ESSAI SUR LE RÈGNE DE TRAJAN

 

CHAPITRE XIII. — GUERRE EN ORIENT.

 

 

Jusqu'ici Trajan n'a pas cessé de mériter l'éloge que lui adressait Pline au commencement de son règne : Ce qui rend votre modération plus admirable, c'est que vous aimez la paix, vous, nourri dans la gloire des armes... Vous ne redoutez la guerre ni ne la provoquez[1]. Comme nous l'avons dit, en effet, les expéditions dirigées contre les Daces étaient commandées par une nécessité impérieuse, elles assurèrent la sécurité de l'empire sur la frontière la plus souvent menacée au premier siècle et procurèrent l'heureuse extension de la civilisation occidentale au-delà du Danube. L'assujettissement de l'Arabie était également nécessaire, et ne fut ni long ni difficile. Maintenant, après sept ans d'une paix glorieuse et féconde, Trajan éprouve ce vertige qui troublera si souvent ses successeurs, les jettera contre les Parthes ou les Perses, et causera les guerres les plus inutiles et les plus longues qui aient ensanglanté l'empire jusqu'à son déclin.

Depuis longtemps déjà, les Romains songeaient à porter la guerre dans le Haut-Orient. A peine remis des discordes civiles, ils demandèrent à Auguste d'attaquer et d'assujettir les Parthes, et après plus d'un siècle ils ne se lassaient pas de répéter leur vœu. On peut, je pense, assigner trois causes à ce désir irréfléchi dont la réalisation était impossible et dont la poursuite devait coûter si cher.

En premier lieu, la défaite de Crassus avait extraordinairement frappé les esprits. La destruction presque complète de son armée, la perfidie des vainqueurs, leur joie insultante après le triomphe, laissaient une impression mêlée d'épouvante et d'humiliation. La restitution des étendards pris à Carrhes et à Sinnaca, ces batailles néfastes comparables aux journées de l'Allia et de Cannes, n'apaisa qu'à demi le sentiment public, si haut qu'Auguste ait voulu la faire sonner. Ce que réclamait la nation, c'était une vengeance éclatante qui fit oublier aux autres peuples, comme à elle-même, un des souvenirs les plus amers de son histoire.

D'autre part, on sait combien les produits de l'Orient furent recherchés à Rome à la fin de la République et pendant les premiers siècles de notre ère. Mais les épices, les aromates, la soie, les perles, n'étaient à cause de leur prix, réservés qu'à un petit nombre de personnes opulentes : le transport de ces précieuses marchandises était soumis à beaucoup de chances défavorables. On ne se rendait pas un compte exact de la situation géographique des pays où elles étaient recueillies, ni des conditions qui les rendraient toujours assez rares : des récits merveilleux sur la richesse inépuisable de ces contrées lointaines, la douceur de leur climat, l'aspect bizarre des animaux qui leur étaient propres et les mœurs étranges de leurs habitants, circulaient dans Rome, y excitaient dans toutes les classes la curiosité et la convoitise et poussaient aux entreprises aventureuses. Or, malgré la découverte d'Hippalus, la navigation des mers de l'Inde et des golfes Arabique et Persique était pleine de périls pour des marins aussi peu habiles que les Romains[2], et les caravanes qui traversaient les déserts de la Mésopotamie[3] étaient continuellement pillées ou rançonnées par les Arabes et les Parthes. De là un désir immodéré d'incorporer à l'empire ces régions vantées, ou au moins de se rendre maîtres des routes suivies par les marchands qui les visitaient.

Enfin, et cette dernière raison me parait la plus puissante, les politiques romains étaient fort jaloux de la gloire d'Alexandre. Les Grecs s'étaient consolés de leur assujettissement en vantant outre mesure la puissance et la sagesse du héros macédonien, et le moins grec de tous les grands hommes nés dans la péninsule hellénique devint la personnification glorieuse des races que ses ancêtres et lui-même avaient abaissées et maltraitées : on lui prêta des projets immenses pour le bonheur de l'humanité, on lui attribua des qualités militaires qui le rendaient invincible et qui lui auraient assuré l'empire du monde si une mort prématurée n'eût dissous, au moment même où il la constituait, la monarchie universelle qu'il avait conçue. Les Romains, qui avaient à demi réalisé le plan supposé d'Alexandre, ne pouvaient, sans être froissés, entendre incessamment cet éloge du fils de Philippe.

Leurs succès, suivant les Grecs, n'étaient dus qu'à la fortune, ceux d'Alexandre avaient été obtenus par l'intelligence et la vertu. Heureux les Romains que le Macédonien ne se fût pas jeté sur l'Italie ! Rome disparaissait avant d'avoir fait parler d'elle. Le Parallèle que nous lisons dans Plutarque se traitait depuis longtemps dans les écoles, et Tite-Live n'a pu s'empêcher d'y répondre en quelques mots dans son histoire, bien que cette digression soit peu conforme à la manière habituelle de ses récits. Et il nous apprend, ce qui est important ici, que les Grecs vantaient la gloire des Parthes aux dépens de celle des Romains[4], on comprend assez de quelle manière. Alexandre, disait-on, a vaincu les Perses en trois années[5], et vous, Romains, vous avez toujours reculé devant les Parthes, qui ne font qu'une faible partie des peuples soumis jadis au grand roi. Pour mettre fin à ces bavardages grecs, il fallait soumettre définitivement les Asiatiques, installer des colons légionnaires dans les villes fondées par les soldats macédoniens et clore la discussion sur les mérites comparés d'Alexandre et de Rome en incorporant à l'empire tous les pays que le héros macédonien avait traversés et possédés un instant et ceux mêmes dont il avait seulement médité la conquête[6] : les limites du monde habitable alors connu deviendraient celles de l'orbis Romanus, et la monarchie universelle serait réalisée par les Romains, et à leur profit[7].

Sous l'action combinée de ces trois mobiles se forma le vœu qu'on lit chez tous les poètes du premier siècle, en termes presqu'identiques, d'une guerre à entreprendre en Orient[8]. Ces poètes se faisaient-ils l'écho fidèle d'une préoccupation nationale toujours vivace, ou bien, ce qui est plus probable, ne devons-nous signaler ici qu'un lieu 'commun, et le procédé d'une poésie de jour en jour plus artificielle ? On conviendra que, dans les deux cas, cette répétition assidue de la même pensée devait déterminer un courant assez puissant de l'opinion publique pour agir à la longue sur la politique impériale[9].

Montesquieu, qui souvent pense en Romain, s'est fait, après dix-huit siècles, le complice et le flatteur de ce préjugé propre au peuple qu'il a tant étudié, en écrivant : Les Parthes et les Romains furent deux puissances rivales qui combattirent non pas pour savoir qui devait régner, mais exister[10]. Un passage des Considérations sur la grandeur des Romains nous permet de réfuter Montesquieu par lui-même. Il y a, dit-il avec raison[11], de certaines bornes que la nature a données aux états pour mortifier l'ambition des hommes. Lorsque les Romains les passèrent, les Parthes les firent presque tous périr. Quand les Parthes osèrent les passer, ils furent d'abord obligés de revenir ; et de nos jours les Turcs qui ont avancé au-delà de ces limites ont été contraints d'y rentrer. La vérité est que les Parthes n'ont été réellement menaçants pour Rome que pendant les guerres civiles, alors que, sous la conduite de Labienus, ils occupèrent les provinces de Syrie et d'Asie. Chassés de ces régions par L. Ventidius Bassus qui remporta une brillante victoire le jour anniversaire de la bataille de Carrhæ[12], ils repassèrent l'Euphrate et ne tirent plus aucune tentative de conquête vers l'Occident. Si la position géographique des deux empires les maintenait dans une réciproque indépendance, la constitution politique du gouvernement parthe était d'ailleurs tout à fait impropre à servir les desseins d'un peuple conquérant. Cette constitution était essentiellement féodale[13] : la diversité de races et de religions des nations groupées sous le sceptre des Arsacides ne comportait pas une union plus complète. Chaque peuple était gouverné par un prince ou chef tiré de son sein, et conservait son autonomie avec une indépendance presqu'absolue. Ces grands vassaux du roi des Parthes sont appelés par les historiens grecs toparques[14] ou phylarques[15], dénominations qui mettent en relief le caractère local et très-limité de leur puissance. Ils recevaient l'investiture du roi des Parthes[16], mais, cette cérémonie une fois accomplie, le gouvernement de Ctésiphon n'intervenait plus dans leurs affaires. Chacun de ces phylarques fournissait, en temps de guerre, un contingent déterminé. Mais il n'y avait point d'armée permanente[17], les troupes ne recevaient pour solde que leur butin, et n'emportaient jamais de vivres et de bagages que pour quelques jours[18]. Cette organisation militaire, suffisante pour la défense du territoire, rendait impossible une guerre lointaine et prolongée ; plus d'une fois les Parthes abandonnèrent leur roi après quelques jours de campagne, lorsqu'il eût fallu profiter de la victoire et poursuivre des avantages obtenus[19] ; on les vit aussi déposer leur chef, craignant qu'il n'entreprît de guerre étrangère.

Rome n'avait donc rien à craindre de ces barbares tant qu'elle n'allait point les provoquer au-delà de l'Euphrate. D'ailleurs la suprématie qu'elle recherchait, à tort ou à raison, dans le Haut-Orient, pouvait être acquise par la diplomatie ou par la conquête. Les premiers Césars employèrent exclusivement la diplomatie. Ils mirent à profit les guerres civiles, si fréquentes dans les annales Arsacides, pour susciter à leurs adversaires des embarras permanents, tantôt en soutenant les révoltes des grands vassaux, et en particulier les revendications des rois d'Arménie, tantôt en accueillant à Rome les princes dépossédés, et en menaçant toujours les usurpateurs d'une restauration violente. Ils avaient embrassé cette opinion de Tibère qu'il faut employer dans les affaires du dehors la finesse et la politique, et n'y point engager ses armées[20], et, en lisant dans Tacite les détails de la diplomatie impériale en Orient, on n'y peut méconnaître la continuation très-réfléchie de celle que le Sénat, jadis, avait si habilement mise en œuvre dans l'Asie Mineure[21].

Avec Trajan tout est changé, et cette histoire prend un caractère nouveau. Le dessein poursuivi avec persévérance par les premiers Césars est abandonné. Trajan inaugure la politique de conquête au-delà de l'Euphrate. La soumission des rois barbares ne lui suffit plus, il veut étendre les limites du territoire romain, y faire entrer de nouvelles provinces[22]. Il obtint, au début de son expédition, depuis longtemps combinée, des succès éclatants et rapides, dont les Romains, malheureusement, ne perdront plus le souvenir ; la légende va bientôt pénétrer et défigurer cette glorieuse guerre parthique, et multiplier les exploits du nouvel Alexandre. Hadrien, averti par les défaites que Trajan subit au lendemain même de ses victoires, reprend l'ancienne limite de l'Euphrate, traite avec les Arsacides et cherche à renouer la tradition diplomatique interrompue : l'opinion s'en irrite et s'en indigne et bientôt la guerre recommencera. Trois siècles de revers n'éclaireront pas les Romains sur l'impossibilité de leur entreprise, et les forces de l'empire s'useront dans une lutte sans issue. Nous allons assister au commencement de cette période fatale, et suivre Trajan dans ces plaines où iront mourir après lui Macrin, Gordien le Pieux, Valérien, Carus, Constance, Julien.

 

§ 1.

Trajan ne fit qu'une seule expédition en Orient.

Pour le récit des guerres de Trajan dans l'Orient, les sources sont aussi peu abondantes que pour la guerre dacique. L'histoire des guerres parthiques avait été écrite par Arrien[23]. En songeant à l'exactitude bien connue de cet auteur, à sa critique judicieuse, aux moyens qu'il avait eus, pendant qu'il gouverna la Cappadoce, d'être bien instruit sur des faits encore tout récents, on sent vivement la perte des Παρθικά : nous essaierons de tirer parti des très-courts fragments de cet ouvrage conservés dans Malalas et dans Etienne de Byzance. Xiphilin, complété par Suidas qui a puisé dans le livre même de Dion, reste notre garant principal et presque unique[24]. Malalas donne quelques détails intéressants, noyés dans une narration prolixe, confuse et mêlée de circonstances fabuleuses[25].

Nous devons d'abord élucider brièvement un point important de chronologie.

On a beaucoup discuté sur la date à laquelle il faut rapporter le départ de Trajan pour l'Orient, et le commencement de la guerre des Parthes.

Tillemont veut que l'empereur ait fait en Orient deux guerres, l'une en 106 après J.-C., l'autre en 114[26].

Les autres historiens et chronologistes n'admettent qu'une guerre, commencée en 112 selon le P. Pagi[27], en 113 suivant Borghesi et Noris[28], en 115 suivant Eckhel, suivi par Francke[29].

Etablissons d'abord contre Tillemont[30] qu'il n'y eut qu'une seule guerre parthique. Les raisons qu'il a invoquées à l'appui de son opinion sont : 1° la chronographie de Malalas ; 2° les actes du martyre de saint Ignace ; 3° des médailles ; 4° des inscriptions.

1° Suivant Malalas, Trajan, provoqué par Meerdotes, roi des Parthes, quitta Rome, la XIIe année de son règne, au mois d'octobre, et entra à Antioche le jeudi 7 janvier suivant[31]. Tillemont ne s'attache qu'à cette dernière circonstance, et fixe dès lors l'entrée de Trajan dans la capitale de la Syrie à l'année 107 ; car, dit-il, cette rencontre du jeudi avec le septième jour de janvier, qui convient à l'an 107 et qui ne convient à aucun autre durant tout le reste du règne de Trajan, semble ne se devoir point mépriser[32]. En acceptant comme exacte cette indication du jour ; Tillemont est contraint de rejeter l'indication de l'année donnée par l'historien byzantin, puisque l'empereur aurait quitté Rome en octobre 106, et l'an 106 n'est pas le douzième de son règne[33]. Mais par cette exclusion même, il discrédite l'autorité sur laquelle il s'appuyait.

2° Suivant les actes du martyre de saint Ignace, l'évêque d'Antioche fut victime de persécutions commencées contre les chrétiens la neuvième année du règne de Trajan[34] ; et, suivant saint Jérôme, il serait mort effectivement en 107 de notre ère[35]. Mais d'autre part la chronique Paschale rapporte ce martyre à l'an 105[36], et l'on a, somme toute, de fortes raisons de croire que ces dates ont été déplacées. On sait que dans la correspondance échangée entre Pline et Trajan, le gouverneur de Bithynie demande à l'empereur comment il doit traiter les chrétiens de sa province, ajoutant qu'il n'a jamais vu juger de semblables affaires ; l'empereur lui fait une réponse que nous apprécierons plus loin, et qui prouve, à première vue, qu'aucune persécution n'afail encore eu lieu sous le règne. Ni l'un ni l'autre des correspondants ne font allusion au supplice infligé à Ignace dans le cirque de Rome, et il est évident que ce supplice est postérieur à la légation de Pline, laquelle, comme il ressort des lettres mêmes, dura deux ans et demi. Aussi Tillemont met-il cette légation en 103-104. Mais nous verrons qu'elle eut lieu en 111-113. Il faut donc retarder de plusieurs années la date du martyre d'Ignace, et il est très-vraisemblable, en effet, qu'il eut lieu après le tremblement de terre d'Antioche (décembre 115), que suivirent plusieurs manifestations de paganisme accompagnées de cérémonies superstitieuses[37].

3° Les médailles datées du 5e consulat de Trajan (103 à 112), qui portent les légendes INDIA, TIGRIS, REX PARTHIS DATVS, et sur lesquelles Tillemont s'est également appuyé, sont de l'invention de Mezzabarba[38].

4° Enfin les inscriptions, antérieures à l'an 116, dans lesquelles Trajan porte le surnom de Parthicus[39], sont reconnues fausses depuis longtemps.

Il faut donc abandonner l'idée de deux guerres parthiques : il nous reste à fixer le commencement de celle qui ne se termina qu'avec la vie de Trajan.

Eckhel avait très-bien vu qu'une médaille d'or, portant au revers les mots AVGVSTI PROFECTIO[40], devait marquer le départ de Trajan pour l'Orient, et qu'elle ne pouvait être ni antérieure à l'an 113, puisque le prince y porte le surnom d'Optimus qui manque dans l'inscription de la colonne trajane dédiée cette année même, ni postérieure à l'an 115, puisque Trajan était à Antioche pendant le tremblement de terre. Mais, à l'époque où écrivait Eckhel, on ne possédait pas de monuments épigraphiques qui permissent de fixer avec précision le début des opérations militaires en Orient. Nous sommes en mesure de le faire aujourd'hui. En effet, une borne milliaire de la voie latine, conservée à Ferentino, porte l'inscription Imp. Cæsar Divi Nervæ F. Nerva Trajanus.... trib. pot. XVIII imp. VIIII cos VI[41]. Le chiffre de la puissance tribunitienne indique l'année 114 ; et, puisque dans cette année, Trajan avait été trois fois acclamé imperator, il est manifeste que la guerre était engagée depuis un temps assez long. C'est donc à la fin de l'année 113, vers le mois de septembre ou le mois d'octobre, époque habituelle des départs pour l'Orient[42], que Trajan quitta Rome : on peut le conclure aussi d'un passage de Malalas, en contradiction avec celui que nous avons cité plus haut, mais offrant plus de garanties d'exactitude[43]. C'est également en 113 que fut frappée la médaille dont nous avons parlé, et que Trajan reçut du Sénat le surnom d'Optimus.

Nous pouvons maintenant aborder le récit des campagnes de 114, 115, 116 et 117, après avoir, au préalable, reconstitué l'effectif de l'armée romaine. Elle se composait, cette fois encore, de trois légions : la VIa Ferrata, la Xa Fretensis, la XVIa  Flavia Firma. Trajan y joignit un certain nombre de corps de cavalerie qu'il fit venir d'Europe et qui étaient absolument nécessaires pour combattre les Parthes, dont cette arme constituait la principale force. Ainsi l'Ala Ia Flavia Augusta Britannica civium Romanorum fut détachée de l'armée de Pannonie[44]. Une inscription de Byllis, en Epire, parle aussi de cavaliers tirés de corps auxiliaires, envoyés en Mésopotamie à la même époque[45]. Quant aux légions que nous avons citées, elles étaient depuis longtemps cantonnées en Orient, savoir : la VIa en Syrie, la Xa à Jérusalem, et la XVIa à Samosate[46]. C'est donc bien faussement, et dans l'intention trop visible de flatter Lucius Verus, que Fronton a écrit[47] : Trajan partit pour la guerre avec des soldats qu'il connaissait, qui méprisaient le Parthe, et se moquaient des coups de flèches après les grandes blessures faites par les faux des Daces. Aucune des trois légions n'avait fait la guerre en Dacie et n'était plus aguerrie que celles de Verus.

En l'an 111 après J.-C., Chosroès (Arsace XXVII) succéda sur le trône des Arsacides à Pacorus[48], son frère aîné, bien que celui-ci eût un fils nommé Parthamasirus[49] d'âge à régner. Le nouveau roi, pour dédommager son neveu, et pour éviter une guerre civile, donna à Parthamasirus la couronne d'Arménie, après avoir dépossédé Exédarès qui régnait dans cette contrée, ayant succédé à Tiridate et reçu à son avènement l'investiture romaine. Trajan saisit avidement ce prétexte, et déclara la guerre aux Parthes. N'avait-il pas contre eux quelqu'autre sujet de plaintes ? Xiphilin ne parle que d'une guerre faite à Chosroès, pour la cause que nous venons d'énoncer. Mais il semble que déjà, sous Pacorus, quelques difficultés s'étaient élevées entre les deux nations. Suidas, au mot έπικλήμα, nous apprend que Pacorus se plaignait à Trajan de l'inobservation d'une trêve de trente jours, pendant laquelle le commandant des troupes romaines s'était fortifié, au mépris des conventions stipulées. Suidas tire évidemment cette citation de quelque passage de Dion, non résumé par Xiphilin, ou bien d'Arrien ; et, par conséquent, elle a une certaine valeur historique. N'oublions pas non plus que, pendant la guerre dacique, Pacorus avait entretenu des relations avec Décébale[50]. Il ne serait donc pas impossible que les Parthes eussent réellement violé la frontière romaine, et que Trajan eût été contraint de faire la guerre ou au moins une sérieuse démonstration militaire : ce n'est pas cette détermination même que nous avons blâmée, mais seulement la politique de conquête qui fut adoptée après les premières victoires.

Avant de commencer ses opérations, Trajan avait noué d'importantes alliances en Orient. Depuis l'avènement de Chosroès jusqu'à l'automne de l'an 113, il échangea de nombreuses et importantes communications avec le roi du Bosphore cimmérien Sauromates II[51], et nous allons voir, dès la première année de la guerre, tous les rois des peuples habitant le Caucase se ranger autour de l'empereur, ce qui suppose des négociations engagées avec eux depuis un certain temps.

 

§ 2.

Conquête de l'Arménie.

Ainsi que nous l'avons dit, Trajan, à l'automne de l'an 113, quitta Rome où il ne devait plus revenir[52]. Il se rendit d'abord à Athènes et y trouva une ambassade de Chosroês, qui cherchait à se mettre en règle au moment où il apprenait la résolution de l'empereur. Le roi parthe déclarait avoir pris sur lui de déposer Exédarès, parce que ce souverain avait manqué à la fois, envers les Romains et envers les Parthes, aux doubles devoirs qui lui incombaient : quant à Parthamasirus, il ne songeait pas à régner sans le consentement des Romains, et Chosroès priait Trajan de lui donner l'investiture[53]. L'ambassade était chargée de riches présents pour l'empereur[54] ; mais Trajan ne voulut pas les recevoir. Il répondit brièvement qu'à tous ces arrangements il fallait pour garantie des actes, et non des paroles, — qu'il allait se rendre en Syrie, — qu'il verrait là et ferait voir ce qu'il jugerait le plus convenable[55]. En effet, il traversa rapidement la province d'Asie[56], la Lycie, gagna Séleucie sur l'Oronte[57], et enfin Antioche. Là il consacra dans le temple de Jupiter Kasios une partie du butin fait dans la guerre dacique, et on peut lire dans l'Anthologie les vers que le bel esprit Hadrien composa pour accompagner l'offrande impériale :

A Jupiter Kasios, au maître des Dieux, Trajan, descendant d'Enée, maître des mortels, a dédié cette offrande : deux coupes artistement ciselées, une corne d'urus travaillée et rehaussée d'or. Il les prit aux Gètes superbes, qu'il terrassa de sa lance. Dieu, dont la tête se cache dans les nuages, accorde-lui la victoire dans la guerre achéménienne, et ton cœur se réjouira à la vue des doubles dépouilles, celles des Gètes et celles des Arsacides[58].

L'empereur fit plus encore : pour flatter les superstitions locales, il alla consulter l'oracle d'Héliopolis sur l'issue de la guerre qu'il entreprenait[59]. Il soumit d'abord la science du dieu à une épreuve peu respectueuse. Les prêtres lui avaient dit d'écrire sa demande sur un billet qu'il remettrait cacheté, et lui avaient promis une réponse dans la même forme[60]. Trajan remit un billet blanc, mais en ouvrant celui qui lui était rendu, il ne trouva qu'une feuille blanche. Il prit alors une haute opinion de la divinité qui répondait avec tant d'esprit, et il l'interrogea de bonne foi. Le Dieu ordonna de couper en morceaux le cep de vigne d'un centurion déposé parmi les offrandes, et de remettre à Trajan ces éclats de bois rassemblés dans un sudarium. On ne comprit rien à la réponse : plus tard, dit Macrobe, quand les os de Trajan furent rapportée à Rome, on reconnut combien elle était juste. Il était difficile, ainsi que l'a remarqué Van Dale[61], qu'une réponse aussi vague ne pût être adaptée à l'événement, quel qu'il fût.

Après s'être mis en règle avec les Dieux, Trajan s'avança vers l'Arménie, sans doute vers le mois d'avril 114, quand les neiges ne fermaient plus les passages de cette montagneuse région. Parthamasirus lui écrivit, espérant détourner le danger qui le menaçait, et qui, chaque jour, devenait plus visible et plus prochain. Mais dans sa lettre, il eut la maladresse de prendre le titre de roi : elle resta naturellement sans réponse. Il en écrivit une seconde, dans laquelle, mettant de côté toute prétention et se faisant aussi humble qu'il le pouvait, il demandait simplement à conférer avec le gouverneur de la Cappadoce, Marcus Junius[62]. Trajan ne suspendit pas sa marche : il envoya au prince arménien le fils de Junius, chargé probablement de promesses vagues. Quant à lui, il s'avança jusqu'à Samosate, en côtoyant l'Euphrate, sans être inquiété par les Parthes un seul instant[63], et il arriva ainsi à Satala, vers l'extrémité septentrionale de la Petite Arménie[64]. Il y trouva les rois des nations qui habitaient les bords de l'Euxin et de la mer Caspienne, et la région du Caucase, venus là pour rivaliser d'empressement et de soumission. Tous n'avaient pas d'abord montré un zèle égal : Trajan récompensa ceux qui, comme Anchialos, souverain des Hénioques et des Machélons, avaient donné, en temps opportun, des témoignages d'adhésion à la politique romaine. Les autres rencontrèrent un accueil plus froid, mais en furent quittes pour de sévères reproches[65].

Eutrope (VIII, 3) dit que Trajan donna un roi aux Albaniens, qu'il reçut l'hommage des rois des Ibères, des Sarmates, du Bosphore, des Arabes, des Osrhoéniens et des Colchiens. Il mêle ici des faits appartenant à plusieurs époques : toutefois son énumération est exacte. L'Albanie, l'Ibérie et la Colchide constituent, par leur réunion, l'isthme du Caucase. Les deux premiers pays formaient chacun un état puissant. Les Albaniens étaient divisés en vingt-six hordes qui, jadis, avaient eu chacune leur chef, mais, du temps de Strabon, elles étaient déjà soumises à un seul souverain[66]. Les Ibères étaient également groupés sous le gouvernement d'un chef unique, comme le prouve une inscription de l'an 75, trouvée prés de Tiflis, et faisant connaître que Vespasien avait aidé le roi des Ibères Mithridate, fils de Pharasmane, à fortifier contre les Parthes la ville principale de ses états[67]. Quant aux Colchi, qu'Eutrope désigne ici par leur nom générique, ils se divisaient en plusieurs tribus indépendantes dont chacune avait son roi, et qu'Arrien énumère avec détails ; il les nomme dans l'ordre suivant, en remontant la côte au nord-est depuis Trébizonde : les Sanni, les Machelones, les Heniochi, les Zydritæ, les Lazi, les Apsilæ, les Abasci, les Sanigæ[68]. En 132, quand le périple fut composé[69], Anchialos régnait sur les Machelones et les Heniochi qu'il gouvernait déjà du temps de Trajan, au témoignage de Dion[70], et Julianus, roi des Apsilæ, avait également reçu de Trajan l'investiture[71]. Les Sarmates, dont parle Eutrope, sont ceux de l'Asie, qui s'étendaient depuis le Caucase jusqu'au Palus Méotide, et dont Pline a nommé quelques tribus[72]. D'après Arrien, Stachempax, roi des Zilchi ou Zinchi au moment où fut écrit le Périple, tenait sa couronne d'Hadrien[73] : nous ignorons comment s'appelait celui qui régnait sur ce petit peuple au moment de la guerre Parthique. Le roi des Bosporani est Sauromatès II, roi du Bosphore Cimmérien, qui régna de 93 à 124 ap. J.-C.[74] Il avait effectivement reçu l'investiture de Trajan, mais au commencement du règne et non pendant la campagne d'Orient[75]. Quant aux Osrhoéniens et aux Arabes, c'est plus tard que Trajan reçut la soumission de leurs chefs. Comme on le voit, il prenait pied partout en Asie, en se mêlant aux affaires de ces peuples dont les Romains, cinquante ans plus tôt[76], connaissaient à peine les noms.

La soumission ou l'amitié des peuples du Caucase était un intérêt militaire de premier ordre. Trajan, en effet, attaquait les Parthes en suivant le plan, attribué à Jules César[77], de prendre la Petite-Arménie pour base d'opérations afin d'éviter le désert si fatal à Crassus[78]. En adoptant ce plan, une partie des approvisionnements nécessaires à l'armée devait venir par le Pont-Euxin, puis être transportée à travers le Taurus, par la route extrêmement difficile qui relie Trébizonde à Erzeroum. Or l'expérience acquise démontrait que sur cette route, qui n'est d'ailleurs praticable que quelques mois de l'année et présente en toute saison de grands obstacles, les convois ne cheminaient que lentement, et qu'un petit nombre d'hommes connaissant le pays et placés à des endroits favorables, les auraient enlevés aisément si les défilés n'avaient été occupés à l'avance par des troupes romaines immobilisées pour ce service[79]. La neutralité des contrées voisines rendit ces troupes disponibles pour la guerre active : de plus, une grande partie des réquisitions, surtout en chevaux et en fourrages, fut faite probablement dans ces contrées mêmes, d'après des arrangements conclus entre Trajan et les petits rois qu'il avait rendus ses tributaires.

L'empereur, continuant sa marche vers le nord, arriva à Elegia[80] où sans doute il rallia une partie de ses forces[81]. Là, Parthamasirus obtint enfin l'entrevue qu'il avait si instamment sollicitée. Il vint plier le genou devant l'empereur assis sur un suggestus, dans tout l'appareil de sa puissance[82], au milieu des troupes sous les armes. Il voulait demander l'investiture, et se conformait au cérémonial accoutumé, mais les soldats prirent cette humble posture pour un acte de recours en grâce et un témoignage de repentir : persuadés que l'Arsacide renonçait à son royaume sans avoir livré une seule bataille, ils ne purent contenir leur joie et ils acclamèrent Trajan comme imperator.

Parthamasirus, effrayé des cris poussés de toutes parts, crut sa vie en danger et se retira précipitamment. Mais des soldats le poursuivirent, se saisirent de lui, et le ramenèrent près de l'empereur, sans lui épargner les mauvais traitements ni les insultes. Le malheureux, ne comprenant rien à ce qui se passait, attendait toujours le moment de faire hommage à Trajan : s'imaginant que la cérémonie pourrait avoir lieu, sans être troublée, dans la tente impériale, il y pénétra. Au bout d'un instant on l'en vit sortir, et l'empereur reprendre sa place sur son suggestus. D'une voix impérieuse et brève, il ordonna à l'Arménien de s'expliquer devant tous, afin que jamais les paroles qu'ils allaient échanger ne pussent être dénaturées. Les troupes, silencieuses cette fois, se pressaient autour d'eux : Parthamasirus sentit qu'il était perdu. En cet extrême danger, ni sa sincérité, ni sa noblesse ne l'abandonnèrent. Il dit, aussi haut qu'on l'exigeait, et avec autant de simplicité que s'il eût parlé à Trajan dans le tête-à-tête ou en présence de son conseil, que la souveraineté d'Arménie lui appartenait légitimement à la seule condition de recevoir le diadème des mains de Trajan, comme Tiridate avait reçu le sien des mains de Néron[83], qu'il venait se soumettre à cette investiture, que sa personne et sa liberté ne devaient souffrir aucune atteinte. Trajan fit alors connaître ses desseins, et déclara, en deux mots, que l'Arménie serait désormais une province romaine. Il permit à Parthamasirus de se retirer avec quelques cavaliers qui l'avaient accompagné, niais il leur donna une escorte chargée d'empêcher qu'ils communiquassent avec personne, et de surveiller tous leurs mouvements. A d'autres Arméniens qui avaient suivi le prince, il enjoignit de retourner chacun dans sa ville, sans aucun délai, et avec défense expresse d'en sortir.

Quelques amis fidèles attendaient-ils Parthamasirus en dehors du camp ? Les appela-t-il à son secours ? Ou bien essaya-t-il de se débarrasser, soit par la fuite, soit par une lutte désespérée, des gardes que Trajan avait placés près de lui ? On ne sait, mais ce qui n'est que trop certain, c'est qu'il fut mis à mort par son escorte. De son court règne de trois ans, on ne connaît que cette fin sanglante, qui marque tristement la nouvelle politique de Trajan et le début de ses conquêtes[84].

L'Arménie entière ne fut pas réduite en province, et la seule partie incorporée se composa sans doute du bassin supérieur de l'Euphrate et des districts voisins du Pont-Polémoniaque. En effet, si l'on compare au texte de Dion Cassius, des chapitres correspondants de l'histoire d'Arménie de Moïse de Khorène, on sera frappé de ne trouver aucun rapport entre les deux récits. Suivant l'historien arménien, Ardachès, roi d'Arménie, aurait d'abord refusé le tribut aux Romains et battu les légions de Domitien, mais quand Trajan arrive en Asie, Ardachès cède à son ascendant, lui remet l'arriéré des impôts qu'il devait, et obtient son pardon ; Trajan le défend même contre les entreprises de son frère Majan, et Ardachès reste, sous Trajan et sous Hadrien, l'ami fidèle de Rome[85].

Ainsi c'est au moment où, d'après Dion, les Arméniens perdirent leur indépendance, que se placerait le règne de leur plus grand prince, car Ardachès, sauvé miraculeusement d'un massacre par sa nourrice, reconquiert son royaume, donne et ôte les couronnes chez les Alains et chez les Perses, encourage l'agriculture, les arts libéraux, les sciences[86]. Malgré le caractère poétique de ce récit, il serait téméraire de le rejeter absolument. Moise, tout en convenant qu'il a résumé d'anciens chants épiques, déclare qu'il avait eu sous les yeux, pour écrire l'histoire d'Ardachès, des livres grecs tels que celui d'Ariston de Pella[87]. On conciliera œ qu'il peut y avoir ici de réel, avec les renseignements donnés par Dion, en admettant comme l'a fait M. Dierauer (p. 161), que Tiridate, Exedarès et Parthamasirus n'avaient régné que sur une partie de l'Arménie, et que cette partie seule fut réduite en province : en effet, les villes que, d'après Moïse, Ardachès a détruites, fondées ou embellies, sont toutes situées au centre de l'Arménie, dans le district d'Ararad. D'après cela il faudrait compter Ardachès au nombre des princes qui se soumirent à Trajan, et probablement il vint aussi à Satala[88].

Trajan prit rapidement les mesures propres à consolider la domination romaine dans le pays qu'une politique habile, plutôt que le sort des armes, venait de mettre dans ses mains. Les postes les plus importants de la nouvelle province furent garnis de troupes[89] ; la ville de Mélitène, qui commande un passage important de l'Euphrate, fut agrandie et fortifiée[90], et des détachements furent échelonnés sur la côte du Pont-Euxin[91], afin de maintenir toutes les nations barbares dans l'obéissance pendant que le gros de l'armée agirait contre les Parthes : Trajan, comme on voit, ne les attaquait point avant de s'être assuré tous les moyens de les vaincre.

Pendant qu'il réglait d'une manière si avantageuse les affaires d'Arménie, l'heureux et entreprenant capitaine dont nous avons raconté les exploits dans la guerre Dacique, Lusius Quietus, acquérait de nouveaux titres à la reconnaissance de l'empereur et à l'admiration des Romains. Se portant rapidement à l'Est, au-delà du cours de l'Araxe, il était allé attaquer, dans l'Atropatène, la belliqueuse nation des Manies, et l'avait vaincue[92]. L'Atropatène, ou comme l'appelaient les Romains, la Médie[93], fut le prix de sa victoire. Puis, par une de ces pointes qui plaisaient et réussissaient à son audace, il se rendit maître sans coup férir de Singara, et de quelques autres petites places du voisinage[94]. Or Singara (auj. Sindjar) est une position de premier ordre, qui domine la route d'Orfa à Mossoul, et sans laquelle on n'est jamais assuré de posséder la Mésopotamie[95].

En consultant une carte de ce pays, on sera tenté, au premier abord, de juger sévèrement le coup de main de Lusius sur Singara. Il se jetait au milieu de tribus non soumises, et ne pouvait recevoir aucun secours de Trajan, dont l'armée n'avait pas encore franchi l'Euphrate. Mais une connaissance plus détaillée des lieux fait comprendre comment l'occupation de ce poste se rattachait aux opérations ultérieures, et montre que l'imprudence n'est qu'apparente. La chaîne du Sindjar est une forteresse naturelle presque imprenable et toujours bien approvisionnée par la nature, ce qui a permis aux Yézidis qui l'habitent de défier jusqu'ici les efforts des pachas qui ont essayé de les réduire. Ils habitent, dit Kinneir[96], des villages ou plutôt des cavernes souterraines pratiquées dans le flanc des montagnes. Le sol qu'ils cultivent est assez fertile pour les mettre en état de se passer du blé de leurs voisins. Leurs montagnes abondent en sources et en pâturages : leurs chevaux sont excellents. D'après cela, il avait fallu autant de hardiesse que de bonheur pour s'emparer de la position, mais une fois qu'on en était maître, quelques hommes déterminés et industrieux suffisaient à la garder et pouvaient attendre, en parfaite sécurité, l'arrivée du reste des troupes.

La conquête de la Médie et celle de Singara valurent à Trajan sa huitième et sa neuvième salutation impériale[97]. Sur un diplôme militaire du 31 août 114, il ne porte encore que la septième[98], reçue à Elegia, ce qui prouve que son séjour en Arménie prit la plus grande partie de l'année, et que les opérations de Quietus se firent en automne. Comme récompense de ses services, ce brave officier obtint l'entrée au Sénat avec le rang d'ancien préteur, et fut désigné consul pour l'année suivante[99]. Trajan revint passer l'hiver à Antioche, où il entra en grande pompe, couronné d'olivier, le 7 janvier 115[100].

 

§ 3.

Campagne de l'an 115. - Conquête de la Mésopotamie.

Le texte de Xiphilin devient ici tellement court et même vague, qu'on ne peut émettre que des conjectures sur les événements de cette campagne et l'ordre dans lequel ils se suivirent. Trajan se rendit d'abord dans l'Osrhoène, dont le roi Abgare offrait depuis longtemps sa soumission, et dont les ambassades avaient été éconduites. Il consentait à céder à Rome la souveraineté qu'il tenait de Chosroès et qu'il lui avait payée d'une grande somme d'argent. Comme l'empereur allait entrer dans Edesse, il rencontra le phylarque qui venait à sa rencontre, renouvelant sa soumission et accompagnant cet hommage de présents considérables. C'étaient deux cent cinquante chevaux, avec les armures pour chaque cheval et le cavalier qui le monterait, et soixante mille flèches. Avec un désintéressement assez fastueux, Trajan n'accepta que trois armures, à titre de curiosités, et dit au phylarque de garder le reste. Mais Abgare tenait en réserve un moyen de succès infaillible. Il connaissait les penchants du vainqueur de l'Arménie, et il s'était fait accompagner de son fils Arbandès, jeune, bien fait, et dans toute la fleur de sa beauté. Arbandès plut à Trajan, qui le combla de caresses, et traita le père avec une douceur dont cette guerre n'offre pas un autre exemple et dont la raison est facile à pénétrer[101].

On passa quelques jours en fêtes et en banquets[102], puis la campagne commença, sur le conseil même d'Abgare[103], par l'invasion de l'Anthemusias, dont le phylarque Sporacès se rendit aux Romains. L'armée, avançant à l'Est, s'empara de Batnæ, centre d'un commerce considérable avec l'Inde et la Sérique[104], puis de Nisibe, où les armes romaines n'avaient pas paru depuis Lucullus[105]. La prise de Thebidha[106], château fort placé entre Nisibe et Singara, permit enfin de donner la main aux compagnons de Lusius, qui occupaient la dernière ville depuis l'année précédente, et l'assujettissement de la Mésopotamie fut complet. Enchantés de ce succès rapide, les soldats, dès ce moment, décernèrent à Trajan le surnom de Parthicus, mais il ne voulut pas le prendre sur les monuments avant de l'avoir reçu du Sénat et justifié par des conquêtes plus étendues[107].

Dans le même temps, les Parthes étaient en proie à la guerre civile. Un chef arabe, Manisarus avait attaqué Chosroès et ce dernier était en fuite[108]. Manisarus proposa à Trajan de partager les dépouilles de l'Arsacide. Il se désistait de toute prétention sur les parties de l'Arménie et de la Mésopotamie dont les Romains étaient maîtres[109], et il entendait régner sur le reste. Il va sans dire que Trajan n'accepta point, et il refusa même de conférer avec les ambassadeurs de Manisarus. Celui-ci conclut alors une alliance avec Manaus, autre roi arabe, que menaçait l'approche des Romains[110], et il semble même, autant que permet d'en juger le désordre des textes, que Manisarus avait négocié des deux côtés à la fois[111]. Trajan ne s'en préoccupa point : il n'était pas encore en mesure d'attaquer l'Assyrie. Il fallait franchir le Tigre et s'engager dans un pays inconnu ; la saison était trop avancée pour commencer des opérations aussi longues. Il les remit donc à l'année suivante, et ordonna de prendre, dans les forêts voisines de Nisibe, les bois nécessaires à la construction d'un pont de bateaux. On peut croire aussi qu'il était bien aise d'attendre le retour de Lusius Quietus, retenu à Rome, cette année même, par l'exercice de son consulat.

Malgré les facilités que. Trajan avait rencontrées dans cette conquête, rendue si rapide et si aisée par la désunion des Parthes et la rivalité des phylarques, il ne laissa pas s'affaiblir la discipline et la vigilance de ses soldats[112]. A soixante ans passés, il conservait l'activité et les habitudes de sa jeunesse, marchant à la tête des troupes, passant les gués à pied, partageant les fatigues et contenant l'ardeur de ceux qu'il commandait. Parfois il feignait de tenir de ses espions de mauvaises nouvelles et multipliait les précautions ; il répandait de faux bruits ou bien il ordonnait des marches et des contre-marches inutiles en apparence, mais propres à tenir en haleine des troupes déshabituées de la grande guerre[113] et placées en face d'ennemis dont les allures désordonnées et les attaques imprévues inspiraient toujours un certain effroi.

L'empereur revint prendre ses quartiers d'hiver à Antioche, comme à la fin de la précédente campagne. Mais celle qu'il terminait avait été moins longue, puisqu'il était déjà rentré dès l'automne dans la capitale de la Syrie. La prise de Batnæ et celle de Nisibe lui valurent ses Xe et XIe salutations impériales[114]. C'est, je pense, à cette époque qu'il constitua et organisa la province d'Arabie, laissée jusqu'alors sous l'administration du légat de Syrie[115]. En même temps il ordonna de construire, pendant l'hiver, une flotte qui devait descendre l'Euphrate l'année suivante, et servir ses projets dans le haut Orient. Dion ne dit rien de cette construction, mais il me semble en trouver des traces dans les fragments conservés des Παρθικά, et aussi dans les événements de l'an 116. Arrien racontait certainement des faits que Dion, ou plutôt son abréviateur, a passés sous silence. Ainsi, au Xe livre, il mentionnait Φάλγα ; ce ne peut être qu'à propos d'un passage de troupes. Or Φάλγα ou Φάλιγα se trouvait, suivant les Stathmes Parthiques d'Isidore, au voisinage immédiat de Nabagath, et au confluent du Chaboras et de l'Euphrate[116]. Au livre XIe, Arrien parlait de Νάαρδα sur l'Euphrate. Cette ville, très-importante et habitée par de nombreux israélites, ne pouvait être nommée ici à propos de la révolte des Juifs de Mésopotamie, qui eut lieu en 116 ou 117 et n'était, dès lors, racontée qu'à la fin des Παρθικά, au XVIe ou au XVIIe livre. Au livre XIIIe enfin, Arrien parle encore d'une satrapie baignée par l'Euphrate[117].

D'autre part nous allons voir Trajan naviguer sur le golfe Persique avec une escadre de cinquante navires. Où les aurait-il pris ? Quand Alexandre projeta une expédition maritime en Arabie[118], il fit construire sa flotte partie en Syrie — les navires démontés avaient été transportés par pièces à Thapsaque —, partie autour de Babylone, avec les cyprès qui entouraient la ville. Mais ces cyprès n'existaient déjà plus du temps de Strabon, qui dit que les Babyloniens employaient le palmier dans leurs constructions, faute de tout autre bois. Ce n'est donc pas à Babylone que Trajan trouva les éléments de la flotte dont il avait besoin. Tout porte à croire que ce fut en Syrie, et que les passages cités d'Arrien se réfèrent au voyage de cette flotte le long de l'Euphrate[119].

Enfin la campagne de Julien chez les Perses jette quelque jour sur la guerre parthique de Trajan. Or Julien opérait avec deux armées ; la plus considérable, à la tête de laquelle il se plaça, descendit le cours de l'Euphrate ; la deuxième, sous les ordres de Procope et de Sébastien, devait traverser la Mésopotamie au nord et rejoindre le corps principal à Ctésiphon[120]. Cette deuxième armée ne se trouva pas au rendez-vous. Je pense que ces deux attaques convergentes sur la capitale de l'Assyrie se retrouvaient dans le plan de campagne de Trajan, qui dut rester classique.

Pendant le séjour de Trajan à Antioche, un effroyable tremblement de terre désola cette riche capitale de la Syrie. Depuis quelques années, des fléaux semblables avaient ravagé l'Asie, la Grèce, la Galatie[121], mais la catastrophe d'Antioche paraît avoir été plus terrible que les autres[122]. Elle est aussi mieux connue, Dion l'ayant racontée en détail, à cause de la présence de l'empereur et des dangers qu'il courut. Pendant plusieurs jours, on entendit des roulements souterrains[123], préludes du tremblement de terre proprement dit. Le jeudi 13 décembre 115, après le chant du coq[124], on éprouva la première secousse ; d'autres lui succédèrent avec une rapidité étourdissante. C'étaient des oscillations verticales qui ébranlaient les édifices les plus solides et poussaient les autres hors de terre. Le fracas de leur chute, les débris qu'en s'écroulant ils projetaient de tous les côtés, un nuage de poussière remplissant les rues et les places, causaient un effroi et un désordre indicibles. On ne pouvait, selon les paroles de Dion, ni se voir, ni se parler, ni s'entendre. Comme le fléau se fit sentir pendant plusieurs jours, il fut impossible de porter secours aux malheureux ensevelis sous les décombres de leurs maisons, et lorsqu'enfin ceux qui s'étaient dérobés par la fuite à une mort certaine risquèrent leurs premiers pas sur le sol raffermi, on ne retrouva vivants qu'une femme qui allaitait un enfant et un autre enfant attaché, dit-on, au sein de sa mère déjà morte.

Trajan courut les plus grands dangers : il allait être écrasé sous les ruines du palais qu'il habitait lorsqu'un personnage de taille surhumaine vint, à ce que l'on raconta, l'arracher à ce lieu funeste et, le faisant passer par une fenêtre, le porter au milieu du cirque, .dans un vaste espace découvert où il put attendre en sécurité le raffermissement du sol. Mais dans le cirque même, Trajan et les siens étaient à peine rassurés, tant le mont Casius semblait vacillant et prêt à tomber sur la ville pour en achever la ruine. Le pays fut complètement bouleversé : des collines s'affaissèrent ; des cours d'eau s'engouffrèrent dans le sol, d'autres jaillirent tout à coup à la surface de la terre[125]. L'empereur en fut quitte pour quelques contusions légères. Mais sa présence avait amené en Syrie une foule d'étrangers, et cette circonstance augmenta le nombre des victimes. Beaucoup de sénateurs et d'hommes politiques avaient reçu l'ordre ou obtenu la permission de venir à Antioche conférer avec lui des affaires générales ; les députations des villes s'y étaient rendues pour le féliciter de ses victoires, enfin de simples curieux y affluaient, en grand nombre, de tous les points de l'empire. Au lieu des fêtes projetées pour la célébration de tant de victoires, on n'y trouva qu'une catastrophe terrible, qui jetait le deuil dans toutes les parties du monde romain.

Avant de reprendre ses opérations militaires, Trajan voulut soulager les maux qu'il laissait derrière lui. Il ordonna la réparation d'un très-grand nombre d'édifices et fit reconstruire somptueusement ceux qui n'existaient plus[126].

 

§ 4.

Campagne de l'an 116. - Conquête de l'Assyrie. - Révolte des Juifs.

Au printemps, Trajan reprit ses opérations et se disposa à envahir l'Assyrie proprement dite ou Adiabène, située au delà du Tigre. Il se dirigea vers Nisibe. Les ordres qu'il avait donnés pour la construction de bateaux qui permissent à l'armée de franchir le fleuve avaient été exécutés[127]. Ces bateaux, probablement décomposés en plusieurs pièces, furent transportés sur des chariots jusqu'au bord du Tigre, remontés sur place, et l'établissement du pont commença. Les habitants du pays, stupéfaits de voir ces embarcations surgir, en quelque sorte, au milieu d'un pays déboisé, s'enfuirent à l'exception d'un petit nombre d'archers Carduques qui, avec une bravoure égale à celle que leurs ancêtres avaient déployée jadis contre Xénophon et ses compagnons, essayèrent de s'opposer au passage[128].

Mais la hardiesse de quelques barbares ne pouvait arrêter une armée romaine pleine d'élan, munie de puissants moyens d'action et habile à les mettre en œuvre. Le nombre des barques dont on disposait dépassait celui qui devait entrer dans la composition du pont. Pendant que les soldats le construisaient avec cette promptitude surprenante qu'admiraient les hommes du métier[129], d'autres légionnaires et des auxiliaires légèrement armés traversaient le Tigre sur différents points, forçant les Carduques à courir de l'un à l'autre, et couvrant ainsi les travailleurs par plusieurs attaques, réelles ou feintes, exécutées dans le même moment. Les barbares furent balayés, le pont s'acheva et bientôt l'armée tout entière, transportée sur la rive gauche, devint presque immédiatement la maîtresse du pays. Dans des pourparlers engagés l'année précédente, Mebarsapès[130] avait traîtreusement fait prisonniers un centurion nommé Sentius et quelques soldats. Il les retenait dans la ville fortifiée d'Adenystra[131] ; ces Romains, pendant un long séjour, avaient pu étudier les moyens d'introduire leurs compatriotes dans la place, et ils les aidèrent effectivement à s'en emparer[132]. La prise d'Adenystra les rendit maîtres du pays sans coup férir. Après cette facile et rapide conquête, Trajan se dirigea vers Babylone, en suivant le chemin qu'avait pris Alexandre quatre siècles auparavant. On peut croire qu'il ne manqua point de visiter le champ de bataille d'Arbèles : en traversant ces plaines à jamais célèbres, il put songer à la destinée du fils de Philippe sans être écrasé parles souvenirs qu'évoquait naturellement un tel parcours. Aux exploits si vantés du héros grec, le capitaine romain pouvait opposer cette guerre, aussi heureuse et aussi rapide, qui assurément avait jusqu'ici coûté moins de sang. Il vit aussi les sources de bitume de Memnis, et les flammes qui s'échappent du sol à Kirkuk[133]. Repassant enfin le Tigre à la hauteur d'Opis, il rencontra le grand retranchement haut de 25 pieds (7m75), large de 50 (15m50), construit, disait-on, par Sémiramis[134], sur une longueur de 200 stades (37 kilomètres), et il le longea jusqu'à son extrémité qui aboutit à l'Euphrate. L'armée, qui venait de conquérir l'Adiabène, y rencontra la flotte qui avait descendu le fleuve depuis Phalga.

Dans une plaine voisine des sources de bitume qui offrirent aux Babyloniens le ciment nécessaire à leurs constructions gigantesques, à Ozogardana[135], au pied du mur de Médie, Trajan passa en revue toutes ses troupes. Il les vit défiler, assis sur un siège de pierre que l'on montrait encore plus de deux siècles après, et qui avait gardé son nom[136]. Puis, descendant le fleuve avec ses soldats[137], il entra à Babylone, abandonnée en grande partie à cause des guerres civiles auxquelles le pays des Parthes était en proie[138]. On ne laissa pas néanmoins d'y faire un certain nombre de prisonniers, parmi lesquels se trouva le précepteur du romancier Jamblique[139].

Trajan disposait maintenant de la totalité de ses forces ; il pouvait porter aux Arsacides des coups décisifs et marcher à la conquête de pays plus éloignés vers l'Orient. La capitale des rois Parthes, Ctésiphon, n'était pas encore en sa puissance. Il s'agissait de faire passer la flotte de l'Euphrate sur le Tigre, qui baignait les murs de cette riche cité. Le Naharmalcha ou fleuve royal, canal réunissant les deux grands cours d'eau qui arrosent et limitent la Mésopotamie, débouchait en face de Ctésiphon même : il eût été imprudent d'essayer le passage sur ce point. Un nouveau canal, creusé par les ordres de l'empereur, sur une longueur de 30 stades (5548m 50), fit tomber le Naharmalcha dans le Tigre, au-dessus de Ctésiphon : les Romains purent ainsi tourner la place et l'investir[140].

Elle ne tarda pas à tomber entre leurs mains. Chosroês s'enfuit : mais sa fille ne put échapper à la captivité[141]. Le trône doré sur lequel s'asseyaient depuis tant d'années les ennemis déclarés de Rome, ceux qui, suivant l'expression des écrivains latins, partageaient le monde avec elle[142], fut saisi avec bonheur par les soldats et réservé pour orner plus tard le triomphe de Trajan. Celui-ci traversa le Tigre avec la flotte, en bel ordre[143], pour entrer dans Ctésiphon, la merveille de la Perse[144]. Il y reçut sa XIIe salutation impériale[145], et le titre de Parthicus, que l'enthousiasme des soldats lui avait conféré l'année précédente, fut officiellement décerné au vainqueur par le Sénat. La prise de Ctésiphon assurait en effet, ou du moins paraissait assurer l'assujettissement du grand royaume Arsacide. C'est ce qu'exprime, avec autant de concision que d'éloquence, la légende d'une médaille frappée à cette occasion : PARTHIA CAPTA[146].

De Ctésiphon Trajan, avec une flotte de cinquante navires, descendit le cours du Tigre jusqu'à Χάραξ Σπασίνου, près de l'embouchure du fleuve, dans le golfe Persique, non sans courir quelques dangers, à cause de la rapidité du courant et de la violence des marées[147]. Attambêlos[148], roi de la Mesène et de la Characène, ne fit pas attendre sa soumission et accepta sans murmurer l'imposition d'un tribut[149]. La mer des Indes s'étendait enfin sous les regards ravis de Trajan. Des projets vagues et grandioses occupèrent et amusèrent quelque temps son imagination. Il demanda de nombreux renseignements sur ces pays célèbres et songea aux moyens de faciliter le commerce et les relations de l'ancien monde avec ces régions lointaines. Toutefois, il n'eut jamais, comme on l'a cru plus tard, le dessein d'y conduire ses armées ; au contraire, voyant un vaisseau qui appareillait pour les Indes, il exprima le regret que son âge ne lui permît pas d'y aller chercher les traces d'Alexandre[150]. Mais les relations qu'il fit passer en Italie n'étaient pas empreintes de la même sagesse, et il osa écrire au Sénat qu'il avait porté ses pas plus loin que le héros macédonien[151]. On voit que son esprit si ferme et son caractère si modeste s'étaient altérés sous la grandeur et la rapidité des succès. On souffre aussi d'avoir à rapporter que le vainqueur de Décébale, donnant le change sur ses promenades et les faisant passer pour autant de conquêtes, poussait l'enfantillage au point d'envoyer à Rome courrier sur courrier, avec des bulletins de victoires remportées sur des peuples qu'on cherchait péniblement sur la carte, et dont les noms, choisis à dessein, étaient si bizarres qu'on ne parvenait pas à les prononcer distinctement ; de sorte que le Sénat, étourdi de ces dépêches, aussi nombreuses que difficiles à transcrire, lui permit, une fois pour toutes, de triompher d'autant de nations qu'il le voudrait[152]. N'insistons pas sur ces faiblesses passagères d'un grand homme, qui va cruellement expier quelques mouvements d'abandon et de vanité.

Pendant qu'il naviguait à l'embouchure du Tigre, il apprit, en effet, qu'une insurrection formidable avait éclaté dans la Cyrénaïque, dans l'Egypte[153] et à Chypre. Les Juifs très-nombreux dans ces contrées[154] furent probablement maltraités après le tremblement de terre d'Antioche. Une grande partie de l'Orient avait souffert du même fléau ; l'esprit superstitieux des populations dut attribuer ce malheur à l'irritation des Dieux, mécontents de la liberté laissée par les Romains aux cultes étrangers. Il est certain que les Chrétiens furent inquiétés à cette époque, et, selon toute vraisemblance, pour cette cause : or, les Juifs et les Chrétiens étaient si souvent confondus par les anciens que la persécution constatée des uns nous autorise à penser que les autres n'échappèrent pas aux mêmes rigueurs[155]. D'autre part, les zélotes n'avaient point cessé, après la destruction de Jérusalem, de revendiquer l'indépendance nationale. La guerre commença[156] en Cyrénaïque, là où avait eu lieu le dernier soulèvement de ce malheureux peuple[157], après la prise de la ville sainte. La province, étant sénatoriale, ne renfermait pas de troupes, ce qui permit au chef des rebelles, Lucuas, d'obtenir d'abord de rapides succès[158]. Le mouvement se combinait avec une révolte des Juifs d'Egypte, et là encore les insurgés exécutèrent si bien le plan convenu, qu'en un instant ils furent maîtres de tout le pays depuis Thèbes jusqu'à la mer, à l'exception d'Alexandrie. Ils n'avaient point oublié le premier Romain qui viola leur sanctuaire et pénétra armé dans le Saint des Saints : ils détruisirent un petit temple consacré par Jules César à Némésis, à l'endroit même où Pompée avait été mis à mort, et ils s'y retranchèrent. Appien[159] ne parle de cette prise de possession que comme d'une nécessité de la défense, mais j'imagine que la haine très-naturelle des Juifs pour Pompée entra pour quelque chose dans le choix de cette espèce de forteresse. Ils promenèrent la dévastation et la mort dans la province entière ; de tous côtés, on fuyait devant leur farouche et implacable vengeance : un fragment d'Appien, récemment découvert[160], peint vivement la terreur qu'ils inspiraient. Dion[161] rapporte avec une exagération évidente les atrocités qu'ils commirent, mais cette exagération même est une preuve de l'effroi partout ressenti. Le préfet d'Egypte, Rutilius Lupus, n'ayant pris, au début de la rébellion, aucune mesure conservatrice, se trouvait complètement débordé, et enfermé dans Alexandrie. Il est vrai que les habitants de cette ville immense, dont le nombre s'était encore accru' de tous les fugitifs des environs, s'étaient débarrassés par un massacre de tous les Juifs restés dans ses murs[162]. Mais les communications avec l'extérieur étaient toujours impossibles, et ils attendaient avec anxiété qu'on vînt les délivrer. Lupus fut remplacé par Q. Marcius Turbo[163], homme énergique que l'on vit encore, sous le règne d'Hadrien, chargé de missions périlleuses dans des provinces soulevée[164] et qui réussit toujours à les faire rentrer dans l'ordre. Des forces considérables en infanterie, en cavalerie, en marine même, furent mises à sa disposition ; il écrasa les Juifs et en fit un carnage considérable[165].

A Chypre enfin les rebelles, sous les ordres d'un chef nommé Artémion, s'étaient rendus maîtres de l'île et en avaient détruit Salamine la capitale, après l'avoir saccagée. Là aussi ils furent vaincus, après une lutte terrible qui laissa derrière elle deux cent quarante mille victimes. Les Juifs furent bannis de Chypre à perpétuité[166].

Mais, le péril n'était pas complètement conjuré : les Juifs de la Mésopotamie intervenant au moment convenu dans l'insurrection, ou se soulevant spontanément à la nouvelle des premiers succès de leurs coreligionnaires, avaient également pris les armes, et comme les provinces d'Orient avaient été dégarnies de troupes pour composer l'armée de Q. Marcius Turbo, les peuples récemment subjugués revendiquèrent dans le même temps leur indépendance[167]. Ainsi, depuis la mer Egée jusqu'au Tigre, tout était en feu.

 

§ 5.

Campagne de l'an 117. - Soulèvement des Parthes. - Mort de Trajan.

Les villes principales avaient chassé leurs garnisons romaines et s'étaient mises en état de défense. Il fallait les assiéger une à une, et agir sur tous les points à la fois. Comme aux beaux temps de la République, on vit les Romains déployer les qualités supérieures par lesquelles ils se sauvaient au moment où ils semblaient le plus abattus. L'obéissance des soldats, l'intelligence des officiers, la résolution du commandant en chef, les tirèrent de cette position désespérée. Lusius Quietus fut nommé gouverneur de la Mésopotamie et rétablit l'autorité impériale, non sans de grands et sanglants efforts. Il assiégea Edesse et l'incendia, il reprit Nisibe[168], enfin, ayant en secret rassemblé des forces considérables, il vainquit complètement les Juifs mésopotamiens, et mit fin au soulèvement gigantesque qu'ils avaient tenté[169].

Séleucie s'était également soulevée contre les Romains. Elle fut, dit Dion[170], prise et incendiée par les légats Erucius Clarus et Julius Alexander. Ces personnages étaient évidemment légats légionnaires. Ainsi, deux légions au moins furent employées à la réduction d'une seule ville, ce qui donne une idée de la résistance désespérée qu'opposa l'insurrection et des forces qu'elle avait mises en mouvement. Les Romains ne furent même pas heureux dans toutes les rencontres, puisque l'histoire mentionne, sans détails, malheureusement la mort du consulaire Maximus[171]. C'était probablement le prédécesseur de Lucius Quietus, dans le gouvernement de la Mésopotamie.

Ce n'était pas seulement un ensemble de révoltes locales que les Romains avaient à réprimer : il ne s'agissait de rien moins que d'une guerre à recommencer contre les Parthes. Sanatrucius, roi d'un pays où Trajan n'avait pas encore porté ses armes, fut mis à la tête des forces nationales, et bientôt son cousin-germain Parthemaspatès, fils du roi d'Arménie dépossédé Exedarès, lui apporta le secours de sa personne et d'une puissante armée[172]. On voit que le danger croissait rapidement pour Rome, mais Trajan le conjura en alliant heureusement la diplomatie à la guerre. S'apercevant que les Parthes étaient, comme l'a écrit Tacite, aussi prompts à regretter leurs rois qu'à les trahir[173], il jugea vite qu'il ne sauverait une partie de ses conquêtes qu'en sacrifiant l'autre.

La reprise de Séleucie, de Nisibe et d'Edesse le remettait en possession de la Mésopotamie ; il pensa que cette province, jointe à l'Arménie, constituait un accroissement de territoire suffisant pour sa gloire et qu'on pouvait rétablir un royaume Parthe, en lui donnant le Tigre pour limite occidentale[174]. Quelques dissentiments étaient survenus entre Sanatrucius et Parthemaspatès : l'empereur en fut informé et se hâta d'en profiter. Il offrit le trône à Parthemaspatès, qui accepta, en trahissant son cousin et ses soldats. Sanatrucius, obligé de fuir devant les Romains, fut pris au moment où il leur échappait et mis à mort. Trajan écrivit alors au Sénat : Qu'il était impossible de tenir assujetties des régions immenses, si éloignées de Rome, qu'il semblait préférable d'en faire un royaume dépendant de l'empire, dont le souverain recevrait l'investiture de l'empereur, et qui serait maintenu par la reconnaissance, l'intérêt ou la crainte. Le Sénat répondit, avec une docile déférence, que l'empereur était le meilleur juge des intérêts de Rome, et qu'il agît de la manière qui lui paraîtrait la plus conforme à ces intérêts. Alors Trajan réunit son année, et des députations des divers peuples Parthes, dans une grande plaine voisine de Ctésiphon, et en leur présence, après avoir rappelé ses victoires des années précédentes, de façon à donner à ce qui se passait l'apparence d'une concession gratuite et d'une faveur absolument spontanée, il attacha le diadème sur le front de Parthemaspatès[175].

La cérémonie est représentée sur une médaille de bronze portant la légende : REX PARTHIS DATVS[176]. On y remarque Parthemaspatès revêtu, non plus de son costume national, mais d'un vêtement romain (cuirasse et paludament), ce qui marquait encore plus visiblement sa dépendance. Trajan régla aussi la constitution de quelques autres royaumes tributaires[177]. Après avoir donné ces légères satisfactions à sa vanité, il pouvait songer au retour, et au triomphe, moins brillant sans doute qu'il ne se l'était promis, qu'on lui réservait à Rome. Mais en dépit des efforts héroïques de ses officiers, une petite ville de Mésopotamie résistait encore. C'était Atra, qui plus tard offrit le même obstacle à Septime Sévère[178], et grâce à sa position naturellement forte, au désert qui l'entoure et au courage de ses habitants, se maintint libre sous tous les empereurs qui prirent le titre de Parthicus, comme pour montrer que ce titre serait toujours vain. L'armée romaine mit donc le siège devant la place et réussit, malgré de grandes difficultés, à détruire une partie des murailles. Mais quand on voulut pénétrer par la brèche, les troupes furent repoussées avec des pertes sensibles. Trajan se mit à la tête de sa cavalerie, après avoir ôté le paludamentum de pourpre qui le désignait aux flèches des Arabes : on le reconnut néanmoins à sa chevelure blanche, à la majesté de sa taille et de son maintien.

Une pluie de traits fut lancée sur lui et un cavalier fut tué à ses côtés[179]. Les Romains se replièrent en désordre jusqu'à leur camp. Leurs souffrances devenaient intolérables ; le pays manque de bois et de pâturages, l'eau y est rare et insalubre, les orages de grêle y sont continuels, et enfin des nuées d'insectes, dont il est impossible de se garantir, vous y tourmentent jour et nuit et tombent jusque dans les aliments[180]. Il fallut partir et commencer une retraite pénible, car on prit sans doute la route la plus courte, à travers ce désert qu'Ammien parcourut plus tard avec l'armée en retraite de Jovien, soixante-dix milles de pays plat et aride, où l'on ne trouve à boire qu'une eau jaunâtre et fétide, à manger que des plants d'aurone, d'absinthe et de serpentaire, et d'autres herbes amères, où on ne se procure une nourriture, peu saine encore, qu'en tuant les chameaux et les autres bêtes de somme[181]. Et, ce qui devait mettre le comble à la tristesse de ce retour, Trajan avait ressenti les premières atteintes du mal qui allait l'emporter. Il luttait courageusement contre la mauvaise fortune et contre la souffrance ; à peine arrivé en Syrie, il songeait à réorganiser son armée et à repartir pour la Mésopotamie, avec des troupes fraîches ou reposées[182], car son dernier échec l'irritait sans l'abattre, et il ne voulait rentrer dans Rome qu'après l'avoir effacé. Les progrès de la maladie ne lui permirent pas d'accomplir son dessein : il remit les troupes au commandement d'Hadrien, alors gouverneur de Syrie. A Rome pourtant, on ne se préoccupait pas autant qu'il le craignait du revers d'Atra : l'annexion de deux provinces suffisait à l'orgueil national. D'ailleurs on attendait avec une certaine impatience le retour de l'empereur ; on signalait quelques mouvements chez les peuples à demi-barbares des frontières, en Maurétanie, en Bretagne, sur le Danube[183]. On considérait donc la guerre d'Orient comme terminée, on préparait des monuments destinés à témoigner de l'allégresse publique et à en perpétuer le souvenir[184], on songeait à renouveler pour Trajan les marques de déférence données jadis à Auguste[185]. Mais l'empereur s'était arrêté à Sélinonte, en Cilicie, et ne devait pas aller plus loin. Le mal dont il souffrait faisait des progrès extrêmement rapides, au milieu desquels, dit-on, la pensée d'un empoisonnement traversa son esprit. Le troisième jour des ides d'août de l'an de Rome 870 (11 août 117) il expira[186].

Comme Alexandre, il n'avait pas voulu désigner son successeur[187]. Le Sénat apprit la mort de Trajan par une lettre de Plotine, et reçut à la fois plusieurs nouvelles graves. L'impératrice écrivait que Trajan, avant d'expirer, avait adopté Hadrien ; mais cette adoption n'avait pas eu de témoins. Dans le même temps, Hadrien écrivait au Sénat pour s'excuser d'avoir pris l'empire sans attendre le vote des pères conscrits — les soldats l'avaient proclamé d'abord — l'État ne pouvait rester sans chef pendant plusieurs jours[188]. Il n'est guère possible de douter que l'adoption n'ait été supposée par Plotine, et même que la mort de Trajan n'ait été cachée quelque temps pour donner à Hadrien le temps de venir d'Antioche à Sélinonte, et de prendre les mesures propres à déjouer les desseins de prétendants mieux autorisés[189]. La conduite ultérieure d'Hadrien suffirait à démontrer ce dont toute l'antiquité l'accuse. Trajan, dans l'intimité, avait déclaré plusieurs de ses amis dignes du pouvoir suprême : un à un, ils payèrent de leur vie, sous le nouveau règne, ce glorieux témoignage. Mais nous ne devons rappeler ici que les faits immédiatement postérieurs à la mort de Trajan et qui concernent sa personne. Attianus, Plotine, Matidie veillaient près des dépouilles mortelles. Avant leur rentrée dans Rome, Hadrien sollicita du Sénat, et obtint facilement, l'apothéose pour celui qu'il appelait son père adoptif[190]. Il refusa, du reste, de triompher des Parthes en son propre nom, et voulut que Trajan seul eût la gloire des succès dus à ses efforts. Dans le char, que précédaient le sénat et l'armée, et qui parcourait la Via Sacra au milieu de la foule attristée, se dressait la statue du grand homme[191]. Ses cendres, renfermées dans une urne d'or, furent placées sous la colonne qui porte encore son nom[192]. Il est le seul empereur dont les restes aient reposé dans l'enceinte de la Ville Eternelle[193].

 

 

 



[1] Panég., 16.

[2] Robertson, dans ses Recherches sur l'Inde, note 19, remarque justement que malgré la découverte d'Hippalus, les Romains n'osèrent pas se lancer souvent en pleine mer d'Ocelis à Musiris, puisque le périple de la mer Erythrée ne décrit que l'ancienne route côtoyant tous les golfes et tous les rivages. Et nous savons maintenant que ce périple fut rédigé eut 246 ou 247 de notre ère (Reinaud, Mém. de l'Acad. des inscr., XXIV, 2e partie, p. 232).

[3] Les navires des Gerrhéens (Strabon, XVI, p. 766) transportaient les marchandises à Scenæ sur l'Euphrate, au-dessous de Babylone. De là les caravanes, en vingt-cinq jours, les amenaient à Anthemusias, près de la frontière de Syrie (Strabon, XVI, p. 748). V. la carte n° XII au jointe au Strabon de Ch. Müller, éd. Didot.

[4] IX, 18.

[5] Bataille du Granique, mai 334, d'Arbèles, octobre 331. Je crois voir une trace du même sentiment dans Plutarque, Antoine, dans une retraite malheureuse où il était poursuivi par les Parthes, s'écria, dit-on, à plusieurs reprises : Ô dix mille ! témoignage d'admiration pour les compagnons de Xénophon qui revinrent de Babylonie par un chemin beaucoup plus long, et en combattant contre des ennemis beaucoup plus nombreux. Ant., c. 45.

[6] V. ses projets dans Arrien, VII, 1.

[7] On finit par croire que Jules César avait eu ce dessein extravagant. Plutarque, Cæs., 58.

[8] Horace, Carm., III, 3, 43-45. Triumphatisque possit Roma ferox dare jura Medis. Cf. Carm., I, 12, 53-56. Properce, Eleg., III, 4 ; III, 12 ; IV, 3. Lucien, Pharsal., I, 8-20. Stace, Sylv., III, 2 ; IV, 1. Martial, Epigr., XII, 8.

[9] Dans un ouvrage intitulé : Relations politiques et commerciales de l'Empire romain avec l'Asie orientale, Paris, 1853, M. Reinaud a mis en lumière ce fait peu remarqué, je crois, avant lui. Mais il a presque compromis la démonstration d'une thèse juste en voulant tirer des poètes latins ce qu'ils n'ont pas dit, en cherchant dans leurs vers, non pas des tendances de l'esprit public mais de véritables documents géographiques historiques ou politiques. Par exemple, à propos des formules peu variées dont se servent Horace, Properce, Tibulle, en parlant des Parthes ou des Sères, l'auteur écrit (p. 85) : On ne peut pas supposer qu'ils se sont copiés les uns les autres ; probablement ces sortes de rencontres proviennent de certaines expressions employées dans les dépêches officielles et dans les journaux du temps. Dans ce Mémoire, utile à consulter pour connaître un côté de l'histoire romaine, on regrette aussi de voir contesté le fait, reconnu depuis longtemps et mis hors de doute par Letronne, que dans les auteurs latins India désigne très-souvent l'Éthiopie.

[10] Esprit des Lois, XXI, 16. Cela est vrai à l'égard des derniers, dit Sainte-Croix (Mém. de l'Acad. des Inscript., L, p. 62), mais faux par rapport aux Romains, qui furent les premiers à se mêler des affaires des Parthes. Jamais ceux-ci n'étendirent leurs vues sur l'Europe et ne cherchèrent à troubler ce peuple ambitieux sur ses foyers ; ils eurent au contraire à défendre les leurs ; s'ils passèrent l'Euphrate et envahirent la Syrie, ce fut moins par esprit de conquête que par représailles, et sans intention de la conserver.

[11] Grandeur des Romains, c. 5.

[12] 38 av. J.-C., v. Corp. Insc. Lat., I, p. 461. Eutrope, VII, 5. Florus, II, 19. Plutarque (Anton., c. 31) dit qu'au moment où il écrit, Ventidius est le seul général qui ait triomphé des Parthes, ce qui prouve, comme l'a remarqué Mommsen (Hermes, IV, p. 297), que les biographies furent composées avant la mort de Trajan. Le triomphe de ce prince fut, comme nous le verrons, célébré après sa mort par les soins d'Hadrien.

[13] V. Sainte-Croix, Mém. de l'Acad. des Belles-Lettres, L, p. 75.

[14] Procope, Bell. Persic., II, 12.

[15] Φύλαρχος, nom que donne Dion à Mannus et à Sporacès (v. plus loin).

[16] C'est ce qui se voit bien par l'histoire d'Izates, roi d'Adiabène. Josèphe, Antiq., XX, 3, 5-8. Sur leurs monnaies, les rois d'Edesse et de la Characène prennent le titre de βασιλεύς, les rois parthes celui de βασιλεύς βασιλέων ou de μέγας βασιλεύς.

[17] Hérodien, III, 1.

[18] Dion, XLI, 15.

[19] Tacite, Annal., XI, 10 : Longinquam militiam aspernabant. Cf. ibid., XII, 14.

[20] Tacite, Annal., VI, 32.

[21] Montesquieu, Grandeur des Rom., chap. 6. Lorsqu'ils accordaient la paix à quelque prince, ils prenaient quelqu'un de ses frères ou de ses enfants en Otage, ce qui leur donnait le moyen de troubler son royaume à leur fantaisie. Quand ils avaient le plus proche héritier, ils intimidaient le possesseur ; s'ils n'avaient qu'un prince d'un degré éloigné, ils s'en servaient pour animer les révoltes des peuples.

[22] Dion, LXVIII, 17, dit qu'il fît la guerre sous prétexte que le roi d'Arménie ne lui avait point demandé l'investiture, mais en réalité pour satisfaire son désir de gloire.

[23] Photius, Bibl. Cod. 58, cité par Mueller, Fr. Hist. Gr., III, p. 586.

[24] Sur plusieurs points on a le texte même de Dion, dans les extraits d'Orsini.

[25] Il faut lire dans l'ouvrage de M. Dierauer, p. 155, une note importante, rédigée au moyen de communications de M. Gutschmid sur les sources de Malalas qui sont : 1° une histoire abrégée des empereurs ; 2° une histoire de l'Eglise ; 3° et surtout la Chronographie de Domninos, écrite vers 528 et composée elle-même à l'aide : 1° d'Arrien, 2° d'une histoire d'Antioche, 3° de traditions locales. Celles-ci entrent dans le récit pour la proportion la plus considérable. M. Gutschmid pense que Malalas n'a connu Arrien que par les citations et extraits que Domninos en avait faits.

[26] Histoire des Empereurs, notes sur Trajan, XVII, XXII et XXV.

[27] Ad Ann. Baron., a. 107, p. 40, éd. de Lucques.

[28] Œuvres complètes, V, p. 21. Noris, Epoch. Syromaced., p. 183.

[29] Doctrin. Num. Vet., VI, p. 453. — Zur Geschichte Trajan, p. 261.

[30] Et contre M. de Champagny qui l'a suivi très-docilement (Les Antonins, I, p. 350, 3e éd.).

[31] Chronogr., XI, p. 270, éd. Bonn. P. 272.

[32] Note XVII.

[33] Comme nous le disons plus loin, le chiffre ιβ' doit être modifié.

[34] Ruinart, Acta Sinc., p. 696.

[35] Hieronym., Chron., éd. Schœne, p. 163.

[36] Ed. Bonn, p. 472.

[37] Malalas, Chron., XI, p. 276, place le martyre d'Ignace à l'époque du tremblement de terre.

[38] Eckhel, Doctrina, VI, p. 452.

[39] Gruter, p. 247, 3. Reinesius, Inscr., LXXX, Clas., II.

[40] Eckhel, Doctrina, VI. p. 452. Cohen, n° 16.

[41] Borghesi, Œuvres complètes, V, p. 22.

[42] Pline, ad Traj., 15.

[43] Il dit que le tremblement de terre eut lieu deux ans après l'arrivée de Trajan en Orient. Chron., XI, p. 275.

[44] Henzen, 6857 a.

[45] Annal. de l'Inst. Arch., 1863, p. 267. M. Valerius Lollianus.... præpositus in Mesopotamia vexillationibus equitum electorum alarum prætoriæ Augustæ, Syriacæ, Agrippianæ, Hercullanæ, Singularium. Des cohortes auxiliaires mentionnées dans la même inscription portent les noms de Flavia et d'Ulpia, mais aucune n'offre celui d'Ælia, ce qui prouve que l'inscription est contemporaine de Trajan.

[46] V. Grotefend dans Pauly, Real Encycl., v° Legio.

[47] Principia historiæ, éd. Naber, p. 205.

[48] La date de l'avènement de Chosroès est connue avec précision. Une petite monnaie de bronze de Pacorus, conservée au Musée Britannique, porte la date FKY (423 des Séleucides = 111 de notre ère), et une monnaie de Chosroês, également de bronze, faisant partie du Musée de l'Ermitage, porte la même date ΓΚΥ (De Longpérier, Mémoire sur la Chronologie des rois Parthes Arsacides, pp. 134, 143).

[49] C'est l'orthographe des auteurs latins Fronton et Eutrope. Dans Dion et Suidas on lit Παφθαμάσιρις.

[50] Pline, Ep. ad Traj., 74.

[51] Pline, Ep. ad Traj., 63, 64, 67.

[52] Il existe une monnaie d'argent au type de Mars Gradivus, dans la légende de laquelle Trajan est qualifié de COS VI et porte le surnom d'Optimus (Cohen, n° 60).

[53] Dion, LXVIII, 17.

[54] Entr'autres des étoffes de soie et des sabres appelées sampsères. Les Σαμψήραι étaient réservées aux souverains (Josèphe, Ant. Jud., XX, 2, 3) Dans cet envoi de présents, on reconnaît un usage oriental. On en offrait toujours au roi des Parthes quand on l'abordait (Sénèque, Epist., 17).

[55] Dion, LXVIII, 17.

[56] Probablement il vint par mer jusqu'à Éphèse, comme Pline, Ep. ad Traj. 17.

[57] Suivant Malalas, Chron., XI, p. 271, il était à Séleucie en décembre.

[58] Anthol. Palat., VI, 332. L'urus est le bœuf sauvage des forêts de la Germanie, appelé aussi bubaius (Pline, Hist. Nat., VIII, 15). Avec les cornes de l'urus, qu'ils garnissaient d'argent, les Germains faisaient des coupes à boire (Cæs., B. Gall., V, 28). L'aurochs (urus des classificateurs modernes) s'appelait chez les anciens bison (Pline, l. l. Martial, Spectac., 23). V. Roulin, art. Aurochs et Bison dans le Dict. Univ. d'Hist. Nat. de d'Orbigny. — Suidas, au mot Κάσιον όρος, nous apprend qu'Hadrien composa les vers, et que les coupes étaient d'argent.

[59] Macrobe, Saturnales, I, 23.

[60] Au sixième siècle, on voit Hilpérik consulter saint Martin d'une façon analogue (AUG. THIERRY, troisième Récit des temps mérovingiens).

[61] De Oraculis, p. 170. ed. 1700. Ainsi traduit par Fontenelle (ch. XVI) : L'oracle eut l'esprit de lui rendre une réponse allégorique, et si générale qu'elle ne pouvait manquer d'être vraie. Car que Trajan retournât à Rome victorieux mais blessé, ou ayant perdu une partie de ses soldats ; qu'il fût vaincu, et que son armée fût mise en fuite ; qu'il y arrivât seulement quelque division ; qu'il en arrivât dans celle des Parthes ; qu'il en arrivât même dans Rome en l'absence de l'empereur ; que les Parthes fussent absolument défaits ; qu'ils ne fussent défaits qu'en partie ; qu'ils fussent abandonnée de quelques-uns de leurs alliés, la vigne rompue convenait merveilleusement à tous ces cas différents ; il y eût eu bien du malheur s'il n'en fût arrivé aucun ; et je crois que les os de l'empereur reportés à Rome, sur quoi l'on fit tomber l'explication de l'oracle, étaient pourtant la seule chose à quoi l'oracle n'avait point pensé.

[62] Dion, LXVIII, 19.

[63] C'est ainsi, je pense, qu'il faut entendre les mots de Dion, car Trajan n'avait pas à faire la conquête de Samosate, cette capitale de la Comagène étant, comme la province, incorporée depuis l'an 73 à l'empire romain.

[64] Auj. Erz-Inghtall (Jaubert, Voyage de Perse et d'Arménie, p. 101). Beaucoup de routes s'y croisaient, v. la carte jointe à l'Itin. Anton. de Parthey et Pinder., et Tab. Peuting., segm. X.

[65] Dion, LXVIII, 19.

[66] Strabon, XI, 4, 6.

[67] Journal astatique, 1859, t. IX, p. 93.

[68] Arrien., Peripl. Euxin., 15.

[69] Arrien, c. 26, dit qu'il fit son voyage autour de la mer Noire quand il apprit la mort de Cotys, roi du Bosphore Cimmérien. Cette mort arriva en 132 (Kœhne, Musée Kotschoubey, II, p. 261).

[70] Dion, LXVIII, 19.

[71] Arrien, Peripl. Euxin., 26.

[72] Pline, Hist. Nat., VI, 7.

[73] Arrien, Peripl. Euxin., c. 27.

[74] Kœhne, Musée Kotschoubey, t. II, pp. 237-254.

[75] A chaque avènement d'un nouvel empereur, le roi du Bosphore Cimmérien envoyait son hommage à Rome (Kœhne, Musée Kotschoubey, t. II, pp. 237-254).

[76] V. Pline, Hist. Nat., VI, 7.

[77] Suétone, Jul. Cæs., 44.

[78] Plutarque, Crassus, 19. Sur les avantages de la route suivie par Trajan, v. Arrien, Anabase, III, 7, 3.

[79] Cf. Tacite, Ann., XIII, 39 (campagne de Corbulon).

[80] Auj. Ilidjah, à trois lieues d'Erzeroum et à cinq journées de Satala (Erz Inghian), Jaubert, l. c. Il ne faut pas confondre cette localité avec un autre Ilidjah, à 15 lieues S. de Maden, située au coude de l'Euphrate, près du défilé de Nuchar. Jaubert, ibid. Celle-ci se nommait également Elegia dans l'antiquité. Pline, Hist. Nat., V, 20. La route suivie par Trajan est la plus directe pour se rendre de Syrie en Arménie, comme en témoigne Tacite, racontant la marche de Corbulon quand il alla au secours de Cæsennius Pætus (Annal. XV, 12). Cf. les fragments des Παρθικά (Muller, Fragm. Hist. Gr., III, p. 587 et suivantes). Le récit de l'expédition de Trajan comprenait donc les livres VIII-XVII des Parthica.

[81] Voici comment Kinneir, Voyage dans l'Asie Mineure, en Arménie, etc. tr. par Perrin, 1818, apprécie au point de vue militaire la topographie de cette localité : Dans le cas où une puissance européenne entreprendrait une invasion en Perse ou dans l'Inde, il n'y aurait aucun point, à l'E. de Constantinople, plus favorable qu'Erzeroum à servir de lieu de rassemblement pour de grandes forces. Les chevaux et le bétail y sont en abondance et à bon compte. Le fourrage s'y trouve partout au printemps et en été, et il est facile de rassembler des provinces voisines une quantité considérable de blé. Les routes sont excellentes en ces deux saisons, etc. Cité par Letronne, Journal des Savants, 1819, p. 143.

[82] La scène est représentée sur une belle médaille d'or, à la légende REX PARTHVS. (Cohen., n° 376.)

[83] Suétone, Néron, 13. Dion, LXII, 23. LXIII, 4 et 5.

[84] Dion, LXVIII, 20, dit seulement que Trajan έτμιωρήσατο Παρδαμασιριν sans indiquer la nature de la punition. Dans Eutrope, VIII, 3, on lit : Armeniam... recepit Parthamasiro occiso, qui eam tenebat. Un fragment de Fronton confirme la dernière version : Personne, dit-il, n'eut à se repentir d'avoir confié à Lucius [Verus] son royaume ou ses biens : Trajan n'est pas complètement excusable du meurtre de Parthamasirus qui était venu l'implorer. Bien que celui-ci ait été justement tué (merito interfectus) dans un tumulte qu'il avait excité, mieux valait pour l'honneur romain qu'il s'en fût allé impuni (Principia historiæ, éd. Naber, p. 209). Du reste Trajan prit sur lui la mort de Parthamasirus, et ne souffrit pas qu'on y vit une instigation d'Exedarès, mais il déclara avoir ainsi puni le manque de parole de l'Arsacide (Suidas, v° γνώσις).

[85] Moïse de Khorène, liv. II, chap. 54, 55. Traduction de Levaillant de Florival, vol. I, p. 278-279.

[86] Moïse de Khorène, vol. I, p. 285-287. La numismatique des rois Arsacides de l'Arménie cesse trente ans après l'ère chrétienne (Langlois, Numism. de l'Arménie dans l'antiquité, p. 44) ce qui nous prive, pour la période dont nous nous occupons, d'un utile moyen de contrôle.

[87] Moïse de Khorène, vol. I, p. 287.

[88] M. Dierauer, p. 163, fait remarquer avec raison qu'une partie des médailles de Trajan à la légende REGNA ADSIGNATA, où le prince ne porte pas le surnom de Parthicus (Cohen, n° 206 et 372), n'a pu être frappée qu'à propos de ces investitures de l'an 114.

[89] Dion, LXVIII, 21.

[90] Procope, De Ædific., III, 4. Cf. Tacite, Ann., XV, 26, 27. Plutarque, Lucull., 32. Sext. Rufus, De Victoriis, 15.

[91] Procope, Bell. Gothic., IV. 2.

[92] Themistius orat., XVI, de Saturnino ad Theodos (éd. Harduin, p. 205).

[93] Tacite, Annal., XIV, 23. Anquetil Duperron, Mém. de l'Acad. des B. Lettres, XLV, p. 143. Ces conquêtes de Lusius Quietus ont peut-être servi de base à la tradition suivant laquelle Trajan aurait poussé ses conquêtes jusque dans la Grande Tartarie (v. Nicolas Costin dans Notices et Extraits des Manuscrits, XI, p. 331). Lusius a pu traverser l'Araxe près de sa source, aux environs d'Erzeroum, comme Kinneir, dans son voyage (trad. II, p. 127).

[94] Telles que la position nommée Castra Maurorum (Ammien, XXV, 7).

[95] C'est sans doute dans le récit de la campagne de Lusius Quietus qu'Arrien mentionnait : Λιβαναί, πόλις Συρίας, ταΐς Άτραις γειτνιάζουσα. Παρθικών έννάτω, identique avec la Λιβά de Polybe (V, 51), comme l'a conjecturé Ch. Müller. Liba était située entre Nisibe et le Tigre. Enfin c'est encore à la guerre d'Arménie que se réfèrent ces mots d'Eutrope (VIII, 3) : tres provincias fecit [Trajanus]... cum iis gentibus quæ Madenam attingunt car la Madène était une fertile province de l'Arménie (Sext. Rufus, de Victoriis, c. 15).

[96] Voyage cité, trad. fr., t. II, p. 220.

[97] Comme nous l'avons dit, la neuvième figure parmi les titres de Trajan, sur une borne milliaire de la voie latine, encore en place à Ferentino, et gravée sous la 18e puissance tribunitienne, en 114.

[98] Henzen, n° 6857 a.

[99] Themistius, l. c.

[100] Cette date sera prouvée plus loin.

[101] Suidas, v° Έδεσσα, φυλάρχης, ώνητή, ίκέτευμα, άκρα. Dion, LXVIII, 21. Je crois reconnaître cette scène sur un bas-relief de l'arc de Constantin où un homme âgé, revêtu d'un costume barbare, amène un jeune homme semblablement vêtu en présence de Trajan assis sur une estrade. L'empereur étend vers eux le bras droit, avec un air de protection et d'encouragement. Rossini, gli archi trionfali, tav. LXXI.

[102] Suidas, v° Έλλόβια.

[103] Suidas, v° Ύφηγήσονται.

[104] Ammien Marcellin, XIV, 3, 3. Il ne faut pas confondre Batnæ de Mésopotamie avec la petite ville syrienne du même nom, dont Julien (Ep. 27) fait une description charmante.

[105] Dion, XXXV, 7. Plutarque, Lucull., 32. Sext. Rufus, de Victor., 15.

[106] Table de Peutinger, XI, E : Nisibi, XXXIII. Thebeta, XVIII. Baba, XXXIII. Singara.

[107] Dion, LXVIII, 23. Le nom de Parthicus ne figure positivement que sur les monuments datés de la Xe puissance tribunitienne. L'inscription de Gruter, 248, 2, où il accompagne le XIXe tribunat, est fausse ou mal copiée (Borghesi, Bull. de l'Inst. arch., 1859, p. 116).

[108] Dion, LXVIII, 21. Dans Et. de Byzance, le roi est Chosroès, et non Trajan.

[109] Dion, LXVIII, 21.

[110] Dion, LXVIII, 21.

[111] Dion, LXVIII, 21, cf. Suidas, v° Μάννος.

[112] Dion, LXVIII, 23. Extrait par Suidas au mot προσκόπων.

[113] Les légions de Syrie n'avaient pas fait campagne depuis la prise de Jérusalem, en 70.

[114] Il n'a encore que la neuvième dans l'inscription de l'arc d'Ancône érigé en 115. La onzième se trouve dans l'inscription du pont du Métaure construit la même année.

[115] Ammien Marcellin, XIV, 8. Hanc [Arabiam] provinciæ imposito nomine rectoreque attributo, obtemperare legibus nostris Trajanus compulit imperator, incolarum tumore sæpe contuso, cum glorioso Marte Mediam urgeret et Parthos.

[116] Isidore, Stathm. Parth., éd. Didot, p. 248. C'est là que Dioclétien fonda plus tard Circésium.

[117] Χαξηνή. Il y a ici une erreur de copiste, car suivant Strabon la Χαξηνή était au delà du Tigre, dans le voisinage d'Arbèles.

[118] Arrien, Anabase, VII, 19, 3 et 4.

[119] Ritter, Erdkunde, X, p. 120, admet que Trajan eut une flotte sur l'Euphrate, probablement pour les raisons ici déduites.

[120] Ammien, XXIV, 7.

[121] Hieronym., Chron., p. 162, 165, éd. Schœne.

[122] Elle s'étendit jusqu'à Rhodes (Malalas, Chron., p. 275, éd. Bonn).

[123] Que Dion, LXVIII, 24, appelle κεραυνοί.

[124] Malalas, Chron., p. 275, éd. Bonn. C'est ici qu'il convient de discuter les renseignements chronologiques fournis par Malalas. Dans le chapitre de sa Chronographie consacré à la guerre Parthique, il a donné quatre dates : p. 270 (2), p. 272 et p. 275.

Comme il a été établi plus haut, la date ιβ' (= XII) de la page 270 est fausse. Il faut la changer en ις', seule indication qui convienne à l'an 113. Il y a ici une faute de copie évidente, sur laquelle tout le monde est d'accord.

Il n'y a aucune observation à faire sur la dernière indication de la même page.

Celles des pages 272 et 275 sont liées. Voici comment. L'an 164 d'Antioche commença à l'automne de 115 ap. J.-C. L'indication de l'année est donc exacte, et elle répond bien au consulat de M. Vergiltanus Pedo, comme l'exige le récit de Dion. Mais le 13 décembre 115 fut un jeudi et non un dimanche. Il est vrai que Pagi (ap. Baron., Annal. Eccles., ad. a. 117) a proposé de lire κγ' au lieu de ιγ', le 23 au lieu du 13. Mais M. Gutschmid a fait sur ce point une remarque très-ingénieuse (dans Dierauer, p. 156) et qui nous semble décisive. Malalas, dans les documents païens qu'il avait sous les yeux, ne trouvait que le quantième des mois syriens. Il a voulu y ajouter le rang des jours de la semaine, pour donner plus de précision à son récit, et il s'est trompé dans les calculs que nécessitait cette addition, ou en consultant les tables de concordance qu'il possédait. Justement, le 7 janvier 115 est un dimanche, et le 13 décembre de la même année un jeudi. On voit qu'une simple interversion dus les chiffres qui indiquent les jours rétablit les faits, sans qu'il soit nécessaire de changer les chiffres, et nous donne en même temps la date de la rentrée de Trajan à Antioche au commencement de l'année 115. Il y vint donc trois fois : 1° au début de la guerre. C'est alors qu'il fit une offrande à Jupiter Kasios ; 2° après la campagne d'Arménie ; 3° après la campagne de Mésopotamie, et c'est alors qu'eut lieu le tremblement de terre. Les souvenirs qu'il avait laissés dans cette ville, et autour desquels se tonnèrent plusieurs légendes rapportées par Natales, s'expliqueraient mal, en effet, si on n'admet point qu'il y passa un temps assez long.

Eckhel (Doctrina, VI, p. 453), Borghesi (Œuvres, V, p. 27), N. des Vergers (Comptes-Rendus de l'Acad. des Inscript., 1866, p. 85), placent la catastrophe au commencement de l'année 115. Pourtant le témoignage si précis de Malalas est confirmé par une chronologie grecque publiée par Scaliger (v. Pagi dans Baronius, An. Eccl. an. 117) qui rapporte le tremblement de terre à la 3e année de la 223e olympiade, laquelle court de juillet 115 à juillet 116. Eckhel dit que ces sortes de chronologies offrent peu de garanties. Cependant elles sont quelquefois exactes, et quand elles se trouvent, comme ici, corroborées par d'autres documents, il n'est pas permis de les rejeter. Comme Dion rapporte que le consul Pedon faillit être victime de la catastrophe (et non qu'il en fut victime comme le dit N. des Vergers, l. c.), et que ce personnage, consul ordinaire, fut en charge au commencement de l'année, on veut que le tremblement de terre ait eu lieu pendant sa magistrature. Mais au contraire, puisque Bedon était à Antioche, c'est qu'il n'était plus en fonction : pendant l'exercice de sa charge il ne pouvait quitter Rome. N. Dierauer (p. 167) adopte avec raison la date donnée par Malalas.

[125] Dion, LXVIII, 24 et 25.

[126] Malalas, p. 277.

[127] D'après Ritter, Erdkunde, X, p. 120, il y a près de Nisibe, à la source du Chaboras, des forêts qui fournirent les bois nécessaires. Le passage eut lieu sans doute près de Gezireh Ibn Omar, localité ainsi nommée d'une île qui se trouve au milieu du fleuve et qui facilita l'établissement du pont de bateaux. C'est toujours un passage important au point de vue militaire. Les Romains y établirent plus tard la forteresse de Bezabde.

[128] Dion, LXVIII, 26.

[129] Arrien, Anabase, V, 7, 3.

[130] Roi d'Adiabène.

[131] Dion, LXVIII, 23. Localité inconnue.

[132] Dion, LXVIII, 23.

[133] Cf. Strabon, XVI, 1, 4 (p. 738). Ces feux sont très-bien décrits par Ainsworth, Journey from Bagdad to Constantinople vid Kurdistan (1437), dans Chesney, Narrative of the Euphrates Expedition, 1868, in-8°, p. 497. Les environs de Kirkuk sont coupés par beaucoup de canaux : d'où le nom de νήσοι.

[134] Suidas, v° χώμα. Les chiffres montrent qu'il s'agit du διατειχίσμα nommé plusieurs fois par Strabon, et reliant Babylone à Séleucie (II, 1, 26. XI, 14, 8).

[135] Ammien, XXIV, 2, trajecto fonte scatenti bitumine Ozogardana occupavimus oppidum... in quo principis Trajani tribunal ostendebatur. V. la carte jointe au mémoire de d'Anville, l'Euphrate et le Tigre, 1775. in-4°.

[136] Au passage d'Ammien, ajouter celui de Zozime, III, 15. Zozime appelle la localité Zaragardia.

[137] Peut-être la flotte ne descendit-elle pas au-dessous de Massice, embouchure du Naharmalcha dans l'Euphrate (Pline, Hist. nat., V, 21).

[138] Dion, LXVIII, 26.

[139] Fabricius, Bibl. Gr., VIII, p. 153. Trajan célébra un sacrifice en l'honneur d'Alexandre, dans la maison où il était mort.

[140] On ne comprend cette opération qu'en se reportant au récit de la guerre faite par Julien, deux siècles et demi plus tard, dans le même pays. Dion ne donne que des détails manifestement inexacts. Suivant lui, l'empereur songeait à joindre les deux fleuves par un canal, et il dut renoncer à ce projet en s'apercevant que le niveau de l'Euphrate était bien plus élevé que celui du Tigre, et que la dérivation aurait rendu impossible toute navigation sur le bas Euphrate. Dès lors on aurait transporté les navires d'un fleuve à l'autre sur des chariots (LXVIII, 28). Mais qui ne sait que la Mésopotamie était, depuis la plus haute antiquité, sillonnée de canaux qui réunissaient l'Euphrate et le Tigre ? Hérodote, Strabon, Pline, Ptolémée nomment tous le plus important de ces canaux, le Naharmalcha, que sa largeur faisait considérer comme un bras de l'Euphrate, et qui s'étendait de Massice à Séleucie.

Ammien, à son tour, dit (XXIV, 6) que le Naharmalcha était l'œuvre de Trajan, que les Perses l'avaient comblé, et que Julien, en le rouvrant, put faire franchir à sa flotte une distance de trente stades. Mais le Naharmalcha est bien antérieur à Trajan : sa longueur était de neuf schœnes ou parasanges (Ibid., Stathm. Parth., éd. Didot, p. 249), qui correspondent vingt-sept milles romains ou quarante kilomètres. Comment pouvait-on exécuter rapidement un tel travail ? Zosime au contraire (III, 24) explique très-bien qu'il s'agit d'un canal reliant au Tigre le Naharmalcha, et non l'Euphrate. Le chiffre trente stades (5548 m. 50), donné par Ammien, devient alors intelligible, même en y voyant des stades olympiques, les plus grands de tous. Le canal de Trajan dut être creusé au commencement de l'été, la crue de l'Euphrate ayant lieu en juillet et août (Pline, Hist. nat., V, 21).

[141] Spartien, Hadrien, 13.

[142] Spartien, Hadrien, 13 et Capitolin, Anton. Pius, 9.

[143] Suidas, v° Ναΰς Trajan franchit le fleuve avec cinquante navires : quatre d'entr'eux portaient les insignes impériaux et tiraient par de longs câbles la galère prétorienne. Celle-ci avait la longueur d'une trirème, la largeur et la profondeur d'un vaisseau de charge, telle que la grande Nicomedis ou l'Ægyptia. On y avait pratiqué pour l'empereur des chambres en assez grand nombre. Elle portait l'aplustre, au haut de la voile le nom du prince, et tous ses insignes sculptés en or. La flotte était divisée en trois escadres, de peur de confusion dans la marche si les navires s'étaient tenus trop près les uns des autres. Tiré d'Arrien.

[144] Ammien, XXIII, 6.

[145] Il la porte avec le surnom de Parthicus sur une inscription de Pouzzoles de l'an 116.

[146] Cohen, n° 97.

[147] Dion, LXXVIII, 28.

[148] Attambêlos est l'orthographe des monnaies frappées par d'autres fois de la Mesène, du même nom. Celui-ci est Attambêlos IV. (Waddington, Mélanges de Numismatique, II, p. 104.) L'étude de ces monnaies présente une difficulté. On possède trois pièces du roi Théonnesés, datées suivant Père des Séleucides, l'une de 421 = 109 ap. J.-C., la deuxième de 423 = 111, la troisième de 431 ou 434 = 119 ou 122 (on hésite entre les lectures ΥΛΑ et ΥΛΔ). Les deux premières ont été frappées du temps de Trajan, avant la guerre Parthique, la troisième est contemporaine du règne d'Hadrien. La parfaite identité des portraits sur ces trois pièces ne permet pas d'admettre qu'elles appartiennent à deux princes ayant porté le même nom. Comme, suivant Dion, la Characène était en l'an 116 gouvernée par un Attambêlos, M. Waddington émet la supposition très-vraisemblable que cet Attambêlos, à la faveur de la guerre Parthique, détrôna Théonnesés, et que le prince dépossédé ressaisit son pouvoir au commencement du règne d'Hadrien. Alors en effet les conquêtes de Trajan furent abandonnées, et son œuvre détruite par les peuples auxquels il l'avait imposée.

[149] Dion, LXXVIII, 28. Eutrope, VIII, 3 : Messenios vicit ac tenuit. La conquête de la Mesène valut sans doute à Trajan sa XIIIe salutation impériale qui figure dans ses titres sur un diplôme militaire du 8 septembre 116, on lit dans les Parthica : Άκρα, πέραν τοΰ Τίγρητος. Άρριανός έκκαιδεκάτη. Όραθα, πόλις τής έν Τιγρήτι Μεσήνης. Άρριανός εκκαιδεκάτη. On ne connait pas la position de ces localités. Ch. Mueller propose d'identifier Όραθα avec l'Ur d'Ammien Marcellin (XXV, 8). C'est impossible : le contexte d'Ammien montre clairement qu'Ur était entre Atra et Nisibe.

[150] Dion, LXVIII, 29. Voilà le noyau de la légende qui étendit les conquêtes de Trajan jusqu'aux limites de l'Inde. Aurelius Victor (Cæs., 13) dit seulement : ad ortum sons cunctæ gentes, quæ inter Indum et Euphratem, amnes inclitos, sunt, concussæ bello ; mais Eutrope (VIII, 3) est plus affirmatif : Usque ad Indiæ fines post Alexandrum accessit. De même, sur un mot de Charlemagne à des ambassadeurs grecs, rapporté par le moine de Saint-Gall (I, 28) : O utinam non esset ille gurgiculus inter nos ! forsitan divitias Orientales aut partiremur, aut pariter participando communiter haberemus, l'imagination populaire édifia l'histoire d'un voyage de cet empereur à Constantinople et en Terre sainte (Gaston Paris, Histoire poétique de Charlemagne, p. 41). Fréret a justement contesté l'expédition de Trajan dans l'Inde (Acad. des B. Lettres, XXI, Hist., p. 55), mais il invoque à tort un passage de Lucien comme témoignage des récits fabuleux qui avaient cours sur la guerre des Parthes. Le Philopatris, attribué communément à Lucien et composé, selon toute apparence, sous le règne de Trajan, fait mention d'une prétendue victoire remportée sur les Parthes et de la prise de Suse dont les armées romaines n'approchèrent jamais. Le Philopatris fut composé vraisemblablement au IVe siècle, et les vers relatifs à la prise de Suse (ch. XXVII) sont tirés d'une tragédie grecque aujourd'hui perdue.

[151] Dion, LXVIII, 29.

[152] Dion, LXVIII, 31.

[153] Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 2. P. Orose, VII, 12.

[154] Act., VI, 9, XI, 20, XIII, 1. Josèphe, Ant. Jud., XIV, 7, 2, Adv. Ap., II, 4.

[155] Sur les mauvaises dispositions des habitants d'Antioche envers les Juifs, V. Josèphe, B. Jud., VII. 5, 2.

[156] On ne saurait déterminer avec une grande précision le moment où les Juifs commencèrent à se soulever, non plus que la date de leur répression définitive. M. Dierauer, p. 183, place en l'an 117 toute cette insurrection juive, parce qu'on en lit le récit dans Xiphilin, après celui du siège d'Atra, siège qui eut lieu certainement en 117, puisqu'il forme un épisode de la retraite de Trajan. Mais l'abréviateur a pu faire quelque transposition dans le texte de Dion, et il ne semble pas permis de s'écarter des indications précises d'Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 2. La XVIIIe année de Trajan correspond à l'an 115 après J.-C. : c'est donc l'année suivante que la guerre aurait pris tout son développement. M. Grætz, Gesell. der Juden, 2e édit., IV, p. 125, place cette insurrection dans l'automne de 116 et l'hiver (premiers mois) de 117. Il resterait encore à répartir entre ces deux années le petit nombre des faits relatifs à l'insurrection que nous connaissons. Il parait naturel d'admettre que la terrible répression de Quietus eut lieu en 117 : d'une part elle mit fin à la révolte, et de l'autre elle se rattache aux dernières opérations militaires des Romains en Mésopotamie, avant que Trajan reprit le chemin de Rome.

[157] Josèphe, B. Jud., VII, 11.

[158] Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 2. Dion appelle ce chef Andreas.

[159] Appien, B. Civ., II, 90.

[160] Publié et traduit par M. Miller, Revue archéologique, février 1869.

[161] Dion, LXVIII, 32. Ils auraient aussi scié leurs captifs, les auraient livrés aux bittes féroces, ou forcés de combattre les uns contre les autres. Dion évalue à deux cent vingt mille le nombre de ceux qu'ils firent mourir.

[162] Derenbourg, Essai sur l'histoire et la géographie de la Palestine, 1867, in-8°, p. 410. Cf. Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 2. — La magnifique synagogue d'Alexandrie fut détruite dans cette lutte acharnée.

[163] D'après une inscription de l'oasis de Thèbes (Letronne, n° XIV, I, p. 121), Lupus était encore en charge le 30 du mois de pachon de l'an XIX de Trajan, soit le 24 mai 116. L'an XIX de Trajan commence pour les Egyptiens le 29 août 115.

[164] Spartien, Hadr., 5.

[165] Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 2, dit qu'il en tua beaucoup de myriades. Le massacre en Egypte fut tel que suivant les traditions rabbiniques le sang traversait la mer et allait jusqu'à Chypre. Derenbourg, p. 411.

[166] Dion, LXVIII, 32. Orose, VII, 12. Les Juifs étaient très-nombreux à Chypre. Act., XIII, 4. Josèphe, Ant. Jud., XIII, 11, 4, XVII, 12, 1, 2. Philon, leg. ad. Caïum, § 36.

[167] Les Juifs étaient nombreux dans les pays soumis aux Arsacides ; ils y vivaient tranquilles et considérés. L'intérêt politique, au moins autant que le sentiment religieux, les arma pour venger leurs maures de la veille.

[168] Dion, LXVIII, 30. D'après la chronique de Denys de Thelmar, citée par Langlois (Numism. de l'ancienne Arménie, p. 53), il y eut un changement de règne en Osrhoène l'an 116. Le nouveau souverain était moins bien disposé pour Trajan qu'Abgare.

[169] La terrible énergie qu'il déploya frappa tellement les vaincus que toute la guerre juive, sous Trajan, fut plus tard appelée guerre de Quietus Polemos Schel Quietos. (Derenbourg p. 404). La question de savoir si l'insurrection s'étendit à la Palestine est très-controversée parmi les hébraïsants. M. Derenbourg et M. Renan se sont prononcés pour la négative, en raison du silence gardé sur ce point par Dion, Eusèbe et Orose. M. Grætz admet au contraire que la Terre-Sainte fut, sous Trajan, le théâtre d'une lutte entre Romains et Juifs. Le passage de Spartien (Hadr. 5) Lycia ac Palæstina rebelles animos efferebant appuie cette manière de voir, que M. Dierauer a adoptée. Mais ce passage, dans lequel il faut changer Lycia en Libya, ne saurait prévaloir contre Dion et Eusèbe. Dans le même ordre d'idées, M. Volkmar, Einlettung in die Apocryphen, a soutenu que le livre de Judith est un récit poétique de la campagne de Quietus en Palestine ; cette opinion est abandonnée aujourd'hui.

[170] Dion, LXVIII, 30.

[171] Fronton (Principia historiæ, p. 209, éd. Naber) donne au personnage ainsi appelé par Dion un nom presque complètement effacé dans le manuscrit, mais terminé en cer.

[172] Fragment d'Arrien, dans Malalas, p. 274, reproduit par Ch. Müller comme ayant fait partie des Parthica (Fr. Hist. Gr., III, p. 590). Ce Sanatrucius était fils d'un roi Mithridate (Meerdotes dans Malalas) dont on a des monnaies. V. de Longpérier, Mém. sur la chron. des Arsacides, p. 140. — Au lieu d'Exedarès, on lit dans Malalas : Osdrœs ; sur cette différence d'orthographe, v. de Longpérier, ibid.

[173] Tacite, Annal., VI, 36.

[174] Cependant d'après Eutrope (VIII, 3) on aurait formé une province d'Assyrie, tres provincias fecit, Armeniam, Assyriam, Mesopotamiam. Mais sur la médaille contemporaine on lit seulement : ARMENIA ET MESOPOTAMIA IN POTESTATEM P. R. REDACTAB. Cohen n° 318.

[175] Dion, LXVIII, 30. — L'histoire ne signale aucune relation entre Trajan et un autre Arsacide contemporain, Vologèse, dont les monnaies se suivent, sans interruption, de 77 à 148 ap. J.-C. De Longpérier, Mémoire, etc. p. 118.

[176] Cohen, n° 375.

[177] Médaille à la légende REGINA ADSIGNATA, où Trajan porte le surnom de Parthicus. Cohen, n° 207.

[178] Cf. Ammien, XXV, 8.

[179] Dion, LXVIII, 31.

[180] On lira avec intérêt deux explorations des ruines d'Atra faites par J. Ross et Ainsworth, Journ. of the Roy. Geog. Society of Lond., 1839, p. 453, et 1841, p. 9. Ross y rencontra les mêmes difficultés que les soldats de Trajan, orages, insectes, etc. V. aussi Ritter, Erdkunde, X, p. 126.

[181] Ammien, XXV, 8.

[182] Dion, LXVIII, 33.

[183] Spartien, Hadr., 5. Aurelius Victor, Cæs., 13, rogatu Patrum militiam repetens, morbo periit.

[184] Dion, LXVIII, 29. On vota l'érection de plusieurs arcs de triomphe.

[185] Dion, LXVIII, 29. On se disposait à aller au-devant de lui aussi loin que possible, à son retour. Cf. Monum. Ancyranum, Gr. VI, 15-18. Ed. Mommsen, p. 30.

[186] Dion, LXVIII, 33, dit qu'il mourut à Selinonte. Eutrope (VIII, 5) suivi par Orose, VII, 12, fait mourir l'empereur à Séleucie d'Isaurie. Eusèbe (ap. Sync., 657, 15) et saint Jérôme (Chron., éd. Schœne, p. 165) hésitent entre les deux villes. — Les symptômes de la maladie dont mourut Trajan sont décrits assez exactement par Xiphilin. Dion eut peut-être sous les yeux quelque procès-verbal dressé par les médecins du prince et publié par les soins d'Hadrien quand des rumeurs d'empoisonnement coururent au milieu du désespoir public. M. Littré, consulté par moi, a eu la bonté de me répondre qu'aucun poison connu ne cause les troubles décrits par l'historien. La suppression brusque d'un flux hémorroïdal habituel amena chez l'empereur une congestion suivie immédiatement d'hémiplégie, et à la suite de l'hémiplégie il y eut une infiltration séreuse.

[187] Spartien, Hadr., 4.

[188] Spartien, Hadr., 6.

[189] V. surtout le commencement du livre LXIX de Dion.

[190] Spartien, Hadr., 6.

[191] V. la médaille TRIVMPHVS PARTHICVS (Cohen, 280). Pour perpétuer le souvenir des victoires de Trajan, Hadrien institua des ludi parthici auxquels présidait un prætor parthicarius (Corp. insc. lat., I, p. 378, II, n° 4110). Célébrés pendant quelques années, ces jeux étaient, au moment où Dion écrivit, tombés en désuétude. V. dans la Gazette archéologique (1re année, 1875), des fragments de vases en terre cuite publiés par M. de Witte où parait représenté le trimphus parthicus.

[192] Eutrope VIII, 5. On ignore quand cette urne fut enlevée.

[193] Par une dérogation à la loi des Douze tables (tab. X, fragm. I), dérogation dont il y avait d'ailleurs quelques exemples (Cicéron, De legib., II, 58). L'assertion de Servius, ad Æn., XI, v. 206 est erronée.