LE SIÈCLE DE LA RENAISSANCE

 

CHAPITRE V. — LE DRAME PROTESTANT. - FRANÇOIS II.

 

 

Les débuts du protestantisme en France ; sa première faveur à la cour, puis hostilité de François Ier. Statuette do la Vierge brisée à Paris, 1528 ; placards protestants affichés, 1534 ; nombreuses exécutions, 1535. Affaire de Mérindol et de Cabrières, 1545. Politique répressive de Henri II, l'édit de Châteaubriant de 1551 : le procès d'Anne du Bourg, 1547. Le calvinisme s'organise, doctrine et discipline : Jean Calvin, 1509-1564 : La première Église réformée de Paris, 1555. le premier synode de Paris, 1559. François II, 1559-1560. Les Guises s'emparent du pouvoir. Progrès croissants du protestantisme ; politique de plus en plus répressive des Guises, 1560. Campagne de presse des protestants ; mécontentement des catholiques devant le gouvernement autoritaire et avare des Guises ; la conjuration d'Amboise, 1560. Exécutions qui suivent. On veut y compromettre les Bourbons. Signes précurseurs de guerre civile. Le parti des politiques. Il fait décider la convocation des États généraux à Orléans : arrestation du prince de Condé. Mort rapide de François II, 1560.

 

L'an 1520, écrit le Bourgeois de Paris, s'éleva en la duché saxonne, en Allemagne, un docteur théologien hérétique de l'ordre de Saint-Augustin, nommé Martin Luther, qui dit beaucoup de choses contre la puissance du pape et fit tout plein de livres, la voulant diminuer, et aussi contre les ordonnances et cérémonies de l'Eglise. Ces livres pénétraient en France. Le pape Léon X prévint le roi François Ier afin qu'on les condamnât. Telle est la manière dont on entendit parler pour la première l'ois à Paris de la Réforme protestante. Conformément aux indications reçues, le parlement fit crier à son de trompe par les carrefours qu'on lui apportât tous les livres de Martin Luther sous peine de prison, et un certain Louis Berquin, ayant été convaincu d'avoir traduit de ces ouvrages, fut incarcéré, ses livres brûlés devant Notre-Dame de Paris ; lui-même allait subir un mauvais parti, lorsque François Ier pria qu'on le laissât tranquille. Le bruit courait cependant que çà et là l'hérésie nouvelle faisait des adeptes. Par précaution, en 1523, des prédicateurs, moines mendiants, furent envoyés un peu partout afin de combattre la doctrine incriminée. En 1525, un cordelier fut arrêté à Grenoble sous la prévention d'avoir émis des idées luthériennes et un seigneur justicier de l'endroit, le grand commandeur de Viennois, comme châtiment, le fit brûler. C'était un des premiers partisans de la Réforme qui payait ses idées de sa vie. La mesure fut très discutée. On tomba néanmoins d'accord pour trouver qu'elle était juste sous le prétexte que les magistrats doivent venger Dieu outragé par l'hérésie, puis protéger la société ; or, l'hérésie troublait la société et tendait du tout à la subversion de la monarchie humaine. Le premier pas était fait. En 1526, le 17 février, veille des brandons, un jeune licencié ès-lois de vingt-huit ans, nommé Guillaume Joubert, fut, par arrêt du parlement de Paris, mené en tombereau à la place Maubert, et là eut la langue percée, puis fut étranglé et brûlé pour avoir tenu la doctrine de Luther. Le 28 août, un écolier picard fut brûlé en place de Grève pour la même raison. Que professaient les nouveaux hérétiques ? Le populaire ne le savait pas très bien. Il racontait que ces gens ne voulaient plus d'images de saints, qu'ils répudiaient l'eau bénite et se refusaient à prier pour les trépassés. Il les avait en horreur. Quant aux magistrats, gardiens vigilants de l'ordre public, ils n'admettaient pas qu'une hérésie vînt rompre cet ordre ; donc ils devaient en punir les fauteurs. Ceux-ci s'en prenant à la majesté divine, blasphémant, commettaient un crime irrémissible ou méritaient le dernier supplice. Pratiquement, par suite de la rareté relative de l'action criminelle, on condamnait facilement à mort pour faire des exemples ; le bûcher ou la potence furent couramment appliqués auv luthériens : les contemporains n'y ont rien trouvé d'excessif.

Les premières répressions n'arrêtèrent pas la doctrine nouvelle. Un vent de critique soufflait. En chaire, des prédicateurs se faisaient soupçonner parce qu'ils disaient qu'effectivement il existait dans l'Église des abus regrettables. Peu à peu pénétrait cette idée qu'il y avait évidemment à redire sur des pratiques accessoires inutilement introduites dans la religion catholique. A la cour, la question se présenta sous un aspect particulier.

Il existait à Meaux un évêque à l'esprit ouvert et curieux, Guillaume Briçonnet, qui aimant l'érudition, avait attiré près de lui des savants philologues parmi lesquels se trouvaient le Dauphinois Guillaume Farel et les trois Picards Gérard Roussel, Arnaud et Jacques Lefèvre. Ensemble ces quatre philologues étudièrent la Bible dans les textes hébreux ou grecs et hasardèrent des critiques qui parurent inspirées de l’esprit luthérien. Le parlement de Paris, informé, nomma des commissaires pour faire une enquête ; les quatre érudits, inquiets, passèrent en Allemagne et Briçonnet gourmande s'excusa. Mais Farel et ses amis laissaient derrière eux un noyau d'adeptes.

Ce fut ce côté d'érudition qui attira d'abord l'attention de la princesse Marguerite de Valois. Très portée vers les nouveautés, la sœur de François Ier ne pouvait qu'être tentée par ce qui lui paraissait le résultat de l'étude et la constatation de la vérité philologique. En 1527, elle épousait le roi de Navarre, Henri d'Albret, qui était brouillé avec le Saint-Siège ; — Jules II, en 1512, ayant excommunié Jean d'Albret, son père, et donné la Navarre espagnole à Ferdinand, roi d'Aragon : façon abusive de disposer des royaumes non mouvant en fief de l'Eglise contre laquelle les rois de Navarre, appuyés par le roi de France, avaient vivement protesté ; — les d'Albret étaient tout préparés à écouter avec faveur ce qui se dirait contre le pape. Installée en Béarn, Marguerite de Valois accueillit chez elle Jacques Lefèvre. Gérard Roussel qui passait pour un saint et dont elle fit son directeur. Ceux-ci n'étaient pas positivement luthériens, mais ils critiquaient au nom de l'histoire les institutions catholiques de leur temps, réclamant la communion sous les deux espèces, n'admettant pas rigoureusement la présence réelle dans l'Eucharistie de la même manière que l'Eglise, proclamant que l'Eglise avait corrompu la pureté de la religion du Christ par des inventions superstitieuses. Lorsque Marguerite vint retrouver à Paris François Ier, elle chercha à faire partager à son frère les tendances nouvelles.

Ces tendances nouvelles trouvaient déjà un écho sympathique dans le monde léger de la cour. En somme, de quoi s’agissait-il, disait-on, de prendre et retenir la substance de la doctrine chrétienne telle que Jésus-Christ l’avait instituée et que les apôtres l'avaient publiée et rédigée par écrit, mais rejeter les superstitions et superfétations ajoutées avec le temps et s'en tenir à la pure parole de Dieu, à la vie de la primitive Eglise : adorer Dieu en esprit et en vérité ; user de cette liberté chrétienne qui secoue le joug des superstitions et des traditions des hommes pour s'attacher uniquement à Dieu ; en définitive réformer les mœurs et retrancher quelques abus qui s'étaient glissés dans l'Eglise. Ce n'était pas là se séparer de l'Eglise. Tranquillisé, chacun, dit Florimond de Raymond, vouloit goûter de la nouveauté. Lorsque fut mis à la mode le chant doux et chatouilleux des psaumes traduits en français par Marot, on trouva la chose jolie ; tout le monde chanta ; ce fut une fureur chez les gens de cour : les psaumes rimes ont attiré les âmes par les harmonies.

Au premier abord, assez insouciant, François Ier ne se préoccupa pas beaucoup des idées nouvelles ; sans les partager, il ne les trouvait pas antipathiques ; il avait fait délivrer Berquin ; un instant même il consentit, sur la demande de Marguerite, à mander d'Allemagne le luthérien Philippe Melanchthon sur lequel la princesse comptait pour toucher son frère. Mais peu à peu il ne tarda pas à se reprendre. Homme tout de même de gouvernement, il jugea, d'accord avec ses conseillers les cardinaux de Tournon et de Lorraine, que favoriser la diffusion de l'hérésie, c'était compromettre l'unité de l'Etat, ébranler les fondements du royaume, s'exposer à des troubles, car le populaire resterait fermement attaché à la religion catholique. Il se décida. Des incidents allaient impatienter et irriter ses sentiments.

Le lundi de la Pentecôte 1528, au matin, on trouva à Paris la statuette de la Vierge placée à l'encoignure de la maison de M. Harlai devant la porte de l'église du petit Saint-Antoine, paroisse Saint-Germain, brisée. Des hérétiques avaient cassé la tête de la Vierge et de l'Enfant Jésus. L'opinion, déjà prévenue contre les luthériens, s'émut extraordinairement. Ce fui une affaire considérable. Le gouvernement et le roi se crurent obligés de partager cette agitation. François Ier promit mille écus à qui dénoncerait les coupables ; il remplaça la statuette mutilée par une autre en argent et il voulut venir l'apporter lui-même solennellement en une procession imposante où figurèrent toutes les paroisses de la ville, le parlement, les autorités, prélats, seigneurs, gentilshommes, au milieu d'un grand concours de peuple.

Le parlement sévit. Louis Berquin, ayant imprudemment fait parler de lui à nouveau, fut repris, mis en jugement. Il avoua franchement ses idées, ne cacha pas qu'il avait écrit des livres luthériens, les montra ; il fut condamné à mort. Le roi était à Blois ; pour empêcher, comme la première fois, que l'intervention du souverain ne sauvât le coupable, on l'exécuta séance tenante avant que François Ier fût prévenu. Le prévôt de Paris, le lieutenant criminel, tous les juges informèrent, condamnèrent. Quand le prévôt rendait une sentence adoucie et que le prévenu en appelait au parlement, celui-ci, par arrêt, aggravait la peine. Conséquence ordinaire des persécutions, loin de se laisser abattre, le zèle des partisans de la nouvelle opinion s'accrut ; les luthériens ripostèrent par des représailles.

La mutilation de la Vierge de M. Harlai avait été un cas isolé. Le fait se répéta. En mai 1530, des statuettes de Notre-Dame, de l'Enfant Jésus, de saint Roch, de saint Fiacre, placées aux coins des maisons furent brisées de nuit, et provoquèrent autant de processions expiatoires des paroisses accompagnées du parlement en robe rouge. Celui-ci promit vingt écus d'or à qui révélerait un luthérien. L'excitation populaire était extrême ; un dernier attentat plus grave, plus audacieux, la mita son comble. Le 18 octobre 1534, on trouva partout affichés des placards hérétiques attaquant le saint sacrement de l'autel et l'honneur des saints ; il v en eut jusque dans le Louvre, à la porte de la chambre du roi, qui était absent, et se trouvait à Amboise ; on en porta même à Amboise. L'indignation et la colère furent générales. Le roi outré, manda au Parlement de Paris de faire rigoureuse justice. Le parlement n'avait pas attendu l'injonction. On procéda à des arrestations innombrables et les exécutions suivirent. L'année 1533 a été la première année sanglante de l'histoire du protestantisme. Toutes sortes de gens furent appréhendés ; il suffisait d'avoir eu chez soi un livre luthérien pour être suspect ; on saisit des cordonniers, des drapiers, des imprimeurs, des libraires, des ecclésiastiques, de riches marchands, des écoliers, des procureurs. Parlement et lieutenant criminel à l'envi condamnèrent. On brûla aux Halles, à la Croix du Trahoir, au bout du pont Saint-Michel, à la place Maubert, au carrefour du puits Sainte-Geneviève, au cimetière Saint-Jean ; on pendit au marché aux pourceaux avec des chaînes de fer, les condamnés trahies sur la claie au parvis Notre-Dame. Les plus favorisés étaient bannis après avoir fait amende honorable en chemise, pieds nus, tenant un cierge à la main, devant une église, ou pendant une grand'messe, et après avoir été battus de verges sur une charrette, leurs biens confisqués. Quand il y avait obstination dans les blasphèmes et refus de rétracter, on coupait la langue. Nombre de personnes inquiètes s'enfuirent. Le parlement en ajourna à comparaître 73 qui avaient disparu, parmi lesquelles Clément Marot. Hommes, femmes, enfants, de tout âge et de tout état furent atteints. L’opinion approuvait. Les choses vinrent à un tel point que François Ier jugea enfin qu'on allait un peu loin. Sur ses observations, le parlement s’arrêta ; il y eut une détente et les 73 luthériens qui avaient été bannis à son de trompe furent autorisés à rentrer ; on relâcha les prévenus, mais en leur signifiant que s'ils étaient repris ils seraient brûlés. Le roi expliqua à l'ambassadeur Giustiniano qu'il avait quelque peine à laisser brûler les hérétiques, attendu qu'en Flandre cela ne se faisait pas.

Mais l'impulsion était donnée et François Ier devait encore voir ses magistrats, soutenus de l'opinion publique, dépasser les limites de ses propres intentions. Il y avait dans des villages de la Provence un certain nombre de gens qui professaient depuis longtemps, dès le XIIIe siècle, disait-on, des idées assez hétérodoxes. Ils s'inspiraient de l'Ecriture Sainte ; ils disaient que puisque les mots de messe, de pape, de purgatoire ne se trouvaient pas dans l'Evangile, il n'y avait pas lieu de les admettre. Ils détestaient le catholicisme. On les appelait des Vaudois. Attirés par certaine communauté de sentiments, les protestants les étudièrent avec sympathie comme des précurseurs. De leur côté, les Vaudois prirent des idées de Luther. Là-dessus, il y eut des incidents. Le vice-légat d'Avignon ayant voulu informer contre quelques-uns d'entre eux, ceux-ci prirent les armes, pillèrent, tuèrent. Lo parlement d'Aix ouvrit une enquête et ayant convaincu d'hérésie les habitants surtout de deux bourgs, Mérindol et Cabrières, rendit un arrêt, le 18 novembre 1540, qui prescrivait de détruire ces deux villages et d'en bannir les habitants. François Ier, ennuyé de cette affaire, ordonna de suspendre l'effet de l'arrêt. Au bout de quatre années, résolu d'en finir, le parlement d'Aix, à l'instigation de son premier président d'Oppède et de l'avocat général Guillaume Guérin, nommait une commission de cinq membres afin de procéder à l'exécution. Les commissaires s'entendirent avec le capitaine Paulin, baron de la Garde, dont les soldats, débridés, se livrèrent à tous les excès ; ils massacrèrent la population, incendièrent 24 villages ; on parla de 3.000 victimes et de 900 maisons brûlées. L'affaire eut un grand retentissement. François Ier, indigné, résolu à ne pas laisser ces excès impunis, décida de mettre en jugement devant le parlement de Paris les magistrats d'Aix. La procédure traîna. François Ier ne devait pas en voir la fin, et sous Henri II, les idées étant changées, après un dernier procès qui dura cinquante audiences, d'Oppède, trois commissaires furent absous, ainsi que Paulin ; seul, Guillaume Guérin fut convaincu d'avoir produit de fausses pièces et pour ce fait décapité en place de Grève. En somme, tout en étant convaincu, par instinct de gouvernement, de l'impossibilité d'admettre l'hérésie, afin de ne pas compromettre l'unité de l'État, François Ier eût été plutôt de tendances tolérantes, si des provocations ne l'avaient irrité. Ses magistrats, catholiques entiers, et soucieux de maintenir fermement l'ordre public, l'avaient débordé.

Avec Henri II il en fut autrement. Le développement du protestantisme n'avait fait que s'étendre. Il n'était nouvelle, dit Pierre de la Place dans son État de la religion et de la république, que de l'accroissement du nombre des luthériens, quelque sévères ordonnances et punitions que l'on en eût dû faire, et ne parlait-on que des assemblées secrètes qui se faisaient jour et nuit en maints lieux et notamment dans la ville de Paris. D'isolés qu'ils étaient auparavant, les luthériens en effet se groupaient maintenant dans des réunions, en se cachant, pour prier ensemble et s'exhorter mutuellement. Comme tout ce qui est mystérieux, ces réunions excitèrent l'inquiétude de la foule. Sa colère éclata un soir. Rue Saint-Jacques, devant le collège du Plessis, on découvrit une assemblée de 100 à 120 personnes. La foule s'attroupa. Les assistants cherchant à s'enfuir furent attaqués et assommés ; les femmes battues, roulées en cheveux dans la boue ; il y eut des morts. Parmi les assistants se trouvaient des dames de qualité, Mmes de Rentigny, de Champagne, de Graveron, un avocat au Parlement, M. de Gravelles, un professeur de l'Université âgé, M. Clinet. On procéda à des arrestations et le parlement brûla les coupables en place Maubert après leur avoir fait couper la langue.

Cette histoire d'assemblées provoqua une recrudescence de la répression. D'esprit beaucoup moins ouvert que son père, Henri II n'avait pas cette manière de scepticisme qui prédispose à l'indulgence. Il était plus rigide catholique et se scandalisait de voir contester ce qu'il jugeait la vérité divine ; d'autre part le progrès de plus en plus menaçant de la Réforme constituant pour l'État un danger chaque jour plus grave, le conseil s'effrayait encore davantage. Henri II commença en 1549 par établir au parlement de Paris une chambre spéciale qui fut destinée à poursuivre l'hérésie, ce fut la chambre ardente. En 1551 il publia un édit dit de Châteaubriant qui codifiait en 46 articles toutes les mesures précédemment prises contre les luthériens et réglait la jurisprudence. Il était temps, disait le préambule, de prendre des mesures : l'erreur, de jour en jour et d'heure en heure, allait croissant ; elle était devenue une commune maladie de peste ; c'était la cause de Dieu où chacun devait prêter l'épaule et s'employer de toutes ses forces ! Il était donc interdit d'imprimer, de vendre, de posséder des livres hérétiques ; les dénonciateurs d'hérétiques auraient le tiers des biens de ceux-ci ; tout individu convaincu de professer des idées luthériennes serait condamné à mort. Afin d'alléger les parlements de la poursuite de ces crimes, les tribunaux inférieurs, dits présidiaux, pourraient en connaître. Mais, singulier contraste des choses, tandis que sous François Ier les magistrats avaient été les plus ardents instigateurs de la répression, le bruit courait maintenant que l'hérésie, gagnant de plus en plus, infestait même leurs rangs et qu'on ne pouvait être sûr d'eux. L'édit spécifiait qu’à l'avenir on informerait contre les juges suspects de négligence à l'égard des luthériens ; que tous les trois mois il y aurait dans les chambres de justice des séances dites mercuriales au cours desquelles il serait parlé de religion afin de maintenir les magistrats dans la bonne doctrine et de tâcher de découvrir si quelqu'un d'entre eux devenait suspect ; qu'enfin, dorénavant, nul ne serait nommé juge s'il ne produisait un certificat constatant qu'il était bon catholique romain.

Mais ce n'était pas seulement parmi les magistrats que les idées nouvelles faisaient des adeptes. Toutes les classes sociales se trouvaient l'une après l'autre atteintes. Des gentilshommes avaient pu un instant, sous François Ier, être attirés sans que d'ailleurs leurs convictions fussent bien profondes. Maintenant de grands personnages de la cour, des seigneurs de haute importance, des princes même, trahissaient leurs sympathies raisonnées pour l'hérésie. En 1558, le cardinal de Lorraine étant allé traiter de la paix sur la frontière des Pays-Bas avec le ministre espagnol Granvelle, évêque d'Arras, celui-ci lui révéla qu'il avait la preuve que le royaume de France était infesté de luthériens et que l'un des plus marquants était le neveu même du connétable de Montmorency, d'Andelot ; il l'avertit que d'Andelot avait dernièrement adressé à son frère Coligny, prisonnier, un livre qui parlait abominablement de la messe. De retour à Paris, le cardinal de Lorraine prévint le roi. Celui-ci irrité et tout de même, en raison de son affection pour le connétable, embarrassé, chargea le frère de d'Andelot. le cardinal de Châtillon, détacher d'obtenir du coupable quelque explication suffisante au sujet de ses doctrines. D'Andelot se borna à répondre qu'on ne lui ferait rien dire de contraire à sa conscience. Sur ces entrefaites ayant eu occasion d'aller au château de Montceaux où se trouvait Henri II, celui-ci ne put se contenir et l’interpellant vivement lui demanda s'il était vrai, ainsi qu'on le lui avait affirmé, qu'il tint la messe pour une abomination. Très fermement d'Andelot répondit que si on considérait la messe comme un sacrifice propitiatoire à l'égard des péchés des vivants et des morts, il la tenait effectivement pour chose détestable et abominable, nullement instituée par Dieu, attendu que la mort du Christ constituait une fois pour toutes un sacrifice et une oblation suffisants. Henri II indigné commanda à d'Andelot de sortir sur-le-champ de sa présence, puis il le fit arrêter par le maître de sa garde-robe, Babou de la Bourdaisière, et conduire sous bonne escorte par Monluc au château de Melun où le prisonnier fut incarcéré. L'assurance de d'Andelot attestait le sentiment qu'il avait du progrès général des nouvelles doctrines. Son frère Coligny était gagné ; gagnés aussi étaient le roi de Navarre, Antoine de Bourbon et sa femme Jeanne d'Albret, — fille de Marguerite de Navarre et d'Henri d'Albret ; le frère d'Antoine, le prince de Condé, groupe important de princes du sang ; les Bourbons, qui, joints aux Châtillon — d'Andelot et Coligny — allaient former une manière d'état-major imposant et redoutable.

Cette assurance se propagea. Il était décidément exact que la magistrature s'empoisonnait chaque jour : la chambre criminelle du parlement de Paris devenait singulièrement indulgente pour les hérétiques, ne les condamnant plus, se bornant à les renvoyer devant l'évoque. Si le chiffre des luthériens augmentait comme il le faisait, déclarait le cardinal de Lorraine, courroucé, c'était que le public sentait la connivence des juges. L'irritation du gouvernement fut extrême. Une fois où le président de la Tournelle, Séguier, venait réclamer au roi les gages de ses magistrats, non payés depuis vingt-deux mois : On ne veut empêcher vos gages, lui dit brusquement le cardinal de Lorraine, pourvu que vous exécutiez fidèlement votre charge ; et comme l'autre répondait qu'il ne pensait pas qu'on y eût manqué : Si, répliqua le cardinal, en ce que vous ne punissez pas les hérétiques ! Le président protesta. Vous les renvoyez devant leurs évoques, reprit Lorraine, vraiment voilà une belle expédition ! Séguier répondant qu'on ne pouvait pourtant pas juger contre sa conscience : Vous êtes cause, s'exclama le ministre, que la France est toute remplie de cette vermine qui s'augmente et pullule sur l'espérance de vous !

A quelque temps de là avait lieu la mercuriale prescrite par l'ordonnance. Le roi recommanda que le parquet parlât avec fermeté. Au jour dit — c'était le dernier mercredi d'avril 1559, la séance avait lieu au couvent des Augustins, sur le quai, le Palais étant pris pour les fêtes des mariages, — le parlement se trouva assemblé en nombre, 100 à 120 magistrats. Le procureur général Bourdin prenant la parole s'éleva avec véhémence contre les magistrats qui sentoient mal de la foi et adhéroient à la fausse doctrine de Luther ; que voulait dire que la Tournelle ne condamnât plus à mort les hérétiques et les rendît à la liberté, ce qui était contraire aux ordonnances ? Il y avait contradiction entre les arrêts de la Grand'chambre qui, elle, appliquait les édits et ceux de la Tournelle qui ne faisait que bannir les luthériens : cette contradiction était un scandale ! Suivant l'usage, les harangues terminées, on passa aux avis et chaque magistrat, l'un après l'autre, opina. Bravement, ceux qui penchaient pour les idées nouvelles déclarèrent qu'on ne pouvait nier qu'il y eût des abus et des erreurs dans les pratiques de l'Église catholique ; que nombre de bons esprits réclamaient la réunion d'un concile général afin d'en décider et de les extirper et qu'en attendant il était raisonnable de ne pas appliquer la peine capitale à des gens exprimant des critiques, lesquelles pourraient être ensuite reconnues fondées par le concile. De cette opinion furent, entre autres, le président aux enquêtes du Ferrier et Antoine Fumée. La séance fut levée avant la fin des avis et la continuation renvoyée à l'assemblée suivante. Entre temps les présidents Le Maître et Minard étaient venus rendre compte au roi des opinions qu on avait exprimées à la mercuriale. Ainsi, il n'y avait plus de doute, les hérétiques osaient s'afficher en plein parlement, sur les bancs des magistrats, dans des conditions particulièrement provocantes. Henri II décida qu'il irait assister lui-même à la suite de la mercuriale et écouter ce qui se dirait. A la séance annoncée, présidée par le roi, tandis que les magistrats catholiques réclamaient l'application pure et simple des édits existants, des conseillers, Claude Viole, Louis Dufaur, Anne du Bourg se prononcèrent pour la suspension de la peine capitale en attendant le concile. Dufaur était très intelligent ; Anne du Bourg, jeune magistrat de trente-sept ans, très éloquent : ce dernier parla avec chaleur et vivacité faisant montre de plus de courage que de prudence. Lorsque tout fut fini, Henri II, sèchement, ordonna au greffier Saint-Germain de lire le procès-verbal de toutes les opinions émises ; puis il prononça qu'il y avait dans le parlement des magistrats dévoyés de la foi ; qu'il était décidé à les châtier. Alors se retournant du côté du connétable qui était présent il lui commanda d'arrêter immédiatement Louis Dufaur, Anne du Bourg, Claude Viole, Antoine Fumée, du Ferrier et trois autres qu'un capitaine des gardes conduirait immédiatement à la Bastille. De retour dans son palais le roi, hors de lui, dit qu'il iroit voir de ses deux yeux brûler du Bourg. Une commission judiciaire fut nommée pour juger les prévenus, composée d'un président en parlement, d'un maître des requêtes, de deux conseillers, de l'évêque de Paris, d'un inquisiteur de la foi. Henri II ne devait pas assister à la fin du procès, ni voir brûler du Bourg : la lance de Mongommery l'abattait quelques jours après.

Loin d'arrêter le mouvement ascensionnel de la Réforme, la politique répressive d'Henri II n'avait fait en définitive que l'accentuer. Mais à défaut de cette circonstance occasionnelle un fait considérable assurait depuis quelque temps déjà la force et le développement progressif de l'hérésie : Calvin venait de lui donner une doctrine, une discipline et une organisation.

Nature puissante et personnalité fougueuse, Martin Luther avait moins contribué à fonder une religion nouvelle qu'à ébranler dans toute la chrétienté l'antique foi compacte du Moyen âge. Il avait commencé par critiquer le fait abusif de la vente à l'encan des indulgences spirituelles : Rome n'avait pas admis qu'on critiquât quoi que ce soit ; sûr de ce qu'il disait Luther avait persisté, puis soutenu par l'opinion, il avait étendu ses critiques. Devant les mesures coercitives des autorités ecclésiastiques qui ne discutaient pas, mais condamnaient, il avait attaqué, provoquant l'enthousiasme des foules de son éloquence ardente pour une cause qui devenait populaire. De proche en proche, emporté par son tempérament et la faveur de l'opinion, il était arrivé jusqu'à saper dans ses fondements les bases mêmes du catholicisme. Il avait ainsi détruit aux yeux des populations qui jusque-là considéraient l'enseignement de l'Eglise comme l'expression de la vérité éternelle, le prestige de l'absolu. Chacun se crut la faculté de disséquer l'arche sainte et, suivant ses goûts, sa science ou ses tendances, de faire le départ de ce qu'il jugeait acceptable et de ce qu'il rejetait comme faux. Le luthéranisme n'a été pour les sujets de François Ier que le droit de discuter le catholicisme. C'est dans ce sens que des érudits comme Farel et ses amis de Meaux ont été luthériens. En réalité s'ils s'accordaient pour nier ils divergeaient sur les points à admettre. Il était réservé à Jean Calvin de fixer la croyance.

Né à Noyon en 1509 d'un père, Gérard Cauvin (Calvin est le nom latinisé de Cauvin), qui était procureur, greffier de l'officialité diocésaine, promoteur et notaire du chapitre, procureur fiscal du comté épiscopal, en somme une manière d'homme d'affaires du clergé, Jean Calvin eut pour premier spectacle dans le monde les démêlés de son père avec le clergé. Sommé à un moment donné de rendre ses comptes, Gérard Cauvin s'y était refusé ; on l'avait blâmé, menacé, excommunié, et en 1531 le malheureux procureur était mort honni, sans sépulture religieuse. L'aîné de ses quatre fils Charles, prenant sa succession, fut à son tour excommunié et mourut trois ans après dans les mêmes conditions. Jean Calvin ne pouvait guère éprouver de sympathie pour les gens d'église. Il était le second des enfants. On le mit au collège de Noyon afin de commencer ses études ; de là il fut envoyé à Paris, chez un oncle serrurier qui lui fit suivre les cours du collège de la Marche, puis du collège de Montaigu. A dix-neuf ans il allait faire son droit à Orléans où se trouvait une Université réputée pour son enseignement juridique. Ce fut un étudiant laborieux, travaillant beaucoup, mangeant peu, délicat et souffrant de l'estomac : on remarqua chez lui un esprit souple, et une grande aptitude à la dialectique. Devenu licencié en droit, il s'adonna à la littérature grecque, se prit d'un goût très vif pour les études littéraires ; il renonça même au droit, se consacra à l'humanisme et revint à vingt-deux ans à Paris. L'année suivante (1532), un an après la mort de son père, il faisait paraître son premier livre, un commentaire du De Clementia de Sénèque, qui le mit dans la misère, car il n'était pas riche et l'impression lui avait coûté cher. Préparé par les sentiments qu'avaient pu lui inspirer les affaires de sa famille, et ses études, il éprouva une curiosité sympathique à l'égard des idées luthériennes. Il fréquentait beaucoup chez un de ses compatriotes, riche marchand de la rue Saint-Martin, Etienne de la Forge, qui recevait dans sa maison tout un groupe d'amis hérétiques, et entre autres Gérard Roussel. L'évolution de la croyance s'est faite dans l'esprit de Calvin lentement et progressivement. Les moments étaient difficiles. La sanglante année 1535 fut fatale au groupe de la rue Saint-Martin. Dénoncé et appréhendé, Etienne de la Forge monta sur le bûcher le 16 février ; ses amis traqués, Calvin dut s'enfuir précipitamment. Il erra : il alla à Nérac, à Poitiers, à Noyon, où il fut reconnu, saisi et emprisonné. Rendu à la liberté, il passa la frontière, gagna Bâle où il acheva son livre de religion qui devait avoir un si considérable succès, l’Institution chrétienne et qu'il imprima en 1536 ; enfin, cette même année, à vingt-sept ans, encore modeste personnage inconnu, il arrivait à Genève.

Vieille ville contemporaine des Romains, Genève avait eu une existence mouvementée au Moyen âge, la seigneurie de son territoire s'étant trouvée perpétuellement disputée entre son évêque et le comte puis duc de Savoie. Au milieu des deux compétiteurs les bourgeois avaient fini par soutenir qu'ils n'appartenaient ni à l'un ni à l'autre, qu'ils étaient citoyens d'une ville libre impériale et qu'ils devaient être indépendants. On nommait les partisans de cette théorie les libertins. Les libertins cherchèrent un appui au dehors, le trouvèrent, se confédérèrent avec les cantons de Fribourg et de Berne, d'où, dit-on, le nom allemand de confédérés, eidgenossen, origine du mot huguenots, et, finalement, ayant chassé les partisans des ducs de Savoie — ceux de l’évêque avaient disparu de bonne heure — demeurèrent les maîtres. Genève devint comme une sorte de république libre sous la vague domination de l'empereur germanique, avec un grand conseil pour la diriger. Les idées luthériennes accueillies avec faveur, se développèrent sans trop de peine. Un instant il y eut quelque résistance, mais le grand conseil décida de laisser aux bourgeois la complète liberté de leurs croyances. Là-dessus l'hérésie se développa au point qu'elle finit par avoir la majorité dans la ville. Alors se produisit un phénomène que nous verrons se répéter en France. Ayant acquis la prépondérance, les protestants décidèrent qu'il ne leur était plus possible de tolérer à côté d'eux l'erreur, l'idolâtrie, la superstition, qu'il fallait secouer le joug de l'antéchrist romain, et le 27 août 1535, le grand conseil abolissait à Genève l'exercice de la religion catholique. Les images et les croix des églises furent abattues, les autels renversés, les prêtres bannis. Asile assuré désormais de la doctrine nouvelle, Genève pouvait être le refuge de ceux qui en France fuyaient la persécution et qui accoururent. Un des premiers se trouva être Guillaume Farel qui par son éloquence ne tarda pas à acquérir une influence considérable dans la cité ; un an après, en 1536, c'était Calvin qui pénétrait dans la ville.

Obligé de travailler pour vivre, Calvin demanda et obtint l'autorisation de donner des leçons de théologie. Il plut par des qualités remarquables de précision, de netteté et de clarté. On admira son érudition, sa méthode rigoureuse, et une certaine inflexibilité de caractère. Il ne tarda pas à être autorisé à remplir les fonctions de pasteur. Son succès fut rapide ; il jouit bientôt d'une autorité incontestable. A quelque temps de là les pasteurs s'étant rassemblés pour décider la rédaction d'un catéchisme, ce fut lui qui fut chargé du travail. Grâce à la ferveur néophyte des protestants de la ville, la réunion des pasteurs jouissait d'un pouvoir moral extraordinaire, susceptible même de faire échec au pouvoir politique du grand conseil. Par zèle religieux, les pasteurs décidèrent, afin de mettre les mœurs de leur ville en conformité avec la doctrine chrétienne, de faire un règlement disciplinaire qui contraindrait les habitants à pratiquer la vertu et à éviter le péché sous des peines sévères ; c'était instituer un gouvernement ecclésiastique. Calvin rédigea le règlement : il le lit rigide. Aussitôt nombre de bourgeois protestèrent avec véhémence contre cette invasion dans le domaine politique des faits de conscience. Un parti s'organisa qui se posa en défenseur des vieux Genevois soucieux de conserver intactes les libertés de la ville et l'indépendance du corps politique, contre ce qu'ils appelaient les étrangers. Le corps pastoral appela ses adversaires les libertins et la lutte s'institua avec âpreté. Les libertins eurent le dessus ; ils chassèrent les pasteurs. Calvin, réduit de nouveau à l'exil, se réfugia à Strasbourg où il ouvrit encore un cours de théologie afin de trouver de quoi vivre : il était dans une gêne extrême, dut vendre sa bibliothèque, et prendre des pensionnaires. Mais entre temps, à Genève, la révolution changeait la face des choses ; indisposé par les imprudences des libertins, le populaire se soulevait, et rendait la majorité aux partisans des pasteurs, dénommés les évangéliques. Calvin rappelé rentra le 13 septembre 1541. Définitivement les maîtres, cette l'ois, les pasteurs imposèrent leurs règlements disciplinaires, et, sur l'initiative de Calvin, organisèrent la cité conformément aux idées de celui-ci. Aux ministres appartenait d'enseigner la doctrine et de conférer les sacrements. Douze anciens élus et les ministres réunis formaient un consistoire qui veillait sur les mœurs des citoyens, punissait les coupables de réprimandes, de censures, d'excommunications, et, pour les peines corporelles, signalait les délinquants au grand conseil. Tout luxe [était prohibé ; les fêtes étaient interdites ; les réjouissances réglementées ; les opinions de chacun surveillées ; la vie devenait austère et triste. Sous la direction de Calvin, dont l’autorité allait chaque jour grandissant et qui imposait peu à peu ses conceptions, le culte prit un aspect sévère. Il n'y eut plus de cérémonies ; la prédication, la prière, la lecture de l'Évangile, le chant des psaumes suffirent. Le baptême et la cène étant les deux seuls sacrements qu'on trouvât dans le Nouveau Testament, Calvin les conserva, mais le pain et le vin de la cène ne furent que des signes ou des témoignages et non, comme pour les catholiques, le corps et le sang du Christ. Par ses prédications journalières, ses leçons de théologie ininterrompues, bientôt si réputées qu'on venait de partout l'entendre, Calvin précisa et circonscrivit la doctrine. Sa renommée se répandit dans la France entière. On lui écrivit afin d'avoir des directions ; infatigable et d'une activité prodigieuse, il entretint une correspondance universelle, encourageant, fortifiant, recommandant la constitution d'églises sur le modèle de celle de Genève, soutenant les persécutés, le tout dans cette langue qui fit le succès de son Institution chrétienne et le range parmi les bons écrivains français, souple, nette, ferme et claire. On accourait près de lui. De 13.000 âmes que Genève comptait en 1543, elle passait à 20.000 en 1550. Calvin instruisait les ministres, puis les envoyait évangéliser : Genève devenait le séminaire et la Rome du protestantisme.

Mais en même temps qu'il déterminait la doctrine, Calvin entendait la fixer. Paix une singulière contradiction, le réformateur, qui en avait si librement agi à l'égard de la doctrine catholique, prétendait que personne ne discutât la sienne. Il terminait la prière qui finissait ses sermons en demandant à Dieu que son Église fût préservée de toutes sectes, hérésies et erreurs qui sont semences de troubles et divisions en son peuple. Esprit entier et impitoyable, il poursuivait avec une inexorable rigueur ceux qui s'écartaient de ses idées. Sébastien Castellion s'étant permis de contester l’inspiration du Cantique des Cantiques, fut chassé de Genève ; des pasteurs dont les opinions parurent suspectes, d'autres, qui semblèrent trop hardis, furent déposés, emprisonnés, bannis. Certain médecin espagnol nommé Michel Servet avait attaqué quelques conceptions de Calvin et celui-ci en avait éprouvé une irritation extrême. Dans son livre Christianismi restitutio, Servet osa aventurer des assertions que le réformateur jugea inadmissibles. A quelque temps de là l'imprudent médecin ayant cru pouvoir passer par Genève, fut arrêté, jugé et brûlé le 27 octobre 1553. La mort de Michel Servet a été cruellement reprochée à Calvin. Pour se défendre, Calvin écrivit en 1554 une Déclaration où il est montré qu'il est licite de punir les hérétiques. Hommes de leur temps, en effet, les protestants, après avoir répudié l'autorité de l'Eglise catholique, continuaient à professer des opinions intolérantes qui se trouvent être celles de leur époque. Melanchthon était de l'avis de Calvin ; Théodore de Bèze publiait en 1554 un De hæreticis a civili magistratu puniendis libellus où il soutenait qu'on doit la liberté à la vérité, mais qu'il faut la refuser à l'erreur, et châtier les fauteurs de celle-ci : ce qui est la propre théorie de l'Inquisition. Castellion sera le premier à proclamer la nécessité de la liberté de conscience et à soutenir qu'on doit défendre les idées par les idées et non par le glaive : il faudra du temps pour que cette opinion prévale chez les réformés.

Son caractère implacable joint à une activité prodigieuse, à une énergie inlassable, à cette foi rigide et hautaine, explique l'autorité immense dont jouit le fondateur du calvinisme. Il s'usa à la peine. Epuisé par ses maux de tête et d'estomac, sa goutte, sa gravelle, son asthme, Calvin, dont le corps affreusement maigre et la figure creusée révélaient la faiblesse de constitution, s'éteignit doucement le 27 mai 1564, à cinquante-cinq ans, du reste dans la pauvreté.

Ce fut donc à l'instigation et à l'imitation de Genève que les groupes de luthériens qui s'assemblaient çà et là secrètement en France, s'organisèrent en églises. En septembre 1555 arrivait de Genève à Paris un ministre nommé La Rivière qui réunit dans une maison du Préaux-Clercs un certain nombre de partisans des idées nouvelles, fut élu pasteur, fit nommer un consistoire d'anciens et constitua ainsi la première église réformée à Paris. Des églises de ce genre furent successivement créées à Meaux, Angers, Poitiers, Agen, Bourges, Blois, Tours. Au bout de deux ou trois ans il y en avait une vingtaine. Partout on voyait arriver dans les villes des ministres de Genève qui, d'ailleurs, s'en allaient lorsqu'ils trouvaient un trop petit nombre de partisans ou que, par suite de l'hostilité des foules, les réunions secrètes étaient impraticables. Ils prêchaient et préparaient le terrain. Comme à Genève, on lisait les livres saints, on priait, on exhortait, on chantait les psaumes. Une foi s organisée, l'église de Paris envoya à son tour des ministres de tous côtés. Ceux-ci, bien en contact avec les assemblées, faisaient désigner les anciens du consistoire ; les anciens recueillaient l'argent servant à entretenir le pasteur et à distribuer les aumônes. On demandait à Genève des conseils et des directions. Calvin avait recommandé que les pasteurs fissent de bonnes études théologiques, qu'on réprimât vivement les scandales et qu'on surveillât étroitement la vie des fidèles. Ainsi de proche en proche l'organisation genevoise couvrait la France entière. Soranzo écrivait en 1558 que les protestants étaient 400.000. On les appelait maintenant les calvinistes. Leur nombre devint tel, qu'ils jugèrent nécessaire de compléter leur organisation en assurant l'unité des églises entre elles. Il y avait diversité dans les doctrines enseignées ; conformément à la pensée de Calvin, il fallait discipliner l'enseignement et s'entendre pour faire un formulaire général. Ce fut ce qui amena en mai 1559 la réunion à Paris du premier synode national, imitation des conciles de l'Eglise catholique. Ce synode, où les églises particulières furent représentées par leurs pasteurs et leurs anciens, eut lieu au faubourg Saint-Germain et dura quatre jours au milieu de périls et de menaces sans nombre. Il adopta comme formulaire un texte inspiré par Calvin, puis il régla la discipline : toutes les églises seraient égales entre elles ; aucune n'aurait de primauté : dans chaque église les pasteurs seraient égaux ; les députés de plusieurs églises voisines se réuniraient en assemblées dites colloques ; les députés des églises d'une même province s'assembleraient, une fois par an, en synodes provinciaux ; et, au-dessus, subsisterait le synode national. Le synode de 1559 qui achevait de constituer les églises protestantes en France a été le point de départ de l'essor du calvinisme. Le calvinisme se développa avec une rapidité telle qu'en 1561 on comptait plus de 2.000 églises réformées dans le royaume. C'est cette croissance rapide et inattendue qui effrayait à ce point le gouvernement d’Henri II et agitait si extraordinairement ce prince. Lorsque celui-ci fut mort, l'avenir parut des plus inquiétants et des plus sombres aux ministres de son successeur.

 

Ce successeur, François II, était un tout jeune homme de quinze ans et demi, délicat, malsain, au visage blafard et bouffi, dit Régnier de la Planche, plein de boutons et de taches sur la ligure, affligé d'une infirmité nasale — des végétations adénoïdiennes, croit-on, — par ailleurs morose, taciturne et obstiné. Il va régner à peine quelques mois. Sa personnalité n'existe pas dans l'histoire. On lui avait fait épouser la gentille Marie Stuart, et éprouvant une tendre affection pour sa petite femme, il passait son temps près d'elle ; ils étaient charmants à voir, se faisant des caresses et s'isolant afin de se dire à l'oreille des secrets sans importance. En raison de leur situation d'oncles de la reine, les Guises s'emparèrent immédiatement du pouvoir. Le duc François avait pour lui l'éclat de ses services militaires, le prestige de sa popularité, la gloire ; son frère, le cardinal de Lorraine, était déjà dans les affaires, tous deux esprits autoritaires, ardents, impérieux. Le cardinal fut le maître pour tout ce qui concernait les finances et l'intérieur ; il était fort intelligent, parlait très bien, apportait une grande application à ce qu'il faisait ; avec cela grave, ayant une grande prestance, beaucoup de savoir, notamment en théologie ; mais il était faux bonhomme, avare et violent. Il dirigea tout, son frère, le duc, se réservant ce qui concernait les armées. Qui pouvait leur résister ? Ils avaient pour eux leur nièce la reine, Marie Stuart, par suite le roi lui-même ; ils étaient en possession de l'autorité effective et le faisaient sentir rudement, ce qui intimidait tout le monde. Catherine de Médicis, la mère, se trouvant impuissante, adopta une attitude prudente de réserve et de circonspection. Elle avait quarante ans, se sentait femme de tête et de gouvernement et conservait sur son fils, le nouveau roi, un ascendant qui la faisait craindre et respecter de lui. Mais la politique, plus forte, avait arrangé les circonstances d'une manière telle qu'il n'y avait rien à faire pour elle que de se taire et d'attendre. Le connétable de Montmorency se tenait à l’écart. Il restait bien les Bourbons et les Châtillon. Que les Guises, gens à demi étrangers, fussent tout, et que les Bourbons, princes du sang, ne fussent rien, cela n'était guère admissible. Mais, d'abord, les sympathies connues pour la Réforme du roi de Navarre et des siens mettaient ceux-ci, ainsi que les Châtillon, dans une situation particulièrement fausse. Les Guises profitèrent de cette situation pour l'aggraver. Ils écartèrent résolument de la cour le groupe Châtillon-Bourbon et, sous couleur d'intérêt religieux, les exclurent des conseils politiques. La place ainsi demeurait libre. Les Bourbons et les Châtillon se réunirent à Vendôme afin de voir ce qu'il y avait lieu de faire. Condé, impétueux et peu endurant, soutenu par le vidame de Chartres, proposait d'avoir recours à la force. Esprit plus calme, plus prudent et d'ailleurs nature droite et honnête, Coligny se prononçait pour les moyens conciliants ; il proposait de faire des représentations à Catherine de Médicis sur l'accaparement abusif du pouvoir par les Guises. La réunion se prononça en faveur de cette opinion et le roi de Navarre, Antoine, fut chargé de la démarche auprès de la reine mère. Antoine de Navarre était un homme tranquille et léger qui, sous sa figure maigre qu'estompait une barbe courte et clairsemée et qu'éclairaient mal des yeux au regard incertain, cachait une nature indifférente, en tous cas peu courageuse. Il vint à la cour. On le reçut très mal ; François II lui fit attendre deux jours une audience, puis, conformément aux indications données par ses oncles l'accueillit avec une froideur marquée. Lorsque déjà décontenancé par cette réception Antoine parla à Catherine de Médicis, celle-ci lui répondit d'une façon évasive qu'il fallait prendre patience, que les choses avec le temps s'arrangeraient d'elles-mêmes, que les Bourbons plus tard reviendraient prendre leur part légitime d'influence près du roi. Le roi de Navarre déjà ennuyé de sa mission, jugea qu'il devait se contenter de ces bonnes paroles. Au surplus, il ne pouvait s'adresser à personne autre, les Guises s'étant assuré de l'entourage du roi que gardaient leurs amis et partisans, surtout le chancelier Olivier, les maréchaux do Saint-André et Brissac. En écartant les Bourbon-Châtillon en raison de leurs sympathies calvinistes, autant que pour éloigner des compétiteurs de leur pouvoir, les Guise les rejetaient davantage vers les protestants et allaient donner des chefs à ceux-ci.

Cependant, de toutes parts, arrivaient à Paris des informations sur l'audace, chaque jour croissante, des réformés. Dans telle petite ville du midi où jusque-là les ministres venus de Genève n'avaient pu prêcher que la nuit, cachés dans les maisons, on osait maintenant tenir des réunions publiques en plein jour, dans des écoles ; si les magistrats accourant voulaient informer, c'étaient des altercations, et les ministres donnaient des explications qui, en fin de compte, laissaient les officiers du roi indécis. Ailleurs les assemblées se tenaient librement. Le nombre des calvinistes augmentait de jour en jour d'une manière frappante. L'incendie brûle de toutes parts, écrivait Soriano et il disait vrai. Ardents catholiques, notamment le cardinal de Lorraine si intransigeant dans ses idées, pénétrés comme chefs du gouvernement, ainsi que François Ier, du principe d'autorité que l'existence de l’hérésie compromettait, surtout natures combatives, énergiques et résolues, les Guise reprirent en l'aggravant la politique de répression de Henri II.

Ce fut une série de mesures implacables. Des édits envoyés dans le royaume commandèrent l'emprisonnement immédiat de tout calviniste connu pour tel. Ordre fut expédié à la commission judiciaire chargée de juger Anne du Bourg d'en finir. Anne du Bourg avait essayé de moyens dilatoires de procédure, appelant de juridiction en juridiction, excipant de sa qualité de clerc pour aller devant l’official, le tribunal de l'évêque, faisant agir des amis. On brusqua les choses. Les passions étaient montées à un tel point qu'un des juges, le président Minard, fut assassiné par un calviniste. Finalement, Du Bourg condamné à mort fut exécuté. Les protestants appelèrent sa mort un triomphe et le meurtre de Minard le jugement de Dieu.

Procureurs du roi, magistrats de tout ordre et de toute juridiction, huissiers et sergents agirent dans les provinces avec une activité fébrile. Ce ne fut partout qu’ajournements, prises de corps, emprisonnements. L'année 1560 a été une année particulièrement troublée. Il est impossible que cela dure plus longtemps, écrivait Hubert Languet, les prisons sont pleines !

Mais doués qu'ils étaient d'une organisation régulière, avec colloques et synodes, les protestants étaient maintenant en mesure de se concerter, de résister, tout au moins de réclamer un adoucissement aux mesures draconiennes dont on les accablait. Il était inutile de s'adresser au roi ni aux Guises. Comme les Bourbon-Châtillon, ils délibérèrent d'envoyer auprès de Catherine de Médicis. La reine mère ne parlait pas ; peut-être n'était-elle pas d'opinion aussi rigoureuse que les gouvernants ; elle représentait une influence latente et tout de même une autorité morale. Malheureusement Catherine de Médicis ne pouvait rien. Ainsi qu'à l'égard du roi de Navarre, elle se montra réservée. Elle se borna à répondre aux protestants qu'elle leur recommandait de demeurer calmes, de ne rien dire, prononçant quelques vagues mots de tolérance et de paix.

Alors les réformés dont la partie ardente — sentant la force du calvinisme — venait à penser qu'elle était en droit d'exiger au moins la liberté de s'assembler et de prêcher, se retournèrent du côté des Bourbon-Châtillon. Après tout, n'étaient-ils pas princes, et des plus grands seigneurs du royaume ? Comment permettaient-ils que des étrangers, ces Lorraine, accaparassent le pouvoir, les chassassent de la cour et usassent du pouvoir dont ils s'étaient emparés pour exercer contre eux, leurs amis, leur croyance, une persécution intolérable ? Il s'agissait de demander aux Bourbons de rentrer à la cour, d'en expulser les Guises et de prendre leur place. Une fois maîtres du gouvernement, ils feraient cesser la persécution et accorderaient aux calvinistes la liberté demandée.

Malheureusement encore pour eux, ils avaient affaire à un homme, le roi de Navarre, qui n'était pas à la hauteur du rôle qu'on voulait lui faire jouer. La noblesse l'aimait parce qu'il était cordial et facile, donnant libéralement, bien qu'il ne fut pas riche, ouvert et simple, à la française, dit Jean Michel ; assez brave en campagne, quoique médiocre capitaine. Mais c'était un caractère mou, dépourvu d audace. Il recula effrayé. On eut beau chercher à le faire circonvenir par sa femme, l'intelligente Jeanne d'Albret, elle, au contraire, fougueuse et décidée, rien n'y fit ; il refusa sou concours. A côté de lui, il n'était possible de trouver personne. Le prince de Condé, son frère, eût été plus ambitieux et actif, mais il manquait de la pondération nécessaire à un chef ; d'ailleurs n'étant que cadet, il lui était difficile d'entreprendre une œuvre pour laquelle son aîné s'était récusé. Quant aux Châtillon, ils n'avaient pas l'autorité nécessaire.

Alors les ministres protestants ne pouvant rien obtenir des personnages en vue se décidèrent à lutter eux-mêmes avec la seule arme dont ils disposassent, la presse. Ils multiplièrent les écrits ; ce fut une campagne de polémiques éloquentes, enflammées. Le sang des justes crie, écrivait La Planche, Dieu se sert des persécuteurs comme de soufflets pour attiser le feu de sa parole ! Ils s'en prirent aux Guises, passionnément, stigmatisant leur tyrannie, dénonçant leur usurpation injuste du pouvoir royal, flétrissant leurs ambitions : que rêvaient-ils, sinon de s'emparer complètement de la couronne, de déposer le roi et de mettre un des leurs à sa place ? Après avoir écarté les princes du sang ils ne visaient à rien moins qu'à les détruire afin de supprimer tous les obstacles. Et en attendant ils dilapidaient les finances, corrompaient la cour, semaient partout la haine. Or il se trouva que sur ces divers derniers points les plaintes des protestants trouvèrent un écho ailleurs que parmi les hérétiques.

Le gouvernement autoritaire et cassant des Guises n'avait pas été sans soulever des mécontentements même chez les catholiques. A la suite de la paix de Cateau-Cambrésis, devant les difficultés financières, les dettes passées, les lourdes dépenses à solder, les Guises avaient décidé de faire de notables économies. Ils avaient réduit les dépenses de la cour, diminué l'armée dans de grandes proportions, restreint les pensions. Ces mesures provoquèrent chez ceux qui en furent victimes de vives protestations. Nombre de gentilshommes peu fortunés qui vivaient jusque-là de la guerre furent privés de leurs moyens d'existence. On leur devait des arrérages : ils les réclamèrent ; l'embarras du trésor empêcha de les satisfaire ; ils insistèrent, ils crièrent. Le cardinal de Lorraine n'était pas homme à supporter de pareils moyens d'intimidation. Il se montra dur et orgueilleux ; déjà de son naturel il était, dit Brantôme, fort insolent et aveugle, ne regardant guère les personnes et n'en faisant cas ! Ce fut contre lui et son frère une animosité ardente. On attribua les refus non à la pénurie du trésor, mais à l'avarice du cardinal ; les murmures éclatèrent bruyamment. Lorraine crut pouvoir faire taire les gens en parlant de gibet pour ceux qui se plaignaient, ce qui n'arrangea pas les choses. Il y avait donc dans la noblesse un fort parti très monté contre le gouvernement des Guises. Les arguments des protestants portèrent et ainsi se précisa une opposition politique nombreuse et mélangée. C'est dans cette opposition qu'allaient se recruter les éléments de la bizarre entreprise qui fut alors organisée et qu'on a appelée la Conjuration d'Amboise.

Il existait, courant le monde, certain gentilhomme périgourdin de petite origine, nommé François de Barry, sieur de la Renaudie. Ce gentilhomme avait eu jadis des démêlés avec la justice, avait été compromis dans un procès contre du Tillet et, condamné pour faux et usage de faux, avait dû passer la frontière. Réfugié en Suisse il s'était fait calviniste. Sa famille n'avait pas été heureuse, car un de ses beaux-frères était en prison du fait des Guises. Il allait de ville en ville, lorsque germa dans son cerveau l'idée d'un coup de force à tenter pour enlever le pouvoir aux Lorraine et le donner aux Bourbons. De la part de ce modeste gentilhomme exilé ridée était folle. Il s'en ouvrit à des pasteurs calvinistes, à Calvin lui-même ; les pasteurs répondirent vaguement que si on n'avait pas le droit d'attenter contre le roi lui-même, on pouvait sans doute songer à renverser une tyrannie d'usurpateurs. Ils n'attachèrent pas d'importance aux propos de la Renaudie. Pressé de plus près, Calvin blâma l’idée. Celle-ci s'étant de plus en plus arrêtée dans la pensée de son auteur, le gentilhomme revint en France en se cachant et, au mois de février 1560, il parvenait à Nantes où se tenaient à ce moment les assises du parlement de Bretagne. Ces assises avaient attiré beaucoup de gens parmi lesquels la Renaudie retrouva des amis, gentilshommes calvinistes comme lui. Il causa avec eux. Tout entier à son projet il le communiqua, mais de la façon prudente que voici : il proposait de se rendre en corps à la cour et de présenter au roi une requête ayant pour objet d'obtenir de François II qu'il accordât aux réformés la liberté de pratiquer leur culte. Si on était en nombre, plusieurs centaines, la démonstration produirait de l'effet. Ce qu'espérait la Renaudie, sans trop le dire, c'était que la manifestation étant considérable, on pourrait peut-être organiser quelque tumulte à la faveur duquel il serait possible de procéder à l'arrestation des Guises. Sous la forme où elle était présentée, d'une sorte de pétition, l'idée parut réalisable à ses amis. Il s'agissait en somme d'une démarche respectueuse et régulière que le roi ne pouvait pas trouver anormale et qui tendait à faire diminuer une persécution dont tous les réformés souffraient. On fixa comme date et lieu du rendez-vous le 10 mars à Blois où devait se trouver la cour. La question était surtout de venir en nombre imposant. Les amis de la Renaudie prévinrent ceux qu'ils connaissaient, prièrent de répéter confidemment ; de bouche en bouche, la nouvelle se répandit ; elle prit l'apparence d'observations à présenter au roi au sujet du gouvernement des Guises. Dès lors l'opposition suivit. Parmi les gens qui s'acheminèrent vers Blois au début de mars se trouvèrent non seulement des calvinistes, mais des officiers et des soldats mécontents, en quête de réclamations. Entre temps la Renaudie pensant toujours à l'essentiel pour lui, c'est-à-dire la tentative de coup de main, s'en ouvrit à quelques-uns de ses partisans les plus sûrs ; pour avoir plus de monde, et un monde résolu, il recruta des bandes de soldats libres d'engagements, sans leur avouer d'ailleurs ses intentions. A tous il avait recommandé de garder le secret et de venir au lieu du rendez-vous individuellement ou par très petits groupes. En définitive, de tous les gens qui s'acheminaient vers Blois en mars, les uns, les soldats embauchés, ne savaient pas pourquoi ils y allaient ; les autres, la majorité, croyaient à une simple démonstration respectueuse ; un tout petit groupe savait qu'il s'agissait au dernier moment de provoquer un coup de force. Les Bourbon-Châtillon furent-ils au courant ? Il est probable qu'ils ont eu connaissance de la démarche, mais ils n'ont dû rien savoir du projet d'attentat. Au fond, l'affaire était très mal engagée, d'une manière indécise, avec trop de secret et pas assez, trop de monde à la fois et insuffisamment, des imprévoyances puériles et des prévisions naïves. Les conjurés auraient pu se douter que jamais le gouvernement n'admettrait près du roi une telle troupe d'hommes armés arrivant à l'improviste, d'une façon menaçante, le roi étant toujours entouré de ses gardes et bien défendu.

Les Guises furent mis au courant de l'aventure et de ses détails les plus précis par un des amis de la Renaudie, un avocat protestant de Paris nommé des Avenelles, auquel le conspirateur s'en était ouvert et qui avait été effrayé d'être le dépositaire d'un secret pour lequel il serait criminellement poursuivi s'il ne le révélait pas. Etant donné le caractère des Lorraine, la nouvelle provoqua chez eux une colère furieuse. Les suites allaient cruellement s'en faire sentir.

Le château de Blois étant trop ouvert et pas assez isolé pour être bien mis à l'abri, les Guises décidèrent de transférer brusquement la cour à Amboise, place plus escarpée, entourée de hauts murs, facile à garder. Ce changement dérangeait les combinaisons des conjurés. La Renaudie reporta la date du rendez-vous du 10 au 16, non plus à Blois, mais à Amboise. Alors le gouvernement agit avec rapidité et vigueur. Des partis de cavalerie reçurent l’ordre de battre immédiatement les bois environnant Amboise, aussi loin que possible et de ramasser tous les individus qu'ils rencontreraient. Les conjurés arrivaient un par un, à la file, ou par petits groupes ; ils furent ainsi cueillis sans se douter de ce qui se passait. Les uns, ayant la conscience tranquille, ne résistèrent pas ; les autres, mettant le pistolet au poing, furent attaqués et taillés en pièces ; quelques-uns purent s'enfuir ; un certain nombre, prévenu à temps, se sauva : ce fut comme un piège où les malheureux vinrent se faire prendre. Le matin du 20 mars, la Renaudie, assez inquiet, cheminait à travers la forêt de Château-Renaud lorsqu'il se trouva en présence d'une troupe de cavaliers commandée par M. de Pardaillan. Qui vive ! cria Pardaillan. — Liberté ! fit l'autre. Pardaillan reprit : Vive le roi ! et, fonçant sur la Renaudie, lui tira un coup de pistolet qui le manqua. Alors, d'un coup d'estoc la Renaudie planta son épée à travers le corps de Pardaillan qu'il tua ; mais à ce moment, un des hommes de celui-ci s'approchant lui détachait à bout portant dans la tête un coup de pistolet qui l'étendait raide mort. Le chef de la conjuration disparaissait avant même que celle-ci eût pris corps. Jamais, dit Calvin, entreprise ne fut plus mal conçue, ni plus stupidement exécutée !

La nouvelle de cette conspiration provoqua une émotion énorme. Les Guises la représentèrent comme un complot ourdi contre la majesté royale, machiné par les hérétiques, un attentat infâme, un crime sans nom ! Leur indignation était sincère, moins en raison du prétendu complot contre le roi François II, qu'à cause du danger qu'ils avaient couru eux-mêmes. Ils finirent par croire que ce danger avait été plus réel et plus menaçant qu'au premier abord ils ne se l'étaient imaginé ; la réaction amena une série de mesures inexorables. François de Guise commença par se faire nommer lieutenant général du royaume, ce qui lui donnait une autorité nouvelle hors pair et lui soumettait toutes les troupes. Puis on procéda à la répression. Les cachots d'Amboise étaient remplis d'individus qui avaient été surpris dans les bois. Jugés sommairement, ils furent exécutés en masse : on pendit, on décapita, on noya. Ce fut une hécatombe sans pitié et sans merci. Les protestants en conçurent d'autant plus d'indignation que la culpabilité des victimes, en somme, n'était pas très sûre, en tous cas, pour beaucoup, minime : ils dirent que les Guises se vengeaient d'avoir eu peur. Pour achever, les Lorrains eurent le courage de faire pendre les corps de la Renaudie et des principaux conjurés aux balcons mêmes du logis royal d'Amboise, du côté du fleuve. Ce fut un spectacle lamentable que celui de tous ces cadavres de gentilshommes se balançant, desséchés, sur la façade d'Amboise, en vue du grand pont de la Loire. Jean d'Aubigné passant près de là avec son fils Agrippa, le futur écrivain, alors âgé de huit ans et demi, disait à celui-ci en lui montrant le sinistre chapelet : Mon enfant, regarde bien : il ne faut pas que ta tête soit épargnée, après la mienne, pour venger ces chefs pleins d'honneur ! Si tu t'y épargnes, tu auras ma malédiction ! et Agrippa d'Aubigné avait gardé l'impression ineffaçable de la lugubre scène de ce tableau de pendus et de l'émotion intense de son père venant lui faire jurer de venger le sang des martyrs !

Ce ne fut pas tout. A la cour et dans l'opinion, le bruit se répandit qu'il y avait d'autres auteurs responsables de l'attentat. Une affaire de telle importance n'avait pu être préparée par un personnage d'aussi mince valeur que la Renaudie ; il était légitime de rechercher les véritables instigateurs parmi ceux qui devaient bénéficier du succès de l'entreprise, c'est-à-dire parmi les Bourbons. On désigna les Bourbons comme les inspirateurs de la conjuration. Le roi de Navarre Antoine n'étant pas homme à avoir conçu pareil projet, ce fut le prince de Condé qui fut tenu pour le chef de l'entreprise. Dans l'entourage du roi, l'accusation fut acceptée immédiatement ; elle cadrait trop avec l'intérêt des Guises d'écarter du trône et de perdre les Bourbons.

Condé fut mandé devant le roi et son conseil afin de donner des explications ; on l'interrogea : il répondit avec indignation, humilié d'être soupçonné et de comparaître ainsi en accusé devant ses ennemis ; il protesta ; il défia qui que ce fût d'apporter le moindre commencement de preuve qu'il eût trempé dans l'affaire ; il offrit de se battre avec celui qui oserait soutenir le contraire. Toute la famille protestait. Elle y mit une telle chaleur que les calvinistes, auxquels la rigueur de la répression avait rendu sympathiques les victimes d'Amboise, trouvèrent un peu excessive cette façon de décliner tout rapport avec les vaincus, et traitèrent les princes de lâches. L'incident en resta là, mais il laissait dans les cœurs des ferments de colère et de haine qui allaient bientôt porter leurs fruits. La conjuration d'Amboise était la première tentative, prodrome de la guerre civile. L'expérience avait été faite qu'on pouvait rassembler du monde en armes. Les coups d'épée et de pistolet échangés dans les bois autour de la résidence royale avaient été un essai ; la manière peu adroite dont les Guises avaient rejeté les Bourbons malgré eux chez les rebelles donnait à ceux-ci des chefs, susceptibles, par leur qualité de princes du sang, de tranquilliser les âmes loyalistes ; enfin la question politique qui s'était greffée sur la question religieuse — domination tyrannique d'étrangers à chasser — amenait à la cause de l'opposition des partisans furieux. Les deux partis, face à face, excités, se trouvèrent insensiblement prêts à en venir aux mains.

Alors entre les deux camps commencèrent à paraître un certain nombre de braves gens plus calmes qui s'affligeaient des passions soulevées et eussent voulu qu'on s'entendît dans une tolérance réciproque. C'étaient les continuateurs de la tradition instituée un peu par François Ier, tradition d'apaisement et d'intelligente bienveillance. Après la conjuration d'Amboise, précisément, venait de succéder à Olivier comme chancelier de France un magistrat d'un peu plus de cinquante ans, homme instruit, plein d'expérience, honnête homme et très digne, dont la barbe blanchissante, le visage pâle, la façon grave impressionnaient, l'illustre Michel de l'Hôpital. Son nom dans l'histoire est synonyme de toute une politique. Il répétait : Patience, patience ! Pour lui c'était le gage et la condition du mieux : Tout ira bien. Mais provisoirement ce parti trop peu nombreux n'avait aucune force.

En présence de l'effervescence générale, les Guises partout levèrent des troupes. Les Bourbons, éloignés de la cour, gardèrent un silence inquiétant. Dans toutes les villes, exaltés par le martyre, les réformés avaient repris leurs prêches pendant que les magistrats sévissaient toujours, D'ici un an, écrivait le secrétaire du roi, Robertet, le feu sera encore plus allumé qu'il n'est. On sentait en effet que loin de s'apaiser, les passions s'excitaient à l'extrême et qu'avant peu on verrait éclater le conflit. Le parti de la conciliation voulut tenter une démarche d'apaisement. Il demanda à Catherine de Médicis et obtint d'elle qu'elle provoquât du gouvernement la réunion d'une assemblée de notables, laquelle étudierait les moyens d'amener une détente. Les Guises consentirent : l'assemblée se réunit en août 1560 à Fontainebleau, composée de grands personnages de l'Etat et de notables réformés. Les Châtillon y vinrent, mais les Bourbons refusèrent de paraître, abstention qui impressionna la cour. Aux réunions, que présidait le roi, Michel de l'Hôpital parla éloquemment de la paix. Coligny, qui avait beaucoup d'autorité en raison de la considération s'attachant à son caractère, — c'était, dit Brantôme, un seigneur d'honneur, homme de bien, sage, mûr, avisé, politique, brave, censeur, prisant les choses et aimant l'honneur et la vertu — présenta une requête des calvinistes normands qui sollicitaient la liberté de leur croyance et la faculté de pratiquer leur culte sans entrave. Coligny ajouta qu'il était en mesure de réunir au bas de cette requête plus de 50.000 signatures. Le duc de Guise lui répondit par un discours irrité dans lequel il répliqua que si Coligny pouvait réunir 30.000 signatures de gens réclamant la liberté du calvinisme, il en trouverait, lui, un million de personnes s'y opposant. On discuta. L'évêque de Valence, Monluc, fut d'avis que l'on réunît des États généraux, assemblée qui aurait plus de poids qu'une simple réunion de notables et que l'on convoquât un concile national lequel fixerait les points de la doctrine catholique controversés en réformant les abus critiqués, s'il y avait lieu. L'idée de cette double réunion parut rencontrer un accueil favorable. Le cardinal de Lorraine acceptait les Etats généraux, mais s'opposait au concile. Finalement on adopta la résolution proposée : les Etats s'assembleraient en décembre 1560 et le concile en janvier 1561, à moins que le pape ne prît l'initiative d'un grand concile général. On ne décidait rien au sujet des demandes de Coligny qui se trouvaient renvoyées à l'examen de l'assemblée prochaine. Les politiques avaient eu gain de cause.

Mais partout les menaces de lutte s'accentuaient. Des nouvelles arrivaient rendant compte de soulèvements partiels de protestants. Dans le Dauphiné, Montbrun tâchait de faire prendre les armes à ses coreligionnaires ; la Normandie s'agitait ; Villars, lieutenant général du Languedoc, assurait ne plus pouvoir répondre de sa province ; des bandes armées étaient signalées courant les campagnes. Le roi et les Guises eurent la conviction que les Bourbons, et principalement le prince de Condé, étaient les auteurs de ces mouvements préparatoires d'une rébellion générale. Les mesures militaires furent multipliées ; on recruta des soldats jusqu'en Allemagne ; les garnisons des villes reçurent des renforts. Il fut entendu qu'on s'en expliquerait nettement avec les Bourbons aux États généraux et que s'il fallait, à leur égard, on irait jusqu'au bout. Mais viendraient-ils aux Etats ?

D'abord fixé à Meaux, le lieu de convocation de l'assemblée avait été ensuite transféré à Orléans comme plus sûr. Le roi se rendit dans cette dernière ville entouré d'un imposant cortège de troupes : il y avait convoqué le ban et l’arrière-ban de la noblesse ; une armée entière environnait la place dont on avait désarmé les habitants ; sur tout le parcours que pouvaient suivre les Bourbons, les garnisons avaient été renforcées. En présence de pareilles précautions les Bourbons demeuraient indécis. Leur entourage les suppliait de rester dans le Béarn, de ne pas s'aventurer ; Catherine de Médicis, soucieuse de parvenir à une entente, leur disait au contraire de venir, leur offrant des sauf-conduits ; seulement qu'ils n'arrivassent pas en force, le gouvernement étant décidé à faire attaquer sur-le-champ le moindre rassemblement suspect. Après de nombreuses hésitations, ils se décidèrent à venir. L'anxiété avait été générale à Orléans, la nouvelle provoqua un soulagement. La plus grande partie des fols, écrivait François II au connétable, me sentant marcher où je vais, retirent un peu leurs cornes. On estimait que les procédés d'intimidation avaient réussi.

Les Bourbons arrivèrent à Orléans quelques jours avant la réunion des États. On les reçut d'une façon glaciale. Tout de suite des explications catégoriques leur furent demandées sur ce qui se passait dans les provinces et sur leur attitude. Le prince de Condé releva la question avec emportement ; il s'exclama d'un ton irrité qu'il était l'objet d'infâmes calomnies de la part des Guises ; serait-il venu s'il n'avait pas eu la conscience tranquille ? Pour le surplus il donnait des réponses vagues et dilatoires. Antoine de Bourbon demeurait incertain et réservé. Alors le gouvernement se décida. Sur l'ordre de François II, le prince de Condé fut arrêté ; on emprisonna ses officiers et ses secrétaires ; le roi de Navarre, en raison de sa dignité fut seulement étroitement surveillé ; une commission judiciaire composée de magistrats du parlement de Paris et présidée par de Thou, le père de l'historien, eut mission d'instruire le procès de Condé comme coupable de haute trahison. Condé exaspéré répétait qu'il réglerait cette affaire personnellement avec les Guises, ses ennemis, à la pointe de la lance ; il consentit d'abord à répondre à ses juges, puis brusquement les récusa, réclamant de comparaître devant ses pairs au parlement de Paris. Afin de lui donner une manière de satisfaction on augmenta le nombre des commissaires, en y appelant des chevaliers de Saint-Michel, ordre dont le prince faisait partie, et le 26 novembre le tribunal statuait que le prévenu était reconnu coupable de trahison, d’hérésie et de conjuration. Michel de l'Hôpital ne contresigna pas l'arrêt, sous prétexte que l'accusation n'était pas prouvée, les juges n'ayant eu en effet que des présomptions. L'acte produisit un fâcheux effet. Les protestants s'indignèrent d'une mesure politique faussement déguisée sous des apparences judiciaires ; les tolérants déplorèrent un incident plutôt fait pour aggraver les choses que pour les calmer ; les catholiques ne trouvèrent rien à répondre, sinon que l'on avait prévenu un adversaire et que c'était de bonne lutte.

Ce fut sous l'impression pénible produite par cette arrestation que les députés des Etats généraux s'assemblèrent ; ils étaient troublés. Enhardis par le succès de leur entreprise, les Guises avaient décidé de mener la délibération des États dans le sens de la répression la plus rigoureuse du calvinisme. Leurs plans étaient faits ; ils proposeraient de faire signer un formulaire de foi catholique à tous les juges et officiers royaux, de tout ordre de l'Etat, et même à tous les sujets du royaume, un à un, de paroisse en paroisse, sous peine d'arrestation immédiate : on viendrait bien à bout de l'hérésie par ce moyen. Ainsi, l'annihilation complète des Bourbons leur laissait incontesté le pouvoir ; par les États généraux qu'ils maîtrisaient, ils allaient avoir raison enfin de la Réforme ; les Guises pouvaient se croire au faîte de leur puissance et de leur grandeur, lorsqu'un événement sur lequel ils n'avaient pas compté les précipita brusquement. François II mourait après quelques jours à peine de maladie.

Malingre et chétif, suppurant depuis longtemps de l'oreille, le malheureux ; petit prince s'était senti saisi tout à coup d'une faiblesse subite, accompagnée d'une fièvre ardente. On avait tenté tout pour le guérir. Le cardinal de Lorraine avait fait multiplier les prières, les vœux, les processions ; le duc de Guise s'était mis en colère après les médecins, les menaçant de les pendre, les accusant de voler l'argent du roi. François II, ayant rapidement perdu connaissance, expirait le matin du 4 décembre à onze heures, succombant, les uns disent aux suites d'un abcès au cerveau, complication de l'inflammation suppurée de l'oreille dont il souffrait, les autres, de la rupture de l'os temporal suivi d'un épanchement cérébral. Politiquement, c'était une révolution.

 

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OUVRAGES. Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises réformées an royaume de France, éd. Baum et Cunitz, 1883 ; Lutteroth, De la réformation en France, 1859 ; P. Imbart de la Tour, Les origines de la Réforme, la France moderne, 1905 : Weiss, La Chambre ardente, étude sur la liberté de conscience en France sous François Ier et Henri II, 1889 : Haag, La France protestante, 10 vol. ; Doumergue, Jean Calvin, les hommes et les choses de son temps, 1899 ; Kampschulte, Johann Calvin, seine Kirche, 1869 : Roget, L'Église et l'État à Genève depuis la Réforme, 1870 ; F. Buisson, Sébastien Castellion, 1891 ; G. Bouvier, La question Michel Servet, 1908 ; le P. Maimbourg, Histoire du calvinisme, 1682 ; J. Crespin, Les actes des martyrs, 1565 ; A. de Reumont, La jeunesse de Catherine de Médicis, traduction A. Baschet, 1866 : Capefigue, Catherine de Médicis, 1856 ; de Ruble, Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, 1882 ; René de Bouillé, Histoire des ducs de Guise, 1849 ; H. Forneron, Les Guise et leur époque, 1877 ; Guillemin, Le Cardinal de Lorraine, 1847 ; J. Delaborde, Gaspard de Coligny, 1879 ; Dupré-Lasale, Michel de l'Hôpital, 1875 ; G. Paillard, Additions critiques à l'histoire de la conspiration d'Amboise, 1880 ; Potiquet, La maladie et la mort de François II, 1893.