HISTOIRE DES CHEVALIERS ROMAINS

 

TOME II

LIVRE PREMIER. — LES CHEVALIERS ROMAINS DEPUIS LE TRIBUNAT DES GRACQUES JUSQU'À LA DICTATURE DE CÉSAR.

CHAPITRE III. — LA NOBLESSE MUNICIPALE DES CHEVALIERS ROMAINS EQUO PRIVATO.

 

 

Les patriciens furent le modèle de toute la noblesse urbaine, et les plébéiens qui, après les lois de Licinius Stolon, parvinrent aux magistratures curules et se fixèrent dans la grande ville[1] prirent bientôt, comme tous les anoblis, le ton et les habitudes de la vieille aristocratie[2]. De leur côté les chevaliers equo privato finirent par donner leur caractère à l'ensemble de l'ordre équestre. Car les dix-huit centuries equo publico, ne comptèrent jusqu'au temps de César que deux mille quatre cents chevaliers, et aux deux derniers siècles de la République les chevaliers equo privato étaient beaucoup plus influents et plus nombreux[3]. Pour marquer le contraste entre la noblesse urbaine et celle des municipes, il suffit donc d'opposer aux patriciens les chevaliers romains equo privato. Ces chevaliers sortaient pour la plupart des tribus rustiques. Car si on retranche de la première classe les dix-huit centuries des chevaliers equo publico, et celle des charpentiers, il reste soixante-dix centuries de chevaliers equo privato dont soixante-deux appartiennent aux trente-et-une tribus rustiques et huit seulement aux quatre tribus urbaines. Si l'on peut citer quelques chevaliers equo privato qui sont nés à Rome comme Atticus[4], on peut considérer leur classe comme ayant formé dans son ensemble l'aristocratie des petites villes romaines de l'Italie.

C'était leur fortune qui leur donnait le titre de chevaliers[5]. Le cens équestre avait été jusqu'à la fin de la première guerre punique celui de la première classe, celui de cent mille as d'une livre romaine, équivalent de 32.700 kilogrammes de cuivre. On chercherait vainement dans l'histoire de Rome l'indication d'un cens équestre supérieur à celui des citoyens de la première classe. Denys identifie expressément le cens des quatre-vingts centuries des fantassins de la première classe avec celui des dix-huit centuries de chevaliers[6], et il appelle ce cens μέγιστον τίμημα. Pline appelle census maximus le cens de la première classe sous le roi Servius[7]. Cicéron emploie la même expression, census maximus, pour désigner le cens des chevaliers des dix-huit centuries sous le même roi[8].

Par suite d'une révolution économique et monétaire que nous avons décrite[9] le cens de cent mille as d'une livre fut remplacé sur les registres publics en 240 av. J.-C. par celui d'un million d'as de deux onces romaines, équivalent du cens équestre bien connu de 400.000 sesterces d'argent[10] (86.000 fr.). Supposer, comme on l'a fait jusqu'ici, que le cens des citoyens de la première classe, au siècle des Scipions et même au siècle de Cicéron, ne dépassa pas cent mille as de deux onces, c'est-à-dire 40.000 sesterces d'argent ou 8,600 francs, c'est se mettre en désaccord avec les faits économiques les mieux connus[11].

C'est aussi faire une hypothèse gratuite, que d'imaginer avec Beaufort[12] un cens équestre inférieur à celui de la chevalerie romaine, et qui aurait été celui d'une chevalerie municipale, distincte de la première Les chevaliers que l'on rencontre dans les municipes sont les chevaliers romains eux-mêmes, et ils formaient, du temps de Cicéron, la plus grande partie de l'ordre équestre. Lorsque Juvénal appelle l'illustre plébéien d'Arpinum, un homme nouveau, sans noblesse et chevalier d'un municipe[13], il ne veut certainement pas l'exclure de l'ordre équestre du peuple romain. Du reste le cens des chevaliers des municipes était celui des chevaliers romains. Il était de 400.000 sesterces, comme on le voit par cette lettre de Pline le jeune, à un de ses compatriotes de Côme[14].

C. Plinius à son cher Romanus Firmus, salut.

Vous êtes de mon municipe. Vous avez été mon condisciple et un de mes premiers compagnons d'âge. Votre père était lié avec ma mère, avec mon oncle et avec moi, autant que le permettait la différence des âges. Vous avez un cens[15] de cent mille sesterces, comme le prouve votre titre de décurion de notre ville. Afin que nous ayons le plaisir de vous voir, non-seulement décurion, mais aussi chevalier romain, je vous offre, pour compléter votre fortune équestre, trois cent mille sesterces. Ainsi, il n'y a point de différence à faire entre la chevalerie des municipes et la chevalerie romaine, et cette simplification de l'histoire de Rome a été déjà indiquée par d'excellents critiques[16].

On a encore compliqué cette histoire d'une autre distinction mal fondée. On a séparé, pour le dernier siècle de la République, la classe des chevaliers romains de celle où on levait les cavaliers romains de la légion, quoique les Latins n'aient jamais eu que la seule expression d'equites romani, pour désigner les uns et les autres. M. Mommsen affirme[17] qu'il est question, pour la dernière fois, de la cavalerie citoyenne dans la campagne de Cæpion contre Viriathe, en 140 av. J.-C.[18] ; que cette cavalerie, formée toute entière de la classe des gens fortunés, s'était en réalité enfuie des camps dès avant Marius. Mais Polybe est contemporain de Viriathe. Son ouvrage allait jusqu'à l'année 146 av. J.-C. Il écrivait quinze ou seize ans après l'époque où, pour le fait principal, il a terminé son récit, puisqu'il a parlé incidemment de la mort de son protecteur, Scipion Emilien[19], arrivée en 129 av. J.-C. Or, Polybe nous dit que de son temps la cavalerie régulière des légions était recrutée parmi les citoyens les plus riches des trente-cinq tribus[20]. Il ajoute que le service du simple cavalier légionnaire était mieux soldé que celui du centurion[21]. Cicéron dit que, de son temps encore, il était plus estimé (laudatius)[22]. Comment ne pas reconnaître les chevaliers romains dans ces cavaliers légionnaires, choisis dans la classe la plus riche, et dont chacun avait dans la hiérarchie militaire un rang supérieur à celui d'un capitaine d'infanterie commandant soixante hommes ? C'est encore Polybe qui nous apprend[23] qu'il n'était permis à aucun citoyen d'exercer une charge politique avant d'avoir fait dix ans de service. Or, c'était le service de la cavalerie qui durait alors dix ans. C. Gracchus s'était soumis à cette lui avant d'être édile, en 126 av. J.-C.[24] et l'on ne peut supposer que le fils de Sempronius et de Cornélie ait été un simple fantassin. Les Romains des classes fortunées n'avaient donc pas fui les camps avant Marius. Marius lui-même, comme nous le montrerons tout à l'heure, était un chevalier romain, qui fit ses premières armes devant Numance avec un autre chevalier célèbre, le poète Lucilius de Suessa. Ce n'était pas là un fait exceptionnel. En l'an 108 av. J.-C., Gauda, petit-fils de Massinissa, demandait à Metellus un escadron de trente chevaliers romains (turmam equitum romanorum), pour lui servir de garde, et Metellus lui refusait sa demande, parce que ce service eût été humiliant pour des chevaliers romains. Au même chapitre, Salluste distingue parmi les chevaliers, dont les recommandations préparèrent le succès politique de Marius, ceux qui servaient dans l'armée de Metellus et ceux qui faisaient la banque en Afrique[25].

En l'an 105 av. J.-C., à la bataille livrée près du Rhône, aux Cimbres et aux Teutons, et où un jeune chevalier, Q. Sertorius de Nursia, reçut une blessure[26], il périt un grand nombre de membres de l'ordre équestre. Car, dix ans après, les chevaliers romains jugeant Servilius Cæpion, qui avait été vaincu dans cette journée, avaient à lui reprocher la mort de leurs parents, et les regrets des juges contribuèrent à faire condamner l'accusé[27]. Les Cimbres mirent aussi en déroute, près de l'Adige, en l'an 101 av. J.-C., les chevaliers romains de l'armée du proconsul Catulus, parmi lesquels se trouvait le fils d'Æmilius Scaurus[28]. Enfin, Cicéron nous dit que Cn. Plancius d'Atina, chevalier romain, qui arriva aux plus hautes positions de la judicature et de la finance, avait commencé par servir avec éclat dans les légions de P. Crassus, au milieu de chevaliers romains d'une grande distinction[29]. Or, P. Crassus fut proconsul en Espagne, en 96 av. J.-C., et lieutenant de L. César dans la guerre des alliés, 90 av. J.-C. Aussi quelques historiens ont reculé, jusqu'après la fin de cette guerre, la disparition plus ou moins sensible de la cavalerie romaine. Il y avait régulièrement, dit M. Lamarre[30], trois cents cavaliers par légion. Ces trois cents cavaliers, jusqu'au temps où le droit de cité fut accordé aux alliés, étaient nécessairement romains d'origine. Mais, à cette époque (90 av. J.-C.), l'infanterie des alliés étant entrée dans la légion, leur cavalerie, qui jusque-là avait formé un corps distinct, y fut admise également. Alors toute la cavalerie ainsi confondue prit le nom d'ala.

Mais ces cavaliers latins ou italiens avaient acquis la cité romaine, et ils étaient devenus chevaliers romains. Les cavaliers des villes italiennes avaient été l'aristocratie riche de chaque pays[31]. Ils n'entrèrent dans la cavalerie romaine que parce qu'ils avaient le cens équestre.

Tout ce qu'on pourrait induire de la fusion des deux parties de l'aile de la légion, en 90 av. J.-C., c'est que les chevaliers romains y devinrent plus nombreux. Lebeau[32], auquel M. Lamarre semble avoir emprunté ce raisonnement, ne le croit pas suffisant pour préciser l'époque où les cavaliers romains disparurent des légions. Il se contente de faire cette remarque fort juste[33] : que pendant la guerre des Gaules, la cavalerie de l'armée de César est souvent distinguée des soldats légionnaires[34]. C'est que les corps de cavalerie de cette armée se composaient de Numides, de Germains et surtout de Gaulois[35]. Appien dit que lorsque César marcha contre Pompée avec ses dix légions, il amenait dix mille cavaliers gaulois[36]. Est-ce à dire que dans toutes les armées romaines la substitution des cavaliers auxiliaires aux cavaliers romains fuit déjà accomplie ? La manière dont César apprécia les nécessités spéciales de la guerre des Gaules, autorise-t-elle la supposition d'une loi ou d'une habitude générale qui eût dispensé du service la chevalerie romaine ? D'abord, dans l'armée de César, les chevaliers romains, s'ils ne formaient plus de corps distincts, n'en servaient pas moins en grand nombre comme décurions des turmæ gauloises[37], comme préfets de la cavalerie ou avec le titre de tribuns des soldats[38]. C'est ainsi que, chez nous, les cavaliers indigènes des colonies obéissent ; des officiers français. La loi Julia municipalis, faite par César vers la fin de sa dictature, considère les plus riches citoyens des villes romaines comme astreints au service de la cavalerie légionnaire.

Elle défend sous peine d'une amende de 50.000 sesterces (10.700 fr.), de briguer ou même d'exercer par subrogation les charges de duumvir, de quatuorvir ou d'édile dans les municipes, les colonies et les préfectures avant l'âge de trente ans, à moins d'avoir fait trois années de service dans la cavalerie légionnaire ou six ans dans l'infanterie, ou d'avoir une exemption légale de service[39]. Les légions pompéiennes, bien plus nombreuses au commencement de la guerre civile que celles de César, avaient une cavalerie composée en très-grande partie de chevaliers romains. Sur les onze légions de la première armée pompéienne cinq entièrement composées d'Italiens avaient passé la mer Ionienne avec toute leur cavalerie régulière[40]. Les onze légions comptaient en tout sept mille cavaliers, et Plutarque veut qu'ils aient tous été des chevaliers romains, distingués par leur naissance et par leur courage, la fleur de la chevalerie de Rome et de l'Italie[41]. Cette opinion devait contenir une grande part de vérité puisqu'elle s'était répandue malgré César, trop intéressé à la combattre pour que sur ce point ses commentaires fassent autorité. N'employant dans son armée que des corps de cavalerie barbare, le conquérant des Gaules a voulu prouver que son adversaire n'était pas plus scrupuleux que lui. Ordinairement si sobre de détails, il s'est appliqué à décomposer minutieusement le nombre des 7.000 cavaliers de Pompée pour faire croire qu'il n'y en avait pas un qui fût romain[42] ; mais il n'a pu arriver qu'à former un total de 3.600 cavaliers recrutés, selon lui, parmi les barbares et les esclaves de Pompée. Quant aux 3.400 autres qui formaient précisément la cavalerie régulière des onze légions pompéiennes, César, sans achever son énumération, dit que c'étaient des Bardanes, des Besses, des Macédoniens, des Thessaliens. Ce qui rend ici la bonne foi de l'historien douteuse, ou même son mensonge évident, c'est que plus loin ii garde un silence politique sur l'ordre qu'il avait donné à ses vétérans, pendant la bataille de Pharsale, de frapper au visage les jeunes chevaliers romains jaloux de leur beauté[43]. Les mémoires du temps qu'Appien et Plutarque avaient consultés ne s'accordaient pas sur le nombre des combattants[44] ; mais il est certain qu'il y avait des chevaliers romains dans l'armée de Pompée[45], et l'on ne peut guère réduire leur nombre approximatif à moins de 2.200. On en trouve bien davantage et avec certitude dans l'armée pompéienne qui fut vaincue à Munda (45 av. J.-C.). Les fils de Pompée y mirent en ligne treize légions avec la cavalerie sur les ailes. Ils avaient en outre beaucoup d'auxiliaires, mais qui se sauvèrent dés le commencement de l'action. La bataille fut très-sanglante et soutenue de part et d'autre uniquement par des Romains[46]. Or, d'après Oppius, César tua ou blessa à ses adversaires plus de trente mille hommes, parmi lesquels trois mille chevaliers romains, les uns de la ville de Rome, les autres de la province d'Espagne[47]. Si l'on tient compte de ceux qui durent échapper aux coups des césariens, on peut être assuré que chacune des treize légions comptait au moins trois cents chevaliers romains. Enfin, même sous le gouvernement d'Octave (42-30 av. J.-C.), les chevaliers étaient obligés au service militaire, puisque l'un d'entre eux, pour en exempter ses fils, leur fit couper les pouces.

Octave fit vendre comme esclave le père coupable de cette lâche cruauté[48]. Mais pendant le règne d'Auguste, le service militaire devint un métier au lieu de rester un devoir, et les habitants de Rome et de l'Italie en furent dispensés[49]. Ceux qui, de nos jours, considèrent l'obligation qu'a tout citoyen de combattre pour sa patrie comme le signe de la servitude et le point d'appui du despotisme, pourront s'assurer que Rome perdit au contraire la liberté en même temps que l'habitude des armes. Ovide, chevalier romain, né en 42 av. J.-C., aurait dû commencer à servir neuf ans après la bataille d'Actium. Il n'alla jamais à la guerre et passa sa vie à chanter les plaisirs de la paix, la gloire d'Auguste et les douleurs d'une disgrâce. Il ne mania les armes que dans une salle d'exercices[50]. Les chevaliers étaient devenus si étrangers à la guerre vers la fin du règne d'Auguste, qu'au temps du soulèvement de la Pannonie (6 ans ap. J.-C.), l'empereur demanda, comme un service extraordinaire, le départ de plusieurs chevaliers romains pour l'armée du Danube[51]. Mais pour tout le temps que dura la République, il n'y a point de distinction à faire entre les chevaliers romains et la classe d'où l'on tirait la cavalerie légionnaire. Les lois romaines et l'histoire militaire de Rome montrent que, jusqu'à la fin des guerres civiles, les chevaliers restaient en droit obligés au service et qu'en réalité ils étaient fort nombreux dans les légions. Seulement les conditions du service s'étaient adoucies. Rarement un chevalier faisait dix campagnes d'un an comme au temps de Polybe et de C. Gracchus. Après deux ou trois ans passés dans les camps, il était de fait quitte du devoir militaire. L'introduction d'un plus grand nombre de cavaliers barbares[52] et l'accroissement des armées permettaient d'ailleurs d'employer beaucoup de chevaliers comme officiers de cavalerie. Enfin, l'extension du droit de cité romaine, d'abord à l'Italie entière, puis à un grand nombre de villes de province, en multipliant les populations sujettes au recrutement, habituait les chefs militaires à être moins exigeants à l'égard de chaque citoyen.

Les plus riches décurions et magistrats des municipes, des colonies, des préfectures[53], et généralement tous les citoyens romains des villes italiennes ou même des villes de province, qui possédaient une fortune de première classe ou de 400.000 sesterces (86.000 fr.), appartenaient donc, par ce fait même, à la classe où se recrutaient les cavaliers légionnaires, c'est-à-dire qu'ils étaient chevaliers equo privato. Aussi l'histoire des progrès de l'ordre équestre est liée à celle de l'extension du territoire des trente-et-une tribus rustiques en Italie, et en général à celle de la propagation du droit de cité romaine.

La politique de Rome fut de soutenir, dans les villes italiennes, le parti de l'aristocratie. Dès l'an 440 av. J,-C., dans une querelle entre les plébéiens et les nobles d'Ardée, qui ressemble à celle des Buondelmonte et des Uberti à Florence[54], les Romains interviennent en faveur des grands qui restent maîtres de la ville[55]. Au temps de la seconde guerre punique, dit Tite-Live[56], la division entre le peuple et les grands, était comme une contagion qui avait gagné toutes les cités italiennes. Partout le sénat était pour les Romains, et les plébéiens penchaient du côté des Carthaginois. A Nole, Marcellus contient par la terreur la plèbe ennemie des Romains[57]. Au contraire, c'est par la générosité et par les promesses qu'il ramène au parti romain L. Bantius, chevalier nolan, un des plus illustres dans la cavalerie des alliés[58]. A Compsa, chez les Hirpins, le parti de Rome est représenté par la grande famille des Mopsi[59], à Capoue, il est dirigé par les Magii, dont le plus célèbre, Decius Magius, fut un des ancêtres de la famille équestre des Velleii[60].

Rome fait mieux que de soutenir la noblesse chez les peuples voisins. Elle admet au nombre de ses citoyens des Latins, Tusculans ou habitants de Lanuvium, et des familles tout entières de la nation des Sabins ou de celle des Volsques et des Herniques[61]. L'honneur de son choix est toujours réservé aux hommes les plus riches et les plus distingués dans leur patrie. Au temps de la révolte des Latins (340 av. J.-C.), les chevaliers campaniens refusent de prendre part à la guerre contre Rome. Ils en sont récompensés par le titre de citoyens romains[62]. C'est par égard pour eux[63] que l'année suivante le droit de cité sans suffrage fut donné aux habitants de Capoue et de son territoire[64]. On ne sait si la même restriction s'appliquait au droit de cité des chevaliers campaniens, s'ils servaient dans les légions campaniennes[65] ou dans les légions romaines[66]. Mais leurs familles étaient alliées par des mariages aux plus nobles familles plébéiennes et patriciennes de Rome[67]. La rébellion de la plèbe campanienne an temps d'Annibal, ayant amené la suppression du droit des Campaniens, les trois cents chevaliers de Capoue, restés fidèles aux Romains, semblent avoir acquis alors le droit de cité complet[68].

Le droit de cité romaine était conféré à tous les magistrats annuels des villes de droit latin[69]. On devenait citoyen romain par les succès oratoires comme par l'exercice des magistratures locales. Ti. Coponius, grand-père des Coponii, contemporains de Cicéron, était né dans la ville fédérée de Tibur. Il avait obtenu le droit de cité romaine en faisant condamner C. Masso. La condamnation de T. Cœlius avait valu le même avantage à L. Cossinius, de Tibur, dont le fils était chevalier romain[70]. L'usage où étaient les Romains de se choisir de nouveaux citoyens parmi les aristocraties étrangères, était si connu que, pour se préserver de leur influence, les Germains, les Insubres, les Helvètes, les Iapydes et une partie des Gaulois firent insérer dans leurs traités avec Rome, qu'aucun de leurs compatriotes ne serait reçu dans la cité romaine[71]. Mais en Italie, les plus riches citoyens des villes de second ordre furent de bonne heure attachés par cette faveur, aux intérêts de la grande ville. La politique de Rome en faisait des citoyens romains et leur fortune en faisait des chevaliers.

Le droit de cité et l'ordre équestre s'étendaient aussi par l'envoi des anciens citoyens dans les colonies. Au temps de la seconde guerre punique, Rome avait trente colonies, et, en temps ordinaire, chacune pouvait fournir aux légions soixante cavaliers ou deux turmæ, c'est-à-dire la cavalerie de deux cohortes[72]. Ces cavaliers qui, selon l'expression des consuls de 209 av. J.-C., sont non des Tarentins ni des Campaniens, mais des Romains[73], appartenaient sans aucun doute à l'ordre équestre[74] ; car on trouve un grand nombre de chevaliers romains parmi les citoyens des colonies. Les inscriptions nous en ont déjà montré dans les colonies de Florence, de Turin, d'Alcetia en Pannonie. Nous en rencontrerons bien d'autres dans des colonies plus anciennes, et, pour ne citer ici que les plus célèbres, la grande famille équestre des Octaves, de la colonie de Velitres, et le chevalier poète Lucilius de Suessa Aurunca[75]. Même dans les préfectures, qui jouissaient de droits moins étendus que les colonies, on trouve des chevaliers romains. Cn. Plancius, père du client de Cicéron, né d'une famille de chevaliers, qui avait toujours vécu dans la préfecture d'Atina, fut successivement cavalier légionnaire dans les troupes de P. Crassus, juge d'un grand nombre de causes et directeur de plusieurs compagnies de publicains[76]. Cet exemple seul détruit toutes les distinctions fausses par lesquelles une critique trop subtile a essayé de briser dans l'histoire, l'unité du grand ordre équestre qui s'était identifié, dés l'an 400 av. J.-C., avec la première classe des citoyens romains.

La grandeur de l'ordre équestre, conséquence de la propagation de la race romaine et du droit de cité en Italie, est déjà très sensible après la première guerre punique. Lorsqu'en 926 av. J.-C., les Gaulois transalpins menacèrent Rome, près de huit cent mille Italiens se levèrent pour la défendre. Les détails de cette prise d'armes nous ont été conservés par Polybe, et nous donnent l'idée exacte des forces militaires de la péninsule. Nous ne transcrivons ici que les chiffres de la cavalerie qui, seuls, ont rapport à notre sujet[77] :

Ie Furent mis en campagne :

1° Dans les quatre légions de la levée annuelle conduites par les consuls : 1.200 romains

2° Alliés qui accompagnaient ces quatre légions : 2.000

3° Sabins et Tyrrhéniens placés au nord de Rome : 4.000

Cavaliers des deux légions de Sicile et de Tarente : 400 romains

IIe Furent placés en réserve à Rome :

1° Avec les 20.000 fantassins des quatre légions urbaines : 1.500 Rom.[78]

2° Alliés qui accompagnent ces quatre légions : 2.000

IIIe Furent inscrits sur les rôles supplémentaires :

1° Latins : 5.000

2° Samnites : 7.000.

3° Iapyges et Messapiens : 18.000

4° Lucaniens : 3.000

5° Marses, Marrucins, Frentans, Festans : 4.000

6° Romains et Campaniens : 23.000 Rom. et Camp.

TOTAL = 71.100 cavaliers.

Si l'on met ensemble seulement les cavaliers romains et campaniens, on en trouve 26.100. On sait d'un autre côté que la Campanie pouvait fournir, d'après Tite-Live, en 216 av. J.-C., dix ans après l'invasion gauloise racontée par Polybe, trente mille fantassins et quatre mille cavaliers[79]. En retranchant ces 4.000 cavaliers de. 26,100, il en reste encore plus de 22.000 Romains. Nous avons montré que, de 218 à 212 av. J.-C., Rome dut mettre en campagne, dans ses légions, au moins dix mille cavaliers romains[80]. Ces dix mille hommes étaient les chevaliers formant les 35 centuries des juniores de la première classe. Les seniores de la même classe, qui étaient aussi chevaliers, sont comptés par Polybe dans le dénombrement de toute la population militaire de l'an 226 av. J.-C., et complètent le nombre des 22.000 cavaliers romains. Peut-on supposer que la terreur de l'invasion gauloise ait réduit les Romains à ranger parmi les cavaliers de leurs légions, des citoyens n'appartenant pas aux familles équestres ? Cette mesure, qui eût été une dérogation à tous les usages, n'est mentionnée nulle part dans l'histoire de cette époque. Elle n'aurait pu, dans tous les cas, s'appliquer qu'aux troupes qui furent appelées à un service réel, et non aux forces militaires qui restèrent inactives dans leurs anciens cadres. Or les légions consulaires furent suffisantes pour repousser les Gaulois à la bataille de Télamone. Il n'y aurait donc eu aucune raison d'inscrire, sur les rôles de la cavalerie, plus de vingt mille cavaliers romains et campaniens qui ne furent pas appelés à combattre, s'ils n'avaient été, selon l'usage, désignés par leur fortune ou par le titre de leur famille, pour le service de la cavalerie Si jamais les Romains eurent besoin d'imposer ce service à des citoyens des classes qui ne possédaient pas le cens équestre, cc fut sans doute dans la guerre d'Annibal où l'infériorité de leur cavalerie leur attira de si cruels désastres. Pourtant, en l'an 209 av. J.-C., sept ans après la bataille de Cannes, les censeurs, cherchant sur leurs registres, trouvèrent qu'un grand nombre de ceux qui devaient le service à cheval, quoique âgés de 17 ans au commencement de la guerre, n'avaient pas encore servi[81]. On n'avait donc pas eu besoin de recruter la cavalerie romaine dans les classes moyennes ou inférieures, puisque la liste des jeunes gens de la première classe, appelés légalement à en faire partie, c'est-à-dire la liste des chevaliers romains, n'était pas encore épuisée[82].

En écartant toutes les hypothèses et les distinctions arbitraires, on trouve toutes les données de l'histoire militaire, politique et financière de Rome, que l'on peut tirer des historiens anciens, entièrement concordantes. Polybe affirme et précise ce qu'on aurait pu conclure des seuls récits de Tite-Live : c'est qu'a l'époque où il y avait 270.000 citoyens[83], la première des six classes, c'est-à-dire celle des chevaliers romains ayant un cens supérieur à un million d'as de deux onces ou à quatre cent mille sesterces[84], comptait à peu près 22.000 hommes de 17 à 60 ans.

Après les guerres puniques, l'extension de l'ordre équestre continua par de nombreuses concessions du droit de cité, faites ou à de riches particuliers ou à des populations tout entières. Marius, sur le champ de bataille de Verceil, donna le titre de citoyens à mille alliés qui formaient les deux cohortes du peuple des Camertes[85]. Pompée répandit le droit de cité parmi les Espagnols[86], comme Marius parmi les peuples italiques[87]. Enfin Sylla et ses amis cédant, malgré leur politique exclusive, aux sympathies traditionnelles du patriciat pour les Grecs, accordèrent ce privilège à des habitants de l'Italie méridionale, de la Sicile, de Marseille et de Sagonte[88].

Le peuple romain s'était formé d'abord de la ville du patriciat, premier germe de la grande cité, puis de la plèbe rustique, qui en fut comme la première enveloppe. Ce peuple grandit en s'incorporant des couches de population plébéienne de plus en plus vastes, à mesure qu'elles étaient plus éloignées du centre et que le cercle des municipes grandissait. Mais on distinguait toujours la plèbe ancienne[89] de celle qui prit naissance au milieu des guerres du Samnium et des guerres puniques, enfin de celle qui ne datait que de la guerre des alliés. Chacune d'elles occupait une zone déterminée dans le territoire des 31 tribus rustiques. À chaque époque les nouveaux venus, pour percer jusqu'aux honneurs de la grande république, avaient à se faire jour, à travers la population de plus en plus compacte des anciens citoyens qui gardaient avec jalousie les abords du centre brillant où se distribuaient les commandements et les richesses[90]. Effort qui de siècle en siècle devenait plus grand et plus difficile ; plus grand par l'étendue des pays d'où il partait, plus difficile par l'éloignement des municipes d'où sortaient les hommes nouveaux, et à cause du nombre des familles déjà parvenues aux honneurs qui voulaient s'en réserver le patrimoine. Cet effort fut toujours dirigé et soutenu par des chevaliers romains[91], c'est-à-dire par les citoyens les plus riches des municipes, des colonies et des préfectures. Quand le territoire des tribus rustiques s'étendit de la rive droite du Pô au détroit de Sicile, l'ordre équestre fut la haute bourgeoisie des villes de la Péninsule et représenta l'Italie devant Rome, la nation en face de la vieille cité. Les chevaliers qui étaient la tête du parti plébéien devinrent alors le parti italien. Aussi Plutarque nous montre en un seul jour vingt mille jeunes gens de l'ordre équestre prenant le deuil pour supplier le peuple en faveur de Cicéron accusé par Clodius[92].

Sylla avait inutilement essayé d'arrêter les progrès de l'ordre équestre. Il aimait Rome seule et détestait le reste de l'Italie. Sa passion la plus violente était un véritable patriotisme de clocher. Aussi nous est-il représenté par les anciens comme l'ennemi de la plèbe rustique[93] et des municipes[94], comme l'auteur des proscriptions qui atteignirent surtout les hommes nouveaux[95] et les chevaliers[96]. Ce sont là des expressions diverses mais équivalentes d'un même fait. Les hommes nouveaux que Sylla frappait sortaient de l'ordre des chevaliers, chefs de la plèbe rustique qui peuplait le territoire des municipes. Les colères impuissantes du dictateur patricien s'attaquaient au résultat de la révolution qui, de 90 à 83 av. J.-C., avait fait entrer dans la cité romaine presque tous les Italiens.

La grandeur de cette révolution politique nous est révélée par l'augmentation rapide du nombre des citoyens qui, entre les années 114 et 70 av. J.-C., s'élève de 394.336 à 900.000[97]. Les éditions de Tite-Live portent pour l'an 70 av. J.-C. 450.000 citoyens.

Mais les manuscrits portent DCCC millia, DCCCL mil. ou DCCCC millia, et Phlégon pour la même année porte DCCCCX mille citoyens[98]. Quoique l'on trouve dans la chronique d'Eusèbe[99] le chiffre de 463.000 marqué pour la période de 88 à 84 av. J.-C.[100], nous ne croyons pas qu'on puisse opposer cette autorité à celle des manuscrits de Tite-Live. La contradiction apparente des textes se résout du reste par la lecture de ce que les auteurs anciens nous ont dit de cotte époque. La loi Julia de l'an 90 av. J.-C, et la loi Plotia-Papiria des tribuns Plotius Sylvanus et Papirius Carbon de l'an 89 av. J.-C., donnèrent le droit de cité romaine, la première aux alliés de Rome et aux Latins des villes qui accepteraient ce privilège et adopteraient ainsi le droit romain[101], la seconde aux citoyens honoraires des villes fédérées qui, nés hors de l'Italie, comme le poète Archias d'Antioche, s'étaient fait inscrire (adscripti essent) sur les registres de l'état civil des cités italiennes, comme Archias sur ceux d'Héraclée. Ces étrangers pouvaient acquérir le droit de cité romaine en même temps que leur patrie adoptive, à condition d'avoir eu leur domicile en Italie au temps de la loi Julia et de faire, dans les soixante jours, devant le préteur, la déclaration qu'ils voulaient être romains[102]. L'effet de ces lois est marqué d'une façon précise par les historiens anciens. Appien dit que la loi Julia prévint la défection des Ombriens et des Etrusques, que ces deux peuples acceptèrent avec plaisir le droit de cité romaine, mais que les nouveaux citoyens, se trouvant plus nombreux que les anciens, les Romains, pour éviter leur prédominance, les inscrivirent non dans les 35 tribus, mais dans les tribus nouvelles qui votaient les dernières[103]. Un peu plus loin le même historien ajoute que la guerre des alliés se termina par l'admission de toute l'Italie au droit de cité, à l'exception des Lucaniens et des Samnites qui le reçurent un peu plus tard[104]. Enfin il dit qu'en 88 av. J.-C., au début des troubles qui donnèrent dans Rome la toute-puissance à Cinna, les nouveaux citoyens étaient de beaucoup plus nombreux que les anciens[105]. Il est vrai que les magistrats de la vieille noblesse cherchèrent par tous les moyens à les empêcher de régulariser leur titre. Ainsi les censeurs de l'an 89 av. J.-C., Julius et Crassus, ne dressèrent pas les listes du cens[106]. Les registres des préteurs de la même époque furent si mal tenus ou tellement altérés que ceux du préteur Metellus faisaient seuls foi en matière d'état civil[107]. Il est donc possible qu'il n'y eut en 87 av. J.-C. que 463.000 citoyens ayant pu obtenir une inscription régulière et authentique sur ces registres. Mais un bien plus grand nombre d'Italiens avaient droit à cette inscription, en vertu des lois Julia. et Plotia-Papiria. Cinna se mit à la tête des nouveaux citoyens, les répartit dans les 35 tribus et, avec leurs suffrages, domina la République pendant quatre ans, 87-83 av. J.-C. C'est lui qui fit cesser toutes les chicanes du formalisme patricien, et qui obligea le sénat à confirmer les concessions faites déjà en principe aux Italiens[108], si bien qu'à son retour en Italie, Sylla dut leur promettre de ne pas leur ôter le droit de cité et de suffrage qu'ils avaient récemment obtenu[109].

Sylla, vainqueur, fit tout ce qu'il put pour violer sa promesse. Mais il n'y put réussir[110]. Les discours et les lettres de Cicéron nous montrent que, de son temps, toute l'Italie exerçait le droit de cité. On y voit l'Ombrie, distribuée en municipes, dont les suffrages avaient donné la majorité au consul Muræna dans un grand nombre de tribus[111]. Or, Sisenna nous apprend que la ville ombrienne de Tuder avait le droit de cité depuis le commencement de la guerre des Muses[112]. Rhegium, la dernière ville du Brutium, jouit du droit de cité[113], et ses habitants sont inscrits dans la même tribu qu'un ami de Cicéron, Q. Cornificius[114]. Vibo Martius ou Valentia[115], Locres[116], Thurii[117], Naples[118], Puteoli[119], Velia en Lucanie[120], Pompeii[121], toutes les villes du Brutium, de la Lucanie et de l'Apulie, sur la route de Vibo à Brindes[122], Héraclée. et Tarente[123], Larinum chez les Frentans[124], Alba chez les Marses[125], Asculum[126] et Auximum[127] chez les Picentins, Volaterra[128], Arretium[129] au nord de l'Etrurie, Lucques au pied des Alpes Apuane[130], Plaisance sur la rive droite du Pô[131], sont, à cette époque, autant de municipes de citoyens romains. Pour compléter cette grande unité romaine de l'Italie, il ne restait plus à César qu'à donner le droit de cité aux Transpadans[132]. Telle était la dernière zone de population plébéienne que la guerre des alliés avait fait entrer dans le cercle toujours agrandi de la cité. Il n'y a donc aucune raison de douter de l'exactitude du chiffre de 900.000 citoyens romains, marqué dans les manuscrits de Tite-Live et dans Phlégon, à l'an 70 av. J.-C., et nous l'admettons avec la plupart des critiques modernes[133].

Si l'Italie entière était déjà romaine au temps de Cicéron, si même le droit de cité romaine avait été propagé de son temps en Afrique, en Espagne, en Sardaigne[134] et dans la plupart des provinces, comme l'ordre équestre se composait, depuis l'an 400 av. J.-C., de tous les citoyens de la première classe, nous devons, en faisant le tour d'abord de l'Italie, puis de la Méditerranée, rencontrer dans chaque pays des familles de chevaliers romains, appartenant à toutes les races et originaires de toutes les régions où le droit de cité pénétra. Parcourons d'abord l'Italie :

Dans le Latium, la race des Octavii était sortie du municipe de Velitres[135], et Auguste lui-même avait écrit que sa famille appartenait à l'ordre équestre[136]. Velleius Paterculus, un favori de Tibère, atteste aussi que cette maison était illustre, sans être patricienne[137]. Les Octavii, devenus alliés de la famille des Jules, reçurent de César, dictateur, le titre de patriciens, et aussitôt des généalogistes complaisants imaginèrent que cette qualité leur avait été conférée par le roi Servius Tullius, et qu'ils y avaient volontairement renoncé, pour passer du côté de la plèbe. Mais Cicéron nous a signalé ce procédé comme un des plus habituellement employés par la vanité ou par la flatterie, pour falsifier l'histoire romaine[138]. La colonie de Velitres, établie en 492 av. J.-C.[139] s'était révoltée contre Rome, au temps de la guerre latine, et avait perdu tout son sénat, dont les décurions furent transportés sur la rive droite du Tibre, avec défense de le repasser, sous peine d'amende et de prison. Des colons nouveaux furent envoyés pour occuper les terres des exilés, 337 av. J.-C.[140] Les Octavii, famille ancienne et riche, ont dû faire partie de cette seconde colonisation. Suétone nous a conservé leur histoire, qui remonte à peu près à la même époque. C. Octavius Rufus, le premier de son nom qui eût obtenu une magistrature romaine, fut questeur vers le temps de la guerre de Pyrrhus. Il laissa deux fils, Cneus et Caius. La postérité de Cneus parvint de bonne heure aux magistratures curules. Pourtant, le premier de ses descendants qui soit arrivé au consulat, Cn. Octavius, consul en 165 av. J.-C., et qui mourut en Orient en 162, était encore regardé, par ses contemporains, comme un homme nouveau[141]. La postérité de Caius resta plus longtemps dans l'ordre équestre. Son fils, C. Octavius, qui fut le bisaïeul d'Auguste, servit comme tribun des soldats en Sicile sous Æmilius Papus, en 205 av. J.-C.[142] Le grand'père d'Auguste se contenta des honneurs municipaux de sa ville natale[143]. Enfin, le père d'Auguste, C. Octavius, arriva à la préture et au sénat, et s'éleva ainsi au-dessus du rang équestre que ces ancêtres n'avaient jamais dépassé. L'histoire de cette famille prouve qu'il y avait des chevaliers dans les colonies, comme dans les municipes, puisque Velitres porta successivement ces deux titres[144].

Aricie, ville voisine de Velitres, avait été la patrie de Voconius, de Scantinius tribuns de la plèbe de l'époque des guerres puniques et d'un grand nombre de chevaliers romains de la plus haute distinction[145]. D'Aricie étaient les Atii Balbi, ancêtres d'Atia, nièce de César et mère d'Auguste. Comme les Octavii de Velitres, les Atii Balbi n'avaient pas dépassé la préture avant la dictature de César[146], Lanuvium avait donné naissance au célèbre grammairien L. Ælius Stilo qui était chevalier romain[147], au comédien Q. Roscius Gallus qui était décoré de l'anneau d'or et à qui le trésor allouait par an cinq cent mille sesterces[148], à la famille des Papii d'où était sorti, par une adoption, le tribun de la plèbe T. Annius Milon[149], enfin aux Licinii Murenæ qui de bonne heure se placèrent au rang des préteurs[150]. Formies était appelée au temps d'Horace la ville des Mamurræ[151], et Pline cite un Mamurra, né à Formies, chevalier romain, qui fut préfet des ouvriers dans l'armée de César[152]. De Formies étaient aussi les Ælii Lamiæ, famille de chevaliers romains[153] qui faisait remonter son origine au fondateur de sa ville natale, Lamus, roi des Læstrygons[154]. De Tibur étaient venus les Cossinii et les Coponii[155], de Préneste les Cæcilii Metelli et les Anicii[156]. Tusculum avait produit les Mamilii[157], les Oppii[158], les Fulvii, les Juventii, les Coruncanii, les Porcii Catones[159], les Fonteii[160]. Caton l'ancien racontait que son bisaïeul ayant eu cinq chevaux tués sous lui avait mérité par son courage que l'Etat lui en remboursât le prix[161]. Il était donc d'une famille de chevaliers equo privato. On ne peut douter que les autres nobles Tusculans, qui devinrent magistrats de Rome, ne fussent du même rang. Il n'était pas possible de briguer les honneurs ni de donner des jeux au peuple comme édile sans avoir une fortune de première classe. Car jamais le cens suffisant pour être chevalier ne dépassa 400.000 sesterces (86.000 francs) et du temps,de Polybe un combat de gladiateurs, quand les choses étaient bien faites, coûtait trente talents ou 150.000 francs[162]. Le municipe d'Arpinum chez les Volsques était un des plus célèbres par ses familles de chevaliers. Les parents de C. Marius n'étaient pas, comme l'a cru Plutarque[163], de pauvres mercenaires, mais de riches propriétaires de campagne qui faisaient valoir leurs terres près du bourg des Cereatini[164]. Pline, il est vrai, l'appelle le laboureur d'Arpinum, qui de simple soldat devint général[165]. Mais ce sont là des mots à effet placés à la fin d'une déclamation contre le luxe. En réalité, C. Marius fit ses premières armes devant Numance sous Scipion Emilien et en qualité de chevalier romain[166]. Jamais, un simple fantassin, fils d'un journalier de la campagne, n'eût épousé la patricienne Julia, tante de César. Velleius nous apprend du reste que Marius était d'une famille de rang équestre[167], et Diodore de Sicile, qu'il était méprisé dans l'état-major de Metellus Numidicus parce qu'il était publicain, c'est-à-dire chevalier romain[168]. Ce furent même les publicains qui, par esprit de corps, l'aidèrent à supplanter son chef dans le commandement de l'armée d'Afrique. Le père d'un autre Marius, Gratidius fut aussi un personnage important d'Arpinum, puisqu'il y avait proposé une loi pour établir le vote secret dans les élections municipales[169]. Cette proposition démocratique de Gratidius fut combattue par son beau-frère qui fut le grand-père, de Cicéron. Alliée à la famille de Marius, la famille de Cicéron était aussi fort ancienne et de rang équestre[170].

Défenseur avoué et constant des chevaliers romains, Cicéron a dû être et il fut un des chefs des Romains des municipes ; et s'il ne sut pas se mettre comme C. Gracchus ou Marius à la tête d'un grand parti italien, c'est que son caractère personnel ne se trouva ni aussi fort que sa situation, ni aussi grand que son esprit. Mais l'éclat de ses talents et la grandeur de ses services ne purent jamais effacer aux yeux de la vieille aristocratie de la ville, le vice de son origine. En vain, répondant au patricien Sulpicius qui avait parlé avec mépris de la famille du consul désigné, L. Muræna[171], Cicéron s'écriait[172] :

Je croyais être parvenu par mes travaux à empêcher qu'on ne fît à tant d'hommes de mérite le reproche de manquer de noblesse. Jusqu'ici ils en étaient réduits à invoquer le souvenir des Cujus, des Caton, des Pompée, de ces hommes de cœur des siècles passés qui furent aussi des hommes nouveaux, ou bien les exemples plus récents des Marius, des Didius, des Cœlius ; mais c'est moi qui après tant d'années[173] ai brisé les barrières que les nobles avaient élevées sur le chemin du consulat ; c'est moi qui l'ai de nouveau rendu accessible, comme du temps de nos ancêtres, au mérite aussi bien qu'à la noblesse. Je ne m'attendais pas à ce que, dans une cause où le consul désigné, sorti d'une maison ancienne et illustre, a pour défenseur un consul, fils d'un chevalier romain, les accusateurs viendraient parler de familles nouvelles.

L'illusion de Cicéron ne dura guère plus que son consulat ; il avait cru réconcilier tous les partis, le sénat avec les chevaliers, et la multitude avec les chefs de la République[174]. Mais les partis politiques n'abdiquent jamais que devant la force. Il leur est plus facile de s'anéantir que de pardonner. L'aristocratie pouvait-elle oublier que le puissant orateur avait débuté par s'élever contre les proscriptions de Sylla, qu'il avait aidé Pompée, Lollius Palicanus, Aurelius Cotta, renverser la constitution syllanienne, à restaurer la censure et le tribunat, à rendre les jugements à l'ordre équestre ? Ses avances inutiles au sénat et à la noblesse n'aboutirent qu'à le convaincre de leur impuissance à gouverner, et il retrouva, après son consulat, l'ordre équestre gagné par César, et Pompée engagé dans les liens du triumvirat. La déception fut d'autant plus amère, que la situation que Cicéron avait perdue était plus grande ; car l'ordre équestre avait ses racines dans tous les municipes de l'Italie, et Cicéron avait été nommé consul, non-seulement par les chevaliers romains[175], mais par le grand parti municipal[176], dont ils étaient les chefs.

Il aimait à se reporter par le souvenir vers le municipe d'Arpinum sa vraie patrie : il se plaisait à lui faire honneur de toute la gloire qu'il s'était acquise, et ses déceptions politiques le ramenaient toujours au berceau de sa famille, aux montagnes de son pays natal[177]. On avait reproché à son client M. Cœlius, chevalier romain de Pouzzoles, d'être fils d'un chevalier et d'avoir scandalisé dans sa jeunesse les habitants de son municipe[178]. Le premier reproche, disait Cicéron, est déplacé devant un tribunal composé, comme celui-ci, où je parais comme défenseur. Le second est injuste ; car jamais les habitants de Pouzzoles n'ont décerne plus d'honneurs à un de leurs compatriotes demeurant dans leur ville qu'à M. Cœlius absent. C'est en son absence qu'ils l'ont adjoint à l'ordre des décurions[179]. Vous ne pourriez avoir de sa jeunesse une idée favorable s'il avait pu déplaire à un municipe aussi important et aussi illustre. Pour moi, c'est mon municipe qui a été la source d'où ma réputation est sortie pour se répandre plus loin, et l'estime de mon pays natal m'a recommandé comme avocat et comme homme politique à l'opinion du peuple tout entier.

Du reste, si M. Tullius eût été tenté d'oublier Arpinum, la voix ironique et insultante de la noblesse de Rome le lui eût à chaque instant rappelé. Pour les patriciens il ne fut jamais qu'un étranger, un Volsque d'Arpinum.

N'allez pas croire, disait Catilina aux sénateurs, que moi, un patricien, dont les ancêtres ont fait tant de bien à la plèbe romaine[180], j'aie besoin de perdre la République, tandis qu'elle aurait pour sauveur M. Tullius, un citoyen de passage qui vit à loyer dans la ville de Rome[181].

Clodius, au sénat, dans la séance du 15 mai 61, répéta la même raillerie : Vous avez été à Baies.... Est-ce qu'un homme d'Arpinum a besoin d'aller aux eaux ?[182]

Cicéron fut piqué au vif et il fit, du discours qu'il avait prononcé à cette occasion, un pamphlet virulent[183], où s'accuse, avec presque autant de vigueur que dans les invectives de Marius et du vieux Caton, l'antipathie de l'homme des tribus rustiques pour les mœurs raffinées et corrompues des patriciens de la ville.

Clodius demande ce que peut faire à Baies un homme d'Arpinum, un paysan, un campagnard ?... il n'est pas bien étonnant que nous lui paraissions des rustres, nous qui ne savons pas porter de tunique à manchettes, de bonnet orné de rubans roses. Oui, Clodius, vous avez toutes les grâces, toutes les élégances du vrai citadin. Il vous sied de vous parfumer comme une femme, de marcher comme une danseuse, de minauder, d'adoucir le son de votre voix, de vous passer le corps à la pierre ponce.

Pourtant, six ans après, Clodius revenait à la charge et demandait à Cicéron à quelle cité il appartenait[184]. Le vieux consulaire répliqua : A la cité qui n'a pu se passer de moi ! Réplique imprudente qui, en provoquant les murmures approbateurs des chevaliers admis à la séance, irrita les nobles, pour qui cette vanité était intolérable. Ce point faible une fois trouvé, la malice patricienne ne cessa de harceler Cicéron du même reproche. Votre parti, dites-vous, est celui des optimates ? quelle est cette nation ?[185] ou bien encore : Je ne puis souffrir la tyrannie de ce troisième roi étranger. A ce mot blessant de Manlius Torquatus, Cicéron répondait par une dissertation historique et politique, qui vaut bien qu'on la transcrive, parce qu'elle caractérise la situation des hommes des municipes et de famille équestre, en face de la noblesse de Rome[186] : Laissons de côté un instant ma royauté ; je me demande pourquoi vous m'avez traité d'étranger. — J'entends par là, dites-vous, que vous êtes d'un municipe. — Je l'avoue, et j'ajoute même de ce municipe, qui déjà, pour la seconde fois, a envoyé un sauveur à cette ville et à l'empire. Mais je voudrais bien savoir pourquoi ceux qui viennent des municipes vous paraissent des étrangers. Personne n'a fait ce reproche au vieux Caton, quoiqu'il eût beaucoup d'ennemis, ni à Tib. Coruncanius, ni à M'. Curius, ni même à notre compatriote C. Marius, malgré le nombre de ses envieux. Pour moi, je suis très-heureux que, voulant me dire une injure, vous n'ayez pu en trouver aucune qui ne puisse s'adresser à une très-grande partie des citoyens. Mais, pourtant, comme j'ai de très-bonnes raisons de vous porter intérêt, je dois vous donner un avis que je vous supplie d'écouter. Tout le monde ne peut pas être patricien, et si vous voulez qu'on vous en parle franchement ; on ne s'en inquiète même pas. Les hommes de votre âge ne croient pas que votre patriciat doive vous faire passer avant eux, et si vous nie prenez pour un étranger, moi, dont la réputation et les magistratures ont déjà enraciné la famille dans cette ville et mis le nom dans toutes les bouches, combien ne doivent pas vous paraître étrangers ces compétiteurs, ces hommes d'élite de toute l'Italie, qui vous disputent les magistratures et prétendent égaler vos mérites. Et prenez garde d'en traiter un seul d'étranger, de peur que les votes des étrangers ne vous accablent. Si, pourtant, juges, tous les autres étaient des patriciens et que vous et moi dussions passer ici pour des étrangers, ce ne serait pas Torquatus de relever ce défaut de naissance ; car il est lui-même, du côté de sa mère, d'origine municipale, d'une très-honorable et très-noble famille, mais, enfin, d'Asculum ; qu'il nous démontre donc que les hommes du Picenum seuls ne sont pas étrangers à Rome, ou qu'il se tienne heureux que je ne préfère pas mon origine à la sienne.

Ces préjugés locaux étaient aussi vivaces qu'universels chez le peuple romain ; ils étaient communs aux patriciens et aux plébéiens. Dans l'ensemble du territoire, une petite ville était d'autant plus considérée qu'elle était plus rapprochée de Rome et qu'elle jouissait plus anciennement du droit de cité romaine. De même que, dans chaque famille, la noblesse se prouvait par le nombre des magistratures curules, chaque municipe comptait ses illustrations par les magistrats qu'il avait fait arriver aux honneurs de la grande ville. Le succès politique de Licinius Muræna faisait époque à Lanuvium (62 av. J.-C.), parce que, le premier, il avait apporté le consulat dans ce municipe. Son bisaïeul et son grand-père n'étaient arrivés qu'à la préture, et son père avait obtenu le triomphe en sortant de cette charge ; mais, pour le patricien Servius Sulpicius, dont la famille, originaire de Rome, avait donné un consul avant la création du tribunat de la plèbe (498 av. J.-C.), cette noblesse des Muræna de Lanuvium était bien jeune, bien étrangère à la cité primitive. Cicéron lui disait en riant : Si vous tenez pour établi, Sulpicius, qu'on n'est pas de bonne famille à moins d'être patricien, il n'y a plus qu'à convoquer de nouveau la plèbe séparément sur l'Aventin[187]. Même dans le territoire rural qui entourait la ville du patriciat romain au premier siècle de la république, s'étaient formées de grandes familles plébéiennes qui, élevées aux honneurs de Rome depuis les lois de Licinius Stolon (366), partagèrent bientôt l'orgueil du patriciat. Antoine, qui appartenait à une de ces vieilles familles plébéiennes, reprochait à Octave de manquer de noblesse, parce qu'il avait pour mère une femme d'Aricie, Atia, fille d'Atius Balbus... Or, le municipe d'Aricie avait reçu la cité romaine en même temps que Lanuvium, en 336 av. J.-C.[188] Cicéron se sentait indirectement atteint par ce reproche adressé à l'origine municipale de son jeune protégé :

Sa mère, dit Antoine, est d'Aricie. Ne semblerait-il pas qu'il parlât d'une femme de Tralles ou d'Ephèse. Voyez, sénateurs, combien il nous méprise nous tous qui sommes sortis des municipes, c'est-à-dire à peu près tout le monde ici. Combien y en a-t-il en effet qui ne soient pas des municipes ? Or quel municipe ne méprise-t-il pas, puisqu'il dédaigne tant celui d'Aricie, qui, par sa date, est très-ancien, par son droit, fédéré, par sa situation, voisin de Rome, par sa richesse, l'une des plus brillantes cités municipales. De là sont venus les auteurs des lois Voconia et Scantinia ; de là, tant d'hommes qui ont pris place sur la chaise curule, de notre temps ou du temps de nos pères. Enfin d'Aricie sont sortis un grand nombre de chevaliers romains de la plus haute distinction. Mais si une femme d'Aricie ne vous parait pas un assez beau parti, pourquoi en avez-vous pris une de Tusculum ?[189]

A son tour, un plébéien d'une grande famille de Tusculum se croyait, au temps de Cicéron, bien au-dessus d'un citoyen romain de la petite ville d'Atina, placée derrière Arpinum, dans les montagnes des Volsques et dans un canton qui jouissait à peine depuis un siècle du droit de cité[190]. Juventius Laterensis, d'une maison de Tusculum qui se vantait d'avoir dans son atrium plusieurs images de consuls, s'indignait qu'un Cn. Plancius, simple chevalier romain d'Atina, arrivât avant lui à l'édilité. S'il faut, disait Cicéron, que l'échec politique de tout candidat à qui sa naissance donnait de légitimes prétentions, entraîne la condamnation de celui qui l'aura emporté, il n'y a plus aucune raison de rien solliciter du peuple ; compter les suffrages, demander par la voix des Magistrats l'inspiration des Dieux, annoncer le résultat des votes, sont des formalités inutiles. Aussitôt que nous aurons vu les noms des candidats qui se présentent, nous dirons : Celui-ci est d'une famille consulaire ; la famille de celui-là a donné des prêteurs ; les autres sont fils de simples chevaliers. Tous sont sans tache, tous sont également honorables ; mais il faut conserver les rangs ; que le fils des préteurs cède le pas à la race consulaire, et que les familles des chevaliers n'entrent pas en concurrence avec celles des préteurs. Dès lors, plus de partis, plus de luttes, plus de liberté laissée au choix des magistrats. Mais que serait-ce, Laterensis, si je plaidais ici la cause du peuple, si je vous démontrais que Cn. Plancius n'est point arrivé à l'édilité par des chemins tortueux, mais par la route qui a toujours été ouverte aux hommes de famille équestre comme nous ? Pourrais-je par là ôter à votre discours ce qu'il contient d'agressif et d'injurieux, pour vous ramener enfin au véritable point en question et au fait que vous incriminez ? Car si Plancius devait être au-dessous de vous, parce qu'il est fils d'un chevalier romain, tous vos autres compétiteurs étaient aussi fils de chevaliers romains. Je ne dis rien de plus, mais je m'étonne que votre courroux se porte de préférence sur celui que les votes du peuple ont rangé le plus loin de vous. Vous oubliez l'honorable Q. Pedius et un autre de vos rivaux les plus distingués que vous voyez ici, mon ami A. Plotius[191], et vous accusez celui qui l'a emporté sur eux comme si votre échec ne venait pas plutôt de ceux qui ont passé immédiatement avant vous. Mais enfin, c'est ici la première occasion que vous ayez eue de mettre en parallèle votre race et votre famille avec celles de Plancius, et, il faut que je l'avoue, de ce côté vous avez sur lui l'avantage. Pourtant cet avantage, mes compétiteurs l'avaient également sur moi, quand je demandai le consulat et les autres magistratures. Prenez donc garde que cette origine même que vous méprisez, n'ait été pour Plancius un titre à la faveur du peuple. Comparons vos deux partis : Vous tenez par votre père et par votre mère à des familles honorées du consulat. Doutez-vous que tous ceux qui favorisent la noblesse, qui ne trouvent rien de plus beau, qui se laissent séduire par les images de vos ancêtres et par l'éclat de vos noms, ne vous aient nommé édile ? Pour moi je n'en doute pas ; mais s'il y a peu de gens qui aiment la noblesse, est-ce notre faute ? Revenons en effet à l'origine, à la source des deux familles.

Vous êtes du municipe de Tusculum qui a produit un si grand nombre de familles consulairesentre autres celle des Juventius, qu'on n'en trouverait pas alitant dans tout le reste des municipes. Plancius est de la préfecture d'Atina, moins ancienne, moins rapprochée de Rome que Tusculum, et dont les habitants ont obtenu à Rome bien moins de magistratures. Quelle différence cela doit-il produire à votre avis dans les candidatures ? D'abord pensez-vous que ce soient les habitants d'Atina ou ceux de Tusculum qui s'intéressent le plus vivement aux succès de leurs compatriotes ? Ceux d'Atinaje puis facilement le savoir, étant leur voisin, quand ils virent le père d'un homme excellent et distingué qui est ici, Cn. Saturninus, arriver à l'édilité et à la préture, témoignèrent une joie extraordinaire parce qu'il était le premier qui eût apporté la chaise curule, non-seulement dans sa famille, mais dans cette préfecture. Pour les Tusculans, comme leur municipe est rempli de consulairescar je suis sûr qu'ils n'y mettent aucune malveillance, je n'ai jamais remarqué qu'ils fussent vivement touchés des honneurs décernés à leurs compatriotes. C'est là notre force, c'est le privilège de nos municipes. Que dirai-je de mon frère et de moi ? Nos succès politiques ont été Pour ainsi dire salués par les plaines et les montagnes de notre pays. Entendez-vous jamais un Tusculan parler avec orgueil du célèbre M. Caton qui eut toutes les vertus à un degré éminent, ou de Tib. Coruncanius, leur compatriote, ou de tant de Fulvius ? Personne n'en dit un mot ; mais dès que vous rencontrez un habitant d'Arpinum, il vous faut, bon gré mal gré, entendre dire peut-être quelque chose de nous, mais certainement quelque chose de Caïus Marius. Plancius donc eu d'abord pour lui les sympathies ardentes des hommes de son pays. Pour vous ces sympathies ont été ce qu'elles peuvent être dans un pays déjà rassasié d'honneurs. Ensuite, les habitants de votre municipe ont, il est vrai, de brillantes fortunes ; mais enfin ils sont peu nombreux, si on les compare aux habitants d'Atina. La préfecture de Plancius est remplie d'hommes très-respectables et l'on ne peut citer dans toute l'Italie une préfecture plus populeuse. Vous en avez lei preuve, juges, dans ces nombreux suppliants que vous voyez ici partageant la peine de Plancius et couverts d'habits de deuil. Tous ces chevaliers romains, tons ces tribuns de la soldecar nous n'avons pas voulu retenir pour ce procès la plèbe d'Atina qui toute entière a assisté aux comices, n'ont-ils pas été pour la candidature de Plancius un point d'appui et une recommandation ? Ce ne sont pas seulement les voix de la tribu Terentine[192] qu'ils lui apportaient, mais ils présentaient autour du candidat l'aspect imposant d'une population compacte, énergique, assidue. Puis les rapports de bon voisinage ont dans nos municipes une grande influence.

Tout ce que je dis de Plancius, je le sais par expérience ; nous sommes voisins d'Atina et la population de ce voisinage est de celles que l'on estime et que l'on aime. Elle garde les habitudes loyales de l'ancien temps, un dévouement plein de candeur, l'ignorance des mensonges, des faux semblants d'amitié, du langage trompeur et de tout ce manége de démonstrations perfides dont on apprend l'art à Rome ou même dans les environs. Plancius a trouvé de chauds partisans dans tous les hommes d'Arpinum, dans tous ceux de Sora, de Casinum, d'Aquinum. Toute cette contrée si peuplée de Venafrum et d'Alifœ notre pays d'âpres montagnes, si fidèle, si franc, si prompt à soutenir les siens, voyait dans le succès de Planais un honneur pour lui-même, un accroissement de son importance. Et maintenant ces mêmes municipes envoient ici les chevaliers que vous voyez, en qualité de députés, pour témoigner en leur nom en faveur de Plancius. Son danger d'aujourd'hui n'excite pas moins d'intérêt que sa candidature d'alors ; car il est plus grave d'être dépouillé de sa fortune que de ne pas recevoir une dignité nouvelle.

Si donc vos ancêtres, Laterensis, vous ont laissé un plus brillant héritage de gloire domestique, Plancius avait pour lui non seulement un municipe, mais tout un pays plus zélé pour le soutenir. À moins que vous n'ayez trouvé de l'appui dans vos voisins de Lavicum, de Bovillœ ou de Gabies, municipes où l'on trouve à peine, à présent, quelques personnes pour venir prendre leur part des victimes aux féries latines. J'ajouterai, si vous voulez, puisque vous pensez que cela nuit à votre rival, que Plancius eut pour père un publicain ; mais qui ne sait quel puissant secours apporte à un candidat l'ordre des publicains ? C'est dans cet ordre que l'on trouve l'élite des chevaliers romains, les citoyens qui sont l'ornement de la cité, le soutien de la république[193].

Cicéron, le chef de l'aristocratie municipale des chevaliers, fut un des premiers à sentir le patriotisme italien. Pour lui, la terre natale, c'est l'Italie entière. Lorsqu'il nous raconte le supplice de Gavius, citoyen romain du municipe de Cosa[194], avec quele indignation il nous représente l'Italie qui voit mourir son enfant crucifié sur le rivage de Messine, et Gavius mesurant de ses derniers regards ce faible bran de mer qui sépare la province esclave de Verres du pays de la liberté[195] ! C'est sur l'Italie que Cicéron comptait pour faire condamner Verres[196]. Je me garderai bien, dit-il, de laisser remettre cette affaire à l'époque où cette réunion de toute l'Italie aura quitté Rome, tandis qu'aujourd'hui elle s'y trouve rassemblée pour les comices, pour les jeux et pour se faire inscrire sur les registres des censeurs.

C'est l'Italie dont il devait, selon l'avis de son frère Quintus, rechercher avant tout les suffrages pour arriver au consulat. Quintus lui recommande bien de ne pas négliger la faveur des hommes de la ville, des affranchis, de s'assurer des voix dans toutes les corporations urbaines, dans tous les quartiers de la cité et des faubourgs ; mais, à la brièveté de ce conseil, on voit que là n'est pas le véritable parti de Cicéron. Au contraire, il insiste sur les soins à prendre pour acquérir ou conserver la faveur de cette grande nation qui composait les tribus rustiques.

Ayez soin d'embrasser dans votre esprit et de graver dans votre mémoire toute la carte politique de l'Italie divisée par tribus ; de ne laisser de côté aucun municipe, aucune colonie, aucune préfecture, enfin aucune localité de l'Italie[197], et de vous assurer partout un appui suffisant. Enquérez-vous aussi des hommes de chaque contrée que vous devez visiter, faites connaissance avec eux, recherchez-les, encouragez-les ; faites en sorte qu'ils vous secondent auprès des citoyens de leur voisinage et qu'ils se fassent, en quelque sorte, candidats dans votre intérêt. Ils désireront votre amitié s'ils voient que vous recherchez la leur. C'est ce que vous arriverez sans peine à leur faire comprendre, en leur tenant le langage approprié à votre objet. Les hommes des municipes et des tribus rustiques[198], dès que nous les connaissons de nom, se croient nos amis ; mais s'ils ont, de plus, l'espérance de s'assurer une protection, ils ne perdent pas l'occasion de la mériter. La plupart des candidats, et surtout vos compétiteurs, ne les connaissent mémé pas[199]. Vous, vous les connaissez ou vous les connaîtrez parfaitement[200].

Devenu consul, Cicéron rencontra des ennemis dans la haute noblesse de Rome et dans la populace de la ville, conjurées avec les pâtres esclaves de l'Italie centrale et les vétérans de Sylla, sous les auspices du patricien Catilina[201]. Les amis du consul, c'étaient les chevaliers romains qui entouraient le temple de Jupiter, l'épée à la main, au moment où Cicéron prononçait la première Catilinaire, les propriétaires des colonies et des municipes qui défendaient leur fortune contre les patriciens, contre les lazzaroni de la ville, et contre les brigands de l'Apennin. La préfecture de Réate avait envoyé â Cicéron l'élite de sa jeunesse pour le défendre. Aux nones de décembre 63, les chevaliers romains qui se tinrent en armes sur la pente du Capitole pendant que le Sénat délibérait sur le sort des complices de Catilina, c'était l'élite des populations italiennes, réunie à Rome pour empêcher la populace des carrefours de délivrer les patriciens Lentulus et Cethegus. Aussi, ce grand nom de l'Italie, Cicéron le répète à chaque instant, et, dès la fin de l'an 59, lorsque Clodius se préparait à l'attaquer, Cicéron écrivait à son frère[202] : Si Clodius me cite en justice, toute l'Italie accourra pour me soutenir, et nous sortirons de ce procès plus glorieux qu'auparavant. Mais ce ne fut pas aux tribunaux que Clodius eut recours. Ce tribun élégant de la populace urbaine[203], entouré de bravi et de mercenaires comme un grand seigneur italien du XVIe siècle, fit fermer les boutiques de Rome[204], et se mit à enrôler, auprès du tribunal d'Aurelius, les ouvriers, les affranchis et les esclaves que cette grève factice livrait à sa turbulence. En vain, tous les municipes, toutes les colonies, toutes les préfectures[205], intercédèrent en faveur de Cicéron. Les chevaliers romains, chargés de lui apporter, devant l'assemblée des tribus, ces témoignages des sympathies italiennes, furent dispersés à coups de pierre et à coups d'épée par les spadassins de Clodius[206]. Cicéron s'exila. L'Italie pourtant prit bientôt sa revanche et s'arma pour prévenir un nouveau coup de main des bandits de la ville. Une lettre écrite par le consul Lentulus à toutes les cités italiennes, convoqua à Rome, pour le mois de juillet 57 av. J.-C., tous ceux qui voudraient sauver la République. Les hommes des tribus rustiques accoururent de toutes parts. Ce n'étaient plus les boutiques de Rome qui se fermaient, c'étaient les municipes[207], et la voix du grand peuple romain étouffait les cris soldés de la populace urbaine. En trois occasions, les sentiments de la nation se manifestèrent pour désavouer les violences commises, contre Cicéron, par la faction des tribus de la ville : d'abord, dans une assemblée tenue par Pompée, et où l'Italie entière était debout[208] ; puis, au théâtre, où l'acteur Esope émut tout l'auditoire par des allusions, vivement applaudies, aux malheurs de Tullius exilé[209] ; enfin aux comices centuriates[210], qui prononcèrent son rappel. A son débarquement à Brindes, il fut accueilli par une famille de chevaliers romains de cette colonie, celle de Lenius[211], et de Brindes jusqu'à nome, l'Italie entière sembla lui faire cortége[212]. Des préfectures, des colonies, des municipes, des députations venaient au devant de lui pour le féliciter. L'encens fumait sur sa route comme dans les fêtes consacrées aux Dieux et il fut reporté jusqu'à la ville sur les épaules de l'Italie[213]. Que l'emphase de l'orateur ait exagéré l'importance de ces démonstrations politiques, que sa personnalité vaniteuse ait fatigué de la description toujours répétée de ce retour triomphal, l'attention du Sénat et la bienveillance même de ses amis, il n'en est pas moins remarquable qu'un homme ait pu devant tout un peuple, invoquer, sans être démenti, de pareils souvenirs. Qu'importe à l'histoire que Cicéron n'ait eu ni la discrétion d'un politique ni le caractère d'un chef de parti, ni peut-être l'intelligence claire des besoins de son pays et de son temps ? Son succès d'un jour n'en garde pas moins la signification qu'il lui a donnée. Il y avait dès cette époque, en face de la vieille ville des patriciens, des Sylla, des Catilina, des Clodius, une Italie plébéienne conduite par les chevaliers romains, par la bourgeoisie riche des petites villes, rivale de la bourgeoisie noble de Rome.

Les parents[214], les amis de Cicéron, tous ceux qui dirigeaient avec lui les affaires de son municipe, étaient chevaliers romains, comme on le voit par une de ses lettres écrite de Cilicie, en l'an 50 av. J.-C.[215] Il prie Brutus, envoyé par César pour conduire des colonies en Gaule, d'épargner les terres sur lesquelles les anciens colons paient des rentes à la ville d'Arpinum :

Les ressources qui permettent aux habitants d'Arpinum de célébrer leurs fêtes religieuses de réparer leurs temples et leurs édifices communaux, consistent dans les renies qu'ils tirent de la province de Gaule. Pour visiter ces domaines, pour exiger des colons les sommes qu'ils doivent... nous avons envoyé, comme fondés de pouvoirs, O. Fufidius, fils de Quintus, M. Fancius, fils de Marcus, et Q. Mamercus, fils de Quintus, qui sont des chevaliers romains[216]... Habitué à défendre les intérêts de mes compatriotes d'Arpinum, je suis tenu cette année à en prendre un soin particulier. J'ai voulu que mon fils et mon neveu fussent édiles à Arpinum[217] avec M. Cæsius qui est très-lié avec moi. M. Cæsius, comme on le voit par la lettre suivante, était le beau-père du chevalier Q. Fufidius. Fermiers des terres publiques, et en même temps administrateurs de leurs municipes, les chevaliers romains plaçaient, dans les fermes qu'ils sous-louaient à des colons, les fonds de leurs villes natales, ou ils prêtaient ces fonds aux colons, moyennant hypothèque sur des terres, dont les colons avaient la jouissance[218]. Les municipes devenaient ainsi de véritables compagnies de publicains.

Les chevaliers romains, dans les petites villes italiennes, ne sont pas des étrangers qui y séjournent en passant pour leurs affaires. Ils y sont nés, ils y vivent, ils en forment les administrations électives ou les députations municipales. Cn. Plancius, qui fut édile en l'an 55 av. J.-C., était un chevalier romain de la préfecture d'Atina[219]. Son père, son aïeul, son bisaïeul, tous ses ancêtres avaient été chevaliers romains et avaient tenu un rang distingué dans la même préfecture[220]. Cicéron parle aussi d'un grand nombre de chevaliers romains d'Atina[221], d'Arpinum, de Sora, de Casinum[222], de Venafrum, d'Aquinum, envoyés à Rome par leurs municipes, pour témoigner en faveur de son client[223].

La région campanienne avait donné à l'ordre équestre Sacrativir, de la colonie de Capoue[224], un des cavaliers les plus connus dans les légions de César[225], M. Orfius d'Atella[226], A. Vitellius[227], les Vinicii du municipe de Cales[228], ancêtres de M. Vinicius, auquel Velleius dédia ses histoires[229], M. Cælius, fils d'un chevalier romain de Puteoli et décurion de ce municipe[230]. A la chevalerie romaine appartenaient aussi les Cluvii[231] et les Granii de Puteoli[232] et les Titinnii de Minturnes[233], enfin, dans le Brutium, C. Mucius de Rhegium[234].

Le pays des Hirpins, des Samnites, des Apuliens, des Frentans fut aussi le berceau de beaucoup de familles équestres. L'historien C. Velleius était un chevalier romain né en l'an 18 av. J.-C., à Æculanum, chez les Hirpins[235]. Son grand-père avait tenu un rang élevé dans l'ordre équestre, puisqu'il avait été un des 360 juges choisis par Pompée[236]. Chez les Frentans, Statius Albius Oppianicus avait été quatuorvir à Larinum, et Cicéron l'appelle un chevalier romain noble dans son municipe[237]. A. Cluentius Avitus, fils de l'homme le plus marquant du même pays, avait reçu de ses ancêtres, comme un héritage, le rang équestre et la noblesse municipale[238]. Les Aurii, de Larinum, appartenaient aussi à cette aristocratie des petites villes, que les anciens opposaient par le titre de domi nobiles à l'aristocratie sénatoriale de Rome[239].

Enfin, autour de Cluentius, on voit se ranger, dans son procès, les chefs des familles amies de la sienne, venus des municipes voisins de Larinum, et Cicéron distingue parmi eux un grand nombre de chevaliers romains[240].

Les hommes les plus honorables de notre connaissance ont voulu assister en grand nombre aux procès de Cluentius et venir lui rendre de vive voix témoignage. Devant vous sont les plus nobles des Frentans, les Marrucins[241] du même rang... Vous voyez ici les chevaliers romains de Teanum d'Apulie et de Lucérie... Bovianum et tout le Samnium ont envoyé les témoignages les plus favorables pour Cluentius et les hommes les plus considérables et les plus nobles pour l'appuyer. Enfin ceux qui, dans la pays de Larinum, ont la ferme des terres publiques ou des pâturages, ceux qui font la banque, ces hommes distingués et d'une fortune brillante, prennent le plus vif intérêt à sa cause[242]. C. Rabirius était aussi un chevalier romain du pays d'Apulie[243], comme les Lœnii établis dans la colonie de Brinde[244].

Si nous remontons de la plaine vers les monts de l'Apennin, nous rencontrons à Sulmone, chez les Pélignes, l'ancienne famille du poète Ovide, fière de ses nombreuses générations de chevaliers[245], et à Carseoli, chez les Eques, la brillante famille équestre de M. Anneius[246]. A Corfinium, sur l'Aternus, dans cette ville du plateau des Abruzzes, dont les alliés avaient voulu faire, sous le nom d'Italien, la capitale de l'Italie révoltée contre Rome, César, après le passage du Rubicon, rencontra un grand nombre de chevaliers romains et de décurions que son ennemi Domitius avait fait venir de leurs municipes[247].

Le territoire de Picenum avait donné naissance aux familles équestres de Q. Sosius[248], de Labienus[249] et des Pompées[250]. Q. Pompeius, consul en 141 av. J.-C., était encore de son temps un homme nouveau[251]. Le grand Pompée, dans toute la première partie de sa carrière, ne fut qu'un simple chevalier. La colonie[252] de Spolète, en Ombrie, avait envoyé à Rome deux chevaliers romains célèbres par leur éloquence, les frères Cominii[253], et la colonie de Pisaure, sur l'ancien territoire Sénon, le chevalier T. Attius, accusateur de Cluentius[254]. Mevania ou Hispellum, au centre de l'Ombrie, avait vu naître le poète Properce, un des ancêtres de Passienus Paulus[255]. Interamna, sur le Nar, comptait au nombre de ses familles équestres, celle de C. Cassinius Schola[256], et peut-être celle de l'historien Tacite[257].

La Gaule Cisalpine ne faisait pas encore partie de l'Italie au temps de César. Elle peut être considérée comme la province le plus anciennement et le plus complètement assimilée à l'Italie par la concession du droit de cité. Là vivait, à Ravenne, le chevalier romain P. Cœsius, né chez un peuple gaulois fédéré, et dont le père du grand Pompée avait fait un citoyen de Rome[258]. On peut citer encore parmi les chevaliers romains de ce pays Cisalpin, qui conserva longtemps la simplicité et la rusticité de l'ancien temps[259], Corellius, d'Este, qui laissa un nom célèbre parmi les agronomes[260], C. Felginas, de Plaisance, qui fut tué devant Dyrrachium, dans la guerre de César contre Pompée[261] ; Arrianus, d'Altinum ; Minucius Acilianus, de Brescia, un des chefs de l'ordre équestre au temps de Vespasien[262] ; Turpilius, né en Vénétie, et qui orna Vérone de peintures admirées encore au temps de Pline l'Ancien[263]. Enfin pour nous donner une idée de la richesse que possédait, au temps d'Auguste, Padoue, patrie de Tite-Live, ville qui appartenait à la tribu rustique Fabia[264], Strabon nous dit que Padoue était la seule ville italienne qui comptât sur les listes du cens, comme la ville espagnole de Gades, plus de cinq cents hommes dont la fortune était celle des chevaliers[265]. Ce mot nous fait comprendre que le cens équestre, ou des citoyens de la première classe, celui de 400.000 sesterces (86.000 francs), considéré déjà du temps de Cicéron comme représentant un bien assez médiocre[266], était, au temps d'Auguste, possédé par des milliers de citoyens, soit en Italie, soit dans les provinces.

En faisant le tour des provinces des bords de la Méditerranée, nous allons rencontrer, dans chacune d'elles, des chevaliers romains qui en furent originaires. Cornélius Gallus, né à Fréjus, et qui devint préfet d'Egypte, Fabius Maximus, de la colonie de Narbonne, appartenaient à l'ordre équestre[267]. L'historien Trogue Pompée, qui descendait d'une famille gauloise de la tribu des Voconces, était aussi chevalier romain. Son aïeul avait reçu le droit de cité du grand Pompée pendant la guerre de Sertorius. Son oncle avait conduit des escadrons de cavalerie dans la guerre contre Mithridate. Son père avait servi de même sous Jules César[268]. Pline cite un autre chevalier romain, Julius Viator, qui était, comme Trogue Pompée, sorti de la nation fédérée des Voconces[269], et un Pompeius Paulinus, fils d'un chevalier romain d'Arles[270].

En Espagne, nous avons déjà trouvé cinq cents chevaliers romains à Gades. Plusieurs Espagnols, membres de l'ordre équestre, sont nommés par Op-plus dans le récit de la guerre d'Espagne. Ce sont : Q. Pompeius Niger, d'Italica (Séville la vieille), A. Bœbius, C. Flavius, A. Trebellius, d'Asta Ilegia (Xeres[271]). Enfin Tacite fait dire à Sénèque, originaire de Cordoue, qu'il était issu d'une famille de chevaliers de la province[272].

En Afrique, nous trouvons mentionné un chevalier romain de la colonie de Sabrata[273]. L'empereur Septime Sévère, dit Spartien[274], était originaire d'Afrique. Sa patrie fut Leptis, son père, Geta, ses ancêtres, des chevaliers romains avant que le droit de cité fût donné à tous. Ces dernières paroles font allusion à l'édit de Caracalla, de l'an 222 ap. J.-C. Elles prouvent qu'à Leptis, comme dans presque toutes les villes de l'empire romain, les familles riches qui avaient le cens équestre, obtinrent le droit de cité romaine plus tôt que les autres classes de la population. L'historien Josèphe parle de chevaliers romains de race juive[275], et Juvénal de chevaliers Bithyniens de race grecque[276]. La Grèce avait fourni des membres à l'ordre équestre dès le premier siècle de l'empire. Car l'empereur Claude raya de la liste des juges, un chevalier d'origine grecque, parce qu'il savait mal la langue latine[277]. Enfin la Germanie elle-même eut ses chevaliers romains. Arminius, fils de Sigimer, ce chef des Chérusques qui fit massacrer les trois légions de Varus, s'était fait nommer citoyen de Rome, peut-être pour mieux la surprendre, et Velleius[278] nous dit que par le droit de cité, il avait aussi acquis celui de figurer au rang des chevaliers. C'est que le droit de cité était seul l'objet d'une concession, et que la dignité équestre s'y ajoutait d'elle-même comme une conséquence de la fortune du nouveau citoyen.

Cette énumération, nécessairement incomplète, met hors de doute deux faits, dont l'un avait été déjà établi par les textes des auteurs anciens, et par l'histoire économique de Rome : l'identité de l'ordre équestre, avec la première classe des citoyens romains, et l'origine municipale de la plupart des chevaliers. Un ordre composé de tant d'éléments divers, d mit offrir entre ses différentes parties, des contrastes frappants et, dans son ensemble, s'opposer nettement à la vieille aristocratie de la ville dominante. Pour bien saisir ces différences dans ce qu'elles eurent de plus original, revenons de la forêt de Teutberg ; patrie du chevalier romain Arminius, dans les pays de l'Italie les plus voisins de Rome.

Deux peuples, séparés seulement par le Tibre, mais de mœurs bien différentes, les Etrusques et les Sabins, avaient fait entrer leur aristocratie dans la première classe des citoyens de Rome. Les fastueux descendants des Lucumons, et ceux des plus riches cultivateurs des environs de Cures et de Réale étaient devenus chevaliers romains. En Etrurie, nous trouvons des chevaliers romains à Fésules[279], à Pérouse[280], à Florence[281]. Le même rang appartenait aux Salvii de Ferentinum[282], ancêtres de l'empereur Othon, et aux familles de Cæcina[283], et du poète A. Persius de Volaterra[284]. Le père d'Othon avait été proconsul, son grand-père préteur, son bisaïeul simple chevalier. Séjan[285], de la famille équestre des Séii de Vulsinies[286], Mécène[287], dont les ancêtres, les Cilnii, avaient régné dans Arretium, ne voulurent jamais porter d'autre titre que celui de chevaliers romains[288].

Non loin de l'Etrurie, mais dans les montagnes de l'Apennin, et dans la ville sabine d'Amiternum, l'historien Salluste était né d'une famille équestre[289]. Mais quelle différence entre Mécène et Salluste pour la manière de parler et d'écrire ! Auguste appelait en riant son élégant favori la perle d'Etrurie, le joli saphir d'Arretium[290], parce qu'il avait adopté une mise recherchée et un langage précieux. Au contraire, Salluste croyait devoir à la réputation de sévérité des Sabins, ses ancêtres, de déclamer contre la corruption des mœurs et d'imiter les archaïsmes de Caton le censeur. Les ouvrages de Salluste sont écrits dans le style sabin. Si la vie du chevalier d'Amiternum n'était pas plus austère que celle du chevalier étrusque, tous deux ils restaient fidèles à leur origine, du moins dans leur langage, et se plaisaient à y marquer le caractère et l'empreinte de la couleur locale de leur pays.

C'est dans la Sabine, non loin des fermes de Curius Dentatus et du municipe d'où il était sorti[291], que les propriétaires, appartenant à l'ordre équestre, conservèrent le plus longtemps les vieilles habitudes des tribus rustiques. Le grand chef plébéien C. Sertorius était un Sabin de Nursia, qui servit comme simple chevalier romain dans l'armée de Cæpion et perdit son cheval à la bataille des bords du Rhône, en 105 av. J.-C. Devenu tribun des soldats dans l'armée de Didius en Espagne, pins questeur dans la Gaule cispadane, il allait par le tribunat de la plèbe s'élever au-dessus du rang équestre, lorsque l'inimitié de Sylla contre les hommes nouveaux le fit échouer dans cette candidature[292]. Ligarius était aussi Sabin et Cicéron, implorant pour lui la clémence de César, disait[293] :

Je puis mettre devant vos yeux les plus honnêtes gens de la Sabine. Voici le pays Sabin tout entier. C'est l'élite de l'Italie, la force solide de la République[294]. Voyez la tristesse de tant d'hommes considérables et les larmes de T. Brocchus. Regardez toute la maison des Brocchi, L. Mucius, C. Cæsetius[295], L. Corfidius[296], tous ces chevaliers romains sont ici en deuil. Les Corfidii étaient alliés à la famille du polygraphe M. Terentius Varron, né à Réate dans la Sabine[297] et qui, sorti comme Caton du pays des laboureurs, avait comme lui écrit un traité d'agriculture. La préfecture de Réale avait envoyé à Cicéron l'élite de sa jeunesse pour le défendre coutre Catilina[298], et on les retrouve parmi ces chevaliers romains qui, pendant la délibération du sénat, le jour des Nones de décembre, occupèrent en armes la pente du Capitole[299]. De Réate sortit aussi Flavius Vespasien qui, au milieu de la corruption de l'empire, resta comme un témoin et un modèle des vertus des anciens Sabins. La famille des Flavii de Réate était déjà parvenue à la fortune des citoyens de la première classe, au temps de Sabinus qui fut publicain, fermier de l'impôt du quarantième et banquier chez les Helvètes[300]. Sabinus fut assez riche pour épouser Vespasia Polla, fille de Vespasius Pollion de Nursia, qui était chevalier romain, puisqu'il avait été tribun des soldats[301]. Les fils nés de ce mariage furent un second Sabinus et Vespasien. Ils n'échangèrent pas sans regret la bande étroite de pourpre dont se contentaient les simples chevaliers[302], pour le laticlave réservé aux jeunes gens qui se destinaient à la carrière dangereuse des honneurs. Après les folles splendeurs du règne de Néron, de ce dilettante sans cœur, qui poussa jusqu'à la démence la passion naturelle des patriciens pour le luxe et les arts[303], on vit arriver à l'empire l'honnête plébéien du bourg de Phalacrine, qui préférait l'odeur de l'ail à celui des parfums, le chevalier sabin, peu amateur de poésie, qui deux fois au théâtre avait osé s'endormir en face de Néron qui déclamait. Vespasien entra dans le palais des Césars avec le sans-façon d'un administrateur et l'aplomb d'un robuste soldat[304]. A la fois rude et sensé, superstitieux et railleur, économe et brave comme Caton l'ancien, comme lui résolu à employer le pouvoir au bien public, et disposé à faire de sa vertu une épigramme contre ses prédécesseurs, il était en tout l'image fidèle de la classe des publicains d'où il était sorti. Entre Néron et Vespasien, on retrouve le même contraste qu'entre Sylla et Marius, entre les Scipions et Caton. C'est un des derniers exemples qui manifestent la profonde dualité de l'ancienne Rome, et l'opposition d'esprit et de mœurs entre la noblesse patricienne de la ville et la noblesse équestre des tribus rustiques.

Les mêmes distinctions que l'histoire politique traçait entre les diverses zones du territoire romain, le goût littéraire les retrouvait entre les différentes fa- milles de mots et de locutions, dont se composait le vocabulaire. Asinius Pollion, peut-être pour faire oublier qu'il était d'abord un chevalier romain, originaire de Réate[305], affectait le dédain pour tout ce qui portait la moindre trace du ton provincial[306]. il s'était fait faire à l'imitation des Atii d'Aricie une généalogie troyenne, consacrée par un vers de l'auteur de l'Enéide[307] et, fier de cette noblesse imaginaire, il se croyait en droit de décider que le style de Tite-Live sentait le Padouan[308] ; il trouvait à redire aux phrases de l'orateur d'Arpinum. Il relevait des impropriétés d'expression dans l'historien d'Amiterne[309]. Mais il daignait se plaire aux chants du poète de Mantoue, quoique sa muse lui parût un peu rustique[310].

Un siècle après, le bon Quintilien cherche à s'expliquer les délicatesses littéraires du favori d'Auguste. Il ne comprend guère non plus pourquoi Lucilius avait reproché à Vectius de parler le patois des Sabins, des Toscans, et des Prénestins[311]. Il recommande à ses disciples de faire en sorte que tous leurs mots, que leur prononciation même rappellent l'homme élevé dans la ville de Rome, pour que leur style soit franchement romain et ne paraisse pas admis seulement par faveur au droit de bourgeoisie[312]. Mais ce précepte n'est plus pour celui qui le donne qu'une tradition de l'école. Quintilien avoue, qu'il ne saisit pas bien lui-même la valeur des nuances qu'il conseille d'observer et qu'à ses yeux, tout ce qui est Italien est Romain[313].

Les Romains de la ville n'en conservaient pas moins, comme une dernière trace des distinctions effacées, l'urbanité[314] dans le parler et dans l'accent, et Cicéron félicitait le patricien Papirius Pœtus, d'avoir gardé le secret de cette grâce aimable, qui n'appartenait qu'aux vieilles familles romaines de la ville[315]. La grâce de votre langage me ravit, parce que j'y sens cette politesse romaine, partout ailleurs obscurcie ou par la rouille latine ou par le flot troublé de tant d'étrangers mêlés à notre ville, enfin par l'invasion des nations transalpines et portant les braies, qui n'ont plus rien laissé à notre langue de son ancien charme[316].

Les patriciens et même les plébéiens d'ancienne noblesse, dont les familles étaient depuis deux ou trois siècles établies dans Rome, possédaient l'urbanité naturelle, qui, semblable à un vin sans mélange, gardait chez eux comme le goût du terroir[317]. Ils n'admettaient guère que les nouveaux venus des municipes, les hôtes de la ville (inquilini), parvinssent à force d'esprit à imiter cette exquise simplicité. Si à Rome, le patricien se piquait d'urbanité, le plébéien de la campagne, le chevalier né dans un municipe, affectait souvent une sorte de rudesse qui était comme le fier aveu de son origine. Marius ne croyait pas, comme le patricien Paul-Émile[318], que celui qui pouvait gagner une bataille dût aussi savoir ordonner un festin. Le luxe de l'esprit lui semblait d'ailleurs aussi indigne d'un Romain que le luxe de la table ou de la toilette. Caton pensait de même, ou peut-être, en homme avisé, avait-il calculé ce que ses façons de campagnard et sa verve de causticité villageoise pouvaient lui gagner de suffrages. Il était bon, aux jours des élections, d'avoir le parler âpre et rude des gens de la campagne. Tout candidat habile, s'il n'était pas patricien, se targuait alors de rusticité, pour plaire aux paysans de la plèbe, comme chez nous en 1848, on eût volontiers mis une blouse par-dessus son habit, pour être populaire parmi les ouvriers[319]. Si le patricien Sulpicius Gallus avait, dès le temps de la bataille de Pydna, su annoncer et expliquer aux soldats une éclipse de lune[320], les plébéiens n'en faisaient pas moins profession, un siècle et demi après lui, de mépriser l'astronomie et toutes les sciences de la Grèce vaincue[321]. Etre savant ou passionné pour les arts, leur semblait un goût frivole peu convenable à la gravité d'un père de famille. Aussi comme Cicéron sait faire l'ignorant, comme il couvre sa raillerie d'un faux air de prud'hommie plébéienne, lorsqu'il énumère les statues dérobées par Verrès ! Eût-il été décent qu'un compatriote de Marius se donnât pour un connaisseur en ces sortes de choses[322] ?

Dans la maison d'Heius de Messine, il y avait un sanctuaire où l'on voyait quatre statues très-belles, chefs-d'œuvre très-célèbres et qui pouvaient charmer, non-seulement un homme de goût, un amateur comme Verrès, mais le premier venu d'entre nous, qu'il appelle des idiots. L'une était un Cupidon, un marbre de Praxitèle (car en faisant l'enquête contre Verrès, j'ai appris aussi les noms des artistes) ; en face s'élevait une statue d'Hercule, un bronze admirable on disait qu'il était de Myron. C'est bien de Myron, n'est-ce pas ?... oui de Myron. Il y avait encore deux statues assez petites, mais d'une grâce exquise. On les appelait les Canéphores. Mais comment donc s'appelait l'artiste ? son nom m'échappe... Polyclète, dites-vous ?... merci... c'est Polyclète qu'on le nommait[323].

Quand Cicéron tournait en ridicule les prétentions de Verrès, il était sénateur et personne ne se serait avisé de croire à son dédain pour les arts de la Grèce ni à sa naïveté plébéienne. Mais dix ans auparavant, lorsqu'il était encore tout nouvellement arrivé de son village, il avait exprimé avec la vigueur d'une conviction juvénile, l'antipathie qu'inspirait aux populations des tribus rustiques la brillante corruption de Rome :

C'est dans la ville que naissent les goûts du luxe. Le luxe engendre nécessairement la cupidité, et la cupidité pousse l'homme à tout oser Telle est la cause de tous les crimes, de toutes les mauvaises actions. Au contraire la vie de l'homme de la campagne, que vous trouvez grossière, est une école d'économie, de travail, de probité[324]... Les chefs de maison qui ont des enfants, surtout ceux du même ordre[325] que Roscius, qui sont des municipes de la campagne, s'estiment fort heureux que leurs fils s'occupent de leurs intérêts domestiques et mettent leurs soins à faire valoir leurs terres. Il ne me serait pas difficile de vous en citer par leurs noms un grand nombre qui font le plus grand cas de leurs enfants et qui désirent les voir s'appliquer à l'agriculture, et, sans chercher bien loin, je les trouverais parmi les hommes de ma tribu et parmi mes voisins[326].

Les chevaliers romains des municipes de la campagne, comme Sex. Roscius d'Amérie, ou comme les voisins de Cicéron à Arpinum dans la tribu Cornelia, n'étaient pas du reste de lourds et pauvres campagnards réduits à vivre du travail de leurs mains. Roscius d'Amérie avait, sur les bords du Tibre, treize fermes estimées six millions de sesterces (1.290.000 f.) c'est-à-dire quinze fois autant de bien qu'il en fallait pour être chevalier romain. On peut comparer cette noblesse équestre des tribus rustiques à la classe des francs tenanciers, à cette bourgeoisie de campagne des comtés orientaux de l'Angleterre où Cromwell leva ses escadrons de côtes de fer[327]. Les mêmes occupations agricoles avaient formé dans deux pays si différents du reste, et à des siècles d'intervalle, deux races d'hommes à peu près semblables. Les chevaliers des municipes romains, comme les yeomen des comtés de Norfolk et de Cambridge, étaient attachés à la religion et à la loi, sévères dans leurs mœurs, durs à la fatigue, solides dans les combats, confiants dans leur droit et dans leur force, âpres au gain, peu amis des arts, dédaigneux du luxe, mais admirateurs de la richesse qu'ils regardaient comme un gage d'indépendance et comme un signe d'énergie. Entre les chevaliers romains et les nobles de Rome, la querelle n'était nullement une lutte de races, puisque les hommes des deux partis étaient pour la plupart de sang latin ou italien. Elle était pourtant plus qu'un simple conflit d'intérêts politiques. Entre eux, comme entre les rigides Indépendants et les élégants compagnons de Charles Ier et de Montrose, il y avait incompatibilité d'humeur, opposition de goûts et de caractères, hostilité naturelle. Les chevaliers des campagnes italiennes et les nobles de la ville de Rome différaient tant par les idées et par les sentiments ; par les habitudes et par les manières, que, dès le premier abord, ils devaient se trouver mutuellement ridicules et odieux, et, bientôt après, s'attaquer comme ennemis.

 

 

 



[1] Cicéron, pro Sulla, VIII.

[2] Tite-Live, XXII, 34.

[3] Q. Cicéron, De petit. consolatus.

[4] Corn. Nepos, Vie d'Atticus, 3. Atticus n'échappa au service militaire qua force d'adresse. Ibid., ch. 4.

[5] Cicéron, pro Q. Roscio comœdo, ch. 14. Cf. pro Rabirio Postumo, XV.

[6] Denis, IV, 16 et 18, VII, 59 et X, 17.

[7] Pline, Hist. mundi, XXIII, 13.

[8] Cicéron, De Republica, II, 22, éd. d'Angelo Maï.

[9] Volume Ier, ch. II, § 3.

[10] Crevier, De ære gravi, dans le XIIe volume du Tite-Live de Lemaire, p. 103-109. Cf. vol. Ier de cette histoire, tabl. explicatif de la constit. romaine de 220 à 219 av. J.-C.

[11] Tite-Live cite des amendes de 100.000 sesterces en 189, av. J.-C., de 400.000 sesterces en 170 av. J.-C. XXXVII, 58, XLIII, 8 ; Appien, une amende de 20 talents ou de 500.000 sesterces, en l'an 100 av. J.-C., G. Civile, I, 29. Le plébiscite de aquis édicte une amende de 100.000 sesterces contre celui qui dérobe une prise d'eau. La loi municipale de Jules-César, art. VI, VII, VIII, X, des amendes de 50.000 sesterces pour de simples contraventions en matière d'élections municipales. Relliq. vet. serm. lat. de M. Egger, p. 304, 307 et 331. L'héritage de Paul Emile fut de 60 talents (313.600 francs.) Les deux filles du premier Africain eurent chacune pour dot 50 talents (258.000 francs.) Polybe (fragm. XIII et XIV du liv. XXXII.) La maison habitée par Sylla jeune et pauvre était louée 5.000 sesterces (1.075 francs.) Plutarque, Sulla, 1. Peut-on croire que le cens de 10.000 drachmes ou 40.000 sesterces (8.600 francs), marqué par Polybe, ch. 23, n° 15, pour la même époque, soit le chiffre de la fortune des citoyens de la première classe ?

[12] Beaufort, Rép. romaine, liv. III, ch. 7, t. II, p. 229.

[13] Juvénal, Satire VIII, vers 237. Municipalis eques.

[14] Pline. Liv. Ier, epist. 19.

[15] La fin de la lettre prouve que le mot census ne signifie pas revenu, connue on l'a quelquefois supposé, mais capital de la fortune estimée sur les registres du cens. Census, signifiant revenu, appartient à la basse latinité.

[16] Egger, Examen des historiens d'Auguste, Appendice II sur les Augustales, § 3. Troisième monument. Orelli, Inscr. lat. n° 3,713.

Qvinto Fabio Celeri equiti Arretino. Arretii, Muratori 699,7.

Qvinto Fabio Celeri equiti Fiorentino. Arretii, Muratori 801,5.

Muratori avait écrit la note suivante : Apud Gruterum quoque habemus equitem Alcetiensem (d'Alcetia, colonie de la Pannonie supérieure) eq. Reutinum. Orelli ajoute cette observation fort juste : Sed videndum ne significentur equites romani Arretio, Florentin ceterum oriundi, at, verbicuusu, Muratori 755,3, Taurini : Vir œdili potestate eque Ro.

[17] Mommsen, Hist. rom., trad. Alexandre, t. V, p. 163.

[18] Dion Cassius, Fragm. de Peirese, n° 83. Dans ce fragment les chevaliers romains sont distingués des cavaliers alliés. L'auteur en compte six cents. C'est la cavalerie romaine des deux légions de Cæpion.

[19] Polybe, XXXII, ch. 8, n° 2.

[20] Polybe, VI, 20, n° 9.

[21] Polybe, VI, 39, n° 12.

[22] Cicéron, Philipp., I, 8.

[23] Polybe, VI, 19.

[24] Plutarque, Vie de C. Gracchus, ch. 2.

[25] Salluste, B. Jugurthinam, ch. 63. Cf. Ibid., 46.

[26] Plutarque, Sertorius, ch. 3.

[27] Cicéron, De Oratore, II, 49.

[28] Val. Maxime, V, chap. 8, n° 4.

[29] Cicéron, Pro Plancio, 13.

[30] Cf. Lamarre, De la milice romaine, p. 36, fin. Paris, Dezobry, 1863.

[31] Tite-Live, XXIII, 4 et XXIV, 47.

[32] Lebeau, Mém. de l'Acad. des Inscr., t. XXVIII, p. 44-45.

[33] Lebeau, Mém. de l'Acad. des Inscr., t. XXVIII, p. 59-60. Cf. Masquelez, Castramétation des Romains, Paris, chez Dumame, 1864, p. 79.

[34] César, De bello Gallico, II, 17, V, 11, 17 et 18.

[35] César, De bello Gallico, I, 42. II, 23. V, 3. VII, 63. Cf. sur les evocati, Suétone, Vie de Galba, X.

[36] Appien, B. civ., II, 49.

[37] César, De B. Gallico, I, 23.

[38] César, De B. Gallico, I, 8 et 10, et VIII, 28. Cf. de B. civili., I, 77, et III, 71.

[39] Egger, Lat. sermonis, vet. relliquiæ selectæ, n° L, § VI, p. 304. Celle loi Julia a été conservée sur les tables Héraclée. Cf. § VII.

[40] Appien, B. civ., II, 49.

[41] Plutarque, Vie de Pompée, ch. 61.

[42] César, De B. civili, III, 4.

[43] Appien, G. civ., II, 16. Plutarque, Vie de César, 45. Florus, IV, 2. Cf. César, De B. civ., III, 93.

[44] Appien, G. civ., II, 70.

[45] Frontin, Stratagèmes, IV, ch. 7, n° 32, édit. Oudendorp, p. 495.

[46] Dion Cassius, XLIII, ch. 36 et 37.

[47] Oppius, De bello hispapiensi, ch. 31, fin. Cf. Ibid., ch. 25 et 26, on l'on voit cités des chevaliers romains de la Bétique.

[48] Suétone, Vie d'Auguste, ch. 2.

[49] Hérodien, II, ch. 6 et 7.

[50] Ovide, Tristes, IV, eleg. I, v. 72-74.

[51] Velleius, II, ch. 111.

[52] On en trouve dans les armées de Rome dès le temps du premier Africain.

[53] V. plus haut. Un chevalier romain quatuorvir de Turin, cité dans Muratori, 755, 3, et la loi municipale de Jules César.

[54] Machiavel, Hist. florent., trad. par J. V. Periès, an 1215 ap. J.-C.

[55] Tite-Live, IV, ch. 9 et 10.

[56] Tite-Live, XXIV, 2.

[57] Tite-Live, XXIV 13 ; cf. XXIII, 14,16 et 39.

[58] Tite-Live, XXIII, 15 ; cf. Plutarque, Marcellus, ch. 10 et 11.

[59] Tite-Live, XXIII, 1.

[60] Velleius, liv. II, 16, 76 et 111.

[61] Cicéron, Pro L. Corn. Balbo, 13. Sur les Lævi Cispii d'Anagni chez les Herniques, v. Festus s. v. Septimontium. Cicéron, Epist. ad Fam., X, 21 ; Pro Plancio, 31. Sur Septimuleius d'Anann, Pline, H. M., XXXIII, 14 ; Cicéron, De oratore, II, 67.

[62] Tite-Live, VIII, ch. 11.

[63] Tite-Live, VIII, ch. 14.

[64] Atella. Calatia au Sud, le pays de Falerne au Nord, le territoire jusqu'au Sabatus à l'Est formaient la Campanie proprement dite. Tite-Live, XXVI, 33 et 34, VIII, 13 et 14.

[65] Tite-Live, épitomé, XII.

[66] Tite-Live, XXIII, 4, fin.

[67] Tite-Live, XXIII, 2, 4 et 31.

[68] Tite-Live, XXIII, 2, 4 et 31 ; cf. XXVI, 34.

[69] Appien, G. civ., II, ch. 26.

[70] Cicéron, Pro Corn. Balbo, ch. 23.

[71] Cicéron, Pro Corn. Balbo, ch. 14.

[72] Tite-Live, XXVII, 9 et 10, et XXIX, 15 et 37.

[73] Tite-Live, XXVII, 9.

[74] Tite-Live cite les cohortes des colonies de Firmum, de Crémone, de Plaisance et de Suessa, et les turmæ des colonies de Plaisance et d'Æsernia, X, 33 ; XLI, 5 ; XLIV, 40.

[75] Velleius, II, 9. Horace, Sat. II, I, v. 62 et sq. ; Juvénal, Sat. I, v. 19-20. Perse, Sat. I, v. 114. Sur la colonie de Suessa Aurunca, Tite-Live, IX, 28.

[76] Cicéron, Pro Plancio, XIII.

[77] Polybe, II, 24.

[78] Sur les quatre légions urbaines des jeunes gens de la réserve, voir notre volume Ier. Les quatre légions urbaines comptent, outre leur cavalerie régulière de 1.200 hommes, 300 cavaliers volontaires, lui sont les 300 sénateurs ayant conservé le cheval donné par l'État.

[79] Tite-Live, XXIII, ch. 5. Discours de Ter. Varron aux Campaniens après la bataille de Cannes. Les cavaliers de Capoue et du territoire de Capoue étaient seize cents en 337 av. J.-C. Tite-Live, VIII, ch. 11, fin.

[80] Vol. 1er, liv. II, ch. 1er. Les chevaliers campaniens, comme les chevaliers romains, appartenaient tons à des familles riches et distinguées. Tite-Live, XXIII, 4 et XXIV, 47. Quant aux Romains ils ne connaissaient entre les equites romani d'autre différence que celle des equites equo publico et des equites equo privato.

[81] Tite-Live, XXIII, ch. 11.

[82] Pour que la république appelât au service de la cavalerie des citoyens des classes pauvres ou de médiocre fortune. Il aurait fallu qu'elle fournit le cheval, c'est-à-dire qu'elle élevât des hommes d'un rang inférieur au titre 410 chevaliers equo publico, ce qui eût été une anomalie et mie dépense excessive. Il y eut quelques rares exceptions à, la règle du recrutement de la cavalerie romaine, mais dans des guerres faites et préparées hors de l'Italie, et aux frais des alliés. En 215 av. J.-C., on acheta en Apulie 270 esclaves pour le service de la cavalerie. L'Apulie était le pas où on élevait le plus de chevaux. Ce fait extraordinaire fut remarqué. Val. Maxime, VII, chap. 6, n° 1.

[83] Tite-Live, épitomé, XX. Cens de l'an 220 av. J.-C.

[84] Tite-Live, XXVI, ch. 41. Ce cens est mentionné comme porté sur les registres des censeurs Æmilius et Flaminius, de l'an 220 av. J.-C. Cf. Vol. Ier. Second tableau explicatif de la constitution romaine.

[85] Plutarque, Vie de Marius, 28. Ce sont les habitants du pays de Clusium. Aux deux cohortes devaient être attachées deux turmæ de chevaliers.

[86] Cicéron, Pro Corn. Balbo, 8.

[87] Cicéron, Pro Corn. Balbo, ch. 20 et 21.

[88] Cicéron, Pro Corn. Balbo, ch. 22. Cf. Verrines, act. II, lib. II ; ch. 7 et 8, et act. II, lib. ch. 17.

[89] Ovide, Fastes, liv. III, v. 664.

[90] Sous l'empereur Claude, c'étaient les citoyens romains de l'Italie qui voulaient exclure du sénat les provinciaux. Tacite, Annales, XI, 21.

[91] Cicéron, Pro Plancio, 7.

[92] Plutarque, Cicéron, ch. 31.

[93] Asconius, In Divin. in Q. Cœciliam, ch. 3, s. v. difficultatibus.

[94] Cicéron, Philippique, I, 16. Florus, III, 21.

[95] Cicéron, In Verrem, act. II, lib. I, 13.

[96] Cicéron, Pro Cluentio, 53. Cf. Val. Maxime, III, I, n° 2, fin.

[97] Épitomé de Tite-Live, 63 et 98.

[98] Phlégon, éd. Müller, fragm. 12. Dans la Bibliothèque de Photius, Cod. 92.

[99] Chronique d'Eusèbe, Olympiade 173. (88-84 av. J.-C.)

[100] Cf. Pighius, Annales, ad. an. 667. A. C. Freishemius, Suppl. de Tite-Live, LXXXII, ch. 39. Duruy, Hist. des Romains, éd. 1844, II, p. 213, 214.

[101] Cicéron, Pro Corn. Balbo, 8.

[102] Cicéron, Pro Archia, 3. Cicéron, Ad Famil., XWII, 30, cite Manlius Sosis de Catina en Sicile, qui devint citoyen romain avec les autres Napolitains, parce qu'il était inscrit sur les registres des citoyens de Naples avant la loi Julia.

[103] Appien, G. civ., I, 49. Cf. Velleius, II, 20.

[104] Appien, G. civ., I, 53.

[105] Appien, G. civ., I, 55.

[106] Cicéron, Pro Archia, 5.

[107] Cicéron, Pro Archia, 4.

[108] Tite-Live, Épitomé, 77, 80 et 81. Cf. Florus, III, 18.

[109] Tite-Live, Épitomé, 86.

[110] Cicéron, Pro Cæcina, 33-35 ; Pro Cluentio, 36.

[111] Cicéron, Pro Muræna, 20.

[112] Sisenna, IV, dans Nonius, III, s. v. jusso pro jussu.

[113] Cicéron, In Verrem, act. II, lib. IV, c. 11, et lib. V, 61 et 66. Cf. Festus, éd. Egger, p. 137.

[114] Cicéron, Ep. ad Cornificium, XII, 23 (avril 43 av. J.-C.).

[115] In Verrem, act. II, lib. V, c. 16.

[116] Pro Archia, V. Epist. ad Div., XIII, 30. Ad Acilium proconsulem (an 46 av. J.-C.)

[117] Cæsar, De bello civili, III, 22.

[118] Pro Archia, 5.

[119] Pro M. Cœlio, 2 ; De lege agraria, II, 31.

[120] Pro Balbo, 24.

[121] Pline, H. M., II, 52.

[122] Pro Plancio, 40 et 41.

[123] Pro Archia, 3 et 5.

[124] Pro Cluentio, 5 et 69.

[125] Cicéron, Philippique, III, 15.

[126] Pro Sulla, 8.

[127] Cæsar, De Bello civ., I, 12 et 13.

[128] Cicéron, Pro domo sua, 30.

[129] Pro A. Cœcina, 33-35.

[130] Cicéron, Ep. ad Brutus, XIII, 13. (an 46 av. J.-C.)

[131] In Pisonem, 7 et 23.

[132] Dion Cassius, XIII, 36. Cf. Cicéron, Ad Atticum, V, 2.

[133] Mommsen, trad. Alexandre, V, p. 201 ; Napoléon, Hist. de Jules César, Paris, 1865, t. I, p. 231. Cf. Amédée Thierry, Tableau de l'empire romain, ch. 2, fin ; Mérimée, Guerre sociale, éd. 1865.

[134] Pro L. C. Balbo, 18, 22 et 23.

[135] Suétone, Vie d'Auguste, ch. 1er.

[136] Suétone, Vie d'Auguste, ch. 2.

[137] Velleius, II, 59.

[138] Cicéron, Brutus, 16.

[139] Tite-Live, II, 31.

[140] Tite-Live, VIII, 11.

[141] Cicéron, Philippique, IX, 2 ; De Officiis, I, 39.

[142] Suétone, Vie d'Auguste, 1 et 2. Cf. Tite-Live, XXVIII, 38.

[143] Suétone, Vie d'Auguste, 1 et 2.

[144] Pline, H. M., III, 9, distingue Velitres des colonies par le titre d'oppidum. Cf. Suétone, Vie d'Auguste, 94.

[145] Cicéron, Philippique, III, 6.

[146] Cicéron, Philippique, III, 6 ; cf. Suétone, Vie d'Auguste, 4.

[147] Suétone, De ill. grammaticis, 2, fin ; cf. Cicéron, Brutus, 56.

[148] Cicéron, De divinatione, I, 36. Pro Roscio comœdo, 8 ; cf. Pline, H. M., VII, 40. Macrobe, Saturnales, II, 10.

[149] Asconius, Argum. or. pro Milone ; cf. ibid., s. v. Plebem et infimam multitudinem.

[150] Cicéron, Pro Muræna, 6 et 41.

[151] Horace, Sat. I, 5, v. 37.

[152] Pline, H. M., XXXVI, 7.

[153] Sur L. Ælius Lamia, chevalier romain, ami de Cicéron, v. Cicéron, Epist. ad div., XI, 16 et 17, Pro Sextio, 12 et 13 et Or. in Pisonem, 27.

[154] Horace, Odes, III, 17.

[155] Cicéron, Pro Balbo, 33.

[156] Pline, H. M., XXXIII, 6.

[157] Festus, s. v. Mamiliorum.

[158] Festus, s. v. Septimontio.

[159] Cicéron, Pro Plancio, 8.

[160] Cicéron, Pro Fonteio, 17.

[161] Plutarque, Vie de Caton l'Ancien, 1.

[162] Polybe, XXXII, fragm. XLV.

[163] Plutarque, Vie de Marius, 3.

[164] Pline, H. M., III, 9.

[165] Pline, XXXIII, 53.

[166] Val. Maxime, VIII, 15, n° 7 ; cf. Plutarque, Vie de Marius, 13.

[167] Velleius, II, 11 : C. Marius natus equestri loco... Hic per publicanos aliosque in Africa negotiantes criminatus Metelli tentitudem. Vossins avait proposé de corriger ainsi ce passage : C. Marius natus agresti loco. M. Michelet (Hist. rom., 4e éd. ; 177, note) a déjà indiqué l'inutilité de cette mauvaise correction ; cf. Salluste, Jugurtha, 65.

[168] Diodore, ed. Argentorati, ex typ. soc. Bipont, an. IX, fragm., I, XXXIV, V. X, p. 139.

[169] Cicéron, De legibus, III, 16 ; Brutus, ch. 45.

[170] Cicéron, De legibus, II, 1. Cicéron, dans le Pro Muræna, 8, et dans le Pro Plancio, 21, s'appelle lui-même consul, fils d'un chevalier romain. Cf. Pline, XXXIII, 13 : ex eo se ordine profectum esse celebrans.

[171] Les Muræna, plébéiens nobles du municipe de Lanuvium, n'étaient encore arrivés qu'à la préture.

[172] Pro Muræna, 8.

[173] Depuis les lois de Sylla, le consulat était presque interdit aux familles nouvelles.

[174] In Pisonem, 3.

[175] De petit. consulatus, 8 : equester ordo tuus est.

[176] De petit. consulatus, 1.

[177] Ep. ad Att., II, 13.

[178] Pro M. Cœlio, 2.

[179] Cœlius, chevalier romain, décurion de la ville de Pouzzoles, dont il était originaire, devenait par là noble de ce municipe.

[180] Salluste, Conjuration de Catilina, 37 ; Cicéron, Ep. ad Att., I, 16.

[181] Salluste, Conj. de Cat., 31.

[182] Ep. ad Att., I, 16.

[183] Fragm. orationis in P. Clodiam et Carionem.

[184] De Harusp., resp., 8.

[185] Pro Sextio, 44.

[186] Pro P. Sulla, 6, 7 et 8.

[187] Pro Muræna, 7.

[188] Tite-Live, VIII, 14.

[189] Philippique, II, 6.

[190] Tite-Live, X, ch. 9.

[191] Les Plotii étaient des chevaliers romains de Nursia, dans la Sabine. Cicéron, De finibus bon. et mal., II, 18.

[192] Comp. Pro Plancio, ch. 19.

[193] Pro Plancio, 6-9.

[194] Act. II, lib. V, 66.

[195] Pro Cœcina, 33 et 34 ; cf. Tite-Live, XLV, 15.

[196] In Verrem, actio prima, 18.

[197] De petit. cons. Cf. Philip., II, 21.

[198] De Harusp. responsis, 26.

[199] Ad Att., I, 1. Cf. Plutarque, Vie de Cicéron, 11.

[200] De Petitione consulatus, 8.

[201] Salluste, Conj. Catil., 17 et 37.

[202] Lettre II, à Quintus, fin.

[203] Pro domo, 19. Palatina tua (tribus).

[204] Pro domo, 14 et 33, fin ; cf. Pro Sextio, 15.

[205] Pro Sextio, 14 et 17.

[206] Pro Sextio, 12.

[207] Pro domo, 33.

[208] Pro Sextio, 30.

[209] Pro Sextio, 53-57.

[210] Pro Sextio, 51.

[211] Pro Sextio, 63 ; cf. Pline, H. M., X, 72.

[212] In Pisonem, 21.

[213] Post. red. in sen. oratio, 13, fin.

[214] C. Aculeo, qui avait épousé une tante de Cicéron, était chevalier romain. De Oratore, I, 43, et II, 1. C'était le père de M. Visellius Varro qui devint tribun des soldats et édile. De prov. consular., 17. In Verrem, I, 28 ; Brutus, 76. Epist. ad Att., III, 23.

[215] Cicéron, Ad. Div., XIII, ep. XI : cf. ep. LVIII.

[216] V. pour le municipe d'Atella, Cicéron, Ad Div., XIII, ep. VII. Ad Cluvium, oct. 45 av. J.-C., et VIII, ep. IX. Ep. Cœlii, sept., 51 av. J.-C. Cf. Lex Thoria, § XIV. Lat. serm. vet. reliquiœ, Egger, p. 216.

[217] V. Lex Julia municipalis, § VI. Egger, Lat. serm. vet. reli., p. 304.

[218] Lex Thoria, Loc. cit. ; cf. Appien, G. civ., I, ch. 10 : Die rœmischen Kalendarienbücher von Dr Hecht in den Rechtgeschichtlichen Abhandlungen von Dr Asher, Heft, 1, Heidelberg, 1868.

[219] Cicéron, Pro Plancio, VIII.

[220] Cicéron, Pro Plancio, ch. 13. Cicéron dit du père de son client : Quum sit Cn. Plancius is eques romanus, ea primum vetustate equestris ordinis, ut pater, ut avus, ut majores ejus omnes equites romani fuerint, summum in prœfectura florentissima gradum tenuerint.

[221] Cicéron, Pro Plancio, ch. 8.

[222] Les Rubrii étaient des chevaliers romains de Casinum. Cicéron, Philippique, II, 16. Cf. Verrine, III, 57 ; Plutarque, Vie de Gracchus, 10.

[223] Pro Plancio, 9.

[224] Capoue fut longtemps une préfecture sans administration locale élective. Elle devint colonie en 87 av. J.-C. Sylla la réduisit de nouveau au rang de préfecture. En 63 av. J.-C., Rullus essaya de lui rendre son sénat de décurions. César y parvint (59 av. J.-C.), et les membres du conventus de la préfecture de Capoue devinrent colons et décurions de la colonie. Capoue était encore une colonie au temps de l'empire. Tite-Live, XXXVI, 16 ; Cicéron, De lege agraria, II, 33 et sq. ; Pro Sextio, 4. Pline, H. M., III, 9.

[225] Cæsar, De bello civili, III, 71.

[226] Cicéron, Ep. ad Q. fratrem, II, 14.

[227] Suétone, Vitellius, 1 et 2.

[228] Tacite, Annales, VI, 15. M. Vinicius fut consul en 18 av. J.-C., P. Vinicius en l'an 2 av. J.-C., un second Vinicius en 29 ap. J.-C.

[229] Velleius, II, 96-104. Cf. De leg. agraria, II, 31.

[230] Cicéron, Pro M. Cœlio, 2.

[231] Cicéron, Ep. ad Div., XIII, 7 et 56. Pro Q. Roscio comœdo, 14.

[232] Cæsar, De bello civili, III, 71. Cf. Sur les Granii, Plutarque, Vie de Sylla, 37 et Marius, 35, 37, 40. Le nom de C. Cranius C. F. est au bas de la lex Puteolana paerieti faciando. Lat. sermonis vet. reli. selectæ, de M. Egger, n° XXXII, p. 249.

[233] Val. Maxime, VIII, 3, n° 3. Plutarque, Marius, 38. Cicéron, Pro Cluentio, 56. Verrines, I, 49. Q. Cicéron, De petitione consul., II. Epist. ad Att., V, 21 et VII, 28.

[234] Hirtius, De bello Africano, 68, fin.

[235] Velleius, II, 111. Cf. Guarini, Ricerche sulla citta di Eclano, p. 94.

[236] Velleius, II, 16 et 76.

[237] Cicéron, Pro Cluentio, 39.

[238] Cicéron, Pro Cluentio, 5, 57 et 69.

[239] Cicéron, Pro Cluentio, 8. Cf. Salluste, Conj. Cat., 17 ; Tite-Live, VIII, 19.

[240] Cicéron, Pro Cluentio, 69.

[241] Teate était la ville des Marrucins.

[242] Les decumani, les pecuarii, les negotiatores étaient presque tous chevaliers romains.

[243] Cicéron, Pro C. Rabirio, 3 et 11.

[244] Pline, H. M., X, 72. Cf. Varro, De re rustica, III, 5, 8. Cicéron, Pro Sextio, 63 ; Pro Plancio, 41 ; Ep. ad Div., XIII, 63 ; Ad Attic., V, 20 et 21.

[245] Ovide, Tristes, liv. IV, éleg. 10. Ex Ponto, liv. IV, eleg. 8. Amours, liv. III, eleg. 15.

[246] Valère Maxime, VII, 7, n° 2.

[247] Cæsar, De bello civili, I, 23.

[248] Cicéron, De Nat. Deorum, III, 30.

[249] Cicéron, Pro C. Rabirio perduel. reo, 8.

[250] Velleius, II, 21 et 29.

[251] Cicéron, Pro M. Fonteio, 10, et Pro Muræna, 7.

[252] Tacite, Annales, IV, 31.

[253] Cicéron, Pro Cluentio, 36 ; Brutus, 78 ; Or. prior in C. Cornelium, fragm. 2. Asconius, Argum. in h. orationem.

[254] Cicéron, Brutus, 78.

[255] Pline le jeune, VI, epist. 15. Cf. Properce, I, eleg. 21 et 22, IV, eleg. 1.

[256] Cicéron, Pro Milone, 17. Asconius, Argum. or. pro Milone.

[257] Pline, H. M., VII, 17. Vopiscus, Vie de Florien, 2 ; Angeloni, Hist. di Terni, Roma, 1616, p. 42-52.

[258] Cicéron, Pro Corn. Balbo, 22.

[259] Pline le jeune, I, epist. 14.

[260] Pline l'ancien, H. M., XVII, 26.

[261] Cæsar, De Bello civili, III, 71.

[262] Pline le jeune, III, ep. 2.

[263] Pline l'ancien, H. M., XXXV, 7.

[264] Beaufort, Rép. romaine, II, p. 232. Cf. Malfei, Verona illustrata, IV.

[265] Strabon, III, 5, Hispania, ville de Gades. Rome est exceptée.

[266] Cicéron, Ep. 13, Ad Dolabellam. Cicéron dit de C. Suberinus et de Planius Heres, tous deux de Cales en Campanie : Res familiaris alteri eorum valde exigua est, alteri vix equestris.

[267] Porphyrion, Scholie sur Horace, I, sat. I, V, 14.

[268] Justin, XLIII, 5, fin.

[269] Pline, H. M., VII, 18.

[270] Pline, H. M., XXXIII, 50.

[271] Oppius, De Bello Hispaniensi, 25 et 26.

[272] Tacite, Annales, XIV, 53.

[273] Suétone, Vie de Vespasien, 3.

[274] Spartien, Vie de Septime Sévère, I.

[275] Josèphe, De bello Judaïco, II, 14, 9. Cf. Marquardt, Historiæ eq. rom., IV, 1.

[276] Juvénal, Sat. VII, V, 16. C'est le scholiaste qui dit : Chevaliers bithyniens, ce sont des Grecs devenus chevaliers romains. V. Rosini, Antiquitatum rom. corp., I, 17, p. 73, édit. d'Amsterdam, 1743.

[277] Suétone, Vie de Claude, 16.

[278] Velleius, II, 118.

[279] Gori, Inscriptions étrusques, III, 161. T. Verrius Flaccus est le nom d'un chevalier de Fésules.

[280] Pline, H. M., XXVI, 3.

[281] Orelli, Inscr. lat., n° 3713.

[282] Suétone, Vie d'Othon, 1 et 2.

[283] Pline, H. M., X, 34. Cf. Cicéron, Pro A. Cœcina, 36 ; Epist. ad Div., VI, 6, et XIII, 66.

[284] Suétone, Vie de Perse, 1.

[285] Tacite, Annales, IV, 1 et 3. Il appelle Séjan municipalis adulter ; cf. Velleius, III, 127.

[286] Cicéron, De Haraspic. responsis, 14 ; Pline, H. M., X, 27.

[287] Tacite, Annales, VI, 11. Tite-Live, X, 3. Silius Italicus, III, 29. Cicéron, Pro Cluentio, 56.

[288] Horace, Odes, I. Properce, III, eleg. 7.

[289] Eusèbe, trad. par S. Jérôme, Ire partie, an 668 de Rome. Leyde, 1606, p. 40. Cf. Tacite, Annales, III, 30. Cicéron, Ep. ad Div., II, 17 ; Ad Att., XI, 2.

[290] Macrobe, Saturnales, II.

[291] Cicéron, Pro Muræna, 8 ; Pro Sulla, 7 ; cf. De Senectute, 16 ; Ep. ad Atticum, IV, 15.

[292] Plutarque, Vie de Sertorius, 2 et 3.

[293] Cicéron, Pro Ligario, 11.

[294] Robur Italiœ. Cicéron, De Finibus, I, 3, cite les vers de Lucilius :

Græcum te, Albuti, quam Romanum atque Sabinum

Municipem Ponti, Titii, Anni centurionum

Maluisti dici.

[295] Sur le chevalier romain C. Cæsetius, et sur son fils, qui fut tribun de la plèbe, Valère Maxime, V, 7, n° 2 ; cf. Velleius, II, 68 ; Cicéron, Philippiques, III, 10, et XIII, 15.

[296] Sur les Corfidii, chevaliers romains, parents de Varron, Pline, VII, 53.

[297] Sidoine Apollinaire, VI, epist. 32 ; Symmaque, IX, epist., 32 ; cf. Schneider, Préface de l'édition des Scriptores rei agrariœ.

[298] Catilinaires, III, 2, fin.

[299] Cicéron, Post reditum in Sen. oratio, 5. Cf. Pro Sextio, 12. Suétone, Vie de César, 14.

[300] Suétone, Vie de Vespasien, 1 et 2.

[301] Deux passages de César, De bello gallico, III, 7 et 10 et De bello civili, I, 77, montrent que les tribuns des soldats étaient chevaliers romains.

[302] Pline, H. M., IX, 60.

[303] Les Domitii, vieille famille de noblesse plébéienne, fut élevée au patriciat par Claude. Tite-Live, VIII, 17. Suétone, Vie de Néron, 1.

[304] Suétone, Vie de Vespasien, 20.

[305] Thorbecke, Vie d'Asinius Pollion, Leyde, 1820.

[306] Cicéron, Brutus, 69 : Oppidanum genus dicendi.

[307] Enéide, V, vers 562 et suivants.

[308] Quintilien, Inst. or., I, 5, med. n° 56.

[309] Aulu-Gelle, X, 26.

[310] Virgile, ecloga, I, v. 83.

[311] Festus, s. v. Tongere, mot prénestin, synonyme de noscere.

[312] Quintilien, Institut. or., VIII, 4, n° 3.

[313] Quintilien, Institut. or., I, 5, n° 56.

[314] On avait fait des traités sur l'urbanité. Domitius Marsus en avait donné une définition très-longue et probablement incomplète, accompagnée d'exemples. Quintilien, Instit. or., VI, n° 104.

[315] Cicéron, Ep. ad Div., IX, 15 ; Ad Pœtum, oct., 46 av. J.-C. ; cf. De oratore, III, 11 et 12.

[316] Allusion à l'introduction des Gaulois dans le Sénat par César.

[317] Urbanitas αύτόχθων, Cicéron, Ad Attic., VII, ep. 2 ; cf. l'expression de Pline, Vinum indigena.

[318] Paul Emile visita la Grèce en touriste après l'avoir vaincue. Plutarque, Paul Emile, 28.

[319] Dans les premiers jours de la Révolution de 1848, le nom d'ouvrier avait été une sorte de distinction aristocratique dont on se parait à l'envi. E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières en France, liv. V, 4, t. I, 248.

[320] Tite-Live, XLIV, 47.

[321] Virgile, Énéide, VI, vers 846 et suivants. Le poète exprime dans ces beaux vers un sentiment exclusivement plébéien.

[322] Cicéron, In Verrem, act. II, lib. IV, 60.

[323] Cicéron, In Verrem, act. II, lib. IV, 2 et 3.

[324] Pro Sex. Roscio Amerino, ch. 27.

[325] Pro Sex. Roscio Amerino, 15. Præsertim homines illius ordinis ex municipiis rusticanis. Cicéron désigne par là l'ordre équestre auquel appartenait Roscius d'Amérie. Mais il omet volontairement le mot equestris, parce que le nom des chevaliers n'eût pas été favorablement accueilli par les juges dans un temps où l'ordre équestre venait d'être exclu des tribunaux par Sylla. Amérie eut ses familles équestres, Rosin, dans ses Antiquités romaines (Amsterdam, 1743), reproduit la description des XIV régions de Rome par Onuphre Panvini, qui résume celles de Sextus Rufus et de P. Victor. A la fin de la VIIIe région (p. 39) il marque : Domus M. Valerii Americi equities romani.

[326] Pro Sex. Roscio Amerino, ch. 16.

[327] Guizot, Histoire de Charles Ier, 6e édition, I, p. 127, 131 et 409, et en tête de ce tome, Discours sur la Révolution d'Angleterre, 11-16.