DEPUIS qu'au début du siècle précédent un cadet de la maison régnante de Lorraine — alors en pays germanique — était venu s'établir en France pour chercher aventure et qu'après de signalés services rendus à François Ier, ce cadet, Claude de Lorraine, comte d'Aumale, avait été fait duc de Guise, le prestige et la puissance de la famille des Guise avaient grandi de génération en génération. Des huit garçons et quatre filles de Claude, l'aîné avait été le brillant duc François de Guise, homme de guerre incomparable, un des meilleurs capitaines du XVIe siècle, assassiné près d'Orléans par Poltrot de Méré ; les cadets avaient été les cardinaux de Lorraine et de Guise, conseillers écoutés des rois Valois ; la sœur, devenue reine d'Ecosse, avait été la mère de Marie Stuart, qu'on avait mariée au roi de France François IL Ainsi, branche cadette d'une maison étrangère, apparentée à la famille royale par le mariage de Marie Stuart ; frères et oncles de la reine, les Guise, à la seconde génération, étaient déjà au-dessus des plus grandes familles françaises. A la troisième génération ils avaient manqué devenir rois. Tout le monde se rappelait encore, vers 1620, comment le fils du duc François, Henri de Guise, le héros populaire balafré, devenu chef de la ligue créée sous Henri III afin de défendre la religion menacée par la faiblesse du roi, avait acquis une autorité sans égale dans le royaume et avait si bien mené la lutte contre le souverain trop disposé à accepter pour successeur le huguenot Henri de Navarre, qu'on avait agité la question de savoir si les États généraux ne devraient pas mieux l'appeler à la couronne que de prendre pour roi un protestant. Henri III redoutant d'être détrôné et même tué, effrayé de l'omnipotence menaçante du duc, avait fait assassiner celui-ci à Blois en 1588. Des cinq enfants qu'avait laissés Henri de Guise, l'aîné, Charles, était un homme de peu de valeur ; le second, Louis, entré dans les ordres, fait cardinal de Guise et archevêque de Reims, paraissait d'une moralité douteuse ; le quatrième, François, chevalier de Guise, se distinguera sous Louis XIII par des duels retentissants trop semblables à des assassinats ; la fille était cette princesse de Conti dont la réputation était si compromise ; le troisième fils était Claude de Lorraine d'abord prince de Joinville, puis duc de Chevreuse. Ce duc de Chevreuse n'était pas sans quelque mérite. Nous avons un joli portrait de lui, enfant, par Léonard Gaultier. La figure allongée, le front élevé et légèrement proéminent rappellent Henri de Guise ; la physionomie est fine et distinguée ; le bas du visage élégant ; jeune homme, le prince était séduisant, gracieux, plein de race. La figure se modifiera plus tard. La guerre, l'exercice du commandement lui donneront une apparence mâle et vigoureuse. Vers 1622, âgé de quarante-cinq ans, c'était un seigneur de bonne mine, fort, avec des traits larges et accusés, le physique d'un homme d'action : seulement l'œil calme et le regard accommodant révélaient un être au caractère facile, disposé à accepter son sort, plein de résignation et d'insouciance avec une nuance de simplicité naïve. Gaston d'Orléans disait à Chalais : M. le duc de Chevreuse est sans foi, mol et adonné à ses aises. Il le comprenait mal. Avec de l'esprit passablement, comme dit Tallemant des Réaux, M. de Chevreuse était, dans la vie ordinaire, un esprit faible et pusillanime. Sur le champ de bataille, au contraire, il était très
brave. Rallié à Henri IV après la conversion de celui-ci au catholicisme, il
s'était vaillamment conduit à ses côtés. On citait ses prouesses pendant les
sièges de Par un hasard malheureux, il s'était surtout amouraché des
maîtresses d'Henri IV, fâcheuse rencontre : d'abord de la comtesse de Moret,
— pour la peine le roi l'avait prié d'aller faire un voyage en Angleterre,
puis l'avait mis en quarantaine au château de Marchais, chez son frère le duc
; — ensuite de la marquise de Verneuil — cette fois, Chevreuse ayant manqué,
à cette occasion, de tuer le duc de Bellegarde, un soir, rue de Marie de Rohan et lui s'étaient beaucoup vus à la cour ; ils se rencontraient chez la princesse de Conti, la sœur de M. de Chevreuse. Il eut été surprenant que Claude de Lorraine, dans ce milieu peu difficile, ne remarquât pas la troublante beauté de Mme de Luynes et, habitué aux succès, ne tournât pas autour de la jeune duchesse. Devinant les sentiments de son frère, Mme de Conti facilita les entrevues. M. de Luynes vivait encore. Séduite par le nom, le prestige et la gloire de Claude de Lorraine, entraînée d'ailleurs par les conseils de Mme de Conti, la duchesse de Luynes s'abandonna. On comprend le mot que disait Louis de Marillac à Richelieu traitant la princesse de Conti de m..... des amourettes qui se traitoient du vivant du connétable. Bientôt la liaison de Marie de Rohan et de M. de Chevreuse fut connue de toute la cour. Suivant l'usage le mari, seul, l'ignorait. M. de Chevreuse demeurait dans les meilleurs termes avec lui : J'ai lu à M. de Luynes, écrivait Rucellaï à Chevreuse, la lettre que vous lui écrivez et lui ai fait porter les protestations d'amitié et de service que vous lui faites : il en est très content et vous honore et estime chèrement. Dans un moment d'humeur, Louis XIII, nous l'avons vu, avait fini par faire allusion devant son favori, à la conduite de sa femme et comme, à ce propos, Bassompierre osait dire au roi que c'estoit péché que de mettre ainsi mauvais ménage entre le mari et la femme le prince avait répondu en souriant : Dieu me le pardonnera, s'il lui plaît ! Il savait bien que ce secret n'en était un pour personne. Lorsque Luynes fut mort, en décembre 1621, les deux amoureux s'affichèrent sans vergogne. On les vit publiquement ensemble. Ce fut la fable de la cour. Mme de Luynes, disgraciée en avril 1622, comprit qu'elle n'avait qu'un seul moyen de se tirer d'embarras et de faire rapporter la décision du roi, c'était d'épouser M. de Chevreuse ! Suivant les règles en effet de la cour de France, un prince lorrain n'était pas français : il n'avait pas de place dans la hiérarchie de la noblesse du royaume ; aux cérémonies publiques on n'y avoit point d'égard, disaient les textes. Tout au plus, dans l'appartement du roi et de la reine lui accordait-on, par déférence, quelques avantages particuliers. Mais, s'il parvenait à se faire donner un titre ducal français, sa situation alors était entièrement modifiée. Il ne cessait pas, en principe, d'être étranger, seulement, son titre vérifié et enregistré au Parlement, il se trouvait lié au roi de France par un serment, soumis à la juridiction des cours souveraines du royaume, à même de figurer à son rang dans l'ordre de la noblesse française, et par suite, en un sens, régnicole. Ceux qui étaient dans cet état incertain, jouissaient donc à la fois et des égards dus à leur titre ducal et de la considération que comportait leur situation de princes étrangers apparentés à une famille régnante de l'Europe. Les Guise étaient dans ce cas. On les ménageait. Par surcroît, l'appréhension que causait depuis un demi-siècle leur puissance politique — plus ou moins persistante, croyait-on — inspirait aux rois de France et à leurs gouvernements beaucoup de prudence à l'égard d'une lignée de personnages qui avaient été sur le point de détrôner un successeur de saint Louis. Les Guise, ensuite, étaient apparentés à la famille royale ; la sœur du duc de Chevreuse, Mme de Conti, étant cousine du roi, princesse du sang. Personnellement Claude de Lorraine jouissait auprès du roi
d'une considération toute spéciale due aux services qu'il avait rendus et à
sa fidélité au souverain. Il était resté du côté de Marie de Médicis pendant
les troubles de la régence, et du côté de Louis XIII durant les guerres
civiles causées par les révoltes des grands et de la reine-mère après 1617. La diligence que vous avez apportée aux affaires de Sa
Majesté, lui écrivait en 1620 Rucellaï, de la part du prince, a affermi extrêmement ici l'estime de votre personne et
comme vous avez été parmi peu de grands qui ont servi le roi et que parmi ce
peu là vous avez fait valoir uniquement votre service, ainsi assurez-vous que
dores en avant, vous serez plus privilégié. Épouser M. de Chevreuse, c'était donc, pour Mme de Luynes,
entrer dans une famille qui la couvrirait de tous les privilèges juridiques,
moraux, ou politiques dont elle jouissait. C'était devenir la femme d'un
seigneur considéré et ménagé. On n'oserait pas la frapper ; elle aurait
derrière elle pour la défendre la maison des Guise et ses ramifications
nombreuses, cabale puissante ! On ne pourrait pas maintenir son exclusion de
la cour, la princesse de Conti, devenue sa belle-sœur, interviendrait. Puis
n'était-ce pas pour Mme de Luynes réaliser un magnifique rêve ! Elle serait
alliée à une famille étrangère régnante, apparentée au roi d'Angleterre qui
traitait le duc de Chevreuse en ami. M. de Chevreuse était très haut et très illustre prince Monseigneur Claude de
Lorraine, pair, grand chambellan de France, gouverneur et lieutenant général
pour le roi au bas et haut Auvergne. Les courtisans lui donnaient du Monseigneur, le traitaient de Votre Altesse ; Marie de Médicis l'appelait mon neveu ; lorsqu'il voyageait, on le recevait
dans les cours étrangères avec des honneurs spéciaux dus aux membres de
famille quasi souveraines ; à Londres, par exemple, il mangeait à la chambre du lit du roi, insigne faveur ! Au
Louvre, il avait sa chambre, au-dessus de celle de Louis XIIL On le disait
très riche : il recevait une pension annuelle de Il ne s'était jamais marié : jadis, il avait voulu épouser Mlle de Vendôme, fille naturelle d'Henri IV ; mais le duc du Maine s'étant mis sur les rangs, il n'avait pas insisté. Un instant il avait songé à Mlle du Maine : les négociations avaient été poussées assez loin, puis rompues. Mme de Luynes avait toutes facilités pour se faire épouser par lui. Avait-il été question déjà de mariage entre eux ? Mme de Luynes l'affirmera. M. de Chevreuse paraîtra l'ignorer. Il est vraisemblable que des propos avaient été échangés sans que rien de définitif eût été conclu. Dans les trois jours qui suivirent la sommation apportée par Jeannin de quitter la cour, Marie de Rohan envoya un gentilhomme de ses amis à M. de Chevreuse. M. de Chevreuse n'était pas à Paris : il faisait un pèlerinage à Notre-Dame de Liesse, près de Laon, avec MM. de Liancourt, de Blainville, Zamet et Fontenay-Mareuil. Le gentilhomme trouva M. de Chevreuse à Soissons et lui expliqua l'objet de sa démarche. Mme de Luynes ne faisait nul mystère qu'elle avait reçu l'ordre de s'en aller de la cour et qu'elle ne voyait d'autre moyen d'éviter la disgrâce que d'épouser le duc de Chevreuse. Elle priait M. de Chevreuse de consentir à cette union et de prévenir le roi, personne ne doutant, ajoutait-elle, que l'ordre de Sa Majesté ne se changeât en sa considération. Il fallait seulement se hâter car si elle étoit sortie du Louvre, la chose se répareroit plus difficilement. M. de Chevreuse surpris, hésita. Il questionna d'abord le gentilhomme pour savoir ce qui avait motivé la disgrâce de Mme de Luynes. Que s'était-il passé ? Il demanda ensuite conseil à ses compagnons de voyage. Fontenay-Mareuil, qui était présent, nous raconte dans ses Mémoires que chacun dissuada le duc : sa propre situation, lui dit-on, pourrait être compromise ; il allait au-devant d'ennuis certains ; après tous les bienfaits qu'il avait reçus du roi, notamment cette charge de grand chambellan accordée naguère, c'était manquer au souverain que d'épouser une personne qui était désagréable à Sa Majesté. M. de Chevreuse estima le raisonnement juste et répondit au gentilhomme qu'il ne pouvait accéder au désir de Mme de Luynes. Il rentra à Paris ; il vint voir Mme de Luynes : c'était une imprudence. Il avait compté sans le pouvoir de séduction de la jeune femme. Celle-ci l'enveloppa, insista ; il faiblit. Elle redoubla ses prières : il se soumit. Pour plus de sûreté, elle lui déclara qu'elle allait elle-même écrire au roi afin de lui annoncer, séance tenante, son mariage, et, suivant l'usage, solliciter son autorisation : il n'eut pas la force de résister. Au reçu de la lettre de Mme de Luynes, Louis XIII manifesta une vive colère. Son premier mouvement fut de refuser l'autorisation. On le raisonna. Après tout, lui expliqua-t-on, ce serait un cas de conscience que d'empêcher deux personnes, déjà notoirement compromises ensemble, de ne pas se marier. Si Sa Majesté voulait maintenir Mme de Luynes hors de la cour, il y aurait toujours quelque moyen d'y parvenir ; si elle préférait ménager M. de Chevreuse, on découdrait doucement, sans rien rompre, et la dignité du roi serait sauve. Louis XIII se laissa convaincre. Seulement, avant même qu'il n'eut fait connaître sa décision, il apprenait que Mme de Luynes, n'attendant pas sa réponse, et passant outre, avait fait célébrer immédiatement son mariage. Craignait-elle un refus ? Ne redoutait-elle pas plutôt que M. de Chevreuse, faible et irrésolu, ne changeât d'opinion ? La cérémonie avait eu lieu le 20 avril, en petit comité, rapidement : c'était quatre mois après la mort du connétable de Luynes. Je ne sais ce que cela produira, écrivait Marillac à Richelieu en lui annonçant la nouvelle. Tout le monde se moquait. Louis XIII fut extrêmement irrité. Le roi est grandement offensé de la connétable et de M. de Chevreuse, mandait le même Marillac à Richelieu, et en a conçu une grande haine ; il dit que personne des parents n'a voulu signer au contrat. Mais le fait était accompli. Que faire, sinon subir ce qu'on ne pouvait plus empêcher ? Quelques jours après, conformément au protocole, Louis XIII envoyait la lettre de félicitations d'usage aux nouveaux époux ; la cour joignit ses compliments. Peut-être y avait-il quelque ironie, dans les félicitations de chacun. Au jugement de tous, c'était Mme de Luynes qui était la mieux partagée : elle se trouvait acquérir beaucoup de gloire en épousant, toute veuve qu'elle était du connétable, un prince de la maison de Lorraine ! Personne des parents, avait dit Louis XIII, n'a voulu signer au contrat. Il se trompait en partie. Nous avons ce contrat. Au moins pour la famille de Chevreuse, seize parents consentirent à apposer leurs noms au bas de l'acte, et des plus qualifiés : le frère du marié, le duc de Guise ; son oncle, le duc de Nemours ; ses cousins Charles de Gonzague et le comte d'Harcourt ; sa tante, la princesse douairière de Condé ; sa cousine, la princesse de Condé ; sa mère, Catherine de Clèves, veuve du Balafré ; puis, la princesse de Conti, la jeune duchesse de Guise et quatre cousines, les duchesses de Mercœur, de Longueville, d'Elbeuf et de Vendôme. C'est du côté de Mme de Luynes que les abstentions se produisirent. Personne ici, en effet, ne voulut signer ; le père lui-même, M. de Montbazon, dans l'hôtel duquel les notaires dressaient l'acte, rue de Béthizy, avait envoyé procuration. Aux termes de ce contrat, les nouveaux époux se mariaient
sous le régime de la séparation de biens patrimoniaux. Marie de Rohan versait
à la communauté On fut assez frappé, dans le public, que Marie de Rohan
qui n'avait reçu de son père, au moment de son premier mariage que Dans les lettres de félicitation qu'il avait envoyées aux nouveaux époux, Louis XIII n'avait pas fait allusion à l'ordre qu'il avait donné à Marie de Rohan de quitter la cour. Celui-ci n'était donc pas rapporté. Force était d'attendre et, pour le nouveau ménage, de s'éloigner de Paris jusqu'à ce que la question eut été clairement réglée. Le mariage célébré, le 20 avril, Mme de Chevreuse emmena son mari le 21 à Lésigny-en-Brie. Les bienheureux amants, écrivait Marillac, sont allés louer Dieu de leurs prospérités dans la chapelle de Lésigny et prendre possession ensemble de cette maison que le défunt leur avait préparé sans y penser. G'est la risée de toute la cour ! Puis M. de Chevreuse conduisit sa femme au château de Dampierre afin de lui faire les honneurs de son duché de Chevreuse. Marie de Rohan prenait possession de la terre dont elle allait illustrer le nom et d'un château qu'elle devait tant aimer où elle devait vivre si longtemps, et passer de si longues heures de joie ou de tristesse ! Ancienne seigneurie jadis petite et modeste, la terre de Chevreuse, d'abord érigée en baronnie, avait été transformée en duché par le roi François Ier en 1545, au profit du duc et de la duchesse d'Étampes. Le Parlement avait refusé l'enregistrement des lettres d'érection sous le prétexte que la seigneurie de Chevreuse n'était pas assez importante. C'était en effet une tradition des juristes de la couronne que le titre de duc, le plus considérable de France, ne devait être appliqué à une terre que si celle-ci, par sa valeur, justifiait ce privilège, et si, par le total de ses revenus, elle permettait à son possesseur de faire largement figure de grand seigneur à la cour. Après la duchesse d'Étampes, le cardinal de Lorraine, archevêque de Reims, frère du duc de Guise, avait acheté Chevreuse, agrandi la terre, puis avait demandé à Henri II de renouveler l'érection de la baronnie en duché. Henri II avait consenti en 1555. Cette fois, le Parlement avait enregistré. Du cardinal, le duché de Chevreuse était passé à son neveu, le duc Henri de Guise, le Balafré, et après l'assassinat de celui-ci à Blois, à son fils aîné, le duc Charles de Guise. Henri IV avait souvent répété au duc Charles que s'il transmettait Chevreuse à un de ses frères, il ajouterait au duché la pairie. En 1606, Charles avait passé la terre à son frère, Claude de Lorraine, prince de Joinville ; Henri IV avait oublié sa promesse ; Louis XIII l'avait tenue en 1612. Ici encore, le Parlement avait fait des résistances. Il ne cédera qu'en 1627. Une terre féodale comprenait deux sortes de revenus : le
revenu du domaine personnel du seigneur, possédé en propre, affermé par lui
ou exploité directement ; les revenus féodaux constitués par l'ensemble des
redevances et droits que payaient au seigneur féodal les habitants du
territoire de la seigneurie ou des fiefs dépendant de la seigneurie. Au XVIe
siècle la seigneurie de Chevreuse comprenait, avec le bourg de Chevreuse, les
terres, fiefs et seigneuries de Maurepas Damvilliers, Maincourt et quelques
autres. Dampierre, à ce moment, n'en faisait pas partie. La seigneurie
dépendait de l'évêque de Paris auquel le baron de Chevreuse prêtait foi et
hommage. Le cardinal de Lorraine avait ajouté à Chevreuse la seigneurie de
Meudon, la sieurie de Dampierre, les fiefs de Saclay, de Cottigny, et était
parvenu ainsi à grouper un domaine représentant On fit à la nouvelle duchesse une magnifique réception.
Entouré de ses vieilles murailles, l'antique petit bourg de Chevreuse,
tranquille et propret, comme tous ces bourgs de l'Ile-de-France, s'étendait
aux pieds de Tout le personnel qui administrait le domaine : — des officiers de justice, un bailli, siégeant à Chevreuse, secondé d'un greffier et d'un tabellion : des juges locaux dans divers endroits, rendant, pour les affaires ne dépassant pas un certain taux, des sentences dont on appelait au bailli de Chevreuse et de celui-ci au Parlement de Paris ; pour les bois, assez considérables, nécessitant des gardes particuliers auxquels incombait le devoir de surveiller, d'exploiter ces bois et de juger les délits forestiers, capitaines de chasse et grueries ou gruyers, — tous vinrent présenter leurs devoirs à Mme de Chevreuse. En carrosse, Mme de Chevreuse parcourut bourgs et villages. On lui montra les domaines de son mari. Les populations la fêtèrent. L'endroit qui devait le plus la séduire était celui dont elle était destinée à faire sa résidence, Dampierre, dans la jolie vallée de l'Yvette. Le château de Dampierre n'était pas, à ce moment,
l'édifice magnifiquement ordonné que l'on voit aujourd'hui, et qui a été bâti
par Mansard en 1680. Construit au XVIe siècle par un trésorier de France et
embelli par le cardinal de Lorraine, il off"rait au regard un ensemble
de constructions de De la route traversant perpendiculairement le vallon,
entre un grand étang, qui subsiste encore, et le château, on accédait à la
porte d'entrée, pavillon au comble aigu, percé de trois fenêtres.
L'avant-cour était petite, entourée de quelques bâtiments d'exploitation peu
élevés, suivie, vers l'est, d'une basse-cour plus grande, environnée de
communs dont il reste une grande salle à solives apparentes précédée d'une
porte qui n'est pas sans caractère. A droite, dans l'avant-cour, s'ouvrait,
derrière un pont-levis, la seconde entrée du château, — pavillon d'un étage
surmonté d'un comble aigu à Au delà du corps d'hôtel, vers le midi, s'étendait un parterre rectangulaire, à compartiments de fleurs, qu'entourait un portique bordé extérieurement du fossé plein d'eau. Un autre parterre plus vaste, également à compartiments et celui-ci enveloppé d'un canal, complétait le jardin dans la direction de Chevreuse. Il n'y avait pas de parc ; tout autour se succédaient des bois, des terres labourées, des prés, des garennes, des vignes. Ce qui frappait était l'abondance de l'eau courante, on disait : les pourpris, jardins, étangs, canaux : fontaines de Dampierre. Dans ce cadre de bois et de verdure, Dampierre paraissait une habitation charmante, agreste, faite pour la retraite au milieu du calme et de la solitude des champs. Mme de Chevreuse prit goût au site : elle aima ces constructions intimes et ramassées ; la vue du grand étang, la promenade sous ces portiques qui encadraient le parterre et rappelaient les plus belles résidences du siècle précédent, Gaillon, par exemple, l'enchantèrent. A son instigation, son mari, s'intéressa à Dampierre. Ne voulant pas s'engager dans des constructions nouvelles, — il n'était pas bâtisseur — il décida de prolonger les parterres et de les entourer d'un vaste parc. C'est lui qui a créé le grand parc de Dampierre. Il procéda en opulent seigneur peu soucieux des réclamations des menues gens et de la dépense. Il acheta les terres qui lui étaient nécessaires, d'autorité, sans s'embarrasser de transactions délicates. Il poussa jusqu'aux paroisses voisines de Senlis et Choisel, à trois quarts de lieue. Il n'était pas le seul de son temps à agir de la sorte. Il fit son parc, expliquait Tallemant, à la manière du bonhomme d'Angoulême, à Grosbois ; il enferma les terres du tiers et du quart. Afin de calmer les protestations, il promit des clefs du parc à toutes les personnes lésées ; il n'en donna aucune. Un capitaine du château de Dampierre, secondé de l'intendant de la maison de Monseigneur le duc de Chevreuse et gruyer du dit lieu, était chargé de la garde et de l'entretien du domaine. Mais quelque agrément que put présenter Dampierre, ses bois et son duché, il n'était pas dans la pensée de la nouvelle duchesse de s'y éterniser. Où en était-elle avec le roi ? Pouvait-elle ou non rentrer à la cour ? Elle s'adressa à sa nouvelle belle-sœur, la princesse de Conti, afin de le savoir. Auteur indirect de son mariage, celle-ci devait à son frère et à son amie de les aider à sortir d'une situation incertaine. La princesse de Conti, seule, aurait eu peut-être quelque peine à réussir : elle sollicita le concours de Bassompierre. Bassompierre était à ce moment fort en crédit auprès de Louis XIII ; il suivait le roi dans la campagne de 1622 contre les huguenots du midi, très écouté, toujours favorablement accueilli. Louis XIII aimait la compagnie du beau gentilhomme, gai, jovial, spirituel, déférent et dévoué ; il le nommera maréchal de France en août. Or Bassompierre était amoureux de la princesse de Conti dont il sera l'amant fidèle durant près de trente années. Il accepta les ouvertures que lui fit Mme de Conti. La cour fut vite au courant des tentatives essayées pour ramener Mme de Chevreuse. On appela l'affaire la cabale des dames. Les gens informés doutaient du succès. Bassompierre, écrivait Marillac à Richelieu, n'a que de la subtilité et de l'effronterie ; la princesse de Conti se trouvera appuyée de sa faveur comme de ses jambes après ses couches : cette faveur est plus grêle que ses jambes ne furent tremblantes. Il se trompait : Bassompierre avait d'excellents moyens d'aboutir. En fait, la situation de M. de Chevreuse n'avait pas été aussi compromise qu'on aurait pu le croire par son mariage : elle était trop forte. En guerre avec les huguenots, Louis XIII ne se souciait pas de provoquer les grands du royaume. Le souvenir des guerres civiles suscitées par eux depuis sept ou huit années était encore trop présent à son esprit pour que les ministres ne conseillassent pas au roi des ménagements nécessaires. Les Guise comptaient parmi les groupes de seigneurs les plus influents ; toute une clientèle les suivait ; leur renom était encore capable de soulever des partisans : M. de Chevreuse avait bénéficié de ces circonstances. Personnellement il était toujours en faveur pour des motifs tels que la faute de son mariage, sans l'assentiment du roi, et avec une jeune femme en disgrâce auprès du prince, n'était pas si particulièrement grave qu'elle pût contrebalancer les raisons de son crédit. A ce moment même, Louis XIII se servait de lui et avait besoin de lui. Depuis longtemps la cour de France tâchait de marier la jeune sœur du roi, Henriette-Marie, avec le fils du roi d'Angleterre, le futur Charles Ier. Il s'y trouvait de grandes difficultés. Les négociations avaient été plusieurs fois interrompues. M. de Chevreuse, en relations amicales avec le roi d'Angleterre, son parent, servait d'intermédiaire officieux. On comptait sur lui. Ce n'était pas le moment de lui tenir rigueur d'un mariage dans lequel, d'ailleurs, il avait été plutôt victime de la souple habileté de Mme de Luynes que décidé à offenser Louis XIII. Bassompierre sonda le terrain. M. de Chevreuse pouvait-il venir se présenter au roi, — qui poursuivait en Guyenne la campagne contre les protestants ? — La réponse fut favorable. Un mois après son mariage avec Mme de Luynes, le 20 mai 1622, le duc de Chevreuse arrivait devant Saint-Émilion, près de Libourne, où Louis XIII parvenait à la suite de la soumission de Royan. Il fut bien accueilli. Louis XIII ne parut pas se souvenir
de son mariage et ne lui en parla pas. La faveur du roi était aussi entière
que jamais. Elle l'était au point que huit jours après, le 27 mai, M. de
Chevreuse était nommé grand fauconnier de France ! Il n'était personne qui ne
conclut que l'affaire de Marie de Rohan ne se trouvât en bonne voie. M. de
Chevreuse justifiait la sympathie du prince par la façon dont il se
conduisait : nul ne se battait plus vaillamment que lui : en juin, à
l'attaque de Négrepelisse, il se mettait en tête des enfants perdus — colonne
volante d'attaque — et avec Bassompierre et Praslin s'élançait le premier à
l'assaut : il avait manqué être tué. Louis XIII sollicitait ses opinions, le
priait d'assister aux conseils de guerre, écoutait ses avis. Il eut été
difficile de souhaiter situation plus sûre. Alors, de concert avec
Bassompierre, Chevreuse osa parler au roi de sa femme et demander au prince
un mot qui permît à Marie de Rohan de rentrer à la cour. Aux premières
ouvertures, il fut rabroué. Louis XIII était ombrageux. Il fallait attendre.
On savait que dans le Conseil les ministres s'opposaient vivement au retour
de Mme de Chevreuse, sauf M. de Puisieux, favorable pour des raisons
personnelles. Du 20 mai au 3 juillet, Chevreuse et Bassompierre entreprirent
un siège prudent, méthodique, progressif. Il était difficile à Louis XIII de
résister indéfiniment. Au bout de six semaines, les solliciteurs
aboutissaient. Louis XIII consentait à ce que la duchesse de Chevreuse reprît
sa place auprès de la reine, conservât ses charges, y compris la
surintendance : mais ce n'était qu'en considération de M. de Chevreuse qu'il
pardonnait à Marie de Rohan. Affectionnant comme je
fais mon cousin le duc de Chevreuse, écrivait-il à Anne d'Autriche, je suis bien aise que ma cousine sa femme vienne. Il
ne manquera aucune occasion de spécifier que tout ce qu'il fait pour Mme de
Chevreuse, c'est en raison du mari qu'il l'accorde. La liquidation de la
succession de M. de Luynes ayant été assez compliquée — il avait fallu faire
appel au roi pour obtenir de lui qu'il laissât tomber dans l'actif de cette
succession des deniers du connétable trouvés à la citadelle d'Amiens —, Louis
XIII avait prêté la main à cette liquidation pourvu que l'argent disponible
fût donné directement à M. de Chevreuse comme à compte des Sans bruit elle revint à Paris ; modestement, elle reprit sa place auprès d'Anne d'Autriche. Dès les premiers jours elle allait éprouver les effets de la mauvaise humeur de Louis XIII. Tant que le duc de Luynes avait vécu, la vieille connétable de Montmorency, dame d'honneur d'Anne d'Autriche, n'avait plus protesté de ce qu'on eût mis comme surintendante de la maison de la reine une toute jeune femme : elle s'était contentée de ne pas revenir à la cour et d'abandonner son service. M. de Luynes mort, sa famille disgraciée, et sa veuve dans une situation incertaine, elle se décida à réclamer. Son beau-fils, le duc de Montmorency, prit fait et cause pour elle : il exposa que lorsque Mme de Montmorency avait été nommée dame d'honneur, on lui avait promis de ne pas rétablir la charge de surintendante, afin de ménager sa dignité. La nomination de Mme de Luynes avait été contraire aux engagements pris. Il fallait rapporter cette nomination. Mme de Chevreuse se défendit. Deux ans auparavant, Louis XIII eut fait taire Mme de Montmorency. Cette fois, il affecta de ne désirer que ce qui était équitable. Un commissaire fut chargé d'examiner les pièces, et de présenter son rapport au Conseil qui statuerait. La sentence fut que les deux dames renonceraient
simultanément à leurs fonctions. Cette décision mécontenta tout le monde. L'arrêt, écrivait Bassompierre, est le pire que l'on eût su donner, attendu que les deux
parties seront offensées, et ces parties étaient deux si grandes maisons comme celles de Lorraine et de
Montmorency ! Pour calmer cette émotion, Louis XIII promit au duc de
Chevreuse de le dédommager : il le nomma premier gentilhomme de sa chambre,
charge laissée vacante depuis la mort du duc de Luynes. C'était le duc, non
la duchesse qu'il indemnisait. La surintendance de la reine fut supprimée et
Mme de Lannoy nommée dame d'honneur. Mme de Chevreuse se consola. Pour n'avoir plus de fonctions dans la maison d'Anne d'Autriche, elle ne demeurait pas moins près de la souveraine et son amie : elle la voyait constamment, avait repris auprès d'elle l'intimité de naguère, toujours vive, enjouée, aimée de l'entourage de la princesse. En somme, sauf l'antipathie du roi, elle avait réussi à sauver sa situation. Dans un sens, cette situation était même meilleure : Marie de Rohan n'était plus l'épouse d'un favori du roi, venu de loin, sans doute monté très haut, mais capable de tomber très vite. Entrée dans une famille princière étrangère, traitée d'altesse, elle était davantage à l'abri des coups de la fortune. Une circonstance solennelle allait consacrer aux yeux des courtisans et du public le rang éminent où elle était remontée. Après de pénibles négociations, le mariage d'Henriette-Marie avec le prince de Galles devait aboutir. Les princes anglais désiraient vivement cette union : les lettres qu'ils écrivaient à M. de Chevreuse en font foi. Ils témoignaient de leur gratitude au duc pour le zèle qu'il montrait à faire réussir l'affaire. Malgré les déboires répétés, M. de Chevreuse poussait le gouvernement de Louis XIII à ne pas renoncer à ce projet, imaginé par Henri IV, caressé depuis longtemps par Marie de Médicis. En relations étroites avec les ambassadeurs d'Angleterre, il écrivait à Londres. De Londres, on lui répondait. Le ministre et favori du roi Jacques Ier, interprète des sentiments du roi son maître et de ceux de son fils, le prince de Galles, le duc de Buckingham, assurait M. de Chevreuse de son affection entière, l'invitait à venir en Angleterre, lui envoyait, en attendant, des cadeaux, en avril 1620, trois beaux chevaux de selle. Si ce n'étoit le désir que j'ai, lui disait-il, de donner quelques arrhes de ma passion à votre service, j'eusse attendu votre venue pour choisir parmi tout ce qui est à moi ce qui eût été plus agréable pour vous donner du plaisir à la promenade. Et M. de Chevreuse, heureux de participer à une œuvre de cette importance, pressait les ministres de Louis XIII, les engageait à ne pas tant insister sur les conditions qu'ils croyaient devoir imposer, tâchait de dissiper les malentendus. Nous ne savons, lui écrivait le roi Jacques Ier le 24 juillet 1624, si nous devons plus priser la constance de votre affection ou la bonté et franchise de votre contribution en faveur de cette négociation si nécessaire pour la chrétienté, si propre pour les deux couronnes, si égale pour les personnes. Et bien que l'assurance que nous avons nous ôte l'occasion de vous prier de continuer vos bons offices, nous ne pouvons nous contenir d'estimer votre entremise et vous en remercier. Le prince de Galles joignait ses protestations de reconnaissance à celles de son père : Vous êtes mon cher ami, mandait-il à M. de Chevreuse, et journellement vous m'en rendez des témoignages. Rendez-moi tous les bons offices que la proximité de mon sang envers vous requiert. S'il épousait Henriette-Marie, il entendait ne la recevoir que de la main de M. de Chevreuse ; il prierait M. de Chevreuse de lui amener lui-même sa fiancée : Je serai plus aise, disait-il, de recevoir cette douce princesse de vous comme son conducteur que d'une autre personne que ce soit. Et Chevreuse, touché de cette amitié, de cette confiance des princes anglais, leur répondait par des offres ardentes de dévouement : Mon sang et ma vie, écrivait-il, ne sont pas un trop faible remerciement. Ce fut à l'automne de 1624 qu'après mille discussions le mariage fut décidé. Le prince de Galles devait venir en France épouser Henriette-Marie et la ramener à Londres. Mais Jacques Ier étant mort sur ces entrefaites, le nouveau roi, Charles Ier, dut ne pas quitter son royaume. Suivant les usages, la cérémonie du mariage aurait donc lieu à Paris, où le roi d'Angleterre serait représenté par un personnage qu'il désignerait et auquel il donnerait procuration d'épouser en son lieu et place la princesse française. Le personnage désigné fut, comme il avait été promis, M. de Chevreuse. M. de Chevreuse accepta avec effusion. Sa lettre de réponse était pleine d'une joie débordante. Après la cérémonie, il devrait accompagner la nouvelle épousée en Angleterre : Mme de Chevreuse suivrait. Les solennités du mariage qui allaient se dérouler dans un cadre de magnificence, occuper toute la cour, attirer le populaire, étaient destinées à concentrer les regards sur l'heureux duc. Honneurs, égards, tout allait s'adresser à celui qui par une fiction diplomatique était assimilé au roi d'Angleterre. Mme de Chevreuse allait participer à cet éclat et à cette fortune. Le matin du 8 mai 1625, jour fixé pour les fiançailles,
les deux ambassadeurs extraordinaires d'Angleterre, les comtes de Carlisle et
de Holland, escortés de nombreux gentilshommes, venaient prendre
solennellement M. de Chevreuse dans sa chambre du Louvre et le conduire à la
chambre du roi où Louis XIII attendait, entouré de la famille royale, des
princes du sang, des grands seigneurs et des ministres. Le duc portait un
costume noir à bandes couvertes de diamants, les fers ou aiguillettes ornées
de pierres précieuses. Henriette-Marie, présente, était habillée d'une robe
de toile d'argent et d'or semée de fleurs de lis, et rehaussée de perles. Le
chancelier de France donna lecture du contrat de mariage ; on transcrivit au
bas la procuration envoyée à M. de Chevreuse par le roi d'Angleterre, puis le
roi, Henriette-Marie, les reines, le duc de Chevreuse et les ambassadeurs
signèrent. Sur quoi le cardinal de Le dimanche ii eut lieu le mariage même à Notre-Dame de
Paris. L'église avait été tendue de belles tapisseries rehaussées d'or et
d'argent, provenant des collections royales ; devant le grand portail
s'élevait un large échafaud recouvert de tentures, relié à l'entrée du chœur
de l'église par un plancher en pente douce, et à l'archevêché, vieux bâtiment
du moyen âge, situé sur le bras méridional de Le cortège défila lentement, au son des instruments, au
bruit des cloches qui sonnaient, aux acclamations de la foule. Il s'arrêta
sur l'échafaud. Le roi d'Angleterre étant huguenot, son mariage ne pouvait
pas avoir lieu dans l'église : on y procéda sur cette estrade extérieure ;
Louis XIII et Monsieur remirent leur sœur au duc de Chevreuse ; le cardinal
de La messe fut dite — à cette heure tardive — par le
cardinal de Le soir, dans la grande salle de ce même archevêché, eut lieu un magnifique festin. Louis XIII y assistait. Près de lui étaient : à sa droite, Marie de Médicis, Anne d'Autriche, Monsieur ; à sa gauche, Henriette-Marie, le duc de Chevreuse, Holland et Carlisle, Mme de Chevreuse. Suivant la coutume, les plus grands seigneurs de la cour servaient les personnes royales et des gentilshommes les autres convives. Paris était illuminé ; des feux de joie brûlaient aux carrefours ; des coups de canon, des décharges de boîtes retentissaient sur la place de Grève. La fête, des plus brillante, consacrait aux yeux des courtisans l'exceptionnelle importance de M. et Mme de Chevreuse. Le sort de Marie de Rohan était conjuré. Elle pouvait
reprendre sa vie d'autrefois Dans l'intimité de la reine, sa gaieté
primesautière, son humeur légère, toute au plaisir et aux aventures pouvaient
se donner libre cours. A nouveau elle entretenait Anne d'Autriche de ce qui
occupait son propre esprit : les galanteries. Mieux, même, elle allait tâcher
d'entraîner la reine dans une intrigue de cœur des plus dangereuse : treize
jours, en effet, après le mariage d'Henriette-Marie, le 24 mai 1625, arrivait
à Paris pour venir chercher la nouvelle souveraine de |