HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME TROISIÈME

LIVRE DEUXIÈME

 

CHAPITRE VIII. — LA QUINZAINE DES COMPLOTS (1789).

 

 

Le peuple au désespoir ; sa sublime confiance. — La mère du pauvre. — Ayons le roi, nous aurons du pain. — Les femmes aiment le roi ; elles maudissent la reine. — Marie-Antoinette à la veille des 5 et 6 octobre. — La ville et le château, à Versailles. — Bruits de complots ; voyage à Metz projeté ; lettre du comte d'Estaing à la reine. — Réalité des complots de la cour ; complots en sens inverse. — Mot cynique de Mirabeau : il prévient Blaizot de ce qui doit arriver. — Conciliabule secret tenu chez Malouet ; projet de retraite à Tours abandonné. — Le régiment de Flandre appelé à Versailles ; ténébreuses menées ; rôle double du comte d'Estaing. — La bénédiction des drapeaux. — Mounier accusé indirectement par Mirabeau de vénalité. — Le régiment de Flandre à Versailles. — Alarmes du peuple à Versailles et à Paris. — Menaçants préparatifs de la cour. — Le repas des gardes. — Triomphe funéraire. — Folles provocations de la cour. — Histoire des cocardes blanches et noires. — Colère du peuple, redoublée par la famine. — Admirable instinct des femmes du peuple ; Allons chercher le roi.

 

Cependant, le peuple, à Paris, était à bout de souffrances. Il mourait littéralement de faim. Chaque jour, du fond de ces noirs quartiers que l'inquiétude assiège et qu'habite la pâleur, on voyait sortir par groupes, dès quatre heures du matin, hommes, femmes, enfants, vieillards, qui tous à grands cris imploraient le pouvoir de vivre. Un pain acheté, conquis, c'était une victoire. Et quel pain ! Une masse dont la couleur noirâtre, la saveur terreuse, la fétide odeur annonçaient des farines viciées par d'homicides mélanges[1]. Qui dira le désespoir d'une mère, quand sur ses genoux repose immobile la tête de son enfant tué par la faim ? Rachel ploravit filios suos, et noluit consolari quia non sunt !

Vers qui montait, du sein de cette horrible détresse, l'espérance du peuple ? Vers le roi, oui, vers le roi, qui, pendant ce temps-là, faisait des serrures, dînait, chassait, s'endormait au conseil.

Ah ! si le roi savait ! disait-on parmi la foule. Il est bon, lui ! Mais ceux de la cour lui cachent la vérité, ils le trompent. Ah ! s'il pouvait voir de près nos misères ! s'il n'était pas à Versailles ! s'il était ici !

Touchante et sublime confiance ! A ce peuple accablé de tant de maux il paraissait impossible que le chef de l'État ne fût pas le père des malheureux.

Il est juste d'ajouter qu'abandonné à ses propres inspirations, Louis XVI n'eût peut-être pas été indigne de cette confiance. On se reportait aux promesses de ses jeunes années. On se le représentait surpris un jour par quelques-uns de ses gardes au sortir d'une mansarde où il avait porté de furtives aumônes, et s'écriant : Eh ! messieurs, ne puis-je donc aller en bonne fortune sans que tout le monde le sache ?[2] On se rappelait la simplicité de ses mœurs, et avec quelle effusion vraie, avec quel attendrissement, embrassé un jour en pleine rue par une vieille femme, il l'avait embrassée à son tour[3]. Enfin, les calamités d'un récent hiver avaient laissé, de sa bienfaisance, un souvenir qui faisait battre encore sous les haillons plus d'un pauvre cœur déchiré. Pendant le froid, si rigoureux, de 1783, n'avait-il pas ordonné des distributions de bois qu'il surveillait lui-même ? N'avait-il pas permis aux indigents d'entrer au château, de pénétrer dans les cuisines, de s'y chauffer, d'en emporter de la braise et de la soupe[4] ?

Il était donc naturel que Paris, le Paris des malheureux, brûlât d'arracher Louis XVI à son funeste entourage de Versailles. Pourquoi, d'ailleurs, cet éloignement qui ôtait tout contre-poids à l'influence des pervers ? Pourquoi le trône relégué derrière cet insolent rempart de flatteurs et de valets ? Pourquoi, entre le roi et le peuple, cette distance qui empêchait le peuple de voir le roi, et le roi d'entendre, de connaître, de comprendre le peuple ? Bientôt, d'un bout à l'autre des faubourgs, il n'y eut plus qu'une voix : Ayons le roi, nous aurons du pain.

Telle était la disposition des esprits, quand tout à coup des rumeurs pleines d'alarmes se répandent. On raconte, on assure que la mort des meilleurs citoyens est résolue ; qu'une liste de proscription est dressée ; que les principaux d'entre les nobles se sont engagés par un serment terrible ; qu'on veut enlever le roi, le conduire à Metz. Là sont des soldats qu'on juge capables de décider de l'empire, comme autrefois les prétoriens à Rome ; là commande le marquis de Bouillé, qui a refusé, quant à lui, de prêter serment à la Constitution[5] et qu'on sait prêt pour la guerre civile.

En même temps paraissaient dans les rues, ainsi que cela s'était vu avant la prise de la Bastille, des uniformes nouveaux, étranges, des uniformes verts à parements rouges. Les chevaliers de Saint-Louis affluaient, la provocation dans les yeux et affectant des airs vainqueurs. Des cocardes noires se montraient aussi ; et que signifiaient-elles, que présageaient-elles, ces cocardes, couleur de la nuit ?

La souffrance est féconde en visions, et les visions ne trompent pas toujours : Paris se crut enveloppé de mystérieux ennemis. Les femmes, plus promptes d'ordinaire soit à la peur, soit au courage, furent les premières à s'émouvoir. Elles excitaient leurs maris et leurs frères, les gourmandaient. Esprits épais, cœurs pusillanimes, qu'attendaient-ils ? Une caverne sombre était devant eux : que n'y entraient-ils résolument pour la sonder, une pique dans une main, un flambeau dans l'autre ? Et à ces exhortations violentes leur colère mêlait injurieusement le nom de la reine.

Car, sur Marie-Antoinette s'était accumulée, par le crime des courtisans, toute la haine qu'inspiraient leurs complots. Elle-même d'ailleurs, volontairement et avec audace, elle courait alors au-devant des inimitiés. Ce n'était plus, à l'époque où nous sommes, cette princesse frivole et charmante qui, du rang suprême, n'aimait que ce qui le fait oublier. Depuis la convocation des Etats généraux, depuis la prise de la Bastille surtout, son visage avait pâli, son front était devenu pensif, et l'amertume de son sourire, la tristesse altière de son regard, trahirent plus d'une fois les secrets de son âme. Elle s'occupait maintenant des affaires ; elle y apportait l'ardeur d'une femme et les fureurs d'une reine outragée ; absente ou présente, elle pesait sur les délibérations des ministres ; Louis XVI passait sa vie à lui résister faiblement et à lui céder ; Necker la craignait ; et, en la voyant si décidée, si fière, si impétueuse, si supérieure par l'énergie de la volonté à un monarque-artisan, la cour se groupait autour d'elle : la reine c'était le roi.

On le savait bien, à Paris, et même ce qui se passait au château, dans ses profondeurs les plus cachées, nul ne l'ignorait. Il y avait là, en effet, toute une classe d'hommes qui, bien que leur sort dépendit de la cour, n'en étaient pas moins attachés de cœur à l'ordre nouveau. Les domestiques principaux, dont les familles demeuraient à Versailles et formaient une partie notable de la bourgeoisie de cette ville, appartenaient presque tous à la garde nationale. Ils étaient enorgueillis de leur uniforme, et ce leur était une mortelle offense d'entendre la cour parler en termes de mépris de ce qu'elle appelait la transformation des valets en capitaines. Madame Campan rapporte qu'un jour les musiciens de la chapelle ayant paru à la messe du roi en habit militaire, Louis XVI en fut très-offensé et fit défendre à ses serviteurs de paraître désormais en sa présence avec ce costume déplacé[6].

Ainsi s'aigrissaient, autour du trône, dans son voisinage, les ressentiments et les haines. Nous avons eu déjà occasion de faire remarquer que la nombreuse domesticité qui encombrait les antichambres de Versailles constituait un peuple d'espions. Les murailles, au château, écoutaient tout et redisaient tout. Les gestes mêmes, on les dénonçait.

Le 14 septembre, le comte d'Estaing écrivit à la reine une lettre dont il est heureux que le brouillon ait été conservé à l'histoire :

Mon devoir et ma fidélité l'exigent. Il faut que je mette aux pieds de la reine le compte du voyage que j'ai fait à Paris. On me loue de bien dormir la veille d'un assaut eu d'un combat naval. Eh bien ! il faut que je l'avoue à Votre Majesté, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. On m'a dit dans la société, dans la bonne compagnie. qu'il y a un plan de formé ; que c'est par la Champagne ou par Verdun que le roi se retirera ou sera enlevé ; qu'il ira à Metz. M. de Bouillé est nommé, et par qui ? par M. de Lafayette, qui me l'a dit tout bas à table, chez M. Jauge. J'ai frémi qu'un seul domestique ne l'entendit. Je lui ai fait observer qu'un mot de sa bouche pouvait devenir un signal de mort. Il est froidement positif, M. de Lafayette ! Il m'a répondu qu'à Metz, comme ailleurs, les patriotes étaient les maîtres, et qu'il valait mieux qu'un seul mourût pour le salut de tous. M. de Breteuil, qui tarde à s'éloigner, conduit le projet. On accapare l'argent, et l'on promet de fournir un million et demi par mois. M. le comte de Mercy est malheureusement cité comme agissant de concert.... Je suis allé chez l'ambassadeur d'Espagne, et c'est là, je ne le cache point à la reine, que mon effroi a redoublé.... Après avoir parlé de la cour errante, poursuivie, trompée par ceux qui ne l'ont pas soutenue lorsqu'ils le pouvaient, et qui voudraient encore, qui veulent actuellement l'entraîner dans leur chute, et m'être affligé d'une banqueroute générale, devenue dès lors indispensable, je me suis écrié que, du moins, il n'y aurait d'autre mal que celui que produirait cette fausse nouvelle, si elle se répandait, parce qu'elle était une idée sans fondement. M. l'ambassadeur d'Espagne a baissé les yeux à cette dernière phrase. Je suis devenu pressant, et il est enfin convenu que quelqu'un de considérable et de croyable lui avait appris qu'on lui avait proposé de signer une association[7]

 

Le comte d'Estaing terminait sa lettre par l'expression des plus vives alarmes et par la demande d'une audience.

Marie-Antoinette le reçut : que se passa-t-il dans leur entrevue ? Rien à cet égard ne transpira ; mais la suite montre assez que le comte d'Estaing, patriote par système, courtisan par habitude et par ambition[8], se laissa gagner à demi.

Les bruits dont on s'inquiétait si fort étaient fondés. La route de Versailles à Metz avait été garnie de troupes. A quinze lieues de la première de ces villes, elles étaient échelonnées, et à des distances assez rapprochées. Comme on avait prévu la résistance de Louis XVI, tout se trouvait préparé pour son enlèvement. L'idée venait de M. de Breteuil, et l'ambassadeur d'Autriche appuyait le projet de son influence diplomatique.

Voilà quel était le plan d'invasion, tel que le donne un auteur royaliste, qui ajoute :

L'ex-ministre et l'ambassadeur se glorifiaient, en 1794, d'avoir formé et conduit ce projet de contre-révolution. Nous l'affirmons, parce que M. de Breteuil et M. de Mercy nous l'ont dit. M. le marquis de Bouillé a bien voulu nous dire aussi en 1794, à la Haye, que le projet avait été formé et poussé assez avant, mais que Louis XVI n'ayant pu se décider au moment de l'exécution, les personnes dont le monarque était environné à cette époque manquèrent du caractère nécessaire pour l'enlever[9].

 

Du reste, à ce complot de la cour répondaient des complots contraires. Ceux-là se sont trompés sans doute qui n'ont attribué pour cause aux fameuses journées d'octobre que le jeu des partis ; mais non moindre a été l'erreur de ceux qui les ont présentées comme l'unique effet de la spontanéité populaire. La vérité est que les ambitieux mécontents avaient intérêt à traîner Louis XVI à Paris, où ils comptaient le dominer par la peur. Ils enflammèrent et se préparèrent à diriger un mouvement qui servait leurs desseins. Déjà, à l'issue d'une orgie, au milieu des fumées du vin, Mirabeau s'était écrié en termes dont l'obscénité brutale défie toute reproduction textuelle : Il faut violer la cour et s'en moquer. Peu de temps après, vers la fin du mois de septembre, il disait à Blaizot, libraire de la cour : Mon ami, je prévois de malheureux événements ici, dans dix à douze jours. Mais que tous les honnêtes gens et ceux qui vous ressemblent, Blaizot, ne s'en alarment point : l'orage ne crèvera pas sur eux[10]. On répandit aussi dans Paris, et principalement au Palais-Royal, ces paroles prononcées à dessein par le même Mirabeau : Si une insurrection est possible, ce serait seulement dans le cas où les femmes s'en mêleraient et se mettraient à la tête[11].

Un fait sur lequel Bertrand de Molleville donne des détails qui ne permettent pas d'infirmer son témoignage et que les divers historiens de la Révolution se sont abstenus de faire connaître, soit ignorance, soit calcul de l'esprit de parti, c'est le fait du conciliabule tenu chez Malouet, le 15 septembre[12]. La veille, plusieurs membres de l'Assemblée, dévoués au roi, avaient reçu avis, par lettres confidentielles, que le 5 octobre était le jour désigné pour frapper un coup décisif. Saisis de frayeur, ils se communiquèrent l'un à l'autre leurs renseignements, les comparèrent et mirent en délibération les mesures à prendre. Ils s'étaient réunis au nombre de quinze, mais ils se croyaient assurés du concours de plus de trois cents députés du tiers ; et l'évêque de Langres, Lally-Tollendal, Virieu, qui faisaient partie de la réunion, répondaient de l'assentiment de la majorité des nobles et du clergé. Après mûr examen, il fut convenu que le mieux était d'engager Louis XVI à transférer l'Assemblée à Tours. Porter directement cette proposition au roi, c'était ébruiter le projet et tout perdre : l'évêque de Langres et Malouet eurent mission de se rendre chez M. de Montmorin, qu'ils allèrent trouver à neuf heures du soir. Necker y était. On fit part aux deux ministres de la résolution adoptée. Ils partirent aussitôt ; le conseil fut convoqué ; mais Malouet et l'évêque de Langres ne tardèrent pas à être informés que le roi s'opposait d'une manière absolue à la translation de l'Assemblée, et que, d'ailleurs, on avait pris pour la sécurité commune toutes les précautions nécessaires[13].

Ces précautions jugées suffisantes, en quoi les faisait-on consister ? Le 18 septembre, le comité militaire, à Versailles, fut averti qu'il allait recevoir, de la part du comte d'Estaing, une communication importante. En effet, le comte entra, l'air profondément préoccupé, mais composant son visage. Après avoir fait sortir ceux qui n'étaient pas de l'état-major de la garde nationale : J'ai un secret à vous confier, dit-il : jurez que vous ne le divulguerez pas. On le jure, et lui, montrant un papier qu'il avait apporté mystérieusement, donne lecture de la lettre suivante, adressée à M. de Saint-Priest, ministre de la maison du roi :

Le duc de La Rochefoucauld vous aura dit l'idée qu'on avait mise dans la tête des grenadiers d'aller cette nuit à Versailles. Je vous ai mandé de n'être pas inquiet, parce que je comptais sur leur confiance en moi pour détruire ce projet, et je leur dois la justice de dire qu'ils voulaient me demander la permission et que plusieurs croyaient faire une démarche très-simple et qui serait ordonnée par moi. Cette velléité est entièrement détruite par les quatre mots que je leur ai dits, et il ne m'en est resté que l'idée des ressources inépuisables des cabaleurs. Vous ne devez regarder cette circonstance que comme une nouvelle indication de mauvais desseins, mais non en aucune manière comme un danger réel. Envoyez ma lettre à M. de Montmorin. On avait fait courir la lettre dans toutes les compagnies de grenadiers, et le rendez-vous était pour trois heures à la place Louis XV[14].

 

Le signataire de ce billet, c'était Lafayette.

Ainsi, plus de doute. Les gardes françaises avaient été au moment de marcher sur Versailles. Et qu'importait que M. de Lafayette les en eût détournés ? Un danger venait d'être signalé : ne pouvait-il renaître ? Voilà ce que le comte d'Estaing fit ressortir vivement. Il se garda bien de dire, ce qui était vrai, que les gardes françaises, animés du sentiment populaire, n'avaient eu d'autre intention, lorsqu'ils avaient parlé de marcher sur Versailles, que d'aller partager avec les gardes du corps le soin de veiller à la conservation du prince, tout en empêchant son départ. Il peignit les alarmes du roi, le péril où cette insurrection, ce furent ses termes[15], jetterait et la famille royale et les représentants de la nation. Puis, un cri s'élevant : Nous repousserons la force par la force. — Êtes-vous en état, demanda-t-il, de résister à dix-huit cents ou deux mille hommes bien armés, bien disciplinés ? Le comité n'osa répondre affirmativement, et le comte d'Estaing fit décider que la municipalité serait requise de demander au roi le secours d'un régiment.

Aussitôt, accompagné de six officiers, le comte court à la municipalité, qui consent à ce qu'il désire, sous la condition que la lettre de M. de Lafayette sera annexée aux registres et déposée dans les archives municipales, tant la responsabilité de la décision à prendre paraissait redoutable ! Le comte d'Estaing représenta que c'était exposer Lafayette à de terribles colères. Que ne sollicitait-on de M. de Saint-Priest une lettre ostensible, propre à remplacer celle de Lafayette ? Cette opinion ayant prévalu, on dresse le modèle de la communication écrite, on le porte à M. de Saint-Priest, qui le signe[16], et la demande d'un régiment est adressée au roi d'une manière officielle par la municipalité.

Sur la notification qui en fut faite à l'Assemblée dans la séance du 21 septembre, Mirabeau nia qu'une municipalité eût le droit de décréter l'établissement d'un corps armé. Il réclama la lettre de M. de Saint-Priest, sachant combien un pareil document compromettrait Lafayette[17]. Mais l'Assemblée passa outre, partagée qu'elle était entre deux peurs contraires.

C'est à ces tristes manœuvres, c'est à ce courage négatif qu'aboutissaient les résistances organisées, et rien ne montre mieux dans quel état de défiance, de crainte, d'embarras, d'abaissement, vivaient alors tous les pouvoirs qui n'étaient, pas ce pouvoir si imposant et si nouveau : le peuple !

Les ordres étaient déjà donnés pour l'arrivée des troupes. Mais on ignorait si la garde nationale tout entière partagerait, sur la nécessité de renforcer la garnison de Versailles, l'opinion de l'état-major. La ville comptait, en ce moment, quatre mille hommes sous les armes, et, récemment encore, sous prétexte d'assurer la police du marché, on y avait appelé un détachement de dragons[18]. Le comte d'Estaing ordonne aux capitaines d'assembler leurs compagnies. Pour obtenir leur adhésion, prières, menaces, tout fut employé[19]. Sur quarante-deux compagnies, vingt-huit résistèrent.

Alors, comme si Versailles eût été menacé de quelque épouvantable catastrophe, des émissaires à l'air effaré sont çà et là lancés dans les rues, on distribue des proclamations ; on affiche des placards ; on bat la générale ; on exagère la portée d'un rassemblement tumultueux provoqué par la famine à la porte d'un boulanger ; on fait apparaître aux yeux de la bourgeoisie le spectre du peuple soulevé.

Enfin, le 23 septembre, vers cinq heures du soir, le régiment de Flandre entra dans Versailles, commandé par le marquis de Lusignan, et traînant après lui deux pièces de canon, huit barils de poudre, six caisses de balles, un caisson de mitraille, et près de sept mille cartouches toutes faites, outre celles dont les gibernes étaient garnies[20]. Le long de l'avenue de Paris se tenaient les gardes du corps, bottés et prêts à monter à cheval. Le régiment de Flandre alla droit à la place d'armes, où il prêta serment aux mains de l'autorité municipale. On avait si habilement semé l'inquiétude parmi la bourgeoisie, qu'elle se montrait en général disposée à bien accueillir ces troupes : on acheva de la gagner par la remise de l'artillerie et des munitions à la garde nationale[21]. Mais il n'y avait dans le peuple de Versailles que défiance et sourdes colères[22].

Quant au peuple de Paris, plus libre et plus excité, il éclata. Les districts s'assemblent, des députations sont envoyées à l'Hôtel de Ville, d'autres au ministre[23]. Il fallut, pour calmer les craintes, que le maire intervînt, et une affiche annonça que le nombre des troupes cantonnées autour de Paris, dans un rayon de quinze lieues, s'élevait seulement à trois mille six cent soixante et dix hommes.

En même temps, on essayait de détourner les regards des Parisiens de ce qui se passait à Versailles par une cérémonie fastueusement annoncée à l'avance : la bénédiction des drapeaux. Cette cérémonie eut lieu le 27 septembre, à Notre-Dame, en grande pompe. Le roi avait offert de prêter, pour la fête, des ornements pris dans les magasins des menus : M. de Saint-Priest le fit savoir en termes pompeux à Lafayette, et celui-ci aux Parisiens[24]. Mais, au milieu des graves préoccupations du moment, cette condescendance parut une flatterie grossière adressée à la garde nationale. Les journaux de la Révolution se répandirent en railleries ; ils rappelèrent ce mot du prince d'Orange : Rien d'un si haut prix que l'homme, et cependant on peut l'acquérir par un coup de chapeau[25].

De son côté, et comme une sorte de défi jeté à l'irritation populaire, l'Assemblée nationale portait Mounier à la présidence. Le secrétaire de la célèbre Assemblée de Vizille était rapidement descendu de la position respectée que lui avait faite un premier acte de courage. On le croyait vendu à la cour, et, en apprenant sa nomination, un des agitateurs du Palais-Royal avait dit ce mot, qu'on se plaisait à répéter : Voici une quinzaine par-dessus laquelle il faudra sauter à pieds joints[26]. Que Mounier eût réellement prostitué sa conscience, c'est ce que son caractère démentait ; mais il n'était pas riche ; il demeurait, par le hasard des circonstances peut-être, dans l'hôtel des écuries de Monsieur ; il avait amené de la province sa famille, et c'était de lui que Mirabeau, jugeant de la corruption des autres par la sienne propre, disait : Venir aux États généraux avec une femme et des enfants, qu'est-ce autre chose que de donner deux anses pour vous soulever[27].

L'arrivée du régiment de Flandre à Versailles, l'accueil qu'il avait reçu de la bourgeoisie, l'appui que le comte d'Estaing prêtait à la cour, celui qu'elle attendait de Lafayette, la vigilance et l'emportement des janissaires bourgeois de l'Hôtel de Ville à Paris, la nomination de Mounier à la présidence, la dispersion des agitateurs connus, dont les uns, comme Saint-Huruge, étaient en prison, dont les autres se cachaient comme Camille Desmoulins, l'abattement supposé du peuple que la faim décimait, tout cela avait enhardi outre mesure la faction contre-révolutionnaire. Elle commença de marcher sans contrainte à l'accomplissement de ses desseins. Le cours des travaux législatifs fut entravé par mille pratiques secrètes, par mille lâches manœuvres[28]. Il y eut contre les députés fidèles à la cause de la nation redoublement de brochures venimeuses et d'outrages payés. On se mit à parler hautement de revenir aux trois ordres. La guerre civile, dont l'enlèvement de Louis XVI devait donner le signal, loin de la redouter, on la désirait comme ouvrant des abîmes où la Révolution disparaîtrait noyée dans le sang. Il fut question de former d'un nombre indéfini de volontaires une espèce de bataillon sacré[29], et, en attendant, rien ne fut négligé pour exalter la fidélité militaire des gardes du corps. A ceux d'entre eux qui arrivèrent à Versailles pour le service du quartier d'octobre, on réunit ceux qui avaient servi le trimestre précédent, et qu'on eut soin de retenir, de manière à doubler la garde du roi. Mais il ne suffisait pas qu'elle fût nombreuse : on la voulait fanatique. Déjà, lors de la convocation des Etats généraux, les gardes du corps s'étaient plaints amèrement des patrouilles qu'on les avait forcés de faire côte à côte avec des régiments étrangers[30] : pour prévenir le retour de ces plaintes prévues, on accabla de caresses les soldats-gentilshommes. Chez les uns on enflammait l'orgueil de la naissance, chez les autres l'ambition, chez tous le sentiment de l'honneur monarchique. Ainsi entraînés, quelques-uns, les plus jeunes, s'emportèrent jusqu'à des bravades d'une portée funeste, affectant de donner le fil à leurs sabres en pleine avenue, ou bien montrant des balles, et disant d'une voix moqueuse : Voilà de jolies prunes ; elles seront bientôt mûres[31].

Il est vrai que, d'autre part, les soldats du régiment de Flandre étaient sourdement sollicités à la défection par des messagers inconnus et même par des femmes envoyées de Paris pour les séduire[32]. La cour en fut informée et se hâta d'opposer à cette influence de propagande des complaisances dont on voyait trop le but. Les officiers sont présentés à la famille royale, accueillis avec de gracieux sourires et des paroles de miel, admis au jeu de la reine, et enfin invités à un repas de corps en usage dans l'armée, mais le premier que les gardes du roi eussent jamais donné, à Versailles.

Furent appelés à prendre part au banquet, outre les officiers du régiment de Flandre, ceux des dragons de Montmorency, des gardes suisses, des cent-suisses, de la prévôté, de la maréchaussée, et, parmi l'état-major de la garde nationale de Versailles, les hommes sur lesquels on croyait pouvoir compter[33]. Un détail qui n'est pas indifférent, et que les historiens modernes ont eu tort d'omettre, c'est qu'au sein d'une détresse publique jusque-là sans exemple, le repas, commandé chez Harmes, célèbre traiteur du temps, le fut pour le nombre de deux cent dix convives[34], à raison de vingt-six livres par tête, non compris le vin, les liqueurs ; les glaces et les bougies[35]. On convint, par une autre imprudence, qu'il serait servi dans la salle de spectacle du château, laquelle avait toujours été réservée aux fêtes de la cour, et, pour que tout concourût à l'exaltation des convives, des loges furent distribuées aux dames. La reine, quoique sa présence fût vivement désirée, avait résolu de s'abstenir, avertie par un de ces sentiments qui ne trompent pas. M. de Luxembourg vainquit sa résistance[36].

A qui n'a-t-elle pas été racontée et qui ne l'a gardée vivante dans son souvenir, cette fête si pleine de mouvement, de bruit, d'éclat, et pourtant si funèbre, plus funèbre, a dit Carlyle, que le repas des, enfants de Job, quand les murs de leur salle de festin s'ébranlèrent au souffle d'un vent impétueux ? C'était le jeudi, 1er octobre. Du salon d'Hercule, où les conviés s'étaient d'abord réunis, ils passèrent dans la salle d'opéra, qui les attendait. Partout des glaces, des reflets magiques ; la lumière ruisselait ; on avait appelé un nombreux orchestre ; les loges étaient remplies de spectateurs. Autour des tables, dressées sur le théâtre, on plaça alternativement, en signe de confraternité d'armes, un garde du corps et un officier du régiment de Flandre. Dès le second service, on porta les santés de la famille royale. Proposée à son tour par une voix timide, la santé de la nation fut rejetée, suivant les uns, suivant tous, omise. Peu à peu les vins pétillent, les visages se colorent. Des soldats sont introduits et mêlent quelque désordre à l'enthousiasme des chefs. Soudain les portes s'ouvrent... La voilà ! C'était elle en effet. Suivie de Louis XVI en habits de chasse, et tenant son fils par la main, elle s'avançait l'œil humide, le sein agité, radieuse avec un léger nuage de mélancolie sur le front, et la bouche entr'ouverte par ce sourire des femmes, si pénétrant et si doux quand on le sait voisin des larmes ! Ce ne fut qu'un cri, cri de folie, cri d'amour. Elle, comme pour mettre sa majesté de reine sous la protection de sa dignité de mère, elle prit son enfant dans ses bras, fit le tour des tables, excitant aux transports, recueillant les hommages, traînant les cœurs après soi. Elle sortait, un air bien connu se fait entendre : Ô Richard, ô mon roi, l'univers t'abandonne ! C'en est trop ! Les temps de la chevalerie venaient d'être évoqués ; le fantôme de Blondel était apparu. Il y eut un accès d'enthousiasme insensé. Les gardes du corps portaient encore la cocarde blanche : ils veulent la faire prendre aux officiers des autres régiments qui, en vertu d'un récent décret, l'avaient échangée contre la cocarde nationale. Celle-ci est proscrite. Vive la cocarde blanche, s'écrie-t-on de toutes parts, celle des âmes fidèles ! Au même instant l'orchestre se met à jouer la Marche des Hulans. Le délire alors ne connut plus de bornes. Les gardes tirent l'épée, les trompettes sonnent la charge. On se croit à un siège, devant l'ennemi. Chancelants, éperdus, les convives escaladent les loges ; ils se répandent dans la cour de marbre, qui retentit de clameurs passionnées. Un grenadier suisse grimpa même jusqu'au balcon et arriva dans la chambre de Louis XVI, qui lui tendit la main. On a écrit et on a cru que la reine détacha de son cou une croix d'or pour la donner à ce grenadier ; mais le fait est faux : la reine ne portait à son cou que le portrait de ses enfants[37].

Tel fut ce banquet fameux, la noblesse y avait invoqué le passé ; ainsi que don Juan dans sa dernière orgie, elle avait invité la mort : la mort fut exacte au rendez-vous !

Le tumulte avait été si grand, qu'une subite frayeur s'empara de la ville. Des corps de garde éloignés prirent l'alarme. Averti par la sentinelle qui gardait les drapeaux, Lecointre, lieutenant-colonel de la garde nationale, monta précipitamment à cheval, courut au château, et ce fut seulement sur ses assurances que les habitants, attirés au dehors par l'inquiétude, regagnèrent leurs demeures[38].

Parmi les circonstances qui marquèrent cette journée, il en est une dont on n'a pas éclairci le mystère. Dans le passage qui conduit de la terrasse au grand escalier, un chasseur des trois évêchés avait été aperçu, quand déjà finissait l'orgie, le front appuyé sur le pommeau de son sabre nu, dans une attitude tragique, et comme attendant, pour quelque coup de théâtre, des spectateurs complaisants. Un ancien officier du régiment de Turenne, nommé Miomandre, étant venu à passer, le soldat l'arrête, et, la douleur sur le visage, d'une voix tremblante : Notre bon roicette brave maison du roiles monstresces misérables commandantset d'Orléans… Puis, avec le geste d'un désespoir simulé, il tourne contre sa poitrine la pointe de son sabre. Quelques gouttes de sang coulent. Mais on s'empresse autour de lui, on le désarme, et il est transporté à un corps de garde voisin où, étendu sur une botte de paille, il demeura dans une sorte d'état de stupeur. Que promettait cette étrange scène ? On ne put l'attribuer à l'ivresse. Car le malheureux fut impitoyablement tué par quelques-uns de ses camarades, tué à coups de pieds, soit qu'on le crût dépositaire d'un secret fatal ou acteur d'une comédie odieuse préparée pour calomnier le duc d'Orléans[39].

Le lendemain, 2 octobre, nouveau repas dans la salle du manège, moins bruyant, moins provocateur[40], mais qui servait à prolonger le scandale. Le duc de Guiche y fut décoré de quatre bandoulières, pour s'y être associé sans réserve à la conduite des gardes.

Il était dit que la cour comblerait la mesure des folies ! En répondant à une députation de la garde nationale qui était allée la remercier du don de quelques drapeaux, Marie-Antoinette laissa échapper ces paroles : Je suis enchantée de la journée de jeudi. L'uniforme civique, au château, était ouvertement insulté. Le dimanche soir, au jeu de la reine, un bourgeois de Versailles et un avocat de Rennes, revêtus l'un et l'autre de cet uniforme, se virent, à cause de cela seul, expulsés avec insolence[41]. Lecointre fut provoqué en pleine rue et poursuivi par un chevalier de Saint-Louis, fils de la bouquetière de la reine : il ne se débarrassa de cet homme qu'en lui proposant, en dehors de tout duel régulier, un combat à mort. De leur côté, par la tendresse du regard, par le charme du sourire, par ces muets et intimes encouragements, d'où sortirent les prodiges des tournois du moyen âge, mais qui ne pouvaient maintenant que pousser aux horreurs de la guerre civile, les dames de la cour s'étudiaient à dominer les jeunes gens, abbés ou capitaines. Elles détachaient de leurs robes, elles étaient de leurs cheveux des rubans blancs dont elles faisaient des cocardes, présentées par de jolies mains qu'il était permis de baiser[42]. On fit des rêves d'un autre âge, on prêta des serments funestes, on renouvela les extravagances des chevaliers de la Table ronde.

Il n'en fallait pas tant pour mettre Paris en ébullition. Les faubourgs s'ébranlèrent ; les halles assoupies s'éveillèrent ; un bruit mêlé d'imprécations et de menaces monta de tous les quais, de tous les ponts, de toutes les places publiques, de tous les lieux où les grandes foules émues apportent d'ordinaire l'écume de leurs flots. Ah ! la cocarde nationale était maudite à l'Œil-de-Bœuf ! Ah ! les gentilshommes parlaient de lever l'épée sur la canaille ! Ah ! la cour voulait Louis XVI à Metz ! Eh bien, on aurait Louis XVI à Paris, les cocardes noires disparaîtraient jusqu'à la dernière, et, s'il le fallait, le peuple préviendrait les coups d'épée par des coups de pique. Mêlant au son du tocsin sa voix tonnante, Danton, un homme nouveau, bien connu depuis, rassemble le district des Cordeliers et le passionne ; Marat crie : Ô morts, levez — vous ! Les morts se levèrent. Un tribun sans nom rappela qu'en Hollande le parti patriote avait été perdu par une femme et une cocarde, et, partout où le peuple passa, les chevaliers aux couleurs noires[43] disparurent.

Mais à cette cause d'agitation s'en joignait une autre, bien plus terrible : la faim, cette faim du peuple, à laquelle la cour venait d'insulter par une orgie. Et cependant, il résultait des registres de la halle, qu'on aurait dû être dans l'abondance ; les moulins à bras établis à l'École-Militaire ne s'arrêtaient point, et, quoique l'approvisionnement de Paris ne fût que d'environ douze cents sacs, les boulangers s'en faisaient distribuer dix-huit cents et jusqu'à deux mille cinq cents par jour[44]. L'agonie du peuple était donc l'effet d'un complot, du plus noir, du plus abominable des complots. Mais quels étaient les coupables ? Ceux de la faction d'Orléans, a écrit depuis, sans le prouver et contre toute vraisemblance, maint auteur royaliste[45]. Telle n'était pas alors, à beaucoup près, l'opinion du peuple. Il imputait tout à la contre-révolution, aux implacables défenseurs des abus attaqués, à la cour. Les obstacles mis à la circulation intérieure des grains et des farines étaient considérés comme l'ouvrage des grands seigneurs, propriétaires ou laïques. A s'en tenir à la rumeur publique, composée presque toujours de vérités et de mensonges, des officiers du parlement avaient accordé à leurs fermiers un délai de deux ans, pour les mettre en état de garder leurs grains dans les greniers[46]. Ce qui est certain, c'est que des manœuvres furent pratiquées, infâmes, mystérieuses, et constatées seulement par leurs effets. On avait d'abord manqué de blé, puis, quand les travaux du comité de subsistance eurent assuré l'approvisionnement en grains, on manqua tout à coup de farine[47]. Le bateau qui apportait celle des moulins de Corbeil était arrivé matin et soir dans les premiers jours de la Révolution ; il n'était ensuite arrivé qu'une fois par jour, et avait fini par n'arriver que du matin au lendemain soir. Quel moment que celui où on ne le verrait plus venir du tout ! L'armée de la misère couvrit Paris de ses blêmes phalanges.

Et la garde nationale de parcourir la ville, en divisant, en menaçant les groupes. Mais, comme nous l'expliquerons plus loin, elle ne représentait qu'une partie de la nation, cette milice aux pensées inquiètes. Le peuple le savait, il en murmurait, il s'irritait contre cette aristocratie nouvelle de trente mille hommes armés au milieu de huit cent mille hommes sans armes[48]. Plus que la troupe soldée, la troupe non soldée excitait ses défiances. Problème étrange, et qu'on ne peut expliquer, s'écriait Loustalot, que par la foule d'inconséquences et de vexations que se sont permises les comités des districts et les commandants des patrouilles[49]. On devine, d'ailleurs, quel sentiment devait éprouver la foule affamée, lorsqu'elle se voyait traitée avec une vigilance si rude par ces mêmes gardes nationaux qui se promenaient des pains sous le bras[50], pendant qu'elle passait, elle, des journées entières, des journées d'indescriptible angoisse, à la porte des boulangers.

Ce fut dans ces circonstances que les femmes du peuple, ouvrières des faubourgs ou marchandes des halles, se chargèrent de porter le coup décisif. Les hommes n'avaient pas de cœur : à elles d'agir ! Elles se rassemblent en tumulte, inondent les rues de groupes frémissants, répandant partout la fureur qui les anime, maudissant la cour, bénissant le roi : Allons le chercher, allons chercher le boulanger !

Ceci se passait le soir du 4 octobre. Le lendemain, quand elles partirent, le roi chassait au tir à Meudon, et la reine se promenait seule dans ses jardins de Trianon, qu'elle parcourait pour la dernière fois de sa vie[51].

 

 

 



[1] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. VI, p. 148. Édition de 1792.

[2] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 116 et 117. Paris, 1791.

[3] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 155.

[4] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 39.

[5] Mémoires de Bailly, t. II, p. 10. Collection Berville et Barrière.

[6] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XV, p. 61. Londres, 1823.

[7] Cette importante lettre se trouve citée in extenso dans l'Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. IV, p. 101-104.

[8] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. IV, p. 110.

[9] Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 154. — Ce témoignage est confirmé d'ailleurs par des écrivains de tous les partis. Voyez notamment l'Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. IV, p. 99 ; le fragment des Mémoires du baron de Goguelat, dans les Mémoires de tous, t. III, p. 298 ; l'Histoire générale des fautes et des crimes commis pendant la Révolution, de Prudhomme, t. III, p. 160. Édition de 1797.

[10] Prudhomme, Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution, t. III, p. 162. Édition de 1792. Voyez aussi la déposition de Blaizot lui-même dans la Procédure criminelle du Châtelet, p. 51.

[11] Prudhomme, Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution, t. III, p. 161.

[12] Voyez les Annales de Bertrand de Molleville, — qu'il ne faut pas confondre avec ses Mémoires, — t. II, chap. XV, p. 37 et 38, de la traduction anglaise. Londres, 1800.

[13] Il est à remarquer que Bertrand de Molleville raconte ces circonstances comme les tenant de la bouche de Malouet lui-même.

[14] Citée textuellement dans l'Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. IV, p. 109.

[15] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. IV, p. 111.

[16] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. IV, p. 275. Collection Berville et Barrière.

[17] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. IV, p. 276.

[18] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. IV, p. 114.

[19] Voyez aux pièces justificatives du Rapport de Chabroud, p. 42, la déclaration d'un capitaine appelé comme témoin.

[20] Déclaration de Lecointre.

[21] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. V, p. 128.

[22] Procédure criminelle du Châtelet, vingt-cinquième, vingt-septième et soixante-treizième témoins.

[23] Mémoires de Bailly, t. III, p. 20. Collection Berville et Barrière.

[24] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° XII, p. 3 et suiv.

[25] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° XII, p. 2.

[26] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° XII, p. 27.

[27] Camille Desmoulins, Révolutions de France el de Brabant, n° 1, p. 42.

[28] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. IV, p. 106.

[29] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. IV, p. 122.

[30] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, ch. IV, p. 125.

[31] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. VI, p. 420. Édition de 1791.

[32] Bertrand de Molleville, Annales de la Révolution française, t. II, chap. XV, p. 46, traduction anglaise. Édition de 1800. — Voyez aussi les Mémoires de Ferrières, t. I, liv. IV, p. 278 et 279. Collection Berville et Barrière.

[33] Déclaration de Lecointre, p. 10.

[34] Ferrières dit trois cents, t. I, p. 280.

[35] Dans une brochure publiée par un garde du corps, le chevalier de Fougères, il est dit que le festin ne coûta que sept livres dix sols à chaque garde. Mais ce témoignage intéressé se trouve contredit par la plupart des récits contemporains, et, entre autres, par Nougaret, chroniqueur très-impartial et très-bien informé dans ces sortes de choses. Voyez le Règne de Louis XVI, t. VI, p. 421.

[36] Mémoires de madame Campan, t. II, p. 68. Édition de 1823

[37] Ce festin a donné lieu, de la part de tous ceux qui ont écrit sur la Révolution, à mille récits qui, en ce qui touche les détails caractéristiques, se contredisent et se combattent. Nous n'avons tenu pour avérés que les faits pour lesquels tous les historiens ou chroniqueurs s'accordent, depuis madame Campan jusqu'à Loustalot, depuis Ferrières et Mounier jusqu'à l'auteur des Mémoires de la princesse de Lamballe, depuis les deux Amis de la liberté jusqu'à Rivarol.

[38] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. V, p. 135.

[39] Rapprochez le récit des deux Amis de la liberté, t. III, chap. V, p. 133 et 134, et celui de Bertrand de Molleville dans ses Annales, t. II, chap. V, p. 50 et suiv., de la traduction anglaise.

[40] Beaucoup d'écrivains disent le contraire ; mais c'est ce qu'affirme Lecointre, qui n'est pas suspect de royalisme. Voyez sa Déclaration, p. 12.

[41] Procédure criminelle du Châtelet, trois cent dix-septième témoin, IIe partie, p. 188.

[42] Déclaration de Lecointre, p. 12. — Au reste, des écrivains de tous les partis en conviennent.

[43] Expression employée par Loustalot dans les Révolutions de Paris, n° XIII, p. 8.

[44] Mémoires de Rivarol, p. 253. Collection Berville et Barrière. — Voyez aussi l'Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VI, p. 146.

[45] Rivarol, par exemple. Voyez ses Mémoires, p. 253.

[46] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° XIII, p. 8.

[47] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VI, p. 146.

[48] Histoire de la Révolution, par deux Amis de la liberté, t. III, chap. VI, p. 143.

[49] Révolutions de Paris, n° XIII, p. 9

[50] Mémoires de Rivarol, p. 254. Collection Berville et Barrière.

[51] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. xv, p. 70. Édit. de 1823.