Le peuple calomnié par l'histoire. — A Versailles ! du pain ! — Les femmes à l'Hôtel de Ville dans la matinée du 5 octobre. — Leur haine pour les membres de la Commune ; leur compatissante bonté. — Marche du faubourg Saint-Antoine. — L'abbé Lefebvre sauvé. — L'huissier Maillard et Derminy. — Départ des femmes pour Versailles ; la vérité sur cette expédition. — Étrange ascendant de Maillard. — Lafayette sur la place de Grève. — Belle harangue d'un soldat. — Les femmes à Sèvres ; huit pains pour dix mille personnes. — Louis XVI à la porte de Châtillon ; journal de chasse, interrompu par les événements. — La reine dans la grotte de Trianon. — La sanction royale à demi refusée à la Déclaration des droits. — Scène violente dans l'Assemblée ; rudes paroles de Robespierre ; attitude du jeune duc de Chartres (depuis Louis-Philippe) ; il demande qu'on mette ceux du côté droit à la lanterne ; mot terrible de Mirabeau ; voix des tribunes : La reine comme une autre, si elle est coupable ! — Mirabeau derrière le fauteuil de Mounier. — Arrivée des femmes à Versailles. — Plan proposé par le comte de Saint-Priest. — Dispositions véritables de Marie-Antoinette ; déclaration du valet de chambre Thierry. — Maillard dans l'Assemblée nationale ; comme quoi le pain était à trois francs douze sols les quatre livres. — Députation envoyée au roi. — Le faubourg Saint-Antoine à Versailles ; la FOULE. — Pierrette Chabry buvant dans le grand gobelet d'or de Louis XVI. — Trait de paternelle bonté. — Amour et enthousiasme des femmes pour Louis XVI. — Retour de Maillard à Paris. — Théroigne de Méricourt au milieu du régiment de Flandre. — Premières gouttes de sang versées. — Rôles de d'Estaing, de Gouvernet, de Lecointre. — La municipalité et les groupes affamés. — L'intérieur du château. — Françoise Rolin et M. de Saint-Priest. — Rixe sanglante. — Madame Necker et madame de Staël dans la chambre de Louis XIV. — Avis contraires de M. de Saint-Priest et de Necker, sur la nécessité de fuir. — Irrésolution de Louis XVI ; irrésolution de Marie-Antoinette. — Voitures royales qu'on fait rentrer à l'écurie. — Mounier obtient la sanction et retourne à l'Assemblée. — L'évêque de Langres met les pouces sur le bureau. — Aspect extraordinaire de l'Assemblée. — La faim et la liberté. — Rôle de Mirabeau dans cette journée ; son sabre nu ; silence au peuple ! — Arrivée de l'armée de Lafayette. — Lafayette à l'Assemblée, au château ; ses précautions, sa sécurité communiquée à tous, son sommeil. — Aspect de Versailles dans la nuit du 5 au 6 octobre.Si calomnier un homme est déjà un crime de lèse-humanité, qui définira le crime qui consiste à calomnier un peuple ? C'est pourtant là ce qu'ont fait, dans le récit qu'ils ont laissé des journées d'octobre, les historiens, ennemis à divers degrés de la Révolution. Donnant pour la fureur de tous la fureur de quelques-uns, recueillant comme l'expression d'un sentiment unanime dix ou douze phrases meurtrières, recueillies dans un océan de paroles, étendant sur des milliers de têtes la responsabilité des excès d'un petit nombre de misérables, perdus au milieu d'une foule immense, ils ont abusé jusqu'au scandale, jusqu'au délire, de l'art de conclure du particulier au général ; de leurs doigts, trempés dans quelques gouttes de sang, ils ont souillé tout un vaste tableau, et, le montrant à la postérité, ils ont dit : Au mois d'octobre 1789, tel fut le peuple ! Nous ne voulons rien taire, quant à nous, ni le bien ni le mal ; mais nous prouverons par un imposant ensemble de témoignages que si l'étrange armée qui alla chercher Louis XVI à Versailles ne se composa pas uniquement d'héroïnes, elle se composa bien moins encore de mégères. L'image de la femme, de la femme du peuple, avec ses emportements, avec sa compatissante bonté, avec ses crédules colères et sa générosité plus crédule encore, avec sa facilité à suivre les premiers élans et à se laisser ramener sous l'empire de la raison, voilà ce qui domine dans les scènes que nous allons retracer ; voilà ce qui reste comme l'impression vraie, justice faite des exagérations des partis et de leurs mensonges contraires. Le lundi, 5 octobre, de grand matin, une jeune fille entra dans un corps de garde du quartier Saint-Eustache, près des halles, prit un tambour et sortit en criant : A moi ! Un attroupement se forme aussitôt derrière elle, il se grossit rapidement, il s'augmente des femmes ou filles d'ouvriers qui se trouvaient, à cette heure-là, dans la rue, occupées des achats du ménage ; et, du quartier des halles jusqu'aux quais, à travers les rues Saint-Denis, Saint-Martin, Montorgueil, Montmartre, l'avalanche roule entraînant tout sur son passage. Nous allons à l'Hôtel de Ville demander du pain. Celles qui résistaient, on les menaçait de leur couper les cheveux, et elles suivaient[1]. Lorsqu'elles se présentèrent, il n'y avait sur la place de Grève que quelques centaines de soldats épars, et, dans l'Hôtel de Ville, que ceux des administrateurs qui avaient passé la nuit dans les bureaux et dont on apercevait aux fenêtres les visages alarmés. Un boulanger, convaincu d'avoir vendu à faux poids, allait être mis à la lanterne : le major général Gouvion profita, pour le faire évader, du désordre occasionné par l'arrivée des femmes[2], et il écrivit en toute hâte aux districts pour solliciter du renfort. Mais déjà une partie des femmes pénétraient dans l'Hôtel de Ville, celles-ci en haillons et pâles de faim, celles-là vêtues de blanc, coiffées, poudrées et s'avançant d'un air riant[3]. Avec une curiosité mêlée d'inquiétude, elles parcourent les salles. C'était donc là le siège de cette nouvelle aristocratie bourgeoise, si dure aux pauvres gens ! C'était de là que les Trois cents lançaient leurs patrouilles ! Les plus animées s'emportaient contre Bailly, contre Lafayette, alors absents. Il y en eut qui ne se cachèrent pas pour dire que la Commune était composée de mauvais citoyens[4]. Les papiers qui leur tombaient sous la main, elles les déchiraient, criant que ces vaines paperasses étaient tout ce qu'on avait fait pour le peuple depuis la Révolution[5]. Elles allaient, d'ailleurs, répétant qu'elles ne voulaient point d'hommes parmi elles ; qu'elles sauraient bien se passer d'eux et se venger. Mais en même temps elles se montraient sensibles à la souffrance, bonnes, généreuses. Leur premier acte avait été de délivrer cinq prisonniers, retenus là pour de légers délits. Une jeune fille de dix-sept ans, ouvrière en sculpture, et nommée Pierrette Chabry, prit tout ce qu'elle avait dans sa poche, douze francs, et les donna, pour qu'on achetât à ces malheureux des souliers et des hardes. Les autres applaudirent, firent une quête en faveur des prisonniers et les renvoyèrent heureux[6]. Paris, éveillé, s'agitait. A leur tour, les hommes commençaient à se rassembler. Deux inconnus étaient allés chez Laugier de Beaurecueil, curé de Sainte-Marguerite, arracher l'ordre de faire sonner le tocsin ; et, sur le refus du prêtre, le sonneur avait été contraint d'obéir. Une compagnie des vainqueurs de la Bastille se hâtait vers la Grève sous les ordres de Hullin. Le faubourg Saint-Antoine était en marche. Bientôt, sur la place de Grève affluèrent, de toutes les rues adjacentes, une foule d'hommes armés de piques ou de bâtons ferrés, parmi lesquels des forts de la halle habillés en femmes, et des espèces de sauvages à longues barbes, à bonnets pointus : êtres effrayants, singuliers, que la tempête apporte et que remporte la tempête[7]. Vers dix heures et demie, quatre ou cinq cents femmes, de celles qui était restées au dehors, ayant repoussé jusqu'à la rue du Mouton des gardes à cheval postés à la barrière de l'Hôtel de Ville[8], les hommes se précipitent, enfoncent les portes, envahissent les salles malgré la résistance des femmes[9], et tandis que les uns vont cherchant des armes, les autres montent au beffroi pour faire sonner le tocsin. Le magasin d'armes était confié à la garde de l'abbé Lefebvre : on s'élance sur les fusils ; des mains avides ramassent les cartouches et munitions placées à l'entresol ; victime de la haine que la Commune inspirait au peuple, l'abbé Lefebvre lui-même est saisi, trainé dans le beffroi de l'horloge. Déjà un homme lui avait passé une corde autour du cou, l'avait accroché à un morceau de bois : une femme accourt, coupe la corde et le sauve[10]. Sur ces entrefaites, un inconnu à la taille haute, à la figure triste, jeune encore et tout vêtu de noir, avait paru sur les degrés de l'Hôtel de Ville. Les femmes, le prenant à son habit pour l'un des Trois cents[11], lui avaient barré le chemin, et il descendait les marches lorsque soudain il est reconnu. C'est un des vainqueurs de la Bastille ! — C'est Maillard ! Ce cri décida de son rôle. Le désordre se livra pour ainsi dire à lui, et lui se prépara résolument à diriger le désordre. La foule augmentait à chaque instant, l'exaltation des esprits croissait avec le tumulte, Lafayette et Bailly n'arrivaient pas, on parlait de toutes parts d'aller à Versailles, et l'aide-major Derminy errait de pensée en pensée, impuissant, éperdu. Maillard l'aborde et lui propose d'emmener les femmes à Versailles. On dégagerait ainsi l'Hôtel de Ville, on délivrerait la capitale ; les districts auraient le temps d'aviser. Que tenter, d'ailleurs, quand on n'avait plus que le choix des périls ? Maillard venait de faire un heureux essai de son influence, en éteignant des torches dont deux forcenées menaçaient les papiers de la Commune ; il se montrait calme, décidé. Derminy, dans son trouble, ne consent à rien, ne s'oppose à rien. Maillard alors s'empare d'un tambour et se met en route pour Versailles ; beaucoup de femmes le suivent, d'autres se répandent par la ville avec mission de faire des recrues et de les conduire à la place Louis XV, où le rendez-vous général est fixé[12]. Pendant la confusion, une somme considérable en billets de caisse avait disparu de l'Hôtel de Ville : au bout de quelques jours, cent quatre-vingt-dix-neuf mille livres furent spontanément rapportées[13]. On a écrit dans une multitude de livres et de pamphlets que, chemin faisant, les femmes conduites par Maillard, commirent des excès ; qu'elles arrêtaient les voitures particulières, forçaient les dames qui s'y trouvaient à en descendre, à se joindre au cortège, à cheminer à travers la boue. Rien de plus propre à fausser l'histoire que cette manière de généraliser des faits individuels, désavoués, bien souvent, par les masses mêmes auxquelles on les impute. Il est très-vrai qu'au guichet du Louvre, le groupe que guidait Maillard ayant rencontré une voiture particulière où étaient une dame et son mari, plusieurs femmes firent descendre la dame et la voulurent contraindre à les suivre. Mais on peut lire dans la déposition de Maillard qu'une telle violence provoqua une résistance énergique, et que si, parmi cette bizarre légion d'amazones populaires, il y en eut que les larmes de l'inconnue éplorée ne touchèrent pas, d'autres, au contraire, en furent émues au point de se battre contre les premières, pour qu'on laissât la pauvre dame en liberté, ce qui eut lieu[14]. Une circonstance qui mérite aussi d'être signalée, c'est l'impétueux désir que les femmes, arrivées aux Tuileries, manifestèrent de traverser le jardin. Maillard craignait que ce ne fût insulter à la demeure royale. Mais elles, qui aimaient Louis XVI, qui se plaisaient dans leur langage naïf à l'appeler le bon papa, qui enfin l'allaient chercher, afin qu'il vînt vivre au milieu de ses enfants, comment auraient-elles compris que la maison du roi pût être souillée par le passage respectueux du peuple ? Et que signifiait donc le voyage à Versailles, s'il ne signifiait pas que la royauté devait se rapprocher du peuple, faire bon ménage avec le peuple, ou disparaître ? Maillard dut se rendre ; il envoya demander le passage au suisse de faction, répondant de tout. Celui-ci, pour réponse, tira son épée. Maillard fut obligé d'en faire autant. Les fers se croisèrent ; mais, les femmes intervenant, le suisse fut renversé, désarmé en même temps que sauvé par Maillard, et ce fut à travers le jardin qu'on gagna, sans désordre, mais triomphalement, la place Louis XV, puis les Champs-Élysées[15]. Là, subitement grossi par des détachements accourus de tous les points de la ville, le cortège ne tarda pas à présenter le spectacle le plus extraordinaire. Armées de fusils ou de pistolets, de fourches ou de lances, et traînant deux pièces de canon, les femmes, au nombre de sept ou huit mille, formaient l'avant-garde, à la tête de laquelle se faisaient remarquer par leur beauté, leur jeunesse et leur ardeur, l'actrice Rose Lacombe, Pierrette Chabry, Reine Audu, surnommée la reine des halles, et, entre toutes, Théroigne de Méricourt, jolie Liégeoise que la Révolution venait d'enlever au dernier de ses amants, et qui n'aima plus que la liberté, le jour où elle l'aima. Vêtue d'une amazone écarlate, les cheveux flottants sur les épaules, la tête couverte d'un chapeau rond qu'ornait un panache noir, elle maniait intrépidement un cheval de trait et, la lance à la main, s'amusait de son propre enthousiasme[16]. Marchaient ensuite, sous les ordres de Hullin, les volontaires, vainqueurs de la Bastille, et les hommes des faubourgs, conduits par deux d'entre eux qu'on désignait sous les noms de capitaine des bâtons ferrés et de général La Pique. L'appareil, au reste, était plus guerrier que les desseins n'étaient violents. Ce qui le prouve, c'est que Maillard put détourner les femmes d'aller à l'Arsenal chercher de la poudre ; et même il obtint de la plupart qu'elles abandonnassent leurs armes, en leur représentant que, puisqu'elles n'avaient à demander à l'Assemblée nationale que la justice et du pain, il leur convenait mieux de se présenter en suppliantes[17]. Maillard ajoute, dans sa déposition, qu'elles continuèrent leur route jusqu'à Sèvres, avec sagesse, et qu'elles, n'arrêtèrent divers courriers qui se dirigeaient du côté de Versailles que dans la crainte de se voir barrer le passage[18]. Une d'elles ayant laissé échapper ce mot féroce : Nous apporterons la tête de la reine au bout d'une épée, les autres lui imposèrent silence[19]. Cependant le bruit de la générale se mêlait, à Paris, aux appels funèbres du tocsin ; les districts s'assemblaient ; les gardes nationaux rejoignaient leurs bataillons, et, placés au coin des rues, les patriotes recommandaient aux citoyens de se défier des chefs, jurant, par le saint nom de la patrie, que dans le nombre se trouvaient de lâches aristocrates[20]. Les anciens gardes-françaises, incorporés dans la garde nationale, et formant ce qu'on appelait les compagnies soldées, parurent sur la place de Grève, alors remplie de peuple. La foule, charmée de leur allure martiale, éclata en applaudissements. Eux : Ce ne sont pas des applaudissements que nous demandons. La nation est insultée : prenez les armes et venez. Bailly et Lafayette étaient arrivés. Les Trois cents entrèrent en délibération, mais à huis clos, selon l'usage dangereux, dit Loustalot, qui subsiste encore, quoique hautement réprouvé par l'opinion publique[21]. En attendant, la garde nationale couvrait peu à peu la place de Grève, faisant refluer dans les rues voisines et sur les quais la foule non armée. Vers une heure, la délibération secrète durant toujours, quelques grenadiers des gardes-françaises se détachent des rangs et montent à l'Hôtel de Ville pour porter à Lafayette le vœu de leurs camarades, irrités de tant de lenteurs. Certains auteurs[22] rapportent que, dans un discours tenu à Lafayette, un d'eux, nommé Mercier, se servit, en parlant de Louis XVI, de termes méprisants : On dit que le roi est un imbécile. Mais cette version est démentie par le témoignage, très-circonstancié et très-précis, d'un autre soldat, camarade du premier, son ami, qui assistait à la scène, et qui, interrogé, déclara tenir Mercier pour un citoyen fort attaché au roi[23]. Voici quel fut, selon les écrivains les plus graves[24], la harangue du grenadier, vive et fidèle expression des sentiments populaires d'alors : Mon général, nous sommes députés par les six compagnies de grenadiers. Nous ne vous croyons pas un traître ; mais nous croyons que le gouvernement vous trahit ; il est temps que tout ceci finisse. Nous ne pouvons tourner nos baïonnettes contre des femmes qui nous demandent du pain. Le comité des subsistances malverse ou est incapable d'administrer son département ; dans les deux cas, il faut le changer. Le peuple est malheureux : la source du mal est à Versailles. Il faut aller chercher le roi et l'amener à Paris ; il faut exterminer le régiment de Flandre et les gardes du corps qui ont osé fouler aux pieds la cocarde nationale. Si le roi est trop faible pour porter sa couronne, qu'il la dépose : nous couronnerons son fils, on nommera un conseil de régence, et tout ira mieux. Lafayette s'étant écrié : Vous avez donc le projet de faire la guerre au roi, et de le forcer à nous abandonner ? — Mon général, répondit le grenadier, nous en serions bien fâchés, car nous l'aimons beaucoup. Il ne nous quittera pas, et, s'il nous quittait… nous avons le Dauphin. Toute la vérité sur le caractère du mouvement d'octobre est dans ce peu de paroles. Louis XVI ne s'était pas encore aliéné par ses fautes le cœur du peuple. On le voulait à Paris, parce qu'on le jugeait trompé ou opprimé à Versailles. Quoique habitué à jouer le rôle du sang-froid, Lafayette avait de la peine à cacher son trouble. Il descendit sur la place de Grève, où on le vit rester longtemps en proie aux plus cruelles incertitudes et comme enveloppé par l'agitation. Ailleurs, la fermentation n'était pas moindre. Au Palais-Royal, des groupes nombreux s'étaient formés d'hommes impatients de se communiquer leurs pensées. Tels autrefois nos pères délibéraient, à la face du ciel et les armes à la main, sur les affaires communes[25]. Mais aussitôt parurent les patrouilles du district de Saint-Roch, et déjà le commandant parlait d'aller chercher des canons, de les charger à mitraille, de les placer au milieu du jardin pour expulser la canaille. Les citoyens qu'on menaçait, qu'on insultait de la sorte, et qui étaient aussi éloignés d'être des séditieux que leurs agresseurs d'être les soutiens de la cause publique[26] se rangèrent dans le passage des boutiques en bois, devant le vestibule du palais, et, présentant un front armé de trois rangs de piques, ils tinrent en respect cette milice, coupable à leurs yeux d'avoir détruit le patriotisme du Palais-Royal, qui éclairait tout, et d'avoir rempli des fonctions indignes de leur habit, en chassant d'un lieu public les citoyens pauvres[27]. Il était quatre heures et demie du soir, et les Trois
cents ne se décidaient pas. Lafayette flottait sur son cheval au milieu d'une
foule innombrable qui criait : A Versailles 1 à Versailles ! d'une voix de
plus en plus terrible. Il allait et venait, déclarait ne pouvoir agir sans un
ordre exprès de la Commune, semblait vouloir gagner du temps. Comme il
essayait de monter à l'Hôtel de Ville : Morbleu !
lui dirent les grenadiers, vous ne nous abandonnerez
pas[28].
On frémissait d'impatience, on frémissait de colère. Enfin, une lettre est
apportée à Lafayette. Il l'ouvre ; tous les regards se portent sur lui. Elle
était de la municipalité, et contenait ces mots : Vu
les circonstances et le désir du peuple, sur la représentation de M. le
commandant général qu'il est impossible de s'y refuser, la municipalité
autorise M. le commandant général, et même lui ordonne, de se transporter à
Versailles[29]. Lafayette
devint pâle[30],
mais il donna l'ordre du départ, que le peuple, joyeux, accueillit par un
grand cri. Sans attendre le signal, quelques patriotes avaient pris les devants et s'étaient portés sur les hauteurs de Passy, du Mont-Valérien, de Bellevue, afin d'éclairer la route. Ils apprirent et rapportèrent que les femmes, parties le matin, avaient gagné Sèvres ; qu'elles avaient fait halte dans ce lieu, où elles étaient effectivement arrivées accablées de fatigue, mourant de faim, et où elles n'avaient trouvé que quelques brocs de vin, offerts de bon cœur par un pauvre malade, et huit pains de quatre livres à partager entre plus de dix mille personnes[31] ! Un de ces patriotes, écrit Loustalot[32], rencontra, à son retour, dans le Cours-la-Reine, une foule d'hommes et de femmes armés de piques autour d'une voiture. Un homme en habit noir, qui se rendait à Versailles, ne leur avait paru autre chose qu'un espion du faubourg Saint-Germain. Ce voyageur conjurait les femmes avec instance de le laisser partir, et elles se disposaient à le faire descendre de la voiture, lorsque le patriote s'avança et lui demanda quelles affaires pouvaient le conduire de Paris à Versailles dans un moment où les esprits étaient ouverts à tous les soupçons. Je suis député de Bretagne, dit le voyageur. — Député ? ah ! c'est différent. — Oui, je suis Le Chapelier. — Oh ! attendez. Aussitôt le patriote grimpe sur la voiture, harangue l'assistance, répète le nom de Le Chapelier avec ceux des vrais députés de la nation. Vive Le Chapelier ! crie le peuple. Le patriote dont parle ici Loustalot, c'était Loustalot lui-même[33]. Pendant qu'à Paris tout se précipitait, voici ce qui se passait à Versailles. Vers onze heures du matin, le comte de Saint-Priest avait appris les événements de la bouche d'un de ses valets de chambre accouru de Paris. Il en écrivit aussitôt à M. de Larboust, écuyer du roi. Quand la lettre du ministre fut remise à l'écuyer, le marquis de Cubières était présent : ce fut lui qui se chargea d'aller prévenir Louis XVI. Le roi, comme on l'a vu, était à la chasse. Au moment où il reçut le message, il venait d'écrire dans son journal : Tiré à la porte de Châtillon, tué quatre-vingt-une pièces. Il dut ajouter : Interrompu par les événements ![34]… Un gentilhomme du Dauphiné, M. de La Devèze, lui ayant dit alors de n'avoir pas peur : Je n'ai jamais eu peur de ma vie, répondit-il avec l'accent de la fierté blessée. Puis, montant à cheval, il prit la route de Versailles. Chemin faisant, il dit à ceux qui l'accompagnaient, d'une voix émue : Elles viennent pour du pain : hélas ! s'il eût dépendu de moi, je n'aurais pas attendu qu'elles vinssent m'en demander[35]. Au château, les gardes du corps l'attendaient pleins d'inquiétude : en l'apercevant, le comte de Luxembourg le pria de lui donner ses ordres. Quels ordres ? répondit Louis XVI en souriant ; contre des femmes ? Vous vous moquez ![36] De son côté, la reine avait été avertie. Le billet par lequel M. de Saint-Priest la suppliait de rentrer à Versailles, l'avait trouvée assise dans sa grotte du jardin de Trianon[37]. Quant à l'Assemblée nationale, elle siégeait comme à l'ordinaire, ignorant l'état de Paris et tout occupée d'une réponse du roi, relative à l'acceptation des premiers articles constitutionnels et de la déclaration des droits de l'homme. Cette réponse était équivoque, embarrassée ; la sanction royale n'y était donnée, aux premiers articles constitutionnels, que conditionnellement, sous forme d'accession, eu égard aux circonstances ; et il y était dit, en ce qui touchait la déclaration des droits : Je ne m'explique point sur votre déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle contient de très-bonnes maximes, propres à guider vos travaux ; mais des principes susceptibles d'applications et d'interprétations différentes ne peuvent être justement appréciés et n'ont besoin de l'être qu'au moment où leur véritable sens est fixé par les lois auxquelles ils doivent servir de première base[38]. C'était l'esprit, c'était le style de Necker. Robespierre fit remarquer sèchement que la réponse du roi était une véritable censure et que ce n'était pas au roi de censurer la constitution. Si les circonstances, observe à son tour Adrien Duport, avaient été favorables aux ministres, le roi n'aurait donc pas accordé son adhésion ? Il rappelle la récente orgie. A ce souvenir, les membres du côté gauche prennent feu. Le vicomte de Mirabeau veut parler en faveur de l'autorité royale ; mais sa voix se perd dans le bruit des interpellations, mêlé à de violents murmures des tribunes[39] ; et aux clameurs qui l'irritent, la droite oppose des clameurs contraires. Alors, le comte de Barbantanne, qui était assis à côté des enfants du duc d'Orléans, se lève avec vivacité, et s'adressant à la partie aristocratique de l'Assemblée : On voit bien que ces Messieurs veulent encore des lanternes ; eh bien, ils en auront. — Oui, oui, il faut encore des lanternes, répète le jeune duc de Chartres[40] — depuis Louis-Philippe —. Ces paroles produisirent un mouvement d'indignation dont l'écho vibrait encore quand de vagues rumeurs pénétrèrent dans l'Assemblée : il était question d'une révolte à Paris. On appela au dehors le duc de Chartres, qui, rentrant un instant après, s'entretint à voix basse avec son frère. Ils sortirent et ne rentrèrent plus[41]. Dans l'intervalle, Pétion venait de parler d'imprécations
poussées par les gardes du corps contre l'Assemblée nationale. Dénoncez, lui cria impétueusement M. de Monspey, et signez. Jusque-là, soit conviction, soit, comme
quelques-uns l'ont cru, qu'instruit du soulèvement de Paris, il brûlât de
couper court aux débats, Mirabeau avait déployé une modération extrême,
disant qu'il fallait respecter la prérogative royale ; que l'acceptation du
roi devait paraître libre et volontaire ; que le contreseing du roi était
l'égide de la liberté nationale ; que, par une pieuse fiction de la loi, le
roi ne pouvait se tromper ; que si le peuple réclamait des victimes, ces
victimes ne pouvaient être que les ministres[42]. Mais, à la
provocation inattendue de M. de Monspey, perdant patience : Je commence par déclarer que je trouve souverainement
impolitique la dénonciation qui est demandée : cependant, si on persiste, je
suis prêt, moi, à fournir les détails et à les signer ; mais, auparavant, je
demande que cette Assemblée déclare que la personne du roi est seule
inviolable, et que tous les autres individus, quels qu'ils soient, sont
également sujets et responsables devant la loi. L'Assemblée comprit et
resta consternée. Lui, audacieux jusqu'au bout, il dit à ses voisins, assez
haut pour être entendu : Je dénoncerai le duc de
Guiche et la reine. — Quoi ! la reine !
cria une voix partie d'une tribune de derrière, où était madame de Sillery. Oui, fut-il répliqué dans la même tribune, la reine comme une autre, si elle est coupable[43]. Durant le cours de la discussion, des allées et venues fréquentes, une agitation sourde annonçaient quelque chose d'extraordinaire. Mirabeau monte au fauteuil de Mounier, et lui dit à demi-voix : Mounier, Paris marche sur nous. — Je n'en sais rien. — Croyez-moi, ou ne me croyez pas, peu m'importe ; mais Paris marche sur nous. Trouvez-vous mal, allez au château, donnez-leur cet avis ; dites, si vous le voulez, que vous le tenez de moi, j'y consens. Mais faites cesser cette controverse scandaleuse, le temps presse, il n'y a pas une minute à perdre. — Paris marche sur nous ? répondit Mounier avec une amère affectation d'indifférence ; eh bien, tant mieux ; nous en serons plus tôt république[44]. Il est probable qu'en pressant ainsi la dissolution temporaire de l'Assemblée, et en essayant de faire de Mounier un porteur d'alarmantes nouvelles, Mirabeau avait pour but de forcer le roi à s'éloigner. Car, qu'un plan bien arrêté de conspiration fût ou non dans sa tête, Mirabeau, une fois le terrain libre, était plus près que personne de devenir maître de la situation. Il le sentait, et la dictature dans la tempête avait de quoi tenter son cœur. Les femmes approchaient. A Viroflay, elles se croisèrent sur la route avec des cavaliers à cocardes noires. Indignées, elles entourent l'un d'eux, le renversent de cheval et ne lui font grâce de la vie qu'à condition qu'il les suivra portant derrière le dos un écriteau indicateur de l'insulte faite à la nation[45]. A quelque distance de Versailles, Maillard, toujours prudent, fit former un cercle et dit aux femmes qu'il ne leur convenait point de se montrer, précédées de deux pièces de canon ; qu'il y avait sagesse à les rejeter à l'arrière-garde ; qu'il ne fallait pas inquiéter les bons habitants de Versailles, les effrayer, leur laisser croire qu'on marchait contre le roi. Il leur recommanda même de chanter, en entrant à Versailles : Vive Henri IV ! Et c'est ce qu'elles firent, non sans entremêler leurs refrains de cris de Vive le roi ! auxquels la population de Versailles, aussi charmée que surprise, répondit par le cri de Vivent nos Parisiennes ![46] Il était environ trois heures[47]. Mais plus le peuple se confiait au roi, plus la cour se défiait du peuple ; et, dans ce moment même, le conseil des ministres ayant été convoqué, le comte de Saint-Priest y ouvrit un avis qui menait droit à la guerre civile. Les mesures qu'il proposa pour arrêter la marche de Paris sur Versailles, consistaient à envoyer garder les ponts sur la Seine par un bataillon du régiment de Flandre, à Sèvres ; par un autre, à Saint-Cloud ; par les gardes suisses, à Neuilly. La reine et la famille royale se seraient réfugiées à Rambouillet, où étaient les chasseurs du régiment de Lorraine, pendant que Sa Majesté serait allée au-devant des Parisiens avec les deux cents chasseurs des évêchés et ses huit cents gardes du corps. Les mille chevaux mis en bataille au delà du pont de Sèvres, le roi aurait fait ordonner à la troupe parisienne de rétrograder, et on l'aurait chargée en cas de refus. Enfin, rien de tout cela ne réussissant, le roi aurait gagné Rambouillet après être retourné à Versailles[48]. Necker combattit vivement cette opinion, touché des périls auxquels un appareil de forces assez menaçant pour irriter, trop faible pour contenir, exposerait inévitablement le roi, et convaincu que l'affection du peuple lui serait un plus sûr rempart que le zèle de ses gardes. Les ministres se partagèrent : le maréchal de Beauvau, de La Luzerne et de La Tour du Pin se rangèrent du côté de Saint-Priest ; le comte de Montmorin, l'archevêque de Vienne et l'archevêque de Bordeaux du côté de Necker[49]. Louis XVI, indécis, congédia le conseil et alla consulter la reine, qui déclara qu'aucun motif ne la déciderait à se séparer de Louis XVI. Pourquoi ? C'est ce que nul historien n'a dit, et ce qui mérite pourtant d'être constaté. Voici quelle fut, à cet égard, la déclaration de Thierry, valet de chambre de Louis XVI, devant les juges du Châtelet : Entre huit et neuf heures du soir, la reine me fit l'honneur de me dire qu'on en voulait à sa personne et non à celle du roi, et qu'elle était persuadée que beaucoup d'hommes étaient à la suite des femmes qui étaient venues demander du pain : c'est d'après cette conviction que la reine, au lieu de se retirer à Rambouillet, s'était déterminée à rester, avec les enfants de France, sous la sauvegarde du roi[50]. En conséquence, on ne décida rien : on attendit. Seulement les gardes du corps, sortant de leur hôtel au bruit des imprécations de la foule, allèrent se ranger en ordre de bataille sur la place d'armes, devant la grille faisant face à l'avenue de Paris[51]. Le régiment de Flandre y avait déjà pris position, appuyant sa droite au château, prolongeant sa gauche vers l'avenue de Saint-Cloud ; et bientôt, à son tour, la garde de Versailles vint s'étendre sur une ligne parallèle, depuis la grille jusqu'à l'avenue de Sceaux[52]. Pendant ce temps, Maillard frappait aux portes de
l'Assemblée nationale. Les femmes voulaient entrer toutes à la fois : on n'en
admit que quinze, lesquelles furent introduites, ainsi que leur général, à la
barre de l'Assemblée, où on les reçut avec grande
joie et affabilité[53]. Debout entre
deux d'entre elles, dont l'une portait son épée et l'autre une perche d'où
pendait une espèce de tambour de basque[54], l'huissier
Maillard, l'homme à l'habit noir, demanda la parole, et l'ayant obtenue, il
exposa d'un ton ferme que Paris était en pleine famine ; que le peuple,
réduit au désespoir, réclamait non-seulement du pain, mais la permission de
poursuivre les accapareurs ; qu'on savait par des inconnus… que, d'un certain
abbé attaché à l'Assemblée, un meunier avait reçu deux cents livres pour ne
pas moudre… Êtes-vous bien sûr de ce que vous
avancez ? interrompit Mounier. — Oui ! oui !
crièrent les femmes qui étaient à la barre, et plusieurs des citoyens qui
occupaient les tribunes. — Eh bien ! nommez, nommez
! Au milieu du tumulte, et tandis qu'assis au bureau, Desmeunier
dressait le procès-verbal, deux sombres personnages se penchèrent à l'oreille
de Maillard, qui reprit aussitôt : Nous ne
désignerons personne ; nous ne sommes pas des délateurs. Pressé plus
vivement, il déclara ne se rappeler ni les noms de ceux qui avaient donné le
renseignement terrible, ni les noms des coupables ; c'était sur la route de
Paris à Versailles que ces bruits avaient été semés… d'abominables complots
se tramaient, on ne les ignorait point… le nom de l'archevêque de Paris fut
prononcé. L'Assemblée alors se montrant émue et frémissante, Robespierre tira
Maillard d'embarras, en annonçant que l'abbé Grégoire pourrait, au besoin,
donner des éclaircissements. Tous se turent. Devant une aussi formidable
enquête, qui n'aurait, en un pareil moment, reculé d'épouvante[55] ? Maillard continua : les gardes du corps avaient insulté la cocarde nationale ; cette injure appelait une réparation éclatante, et il convenait que les gardes l'adoptassent enfin, cette cocarde, qui était celle du peuple, qui était celle du roi. En parlant ainsi, Maillard avait l'œil animé, la voix impérieuse. Dans son discours vibraient, comme autant d'échos des hautaines colères de Paris, les formules nous voulons, nous exigeons[56]. Quelques membres de l'Assemblée s'indignant et disant que ceux qui voulaient être citoyens devaient l'être de bonne volonté. — Si, dans cette Assemblée, répondit rudement l'orateur populaire, il est des hommes capables de se croire déshonorés par le titre de citoyen, il n'y a qu'à les exclure. Des applaudissements éclatèrent ; on apporta la nouvelle que les gardes du corps venaient de prendre la cocarde de la nation, et il y avait si peu de fiel dans le cœur de ces femmes, représentées depuis comme des furies par les écrivains royalistes, qu'elles s'écrièrent toutes avec transport : Vivent messieurs les gardes ![57] Restait la question du régiment de Flandre. Pourquoi ne pas supplier le roi d'éloigner ce régiment ? Car enfin, c'étaient mille bouches à nourrir, et cela aux portes de Paris, où le pain ne coûtait pas moins de trois livres douze sols les quatre livres. Toujours cette tragique histoire du pain trop cher ou du pain manquant ! Un membre, chevalier de Saint-Louis, contesta le chiffre ; mais Maillard expliqua fort bien qu'un pauvre homme, forcé de passer des heures entières à la porte des boulangers, perdait sa journée et le prix de sa journée[58]. Voilà ce que ne comprenaient pas tous ces grands seigneurs, bercés dans leur oisive opulence ; voilà ce que comprirent amèrement les femmes du peuple qui étaient là, mères, sœurs ou épouses. Elles savaient, elles, que, pour leurs enfants, pour leurs maris, pour leurs frères, le travail c'était la vie ! Pourquoi donc tant de retards ? Allons, allons ! Il faut que le roi apprenne enfin ce que Paris souffre ; il faut qu'une députation lui soit envoyée ; que le président Mounier la conduise lui-même : il le faut. Maillard restera pour contenir les femmes, et, en l'absence de Mounier, l'évêque de Langres présidera. Telle est, en effet, la décision prise. Aussi bien, on avait arrêté, un moment avant l'arrivée des femmes, qu'une députation irait prier Louis XVI de donner à la déclaration des droits sa sanction pure et simple. Suivi de quelques-uns de ses collègues, du milieu desquels se détachait la figure grave du docteur Guillotin, et tandis que les groupes restés au dehors forçaient l'entrée de l'Assemblée, Mounier se mit en route vers le château, l'âme assiégée de sombres soucis et pressentant bien que ce jour serait le dernier de son existence politique, mais le visage calme et le front sévère. Il pleuvait, et la longue avenue qui conduit au château apparaissait bordée de têtes livides. De farouches auxiliaires, des auxiliaires en guenilles, étaient venus se joindre à l'expédition, du fond du faubourg Saint-Antoine : foule hurlante qui, de ses milliers de mains, agitait des bâtons et des glaives, des crochets et des fusils, des couteaux et des lances ; foule sortie de toutes les profondeurs d'une civilisation dont sa seule physionomie accusait hautement l'iniquité ; foule mêlée, indescriptible, indéfinissable, où, à la honte éternelle de cette civilisation, de sinistres desseins germaient parmi les plus généreuses pensées, où les courtisanes marchaient à côté des mères, où contre des cœurs de brigands battaient peut-être des cœurs de héros, où le crime cheminait caché derrière la faim ! Mounier a raconté, depuis, qu'à peine sorti de l'Assemblée, il se vit environné par les femmes, qui voulaient toutes l'accompagner au château. A force d'instances, il obtint qu'elles n'entreraient qu'au nombre de six ; mais cela n'ayant point empêché un grand nombre d'entre elles de former un cortège aux députés, les gardes du corps prirent la députation pour un attroupement, coururent au travers et la dispersèrent dans la boue[59]. On parvint à se rallier, toutefois ; et, à travers les groupes qui se dissipaient et se reformaient, les gardes du corps qui caracolaient, la pluie qui tombait, on gagna la demeure royale. Cinq femmes seulement furent introduites chez le roi avec les députés[60]. Elles avaient choisi pour orateur Pierrette Chabry. Mais, malgré le bienveillant accueil de Louis XVI, ou, qui sait ? à cause de cela même, Pierrette fut tellement émue qu'elle s'évanouit. Louis XVI, ému à son tour, fit respirer à la belle enfant des eaux spiritueuses, ordonna qu'on approchât de ses lèvres un grand gobelet d'or rempli de vin[61], et, quand elle eut repris ses sens, il l'embrassa, disant qu'elle en valait bien la peine[62]. Il promit, du reste, d'avoir égard à la requête des visiteuses, qui, enchantées, sortirent en criant : Vive le roi ! vive sa maison ! Demain nous aurons du pain[63] ! On les attendait aux portes avec impatience. Eh bien, quelles nouvelles ? — Excellentes. Le roi nous a promis ce que nous avons voulu. — Et la preuve ? Vous a-t-il remis un écrit ! Pour toute preuve, Pierrette raconta que le roi l'avait trouvée jolie et qu'il l'avait embrassée. La misère est soupçonneuse, hélas !… Quoi ! c'était là tout ! Aussi, quelle folie à elles, infortunées créatures, d'avoir chargé du message de leurs douleurs une gentille demoiselle qui n'avait laissé au logis aucun enfant demi-mort de faim, et dont les yeux n'avaient presque jamais pleuré ! Elle avait reçu de l'argent, sans doute, et on l'avait corrompue ! Sans plus attendre, deux méchantes âmes, Louison et Rosalie, l'une et l'autre vendeuses de marée, saisissent la malheureuse Pierrette, lui passent au cou une jarretière, et l'auraient étranglée, si quelques-unes de leurs compagnes, aidées de plusieurs gardes du corps, n'étaient arrivées à temps pour la défendre, pour la sauver[64]. Il fallut qu'elle remontât au château chercher l'écrit tant désiré, et, non content de le lui donner, Louis XVI parut avec elle au balcon pour confirmer aux femmes réunies en bas la déclaration qu'elle avait faite de son innocence[65]. A ce trait de paternelle bonté, les femmes se répandirent en bénédictions ; elles demandèrent que sur-le-champ l'heureuse nouvelle fût portée à Paris ; puis, montant dans des voitures que Louis XVI mit à leur disposition, trente-neuf d'entre elles allèrent chercher leur brave Maillard, avec qui elles reprirent le chemin de la capitale[66]. Mais, pour quelques-unes qui venaient de partir, plusieurs mille restaient. Les plus hardies s'approchent du régiment de Flandre, pénètrent dans les rangs, enlacent les soldats de douces paroles, de caresses familières, les désarment et, moitié jouant moitié riant, s'emparent de leurs cartouches. On a dit que Théroigne de Méricourt fut aperçue distribuant de l'argent aux dragons. Calomnie royaliste ! commentaire envenimé de la déclaration, très-vague, d'ailleurs, d'un curé qui, devant les juges du Châtelet, la représenta passant devant le front des troupes avec une corbeille où les soldats prenaient de petits paquets[67]. Les pièces d'or dont elle se servit pour enlever le régiment de Flandre à la cour, furent, suivant l'expression d'un historien anglais, ses fiers regards, son port de déesse païenne, sa langue éloquente et le feu de son cœur[68]. Il était bien difficile que dans cet immense et tumultueux pêle-mêle d'hommes, de femmes, de piétons, de cavaliers, aucune collision ne naquît du contact des passions diverses ou ennemies. Les gardes du corps, comme on l'a vu, se tenaient rangés, sur la place d'armes, devant la grille. Un milicien de Versailles s'étant glissé derrière eux, trois gardes se mirent à lui donner la chasse, à ce cri poussé par leurs camarades : Fort ! fort ! c'est un parement blanc de Paris ! Le milicien fuyait, et Savonnières, un des gardes, avait déjà le sabre levé sur lui, lorsqu'un garde national, en sentinelle près de la grille, aperçoit le danger de son compagnon, ajuste Savonnières, et, d'un coup de fusil, lui casse le bras[69]. Ce fut le premier épisode de la lutte. Quelque temps après, sans qu'il soit possible de constater d'une manière bien certaine de quel côté vint l'agression[70], tant les témoignages sont nombreux de part et d'autre et contradictoires, on entendit le sifflement des balles, et deux femmes tombèrent couvertes de sang. A cette vue, peuple de Paris et miliciens de Versailles entrent à la fois en fureur. Trois pièces de canon chargées à mitraille et conduites, servies par le faubourg Saint-Antoine, sont pointées contre la garde. On allume les mèches, la pluie les éteint ; on les rallume, la pluie les éteint encore. Sans cette circonstance, un affreux carnage commençait[71]. Du reste, nulle direction. Les deux principaux chefs de la garde nationale ont disparu ; d'Estaing, après avoir obtenu de la municipalité le pouvoir d'accompagner le roi dans sa retraite, s'il y a lieu, sauf à le ramener ensuite à Versailles[72], d'Estaing s'efface, il s'éclipse, il est à l'Œil-de-bœuf, ou, s'il vient faire de courtes apparitions sur la place, c'est pour y échanger avec les miliciens de Versailles d'amers reproches et en être chassé par les défiances populaires[73]. Le marquis de Gouvernet, qui commande sous lui, ne fait rien non plus, n'ordonne rien et finit par se ranger du parti des gardes. Un seul homme veille, parmi les officiers supérieurs de la milice bourgeoise, un seul : c'est un marchand de toiles, c'est Lecointre, caractère ombrageux, tête facile à exalter, avide de bruit, ambitieux des honneurs de sa ville, grand ennemi de la cour enfin, mais jaloux du maintien de l'ordre et plein du courage de son rôle. L'activité qu'il déploya fut infatigable, intrépide. Courant du régiment de Flandre aux dragons de Montmorency, des dragons de Montmorency aux gardes du corps, il leur fit donner à tous successivement la promesse d'éviter les horreurs d'une guerre impie. Enhardi par le succès, il osa davantage. Suivi d'une faible escorte, il va droit aux formidables groupes qui stationnaient dans les environs de l'Assemblée, renvoie sa suite, met pied à terre et s'annonce. Un cercle se forma autour de lui, cercle effrayant, éclairé par les mèches des canons, à la bouche desquels on le plaça pour l'entendre. Je viens savoir, dit-il, d'un air assuré, ce que vous désirez. — Du pain et la fin des affaires[74]. Il promit du pain, à condition qu'ils ne se répandraient pas dans Versailles. Mais à sa réquisition, la municipalité, dévouée au parti de la cours[75], ne répondit que par un refus meurtrier. Elle offrit quelques sacs de riz, se sépara sans les avoir donnés, et les groupes affamés qu'on avait ainsi l'imprudence de dégager de leur parole, inondèrent la ville. La nuit descendait sur ce grand drame, amenant l'heure des pensées funestes ; la pluie tombait à torrents ; le tocsin mêlait au mugissement populaire sa voix lamentable, et tout n'était qu'angoisses dans l'intérieur du château. Les salles étaient encombrées de courtisans qui délibéraient dans le trouble de la frayeur, et s'égaraient en projets contradictoires. Il y en eut un qui proposa de pousser contre les cohortes parisiennes les chevaux des écuries du roi, montés par des gentilshommes[76]. Il s'appelait le marquis de Favras, et nous le retrouverons… sur l'échafaud. Sollicité à l'action, le comte d'Estaing répondait : J'attends les ordres du roi. M. de Saint-Priest répliqua : Quand le roi n'ordonne rien, un général doit se décider en homme de guerre[77]. Mais que décider, même comme homme de guerre ? Le comte d'Estaing l'ignorait, et il errait çà et là, ne sachant où fixer son inquiétude. Ce fut dans ses courses à travers le château qu'il rencontra, renversée et horriblement meurtrie, une jeune fille âgée de vingt ans, nommée Françoise Rolin, qui avait suivi Mounier, n'avait pu se faire admettre et venait d'être maltraitée par un Suisse des douze. Le comte d'Estaing la releva, la fit asseoir sur une banquette, et comme elle pleurait : Tu pleures, lui dit-il, parce que tu n'as pas vu le roi ! Et la prenant par la main, il la conduisit dans une salle voisine, où se tenaient debout autour d'une table couverte d'un tapis vert, le garde des sceaux, le duc de Gèvres, le comte de Saint-Priest[78]. Interrogée sur les motifs qui l'amenaient, la jeune bouquetière, — car c'était une bouquetière et non, comme le comte de Saint-Priest l'a écrit depuis, une fille publique[79], — la jeune bouquetière déclara naïvement qu'elle venait apprendre au roi comme quoi sa bonne ville de Paris manquait de pain. C'est ici que se place cette fameuse phrase tant reprochée au comte de Saint-Priest par Mirabeau, et qu'il nia, lui, au grand scandale des royalistes, furieux de ne lui pas voir le courage d'une telle insolence : Autrefois, vous n'aviez qu'un roi et.ne manquiez pas de pain ; aujourd'hui que vous avez douze cents rois, c'est à eux qu'il faut en demander[80]. Suivant la déposition de la bouquetière, le comte de Saint-Priest lui aurait dit : Pourquoi n'êtes-vous pas allée en demander à la Ville ? Et elle ayant répondu qu'on n'y avait trouvé personne, le ministre aurait ajouté : Eh bien ! il fallait apporter les clefs, après avoir fermé les portes, pour montrer au roi que sa ville était bien gardée ![81] Au reste, M. de Saint-Priest raconte lui-même que sa réponse fut que le roi avait pris toutes les mesures qui pouvaient dépendre de sa majesté, pour suppléer au manque de la récolte dernière, et que des calamités de ce genre devaient être supportées avec patience, comme on supportait la sécheresse quand la pluie manquait[82]. Voilà les consolations que l'abondance gardait à la disette ! Voilà ce que répondait aux Parisiens affamés le ministre de Paris ! Pendant ce temps, M. de Luxembourg, à la tête d'une députation de quarante anciens gardes du corps, tous sans armes, se rendait à la caserne des gardes françaises, pour y présenter à la milice de Versailles une lettre conciliatrice. Mais à peine les pacificateurs ont-ils atteint l'extrémité de la cour des ministres, qu'ils s'arrêtent soudain, saisis d'effroi, au bruit d'une salve de coups de fusils tirés à quelques pas de la grille qu'en cet instant on ouvrait au comte d'Estaing. Il avait envoyé à la milice nationale l'ordre de se retirer ; mais celle-ci ayant refusé de le faire tant que les gardes du corps resteraient sur la place, le signal de la retraite avait aussi été donné aux gardes, et ils s'étaient mis en mouvement pour regagner leur hôtel. Mais pendant qu'ils défilaient, soit bravade de leur part, soit que la foule les pressât trop, ceux des derniers rangs se mirent à tirer, dans l'obscurité, des coups de pistolet qui frappèrent trois hommes du peuple. Furieux, le peuple riposte par une décharge, et l'indignation se communiquant de proche en proche, les gardes nationaux réclament impérieusement de leurs chefs des munitions de combat. Le commandant d'artillerie refusait : un sous-lieutenant, nommé de Bury, court à lui et le menace de lui faire sauter la tête. On apporta une demi-tonne de poudre, un demi-baril de balles. On chargea les fusils, on chargea les canons, on les braqua du côté de la rampe. Puis, la retraite des gardes ayant laissé sur le champ de bataille un cheval mort, une foule affamée le mit en pièces, se le partagea à moitié cru et le mangea[83]. Dans ce moment même, neuf heures du soir, et quoique le cri aux armes commençât à donner au son du tocsin une signification formidable, Basire, porte-manteau du roi, s'étant hâté vers le château, y trouva, dans la chambre de Louis XIV, tranquillement assises sur des tabourets, madame Necker et madame de Staël, sa fille. Comme il s'étonnait de leur calme et leur demandait si elles n'entendaient pas le tocsin, Tout va bien, répondirent-elles, nous avons des nouvelles[84]. Ces nouvelles, c'était une lettre que Villars, aide de camp de Lafayette, venait d'apporter, lettre que le général avait écrite d'Auteuil et dans laquelle il assurait à M. de Saint-Priest que la garde nationale de Paris allait arriver, qu'il ne se passerait aucun désordre, qu'il en répondait[85]. Le roi avait rassemblé le conseil et les ministres prenaient place, quand cette lettre fut remise à M. de Saint-Priest. Il la lut aussitôt, et revenant à son avis de l'après-diner, il dit qu'il n'était plus temps de recourir aux mesures alors proposées ; mais, qu'en dépit des assurances de Lafayette, le roi n'avait rien de mieux à faire que de partir pour Rambouillet, lui et sa famille, avec des troupes réglées[86]. Necker combattit vivement cette opinion, et par des considérations frappantes. Le roi partir ! Et où irait-il donc, sans préparatifs, sans argent, sans ressources ? Fallait-il qu'il laissât derrière lui l'Assemblée s'emparer de la direction des revenus ? M. de Saint-Priest ignorait-il la détresse de l'État, et qu'on était réduit à faire le service d'une manière toute précaire, semaine par semaine, presque au jour le jour ? A supposer qu'on pût subitement pomper les caisses publiques et appeler de Paris à Versailles l'argent indispensable en une telle occurrence, où seraient les fonds libres le lendemain pour satisfaire aux payements de l'Hôtel de Ville, pour envoyer dans les provinces le prêt des troupes, pour acquitter les lettres de change relatives aux achats de grains ? De là un scandale inouï, une situation désespérée, qu'on ne manquerait pas d'imputer à la résolution du roi, à sa défiance des Parisiens, à quelque noir complot ! Il résultait, d'ailleurs, de la pénurie des subsistances, que partout où le monarque passerait, il trouverait le peuple en fermentation, et que la cour, obligée de prendre, pour un nombreux cortège, une part des approvisionnements, serait exposée à tous les coups d'une colère, enflammée par les nouvelles reçues de Versailles. Se fier au peuple, aller à Paris, mais y aller pour marcher sincèrement avec la Constitution, pour s'appuyer sur elle, voilà ce qu'il fallait[87]. Au milieu de ces excitations contraires, c'était du côté de Necker que penchait Louis XVI. Faible d'esprit, mais capable de fierté, capable de courage, il ressentait profondément la honte attachée à une brusque retraite, et on l'avait vu se promener à grands pas dans son appartement en disant : Un roi fugitif ! un roi fugitif ![88] D'un autre côté, il était convaincu que son départ était ardemment désiré par ses ennemis ; que tel était le rêve favori de Mirabeau ; que, lui absent, ce qu'on appelait la faction des orléanistes triompherait dans la nomination du duc d'Orléans au titre de lieutenant général du royaume. Enfin — l'histoire lui doit cette justice — il s'inquiétait des périls auxquels son départ précipité exposerait les personnes qui lui étaient dévouées et qu'il abandonnerait à Versailles sans aucune protection militaire[89]. M. de Saint-Priest insista, plus véhément que jamais, et il alla jusqu'à dire à Louis XVI : Sire, si vous êtes conduit demain à Paris, votre couronne est perdue[90]. A ces mots, ému, troublé jusqu'au fond du cœur, et toujours indécis, Louis XVI se leva pour aller de nouveau consulter la reine. Mais Marie-Antoinette flottait elle-même entre mille résolutions diverses. Passant par toutes les alternatives de l'intrépidité et de l'effroi, tour à tour superbe et abattue, emportée et tremblante tour à tour, tantôt elle voulait rester, tantôt elle voulait partir, et ses irrésolutions s'augmentaient de la défiance que lui inspiraient des conseillers étranges, sans nom. Digoine, député de Bourgogne, a raconté que, comme il était dans la chambre de la reine et faisait partie d'un groupe qui parlait un peu haut des événements, Marie-Antoinette s'approcha et dit tout bas : Messieurs, soyez plus réservés : voilà un valet de chambre de M. le duc d'Orléans qui s'est introduit ici[91]. Interrogée par Louis XVI sur ce qu'on devait résoudre, elle opina, cette fois, pour le départ. En effet, vers dix heures du soir, cinq voitures, attelées de six et huit chevaux, se présentèrent à la grille du Dragon. Madame Thibault, première femme de chambre de Marie-Antoinette, était dans une de ces voitures, et madame Salvert dans le carrosse de la reine, qu'elle représentait[92]. Ni les cochers, ni les postillons ne portaient livrée, et l'escorte ne se composait que de quelques cavaliers en habits bourgeois. Néanmoins, l'alarme se répandit ; appelé par la sentinelle, le commandant du poste accourut : les voitures durent rentrer sous escorte à l'écurie. Mounier, resté au château, attendait toujours la sanction
qu'au nom de ses collègues il était venu solliciter du roi. Vingt fois, a-t-il écrit, je
fis prévenir que j'allais me retirer, si l'on ne me donnait pas
l'acceptation. Enfin, — après cinq heures d'attente, — je fus appelé près du
roi ; il prononça l'acceptation pure et simple. Je le suppliai de me la
donner par écrit : il l'écrivit et la remit dans mes mains. Il avait entendu
des coups de feu. Qu'on juge de son émotion, qu'on juge de la mienne ! Le
cœur déchiré, je sortis pour retourner à mes fonctions[93]. Maillard n'était plus à l'Assemblée : il l'avait quittée, emportant un certificat que les femmes, chose remarquable ! avaient réclamé dans le but de bien établir que, si elles s'étaient rendues à l'Assemblée, c'était pour demander du pain[94]. C'était là, en effet, leur plus ardente pensée. Mais parmi elles, sous des robes d'emprunt, et payés sans doute, soit pour déshonorer la démarche du peuple, soit pour la faire servir à des intrigues de parti, s'étaient glissés des hommes qu'on reconnaissait à la dureté de leur regard, à leur teint, à leur taille, à leur barbe, à leur silence[95]. Les femmes, surtout depuis le départ de leur guide, se répandaient en vaines paroles, en plaintes bruyantes, mais ne faisaient que du bruit : eux, au contraire, ils paraissaient épier les occasions de désordre. Ce fut du milieu de leur groupe impur que sortirent ces mots, insolemment adressés à l'évêque de Langres, qui présidait en l'absence de Mounier : Mets les pouces sur le bureau. Le témoin qui a déposé de ce fait devant les juges du Châtelet ajoute que l'évêque de Langres eut la faiblesse d'obéir, et qu'alors deux de ces femmes équivoques lui dirent : Nous sommes contentes de toi : il faut que tu nous embrasses[96]. Ainsi exposé à des injures pires que des menaces, J'évêque de Langres venait de lever la séance quand Mounier parut. En place ! en place ! crièrent quelques-uns, et les députés, déjà hors de la salle, y rentrèrent précipitamment. Quel spectacle que celui qui s'offrait aux regards de Mounier ! Dans toutes les loges, à la barre, sur les bancs réservés, des femmes chuchotant, murmurant, s'impatientant, s'interpellant l'une l'autre et interpellant les députés ; debout sur un banc, un homme agitant une corde avec laquelle il racontait que, le matin même, on avait voulu le pendre ; près du bureau, un personnage à figure maigre et livide, portant un tablier, et disant : Nous avons le bras levé. Enfin, gravement assise dans le fauteuil du président, une femme[97] !... Mounier ayant annoncé l'acceptation de la déclaration des droits : Cela donnera-t-il du pain aux pauvres gens du peuple de Paris ? crièrent plusieurs voix. C'est du moins ce que rapporte le marquis de Ferrières[98] ; car ni le vicomte de Mirabeau, ni Faydel, tous les deux secrétaires de l'Assemblée, ne mentionnent le fait dans leurs dépositions[99]. Au reste, et quelque naturel que fût ce cri, on se tromperait si l'on en concluait que les femmes ne furent poussées à Versailles que par le mobile de la faim. Sur la place d'armes, il y en eut qu'on essaya de séduire en leur promettant que le pain ne manquerait pas si le roi recouvrait son pouvoir, et à ces insinuations perfides, elles répondirent par des mots amers, voulant du pain, mais non pas au prix de la liberté[100]. L'idée du devoir associée à celle du droit, voilà ce qu'on retrouvera toujours, en France, dans les grandes manifestations populaires ! En ce moment, Mirabeau revenait de la place d'armes, où on l'avait vu courant de groupe en groupe, interrogeant l'esprit de révolte, et, un sabre nu sous le bras[101], s'enivrant du parfum de sa popularité. — Car on disait dans les groupes de femmes : Où est notre comte de Mirabeau ? Nous voulons voir notre comte de Mirabeau[102]. Quand il rentra dans l'Assemblée, irrité du tumulte qui y régnait, irrité de l'empire que ses collègues paraissaient subir : Qui donc, s'écria-t-il d'un air terrible, qui donc ose ici donner des ordres à l'Assemblée ? A l'aspect de ce front dominateur, au bruit de cette voix tonnante, les femmes se sentirent saisies de stupeur : elles se turent[103]. Mais bientôt, la faim reprenant la parole, Mounier envoya chercher du pain chez tous les boulangers de la ville ; des brocs de vin furent apportés, et la salle de l'Assemblée devint une salle de banquet[104]. Minuit sonnait lorsque, soudain, des feux mouvants resplendirent sur la route de Paris à Versailles, et en même temps on entendit les lointains roulements du tambour. C'était l'armée de Lafayette qui approchait. A Viroflay, Lafayette avait crié halte à ses troupes, et, au milieu des ombres solennelles de la nuit, leur avait fait jurer de rester fidèles à la nation, à la loi et au roi. Arrivé à Versailles, il alla droit à l'Assemblée, où il se présenta sans escorte. Quel motif vous amène, lui demanda le président, et que veut votre armée ? Lafayette rassure l'Assemblée ; il parle de la nécessité de calmer le peuple en priant le roi d'éloigner le régiment de Flandre, et de dire quelques mots en faveur de la cocarde nationale ; puis, il se retire pour se rendre au château. Comme il touchait à la grille, ceux qui le suivaient sont pris de frayeur ; ils l'entourent, ils le conjurent de ne pas entrer[105]. Mais lui résiste, s'arrache à ces pusillanimes empressements et pénètre dans la cour, tandis que, par un dernier effort, lui saisissant les mains à travers la grille, les soldats cherchaient à le retenir. Exténué de fatigue, la pâleur de l'émotion sur le visage, ferme toutefois et résolu, il monte lentement l'escalier. Deux membres de la Commune l'accompagnaient. A son entrée dans l'Œil-de-bœuf, les courtisans font silence. Seul, un vieux chevalier de Saint-Louis, nommé de Hautefeuille, laisse échapper cette parole : Voilà Cromwell ! — Il ne serait pas seul ici, répond froidement le général ; et il monte chez le roi, qui l'attendait dans son cabinet. Louis XVI était debout contre la cheminée. Tout près de lui, le comte de Provence ; plus loin, l'archevêque de Bordeaux, le comte d'Estaing et Necker. Lafayette entre de côté, suivant l'usage des cours ; il est devant le roi. Alors, joignant les mains sur le haut de sa poitrine, et inclinant la tête avec une expression mêlée de tristesse et de respect : Sire, dit-il, je viens apporter ma vie pour sauver celle de Votre Majesté. Si mon sang doit couler, que ce soit pour le service de mon roi, plutôt qu'à la lueur des flambeaux de la Grève[106]. Reprenant ensuite son sourire accoutumé, il essaya de rassurer Louis XVI. Dans tout cela, dit le prince, il y a eu de l'argent donné. — Sire, répondit un des commissaires, un si grand mouvement ne s'achète pas : c'est l'opinion qui a entraîné le peuple. — Mais enfin, que veut-on ? — Sire, on veut avoir du pain. Necker demeurait silencieux, immobile. Louis XVI se tournant vers lui : Depuis quinze jours, dit-il, j'ai fait tout ce qu'on m'a demandé pour les subsistances. Mais que veut-on encore ? — Sire, la présence des troupes appelées à Versailles inquiète : on désire leur renvoi. — Eh bien, que M. de Lafayette arrange cela avec M. d'Estaing. En ce moment, le comte de Provence, dont les yeux erraient çà et là, élève la main comme pour un serment et dit : Messieurs, ce n'est pas nous qui avons appelé le régiment de Flandre, c'est la municipalité[107]. Il n'ignorait rien pourtant des intrigues de la cour ; il savait fort bien le but des deux repas des gardes du corps, auxquels il avait eu soin de ne pas assister. Pendant cette entrevue, on apercevait dans l'ombre la reine, qui, la tête penchée en, avant, écoutait tout avec inquiétude. Mounier s'étant présenté ensuite avec un cortège de députés, Louis XVI lui dit : J'avais désiré d'être environné des représentants de la nation, dans les circonstances où je me trouve, et je vous avais fait prévenir que je voulais, recevoir devant vous le marquis de Lafayette, afin de profiter de vos conseils ; mais il est venu avant vous, et je n'ai plus rien à vous dire, sinon que je n'ai pas eu l'intention de partir et que je ne m'éloignerai pas de l'Assemblée nationale. Mounier, pour la seconde fois, retourna à son poste. Lafayette, chargé de veiller au salut de la famille royale, ne fut cependant autorisé à garnir de ses sentinelles à lui que les postes extérieurs du château, les gardes du corps de service occupant tous les postes intérieurs, et leur détachement ayant pris position sur la terrasse de l'orangerie[108]. Mais tel était le trouble inséparable des circonstances, que main te précaution indispensable fut négligée, et que, par exemple, la porte de la cour de l'Opéra resta ouverte toute la nuit[109]. Néanmoins, soit ignorance du véritable état des choses, soit confiance aveugle en son étoile, Lafayette se rendit de nouveau chez le roi, pour l'assurer que la nuit serait tranquille et qu'il répondait de tout. Ses propos assoupirent les craintes, et le roi, toujours facile à persuader, se coucha[110]. Aussitôt, saisi d'une singulière impatience de communiquer la contagion de sa sécurité, Lafayette fit savoir à Mounier qu'il pouvait lever la séance et aller prendre quelque repos : d'où le surnom de général Morphée donné dérisoirement à Lafayette par les royalistes. Lui-même, il prit la route de l'hôtel de Noailles, où il s'endormit de ce sommeil qui, aux yeux des partisans de la cour, allait être le moins pardonné de ses crimes. Comme la nuit était froide et pluvieuse, la milice parisienne s'était dispersée dans les églises, dans les écuries, dans les cafés, sous les portes et dans les cours des maisons. Ceux qui n'avaient pu trouver d'asile ou que l'habitude de souffrir avait endurcis à la douleur, se tenaient accroupis, sur les places, autour de grands feux allumés de distance en distance. Quelques inconnus au visage sombre rôdaient aux environs du château. |
[1] Procédure criminelle du Châtelet, p. 144, Ire partie.
[2] Procédure criminelle du Châtelet, trente-cinquième témoin, p. 67, Ire partie.
[3] Procédure criminelle du Châtelet, IIe partie, p. 23.
[4] Déposition de Maillard. Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 118.
[5] Procédure criminelle du Châtelet, p. 118. — Jusqu'ici, pas d'historien qui ait relevé ces importants détails.
[6] Procédure criminelle du Châtelet, IIe partie, p. 25.
[7] Mémoires de Rivarol, p, 262. Collection Berville et Barrière.
[8] Procédure criminelle du Châtelet, p. 72.
[9] Déposition de Maillard dans la Procédure criminelle du Châtelet, p. 118.
[10] Déposition de l'abbé Lefebvre, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 79.
[11] Déposition de Maillard, 1re partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 118.
[12] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 120.
[13] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. IV, p. 424. Édition de 1791.
[14] Procédure criminelle du Châtelet, Ire partie, p. 120.
[15] Déposition de Maillart, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 121.
[16] Voyez, à cet égard, les diverses dépositions dans la Procédure criminelle du Châtelet, p. 146, 187, 247, de la Ire partie ; p. 32 de la IIe, etc.
[17] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 122.
[18] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 123.
[19] Déposition de la femme Lavarenne, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 133.
[20] Loustalot, Révolutions de Paris, n° XIII, p. 11.
[21] Révolutions de Paris, n° XIII, p. 11.
[22] Le marquis de Ferrières, par exemple. Voyez ses Mémoires, t. I.
[23] Déposition de Jean-Pierre Marquié, sous-lieutenant des grenadiers du district de Sainte-Marguerite, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 116.
[24] Les deux Amis de la liberté, notamment ; voyez t. III, chap. VI, p, 160. Édition de 1792. — Le Moniteur n'a fait que copier ce livre servilement.
[25] Loustalot, Révolutions de Paris, n° XIII, p. 13.
[26] Loustalot, Révolutions de Paris, n° XIII, p. 13.
[27] Loustalot, Révolutions de Paris, n° XIII, p. 13.
[28] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. VI, p. 163.
[29] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. VI, p. 163.
[30] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. VI, p. 163, et Révolutions de Paris, n° VIII, p. 14.
[31] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 123, 124 et 125.
[32] Révolutions de Paris, n° XIII, p. 12.
[33] Voyez sa déposition dans la IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 56.
[34] Revue rétrospective, t. V, p. 128.
[35] Annales de Bertrand de Molleville, vol. II, chap. XVI, p. 72 de la traduction anglaise. Édition de 1800.
[36] Annales de Bertrand de Molleville, vol. II, chap. XVI, p. 73.
[37] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XV, p. 70.
[38] Necker, De la Révolution française, t. II, p. 67. Édition de l'an V.
[39] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. IV, p. 301. Le Moniteur ne contient presque rien sur cette fameuse séance du 5 octobre ; et quant récit qu'il fait des journées du 5 et du 6, récit que les éditeurs déclarent l plus complet qui existe, c'est, je le répète, une reproduction textuelle et sans discernement de l'Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté.
[40] Déposition de M. de Raigecourt, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 52.
[41] Déposition de M. de Raigecourt, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 53.
[42] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. IV, p. 303. Collection Berville et Barrière.
[43] Déposition de Digoine du Palais, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 262.
[44] Il existe à ce sujet deux versions qui ne diffèrent, au surplus, que par les termes. Nous avons suivi de préférence celle que les deux Amis de la liberté donnent d'après Mirabeau lui-même.
[45] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 125.
[46] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 126.
[47] Deux cent soixante-douzième témoin, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 140.
[48] Récit de M. de Saint-Priest, dans les Mémoires de madame Campan, t. II, p. 286 et 287. Éclaircissements historiques. Édition de 1823.
[49] Récit de M. de Saint-Priest, dans les Mémoires de madame Campan, t. II, p. 286 et 287. Éclaircissements historiques.
[50] Déposition de Thierry, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 50.
[51] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. I, p. 452.
[52] Déposition de femme Jean Lavarenne, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 133.
[53] Déposition de femme Jean Lavarenne, — la même qui fut gratifiée d'une médaille par la Commune de Paris, — Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 134.
[54] Déposition de Faydel, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 230.
[55] Voyez sur tout ceci, dans la première partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 127 et 231, 232, la déposition de Maillard, en la contrôlant par celle de Faydel, placé au bureau dans l'Assemblée nationale, en face de la barre.
[56] Déposition de François-Henri de Virieu, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 216.
[57] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 128.
[58] Déposition de Maillard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 128.
[59] Exposé de la conduite de M. Mounier, p. 68.
[60] Déposition de Pierrette Chabry, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 25.
[61] Déposition de Pierrette Chabry, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 25.
[62] Dans les Annales de Bertrand de Molleville, t. II, p. 85, de la traduction anglaise, l'expression est plus vive encore : His Majesty saying kindly to her that she deserved better than that.
[63] Annales de Bertrand de Molleville, t. II, p. 85.
[64] Déposition de Pierrette Chabry, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 25.
[65] Déposition de Pierrette Chabry, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 25.
[66] Déposition de Pierrette Chabry, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 25. Voyez aussi la déposition de Brousse des Faucherets, ibid., p. 58.
[67] Déposition de François-Xavier Veytard, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 145.
[68] Carlyle, The French
Revolution, vol. I, book VII, p. 325. Second edition.
[69] Vingtième, vingt et unième, vingt-deuxième et vingt-septième témoins dans la Procédure criminelle du Châtelet. — Voyez aussi la déclaration de Lecointre, p. 15.
[70] Les deux Amis de la liberté affirment que ce fut du côté des gardes du corps. Voyez le t. III, p. 192. Édition de 1792.
[71] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, ubi supra.
[72] Déclaration de Lecointre, p. 16.
[73] Souvenirs de Mathieu Dumas, p. 453.
[74] Déclaration de Lecointre, p. 18.
[75] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, p. 198.
[76] Récit de M. de Saint-Priest, dans les Mémoires de madame Campan, t. II, p. 291. Éclaircissements historiques.
[77] Récit de M. de Saint-Priest, dans les Mémoires de madame Campan, t. II, p. 290. Éclaircissements historiques.
[78] Déposition de Françoise Rolin, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 30.
[79] Déposition de Françoise Rolin, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 28.
[80] Rivarol, qui admire beaucoup ces paroles, donne clairement à entendre qu'en les niant le comte de Saint-Priest manqua de respect à la vérité. Voyez les Mémoires de Rivarol, p. 282. Collection Berville et Barrière.
[81] Déposition de Françoise Rolin, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 28.
[82] Récit de M. de Saint-Priest dans les Mémoires de madame Campan, t. II, p. 290, aux Éclaircissements.
[83] Déposition d'Élisabeth Pannier, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 43, — et Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VI, p. 200 et 201. Édition de 1792.
[84] Déposition de Basire, IIe partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 93.
[85] Récit de M. de Saint-Priest, ubi supra, p. 291.
[86] Récit de M. de Saint-Priest, ubi supra, p. 292.
[87] Necker, De la Révolution française, t. II, p. 77 et 78. Paris, an V. — Et madame, de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, IIe partie, chap. XI, p. 178. Édition Charpentier de 1843.
[88] Necker, ubi supra, p. 72.
[89] Necker, ubi supra, p. 81.
[90] Récit de M. de Saint-Priest, dans les Mémoires de madame Campan, p. 292. Édition de 1823.
[91] Déposition du vicomte de Mirabeau, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 225.
[92] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VII.
[93] Exposé de la conduite de M. Mounier, p. 73.
[94] Déposition de Faydel, député à l'Assemblée nationale, I" partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 232.
[95] Déposition de Faydel, député à l'Assemblée nationale, I" partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 232.
[96] Déposition de Dufraisse-Duchey, conseiller du roi et député à l'Assemblée nationale, 1re partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 182.
[97] Procédure criminelle du Châtelet, passim, et, plus particulièrement, déposition de Faydel, p. 232 de la première partie.
[98] Voyez ses Mémoires, t. I, liv. IV, p. 323.
[99] Voyez p. 223 et 232 de la Procédure criminelle du Châtelet, Ire partie.
[100] Révolutions de Paris, t. II, n° XIII, p. 15 et 16.
[101] Déposition de Joseph Rousseau, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 258.
[102] Déposition de Pierre-Suzanne Deschamps, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 241.
[103] Procédure criminelle du Châtelet, p. 241, et passim.
[104] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VII, p. 208.
[105] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. I, p. 454.
[106] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VIII, p. 215. — C'est aussi, à peu de chose près, la version de Rivarol. Voyez ses Mémoires, p. 298.
[107] Tissot, Histoire de la Révolution française, t. II, p. 128.
[108] Déposition du comte de Saint-Aulaire, lieutenant commandant l'escadron des gardes du corps, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 250.
[109] Déposition de Digoine du Palais, Ire partie de la Procédure criminelle du Châtelet, p. 263.
[110] Mémoires de Rivarol, p. 300. Collection Berville et Barrière.