Parallèle entre le duc de Berri et le comte de Provence, enfants. — Prédilection des Jésuites pour le comte de Provence. — Déplorable éducation de Louis XVI. — Naissant ascendant du comte de Provence. — Son frère, méprisé à la cour. — Étrange consultation de médecins. — Commentaires impudiques. — Plan ignominieux ourdi contre Marie-Antoinette. — Mariage mal assorti. — Mésintelligence domestique envenimée. — Artifices du comte de Provence ; le filet d'or. — D'où partirent les pamphlets contre la reine. — Protestation secrète contre la légitimité des enfants de Louis XVI. — Voyage du comte de Provence. — Sa correspondance secrète avec Mirabeau ; lettre curieuse et inédite de ce dernier. — Qui fut le vrai conspirateur. — Torts de la cour envers le duc d'Orléans ; lettre de ce prince à Louis XVI ; haine de Marie-Antoinette pour le duc d'Orléans ; le comte de Provence accrédite le bruit d'un complot orléaniste. — Mot de Marie-Antoinette sur le comte de Provence. — Lettre importante de ce dernier.Les deux chapitres qui précèdent viennent de montrer le peuple en proie à une double excitation : l'une intellectuelle, la presse ; l'autre matérielle, la faim. Nous touchons à des journées orageuses. Mais, avant d'en aborder le récit, avant de dire comment la royauté quitta Versailles pour n'y plus rentrer, il convient de revenir sur les mystères de cette vie des cours à laquelle le peuple allait mettre fin d'une manière si terrible Quelle était, à l'époque des 5 et 6 octobre, la situation respective des divers membres de la famille royale ? N'existait-il point, à quelques pas du trône, une faction qui depuis longtemps s'agitait dans l'ombre ? On se trouvait à la veille d'événements qui semblèrent d'un prince faire un conspirateur : le vrai conspirateur, était-ce le duc d'Orléans ? A qui remonte enfin la responsabilité de ces haines dont l'explosion alla jusqu'aux portes de la couche nuptiale de la reine ? Des confidences écrites, de précieux papiers de famille nous permettent d'éclairer cette partie de l'histoire de la Révolution, confinée jusqu'ici dans les souvenirs de quelques courtisans discrets et couverte d'un voile que personne n'a encore soulevé[1]. Mais, lier les différentes parties de notre récit en rapprochant les effets de leurs causes éloignées, nous ne le pouvons sans reprendre les choses d'un peu plus haut et sans préciser ce qui avait été indiqué seulement dans les commencements de cet ouvrage. Louis XVI, nous l'avons déjà dit, était né avec un vice de conformation qui, à s'en tenir aux apparences, le condamnait, quand il mourrait, à mourir tout entier. L'espoir de devenir père lui était refusé, à moins que l'art des médecins ne fit en sa faveur quelque miracle. Or, de pareils secrets, à la cour, ne sont pas pour être longtemps ignorés. On en parla d'abord à voix basse, puis, comme il arrive, plus ouvertement, la dissolution qui régnait alors donnant à des révélations de ce genre je ne sais quel attrait honteux. Bientôt, commentée par les libertins, envisagée dans ses plus graves, conséquences par les ambitieux, la nouvelle se répandit, s'accrédita, fournit matière à mille propos licencieux, à mille conjectures, et, pendant qu'elle inspirait aux uns pour l'enfant royal une sorte de mépris, elle faisait prendre aux espérances des autres un cours inattendu. D'ailleurs, le duc de Berri, — c'était le nom de prince de Louis XVI, — ne paraissait pas destiné à de longs jours. Il était fluet, chétif, et nul ne prévoyait encore qu'il aurait, à vingt-six ans, cette constitution robuste que développèrent en lui un heureux régime strictement suivi et des exercices savamment calculés. Il en résulta que, de bonne heure, les regards se portèrent sur le comte de Provence. Grande était la différence entre les deux frères. La physionomie du duc de Berri annonçait une intelligence épaisse ; rien de gracieux dans ses manières ; et il avait les yeux tellement bridés que, pour bien voir, il était obligé de lever la tête, ce qui, imprimant quelquefois à la figure un caractère fâcheux, prête à la moquerie. Le comte de Provence, au contraire, avait de jolis traits, une physionomie fine, des manières souples, un œil dont l'éclair était celui de l'intelligence. Le Dauphin, leur père, ayant subi jusqu'au moment de sa mort le joug des Jésuites, ce fut aux Jésuites, à qui leur destruction même n'arracha point leur puissance, qu'échut le soin de diriger l'éducation des deux princes. On sait jusqu'à quel point les disciples de Loyola poussent l'art de deviner l'homme dans l'enfant. Ils s'inquiétèrent, comme d'un obstacle à leur domination future, du mélange de qualités et de défauts qu'ils pressentirent dans le duc de Berri ; ils s'inquiétèrent du sérieux de ses penchants, de ses dispositions à la droiture, de son aversion native pour l'intrigue, des tendances philosophiques de son esprit, dont un grand fonds de bon sens rachetait les vues bornées ; et le voyant faible, timide, prompt à se défier de lui-même, ils pensèrent à faire tourner tout cela au profit du comte de Provence, qu'ils jugeaient homme à gouverner son frère, et sur qui ils espéraient, par l'éducation, avoir plus de prise. S'ils n'avaient compté que sur l'apparente légèreté du comte de Provence, que sur son aptitude à s'imposer au pauvre duc de Berri, ils ne se seraient pas trompés, mais ils avaient affaire à une nature égoïste, rusée, malléable à l'extérieur seulement et capable de déjouer les plus habiles prévisions. Quoi qu'il en soit, au comte de Provence s'adressèrent, à cette époque de sa vie, les prédilections des Jésuites. Ils obtinrent de son père qu'il fût voué à la société, après lui avoir fait donner saint Xavier pour troisième patron ; et, quant au duc de Berri, ils l'instruisirent à se laisser dominer. Ce fut grâce à leurs instigations que, lorsqu'il fallut donner un gouverneur au jeune prince, le choix du Dauphin s'égara sur M. de La Vauguyon, dont le principal mérite était d'aller assidûment, dans l'église des Récollets, chanter à la grand'messe le Gloria in excelsis et le Magnificat[2]. L'indolent Louis XV, ne se dissimulant pas quel héritage de dangers il laissait aux siens, avait dit souvent, au su de toute la cour : Je ne léguerai à mon successeur qu'un trône ébranlé. Pour le défendre, il faudrait une bonne tête, un bras fort, et mon successeur sera peut-être un enfant. Louis XV avait raison. Plus impérieusement que jamais, les circonstances commandaient d'élever l'héritier de la couronne dans l'art de gouverner : le contraire arriva[3]. Le duc de Berri apprit le latin et l'anglais ; sa mémoire retint des chapitres entiers, tirés soit des livres saints, soit de l'Imitation de Jésus-Christ ; il put, sans le secours d'un livre, chanter des psaumes et des hymnes ; il posséda parfaitement la partie matérielle de la géographie et de l'histoire ; mais de l'administration, de la politique, de l'état de l'Europe, de l'esprit de la France, de ses intérêts, de ses besoins prêts à se changer en colères, on ne lui dit rien. C'est peu : on flatta, on encouragea en lui les goûts de l'artisan ; on lui mit à la main le marteau, le ciseau, la lime, et par là on parvint à lui inspirer, en même temps que l'ennui des affaires, la passion de la solitude. Or, tandis que le duc de Berri était ainsi offert en risée aux frivoles habitués de Versailles, l'entourage du comte de Provence complétait l'éducation de ce prince par un enseignement indirect qui n'étendit l'horizon de ses idées qu'en lui fardant le cœur. On l'élevait à connaître les hommes, mais pour les tromper ; on préparait son initiation à la politique, mais à cette politique des courtisans qui n'est que la science de l'intrigue. D'un autre côté, on applaudissait à ses progrès, on vantait ses saillies, on lui fournissait l'occasion de briller aux dépens de son frère, sur lequel il se crut bientôt une supériorité dont celui-ci accepta modestement l'empire. Nous avons rapporté[4] ce mot du duc de Berri toutes les fois qu'on lui adressait une question embarrassante : Demandez à mon frère de Provence. Un jour l'aîné ayant dit il pleuva, Ah ! quel barbarisme ! s'écria le cadet. Un prince doit savoir sa langue. — Apprenez, mon frère, à retenir la vôtre, répliqua vivement le duc de Berri[5]. Mais ces petites révoltes de l'amour-propre blessé étaient fort rares, et le comte de Provence put sans trouble comme sans effort jouir de son ascendant. Tout se réunissait donc pour lui souffler d'ambitieux désirs, pour faire de lui tôt ou tard le centre d'une faction, à laquelle, suivant l'usage, ses familiers devaient tenir plus étroitement encore que lui-même. Aussi bien, le duc de Berri, à mesure qu'il devenait homme, ajoutait par le développement de son caractère aux sentiments d'aversion qu'il inspirait à la cour. Son isolement habituel avait donné à son humeur quelque chose de sauvage ; l'expression de sa figure était en général celle du mécontentement[6] ; plein de bonté, plutôt enclin à la douceur et porté à la bienfaisance, il gâtait ces vertus par la rudesse de ses dehors et par de subits emportements ; à la fois timide et brutal, il provoquait la crainte sans commander le respect ; son goût pour l'économie n'était pas de nature à être apprécié dans des régions où l'on ne vit que de la fortune publique mise au pillage, et les courtisans n'oublièrent jamais qu'interrogé par quelques-uns d'entre eux sur le nom qu'il préférerait, il répondit : Je veux qu'on m'appelle Louis le Sévère[7]. Il disait aussi à madame du Barry, sollicitant une place pour son neveu : Si votre neveu a cette place, qu'il ne s'approche pas de moi : je lui donnerais de ma botte sur la joue[8]. Comment une cour que Louis XV avait accoutumée à tant de grâce au sein de tant de corruption, n'aurait-elle pas redouté le règne d'un prince en qui la grossièreté des formes s'unissait de la sorte à l'austérité des mœurs ? Cependant, le duc de Berri étant devenu Dauphin par la mort de son père et atteignant l'âge de la puberté, il fut question de pourvoir à cette hérédité régulière de la couronne dont le destin se réservait de faire si cruellement justice ! Le Dauphin, quoique très-chaste, n'ignorait point son état, et les rumeurs des gens intéressés à le lui faire connaître avaient éveillé son inquiétude sur des conséquences bien faciles à prévoir. Il fit venir trois médecins, dont l'un fut, depuis, assassiné — et non volé — dans sa chambre à coucher, rue de Vaugirard, sans qu'on ait jamais pu éclaircir le mystère de ce meurtre[9]. Ces docteurs étaient réputés fort habiles : Louis XVI les requit de déclarer franchement s'ils le jugeaient apte au mariage. Il leur représenta l'importance de la décision qui leur était demandée. Qu'ils ne craignissent pas de s'expliquer franchement ! Si quelque opération douloureuse était nécessaire, elle serait subie avec fermeté. C'était une situation critique que celle des trois docteurs. Favorable, leur décision était mensongère et risquait d'être démentie par l'événement ; défavorable et véridique, elle appelait l'emploi d'un moyen curatif où il y avait lieu de redouter un ridicule péril. Dans cet embarras, n'osant résoudre la question, ils l'éludent, et le mariage est résolu. On juge quel texte venait d'être fourni à la malignité d'une cour à laquelle rien n'échappait de ce qui portait en soi un scandale. Ce fut pendant quelques jours un intarissable échange d'obscènes quolibets et de réticences impudiques, dont n'avaient garde de s'offenser, même les grandes dames, très-avides, en ce temps de dépravation monarchique, de tout ce qui était impur. Les uns affectaient de prendre d'avance en pitié le sort de la future épouse ; les autres se plaisaient à prédire, en parlant de l'époux, d'étranges infortunes ; et, quant aux ambitieux dont cet hymen dérangeait les calculs, ils préparèrent les esprits à regarder comme illégitimes, s'il en survenait, les enfants d'un prince déclaré par eux incapable d'en avoir. A peine Marie-Antoinette fut-elle arrivée à la cour, que l'exécution du plan ignominieux ourdi contre elle commença. Le succès en devait être facilité par les circonstances, par son mari, par elle-même. Elle était vive en effet, enjouée, aimante. Il fallait à sa jeunesse, de laquelle son éducation première avait écarté toute préoccupation sérieuse, l'agitation et la nouveauté des plaisirs. L'abandon dans l'amitié avait pour son cœur d'invincibles enchantements. Son imagination se laissait volontiers prendre aux séductions de l'imprévu, au demi-jour de la vie de boudoir, au charme des comités intimes d'où la contrainte est bannie et où l'on se repose des fatigues de l'orgueil. Et à quelle existence la sienne se trouvait-elle unie ? A celle d'un prince qui ne sut jamais sourire, dont les mœurs étaient plus que graves, les goûts solitaires, les colères brutales, et qui partageait son temps entre la chasse, le travail manuel, la table, le sommeil. Des ouvriers serruriers ayant, la veille de la fête de leur communauté, apporté au château un bouquet pour leur royal compagnon, Thierri, premier valet de chambre de Louis XVI, les empêcha de réaliser leur dessein, et il osa dire à son maître : Sire, quelque honnête que soit le genre d'amusement auquel se livre Votre Majesté, il répugne au préjugé général et pourrait affaiblir la vénération des peuples, qui s'attendent à voir un caractère de grandeur imprimé à toutes vos actions[10]. Si telle était, sur ce point, l'opinion de la domesticité du château, il est aisé de deviner de quel œil les habitudes privées de Louis XVI étaient envisagées par la cour et pouvaient l'être par Marie-Antoinette. Elle ne l'eut pas plutôt vu, qu'elle fut frappée de ce que ses manières avaient de lourd. Persuadée que ce défaut venait d'une mauvaise éducation, elle en conçut à l'égard de M. de La Vauguyon des sentiments de haine, et madame Campan rapporte qu'un jour Louis XVI ayant salué ses dames avec plus de bienveillance et de grâce que de coutume, la reine s'écria : Convenez, mesdames, que, pour un enfant mal élevé, le roi vient de vous saluer avec de très-bonnes manières[11]. Ajoutez à cela un caractère ennemi de la frivolité et une aversion peu indulgente pour les plaisirs : entre les deux époux, que de motifs d'éloignement ! Là fut le point de départ des machinations employées par ceux qui avaient lié leur avenir à la fortune du comte de Provence, devenu MONSIEUR lorsqu'en 1774 son frère aîné devint Louis XVI. Entourer la jeune princesse d'adulations perfides ; l'encourager au bonheur, cherché loin des usages reçus ; l'entraîner à des imprudences qui, en offensant, en irritant son mari, pussent l'exposer, lui, à une déconsidération funeste, elle à des soupçons flétrissants ; réunir ainsi et préparer les matériaux d'un système de diffamation encore sans exemple dans l'histoire, tel fut le plan adopté, conception bien digne de l'esprit de cour, et qu'il faudra se rappeler quand le peuple grondera aux portes de Versailles ! Conformément aux vues qui viennent d'être exposées, on fit, tout d'abord, éclater autour de Marie-Antoinette mille transports d'admiration ; des mains exercées lui versèrent goutte à goutte le poison lent des éloges ; on lui sut adoucir la pente des liaisons téméraires ; on flatta ses goûts ; on eut soin de l'applaudir recherchant les parties de nuit, s'oubliant aux petits jeux chez la duchesse de Duras, courant les bals de l'Opéra ; se faisant l'écolière de l'acteur Michu[12] ; prenant dans des comédies de salon, dont ses belles-sœurs se scandalisaient, les rôles de soubrette[13] ; introduisant à la cour des modes ruineuses[14] ; s'exposant enfin à ces paroles sévères qu'à la vue d'un de ses portraits Marie-Thérèse lui écrivit : Au lieu du portrait d'une reine de France, j'ai reçu celui d'une actrice[15]. C'est ainsi que, le long de riants sentiers, des nobles, des gentilshommes, des fils de preux, conduisaient à la catastrophe finale cette princesse infortunée ! Il entrait dans le plan de la faction de rendre aussi apparente que possible une mésintelligence de nature à jeter des doutes sur la moralité de l'événement qu'elle redoutait, savoir la naissance d'un héritier de la couronne. Dans ce but, que ne fit-on pas ? Devant la reine, on attaquait indirectement par le ridicule les vertus bourgeoises de Louis XVI et jusqu'à sa bonhomie ; devant Louis XVI, on exagérait, on noircissait les imprudences de la reine, et, par cette double manœuvre, on multipliait les occasions de quelque rupture éclatante. Des écrivains dévoués à la mémoire de Marie-Antoinette conviennent que tout fut employé pour entretenir, pour augmenter à son égard la froideur de Louis XVI ; que le duc de La Vauguyon était cité comme y travaillant ; qu'en dehors du parti Choiseul, Marie-Antoinette n'avait pas, à cette époque, de sincères amis à la cour, et que les projets formés contre elle allaient au point d'admettre la possibilité d'un divorce[16]. Au voyage de Fontainebleau, dit madame Campan, l'année du mariage, on gagna les inspecteurs des bâtiments, pour que l'appartement du Dauphin, attenant à celui de la Dauphine, ne se trouvât pas achevé[17]. L'odieuse conspiration eut une partie des résultats qu'on s'en était promis. L'éloignement de Louis XVI pour Marie-Antoinette, outre qu'il dura longtemps, ne fut pas sans revêtir des formes acerbes ; et elle, de son côté, goûtait si peu la compagnie du roi, que, maintes fois, il lui arriva de trahir, soit sous forme de plaisanterie, soit même sous forme de remercîment, ses répugnances secrètes, comme le jour où elle dit en riant à Louis XVI qu'elle acceptait le petit Trianon, à condition qu'il n'y viendrait que lorsqu'il y serait invité[18]. Cependant, les années s'écoulaient, et Marie-Antoinette s'affligeait de n'être pas mère. Tantôt elle était aperçue les yeux humides de larmes, tantôt c'était par des mots violents que s'exhalait son dépit, témoin ceux qu'elle adressa un jour à une vieille demoiselle, très-inquiète de la voir si souvent monter à cheval : Au nom de Dieu, laissez-moi en paix, et sachez que je ne compromets aucun héritier[19]. Diverses circonstances rendirent sa douleur plus vive, en y mêlant les pointes de la jalousie : la comtesse d'Artois accoucha d'un fils, et les poissardes, qui ce jour-là, s'étaient rassemblées sur le passage de la reine, lui crièrent injurieusement que c'était à elle à donner des héritiers à la couronne. Cette situation, néanmoins, devait avoir un terme. Guéri enfin de sa triste infirmité par l'art des médecins, et de ses préventions par l'injustice, devenue manifeste, des attaques, Louis XVI insensiblement se rapprocha de Marie-Antoinette, jusque-là qu'il finit par lui être asservi, son indifférence d'autrefois ayant fait place à une tendresse emportée. Ce fut un vrai coup de théâtre, à la cour, que l'annonce de la grossesse de la reine. Alors parut bien clairement la portée du complot tramé par ses ennemis. On avait apporté tant d'art à préparer les accusations, qu'elles trouvaient le public tout disposé à les accueillir, d'autant qu'on n'avait pas manqué de l'exciter à la haine en répandant que Marie-Antoinette ruinait le royaume par de folles prodigalités ; qu'elle avait été envoyée en France par sa mère comme un fléau vengeur, et que Marie-Thérèse elle-même avait dit : — mot évidemment impossible, mais que ne croit pas et que ne donne pas à croire la haine ? — La France m'a fait beaucoup de mal : en lui envoyant ma fille, je le lui ai rendu. Ici commence à se dessiner le rôle du comte de Provence. Doué d'une force de dissimulation qui, chez lui, n'avait pas attendu l'âge mûr, il s'était mis au nombre des bruyants admirateurs de la reine ; il s'associait à ses plaisirs, qu'il célébrait en rimes galantes ; il l'accompagnait ordinairement au bal de l'Opéra, ou, du moins, il s'étudiait à y paraître en même temps qu'elle[20] ; il lui adressait les vers suivants avec le cadeau d'un éventail : Au milieu des chaleurs extrêmes, Heureux d'amuser vos loisirs, J'aurai soin près de vous d'amener les zéphyrs ; Les amours y viendront d'eux-mêmes. Ou bien, apprenant qu'elle se rendait par eau à Fontainebleau et devait passer devant Saint-Assise, il l'y faisait précéder par un immense filet d'or et d'argent, pour l'arrêter au passage[21]. Mais ces démonstrations courtoises n'étaient que les artifices d'une ambition froide et qui savait se posséder. Nous avons raconté déjà quelle fut la conduite de ce prince au baptême de la fille dont Marie-Antoinette accoucha le 19 décembre 1778, et quels doutes il ne craignit pas de jeter alors, en présence de nombreux témoins, sur la légitimité de l'enfant[22]. Il osa bien plus encore, lorsqu'en 1781 la reine accoucha d'un fils. A son instigation, douze pairs signèrent circulairement une protestation, dont il eut un instant l'idée de faire effectuer l'enregistrement officiel et le dépôt public. Mais on lui représenta qu'une telle démarche serait un scandale plein de dangers ; qu'il n'en retirerait aucun avantage ; que le dépôt des pièces ne pourrait être reçu publiquement, à moins que lui, prince du sang, ne se portât, de sa personne, accusateur et ne provoquât une enquête, laquelle même supposait l'agrément du roi ; que ni le grand conseil, ni le parlement ne consentiraient à se prêter à des attaques d'une aussi effrayante nature et dont le seul résultat possible était l'exil pour lui, et, pour ceux qui auraient eu l'imprudence de servir son ambition, le plus cruel châtiment. On évita donc tout éclat ; mais le prince n'en obtint pas moins que les pièces fussent reçues et gardées en dépôt secret, pur et simple, au greffe du parlement, où elles étaient encore quand l'Assemblée nationale abolit les parlements et les autres cours souveraines. A cette époque, elles passèrent aux mains d'un des avocats généraux, lequel, étant mort sur l'échafaud pendant la Révolution, les laissa à sa fille. Napoléon, très-curieux de tout ce qui se rattachait à l'ancienne cour, fut vaguement informé de l'existence de ces documents ; il les fit réclamer comme papiers d'État, mais, la réclamation ayant été éludée et non poursuivie, ils furent livrés, ou plutôt vendus à Louis XVIII, sous la Restauration[23]. Maintenant, si les imprudences de Marie-Antoinette furent
transformées en crimes ; si le secret de ses intimités occupa la cour et la
ville ; si, après la naissance de son premier enfant surtout, un infatigable
système de diffamation s'organisa contre elle ; si l'on se plut à la montrer
se déguisant en bergère et se laissant entraîner, dès l'aube du jour, chez
une laitière de Marly ; si l'on donna le nom de petites maisons de la reine
au château de Trianon et au pavillon de Breteuil dans le parc de Saint-Cloud
; si ces mots perfides de Monsieur au comte d'Artois, à propos de l'amitié
que lui témoignait Marie-Antoinette : Prenez garde
de nuire à votre héritier, furent connus, répétés, commentés d'une
manière infâme... qu'on ne s'en prenne pas à la Révolution, et qu'il reste
bien constaté aux yeux de l'histoire que de tels coups partirent de la cour,
seule digne en effet de les frapper ! J'avais un peu moins de quinze ans, dit l'auteur des notes importantes que nous avons sous les yeux, quand mon père, qu'avaient atteint déjà deux lettres de cachet, conçut des craintes pour sa sûreté. Voici à quel sujet. Depuis plusieurs mois, au fond de la province, à soixante lieues de Paris, il recevait, presque à chaque courrier, des paquets, souvent assez volumineux, contenant des pamphlets, des épigrammes, des couplets scandaleux, presque tous dirigés contre la reine. Mon père jugea prudent d'aller à Paris, où je l'accompagnai, et ce fut chez Beaumarchais, son ami, que nous nous établîmes. C'était bien s'adresser pour connaître les intrigues des hauts lieux. Après tant d'années, il me semble voir encore Beaumarchais faisant remarquer à mon père une énorme pile d'écrits de la même espèce que ceux dont j'ai parlé ; et comme mon père témoignait le désir d'en connaître la source, Si vous voulez être exactement renseigné sur ce point, dit Beaumarchais, adressez-vous au surintendant des finances de M. de Provence ! Du reste, qu'on récapitule, en les rapprochant, les divers actes de ce prince, et l'on verra que toujours, avec une habileté voilée, il usa de sa position, de son influence, de son crédit, dans un sens à la fois funeste à son frère aîné et favorable à lui-même. De bonne heure il avait fixé auprès de lui les hommes qui formèrent plus tard la faction du Luxembourg : ce fut cette faction qui produisit à la cour l'élu des illuminés d'Allemagne, le comte de Saint-Germain, et qui, par lui, bouleversa de fond en comble la maison du roi. Ce fut cette faction qui souffla aux d'Éprémesnil, aux Goislard de Montsabert, à toutes les jeunes et ardentes têtes du parlement, de la cour des aides, de la chambre des comptes, de la cour des monnaies, l'ardeur qu'ils déployèrent contre le gouvernement de Louis XVI. Ce sont les agents de cette faction qu'on retrouve triomphant de la fermentation générale, semant la division entre la noblesse de cour et la noblesse de province, poussant enfin aux Etats généraux comme moyen d'affaiblir le monarque sans renverser la monarchie. Lors de la rédaction des cahiers de la noblesse d'Anjou, un grand seigneur, appartenant à cette faction naissante, proposa, comme objet de délibération, la question suivante : Ne pourrait-on prévoir telle circonstance, dans laquelle il deviendrait nécessaire de suspendre l'autorité du roi ?[24] Pendant ce temps, le comte de Provence, personnellement, mettait tout en œuvre pour accroître son importance politique. Par un procédé familier aux princes, il avait recherché, dès 1777, l'éclat d'un voyage dans lequel il pût d'avance se concilier la faveur du peuple. Suivi des neuf principaux seigneurs attachés à son service, il alla se montrer aux provinces du Midi ; mais, bien différent du frivole comte d'Artois qui ne songeait qu'à s'amuser de ses courses à travers le royaume, il affecta, lui, de flatter les populations en s'associant à leurs idées, à leurs sentiments et jusqu'à leurs préjugés. Il visita de préférence les écoles et feignit de prendre un vif intérêt aux amusements populaires. A Toulouse, après avoir charmé l'académie des Jeux floraux par les témoignages d'une grave sympathie, il ne dédaigna pas d'inscrire son nom sur le registre des pénitents bleus. A Marseille, il imita Louis XIII embrassant un prud'homme. A Tarascon, il partagea l'effroi joyeux et simulé des habitants, en présence du gigantesque mannequin Tarasque. A Avignon, où l'hôtel du duc de Crillon l'avait reçu, il refusa la garde bourgeoise qui lui fut offerte et dit : Un fils de France, logé chez un Crillon, n'a pas besoin de gardes[25]. C'était se préparer les voies ; c'était, à tout événement, promettre aux gens de lettres un protecteur éclairé, au peuple un souverain débonnaire, à la noblesse un roi-gentilhomme. Quand il vit venir la Révolution, il se garda également et de se donner à elle et de la braver. Laissant, de ces deux rôles, si dangereux l'un et l'autre, le premier au duc d'Orléans, le second au comte d'Artois, il se tenait en réserve, se ménageait au sein de la famille royale une situation à part, temporisait. Dans l'Assemblée des notables, son attitude mérita d'être remarquée : pendant que, par son opposition au ministère, il s'attirait les applaudissements du peuple, au milieu d'un discours d'apparat il prenait le titre de premier gentilhomme du royaume[26], cherchant ainsi à sa fortune, dans un moment d'incertitude, des appuis divers. En attendant, riche par ses apanages, riche par les dons que le roi lui prodiguait, il s'attachait à acquérir dans les provinces de grands domaines. Comme il avait un état de maison peu dispendieux, on s'étonna d'un emprunt fort considérable qu'il contracta en Hollande, emprunt dont Louis XVI eut la faiblesse de se porter garant. Mais un comité secret avait été formé ; ce comité entretenait de nombreux agents ; il avait à pourvoir à de ténébreuses dépenses, et la corruption coûte ! Une chose qui n'est pas connue, c'est que Mirabeau, alors qu'on le croyait occupé de tout autres intrigues, correspondait secrètement avec le comte de Provence. Il lui écrivait, dans un moment sans doute où le prince s'écartait de ses habitudes de prudence : Calmez, calmez, je vous en conjure, une impatience qui perdra tout. C'est précisément parce que votre naissance vous a placé si près du trône qu'il vous est difficile de franchir la seule marche qui vous en sépare. Nous ne sommes ni en Orient, ni en Russie, pour traiter les choses si lestement… En France, on ne se soumettrait pas à une révolution de sérail[27]. Comme il est facile de donner le change à l'opinion ! Quand Mirabeau se faisait ainsi le conseiller occulte d'un prince qui conspirait sans attirer sur lui les soupçons, il était à la veille de figurer comme complice d'un autre prince qui attirait sur lui tous les soupçons sans conspirer. Car, que le duc d'Orléans eût résolu de renverser la couronne dans le sang pour l'y ramasser, ni son caractère ni sa conduite n'avaient jusqu'alors autorisé cette accusation. En réalité, qu'avait-on à lui reprocher ? D'avoir combattu les édits bursaux, lors de l'Assemblée des notables ? D'avoir adouci par d'abondantes aumônes les rigueurs de l'hiver de 1788[28] ? D'avoir poussé, en 1789, à la réunion des trois ordres ? Seuls, les commentaires envenimés de la haine pouvaient transformer en crimes des actes semblables. Il est vrai qu'il vivait ouvertement séparé de la famille royale ; mais de quel côté étaient venues les attaques ? C'est ce qu'il importe de rappeler, pour l'éclaircissement d'un point historique sur lequel on s'est plu à rassembler les ténèbres. S'il est un fait certain, incontestable, c'est qu'au combat naval d'Ouessant, en 1788, le duc d'Orléans, alors duc de Chartres, s'était comporté avec le sang-froid d'un vieux guerrier. Dans cette occasion, il avait été tellement en vue, les témoignages étaient si nombreux, les rapports de l'amiral d'Orvilliers si favorables, que, d'abord, aucun doute ne s'éleva. Lorsque, de retour à Paris, le duc parut à l'Opéra, il y eut explosion d'enthousiasme, et, attentif aux allusions flatteuses, le peuple, par ses applaudissements, interrompit plusieurs fois le spectacle[29]. Qu'arriva-t-il, cependant ? Marie-Antoinette haïssait ce prince, pour quelques vanteries indécentes que sa fatuité s'était, dit-on, permises : soit ce motif, soit à cause de l'ancienne rivalité des deux branches, l'ovation qu'il venait de recevoir n'éveilla qu'un sentiment à la cour, celui d'une implacable jalousie. On s'y répandit en sarcasmes, en mortelles injures, que les échos du dehors répétèrent. Si entre les deux flottes la victoire avait hésité, la faute en était à l'insubordination du prince. Il avait désobéi à certains signaux. Et puis, il avait manqué de cœur... De sorte que celui qui, sous les yeux de Lamothe-Piquet, s'était montré si brave, se trouva être tout à coup le dernier des lâches ! On alla jusqu'à lui supposer l'intention d'obtenir la survivance de la charge de grand amiral, contre le gré, au détriment du duc de Penthièvre, son beau-père, qui l'occupait. Indigné, désespéré, il écrivit à Louis XVI : Sire, les bontés de Votre Majesté autorisent la confiance qui m'y fait recourir, et ma situation les rend bien nécessaires. Votre Majesté sait qu'on a répandu dans le public que j'avais engagé M. d'Orvilliers à rentrer le 29 juillet. Je donne ma parole d'honneur à Votre Majesté que je n'ai eu aucune communication avec lui depuis le 26. J'ai suivi en ce moment ses ordres, dont je ne me suis pas écarté une minute. Le 27, je lui ai donné des preuves de subordination qui m'ont beaucoup coûté. Daignez, Sire, réfléchir un moment sur la bizarrerie de ma situation. Je sers dans la marine depuis quatre ans sans aucun motif d'intérêt. Mon ambition se bornait à prouver à Votre Majesté mon zèle et à mériter son estime. On me suppose des vues basses, intéressées ; on a la méchanceté de suggérer à mon beau-père que je fais les fonctions de sa charge, et même que je fais des démarches pour la lui enlever. J'ai servi dans l'escadre sous les ordres d'un officier, mon cadet, comme subordonné ; on m'impute toutes les fautes comme général ; et, pour accréditer ces noirceurs, on répand que Votre Majesté a témoigné son mécontentement. D'après ce fidèle tableau, Votre Majesté peut juger si mon cœur est navré et s'il a sujet de l'être. L'estime de mon beau-père, le sort de mes enfants, le bonheur de ma femme, ma gloire, ma réputation, tout est compromis. Ces puissants motifs m'autorisent à avoir recours à Votre Majesté et à lui demander de créer pour moi la place de colonel général des troupes légères. Cette grâce en imposerait à mes ennemis. Elle prouverait au public que Votre Majesté est satisfaite de ma conduite, et ferait le bonheur de ma vie, en me procurant les moyens d'être utile à Votre Majesté et de mériter les bontés dont elle aurait bien voulu m'honorer. Sire, de Votre Majesté, le très-humble, très-obéissant et très-fidèle sujet et serviteur[30]. Plus juste que les courtisans, Louis XVI traça de sa main sur l'original de la lettre qui vient d'être transcrite : Le roi, voulant donner à M. le duc de Chartres un témoignage distingué de sa satisfaction, et prouver qu'il est également content de son zèle et de la capacité qu'il a montrée pour son service dans toutes les occasions, et particulièrement au combat d'Ouessant, du 27 juillet dernier, crée pour lui la charge de colonel général des hussards et troupes légères, avec un régiment colonel-général, pour lequel M. le duc de Chartres travaillera avec Sa Majesté[31]. C'était donc en réponse à une demande du duc, c'était comme marque de haute satisfaction que Louis XVI lui avait conféré la charge de colonel général des hussards. Eh bien ! cette faveur, odieusement interprétée par les amis de la reine, on la présenta comme une épigramme flétrissante. En vain le duc d'Orléans essaya-t-il d'opposer des actions d'éclat aux imputations qui le livraient à de si injustes mépris ; en vain mit-il une ardeur passionnée à solliciter des occasions pour son courage, il ne rencontra qu'humiliants refus ; on circonvint le faible Louis XVI, on changea sa bienveillance en aigreur, et Marie-Antoinette put, au nom du roi, adresser à un prince que poursuivait sa haine, la lettre suivante, si dure, en dépit des formes apprêtées du style de cour : Le roi est informé et mécontent, monsieur, de la disposition où vous êtes de vous joindre à son armée. Le refus constant qu'il a cru devoir faire aux instances les plus vives et, ce qui le touche de plus près, les suites qu'aura votre exemple, ne me laissent que trop voir qu'il n'admettra ni excuse ni indulgence. La peine que j'en ai m'a déterminée à accepter la commission de vous faire connaître ses intentions, qui sont très-positives. Il a pensé qu'en vous épargnant la forme sévère d'un ordre, il diminuerait le chagrin de la contradiction sans retarder votre soumission. Le temps vous prouvera que je n'ai consulté que votre véritable intérêt, et qu'en cette occasion, comme en toute autre, je chercherai toujours, monsieur, à vous prouver mon sincère attachement. MARIE-ANTOINETTE. Voilà comment s'annonçait, au sein de la famille royale, la tragédie que dénoua le vote des 16 et 17 janvier 1793 ! Le duc d'Orléans n'était né certainement ni pour l'ambition ni pour la haine. Son âme d'ailleurs, amollie par l'abus des voluptés, n'avait pas le ressort qu'exigent les vastes desseins et la recherche des joies amères. Mais la guerre que la cour lui déclara servit à grouper, moins encore autour de lui qu'autour de son nom, une foule de mécontents dont l'opinion publique le fit chef malgré lui-même. Il en résulta, de la part de ses ennemis, un redoublement de rage, et la Révolution l'emporta enveloppé dans des fureurs contraires. Le vrai conspirateur, c'était le comte de Provence, comme la suite le prouvera. Intéressé à voir se produire sous le nom d'un autre ces
sortes d'agitations dont les fauteurs apparents finissent presque toujours
par être les victimes, il fut le premier à faire croire, au moyen de ses
affidés, à l'existence d'un parti ayant pour chef réel, reconnu, et décidé à
tout. le duc d'Orléans. Quant à lui, que lui importait la modestie de son
rôle, si elle devait le conduire au but en lui épargnant les périls de la
route ? Il lui suffisait d'être à l'abri des emportements de la place
publique. Or, il est à remarquer que jamais l'émeute ne gronda contre le
Luxembourg ; que jamais, dans le temps même où personne n'échappait à
l'insulte, l'insulte ne monta jusqu'au comte de Provence. D'où ce mot violent
de la reine qui reviendra dans le cours d'une histoire consacrée au souvenir
de tant d'orages : Laissez-le partir, laissez-le
partir. On lui ouvrira le passage, et il arrivera chez lui sans avoir reçu
une égratignure. Monsieur a le talent d'apprivoiser les bêtes féroces ; elles
ne sont à craindre que pour nous. Au surplus, et pour qu'aucun doute ne reste sur la nature du rôle que jouait dans l'ombre le comte de Provence, citons, par anticipation, la lettre suivante, lettre autographe qu'un hasard heureux nous a fait découvrir, et qui jette tant de jour sur des intrigues jusqu'ici complètement ignorées[32] : 1er novembre 1790. Je ne sais, monsieur, à quoi vous employez votre temps et l'argent que je vous envoie. Le mal empire, l'Assemblée détache toujours quelque chose du pouvoir royal ; que restera-t-il si vous différez ? Je vous l'ai dit et écrit souvent. Ce n'est point avec des libelles, des tribunes payées et quelques malheureux groupes soudoyés que l'on parviendra à écarter Bally (sic) et Lafayette ; ils ont excité l'insurrection parmi le peuple ; il faut qu'une insurrection les corrige à n'y plus retomber. Ce plan a, en outre, l'avantage d'intimider la nouvelle cour, et de décider l'enlèvement du soliveau. Une fois à Metz ou à Péronne, il faudra qu'il se résigne ; tout ce que l'on veut est pour son bien ; puisqu'il aime la nation, il sera enchanté de la voir bien gouvernée. Envoyez au bas de cette lettre un récépissé de deux cent mille francs. LOUIS-STANISLAS-XAVIER. |
[1] Nous avons eu déjà occasion de citer le précieux manuscrit de M. Sauquaire Souligné, qui est en notre possession.
Bien que l'auteur n'y parle, en général, que de choses à lui connues particulièrement, nous nous sommes fait un devoir de ne prendre de ses révélations que ce que nous avons trouvé confirmé par d'autres témoignages dignes de foi.
[2] Mémoires de madame Campan, t. I, chap. V, p 108. Londres, 1823.
[3] C'est ce qu'avoue M. Droz, Histoire de Louis XVI, introduction, p. 42. Bruxelles, 1839.
[4] Voyez, dans le tome II, le chapitre intitulé : Tableau de la cour de France.
[5] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 15. Paris, 1791.
[6] Droz, Histoire du règne de Louis XVI, introduction, p. 43.
[7] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 4.
[8] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 4.
[9] Manuscrit de M. Sauquaire-Souligné, à qui le médecin en question était personnellement connu.
[10] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 11.
[11] Mémoires de madame Campan, t. I, chap. v, p. 107. Londres, 1823.
[12] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 285.
[13] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 284.
[14] Mémoires de madame Campan, t. I, chap. IV, p. 83.
[15] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 255.
[16] Mémoires de madame Campan, t. I, chap. II, p. 48 et 49. Londres, 1823.
[17] Mémoires de madame Campan, t. I, chap. II, p. 48 et 49.
[18] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 34. Paris, 1791.
[19] Mémoires de madame Campan, t. I, chap. III, p. 49.
[20] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 18.
[21] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. I, p. 13 et 14.
[22] Voyez dans le deuxième volume de cet ouvrage, le chapitre intitulé : Tableau de la Cour de France.
[23] Manuscrit de M. Sauquaire Souligné, qui parle ici de personnes et de choses qu'il a particulièrement connues.
[24] Manuscrit de M. Sauquaire Souligné.
[25] Voyez, pour les détails de ce voyage, Nougaret, Règne de Louis XVI.
[26] Procès-verbal de l'Assemblée des notables, p. 308.
[27] Manuscrit de M. Sauquaire Souligné, lequel avait entre les mains onze lettres de Mirabeau adressées au comte de Provence, écrites à une époque peu éloignée de la mort de Mirabeau, et prouvant par leur contenu que, depuis longtemps, il correspondait avec le prince.
[28] Lettre de M. Limon au curé de Saint-Eustache.
[29] Nougaret, Règne de Louis XVI, t. II, p. 105 et 106.
[30] Correspondance de Louis-Philippe-Joseph d'Orléans avec Louis XVI, la reine, Montmorin, Liancourt, Biron, Lafayette, etc., introduction, p. VIII, IX, XI et XII. Paris, 1800. Les originaux des lettres restèrent déposés chez l'imprimeur, avec obligation pour lui de les communiquer au public, jusqu'au 1er brumaire an IX.
[31] Correspondance de Louis-Philippe-Joseph d'Orléans avec Louis XVI, la reine, Montmorin, Liancourt, Biron, Lafayette, etc., introduction, p. XIII.
[32] Cette lettre, qui parait avoir été écrite en encre sympathique, fait partie de la précieuse collection d'autographes de M. Monkton Milnes, membre de la Chambre des Communes. C'est sous ses yeux que j'en ai pris copie. Le nom du personnage à qui elle était adressée n'est pas indiqué. Au bas, on lit ces mots tracés en encre rouge et par une autre main : Papiers secrets.