que M. Michelet attribue, p. 541, à tous ceux qui influaient, sauf Danton et Vergniaud, chose certaine pour Vergniaud, dit-il, et, pour Danton à peu près certaine, où est la preuve
de cette allégation ? Il est bien vrai que Barbaroux impute à Marat d'avoir
formé le dessein de se retirer à Marseille déguisé en jockey ; il est bien
vrai que Barbaroux lui-même ne fut pas sans songer, de concert avec Roland et
Servan, aux ressources que le Midi pouvait offrir aux derniers défenseurs de
la liberté. Mais où est la preuve que Camille Desmoulins, que
Billaud-Varenne, que Carra, qu'Antoine, que Chabot, que Merlin (de Thionville), que Robespierre, que Brissot inclinassent à la
fuite ? Brissot, par exemple, accusé d'avoir pris un passeport pour
l'Angleterre, ne lança-t-il pas publiquement à ses accusateurs un défi que
nul n'osa relever ? Et peut-on admettre un seul instant que Robespierre eût
l'idée de quitter Paris, quand tous les discours, d'alors le montrent si profondément
préoccupé des moyens de fixer à Paris d'une manière solide, pour jamais, la
souveraineté du peuple, une fois vainqueur ? Non, non, les révolutionnaires
de cette grande époque ne doutèrent pas à ce point de la liberté. Maintenant
de la mort l'amertume est passée ! voilà ce qu'avait dit Camille, et tout
concourt à prouver que la plupart le pensèrent. Dans son Histoire de la
Terreur, t. II, p. 188, M. Mortimer-Ternaux s'efforce d'atténuer la terrible
unanimité des sections de Paris à demander la déchéance de Louis XVI. Il ne
recule devant aucune subtilité pour atteindre ce résultat. Il s'appuie
d'abord sur une protestation de la section de l'Arsenal, en date du 3 août,
contre la pétition réclamant la déchéance. Mais, dans cette protestation on
lit : Prononcez-vous en législateurs sur cette
question importante de la déchéance du roi ; s'il est dans un des cas prévus
par la Constitution, prononcez…, et d'avance
nous respectons votre décision. (Histoire de la Terreur, t. II,
p. 401.) Or, la pétition présentée par Pétion, au nom des quarante-sept
sections de Paris, s'appuie également sur la Constitution pour demander la
déchéance. Nous ne pouvons donc, en vérité, attacher la moindre importance à
une protestation qui, comme la pétition qu'elle parait improuver, appelle
l'Assemblée législative à prononcer sur la question de la déchéance, et qui,
d'ailleurs, fut désavouée par la section de l'Arsenal elle-même, dans sa
séance du 8 août 1792. (Histoire de la Terreur, t. II, p. 403.) Plus loin (p. 443), M.
Mortimer-Ternaux dit, à propos de l'arrêté de la section Mauconseil : A cet arrêté, demandant la déchéance de Louis XVI,
quatorze sections adhérèrent, seize le rejetèrent, dix le passèrent sous
silence ; les documents font défaut pour huit sections. Or, l'arrêté de la section Mauconseil ne demandait pas, mais proclamait bel et bien la déchéance. Aussi fut-il, à juste titre, annulé comme inconstitutionnel par l'Assemblée législative. En dénaturant ainsi, par une simple substitution de mots, la portée de l'arrêté Mauconseil, M. Mortimer-Ternaux compte sans doute faire prendre le change à ses lecteurs, et les amener à confondre cet arrêté avec la pétition très-constitutionnelle des quarante-sept sections de Paris demandant la déchéance. |
[1] Lettre du comte de Montmorin au comte de La Marck, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 327.
[2] Patriote français, n° 1075.
[3] On pourrait douter de ce fait s'il n'était attesté que par Bertrand de Molleville, fort porté à sacrifier la vérité à ses fureurs d'homme de parti ; mais, sur ce point, à l'affirmation contenue dans les Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. II, chap. XXVI, p. 112, se joignent des preuves irrécusables. La lettre en question fut effectivement trouvée plus tard chez le roi ; elle fut déposée au Comité de surveillance et devint une des armes dont on se servit contre les Girondins, lors de leur procès. Voyez l'Acte d'accusation dressé contre eux par Amar, la déposition de Chabot, dans l'Histoire parlementaire, t. XXIX, p. 416, et t. XXX, p. 43, et aussi les Mémoires de madame Roland, publiés par M. Faugère, t. I, p. 295-296. — Observations rapides sur l'acte d'accusation contre les députés.
[4] Déposition de François Chabot, dans le procès des Girondins. Histoire parlementaire, XX, p. 41.
[5] Discours de Vergniaud, dans la séance du 24 juillet 1792.
[6] Discours de Brissot, dans la séance du 26 juillet 1792.
[7] L'Ami de la Constitution, cité dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 185. — De son côté, Mathieu Dumas, présent à la séance, dit dans ses Souvenirs, t. II, p. 403 et 404, que Brissot fut hué par les tribunes. Tout ceci, au reste, avoué à demi par Brissot lui-même, dans le compte rendu de la séance par le Patriote français, n° 1077.
[8] Déposition de Chabot, dans l'Histoire parlementaire, t. XXX, p. 42 et 43, et Journal des débats de la Société des Amis de la Constitution, séance du 29 juillet 1792.
[9] Les calomnies dont il s'agit ici se trouvent dans les Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, lequel ne procède jamais que par assertions tranchantes, appelle scélérat quiconque n'est pas ultra-royaliste, et décrit lui-même les honteux moyens de mensonge et de corruption qu'il employa pour sauver la monarchie, avec une complaisance cynique qui montre assez, ce que peut valoir son autorité en matière d'histoire.
[10] Nous avons déjà cité, à cet égard, le témoignage, assurément peu suspect, de Dumont.
[11] Sur ce point, on peut en croire Bertrand de Molleville, qui ne parle du fait que pour le déplorer, et regarde ce refus comme une grande faute de Louis XVI. Voyez ses Mémoires particuliers, t. II, chap. XXVI, p. 112 et 113.
[12] Séance du 26 juillet 1792.
[13] Séance du 26 juillet 1792.
[14] Pièces importantes pour l'Histoire, citées dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 188.
[15] Déposition de Chabot, dans le procès des Girondins.
[16] Pièces importantes pour l'Histoire, citées dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 188.
[17] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, chap. XII, p. 296.
[18] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, chap. XII, p. 298.
[19] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, chap. XII, p. 296.
[20] Manuscrit de M. Sauquaire-Souligné. — Ceci confirmé par ce que Mallet du Pan rapporte de ses conférences avec M. de Cobentzel et le comte de Haugwitz. Voyez ses Mémoires et correspondance, t. I, chap. XII, p. 307.
[21] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, chap. XII, p. 306.
[22] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, chap. XII, p. 309.
[23] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, chap. XII, p. 315.
[24] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 427.
[25] Voyez le texte de cet important manifeste dans les Documents historiques, placés à la fin de ce volume.
[26] Il l'eût volontiers anéanti. Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 427.
[27] Ces détails ont été fournis par des personnes alors à la suite du duc de Brunswick. Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 429.
[28] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 429.
[29] Lettre du duc de Brunswick au chevalier Gallatin pour Mallet du Pan, dans les Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. I, p. 318 et 319.
[30] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 427.
[31] Cité tout au long dans l'acte d'accusation dressé par Amar contre les Girondins. Voyez la Bibliothèque historique de la Révolution. — 670, 1, 2. British Museum.
[32] Voyez la Bibliothèque historique de la Révolution. — 670, 1, 2. British Museum.
[33] Club des Jacobins, séance du 29 juillet. Voyez le journal du club à cette date.
[34] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 246. — Voyez la note critique placée à la fin de ce chapitre.
[35] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 249. — Voyez la note critique placée à la fin de ce chapitre.
[36] Voyez le Journal du club des Jacobins, à la date du 29 juillet 1792.
[37] Révolutions de Paris, n° 160.
[38] Voyez, notamment, les n° 162 et 163 du Père Duchesne, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — 1039, 40,41. British Museum.
[39] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XXI, p. 233.
[40] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XXI, p. 229.
[41] Quand le vertueux Pétion eut jugé à propos de terminer son évanouissement, etc., etc., dit M. Georges Duval à cette occasion, dans ses Souvenirs de la Terreur, t. II, chap. XVII, p. 105. Ceci peut donner une idée du bon goût et de la bonne foi de certains écrivains royalistes.
[42] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 196.
[43] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XXI, p. 234.
[44] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 196.
[45] Mémoires de Barbaroux, chap. V, p. 48-50.
[46] Mémoires de Barbaroux, ch. V, p. 51.
[47] C'est le chiffre vrai, tel qu'on le trouve dans un document officiel, la lettre du ministre de l'intérieur au procureur-syndic du département.
[48] Mémoires de Barbaroux, ch. V, p. 52.
[49] Déposition de Chabot, dans le procès des Girondins. Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXX, p. 43.
[50] Histoire parlementaire, t. XXX, p. 43. Voyez aussi le Journal des débats de la Société des Amis de la Constitution, séance du 29 juillet 1792.
[51] Chronique de Paris, n° 229.
[52] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 325.
[53] Voyez, à cet égard, le témoignage formel de Chabot, dans sa déposition juridique, confirmé d'ailleurs de tout point par le compte rendu de la séance du 1er août 1792 au club des Jacobins, où le fait fut certifié par Défieux et garanti par Merlin de Thionville.
[54] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 197.
[55] Révolutions de Paris, n° 160.
[56] Mémoires de Barbaroux, chap. V, p. 54. — Voyez aussi Pièces importantes pour l'histoire.
[57] Pièces importantes pour l'histoire, citées dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 199.
[58] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 418 et 419.
[59] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 419.
[60] Sergent, Notice historique sur les événements des 20 juin et 10 août. Voyez le numéro de la Revue rétrospective, cité dans le chapitre intitulé le Peuple aux Tuileries.
[61] Lettre du procureur général syndic Rœderer au ministre de l'intérieur. — Recueil de documents officiels relatifs au 10 août, dans la Revue rétrospective, n° 3, 2e série, mars 1835.
[62] Considérations sur la Révolution française, 3e partie, chap. IX.
[63] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. II, chap. XXIV, p. 75.
[64] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. II, chap. XXIV, p. 75.
[65] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. II, chap. XXIV, p. 75.
[66] Voyez les détails de celui qui fut proposé en vain par Bertrand de Molleville, dans ses Mémoires particuliers, t. II, chap. XXVII.
[67] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. II, chap. XXVII, p. 133-135.
[68] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XX, p. 219.
[69] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XX, p. 239.
[70] Précis historique et très-exact sur l'origine et les véritables causes de la célèbre insurrection du 10 août, par Carra. — Carra donne les noms de tous les citoyens qui se réunirent au Soleil d'or ; il ne nomme pas Danton.
[71] Précis historique et très-exact sur l'origine et les véritables causes de la célèbre insurrection du 10 août, par Carra.
[72] Précis historique sur l'insurrection du 10 août, par Carra.
[73] Discours prononcé par Robespierre, aux Jacobins, dans la séance du 29 juillet 1792. Voyez le Défenseur de la Constitution, n° 11.
[74] Prudhomme, Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française, t. IV, p. 64. Paris, an V de la République.
[75] Mémoires de Barbaroux, chap. V, p. 60-62. — Barbaroux étant devenu l'ennemi de Marat lorsqu'il consignait ce fait dans ses Mémoires, peut-être serait-on en droit de récuser son témoignage, s'il ne se trouvait d'accord avec la conduite que Marat tint dans ces circonstances. Il ne parut nulle part, se tint caché dans son souterrain pendant toute la journée du 10 août, et n'en sortit qu'après le combat, qu'après la victoire.
[76] Études révolutionnaires d'Ed. Fleury, — Camille Desmoulins, t. I, p. 250 et 251.
[77] Lettre de Camille Desmoulins à son père, dans le n° 7 des Révolutions de France et de Brabant.
[78] Mémoires de Barbaroux, chap. V, p. 62 et 63.
[79] Mémoires de Barbaroux, chap. V, p. 63 et 64.
[80] Voyez le discours de Panis, dans la séance du 25 septembre 1792.
[81] Voyez, dans le n° 11 du Défenseur de la Constitution, le discours prononcé aux Jacobins par Robespierre, dans la séance du 29 juillet 1792.
[82] Mémoires de Barbaroux, chap. v, p. 65.
[83] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 307.
[84] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 315.
[85] Mémoires de Ferrières, t. III, liv. XII, p. 171.
[86] Voyez cette pétition, in extenso, dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 315-319.
[87] Récit de Carra, cité dans l'Histoire de la Révolution, par M. Thiers, t. II, p. 366, et dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 271.
[88] Récit de Carra, cité dans l'Histoire de la Révolution, par M. Thiers, t. II, p. 366, et dans l'Histoire parlementaire, t. XVI, p. 271.
[89] Discours de Panis, dans la séance du 25 septembre 1792.
[90] Voyez son reçu dans le recueil des documents officiels relatifs au 10 août, publié par la Revue rétrospective, n° 3, 2e série, mars 1835.
[91] Georges Duval, Souvenirs de la Terreur, t. II, chap. XVII p. 99.
[92] Georges Duval, Souvenirs de la Terreur, t. II, chap. XVII p. 99.
[93] Georges Duval, Souvenirs de la Terreur, t. II, chap. XVII p. 99.