Il reste peu de vestiges des lois dues à l'initiative de Trajan ou inspirées par ses conseillers. Le code Grégorien, dont la substance a passé dans celui de Justinien, ne renfermait pas de constitutions impériales antérieures à celles d'Hadrien, de sorte que l'œuvre législative de Trajan se trouva rejetée hors du cercle habituel des études et exclue des grandes collections juridiques[1]. Mais heureusement les Pandectes renferment un certain nombre de décisions rendues par lui, qui suffisent pour nous donner une idée de l'esprit dont il était animé. Elles sont dignes du prince que nous connaissons déjà, et confirment ce que ses autres actes nous ont appris de son caractère. Sa droiture naturelle, sa grande bonté, l'habitude de la vie militaire où tout doit être clair et précis, en un mot chacune de ses qualités propres l'invitait à porter la simplification dans les lois romaines, et la rapidité dans les lenteurs compliquées de la procédure. D'autre part nous savons que parmi les jurisconsultes dont il s'entourait, ceux aux avis desquels il déférait le plus volontiers étaient Juventius Celsus et Neratius Proculus. Or, tous deux appartenaient à la secte des Proculéiens qui prenaient le bon sens et l'équité pour guides, et qui, sous l'influence des principes stoïciens qu'ils avaient embrassés avec ardeur, s'écartaient volontiers des opinions anciennes et des routes frayées, pour atténuer la rigueur des vieilles lois en y portant des vues plus larges et plus humaines. Aussi, bien que les Sabiniens aient encore joui d'une grande autorité sous le règne de Trajan, alors que Javolenus, Julianus et Valens illustraient leur école, la tendance proculéienne de la législation que nous allons examiner n'est-elle pas-méconnaissable. Mais d'un autre côté, Trajan nous a montré, dans sa conduite politique, une réserve et une prudence qu'on est parfois tenté d'appeler de la timidité. Il n'abandonnera pas non plus, dans ses réformes législatives, cette circonspection si conforme au vieil esprit romain, et tout en réalisant des progrès désirables, il ne prendra aucune de ces mesures générales qui font date, il n'y apportera ni cette largeur de conception ni cette supériorité dans les vues d'ensemble qui caractérisent les réformes de ses successeurs, Hadrien et Antonin, et ont motivé leur introduction dans les collections classiques des lois. Avant d'aborder l'étude des constitutions de Trajan qui nous ont été conservées, il faut examiner une phrase énigmatique de Capitolin. Suivant cet auteur, Trajan ne consentit jamais à donner de rescrits de peur qu'on n'étendit à tous les cas, en leur communiquant la force légale, des décisions accordées seulement comme des faveurs[2]. Le Digeste contient trop de rescrits de Trajan pour que ces paroles puissent être prises à la lettre ; aussi les commentateurs Godefroy[3], Schulting[4], Bach[5], pensent-ils que les libelli dont il est ici parlé sont les pétitions adressées par des particuliers, que l'empereur voulut, par une marque nouvelle d'affabilité, recevoir de vive voix et non par écrit comme l'exigeaient ses prédécesseurs[6]. Mais cette interprétation n'est pas admissible, attendu que nous avons des réponses écrites faites par Trajan à des pétitions sur des objets d'intérêt privé, également écrites[7]. L'état des manuscrits ne suggère aucune correction au texte de Capitolin ; je pense que cet auteur s'est trompé et s'est fait l'écho des traditions qui avaient cours à son époque sur les habitudes et les sentiments de Trajan, auquel la vénération populaire attribuait une équité et une bonté contrastant avec la morgue et le formalisme des autres empereurs. Revenons maintenant aux textes épars dans le Digeste, et d'abord à ce qui touche la législation civile. Nous signalerons en premier lieu l'adoucissement du pouvoir monstrueux que le droit ancien donnait au père sur ses enfants. Papinien rapporte que Trajan força un père qui maltraitait son fils, contre toute affection naturelle, à émanciper le jeune homme, et celui-ci étant venu à mourir quelque temps après, le père fut exclu de la succession, conformément à l'avis de Neratius Priscus et d'Ariston[8]. Le prince veilla aussi aux intérêts des mineurs. Les exemptions de tutelle furent strictement bornées aux cas que les lois avaient spécifiés[9] ; et tandis que la gestion des biens du mineur était soumise à des règles plus sévères[10], on donna recours au pupille contre le magistrat qui, dans la tutelle dative, n'aurait pas exigé du tuteur qu'il désignait et des fidéjusseurs, garants de l'obligation du tuteur, des cautions suffisantes[11]. En revanche, les actes d'administration du tuteur, faits de bonne foi, furent rendus inattaquables et lièrent le pupille, mesure d'ailleurs favorable à ce dernier, car s'il en eût été autrement, personne n'aurait voulu traiter avec son tuteur[12]. Une lettre de Trajan à Pline nous fait connaître le sentiment de l'empereur sur les enfants abandonnés de leurs parents, recueillis par des étrangers, et élevés par ceux-ci dans la servitude[13]. La coutume barbare de l'exposition était si générale dans le monde ancien[14] que dans chaque pays le législateur avait dû toucher à la question, et partout où Rome avait trouvé des lois établies sur ce sujet, elle les avait respectées et les faisait observer par le proconsul, mais en Bithynie rien de tel n'existait, et Trajan pouvait y faire prévaloir ses vues propres. Il se montre complètement favorable à l'enfant, qu'il déclare apte à réclamer la liberté sans être tenu à la racheter par le remboursement des aliments qu'on lui aura fournis. Cette décision, très-équitable en soi, ne renferme-t-elle pas quelqu'imprudence ? Constantin s'en écarta, et déclara que quiconque aurait recueilli et élevé un enfant abandonné, acquerrait sur cet enfant le droit de la puissance paternelle, dont la revendication même du père véritable ne pourrait plus le dépouiller[15]. Justinien, au contraire, voulut que l'enfant fût libre et maître de sa personne, pour déjouer les desseins de ceux qui l'auraient recueilli dans des vues de spéculation[16]. C'était revenir à la doctrine de Trajan, mais après plus de quatre cents ans, et alors que, sous l'influence dominante du christianisme, les expositions étaient devenues beaucoup plus rares, et que s'étaient éveillés, dans le cœur des riches, des sentiments de commisération et de dévouement sur lesquels le législateur pouvait compter. Au premier siècle, il était bien téméraire de s'appuyer sur des sentiments de cet ordre, et la doctrine de Trajan, enlevant tout avantage à ceux qui recueillaient les enfants, exposait ces derniers à périr dans l'abandon. Il est presqu'impossible qu'il n'ait pas vu cet écueil ; peut-être voulait-il mettre à la charge des villes l'entretien et l'éducation des enfants délaissés sur leur territoire, ou bien se proposait-il de fonder dans les provinces, et d'y encourager l'établissement, d'institutions analogues aux alimenta d'Italie. Nous ne savons rien à cet égard, mais la loi de Constantin prouve au moins que les vues de Trajan ne furent pas susceptibles d'une application générale et prolongée. Bien que cet empereur n'ait accordé le droit de cité qu'avec beaucoup de réserve, c'est néanmoins à son règne qu'on rapporte la loi de Vettius Publicus (?), aux termes de laquelle tout esclave d'une cité italique recevait, par le seul fait de son affranchissement, le droit de cité romaine[17]. Trajan facilita les affranchissements par voie de fidéicommis, moins, à ce qu'il semble, par un sentiment de justice et de pitié pour les esclaves que par le désir de faciliter l'exécution des volontés des morts. Ainsi, par le sénatus-consulte Rubrien[18], il fut décidé que quand ceux qui étaient chargés de donner les libertés refuseraient de se rendre au tribunal du préteur chargé des fidéicommis, et que ce préteur jugerait que les libertés étaient dues, les esclaves seraient considérés comme affranchis directement. Le sénatus-consulte Dasumien[19] étendit, au cas de l'absence justifiée, cette mesure que le Rubrien limitait à la contumace intentionnelle, et enfin le sénatus-consulte Articuléien donna aux gouverneurs de provinces le droit, jusqu'alors réservé au préteur des fidéicommis à Rome, de prononcer ces manumissions[20]. C'est encore par respect pour les dernières volontés des mourants que Trajan rendit souvent au fidéicommissaire, lorsque l'héritier était chargé de lui remettre la succession sans en rien retenir, le quart des biens que le sénatus-consulte Pégasien réservait à cet héritier[21]. Il est intéressant de voir le nom de Trajan mêlé souvent à cette matière des fidéicommis, expédient par lequel les esprits libres et généreux éludaient la rigueur de l'ancien droit, tout en en respectant les antiques formules et les prescriptions inflexibles. Ce mélange d'innovation et de respect du passé caractérise bien le règne dont nous nous occupons ; la même tendance équitable se retrouve dans un rescrit aux termes duquel une forme insolite de rédaction ne dût plus entraîner la nullité d'un testament[22]. En revanche, les droits souvent excessifs des patrons furent maintenus avec rigueur. On ne peut blâmer le rescrit qui ordonne que le magistrat suspendra sa décision sur une mise en liberté réclamée aux termes d'un testament, quand ce testament est attaqué en justice[23], mais on lit avec peine un édit de Trajan qui paralyse, dans les mains de l'affranchi latin, auquel le prince même aurait accordé le droit de cité, tous les effets utiles de ce droit, si cette faveur a été obtenue contre le gré ou à l'insu du patron ; édit dans lequel, reprenant d'un côté ce qu'il donne de l'autre, il privait le nouveau citoyen d'avantages que la loi Ælia Sentia lui assurait. Il fallut que, dès le règne d'Hadrien, un sénatus-consulte adoucît ces dispositions peu équitables[24]. Ces fragments constituent ce qui nous reste de la législation civile de Trajan. On n'y trouve aucune disposition tendant à améliorer le sort des esclaves ou à relever la condition légale de la femme, et cette lacune n'est pas, je crois, imputable au hasard, mais bien au respect superstitieux de l'empereur pour le droit et les préjugés anciens. Hadrien, heureusement, montrera une initiative plus courageuse, et va bientôt inaugurer dans cette voie de sérieux progrès. En vue de rendre plus sûres les transactions privées, des peines sévères furent édictées contre ceux qui se serviraient de mesures fausses[25]. Trajan voulait d'ailleurs diminuer autant que possible le nombre des procès, et, à cet effet, un sénatus-consulte fixa des limites aux honoraires des avocats[26]. Au début de toute contestation judiciaire, les parties durent affirmer par serment qu'elles n'avaient rien donné ni promis à leur défenseur, et celui-ci, les affaires terminées, ne pouvait jamais recevoir plus de dix mille sesterces (2.000 fr.). La mesure, inspirée par un bon sentiment, était assez peu équitable ; d'ailleurs, elle fut sans doute aussi vaine que toutes celles qu'on avait prises si souvent sur le même sujet[27]. Du reste, une fois les contestations engagées, Trajan exigeait qu'elles fussent suivies jusqu'au bout, et il appliqua rigoureusement à la tergiversatio le sénatus-consulte Turpilien[28], dans les détails duquel il porta plus de précision[29]. En ce qui concerne la législation criminelle, nous trouvons d'abord un rescrit ordonnant d'interroger les criminels même les jours de fêtes, où le barreau vaquait[30], ce qui abrégeait d'autant la détention préventive. Trajan voulut aussi qu'en interrogeant les témoins, le juge ne posât pas les questions sous une forme qui suggérait des réponses dans un sens déterminé, et dictait en quelque sorte la déposition[31]. Mais on ressent une impression pénible en trouvant, à la suite de ces innovations libérales, des ordonnances qui multiplient la torture et l'introduisent dans des cas de procédure d'où l'ancienne législation l'excluait[32]. Par une inconséquence dont profitait l'humanité, les esclaves n'étaient jadis soumis à la torture que pour fortifier les dépositions faites en faveur de leur maître, et jamais pour le charger[33]. Trajan décida que lorsque, dans un procès, un maître serait incidemment chargé par ses esclaves mis à la question, le juge pourrait tenir compte de cette accusation[34] ; et, par une interprétation sophistique de la loi, les esclaves d'un condamné purent être mis à la question contre lui, parce qu'ils avaient cessé de lui appartenir[35]. L'esclave du mari put être mis à la question contre la femme accusée[36]. Enfin l'affranchissement ne sauvait pas toujours ces malheureux de la torture. Quand un maître avait été assassiné dans sa maison, elle servait à arracher les aveux de ceux qui avaient été affranchis par testament : sous Trajan, la loi fut modifiée, pour que la question pût être appliquée également aux esclaves affranchis du vivant du maître[37]. Ce qu'il y a de plus étrange, c'est que les intentions de Trajan, alors qu'il aggravait les conditions déjà si dures de la procédure antique, étaient excellentes, et qu'il ne cherchait là que des moyens d'arriver plus sûrement à la connaissance de la vérité. Par ces voies atroces, que la philosophie ne condamnait que timidement, il marchait, ou croyait marcher, au but le plus louable, celui de ne faire prononcer que des jugements qui ne laisseraient aucune place au doute. Son époque tout entière encourt le reproche d'avoir pris pour un instrument efficace de conviction les supplices au moyen desquels on obtenait des aveux[38]. Mais c'est au seul Trajan que revient l'honneur d'avoir posé ces trois principes que l'assentiment des criminalistes modernes a consacrés : 1° Rejet pur et simple de toute dénonciation anonyme[39]. 2° Ne condamner que sur des indices dont le nombre et l'importance produiraient la certitude, ou au moins une grande probabilité[40]. Il vaut mieux, ajoute Trajan, dans le rescrit qu'il donne à ce sujet, laisser un coupable impuni, que de frapper un innocent. Ces belles paroles, qui expriment brièvement la pensée la plus équitable et la plus humaine, et caractérisent tout un système de droit criminel, sueraient à la gloire d'un souverain. 3° Laisser à l'accusé qui s'était dérobé aux poursuites le droit de se représenter devant les juges, et, comme on le dit aujourd'hui, de purger sa contumace. Alors seulement, quand il avait présenté sa défense, le jugement rendu en sa présence devenait définitif[41]. Sous la République, on procédait au jugement même en l'absence de l'accusé[42]. Le progrès inauguré par Trajan a été accueilli par toutes les nations civilisées, et il est inscrit dans nos lois. |
[1] Justinien avait même défendu de citer, dans les plaidoiries, les constitutions anciennes qui ne seraient pas incorporées dans son code (de Just. cod. confirmando). Sans la publication du Digeste, postérieure à cette mesure, on aurait donc perdu à peu près complètement le souvenir des lois de Trajan.
[2] Capitolin, Macr., 13. ... Quum Trajanus nunquam libellis responderit, ne ad alias causas facta præferrentur quæ ad gratiam composita viderentur.
[3] Ad leg. 9. Cod. Théodosien (de diversis rescriptis).
[4] Dissertatto pro rescriptis dans Commentationes Academicæ, 1770, p. 193.
[5] Leges divi Trajani, præf., p. XI. — Montesquieu, probablement pour tourner la difficulté qui nous arrête ici, a traduit : Trajan refusa souvent de donner de ces sortes de rescrits etc. (Esprit des lois, XXIX, 17).
[6] Suétone, Ner., 15.
[7] Pline, ad Traj., 2, 48, 107, etc.
[8] Digeste, XXXVII, 12, 5.
[9] Fragm. Vatican., 233. Digeste, XXVII, 1, 17, § 6.
[10] Digeste, XLI, 4, 258.
[11] Cod. Just., V, 75, 5.
[12] Digeste, XXVI, 7, 12, § 1.
[13] Pline, ad Traj., 66.
[14] V. Denis, Hist. des Idées morales, II, 108 et suivantes.
[15] Cod. Théodosien, l. I, de expositis.
[16] Cod. Just., VIII, 52, 3 et 4.
[17] Cod. Just., VII, 9, 3. Si itaque secundum legem Vectibulici (cujus potestatem senatus-consulte Jubentio Celso iter. et Neratio Marcello coss. facto (a. R. 882 = p. Cor. 129) ad provincias porrectam constilit) manumissus es. etc. Pitiscus, sub v° suppose qu'il faut lire Vectii (et) Publicii ; ces noms seraient ceux des consuls de l'an 97. Mais cette indication de Pitiscus est erronée : ce collège de consuls n'est cité nulle part. Il faut lire sans doute Vetti Bolani. Vettius Bolanus fut consul ordinaire en 111 ap. J.-C.
[18]
Digeste, XL, 5, 26, § 7, an 100 ap. J.-C.
[19] Digeste, LX, 5, 51, §§ 4-6.
[20] Digeste, LX, 5, 51, § 7.
[21] Digeste, XXXVI, 1, 30, § 5.
[22] Digeste, XXVIII, 5, 1.
[23] Digeste, V, 3, 7.
[24] Gaïus, Comment., III, 72, 73. Cf. Institut., III, 7, 4.
[25] Digeste, XLVII, 11, 6, § 1. Ces peines furent celles que la loi Cornelia édictait contre le faussaire, déportation pour les honestiores, mines ou mort sur la croix pour les humiliores (Paul., Sent. Recept., V, 5). Hadrien adoucit ces peines. Digeste, XLVII, 11, 6, § 2.
[26] Pline, Ep., V, 4. C'est le motif qu'on invoquait, sous Claude, pour la remise en vigueur de la loi Cincia ne fidem quidem integram manere, ubi magnitudo quæstuum spectetur ; quod si in nullius mercedem negotia tueantur, pauciora fore ; nunc inimicitias, accusationes, odia et injurias foveri, ut, quomodo vis morborum pretia medentibus, sic fori tabes pecuniane advocatis ferat... Tacite, Ann., XI, 6.
[27] Tite-Live, XXXIV, 4. Dion, LIV, 18. Tacite, Ann., XI, 5-8 ; XIII, 42. Suétone, Ner., 17.
[28] Pline, Ep., VI, 31.
[29] Digeste, XLVIII, 16, 10, § 2.
[30] Digeste, II, 12, 9.
[31] Digeste, XLVIII, 18, 1, § 21.
[32] Ce qui enlève à l'accusé tout le bénéfice de la recommandation précédente, car comme l'a dit Beccaria (chap. X), est-il une interrogation plus suggestive que la douleur ?
[33] Laboulaye, Lois criminelles des Romains, p. 154. V. dans Tacite, Ann., II, 30, comment Tibère tournait la loi.
[34] Digeste, XLVIII, 18, 1, § 19.
[35] Digeste, XLVIII, 18, 1, § 12.
[36] Digeste, XLVIII, 18, 1, § 11.
[37] Digeste, XXIX, 5, 10, § 1. Cf. Pline, Ep., VIII, 14, et Mommsen, Etude, etc., p. 23.
[38] Encore n'avait-on pas une foi entière dans cette efficacité. Ce qu'il y a de plus révoltant dans l'usage de la torture chez les anciens, c'est que les objections qu'elle soulève dans l'ordre logique aussi bien que dans l'ordre moral, avaient été faites sans émouvoir personne. Elles servaient aux avocats qui avaient besoin de discréditer ce genre de preuve, dans un cas donné. Ils avaient d'ailleurs des réponses toutes faites à ces critiques, pour le cas inverse, où les aveux arrachés par la torture étaient favorables à leur cause. Aristote, Rhet., I, 15, 4. Cicéron, Herenn., II, 7. Quintilien, Inst. orat., V, 4.
[39] Pline, ad Traj., 97.
[40] Digeste, XLVIII, 19, 5. Absentem in criminibus damnari non debere, divus Trajanus Julio Frontino rescripsit : sed nec de suspicionibus debere aliquem damnari divus Trajanus Assidus Severo rescripsit. Satius enim esse impunitum reliqui facinus nocentis, quam innocentem damnari.
[41] Digeste, XLVIII, 17, 4, § 2.
[42] Tite-Live, XXV, 4. Cicéron, in Verr. II, 17, 38, 40. Plutarque, Brut., 27.