RETIRÉE à Dampierre, dans cette vallée fraîche et riante
de Chevreuse, la duchesse a résolu de ne plus se mêler des événements
politiques. Le 19 décembre 1652, le cardinal de Retz, son ami, auquel
Mazarin, n'a jamais pardonné et ne pardonnera jamais ses intrigues, a été
arrêté : la duchesse n'a pas bougé. Mme de Chevreuse,
écrit Guy Joly le 3 février 1653, ne se mêle plus
des affaires du Cardinal de Retz. Mazarin est revenu triomphant à
Paris : Mme de Chevreuse, comme tout le monde, l'a accepté. Par politique ou
par tempérament, Mazarin, qui préfère oublier les trahisons que de prendre la
peine de les punir, multiplie à chacun les amabilités : J'ai vu les personnes que votre Éminence m'a ordonné de
voir, lui écrit Colbert ; Mme de Chevreuse
m'a témoigné être fort obligée à Votre Éminence de l'honneur de son souvenir.
Et la duchesse assure Mazarin de sa sympathie. Ce
m'est une satisfaction extrême, lui écrit-elle, de voir que vous êtes persuadé du plaisir que je prends à
vous rendre tous les services dont je suis capable et je vous proteste que je
continuerai dans toutes les occasions où vous aurez intérêt à vous témoigner
qu'ils me sont chers au point qu'ils doivent. Je vous souhaite toutes sortes
de prospérités, étant, plus que personne du monde, votre très humble et très
obéissante servante. On ne saurait être plus déférente. Le cardinal peut désormais avoir confiance en elle. Il lui a demandé de fléchir Noirmoutier, encore réfractaire, et de le ramener à lui : elle y a consenti. Mazarin ne tarit pas de compliments à son adresse : J'ai reçu, Madame, lui écrit-il le 16 octobre 1653, deux de vos lettres les plus obligeantes du monde et M. de Laigue m'a dit tant de choses de votre part pour me faire connaître que vous avez la bonté de m'honorer toujours de vos bonnes grâces que je vous avoue. Madame, ne savoir pas vous en témoigner mes ressentiments au point que je voudrais. C'est pourquoi j'ai prié Monsieur l'abbé Fouquet, qui aura l'honneur de vous rendre cette lettre, de le faire de ma part et dans les termes les plus expressifs qu'il pourra. Les deux personnages aiment mieux se complimenter que de se faire la guerre. Si, d'ailleurs, Mme de Chevreuse tentait de s'occuper des
affaires de l'État, le gouvernement, que conduit Mazarin et qui ne dépend
plus de la faible Anne d'Autriche mais du jeune prince volontaire qu'est
Louis XIV majeur, saurait bien l'en empêcher. Mme de Chevreuse se le tient
pour dit. Tout au plus interviendra-t-elle en faveur du duc de Lorraine son
parent qui, à la suite des guerres entre Elle interviendra encore en faveur des jansénistes. M. du
Hamel, curé de Saint-Merry, ami de Port-Royal, ayant été exilé pour avoir
défendu la cause de Retz, priera Mme de Chevreuse d'obtenir du cardinal
l'autorisation d'aller aux eaux ; Mme de Chevreuse transmettra la demande en
l'appuyant et Mazarin répondra le 14 août 1655 : Pour
la permission que le sieur du Hamel demande, je me trouve un peu embarrassé,
car le roi et la reine sont fort mal satisfaits de son procédé et en effet il
s'est très mal conduit depuis son départ de Paris, ce qui a été cause de sa
relégation en Bretagne ; néanmoins si vous ne voulez pas me dispenser de
supplier leurs Majestés à lui accorder la permission d'aller aux eaux, je le
ferai pour vous obéir et j'attendrai cependant vos ordres là-dessus.
Et Mme de Chevreuse ayant insisté : Je vous envoie
la permission que vous avez demandée pour le sieur du Hamel, ayant supplié le
roi de l'accorder pour déférer aveuglément à ce qu'il vous a plu me commander. En 1656, Arnauld d'Andilly s'étant adressé à elle ainsi qu'à sa belle-sœur, Mme de Guéméné, afin que par leurs bons offices il ne soit pas chassé de Port-Royal-des-Champs d'où le gouvernement veut renvoyer les solitaires, — ses amis, qui partageaient sa solitude, ont déjà quitté la place, — Mme de Chevreuse répondra qu'elle a vu Anne d'Autriche et Mazarin, que le gouvernement exige le départ, au moins pour un certain temps, de M. Andilly ; et Andilly sera obligé de s'en aller à Pomponne : la démarche de la duchesse ici n'a réussi qu'à moitié. C'est à peine si deux fois encore, malgré ses bonnes
résolutions, Mme de Chevreuse tentera, indirectement, de s'immiscer dans des
questions plus graves telles que celle du choix ou du changement d'un
ministre. En 1652, sur le bruit qui court de la disgrâce de Le Tellier,
Laigue s'est mis en tête de faire nommer à sa place un de ses amis, Jérôme de
Nouveau, seigneur de Fromont, qui a rendu des services à Mme de Chevreuse et
à Mazarin. M. de Fromont paierait sa charge à beaux deniers comptants, sur
lesquels Laigue toucherait La seconde circonstance sera la disgrâce de Fouquet. Neuf ans après, vers la fin de juin 1661, Anne d'Autriche voulant s'acquitter d'une promesse qu'elle a faite à Mme de Chevreuse d'aller la voir à Dampierre est venue passer deux ou trois jours chez la duchesse. Elle a emmené avec elle Henriette d'Angleterre, Madame, sa belle-fille, qui a dix-sept ans : Louis XIV, qui a vingt-trois ans, tourne beaucoup trop autour de la jeune femme : c'est pour la soustraire à ces inquiétantes assiduités que la reine, ennuyée, a fait le voyage de Dampierre. Laigue a suggéré à Mme de Chevreuse d'attaquer le surintendant des finances Fouquet. Quel intérêt a-t-il à cette intrigue ? On ne le sait pas. Dans les longues conversations des deux princesses, la question est abordée. Anne d'Autriche aime Fouquet. Elle est affligée de ces attaques ; mais, depuis longtemps, le roi son fils, outré des exactions du surintendant, a manifesté son intention de se défaire de lui et de le frapper. Mme de Chevreuse a invoqué le bien public : les suites ont pu lui faire penser qu'elle avait réussi ; il n'est pas croyable, cependant, comme le dit Mme de Motteville, que ce voyage à Dampierre, dans lequel on traita d'une grande affaire, servit en particulier à décider de la destinée d'un ministre qui alors paroissoit dans un grand crédit. La partie était gagnée d'avance et ailleurs. Louis XIV n'eut pas admis l'intervention de Mme de Chevreuse en pareille matière, ni en nulle autre. A mesure, en effet, qu'il avance en âge, le jeune roi fait de plus en plus sentir à sa cour, d'une manière dominatrice, un caractère entier et absolu. Sa haute mine, sévère, imposante, son grand air majestueux et hautain, l'habitude qu'il a de très peu parler mais avec une concision glaçante, intimide chacun. On le redoute. De moins en moins Mme de Chevreuse pourra imaginer un retour quelconque à ces rêves d'influence d'autrefois. Et elle en prend son parti. Seuls le mauvais temps persistant ou les nombreux procès qu'elle a à suivre la contraindront d'aller à Paris : elle demeure à Dampierre ; elle y reçoit : Monsieur, écrit-elle au duc d'Épernon en octobre 1657, après avoir rendu mille grâces de votre souvenir, il faut que je vous témoigne par ces lignes le déplaisir que j'ai de ne pouvoir avoir l'honneur de vous voir à Dampierre cette année : le mauvais temps m'en chasse à Paris où je vous supplie de me mander quand je le puis espérer. Du moment qu'elle consent à vivre sans cabaler, le roi, qui doit ménager en elle, comme a été obligé de le faire son père, une princesse à demi étrangère, veut bien ne lui manifester aucune animosité. Mme de Chevreuse peut venir à la cour si bon lui semble : sans y être honorée de l'intimité du souverain, elle a le droit d'y tenir son rang de duchesse. Exceptionnellement on l'y verra parfois. En 1671, la cour allant visiter les fortifications des villes du Nord dans un de ces fastueux voyages où Louis XIV déploie la pompe qu'il aime, Mme de Chevreuse accompagnera Mlle de Montpensier. A Paris, elle vit librement. La grande Mademoiselle rapporte comment on la rencontre se promenant au bras du Laigue ou de Noirmoutier. Ainsi, une fois, J'allais voir Monceau, écrit-elle, parce que l'on disoit que l'on vouloit vendre cette maison : j'appris à mon retour que Mme de Chevreuse et Noirmoutier y avoient été. Mme de Chevreuse avait-elle l'intention d'acheter ce domaine ? Il semblerait. Et cependant ses moyens ne le lui permettaient guère. Toute sa vie, en effet, maintenant, est absorbée par les difficultés sans nombre auxquelles donnent lieu l'état embrouillé de ses affaires et les suites ou conséquences des deuils successifs qui viennent la frapper. Le 16 octobre 1654, en effet, est mort son vieux père, le duc de Montbazon. Il n'avait guère tenu de place dans son existence ! Retiré en Touraine, à Couzières, il y avait vieilli doucement jusqu'à quatre-vingt-six ans, s'occupant peu des siens, insouciant de sa famille et de son patrimoine. Il y avait quatre ans, Anne d'Autriche lui avait fait vendre sa charge de gouverneur de Paris dont il ne pouvait plus s'acquitter en raison de son grand âge. M. de Montbazon s'était exécuté sans rien dire. Il ne disait rien non plus des multiples procès que lui faisaient ses enfants en raison de la manière désordonnée dont il avait géré sa fortune. Son fils, le prince de Guéméné avait obtenu contre lui
deux arrêts du Parlement de Paris, en 1634 et en 1638, contraignant M. de
Montbazon à lui rendre compte de sa tutelle, à lui restituer Alors, à l'imitation de son frère, Mme de Chevreuse, elle
aussi, avait réclamé au vieux duc la dot stipulée par son contrat de mariage
et qui n'avait jamais été payée, De son second mariage avec la belle Mme de Montbazon, le
duc avait eu trois enfants qui devaient hériter conjointement avec Mme de
Chevreuse et Guéméné. Lorsqu'après sa mort on fit l'inventaire de ses biens,
il se trouva que le duché de Montbazon était saisi par des créanciers, le comté
de Rochefort par Guéméné, l'hôtel de Montbazon à Paris par d'autres ;
Couzières et les terres d'Anjou étaient entre les mains de Mme de Chevreuse :
le tout valait à peine i Chacun des héritiers, le prince de Guéméné, la duchesse de
Chevreuse, Mme de Montbazon, les trois enfants, plus quatre-vingts à cent
créanciers, présentèrent leurs titres de créance : le tout s'élevait à On se retourna vers Mme de Montbazon : c'était elle qui avait gaspillé la fortune de son mari ; il fallait qu'elle donnât un état au vrai de toutes les dettes depuis son mariage et qu'elle représentât de bonne foi tous les titres, papiers, meubles précieux, joyaux, vaisselle d'argent et les 45.000 écus de la vente du gouvernement de Paris qu'elle avait divertis ! Le prince de Guéméné réclamait son compte de tutelle depuis 1602 ; Mme de Chevreuse s'en tenait à la transaction conclue avec son père, à condition qu'on lui payât les dédommagements promis. Les complications n'allaient pas s'arrêter là. M. de Montbazon avait fait un testament en vertu duquel il
prescrivait au prince de Guéméné, son fils, de payer aux enfants issus de son
second mariage Lorsque Mme de Chevreuse avait réclamé à son père la rente
convenue sur la succession de sa mère et de sa grand'mère, plus la somme promise
par son contrat de mariage, une transaction était intervenue le 20 février
1654 aux termes de laquelle tout serait liquidé moyennant le payement d'une
somme fixe de Alors Guéméné prétendant que lui aussi avait à retirer sa légitime de l'actif du duc avant tout le monde,
et que mieux même, comme aîné, il pouvait l'exiger sur
ce qui avoit été donné à la dite dame duchesse de Chevreuse, un procès
fut engagé. Mme de Chevreuse répliquait que le prince son frère ayant reçu de
leur père des charges dont la valeur représentait Entre temps était morte Mme de Montbazon. Elle avait
disparu un peu brusquement, en avril 1657, d'une rougeole rentrée, après deux
jours à peine de maladie, à quarante-sept ans. Jusqu'à la fin de sa vie, son
succès avait été vif. On sait l'histoire, d'ailleurs controuvée, de M. de
Rancé, son dernier ami, trouvant la tête de la duchesse séparée du tronc,
parce qu'on n'avait pas pu introduire le corps entier de la défunte dans le
cercueil, et si impressionné de ce spectacle inattendu, qu'il se serait fait
moine, d'où la fondation de La mort de Mme de Montbazon apportait des difficultés nouvelles. Mais pour Mme de Chevreuse les affaires s'étaient déjà bien autrement compliquées du fait de la disparition de son mari le vieux duc de Chevreuse, enlevé subitement par une attaque d'apoplexie trois mois auparavant, le 24 janvier 1657. Malgré ses quatre-vingts ans, M. de Chevreuse, jusque-là, s'était assez bien porté. Il avait éprouvé une première attaque dont il était sorti indemne, aussi gaillard, disait-il, qu'à vingt-cinq ans. Il mangeait bien, aimait la bonne chère, et, assure Tallemant, avait toujours un faible pour les dames. On le jugeait un peu léger. Devenu de plus en plus sourd, affligé en société de certaines faiblesses qui faisaient rire les jeunes gens, il menait une existence gaie, et ne songeoit qu'à ses plaisirs, assure Monglat. Les gens racontaient qu'à soixante-dix ans il faisait encore venir au château de Dampierre des mignonnes et qu'il fréquentait le soir, après souper, chez je ne sais quelle créature du quartier Saint-Thomas du Louvre, On l'enterra aux Carmes déchaussés. N'ayant pas tenu beaucoup de place dans sa vie, il ne laissait pas un très grand vide après sa mort. Si la conduite de sa femme l'avait insuffisamment scandalisé, Mme de Chevreuse, elle, avait éprouvé beaucoup d'ennuis du fait des habitudes de désordre de son mari. M. de Chevreuse ne comptait jamais. Sa dissipation était proverbiale. Il tenait à ce que sa maison fût toujours bien tenue, sa table abondante, ses écuries garnies de beaux chevaux, sans se préoccuper s'il avait de quoi payer la dépense. Puis il lui prenait des fantaisies ruineuses telles que celle de faire faire quinze carrosses à la fois afin de pouvoir choisir celui qui serait le plus doux. Le résultat de sa dissipation fut qu'il se trouva couvert
de dettes de bonne heure. Il a passé son existence à se débattre avec ses
créanciers. Les procès qu'il a eu a subir ont été innombrables : on le saisit
vingt fois ; il manqua perpétuellement d'argent. Alors il empruntait ; il
vendait n'importe quoi, à n'importe quel prix, pour vivre. Du Dorât écrivait
à Boispillé le 9 juillet 1638 : Vous saurez que
Monseigneur le duc se porte bien et présentement est plus avant dans l'argent
comptant que quand vous êtes parti, car il a vendu deux chevaux à Mme de
Choisy. Il est bien vrai que ce n'est pas une nouvelle de le voir vendeur
mais le miracle est de savoir que Mme de Choisy a donné six cents livres
comptant de deux mauvaises bêtes, et une chose inouïe qu'une femme de Terres, pensions, bénéfices, les huissiers prirent tout !
M. de Chevreuse s'adressait alors à Richelieu ; il suppliait le cardinal
d'obtenir pour lui du Parlement, par l'intermédiaire du chancelier, des
jugements favorables de mainlevée : Monsieur,
écrivait-il au ministre en 1641, ayant su que M. le
Chancelier estoit à Rueil, j'ai pris ce temps pour venir supplier votre
Éminence de vous souvenir de ma très humble supplication. Je suis contraint
de me rendre importun estant extrêmement pressé. Je vous supplie d'avoir
pitié de moi ! Mais Richelieu répondait à M. de Chevreuse qu'il
n'avait qu'à payer ce qu'il devait ! Lorsqu'en 1640, le duc se proposant
d'aller chercher sa femme en Angleterre, avait demandé comme récompense au
gouvernement la mainlevée de ses pensions saisies, il avait assuré les
secrétaires d'État que le Cardinal, parlant à lui-même et à Boispillé, lui
avait promis satisfaction. Je n'ai pas dit un seul
mot à M. de Chevreuse ni à ses gens de la mainlevée pour ses pensions,
répondait vertement Richelieu irrité à Chavigny, le 19 avril ; ains, au contraire, j'ai toujours dit que le roi entendoit
bien qu'il les touchât, mais les réparations [paiement des dettes] préalablement
faites. S'il veut tromper comme sa femme, il le peut faire, mais je ne suis
point d'avis qu'on lui donne autre chose jusqu'à ce qu'il ait fait son
voyage. Je vous conseille de parler sec à Boispillé ensuite de quoi ils
feront ce qu'ils voudront, c'est-à-dire ils iront ou n'iront pas, comme bon
leur semblera. M. de Chevreuse en fut réduit à vivre d'avances. Dans une
humble supplique qu'il envoyait à Richelieu en 1640, il expliquait tristement
que depuis six années on lui avait fait opposition sur plus de Il était si misérable que Mme de Chevreuse, exaspérée, se
décida à demander la séparation de biens ! M. de Chevreuse, qui accusait sa
femme de gaspiller autant que lui, manifesta une grande fureur. C'est dans le
courant de l'année 1637 que fut introduite l'instance de séparation. Mme de
Chevreuse était en exil à Couzières ; elle avait chargé du soin de ses
affaires, M. Georges Catinat, le lieutenant général de Tours ; elle
correspondait avec Paris, à ce sujet, au moyen d'un certain Mazelle. Mazelle ne venoit à Paris qu'en cachette, avouait Les discussions furent vives. Mme de Chevreuse demandait
que son mari payât intégralement toutes les dettes du ménage. Celles-ci
étaient des plus variées ; le duc et la duchesse devaient partout : pour
avances faites et gages non payés, à leurs anciens intendants Clercelier et
Fosse, lesquels en avaient été réduits à accepter une rente à la place de ce
qu'on leur devait ; — une rente également annuelle au pourvoyeur Prou, aussi
comme intérêt de sommes qu'il avait avancées : — L'arrêt fut rendu vers la fin de l'été 1637. Le Parlement
accordait à Mme de Chevreuse une pension annuelle de Sans se troubler, M. de Chevreuse continua à habiter
paisiblement l'hôtel de la rue Saint-Thomas du Louvre ; — sa femme était en
Angleterre ; — il ne payait aucun loyer : il avait gagné à la séparation de
n'être plus responsable des frais d'entretien. Il ne versa à la duchesse ni
les Et alors tomba sur Mme de Chevreuse la nuée geignante des
créanciers du ménage. La duchesse ne pouvait pas plus payer que son mari ;
elle essaya de donner des acomptes afin de calmer les impatients, ii Et ainsi ils vécurent des années dans le désordre le plus
complet, on ne sait de quoi, Mme de Chevreuse le plus souvent en exil, hors
de France, subsistant d'emprunts, de secours que lui donnait l'Espagne ; M.
de Chevreuse, de quelques restes de ses revenus : duché de Chevreuse, —
lequel expliquait-il lui-même, rapportait peu à cause des non-valeurs, des
diminutions de revenus causées par les guerres, des grandes dépenses
qu'occasionnaient les réparations de bâtiments, les gages des officiers et le
lourd entretien de Dampierre ; — d'une pension de Lorsque Mme de Chevreuse revint à Paris, le ménage décida,
en 1652, de réviser un peu ses affaires. On ne savait pas comment vivre. La
situation n'était plus tenable. Elle donnait lieu, les fournisseurs refusant
tout, à des scènes violentes au cours desquelles M. de Chevreuse ne se
possédait plus et menaçait sa femme. On écrivait à Mazarin, le 7 février 1652
: Jamais la duchesse de Chevreuse ne fut si
embarrassée des bourrasques de son mari qui devient furieux. Il a d'horribles
requêtes toutes prêtes contre elle, prétendant la faire arrêter, si bon lui
semble, par l'autorité du sacrement ! Après de longs débats, un accord
était conclu au mois de mars. Mme de Chevreuse, pour
accommoder les choses par les voies de douceur et de bienséance, et jouir du
repos dans la maison, disait l'acte, consentait à réduire à M. de Chevreuse n'observa pas plus cette convention que
les autres. Il ne donna rien, tout au plus quelques billets qui demeurèrent
impayés. Deux ans après, Mme de Chevreuse, une fois de plus saisie,
s'adressait au Parlement : avec les avances faites par elle à des créanciers,
disait-elle, la pension qui lui était due, les annuités de celle de sa fille,
son mari lui devait Alors M. de Chevreuse ripostait vivement. Lorsque la
transaction de 1652 avait été conclue, disait-il, déjà ses revenus des cinq
grosses fermes de l'année, sur lesquelles devaient se prendre les Puis il énumérait les créanciers qui le traquaient, disait ce qu'il avait fait pour les calmer, annonçait ce qu'il comptait faire afin de leur donner satisfaction. Et voilà, finissait le rédacteur du factum, l'état au vrai des prétentions de ma dite dame et les raisons de Monseigneur, après lesquelles il n'y a pas apparence de porter les choses à telle extrémité que de vouloir dépouiller Monseigneur de son duché, et, le poursuivant par la saisie réelle, faire procéder par bail judiciaire pour le peu de bien duquel à présent il peut jouir pour subsister dans ses dépenses, puisque les pensions des bénéfices diminuent continuellement, ses rentes des cinq grosses fermes, la dite dame en prend la moitié et le surplus est à ses créanciers. Prise ainsi entre sa propre détresse et celle de son mari,
Mme de Chevreuse ne savait plus que résoudre. Elle s'adressa au chancelier
Séguier. En novembre de cette même année 1654, elle lui envoyait un mémoire
circonstancié, montrant sa pénurie, sa misère, racontant comme quoi, en guise
de la pension que lui devait son mari, elle avait reçu des billets à
échéances lointaines. Il fallait vivre ! Elle en était réduite à emprunter
aux marchands, aux pourvoyeurs, à leur faire elle-même des billets payables
sur les cinq grosses fermes ! Elle parlait des créanciers qui venaient
s'adresser à elle, la tourmenter, la saisir. Pouvait-on concevoir situation
plus pitoyable ! Et elle suppliait le chancelier de venir à son secours à cause, disait-elle, de
la nécessité où elle étoit réduite, n'ayant aucun bien qui lui rapportât du
revenu que les Alors une idée vint aux hommes d'affaires qui conseillaient la duchesse. Pourquoi M. de Chevreuse ne vendrait-il pas son duché à sa femme ? Dans la transaction, toutes les difficultés s'arrangeraient : le duc serait dégagé des engagements qu'il avait contractés à l'égard de la duchesse ; il pourrait, si bon lui semblait, continuer à jouir de Dampierre, comme il jouissait de l'hôtel de la rue Saint-Thomas du Louvre ; les causes de troubles disparaîtraient. De quelle façon, il est vrai, Mme de Chevreuse, qui n'avait pas un écu vaillant, paierait-elle le duché ? Ceci était une question qu'on finirait peut-être par résoudre en empruntant. Mme de Chevreuse accepta. Après avoir longuement réfléchi, M. de Chevreuse se décida : le duché de Chevreuse était vendu à Marie de Rohan. L'acte fut dressé devant les notaires Ogier et Gallois, le 15 octobre 1655, en l'hôtel de la rue Saint-Thomas du Louvre, où habitait toujours le ménage. Les conseillers de Mme de Chevreuse avaient adroitement ménagé les intérêts de leur cliente ; ceux du duc s'étaient défendus avec habileté. Par cet acte, M. de Chevreuse cédait à sa femme la pleine propriété du duché de Chevreuse, à l'exception de 550 arpents de bois vendus à M. de Montmort et de la châtellenie de Châteaufort, fiefs et dépendances, plus la ferme d'Oinvilliers et 34 arpents de bois cédés à un M. de Montrouillon. Le duc de Chevreuse se réservait le titre de duc et pair jusqu'à sa mort et le droit de faire exercer la justice dans l'étendue du duché en son nom. Après sa disparition, Mme de Chevreuse aurait la faculté de demander au roi des lettres patentes soit de continuation, soit de nouvelle érection de la duché-pairie en faveur de son fils, le duc de Luynes, ou du fils de celui-ci, le marquis d'Albert. M. de Chevreuse cédait à sa femme Dampierre et tout son mobilier, sauf la vaisselle d'argent : il se réservait toutefois jusqu'à la fin de sa vie la jouissance du château, bâtimens, basses-cour, édifices, jardins, canaux, fontaines, étangs et parcs du dit lieu. Il entretiendrait le tout à ses frais, y compris les murs de clôture. Pour prix de cette vente des conditions complexes étaient
imposées à Mme de Chevreuse. D'abord elle paierait à son mari Ensuite, du million de livres à payer au duc, les hommes
d'affaires de Mme de Chevreuse faisaient défalquer les sommes suivantes :
d'abord les Mais l'affaire, en définitive, n'était trop mauvaise ni
pour l'un, ni pour l'autre. M. de Chevreuse gardait son titre ducal ; il
conservait Dampierre ; il était débarrassé des contestations avec sa femme à
laquelle il ne devait plus rien : il pouvait jouir paisiblement de ses Il y avait à trouver les Veuve, Mme de Chevreuse se trouva dans une situation des
plus embarrassée. Son train de maison était trop lourd pour elle, ses
habitudes d'existence trop larges et fastueuses. Il fallait se restreindre.
Tenant à garder Dampierre, elle se décida à vendre l'hôtel de Chevreuse à
Paris : ce fut une pénible résolution. Elle le vendit en 1657 au duc de
Candale, pour son père le duc d'Épernon, moyennant la somme de Cependant on lui avait laissé les Alors elle essaya des spéculations : elle rêva d'acheter
une île des Antilles, Mme de Chevreuse possédait toujours son duché de Chevreuse ! Mais combien la charge était lourde pour elle ! Il fallait concilier l'obligation de tenir son rang avec celle d'entretenir un aussi considérable domaine ! La duchesse était de nouveau couverte de dettes. Les créanciers la harcelaient. Alors elle eut la pensée de vendre Chevreuse et Dampierre, de se décharger, comme elle le disait, des soins que la possession des grandes terres apportent et pourvoir aussi au paiement de ce qu'elle devoit pour vivre dorénavant avec plus de quiétude. Comment se défaire de cette demeure à laquelle elle tenait tant, où elle avait vécu plus de quarante années et qui lui rappelait tant de souvenirs ! Elle imagina de faire don pur et simple de Chevreuse et
Dampierre à son fils le duc de Luynes. En retour, M. de Luynes acquitterait
ses dettes, lui paierait une pension annuelle de Quatre mois après, le 9 septembre 1663, par donation entre
vifs, M. de Luynes transmettait à son propre fils, Charles-Honoré d'Albert,
le titre et la terre de Chevreuse. Et lui aussi, comme son père, comme sa
mère, il se réservait également, sa vie durant, la jouissance par usufruit
des château, basses-cours et autres logements, avec
les jardins, parterres, canaux, étangs et tout ce qui étoit enfermé dans
l'étendue du parc de Dampierre, tellement la famille entière tenait à
ce coin si cher ! Il entretiendrait le tout : plantations, fontaines, canaux,
murs de clôture. Au petit-fils, le marquis d'Albert, en revanche, incomberait
le devoir d'acquitter les dettes de la grand'mère — le duc de Luynes en avait
déjà payé Aux termes de lettres patentes de 1612, le duc de Chevreuse défunt n'ayant pas eu d'enfant mâle, la pairie, à sa mort, devait être éteinte, le duché seul étant transmissible, sauf le bon plaisir du roi. Louis XIV ratifia la donation du duché de Chevreuse en maintenant le titre ducal : il ne releva pas la pairie. Et c'est ainsi que sur ses vieux jours la lignée de ses enfants de Luynes — la seule descendance masculine qu'elle eut eue — assurait à Mme de Chevreuse, le repos et la tranquillité. Combien elle était fière de cette lignée, au moins de son petit-fils, dans lequel elle voyait revivre les brillantes qualités guerrières des ancêtres du siècle précédent ! De son fils, elle avait eu moins à se louer. Ami fervent
des jansénistes, marié à une Séguier très pieuse, et, elle aussi, ardente
pour Port-Royal, M. de Luynes avait été jugé par sa mère trop dévot et furieusement dégénéré. Il s'était fait bâtir, à
deux pas du monastère de Port-Royal-des-Champs, à Vaumurier, un petit château
où il se retirait près des religieuses, avec sa femme, dans la retraite et le
silence, se levant toutes les nuits, disant l'office, donnant son bien aux
pauvres. Les jansénistes faisoient tout chez lui,
disait Tallemant. On appelait M. de Luynes le
connétable des moniales. Puis, de santé pélicate, Mme de Luynes était
morte, le 13 septembre 1651, à vingt-sept ans, laissant quatre enfants. M. de
Luynes était revenu dans le monde. Six ans après, il s'était amouraché de sa
petite tante, Anne de Rohan, la fille de Mme de Montbazon, recueillie par Mme
de Chevreuse : il avait trente-cinq ans, la jeune fille dix-sept. La mère
était très contrariée, Anne de Rohan voulant se faire religieuse et se
trouvant dans un noviciat. Mme de Chevreuse, qui
craignoit le retour de son fils dans la retraite de Vaumurier, écrit
Saint-Simon, avoit eu tant de peur que le désespoir
de ne pouvoir obtenir l'objet de sa passion ne le précipitât de nouveau dans
la solitude, qu'elle avoit pressé sa petite sœur de quitter le voile blanc et
qu'avec de l'argent, qui fait tout à Rome, elle avoit eu dispense pour le
mariage qu'elle fit en 1661 et qui fut fort heureux. Les deux époux
devaient avoir sept enfants. Lorsqu'Anne mourra, en 1684, à quarante-quatre
ans, M. de Luynes se remariera une troisième fois avec Marguerite d'Aligre.
C'était, comme dit Sainte-Beuve, un vir uxorius
: il aimait le mariage. Bussy-Rabutin raconte que lorsqu'il eût épousé Anne
de Rohan, Mme de Chevreuse, dont la personne,
dit-il, étoit le tombeau des plaisirs après en avoir
été le temple, ne pouvant plus rien pour elle-même, produisit Mme de Luynes, qui
est une des belles femmes de France, afin de lui faire supplanter Mlle
de Comme elle aimait bien plus son petit-fils ! Quoiqu'il eût
été l'élève de Port-Royal et particulièrement de Lancelot — Dès le courant de l'année 1666, il avait été question de
ce mariage. On parle ici d'un nouveau mariage à la
cour, écrivait Guy Patin le 29 décembre, savoir
de la fille de M. Colbert, qui est aujourd'hui τά
πάντα Cœsaris, avec M, le duc de Chevreuse qui
est fils de M. de Luynes et petit-fils du connétable. M. Colbert, fils de
marchand, est devenu grand seigneur et gouverne sous main toute l'Europe : au
moins est-il comme le maître de Contrairement à l'affirmation de Colbert, il semble que Louis XIV, au dire de Lefèvre d'Ormesson, se soit plutôt montré hostile à ce mariage. En même temps en effet qu'il jetait son dévolu, pour sa fille aînée Marie, sur le duc de Chevreuse, Colbert, songeait, pour la seconde, Henriette-Louise, à Paul de Beauvilliers, fils du duc de Saint-Aignan. C'était beaucoup de prétentions à la fois ! Cependant, le roi n'avait pas insisté : il avait même parlé le premier à Luynes, ce qui marquoit, avouait d'Ormesson, le crédit de M. Colbert. Les cérémonies eurent lieu le 1er février Elle s'était beaucoup moins tourmenté du sort de ses filles. Elle en avait eu quatre : une de M. de Luynes, trois de M. de Chevreuse : Anne-Marie, Henriette et Charlotte. Au cours de sa vie agitée et vagabonde, elle n'avait guère trouvé d'autre moyen de se débarrasser d'elles que de les confier à sa belle-sœur, l'abbesse de Jouarre, Dans les embarras financiers de la famille, pensait-elle, le mieux que ces enfants pussent espérer était de demeurer dans un cloître, d'y avoir la vocation et de se faire religieuses. Malheureusement, en 1638, Mme de Jouarre était morte, les enfants ayant entre sept et vingt ans. Il avait fallu les placer ailleurs. Mme de Chevreuse avait voulu les mettre à l'abbaye de Saint-Antoine, près de Paris : elle avait écrit à Richelieu afin de solliciter l'autorisation royale. Ne se souciant pas de voir les filles de Mme de Chevreuse venir habiter si près de la cour, Richelieu avait refusé : la supérieure, disait-il, ne serait plus maîtresse chez elle ; ces enfants — que le cardinal supposait aussi turbulents que leur mère — seroient capables de débaucher quantité d'esprits qui sont dans Saint-Antoine et d'y attirer une si grande quantité de visites que ce seroient des processions continuelles. Alors Mme de Chevreuse avait abandonné ses filles à son mari. M. de Chevreuse n'avait su qu'en faire. Il les avait provisoirement casées, avec les religieuses de Jouarre qui les accompagnaient, à Issy. Mais là c'était l'archevêque de Paris qui avait suscité des difficultés : Monsieur, écrivait Chevreuse à Chavigny, le 17 août 1640, je suis en telle peine de mes enfants, qu'il a fallu, pour la violence de M. de Paris, que je fasse sortir Mlle de Luynes et mes filles d'Issy et les ai envoyées à Dampierre attendant qu'il plaise à Son Éminence d'ordonner ce qu'il veut qu'il en soit fait : s'il lui plaisoit qu'elles demeurassent encore à Issy, attendant sa volonté, ce me seroit une grande faveur. Faites-moi l'honneur de lui en vouloir parler et d'obtenir une lettre de lui pour M. de Paris et pour les religieuses de Jouarre qu'elles ont avec elles. Mais M. de Chevreuse ne pouvait indéfiniment conserver ses filles à Dampierre. Il maudissait la mère, cause de ses ennuis. Deux, au moins, de ces enfants manifestaient quelque velléité de se faire religieuses. M. de Chevreuse apprenant que la supérieure de l'abbaye de Remiremont, en Lorraine, était très âgée, eut l'idée d'envoyer l'une d'elles prendre le voile dans le monastère, en obtenant de Richelieu la promesse de la succession future. Le cardinal avait accepté. Ah ! lui écrivait le duc, vous soulagez un père chargé de filles dont je suis bien empêché. Votre Éminence en sait les raisons et les ingratitudes de la mère, les pertes et maux qu'elle m'a causés ! L'affaire de Remiremont ne devait pas aboutir. Seulement l'aînée, Anne-Marie, se fera en effet religieuse et deviendra abbesse de Pont-aux-Dames où elle mourra jeune, à vingt-sept ans, en 1652 ; une autre, Henriette, se fera aussi religieuse et sera abbesse de Jouarre, comme sa grand'tante : elle vivra longtemps, jusqu'en 1693, et aura des contestations avec Bossuet ; la dernière, enfin, Charlotte, d'esprit si peu monastique, reviendra auprès de sa mère pour ne plus la quitter et jouer près d'elle le rôle que l'on sait. Quant à Mlle de Luynes, elle était morte en septembre 1646, à vingt-huit ans, de la petite vérole. Ainsi débarrassée de ses dettes, de ses soucis, de son
mari et de ses enfants, Mme de Chevreuse n'avait plus qu'à se laisser vivre
doucement à sa guise. Elle avait toujours Laigue avec elle. Ce petit gentilhomme de Limoges de Sa vie était si confondue avec celle de Mme de Chevreuse,
à Paris où à Dampierre, qu'on répétait partout que les deux personnages
étaient unis entre eux par un de ces mariages dits de conscience, secrets,
mais non clandestins, fréquents, assure-t-on, à cette époque. Saint-Simon
s'est fait l'écho de ce bruit. Il fallait qu'il fût exact, ou du moins que
les relations des deux personnages fussent devenues tout à fait
irréprochables, car, sans cela, on ne s'expliquerait pas que les sévères
Messieurs de Port-Royal eussent accepté Laigue et Mme de Chevreuse au nombre
de leurs amis. Laigue fréquentait beaucoup les Jansénistes ; il était mêlé
activement à leurs affaires. Dans une conversation avec Saint-Évremond,
rapportée par celui-ci, Stuart d'Aubigny, familier de Port-Royal, racontait
qu'en tête des meneurs politiques travaillant
pour la cause, était Laigue. Laigue comptait parmi les intimes de M.
d'Andilly. M. d'Andilly, accusé devant le roi d'avoir fomenté des troubles,
priait Laigue et Mme de Chevreuse de prendre sa défense à la cour. Laigue et
la duchesse parlaient à Louis XIV. Les pieux sentiments de Laigue, à l'égard
de Port-Royal, se manifesteront par son testament, — rédigé au château de
Dampierre le 30 juillet 1658 et conservé aujourd'hui dans le minutier d'un
notaire de Chevreuse. — Laigue y demandait à être inhumé à Port-Royal, dans
l'église des religieuses, laissant au monastère Mme de Chevreuse et Laigue ne devaient plus se quitter. Ce
fut lui qui partit le premier, le 19 mai 1674 : il avait soixante ans ; on
l'enterra non à Port-Royal, les circonstances ne le permettaient plus, mais
dans l'église des Jacobins de Paris, où un monument lui fut élevé qui devait
être détruit à La mort de son ami causa à la duchesse une très grande
affliction. Elle avait soixante-quatorze ans. La vie n'avait plus d'intérêt
pour elle. Survivante d'un âge disparu, si différent de celui dans lequel
elle vivait, maintenant délaissée, oubliée, n'ayant rien à espérer, ou à
prévoir, il ne lui restait qu'à se retirer dans une solitude encore plus
complète, pour consacrer ce qui lui resterait de jours à se préparer à son
heure dernière. Elle était devenue très pieuse. La religion lui apportait les
consolations que réclament les âmes fatiguées finissantes. Elle fit choix,
pour lieu de sa retraite définitive, d'un prieuré bénédictin qui ne contenait
plus de moines, situé à Gagny, à trois lieues et demie de Paris, près de
Chelles, dont des amis de Port-Royal, les Akakia, avaient été prieurs depuis
le début du siècle, et qu'on appelait le prieuré de Saint-Fiacre ou Sur sa demande, on l'enterra simplement. Il n'y eut à ses
funérailles ni oraison funèbre, ni apparat. Son corps fut déposé dans
l'église de Gagny, près de la chapelle de C'est là qu'elle a reposé jusque vers le milieu du XIXe
siècle. Depuis, l'église a été démolie, ainsi que le prieuré de FIN DE L’OUVRAGE |