LOUIS XVII, SA VIE, SON AGONIE, SA MORT

CAPTIVITÉ DE LA FAMILLE ROYALE AU TEMPLE

TOME PREMIER

 

LIVRE TREIZIÈME. — L'ŒUVRE DE SIMON S'ACHÈVE.

17 octobre 1793 — 19 janvier 1794.

 

 

Un pari. — Caractère de Simon aigri par la captivité. — Le billard. — Le municipal Barelle. — Gratitude de Louis XVII. — Le billard est démonté. — Chaumette combat les dépenses nécessitées par la garde des prisonniers du Temple. — Nouvelle perquisition faite au Temple. — Nouvelle déposition de Louis XVII. — Tison mis au secret. — La cage organisée. — La conspiration des canaris. — Premier exploit de Napoléon Bonaparte à Toulon. — Le bain de pieds de Simon. — Ennui de Simon. — Le docteur Naudin. — Offrande de Louis XVII reconnaissant. — Brutalité de Simon. — Coru, économe du Temple, rentre au conseil général de la Commune. — Simon suit son exemple. — Réflexions.

 

Le meurtre de la Reine resta ignoré des prisonniers du Temple. Les municipaux de service, les gardiens et les employés de la tour eurent la charitable discrétion de ne leur point donner cette nouvelle. Simon en eut connaissance, il n'en parla point non plus ; il savait que la tête de Marie-Antoinette était promise au bourreau, mais il ignorait le jour où le bourreau devait la prendre. Dans la matinée du 16 octobre, il crut entendre au dehors une légère rumeur ; le rappel avait battu, et un bruit confus annonçait quelque mouvement inaccoutumé dans la cité populeuse. Une impatiente curiosité le poussa sur la plate-forme, observatoire habituel d'où il cherchait toujours à saisir quelques scènes ou du moins quelques paroles du grand drame qui se jouait alors. Il y traîna son pupille, et sa femme l'y suivit. Je dois dire d'abord qu'il s'était passé, il y avait deux ou trois jours, un épisode qui ne pouvait avoir lieu que dans ce temps. Les prisons étaient tellement encombrées et le parquet de l'accusateur public tellement surchargé d'affaires criminelles, qu'il était impossible de mettre grand soin ni grand temps à constater l'identité des condamnés. Deux personnes allaient à l'échafaud pour deux autres qui portaient le même nom ; ces derniers réclamèrent contre cette erreur et marchèrent au supplice. Ce fait, qui montre si bien quels étaient les tribunaux et les accusés de cette époque, avait la veille beaucoup occupé le ménage Simon, et le soir, lorsque l'enfant fut endormi, l'ex-cordonnier jacobin revenant sur cette affaire : Du moins, dit-il, quand la Veto ira à la guillotine, personne ne prendra sa place, il n'y aura pas d'erreur. Il n'y en a pas deux de son nom et de sa figure. — Elle n'ira pas à la guillotine, avait répondu la femme. — Et pourquoi ?Parce qu'elle est encore belle, parce qu'elle sait parler, et qu'elle saura attendrir ses juges. — La justice est incorruptible, avait gravement repris le sentencieux Simon, et la chose en était restée là.

Mais je ne sais comment sa femme s'était imaginé que la Reine ne serait pas mise à mort. Avait-elle le désir qu'elle fût acquittée ou l'appréhension qu'elle ne fût pas condamnée ? Du moins elle ne croyait pas que la Reine monterait sur l'échafaud. Simon, lui, voyait plus clair en politique ; il avait été quelque temps à même de recueillir à leur source les inspirations révolutionnaires, et il savait à quoi s'en tenir sur la destinée réservée à Marie-Antoinette. Montés sur le sommet de la tour, ils entendirent les troupes qui rentraient dans leurs quartiers. Simon reprit à mots couverts la discussion de la veille et dit à sa femme : Je ne serais pas étonné que ce fût pour celle dont nous parlions hier soir que tout ce tapage a eu lieu. — Je suis sûre que non, dit Marie-Jeanne, on n'eût pas fait tant de cérémonie pour elle. — Puis un pari se fit entre Simon et sa femme touchant le sang de la Reine de France ; le perdant était tenu de payer et de fournir quelques petits verres d'eau-de-vie qui devaient égayer les loisirs de la soirée. Les commissaires de service arrivèrent bientôt sur la plate-forme. Simon apprit par eux que ses pressentiments étaient justes ; il leur demanda à part quelques renseignements, puis s'approchant de sa femme, il lui dit : Tu as perdu ton pari. — Quel pari ? dit ingénument l'enfant royal en roulant son ballon dans l'étroit corridor qui servait de promenade. — Le pari ne te regarde pas, mais si tu es sage tu en auras ta part. Et le soir, en effet, le fils de Marie-Antoinette portait à ses lèvres une goutte de cette eau-de-vie dont s'enivraient ses gardiens à l'occasion de la mort de sa mère.

Ces détails, — j'ai dit à quelle source je les ai puisés, — me coûtent à écrire, mais il est de mon devoir de les livrer dans toute leur hideuse naïveté, car il me semble que ce tableau d'intérieur donne, mieux que toute peinture historique, une idée exacte des mœurs intimes de la tour du Temple. Cette soirée, qui s'était prolongée entre le verre et la pipe, se ter mina par une petite querelle. La bile de Simon, contenue depuis quelques jours, fermenta dans cette orgie, et cette fois elle n'eut point à s'épancher sur le pauvre innocent, qui déjà s'était réfugié dans le sommeil. L'époux aviné ne s'en prit qu'à l'épouse prudente et économe qui avait modéré le payement du pari, et ce n'est que par des reproches et des injures que se traduisit la colère d'un ivrogne désappointé dans ses désirs mis en haleine et dans sa passion inassouvie. Toutefois, ses accents s'élevèrent assez haut pour que Madame Élisabeth les entendît. La Princesse s'imagina que cette rude voix, qu'elle reconnaissait, s'adressait naturellement à la victime accoutumée. Cette pensée l'occupa presque toute la nuit, et, le lendemain et le surlendemain, n'entendant plus rien, et privée de toute nouvelle, elle monta par l'escalier de la garde robe-au comble de la tourelle, et se tînt en observation à la petite fenêtre dont, nous avons parlé. Le second jour, son espoir se réalisa : le maître et l'élève parurent sur la plate-forme ; ils s'arrêtèrent un instant de manière à être vus de la patiente spectatrice, si bien qu'elle ne put savoir si elle avait été aperçue elle-même ou si elle devait attribuer purement au hasard le regard que tous deux, à leur passage, dirigèrent de son côté.

Quelques jours avant la mort de la Reine, il s'était passé au Temple un fait qui avait encore aigri l'humeur déjà si irascible de Simon. Quoique sa colère se concentrât ordinairement sur Une seule tête, sa femme pourtant n'était pas sans en souffrir. Les membres du conseil, ses collègues, n'étaient point sans s'en apercevoir eux-mêmes, bien qu'ils ne remplissent dans la tour qu'à tour de rôle les fonctions de commissaires. La femme Simon avait donc dit à ceux-ci : Mon mari ne sait que faire. Voilà trois mois d'emprisonnement avec ce louveteau, il ne doit point sortir, il n'a pas à travailler, il ne peut jouer : il en deviendra malade, si cela dure. Il y avait un billard dans une des salles du palais du Temple quand le ci-devant Capet d'Artois y logeait. Nous vous demandons la permission de faire apporter dans la tour ce vieux billard, qu'on a relégué au garde-meuble du Temple quand le tyran est venu demeurer ici. L'idée de la femme Simon parut ingénieuse aux municipaux, qui virent tout d'abord le parti que, dans leur désœuvrement personnel, ils pourraient en tirer pour eux-mêmes. Un d'entre eux cependant, plus circonspect, craignait que la mesure adoptée par eux ne fût désapprouvée le lendemain par leurs successeurs. Ils en profiteront à leur tour, répliqua la femme Simon ; il faut bien que la patrie fasse quelque chose pour les citoyens qui font tout pour elle. Ces paroles dites, la cause était gagnée. Le billard fut apporté et dressé dans une des salles de la tour, qu'on fit à cette occasion tapisser d'un papier neuf[1].

Ce billard devait devenir successivement pour l'enfant prisonnier l'occasion de courtes récréations et de souffrances nouvelles. Parmi les commissaires, il y en avait un petit nombre qui lui témoignaient quelque intérêt, et se plaisaient à jouer avec lui et à lui enseigner à pousser les billes ; un d'eux surtout, Barelle, dont nous avons déjà parlé, maçon de son métier, homme simple et sans éducation, mais d'un cœur bienveillant, s'amusait à distraire l'enfant, dont la triste destinée lui faisait pitié. Ses collègues avaient fini par le plaisanter à ce sujet, et comme c'était un homme sans conséquence et dont on prisait assez peu la capacité, les membres de la commission lui disaient en le raillant dès qu'il arrivait au Temple : Allons, Barelle, va voir ton bon ami. Barelle ne se le faisait pas dire deux fois ; et l'enfant, sensible à des marques d'affection auxquelles il était si peu habitué, le recevait toujours avec une joie nouvelle. Barelle lui avait rendu un service inestimable : il avait obtenu quelquefois qu'en laissât entrer dans la salle du billard, où se tenait le Dauphin, la fille de la blanchisseuse du Temple quand elle apportait du linge à la tour[2]. Cette jeune enfant avait huit ans ; et c'étaient entre le petit Roi captif et la fille de la blanchisseuse de longues parties de jeu autour du billard. Que l'on y songe, depuis ses promenades chez madame de Lède, le fils de Louis XVI n'avait pas joué avec un enfant de son âge ! Aussi avait-il un véritable attachement pour le bon Barelle, qui s'occupait de lui faire plaisir quand tous ceux qui l'entouraient prenaient à tâche de lui faire de la peine. Il calculait d'avance l'époque où devait revenir ce commissaire exceptionnel, et il en prévenait Simon. Un jour, l'enfant obtint de son maître la permission de conserver un poulet pour Barelle, qui, d'après son calcul, devait revenir ce jour-là ; mais il y eut un retard, et le commissaire ne vint au Temple que deux jours après. Dès qu'il entra, le jeune Prince courut au-devant de lui et lui offrit le poulet. Barelle fit quelques difficultés pour l'accepter. Témoin de ce débat, Simon dit au municipal : Allons, prends-le ; il y a deux jours qu'il te le garde. En même temps il enveloppa le poulet dans une feuille de papier, et Barelle le mit dans sa poche en disant au fils de Louis XVI : Va, mon pauvre petit, je voudrais bien pouvoir t'emporter comme cela dans mon autre poche et te tirer d'ici !

Hélas ! parmi tant de commissaires, il n'y avait guère que Barelle qui témoignât cette affection à l'enfant ; et bientôt la brutalité des autres municipaux lui fit de ce billard, qui lui avait procuré d'abord quelques distractions, une occasion de nouvelles souffrances et de nouvelles avanies.

On aurait pu espérer que ce nouveau genre de récréation, occupant les loisirs du maître et de ses collègues, deviendrait comme une trêve pendant laquelle l'esclave respirerait : ce ne fut là qu'une bien rare exception. Le plus souvent, quand il entre dans cette salle, l'enfant devient l'objet de la risée et des vexations de chacun des geôliers et des municipaux. Sous prétexte de lui montrer à jouer, tous veulent s'emparer de lui, lui faire essuyer leurs plaisanteries et leurs quolibets. Si sa douceur et les grâces qui lui restent encore parviennent à les désarmer, la municipalité, les jours suivants, est représentée au Temple par ses membres les plus brutaux. Il a beau ne se défendre et ne se plaindre que faiblement, dans la crainte de les irriter, il ne peut échapper à leurs jeux grossiers et à la fantaisie qu'ils ont de le prendre dans leurs bras, de le ballotter dans un nuage de fumée de pipe, et de se le renvoyer ainsi de distance en distance et de bras en bras pour y être secoué et suffoqué. Oui, il a tout cela à souffrir ; tout petit qu'il est, il a à recevoir en plein visage les bouffées de tabac et de vin, et jusqu'aux crachats que des fumeurs ivres envoyèrent à la tête de Charles Ier avant que le bourreau la prît. Les choses en vinrent à ce point, que le citoyen La Bazanerie[3], commandant de la force armée du poste du Temple, et l'économe du Temple, Coru, étrangers à ces jeux cruels, craignant que leur responsabilité ne fût compromise par les dangers que courait le jeune prisonnier au milieu de ces orgies, crurent devoir rendre compte de ce qui se passait au conseil général de la Commune ; et le billard, démonté, alla reprendre sa place dans le garde-meuble. Madame Royale, qui avait été confrontée avec son frère dans cette scène du 7 octobre que nous avons si imparfaitement décrite, savait comme sa tante que le jeune Prince était extrêmement changé ; mais les idées et les paroles de l'enfant étaient bien plus changées que sa figure, et c'est sans doute ce changement moral qui avait le plus péniblement frappé sa tante et sa sœur. Les deux Princesses étaient elles-mêmes plus à plaindre que jamais. Toutes les voix se taisaient autour d'elles, tous les visages dissimulaient. Depuis la séquestration de Tison, depuis l'arrestation de M. Hue, il n'y avait plus pour elles de sympathie au dedans ni d'intelligence au dehors. Courbées avec résignation sous la main de Dieu, elles s'abandonnaient à sa volonté, et ne s'informaient plus de ce qui se passait sur la terre. Cette prison même, où il leur était du moins permis de pleurer ensemble, elles ignoraient que, depuis la mort — également ignorée — de Marie-Antoinette, il était question de la leur enlever. Chaumette avait déjà plus d'une fois représenté cette maison d'arrêt comme un refuge spécial, exceptionnel, aristocratique, contraire au sentiment d'égalité qui présidait au système du gouvernement et au régime des prisons d'État ; mais quelques jours après la suprême torture de la Reine, il crut devoir exprimer plus officiellement ses idées à cet égard, et il fit sentir au conseil général de la Commune le ridicule de conserver dans la tour du Temple trois individus qui nécessitaient une surcharge de services et des dépenses excessives[4]. La Commune fit droit au réquisitoire de son procureur[5], et résolut de se porter en masse à la Convention, pour demander la translation des détenus du Temple dans les prisons ordinaires et leur asservissement au traitement uniforme de tous les prisonniers. Plus circonspect que la municipalité, le comité de salut public n'adopta point sans examen la mesure proposée : il manda Chaumette, écouta ses raisons, les combattit, et maintint dans ses privilèges cette dure prison que la Commune révolutionnaire chicanait aux enfants des rois émancipateurs des communes.

Repoussée de ce côté, la municipalité de Paris essaya de prendre sa revanche sur un autre terrain ; elle fit de nouveau les perquisitions les plus rigoureuses dans les appartements du Temple, avec l'espoir d'y découvrir quelques papiers ou quelques objets qui compromissent Madame Elisabeth ; elle n'y trouva rien qui (Hit servir même de prétexte à une accusation. N'importe, il n'était point d'obstacles qu'elle ne fût capable de franchir pour arriver à l'accomplissement de ses desseins, et ce fut encore au malheureux orphelin abandonné, abattu, écrasé, qu'on s'adressa, calomniant l'enfant pour calomnier et tuer la tante, descendant à des bassesses et à des manœuvres telles, que l'histoire des tyrannies humaines n'en présente point un second exemple. Mais Simon et sa femme furent cette fois bien autrement embarrassés qu'ils ne l'avaient été dans la machination ourdie et pratiquée contre la Reine. L'initiative et les conseils d'Hébert leur manquaient ; ils n'avaient pas même la rédaction de Daujon, et le procès-verbal que, seuls, ils firent dresser aux municipaux, se ressentit de l'absence de complices aussi habiles. Voici ce document, cette fois plus absurde que révoltant, daté du 5 brumaire an II (26 octobre 1793).

COMMUNE DE PARIS[6].

Le cinquième jour du deuxième mois de l'an second de la République une et indivisible, à huit heures du soir ;

Le citoyen Simon est venu au conseil du Temple pour lui faire part d'une conversation qu'il avait eue avec le petit Capet, par laquelle un membre de la Commune paraissait avoir eu des intelligences avec sa mère. Simon ne voulant pas nommer le membre sans qu'au préalable le conseil eût reçu lui-même la déclaration du petit, alors le conseil a nommé les citoyens Foloppe et Figuet pour interroger le petit Capet ; ces deux membres sont de suite montés dans sa chambre, où étant, el en présence de la citoyenne Simon, ils ont fait rouler la conversation sur différentes choses, et l'amenant insensiblement sur les membres de la Commune, il a dit :

Qu'un jour Simon étant de service au Temple auprès de sa mère avec Jobert, ledit Jobert avait remis ce jour-là deux billets sans que Simon fut (sic) aperçu ; que cette espièglerie avait fait rire beaucoup ces dames, d'autant plus qu'elles avaient trompé la vigilance de Simon, mais que lui déclarant n'avait point vu les billets, seulement que ces dames le lui avaient dit.

Les commissaires dénommés descendus au conseil ont donné lecture de la présente déclaration ; alors Simon a dit qu'elle était conforme à celle que le petit Capet lui avait fait (sic) verbalement.

Lecture faite au petit Capet de la présente déclaration, a dit qu'elle contient vérité, y persiste et a signé.

Et avant de signer, le petit Capet a dit que sa mère craignait sa tante ; et que sa tante était celle qui exécutait mieux les complots.

 

La Commune eut assez d'intelligence pour ne pas adopter sérieusement un pareil récit ; elle eut assez de pudeur pour n’en pas faire usage sans le fortifier par quelques nouvelles déclarations, et le 13 frimaire suivant (3 décembre 1793), fut fabriqué un second procès-verbal, dans lequel Simon contraignit encore de paraître le plus innocent et le plus effroyable accusateur qu'on trouvera jamais dans l'histoire. Cette nouvelle pièce n'est qu'un tissu d'absurdités qu'il suffit de livrer à l'attention intelligente du public pour qu'il en fasse justice lui-même. La voici in extenso :

Cejourd'hui 13 frimaire, l'an II de la République une et indivisible, nous, commissaires de la Commune, de service au Temple, sur l'avertissement à nous donné par le citoyen Simon, que Charles Capet avait à dénoncer des faits qu'il nous importait de connaître pour le salut de la République, nous nous sommes transportés, quatre heures de relevée, dans l'appartement dudit Charles Capet, qui nous a déclaré ce qui suit :

Que, depuis environ quinze jours ou trois semaines, il entend les détenues frapper tous les jours consécutifs, entre six heures et neuf heures ; que, depuis avant-hier, ce bruit s'est fait un peu plus tard, et a duré plus longtemps que tous les jours précédents ; que ce bruit paraît partir de l'endroit correspondant au bûcher ; que, de plus, il connaît, à la marche qu'il distingue de ce bruit, que, pendant ce temps, les détenues quittent la place du bûcher par lui indiquée, pour se transporter dans l'embrasure de la fenêtre de leur chambre à coucher, ce qui fait présumer qu'elles cachent quelques - objets dans ces embrasures ; il pense que ce pourrait être de faux assignats, mais qu'il n'en est pas sûr, et qu'elles pourraient les passer par la fenêtre pour les communiquer à quelqu'un.

Ledit Charles nous a également déclaré que, dans le temps qu'il était avec les détenues, il a vu un morceau de bois garni d'une épingle crochue et d'un long ruban, avec lequel il suppose que les détenues ont pu communiquer par lettres avec feu Capet.

Et de plus, que ledit Charles se rappelle qu'il lui a été dit que, s'il descendait avec son père, il lui fît ressouvenir de passer tous les jours, à huit heures et demie du soir, dans le passage qui conduit à la tourelle, où se trouve une fenêtre de l'appartement des détenues.

Charles Capet nous a déclaré de plus qu'il était fortement persuadé que les détenues avaient quelques intelligences ou correspondances avec quelqu'un.

De plus, nous a déclaré qu'il avait entendu lire dans une lettre que Cléry avait proposé à feu Capet le moyen de correspondance présumé par lui déclarant ; que Capet avait répondu à Cléry que cela ne pouvait se pratiquer, et que cette réponse n'avait été faite à Cléry qu'à la fin qu'il ne se doutât pas de ladite correspondance.

Déclare qu'il a vu les détenues fort inquiètes, parce qu'une de leurs lettres était tombée dans la cour.

Ayant demandé au citoyen Simon s'il avait connaissance du bruit ci-dessus énoncé, il a répondu qu'ayant l'ouïe un peu dure il n'avait rien entendu ; mais la citoyenne Simon, son épouse, a confirmé les dires dudit Charles Capet relativement au bruit.

Ledit citoyen Simon nous a dit que, depuis environ huit jours, ledit Charles Capet se tourmentait pour faire sa déclaration aux membres du conseil.

Lecture faite auxdits déclarants, ont reconnu contenir vérité, et ont signé ledit jour et an que dessus.

Signé : CHARLES CAPET, SIMON, femme SIMON, REMY, SÉGUY, ROBIN, SILLANS.

 

Ici en vérité l'invraisemblable arrive trop grossièrement à l'absurde. On prétend que Charles Capet avait à dénoncer des faits qu'il nous importait de connaître pour le salut de la République ! c'est ce pauvre enfant de huit ans qui prend l'initiative. Il a entendu sa mère — car il la croit encore dans l'appartement au-dessus de lui —, sa sœur et sa tante, frapper tous les jours entre six et neuf heures, et, les deux derniers jours, ce bruit s'est fait plus tard et a duré plus longtemps ! Il a entendu pendant trois semaines ce bruit, et les gardes nationaux placés en faction à la porte de chaque étage, et les geôliers faisant leur ronde matin et soir, et Simon si habile à être instruit de tout ce qui se passe au Temple, et enfin les commissaires en permanence dans l'appartement des détenues n'ont rien entendu ! Tous ces argus du Temple, si attentifs à tout voir, à tout épier, à tout dénoncer, ont tout a coup perdu les yeux, l'ouïe et la langue !

Je passe sous silence cette clairvoyance impossible d'un enfant qui devine, à la marche du bruit qui se déplace, que les prisonnières quittent la pièce du bûcher pour s'installer dans l'embrasure de la fenêtre de leur chambre à coucher, et y cacher de faux assignats. Quoi ! il sait mieux que tout le monde dans le Temple les dispositions de chaque appartement, il sait la correspondance exacte de chaque chambre avec la chambre de l'étage supérieur ! il connaît les faux assignats ! il pense que sa mère, sa sœur et sa tante pourraient les passer par la fenêtre pour les communiquer à quelqu'un !

La seconde partie de ce procès-verbal est relative à la correspondance nocturne[7] que Louis XVI, pendant le temps que dura son procès, avait, de concert avec Cléry, établie avec Madame Elisabeth. Nous y remarquons cependant que Charles Capet était FORTEMENT PERSUADÉ que les détenues avaient des intelligences ou correspondances avec quelqu’un. En vérité, la dérision ici est trop forte. Une chose m'y frappe toutefois, c'est le refus fait par Simon de s'associer à sa femme et au Dauphin dans la première déposition que contient ce second procès-verbal, et qui est relative au bruit entendu dans l'appartement des Princesses. Le prétexte qu'il allègue de sa surdité pour n'avoir point connaissance de ce bruit semblerait un scrupule de conscience qui aurait le droit d'étonner chez un tel homme, si l'on n'y voyait plutôt de sa part un calcul raisonné pour donner plus de crédit à ses autres allégations, notamment à celle qui suit immédiatement, et dont l'absurdité dépasse tout, à savoir, que depuis environ huit jours Charles Capet SE TOURMENTAIT pour faire sa déclaration aux membres du conseil.

Laissons là ce factum stupide, œuvre d'un zèle aussi maladroit que fanatique, au bas duquel on retrouve dans la signature du pauvre enfant la violence matérielle visiblement faite à sa main, pour le contraindre à signer ; et remarquons que le conseil général de la Commune, si peu scrupuleux qu'il était, recula lui-même devant l'idée d'asseoir une accusation capitale sur de pareils motifs. L'enfant, abasourdi, avait signé : qui le nie, mais qui ne voit la main qui le fait signer ? Sa pauvre mère, en mourant, demandait grâce pour lui à Madame Élisabeth, mais celle-ci, pas plus que la Reine, n'avait rien à pardonner.

Les rigueurs qui se manifestaient contre Madame Élisabeth s'étendaient, nous l'avons dit, sur Tison lui-même, relégué depuis le 21 septembre dans la tourelle. Amendé par la réflexion, résigné et repentant, ce malheureux acceptait sa disgrâce et supportait en silence la captivité, comme une expiation de sa conduite passée. Cependant, inquiet de sa femme et de sa fille, dont il n'avait pas de nouvelles, le 10 décembre il sollicita sa liberté. Hébert combattit sa demande, alléguant qu'on se priverait, en le relâchant, des renseignements qu'il était à même de donner sur Madame Elisabeth. Avant de statuer sur la pétition, le comité de salut public ordonna que le pétitionnaire serait soigneusement interrogé. L'interrogatoire n'ayant amené aucune charge contre la sœur de Louis XVI, le comité, loin d'accorder une grâce qui n'avait point été méritée par une délation, ordonna que Tison serait mis au secret et réduit au plus strict nécessaire. Cette nouvelle n'affligea point précisément Simon, qui regardait Tison comme un traître, mais elle l'inquiéta, ou tout au moins elle lui donna à réfléchir sur sa position personnelle. Il se demandait quelle serait sa propre récompense après avoir dépensé des mois et des années peut-être, dans le rôle si dur qui lui était imposé. Bien qu'il eût confiance dans la protection de ses chefs et dans la stabilité de leur pouvoir, le spectacle général des vicissitudes si fréquentes dans ces temps d'orage, l'exemple particulier de son voisin Tison, ne laissaient pas que de le troubler. Malgré les avantages et les gras appointements qui rachetaient à ses yeux les ennuis 4e sa position, et qui la rendaient enviable aux yeux de ses collègues, il commençait à se dégoûter de sa vie recluse, si esclave dans le présent et si peu certaine dans l'avenir. Les incessantes obsessions, les traitements indignes exercés sur son pupille avaient déjà affaibli la santé de celui-ci d'une façon visible ; mars le duel pouvait encore se prolonger des années, tant la vie est dure à user à cet âge ! Simon n'apercevait pas le terme de ses travaux dans un temps assez prochain pour s'en promettre le salaire ; la physionomie autrefois si riante de la victime portait bien l'empreinte d'une profonde mélancolie ; son teint, si frais et si rosé, était devenu mat et jaune, la ligne si pure de ses traits s'était altérée ; ses membres s'étaient allongés au delà des proportions naturelles, et son dos se voûtait insensiblement, comme courbé sous le pesant fardeau du jour. L'insomnie veillait à son chevet ; la pensée qu'il avait signé un papier inconnu, et nécessairement fatal, le tourmentait peut-être comme un remords. Mais la lutte devait être encore opiniâtre et longue, d'autant que la résistance de l'enfant avait pour ainsi dire cessé. Voyant que chacune de ses actions ou de ses paroles lui attirait un blâme, ou une ironie, ou des coups, il se tenait coi ; à peine osait-il répondre oui ou non à la plus simple question. Il était comme un muet, il était comme un sourd ; il doutait de sa vie passée, il doutait de lui-même ; il se demandait s'il n'était pas justement esclave, et si le jacobin Simon n'était pas son maître légitime. C'est ainsi que, n'ayant plus de prétexte même pour infliger des châtiments, l'instituteur, attardé dans sa marche par un bon vouloir aveugle, contrarié dans son but par une soumission mécanique, était obligé d'inventer des occasions de brutalité, et que, ne pouvant plus punir, il était réduit à assassiner.

L'infortune de cet être innocent, la dégradation de son éminente nature, ne manquèrent pas toutefois d'inspirer quelque pitié et de provoquer quelques réclamations, même dans l'enceinte du Temple. Quelques employés, entre autres Gourlet, l'un des porte-clefs, et le fidèle Meunier, qui, par le zèle qu'il apportait dans ses fonctions, avait obtenu la bienveillance du farouche démagogue, tentèrent la difficile et périlleuse entreprise de venir en aide au petit martyr. Il y avait dans le garde-meuble du Temple une cage organisée dont les ressorts mettaient en jeu un serin artificiel. L'oiseau était fixé au milieu de la cage sur un bâton, et ne quittait point sa place ; mais le rouage qui lui donnait le mouvement le faisait battre des ailes, déployer la queue, agiter la tête, et, ce qui était bien autrement merveilleux, chanter la Marche du Roi. Meunier et Gourlet engagèrent Simon à demander au conseil du Temple ce jouet pour le jeune prisonnier ; mais ils n'ignoraient pas que le consentement même de Simon était plus difficile à obtenir que celui des municipaux. Cependant la curiosité aidant, le maître ne repoussa point pour son élève une distraction dont il devait lui-même avoir sa part, et il fit la démarche proposée, démarche qui eut un plein succès, les commissaires de service se trouvant être ce jour-là tout à fait modérés, pour des représentants de la Commune. La cage, tirée de la poussière du garde-meuble et réparée par un horloger-mécanicien, fut apportée[8]. Le magique volatile plut extrêmement au jeune Charles, qui, au premier aspect, le prit pour un serin des Canaries ; son enthousiasme augmenta quand il vit que c'était un chef-d'œuvre de l'art ; mais son plaisir fut moins grand, si son étonnement fut plus vif ; et bientôt il ne vit plus qu'avec indifférence ce petit oiseau qu'il avait cru d'abord vivant, prisonnier et malheureux comme lui, et qui n'était que l'insensible rival du flûteur de Vaucanson. C'est qu'il ne retrouvait plus en lui ce caractère précieux d'une créature capable de souffrance et de plaisir, qui met en contact la vie avec la vie et qui rappelle l'homme à l'homme, suivant la belle expression de Térence.

Le bon Meunier courut les environs du Temple, cherchant des serins privés pour amuser le Dauphin — car c'était encore sous ce vieux nom royal que toute la bourgeoisie de Paris désignait par habitude le fils du Roi décapité —. La voix de Meunier fût entendue dans quelques maisons qui lui avaient été indicées et qui mirent avec le plus vif empressement leur volière à sa disposition. Il revint avec dix ou douze serins, tous plus apprivoisés et plus charmants les uns que les autres. Leur vivacité et leur gazouillement jetèrent une grande animation dans le sombre appartement où, du fond de sa cage, l'imperturbable automate récitait son éternel refrain de la Marche du Roi. Ceux-ci du moins sont de vrais oiseaux ! s'écria l'enfant avec joie, et il les prit et les baisa les uns après les autres. Dans le nombre, il en remarqua un plus privé, je dois dire plus prévenant, plus affectueux, qui, au moindre appel, venait se percher sur son doigt et paraissait recevoir ses caresses avec plaisir : l'enfant le prit en affection ; il s'en occupait beaucoup, il lui donnait à manger des grains de millet dans sa main ; et, pour mieux le suivre de l'œil lorsqu'il s'envolait vers les autres, il lui attacha à la patte une faveur rose. Mais, à un autre signalement, il lui était tout aussi facile de le reconnaître : il lui suffisait de l'appeler pour qu'il vînt à l'instant même voltiger sur sa tête, s'abattre sur son épaule, et de là se poser sur son doigt. Cette douce distraction, qu'avait acceptée et autorisée on ne sait comment la miraculeuse condescendance de Simon, hélas ! elle ne fut point de longue durée. Ce frêle échafaudage de consolation et de plaisir devait bientôt s'écrouler dans une visite d'inspection que les commissaires de service firent le 29 frimaire an II (19 décembre 1793). Au moment où ils entraient, le séditieux automate fredonnait son refrain coupable, et le favori du Prince répondait par un brillant ramage à ses chants factices. Il n'en fallait pas davantage pour dévouer à la proscription l'oiseau de bois et son complice. La faveur nouée à la patte du serin fut regardée aussi comme une aggravation du crime. Que signifient, s'écria l'un des municipaux, ce chant factieux et ce ruban rose ornant comme une décoration un oiseau privilégié ? cela sent l'aristocratie et dénote une distinction que les républicains ne sauraient tolérer. Ce disant, il avait saisi le pauvre petit volatile, et lui avait enlevé ses insignes. Rejeté violemment dans le vide, le serin avait déployé ses ailes et amorti le choc que cet élan forcé lui fit recevoir contre la muraille ; il tomba, mais il se releva aussitôt et se mêla, avec un chant plaintif, à la bande gazouillante. L'enfant, plein d'effroi, ne perdit point de vue son ami ailé ; il jeta un cri à sa chute, mais il ne fit aucune réclamation, sachant bien qu'il ne lui restait qu'à subir cette nouvelle rigueur, dont Simon avait cette fois laissé l'initiative à ses collègues du dehors. Croira-t-on qu'un rapport fut fait sur cet amusement illicite, qu'interdirent immédiatement les mandataires de la Commune ? Tous les oiseaux, vrais ou faux, furent compris dans l'arrêt de condamnation, et cette affaire fut connue dans l'enceinte du Temple sous le titre de la conspiration des canaris : tant il est vrai qu'il y eut dans ce temps un mélange inouï d'odieux et d'absurde. La révolution semble avoir inventé et posé les règles fondamentales des drames modernes où s'unissent le rire et les sanglots, où se marient le grotesque et l'horrible. Le despotisme le plus atroce pesait sur l'humanité. Science, noblesse, vertus, richesse, talents, jeunesse, gloire, tout était foulé aux pieds. Mais, de tous les vaincus, le plus opprimé sans contredit, c'était le bon sens. En lisant les folies de cette époque, on se sent comme étouffé par un mauvais rêve, et l'on prend en doute la vitalité de l'intelligence humaine. La grande tragédie qui se jouait mêlait à des efforts de géant des farces de baladin. Il y avait dans tout des larmes, du sang et des rires. Les irrégularités judiciaires, les fautes contre la langue, le sens commun et la morale, tout cela marchait à la suite de cette formidable Convention, qui nivelait toute chose et préparait un champ vide à l'avenir. C'était précisément ce jour-là, le 19 décembre 1793, que le jeune homme d'Ajaccio, dont la figure nous est un moment apparue dans la journée du 20 juin 1792, signalait sous les murs de Toulon les préludes de sa fortune. Paris, toujours avide de nouveautés, tournait les yeux du côté du Midi ; et, tout entier aux événements qui s'accomplissaient au soleil, ne s'informait guère comment, dans Membre d'une tour, le fils de Louis XVI se débattait, sans pouvoir en sortir, au milieu des fatales influences qui l'enveloppaient de toutes parts comme un invisible réseau. Il semblait que le premier coup de canon de Bonaparte devait étouffer le dernier soupir de Louis XVII.

Bien que le blâme attaché à l'introduction dans la tour de la cage organisée ne l'atteignît point directement, Simon comprit pourtant qu'il devait en revendiquer sa part, et il en conçut une irritation d'autant plus grande qu'il n'avait pas oublié la proscription du billard. Son humeur se tourna en rancune contre le malheureux enfant chargé d'acquitter toutes ses vengeances. Le lendemain de ce jour-là, il lui vint la fantaisie de prendre un bain de pieds, et il trouva beau de se faire servir à sa toilette comme il se faisait servir à table : il ordonna donc à l'enfant de lui chauffer du linge pour lui essuyer les pieds. Tremblant devant la toute-puissance du despote, le malheureux enfant obéit avec plus d'empressement que d'adresse, et laissa tomber une serviette qui faillit brûler. Le maître resta les pieds dans l'eau ; mais jetant des blasphèmes, des cris et des écumes de colère, il poursuivit de malédictions l'inhabile serviteur que son bras ne pouvait atteindre. Un instant après, croyant son courroux apaisé, le fils des Rois vint essuyer les pieds du cordonnier, imitant ainsi, sans le savoir, les Rois Très-Chrétiens qui, à l'instar du divin Maître, essuyaient les pieds des pauvres dans les évangéliques solennités du jeudi saint. Mais les pauvres se retiraient en bénissant la sublime humilité de la grandeur royale, que rehaussaient encore les dons de l'aumône ; et le cordonnier envoya tomber à six pieds de distance l'enfant royal frappé de ce pied brutal que ses petites mains venaient d'essuyer ! Le martyr resta comme écrasé sous le coup, mais le bourreau ne l'abandonna point : il se rua sur lui, il le frappa de la main, il le frappa du pied, il l'appela des noms les plus odieux pour lui, les plus outrageants pour son père et pour sa mère, il vomit sur lui à pleins flots tous les jurements que lui inspirait sa verve exaltée par le vin ou la fièvre politique ; puis il ordonna au patient de se lever ; et comme le patient avait encore un reste de vie, il fallut qu'il se levât. Je me borne à raconter.

De jour en jour le caractère de ce geôlier devenait plus intraitable : ses passions s'envenimaient dans la solitude. L'oisiveté, la réclusion, l'ennui, ajoutaient je ne sais quelle susceptibilité haineuse, quelle impatiente aigreur à ce naturel déjà si violent. En repassant ses souvenirs, il revenait sans cesse sur des incidents dont il s'exagérait la portée : En octobre, il avait sollicité pour lui et pour sa femme la permission de se promener dans les cours et jardins du Temple, et le conseil général, auquel en avait référé le conseil du Temple, avait, en termes assez rudes, repoussé sa demande[9] ;

Le 12 brumaire (2 novembre), il avait exprimé le désir de se transporter à son domicile, rue Marat1, pour chercher quelques meubles dont il avait besoin, et on ne lui avait accordé cette autorisation qu'à condition qu'il serait accompagné de deux commissaires de la Commune ;

Appelé en témoignage le 27 brumaire (17 novembre), devant le tribunal révolutionnaire, on ne lui avait permis de s'y rendre que sous l'escorte également de deux municipaux ;

Enfin le 7 nivôse (27 décembre), il sollicite la faveur d'assister à la fête nationale qui doit se célébrer le décadi suivant, en mémoire de la prise de Toulon ; le conseil général passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que Simon étant au Temple, se trouve à son poste.

Il s'imagina dès lors que son crédit baissait : il n'en était rien : c'était un homme trop digne de ses chefs et trop propre à la mission de confiance dont ils l'avaient chargé. Mais il se sentait atteint dans sa considération aux yeux des employés de la tour, aussi bien que dans les rares distractions qui étaient venues lui sourire jusque-là dans sa captivité — le billard et les serins —. En même temps il devenait de plus en plus gêné dans ses mouvements. Les lois romaines, dans leur expressive concision, appelaient l'esclave de la peineservus pœnœ — le condamné voué à.une captivité qui durait autant que la vie : Simon était l'esclave de ses fonctions et le captif de sa charge. Sa position, qui avait tant chatouillé son orgueil, commençait à lui paraître moins digne d'envie, et il n'y savait plus que les assignats qui pouvaient l'y maintenir attaché.

Le régime de la tour n'était point meilleur pour sa femme : accoutumée au plus gros travail, elle s'arrangeait fort bien, d'abord, d'être servie à son tour, se figurant, comme ses compagnes, qu'il suffit de ne rien faire pour devenir grande dame mais sa santé, que n'entretenait plus cette incessante activité de toute sa vie, languissait sous le poids d'un embonpoint excessif. Elle tomba même assez malade pour avoir besoin des secours de l'art. Le respectable M. Naudin, chirurgien de l'Hôtel-Dieu, qui demeurait dans le quartier, fut appelé près d'elle le 7 nivôse an II (27 décembre 1793). Il lui prescrivit un traitement et promit de revenir le lendemain. En se retirant, il traversait la chambre où Simon se trouvait à table avec les municipaux et le royal enfant, qui, pressé de toutes parts, se refusait à chanter les couplets impies qu'on lui demandait. L'apparition du docteur réveilla en sursaut, dans l'amour-propre du maître, le sentiment de son autorité méconnue ; et ce que les commissaires avaient sollicité avec prière, lui, il l'exigea avec violence. L'élève répondit comme il répondait souvent en pareille circonstance : il pleura. Simon se précipita sur lui, et, l'enlevant en l'air par les cheveux : Sacrée vipère, s'écria-t-il, il me prend envie de t'écraser contre le mur. M. Naudin courut à l'enfant, l'arracha des bras du geôlier en criant avec une énergique indignation : Scélérat ! que vas-tu faire ? Foudroyé par cette apostrophe, le geôlier resta muet ; soyons juste, il ne la comprit pas. C'était d'abord pour plaire à ses collègues, et ensuite pour fêter l'entrée du docteur qu'il voulait que l'enfant chantât. Sa fureur n'avait donc à ses propres yeux rien que de légitime, provoquée qu'elle était par la rébellion de son élève ; elle n'avait rien que de convenable, car elle attestait le regret qu'il avait de ne pouvoir être agréable à la compagnie. Quant à sa brutalité en elle-même, elle n'avait rien de nouveau : plus elle allait loin en cette circonstance, plus, aux yeux de cet homme, chez qui le sens moral n'existait pas, elle était raisonnable et bien placée. Le sentiment qui avait inspiré l'exclamation du docteur lui échappa donc totalement, tant elle était pour lui une langue étrangère. Les municipaux n'en furent point frappés eux-mêmes, et l'un d'eux se contenta de dire : Citoyen Naudin, tu as toujours le mot pour rire.

Le respectable docteur tint parole : il revint le lendemain visiter la malade. On conçoit qu'une autre pensée le ramenait avec intérêt à la tour. Quelles furent sa surprise et son émotion, lorsqu'au passage d'une chambre dans l'autre, le petit prisonnier l'arrêta par la main, et lui présentant deux poires qu'on lui avait données la veille pour son goûter, lui dit avec l'accent du cœur : Hier, vous m'avez prouvé que vous vous intéressiez à moi, je vous en remercie : je n'ai que ceci pour vous en témoigner ma reconnaissance, vous me feriez bien plaisir de l'accepter ! Le vieillard prit la main de l'enfant, il la serra dans les siennes ; il accepta avec respect le présent de la royauté indigente, et ce n'est que par une grosse larme qu'il put lui témoigner sa reconnaissance, l'émotion Lui ayant ôté la parole. Mais que sont les paroles auprès d'une larme !

On voit qu'au milieu de la décadence de ses forces physiques et morales, le fils de Louis XVI avait conservé le sentiment de la gratitude. Le cœur de cet enfant était si noblement doué, que, semblable à un foyer dont la flamme vivace a peine à s'éteindre sous la cendre dont on le couvre, il se ranimait dès qu'une parole amie venait l'exciter. Jamais il n'avait oublié les recommandations de sa mère. Quelquefois même il se les rappelait dans ses rêves, et il arriva que son geôlier le surprit, au milieu d'une nuit (c'était le 14 ou le 15 janvier 1794), les mains jointes et à genoux, priant Dieu dans un songe plein de ferveur. Simon réveilla sa femme pour lui montrer ce superstitieux somnambule, qu'il se proposait de châtier d'importance. Il prit en effet une cruche d'eau qu'il lui versa sur la tête, au risque de lui causer une maladie mortelle par cette ablution glaciale dans une nuit d'hiver.

Saisi d'un frisson instantané, l'enfant s'étendit dans son lit sans jeter un cri ; mais soit que cette première sensation l'eût tout à fait réveillé, soit que l'humidité de sa couche l'eût arraché au sommeil, il se leva et chercha un refuge sur son oreiller, seule planche de salut qui fût restée sèche dans ce naufrage. Il s'y était assis en grelottant... Simon se levait et s'habillait à demi, bien que sa femme le priât de rester tranquille, et l'enfant attendait, engourdi par l'angoisse, l'issue d'une scène si menaçante pour lui.

Simon l’avait saisi par la main, et, le secouant avec violence : Je t'apprendrai à faire tes patenôtres et à te lever la nuit comme un trappiste. Et comme l'enfant ne comprenait pas, une colère insensée s'empara du geôlier, dont le sang s'allumait toujours à l'idée d'un obstacle, au soupçon d'une résistance. Il s'arma de son soulier à gros clous, et, dans le paroxysme de sa frénésie, il se rua sur sa victime et l'atteignait déjà au visage, lorsque de ses deux mains l'enfant arrêta son bras en lui disant : Que vous ai-je donc fait pour vouloir me tuer ?Te tuer, louveteau ! comme si je le voulais, comme si je l'avais jamais voulu ! Oh ! la vipère ! elle ne sait donc pas que si je la prenais une fois par le cou, elle ne crierait plus ! Et d'un bras vigoureux, il avait renversé sur son lit, transformé en ruisseau, la victime haletante, qui s'y étendit sans plus dire un seul mot, et y resta blottie tremblante de froid et d'épouvante.

Satisfait de son triomphe, le geôlier se recoucha.

Ce triomphe était grand. A dater de cette nuit, l'élève resta plongé dans un abattement complet. Ses yeux, qui autrefois se dirigeaient sur le maître, et le suivaient anxieux, maintenant restaient baissés ; il ne cherchait plus à deviner ce qui allait se passer.

Autrefois, son regard humide lui adressait une muette prière ; aujourd'hui ce regard se détournait et restait impassible. Le captif semblait n'avoir plus ni force ni vouloir : il avait fini par accepter son sort. Il avait longtemps roidi sa volonté, mais le ressort avait fini par se briser ; il avait senti sa chaîne et s'était avoué esclave : il se tenait debout devant le juge dans l'attitude du coupable.

Le juge était dur par instinct aussi bien que par devoir. Son caractère s'était envenimé encore dans l'isolement et l'immobilité. En commençant, ce n'était qu'un homme grossier, violent, vaniteux, fanatisé par les passions révolutionnaires, et plus brutal encore que méchant ; mais il s'était perverti dans son affreuse besogne. Aussi, dans ses violences, que maintenant aucune rébellion ne provoquait, que ne justifiait aucune résistance, y avait-il un penchant machinal qui le disposait à faire incessamment acte de puissance, une irritabilité sans motif, aussi bien que le souvenir de l'odieux engagement qu'il avait contracté. Au moment où, par son obéissance et sa résignation, le malheureux enfant devait se croire à l'abri de ses atteintes, il se précipitait sur lui, réveillé tout à coup dans ses instincts cruels par une irritabilité que rien ne motivait.

Mais Dieu ne voulait pas que tout fût encore accompli.

Le 13 nivôse an II (2 janvier 1794), le corps municipal prend un arrêté qui, conformément à l'article 8, section 3, de la loi sur le gouvernement provisoire, interdit le cumul des fonctions de membre du conseil général et des emplois salariés par l'tat. Simon, instituteur de Capet, et Coru, économe du Temple, se trouvent atteints par cette mesure.

Dès le lendemain, Coru se rend à l'hôtel de ville et déclare devant ses collègues qu'il renonce à sa place pour rester membre du conseil général[10]. Son désintéressement est applaudi et une mention civique lui est décernée. Alors, dit le procès-verbal de la séance, une discussion s'élève sur la question de savoir si le citoyen Simon, membre du conseil, qui se trouve dans le cas de l'option, sera tenu d'opter malgré la mission dont il est chargé. Cette discussion se termine par l'ordre du jour motivé sur la loi qui prononce d'une manière précise sur cet objet.

La résolution de Coru rendait la démission de Simon inévitable. Celui-ci, en effet, ne pouvait se montrer ni moins désintéressé que son collègue, ni moins désireux du témoignage d'estime qu'il avait obtenu.

Le 16 nivôse (5 janvier), il informe le conseil général qu'il résigne une position grassement rétribuée pour reprendre les fonctions gratuites auxquelles l'ont appelé les suffrages du peuple. Le conseil agit à son égard comme il avait fait envers Coru, en lui accordant la mention civique au procès-verbal et l'inscription de son nom sur la liste des candidats pour les missions salariées à la disposition de la Commune.

Le 19 nivôse (8 janvier), le conseil général de la Commune députe cinq de ses membres au comité de salut public, pour lui demander son vœu sur la nomination du citoyen qui doit remplacer le citoyen Simon, gardien du petit Capet.

Le 27 nivôse (16 janvier), ces commissaires annoncent au conseil général que le comité de salut public regarde comme inutile la mission de Simon, et pense que les membres du conseil doivent seuls surveiller les prisonniers du Temple.

Le conseil général arrête alors que quatre de ses membres, commissaires de gardé au Temple, auront à l'avenir la surveillance immédiate des détenus à la tour du Temple.

Le 30 nivôse an II (19 janvier 1794), un grand bruit se fit entendre dans la tour ; c'étaient Simon et sa femme qui déménageaient et prenaient congé de tous les employés du Temple[11]. Les adieux du maître à son élève furent ce qu'ils devaient être, une injure et un blasphème. La femme avait dit à l'enfant : Capet, je ne sais quand je te reverrai. — Oh ! le crapaud, reprit Simon, il n'est pas encore écrasé, mais il ne sortira pas de la crapaudière, quand bien même tous les capucins du ciel se mêleraient de l'en tirer. Et en même temps, il appuyait la main sur la tête du jeune prisonnier, qui, muet et les yeux baissés, recevait immobile cette dernière malédiction de son geôlier[12].

Tel fut cet homme, pendant sa courte mais si longue tyrannie. Toute l'activité de ses facultés, comprimée par la vie de réclusion qu'il menait, s'épanchait en humeur brutale sur ce malheureux enfant qu'elle mettait à la torture. C'était pour lui un passe-temps dont il se faisait une tâche, un besoin dont il se faisait un devoir. Condamné à lui donner tout son. temps, il lui jetait au nom de la République des paroles emphatiques et impérieuses, ou des menaces effrayantes, ou des châtiments cruels : c'était là son office aussi bien que son plaisir. Il trouvait aussi un grand charme à lui causer quelques frayeurs ; les jours où il avait bu un peu plus que de coutume, la peur qu'il aimait à lui faire était ce qui égayait le mieux sa pesante ivresse.

Il savait qu'aux chefs qu'il servait rien ne paraissait plus doux ni plus charmant que de se venger sur l'enfant des remords que leur causait le meurtre du père ; il savait que la victime ne devait pas être tuée, mais que cependant elle devait mourir.

Il épousa donc de tout cœur cette politique qui s'était dit : On le fera végéter dans quelque coin obscur d'une prison où il mourra muet, où l'on emploiera pour me débarrasser de lui toute espèce de moyens, sauf le meurtre !... Robespierre et Marat avaient trouvé cet homme digne d'eux ; cet homme capable de s'enfermer avec un enfant en acceptant la mission de lui nuire, de l'attaquer dans sa santé pour affaiblir son intelligence, et d'affaiblir son intelligence pour l'attaquer dans son cœur ; un homme capable de s'isoler avec l'engagement pris envers des hommes et envers lui-même, et tenu envers lui-même comme envers eux, de se faire un jeu des larmes d'un enfant, un plaisir de ses chagrins, une jouissance de ses cris, un besoin de ses terreurs, un devoir de sa dégradation ; un homme capable de lui sucer le meilleur de son sang sans l'épuiser, n'achevant jamais le meurtre, mais le recommençant toujours. Oui, cet homme-là s'est trouvé pour couronner cette époque de crimes par un crime plus lâche ; bourreau soudoyé, il n'avait pas conçu ce forfait qui dépasse les plus hideux écarts du cœur humain, mais il l'exécuta pendant près de sept mois avec un zèle et un sang-froid qui étonnèrent même ceux qui l'avaient ordonné. C'est un homme admirable de caractère, dit un jour Chaumette ; il est inflexible et toujours égal dans sa conduite. Oui, Simon fut toujours inflexible et égal dans sa conduite. Jamais homme dans aucun état n'a si bien rempli les devoirs de sa charge. D'autres vont à leur comptoir, à leur bureau, à leur faction, à leur navire, à leur charrue ; lui, il allait à sa victime.

Jamais il ne quittait son poste de colère et de vengeance. Couvant d'un œil jaloux son travail incessant de corruption et de mort, il était là jour et nuit, occupé à tuer lentement une créature innocente et frêle : Après l'avoir torturée pendant tout le jour, il se couchait tranquille le soir, comme un homme qui s'est acquitté du travail de sa journée, et avec la ferme résolution de recommencer le lendemain ; et, le lendemain, il essayait un autre supplice sur la même victime devenue plus faible encore, puis il se rendormait et prenait des forces pour recommencer de nouveau.

Je sais qu'en vieillissant l'histoire s'est faite indulgente, et qu'il lui suffit de voir un fanatisme convaincu dans un homme pour réclamer en sa faveur des circonstances atténuantes. Il n'est sorte de piédestaux qu'elle n'ait dressés aux Cromwell et aux Sylla. Tibère pourtant n'avait pas moins de génie que Robespierre, et je ne vois pas que Tacite l'ait réhabilité.

Quoi qu'il en soit de cette abominable extravagance de notre temps, la manie des réhabilitations n'a pas encore songé à ramasser dans l'égout ce nom de Simon, pour essayer de le laver à la face du soleil.

 

 

 



[1] Parmi les nombreux documents que nous avons recueillis sur le Temple, se trouve la facture du marchand de papier, avec l'indication des fournitures faites pour tapisser la salle du billard.

[2] Voir, aux Documents n° IX, les mémoires de la femme Cloüet, blanchisseuse du Temple.

[3] Charpentier de son état, rue Fontaine-au-Roi, faubourg du Temple, et chef de bataillon de cette section.

[4] Voir, aux Documents n° X, le rapport de Verdier sur les comptes du Temple.

[5] Le procureur de la Commune se récrie sur les dépenses énormes que nécessite la garde des individus détenus dans la tour. Il requiert, et le conseil arrête, que, le décadi prochain, il se transportera en masse à la Convention, pour lui demander que les prisonniers du Temple soient renvoyés dans les prisons ordinaires, et traités comme les détenus ordinaires, et que ces individus soient jugés dans le plus court délai.

(Conseil général de la Commune ; séance du 26 brumaire an II, 16 novembre 1793.)

Cette résolution fut renouvelée cinq jours après :

Le conseil général arrête que, le quintidi prochain, il se transportera en masse à la Convention, pour lui demander à être déchargé de la garde du Temple ; et que les prisonniers qui y sont détenus soient transférés dans les prisons ordinaires, et charge Legrand de faire une pétition à cet égard.

(Séance de la Commune du 1er frimaire an II, 21 novembre 1793.)

[6] Cette pièce est au dépôt des Archives de l'Empire, Armoire de fer.

[7] Voyez tome I, livre IX.

[8] Je prie les citoyens commissaires de la trésorerie nationale de faire payer au citoyen Bourdier, horloger-mécanicien, la somme de trois cents livres, montant de son mémoire réglé. pour réparations laites à une cage au Temple, en nivôse dernier, suivant ledit mémoire et l'arrêté de la somme du 22 de ce mois.

Laquelle somme de trois cents livres sera comprise dans l'état de distribuions du 1er au 9 de germinal prochain, et l'ordonnance adressée incessamment à la trésorerie nationale.

A Paris, le 26 ventôse de l'an IIe de la République française une et indivisible (16 mars 1794).

Le ministre de l'intérieur.

(Archives de l'Empire, carton E, n° 6207.)

[9] Commune de Paris. — 16 octobre 1793.

Le 25e jour du 1er mois de l'an II de la République française une et indivisible.

Commission du Temple.

Extrait du registre des délibérations du conseil général.

Sur le compte rendu par le citoyen Cellier, au nom des membres du conseil de service hier au Temple, qu'ils avaient accordé au citoyen Simon et à sa femme une carte pour se promener dans les cours et jardins, accompagnés d'un membre du conseil, à là charge par chacun d'eux de la rendre, lorsqu'ils rentreraient dans la tour, mais qu'ils s'étaient, réservé de soumettre leur arrêté au conseil, pour obtenir son approbation ;

Le conseil passe à l'ordre du jour motivé sur son précédent arrêté, qui ordonne que Simon n'aura pas de carte, et arrête que le présent sera envoyé dans le plus court délai à la commission du Temple.

Signé : LUBIN, vice-président.

DORAT-CUBIÈRES, secrétaire-greffier.

Pour extrait conforme,

METTOT, secrétaire-greffier.

[10] Coru (Jacques-Pierre), âgé de soixante et un ans, était marchand grainier, et demeurait rue Saint-Antoine, n° 229, section de l'Arsenal.

[11] Marie-Jeanne Aladame, veuve d'Antoine Simon, admise à l'hospice des incurables (femmes), rue de Sèvres, 10e arrondissement, le 23 germinal an IV (12 avril 1796), sur la présentation du ministre de l'intérieur, en date du 14 du même mois (3 avril 1796), est décédée dans cet établissement le 10 juin 1819. On verra plus loin comment mourut Simon.

[12] Le lendemain, le procès-verbal de la séance de la Commune portait ce qui suit : Un commissaire de garde au Temple annonce au conseil général que Simon et sa femme ont présenté aux commissaires de garde le petit Capet, et qu'ils les ont priés de leur en donner décharge ; le conseil général arrête qu'il sera donné décharge au citoyen Simon et à sa femme de la personne du petit Capet.