La partie de l'Acropole qui s'étend à l'est du Parthénon forme plus du tiers de l'enceinte totale ; cette vaste étendue était encore inexplorée en 1853. Auprès du temple seulement le sol antique a été découvert. Une fouille avait été commencée plus loin : aussitôt abandonnée, elle n'a produit aucun résultat. Parmi les monuments et les piédestaux trouvés à l'est du Parthénon, il n'en est point qui soit indiqué par les auteurs. Ils en citent cependant un certain nombre, Pausanias principalement ; car ce côté de l'Acropole n'était pas moins richement décoré que le reste. Je puis donc rendre compte des découvertes modernes avant de rechercher le plan hypothétique des anciennes dispositions. Le terrain qu'on a fouillé jusqu'à ce jour se divise en deux moitiés d'une nature toute différente. Vers le nord, c'est le rocher taillé, comme nous l'avons vu sur les terrasses de l'extrémité occidentale. Vers le sud, c'est un sol factice et qui porte écrite l'histoire de sa propre formation. Le rocher descend brusquement à une certaine profondeur pour ne reparaître qu'au dessous du mur extérieur, du mur de Cimon, qui a parfois jusqu'à cinquante pieds de hauteur. De plus, afin de contenir les terres qui comblent cet espace et font de l'Acropole un plateau, le mur de Cimon a une grande épaisseur, et ses angles vont en s'élargissant vers la base, comme des angles de pyramide. Il a fallu, en outre, exhausser peu à peu le niveau du sol pour le conduire par une pente insensible jusqu'aux degrés du Parthénon. De ce côté, une grande tranchée récemment ouverte permet d'étudier les différentes couches qui se sont superposées. La plus basse et la plus remarquable est un amas de cendres, de débris, qui datent de l'incendie de l'Acropole par Xerxès. Là, il suffit de gratter légèrement du doigt pour trouver des charbons, des fragments de vases et de terres cuites, du plomb fondu, des ossements qui tombent en poudre. Là, on a trouvé des statuettes d'un style archaïque brisées, des morceaux de bronze destinés à différents usages, des débris d'anciens temples de toute dimension, encore couverts de vives couleurs et quelquefois de stuc. Des morceaux plus considérables, des triglyphes de petits temples par exemple, ont été jetés parmi les fragments, au lieu d'être employés à la construction du mur de Thémistocle, comme l'entablement de l'ancien. Parthénon. Il n'est besoin d'aucun texte pour comprendre l'origine de ces innombrables restes. Il a fallu qu'une armée de barbares occupât deux fois l'Acropole, incendiât tous ses édifices, anéantit toutes les offrandes pieuses, tous les ornements, tous les objets qui la remplissaient, pour qu'on retrouve ainsi un sol entier formé par les ruines. Autour du Parthénon, à l'ouest et au sud, les mêmes éléments composent les terrains d'exhaussement qui cachaient les substructions du temple. Voilà ce que sont devenues les œuvres de tant de siècles et les monuments les plus anciens de l'art grec ! Comme ces cendres et ces débris ont été ramassés dans toutes les parties de l'Acropole, il est impossible de savoir d'où proviennent les morceaux plus intéressants. Comment dire à quel temple appartenaient une corniche peinte, une tuile, un acrotère en terre cuite ? A peine si l'on peut rapporter à l'ancien Parthénon les fragments dont la proportion est la plus forte. La couche située immédiatement au-dessus est d'une moindre épaisseur. Elle est formée par les éclats qui s'entassaient autour de l'atelier des tailleurs de pierre. En préparant les marbres nécessaires à la construction du Parthénon et des autres édifices, on joncha l'Acropole de ces fragments, qui furent ensuite réunis et jetés dans les endroits que l'on voulait combler. Enfin, la troisième couche, très-inégale et à la surface du sol, est composée d'énormes tambours de colonnes, encore bruts, tels qu'ils sont sortis des carrières du Pentélique, avec les poignées qui servaient à les mouvoir. Rejetés par les architectes, ils ne purent entrer dans la construction du temple. Il est facile de voir quels accidents ou quels défauts les firent condamner. Ici, un morceau considérable a été brisé, une fente profonde a entaillé la surface et rendu tout travail impossible. Là, une tache grossière, un schiste verdâtre coupent la blancheur du marbre. Comme les colonnes n'étaient point revêtues de peinture, on comprend que tant de délicatesse dans le choix des matériaux n'avait rien d'exagéré. C'est ainsi qu'on reconnaît dans le même lieu, à des effets bien différents, les mains qui ont détruit l'antique Acropole, les mains qui l'ont reconstruite, jeune et plus magnifique. Dans les fouilles commencées tout à fait à l'extrémité orientale, ce qu'on a trouvé de plus curieux ce sont deux inscriptions : l'une sur un piédestal qui portait la statue de Minerve consacrée par un fils de Pasiclès ; l'autre, en caractères encore archaïques, sur une stèle érigée en l'honneur de Sotimos. Au sommet de la stèle était représentée en bas-relief Minerve assise, donnant la main, selon la coutume, au personnage principal, que suit un jeune homme aux jambes nues. Plus près du Parthénon, ce sont également des offrandes anciennes, les premières peut-être qu'on ait consacrées devant le temple nouvellement construit : celle de Dexippe, celle d'Ithidice, celle du greffier Méchanios. Les lettres de cette dernière inscription sont gravées dans les cannelures d'une petite colonne et conservent des traces de couleur rouge. Beaucoup plus tard, le sculpteur Nicomaque avait été chargé de faire la statue
d'une prêtresse de Minerve. Sur le piédestal, la prêtresse racontait
elle-même ses titres à cet honneur. la plus grande partie de l'inscription
manque : on lit seulement à la fin. Une grave
destinée m'a conduite dans le temple magnifique de la chaste Minerve, où j'ai
consacré à la déesse des soins qui ne sont pas sans gloire. Plus loin était Théoxénide, auquel ses neveux Céphisodote et Timarque avaient élevé une statue. Le peuple lui-même en avait décerné une à Pythodoris, reine de Colchide et des pays voisins, si c'est celle dont parle Strabon et dont les États, partagés entre ses fils, s'étendirent encore après la mort de Mithridate. Les Romains figurent ici, comme de tous côtés. C'est
Claudius Néron Drusus, fils de Tibère ; puis Tib. Claudius Néron, auprès du
temple de Rome et d'Auguste, autour duquel se groupait naturellement la
famille impériale. Ce temple, dont aucun texte ancien ne parle, était encore
inconnu il y a peu d'années. C'est le monument le plus considérable découvert
à l'orient du Parthénon. Il faut dire cependant que l'on n'a retrouvé que
trois morceaux d'architrave. Mais comme c'était un temple rond, leur courbe
donne aisément la circonférence totale, dont le diamètre a près de vingt et
un pieds. Les colonnes étaient-elles d'ordre ionique ou corinthien ? L'époque
seule ferait préférer ce dernier, employé généralement par les architectes du
temps. Sur l'architrave sont sculptés des rangs de perles et des rais de cœur
d'un travail grossier et déjà barbare. On s'étonne que le siècle d'Auguste,
un des beaux siècles de l'art romain, ait produit, à Athènes, des œuvres
comme ce temple et l'horloge d'Andronicus Cyrrhestes. On dirait que tous les
bons artistes avaient été entraînés à Rome par le mouvement universel vers
l'empire naissant, et qu'il n'était resté dans Sur l'architrave est gravée la dédicace du temple, dont sans cela nous ignorerions le nom : Le peuple à la déesse Rome et à César Auguste. Les fragments sont séparés, et celui qui porte l'inscription est beaucoup plus près du Parthénon. Il se trouve à côté d'une substruction rectangulaire en pierres, qui ne peut évidemment marquer la place du temple, car elle a trop peu d'étendue et correspond trop exactement à l'entrecolonnement du milieu et à la porte du Parthénon, qui ne pouvaient être masqués. Là, je crois, s'élevait l'autel de Minerve. Mais au nord-est de la substruction on remarque un assez grand espace de rocher aplani que pouvait occuper le temple de Rome et d'Auguste. Cependant il n'y a aucune trace sur le rocher. On s'est demandé pourquoi Pausanias ne parlait point de
cet édifice. On a vu dans son silence une protestation secrète de son
patriotisme. Je ferai remarquer, pourtant, qu'il nomme sans scrupule le
temple élevé à Auguste par les Spartiates, les statues que lui consacrèrent
les Argiens et les Éléens. Auguste avait été, autant qu'Adrien, le
bienfaiteur de On se rappelle qu'un certain nombre de statues et de groupes
importants étaient disposés à gauche de la façade du Parthénon : Procné et
Itys, la dispute de Minerve et de Neptune, le Jupiter de Léocharès et le
Jupiter Polieus. De même, à droite de la façade, il y avait des œuvres
remarquables qui faisaient pendant à ces sculptures ; avant tout, l'Apollon
en bronze que l'on attribuait à Phidias. On
l'appelle Apollon Parnopius, dit Pausanias, parce
qu'il avait promis de délivrer le pays des sauterelles (en grec parnopes) qui le dévoraient. On sait qu'il tint sa parole ; mais de
quelle manière ? on l'ignore. Moi-même j'ai vu trois fois les sauterelles
détruites sur le mont Sipyle, et toujours d'une manière différente. Les unes
furent emportées par un violent coup de vent, les autres par une pluie suivie
d'une chaleur excessive. La troisième fois, elles périrent surprises par une
gelée subite. Après l'Apollon de Phidias, on voyait, à quelque distance, la statue de Xanthippe, père de Périclès, qui avait combattu à Mycale contre les Perses. La statue de Périclès était bien dans l'Acropole, mais dans un autre endroit, vers le nord, du côté du Pélasgique. Auprès de Xanthippe était Anacréon de Téos. Il paraissait chanter, animé par une douce ivresse. Ensuite, se présentaient deux statues de Dinomène, sculpteur célèbre, qui florissait vers la 95e olympiade, et dont Pline cite le Protésilas et l'athlète Pythodème. Ces statues représentaient Io et Callisto, toutes deux aimées de Jupiter, toutes deux métamorphosées par Junon, l'une en génisse, l'autre en ourse. Ne dirait-on pas deux pendants, et ne serait-on pas tenté de les placer de chaque côté du chemin qui mène du Parthénon au mur du sud ? Le long de ce mur était une série de figures représentant : la guerre des Dieux et des Géants ; le combat des Athéniens contre les Amazones, la bataille de Marathon, la défaite des Gaulois en Mysie. C'était un présent d'Attale. J'ai déjà eu occasion de parler de ce prince et de la décoration du mur de Cimon. Les statues étaient hautes de deux coudées, par conséquent plus petites que nature. Elles n'étaient point sur le mur lui-même ; de grands piédestaux les exhaussaient assez pour que, de la ville basse et des bords de l'Ilissus, on les vit par-dessus la muraille. Des assises en marbre de l'Hymette, qu'on aperçoit encore çà et là le long du mur ou à la surface du sol, ou enterrées et encore scellées entre elles, paraissent avoir appartenu à ces piédestaux. Raoul-Rochette croit que les colosses d'Attale et d'Eumène, dont parle Plutarque, étaient dans l'Acropole et dans cette région de l'Acropole, auprès des monuments de leur munificence. On en avait fait plus tard deux Marc-Antoine, avec de nouvelles inscriptions. Il est impossible de savoir exactement quel chemin suivit
Pausanias pour gagner l'Érechthéion. Il devait naturellement faire le tour de
la partie orientale de la citadelle, en longeant le mur de l'est. C'était à
la fois une route nouvelle pour lui, et la route la plus courte. On remarque,
en effet, qu'il ne cite plus que trois statues : celle d'Olympiodore, renommé pour ses exploits contre
les Macédoniens, celle de Diane Leucophryné,
offrande des fils de Thémistocle, et Diane Leucophryné était adorée particulièrement par les Magnètes, dont le roi de Perse avait donné le gouvernement à Thémistocle. Nous avons vu plus haut qu'au retour de l'exil les fils de Thémistocle consacrèrent encore le portrait de leur père dans le Parthénon. Endœus était Athénien et élève de Dédale. Il avait fait, dans le style de la vieille École attique, une Minerve assise que Callias avait consacrée dans l'Acropole. On a retrouvé deux statues de Minerve dont la pose et le style correspondent à ces indications. L'une est aujourd'hui à l'entrée de la citadelle, auprès de la maison des gardiens ; l'autre contre l'Érechthéion, du côté du nord. Assises sur un trône, elles ont les pieds posés sur un tabouret, les jambes serrées, les mains collées le long du corps. C'est plus que de la sculpture archaïque ; c'est presque de l'art égyptien. La tunique forme de légers plis, ou plutôt des rides semblables aux ondulations symétriques qu'on remarque sur certaines statues égyptiennes. La statue voisine de l'Érechthéion a perdu le haut du corps ; l'autre n'a de moins que la tète, et l'on voit le Gorgonium plaqué sur la poitrine. Les tresses de cheveux grossièrement sculptées tombent encore sur les épaules. Il est intéressant de contempler ces marbres, qui sont des copies d'après Endœus, des copies bien postérieures. Car on ne retrouve point l'inscription que rapporte Pausanias, et l'on sait, d'autre part, que l'œuvre d'Endœus était en bois d'olivier. A l'orient de l'Érechthéion, différentes sculptures et inscriptions, dont Pausanias ne parle pas avant d'entrer dans le temple, ont été retrouvées. Un bas-relief qui représente Minerve avec le serpent et son bouclier à ses pieds, sujet tant de fois reproduit, avait été offert par un habitant de Colophon. Un autre, consacré pendant que Diophane était prêtre de Neptune-Érechthée, nous montre un malade dans son lit et qui, sans doute, s'est acquitté du vœu auquel il croyait devoir sa guérison. Du reste, le travail de cette sculpture est fort mauvais. Plus loin, c'est le peuple athénien qui a décerné une statue à Valéria, vierge sacrée. |