Strabon cite encore[2] Macistus, Epitalium et Pylos, qu'il prétend avoir été la capitale de Nestor, sujet de bien des discussions pour les modernes. Cependant on s'accorde généralement, malgré l'opinion du géographe ancien, à donner l'avantage à Pylos de Messénie, Pylos Coryphosienne, sur Pylos Triphyliaque et même sur une troisième Pylos qui était en Élide, à dix milles de la mer. Hérodote place aussi en Triphylie la ville de Nudium[3], et Pausanias Scillonte[4], retraite de Xénophon. Triphylus, fils d'Arcas, donna au pays son nom, et les habitants se disaient Arcadiens d'origine. Cependant il ne paraît pas qu'ils aient jamais été réunis à l'Arcadie ; mais ils furent soumis tantôt aux Messéniens, tantôt aux Éléens. Ainsi, au temps de la guerre de Troie, on les voit suivre Nestor en Asie, après avoir quelque temps obéi à Pélops, roi de Pise. Ceux qui habitaient Pylos et l'aimable Aréné (Samicum) et Thryum (Tryoessa), gué de l'Alphée, et Æpy la bien bâtie, ont pour chef Nestor de Gérénia, célèbre par ses coursiers[5]. Plus tard, ils revinrent sous la domination de l'Élide.
Nous savons par Strabon[6] que Léprée refusa d'entrer dans la ligue ; mais, pendant la guerre du Péloponnèse, elle appela une garnison lacédémonienne ; ce qui donna lieu à de longues contestations entre Sparte[8] et Élis. Les Triphyliens se laissèrent entraîner plus tard par les Éléens dans la guerre sociale, et durent rendre leurs villes les unes après les autres à Philippe. La conquête romaine ne les sépara pas du pays plus puissant dont les siècles avaient consacré la domination. La route qui mène de En quittant Un mille plus loin, on aperçoit à droite le village de Strovitzi, à la place de l'antique Léprée. Il ne reste que les murailles ruinées[10] de cette ville,
qui fut la plus puissante de On prétendait aussi que les premiers habitants de la ville avaient été attaqués de la lèpre et avaient dû leur nom à cette maladie. Après avoir traversé l'Acides, on entre sous une forêt de grands pins qui s'étend le long des côtes pendant six à sept milles. Cette forêt, qui existait dans l'antiquité[12], est remarquable par sa beauté autant que par sa position. Pendant plusieurs heures, le voyageur marche sur un sable fin, ombragé par des pins séculaires dont les feuilles, échauffées par le soleil, répandent un arome vif et pénétrant. De petits lacs, que les anciens appelaient Nymphæum, parce c'était un lieu consacré aux Nymphes anigrides, se succèdent au pied. des montagnes, à droite de la routé ; et font naitre sur leurs bords une végétation luxuriante dont les couleurs contrastent avec l'éclat si doux des pins de Grèce. Alors la vue devenue libre contemple les lignes harmonieuses et les teintes ardentes des derniers rochers du Lycée. Du côté opposé, à travers les troncs des arbres qui cachent le rivage, apparaît le bleu intense de la mer. La solitude, le silence ne sont point troublés par le voisinage des hommes ; çà et là, des arbres tombés de vieillesse .attestent que leur main a toujours respecté cette antique forêt. Dès qu'on en est sorti, on franchit le défilé de Khaïaffa, grands rochers au milieu d'un marais, qui ne laissent qu'un passage su r une étroite chaussée. De là apparaissent, sur une hauteur couverte d'épais halliers, des murs et des tours helléniques d'une couleur sombre et d'un effet imposant : ce sont les ruines de Samicum. Samicum ou Samia était une ville Inès-ancienne, citée par Homère, qui l'appelle Aréné. Il existe un fleuve, nommé Minyéus, qui se jette dans la mer près d'Aréné. Or la rivière qui coule près de Samicum est l'Anigrus, et l'Anigrus, au dire des Arcadiens, se
nommait anciennement Minyéus[13]. Ce fait seul
prouve l'identité de Samicum et de l'Aréné d'Homère. Samicum était, avec
Lépræum, la ville la plus florissante de Il ne reste de Samicum que le mur d'enceinte, qui entoure
une hauteur d'accès difficile et domine toute Les murailles sont d'une époque très-reculée, et semblent à peine postérieures aux murailles de Mycènes. C'est un mélange du polygonal régulier et du second ordre hellénique. La pierre est un silex ferrugineux d'une dureté prodigieuse, et d'une couleur foncée qui varie du rouge au noir, et rappelle les murs que l'on trouve dans Pile de Milo. Les assises sont presque toutes d'une énorme dimension., et se prolongent profondément à l'intérieur de la muraille, dont s'explique ainsi l'immuable solidité. Leur taille est belle, et atteste un travail et une intention de parfaite régularité que l'art d'alors ne permettait pas d'atteindre. Par exemple, on retrouve ce défaut d'agencement produit par les angles capricieux du polygonal, qui nécessitent l'intercalation de petites pierres ; ou bien, lorsque, dans un bloc énorme que l'on taillait, la matière manquait, il fallait remplir l'angle rentrant par la saillie de l'angle de la pierre voisine. Mais il est impossible de ne pas reconnaitre à la rareté de ces accidents que les architectes cherchaient déjà soigneusement à les éviter. Les tours du midi surtout sont remarquables par leur beauté et par leur force. Au sommet de la colline, des murs rasés, que l'on distingue à peine sous la végétation qui les recouvre, ont dû servir de base ou d'enceinte à différents monuments. L'embouchure du fleuve Anigrus ou Minyéus, citée par Homère, se confond probablement aujourd'hui avec les marais qui bordent la mer. Dès l'antiquité, du reste, les sables rejetés par les vagues arrêtaient son cours : Ses eaux fétides, dit Pausanias[15] (nous dirions aujourd'hui sulfureuses), guérissaient les maladies de peau. Après avoir prié dans la grotte des Nymphes anigrides, les malades se jetaient dans le fleuve, le traversaient à la nage et en sortaient parfaitement sains. Le centaure Chiron, blessé par une flèche (l'Hercule, avait lavé sa plaie dans l'Anigrus, qui resta depuis ce temps empesté par le venin de l'hydre. La route jusqu'à l'Alphée n'offre rien de remarquable. Le
nymphæum, les sables et les pins se resserrent vers la côte et s'écartent peu
à peu des montagnes ; la terre devient de nouveau accessible à la culture.
C'est sur les collines qui terminent |
[1] L. IV, c. 77.
[2] L. VIII, p. 343.
[3] L. IV, c. 148.
[4] Elid., I, c. VI.
[5] Iliade, II, v. 591.
[6] L. VIII, p. 358.
[7] Pausanias, Elid., I, c. V. —
Polybe, l. IV, c. 77 .
[8] L'ambition de Sparte ne se portait pas seulement sur les pays riches et florissants ; elle semblait vouloir pénétrer et triompher dans les parties les plus reculées du Péloponnèse.
[9] Leake, Travels in the Morea,
t. I, ch. 2.
[10] Leake, Travels in the Morea,
p. 55.
[11] Pausanias, Elid., I, c. V.
[12] Pausanias, Elid., I, c. VI.
[13] Pausanias, Elid., I, c. VI.
[14] Pausanias, Elid., II,
c. XXV.
[15] Pausanias, Elid., I, c. V.