HENRI IV ET NOS FRONTIÈRES

 

PAR ÉDOUARD DE LA BARRE DUPARCQ

MÉMOIRE LU A L'ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

PARIS - CH. TANERA - 1875

 

 

A la suite de nos discordes civiles du XVIe siècle, la France intérieure était meurtrie, ruinée, divisée : Henri IV cicatrisa ces plaies, fit un tout, et le cimenta par de bons règlements, mieux par de louables exemples, par l'ordre, l'économie, la modération dans le luxe, en montrant sur le trône un monarque ferme, vigilant, éclairé, connaissant les hommes et les choses, rompu aux aspérités de la vie publique et privée, devenu indulgent pour les misères humaines, mais opposant une digue chaque fois que les défauts d'un individu voulaient se donner du large aux dépens de la prospérité publique.

La France extérieure ne manquait pas non plus de menaces dans les premières années du XVIIe siècle. Avant que Henri de Navarre fût devenu définitivement et sans conteste le roi de la France régénérée et reconstituée, les Espagnols la surveillaient du côté de la Flandre, et le duc de Savoie le long des Alpes nos malheurs avaient amené à combattre sur notre territoire les Allemands et les Anglais ; il n'était pas jusqu'à d'autres étrangers qui ne se fussent glissés dans nos rangs. Aussi nos frontières et leurs endroits faibles avaient été franchis, reconnus, étudiés. Pareille situation n'échappa point au vainqueur d'Ivry ; il résolut d'y remédier en complétant nos limites, en améliorant leurs fortifications, en dotant les places fortes d'approvisionnements suffisants et de gouverneurs habiles.

Ses efforts à ce sujet, il aimait à les faire ressortir, à en tirer gloire, surtout à prouver aux populations l'avantage considérable qui en résultait pour elles. C'est ainsi qu'il dit le 30 décembre 1608 aux députés de la Bourgogne : Je vous ay bien mis à couvert : vous n'estes plus frontière de Savoie, à cause de la Bresse qui vous couvre et que je viens d'échanger contre le marquisat de Saluces ; vous ne l'estes que du costé de la Franche-Comté, où ils ont plus peur de vous que vous d'eulx. Et cependant les livres qui traitent de l'histoire de nos frontières parlent à peine du roi Henri IV et de son action sur la constitution de nos limites[1] ; c'est justement cette action, cette influence que nous tenons à constater et sur laquelle nous allons appeler l'attention de l'Académie, si elle y consent[2].

Du côté des Pyrénées que nous manquait-il pour que cette grande chaîne de montagnes nous servît entièrement de frontières ? le comté de Foix, le Béarn et le Roussillon. Henri IV apporta les deux premières de ces provinces comme son héritage de famille, par sa mère, car c'était un mariage qui avait transplanté les Bourbons vers ce côté de la France : quant au Roussillon, dont la possession permettait aux Espagnols de pénétrer en Languedoc, ce sera seulement au traité des Pyrénées, sous Louis XIV (1659), que la possession nous en reviendra. Toujours est-il que dans ces contrées la frontière était naturelle et qu'il n'était besoin de la constituer officiellement ; mais, ne l'oublions pas, ce n'était pas le seul point de nos frontières par lequel nous confinions avec l'Espagne. Ce côté pyrénéen préoccupait souvent Henri IV, sans doute parce qu'il connaissait à fond les pays qui avaient abrité son berceau. Le 25 février 1595, sur la réclamation des négociants français de cette frontière, il consent à retarder de deux mois la déclaration de guerre à l'Espagne et l'écrit à M. de la Hillière, gouverneur de Bayonne ; mais en même temps, croyant cette guerre juste et nécessaire, il recommande à cet officier de conserver la dicte frontière, avec les forces d'infanterie et de cavalerie que lui octroiera à cet effet M. de Matignon, qui fera, s'il lui est possible, un voyage exprès afin de mieux reconnaître ses besoins en raison des localités. Quant à Bayonne, cette cité que le roi d'Espagne œillade, dit-il, depuis longtemps[3], le roi est obligé faute d'argent, de conseiller aux habitants de pourvoir eux-mêmes à la sûreté de leur ville, promettant d'accorder des canons et des munitions dès que la cité sera en état de les bien défendre, et il entend au sujet de la construction de forts pour empêcher l'entrée des Espagnols, tels que celui projeté par un bailli à Saint-Jean de Luz, que rien ne se fasse sans l'agrément et la surveillance du gouverneur[4]. Un an après il recommande que l'on porte toutes les forces à la frontière, parce que défendre celle-ci vigoureusement, c'est sauvegarder les places de seconde et de troisième ligne ; quant au peu d'argent que son conseil pourra accorder pour réparer les brèches et approvisionner les places de première ligne, il veut qu'on le ménage, vu les nécessités où il se trouve en Picardie et en Champagne[5].

Onze ans après, c'est la frontière languedocienne qui attire l'attention royale, mais sans que l'état des finances françaises lui permette encore de prendre un parti décisif, et je me figure que ce fut ainsi durant tout son règne. Voici, en effet, ce qu'il écrit le 28 juillet 1607, au duc de Montmorency : Pour ce qui est de la fortification de la frontière, j'ai déplaisir[6] qu'elle soit en si mauvais état, non que j'appréhende que l'on recommence a m'attaquer par là, car il n'en paraît aucune disposition de ceux que l'on pourrait croire le vouloir faire ; mais pour la raison et réputation, qui ne veut pas que ce que les voisins vouent de si près soit en si mauvais ordre. Pour cette raison, je vous promets que j'y ferai pourvoir et que si ce ne peut-être plus tôt, ce sera au plus tard dans l'état de l'année prochaine ; n'ayant point entendu que les deniers ordinaires destinés pour cet effet, aient été divertis et employés ailleurs, et ne pense pas aussi que cela ait été, et en écris présentement à ceux de mon conseil afin qu'il ne se fasse point, ou, s'il avait été distrait, qu'ils le fassent réparer d'ailleurs. Pourtant cette lettre permettait d'espérer quelque secours en argent pour les places fortes de cette contrée, et valait mieux que celle du 28 mai de la même année, dans laquelle Henri IV, sauf en ce qui concernait l'artillerie et les munitions, déclarait que le bien et le repos de son dit pays de Languedoc étant intéressé à la réparation des dites fortifications, il entendait aussi que ce fût le pays qui en fît la dépense.

Du côté des Alpes, la frontière suivait aussi un tracé naturel, celui des montagnes. La vallée de Barcelonnette manquait[7], mais nous avions gagné, par l'acquisition de la Bresse, dont il vient d'être question, et nous prenions intérêt à ce que nos plus voisins amis défendissent bien leurs frontières, contiguës à la nôtre, d'où vint le danger. Ainsi en 1607, lorsque les ligues grises se constituent, Venise s'inquiète et fait demander à Henri IV de se déclarer à ce sujet, de manifester clairement son intention ; mais le monarque ne veut sortir des termes de la réponse déjà faite par la France, diplomatiquement sans doute, à la sérénissime République reine de l'Adriatique, et en même temps réconforte le sieur Gugelberg, député à Paris des trois ligues grises. On sait même, par sa lettre du 13 mars 1607, à notre ambassadeur à Venise, ce qu'il dit et promet à ce dernier, promesses dont voici le résumé : Je loue votre résolution de défendre les passages de votre pays, vu la défiance où vous doivent tenir les armements de vos voisins, et affectionnant la prospérité de votre république, à l'exemple des Roys mes prédécesseurs, je suis content de vous faire délivrer dix-huit mille livres par mois, pendant trois mois, pour l'entretenement des six enseignes que vous mîtes en garnison dans ces passages. A ces promesses, Henri IV ajoutait vingt cinq mille livres par mois, en cas de guerre, pourvu que les ligues grises fussent secourues par les autres Suisses et par Venise, et en outre l'assurance de contribuer à la conservation d'un fort opposé à celui élevé par l'ennemi, même d'occuper ce fort par une garnison. Malheureusement, et par prudence sans doute, la lettre royale reste muette sur l'emplacement de ce fort projeté : quant aux ligues grises, elles correspondent au canton actuel des Grisons, et si l'on disait les trois ligues grises, c'est qu'on distinguait la ligue grise proprement dite (chef-lieu Hanz), la ligue Cadée (chef-lieu Coire) et la ligue des dix juridictions (chef-lieu Davos).

Notre frontière avec la Suisse, qu'on peut appeler notre frontière Est centrale, avait toujours inquiété Henri IV. On l'avait déjà vu en 1602 ; à peine un danger se montra-t-il de ce côté qu'il avait écrit au maréchal de Lavardin[8] : La Bresse étant sur la frontière, il est nécessaire d'y pourvoir promptement[9] ; puis, comme il insiste. C'étaient des Napolitains et des Espagnols, cinq mille hommes en tout, qui devaient passer à Saint-Claude, puis là, essayer de pénétrer en France dans le dessein d'y donner la main aux mécontents, précisément pendant la fin du procès de Biron, ce qui acquérait de la gravité, car la Bresse appartenait à son gouvernement. Le roi recommande à trois mille Suisses, ayant rendez-vous à Lyon, d'en partir sans délai et de se rendre auprès de Lavardin, près du pont de Gresin[10] ; ce dernier doit s'y trouver et se poster favorablement avec ses troupes et avec les Suisses, puis avertir le roi, ayant soin de le renseigner avec exactitude sur l'acheminement de l'adversaire. Mais avant d'être averti, le roi récrit, car, tenant les fils de la conspiration de Biron, il devait avoir possédé plus d'un renseignement secret et entrevoir si on voulait tenter de le délivrer ou non ; il récrit cinq jours après, le 15 juillet 1602 ; cette fois il donne l'ordre d'empêcher les forces étrangères de passer le Rhône, de leur notifier qu'elles ne seront admises au passage que sur le consentement écrit du roi, sollicité par elles, sinon ce sera de leur part une hostilité à laquelle il sera répondu incontinent par l'emploi des armes[11] ; en même temps il envoie en plus à son lieutenant dix compagnies des gardes[12] afin qu'il puisse mieux appuyer sa résistance. Mais l'invasion redoutée par le roi n'eut pas lieu, l'attitude des populations s'étant montrée favorable à la répression de la conspiration du duc de Biron.

Au nord il y avait tout à faire.

En premier lieu reprendre Calais aux Espagnols : Henri IV le comprend, et il appuie en décembre 1597 le président de Sillery, qui traite avec deux représentants du Pape s'interposant alors entre les intéressés, il l'appuie dans son refus, de toute espérance de traité si on lui dénie la reddition de Calais qu'il demande. Voici en quels termes : vous avez bien fait, je hasarderai plutôt le reste de mon royaume et de ma vie que de me relâcher de cette réclamation. A quoi peut servir ladite assemblée, s'ils ne veulent rendre Calais et si je suis résolu de ne m'accorder jamais qu'il ne me soit restitué[13]. C'est qu'en effet Calais, jadis réputé imprenable par les Espagnols eux-mêmes et récemment devenu leur proie, grâce à leur habileté et à la couardise du gouverneur de la garnison et des habitante, était à la fois une place forte et un port : les Espagnols obtenaient ainsi une communication maritime avec l'Espagne, avec les Flandres, et le danger qui en résulterait pour l'Angleterre devait donner à la reine Elisabeth le désir de s'en emparer. C'était la sixième ville de notre frontière du nord[14] qui faiblissait ainsi et laissait entrer l'ennemi dans ses murs ; il y avait un certain découragement dans la nation, mais le roi garda pour lui cette pensée navrante et n'en laissa rien voir. Comme ses meilleures mesures, et l'accumulation des moyens, avaient jusqu'alors échoué pour la reprendre, il insistait pour qu'un traité la lui restituât. En effet notre trésor épuisé, et nos troupes fatiguées par la prise de La Fère, ne tardèrent pas à rendre toute nouvelle tentative contre Calais impossible, ajournement par impuissance qui pouvait durer. Toutefois Henri IV y pourvut autant que possible en fortifiant un grand nombre de villes et en crénelant les églises et les clochers dans les villages, cela suivant la direction de Paris à Amiens ; les localités alarmées se prêtèrent assez à ces mesures de prudence.

Amiens tenait encore plus à cœur au roi que Calais ; c'était le boulevard de la France, d'où l'on pouvait effectuer des courses jusque sous Paris : en tout cas sa chute permettait aux Espagnols de s'établir entre la Somme et les Pays-Bas et d'y dominer. Le siège de cette grande ville, comme celui de La Fère, compte parmi ses plus belles opérations, et prouve qu'il possédait la ténacité dont un pasteur de peuples doit être doué.

Cambrai, pouvant tomber aux mains de l'ennemi, inquiétait également Henri IV, et voici à ce sujet un de ses élans : M. de Bois-Dauphin[15], toutes les nouvelles que je reçois de ma province de Picardie menacent la perte de Cambrai, si elle n'est bien tost secourue ; et je suis résolu de la sauver ou de me perdre. C'est pourquoi je vous prie, sur toute l'affection que vous m'en désirez faire, que vous montiez à cheval avec tout ce que vous pourrez assembler de gens de cheval ou de pied, et vous rendre dans la fin de ce mois à Houdan, où vous aurez de mes nouvelles[16]. Ce secours est tel et si important, que j'aurai en perpétuelle mémoire ceux qui m'y assisteront, car c'est le salut de Cambrai et la conservation de ma province de Picardie et de l'honneur et de la réputation de la France. Ce cri du cœur s'élevait toujours chez Henri IV à propos de nos frontières ; quand elles se trouvaient en danger, il appelait, il ordonnait, il suppliait au besoin, il avouait en termes formels son impuissance : je ne puis pourvoir à la conservation de nos frontières, confesse-t-il par exemple le 18 avril 1595, au maréchal de Matignon, si je ne suis secouru des autres.

Après Amiens et Cambrai, Henri IV considérait Paris et s'écriait avec surprise : Quoi Paris frontière ! cette ville pourrait le devenir[17]. Aussi commença-t-il à la couvrir à partir de Beauvais : il fallait un siècle d'idées nouvelles et la perspicacité de Vauban pour qu'on osât proclamer la nécessité de fortifier cette capitale elle-même. La ligne fortifiée de Beauvais à Calais comportait les places de Beauvais, Abbeville, Montreuil, Boulogne ; plus à droite dans la vallée de l'Oise, une des trouées imposées à notre frontière nord par les traités de 1815, et que ce motif nous a fait mieux connaitre, Henri IV fortifie Ham et Laon[18], dotant cette dernière d'une citadelle ; le Catelet, la Capelle recouvrées à la paix de Vervins furent également réparées et formèrent une ligne intermédiaire d'autant plus nécessaire que Cambrai n'était pas au roi, mais indépendante sous le gouvernement souverain de Balagny, que lui-même avait reconnu, en sorte que Paris se trouvait défendu jusqu'à la frontière par un véritable éventail de places fortes. Depuis Amiens jusqu'à Calais se retrouvait une ligne couverte par les places de Hesdin et d'Ardres. Et ces places de la Picardie si nécessaires à la protection de leur propre province, et au salut de Paris, il empruntait au besoin des poudres et des munitions à nos places du centre, comme Clermont, afin de les garnir, de les approvisionner convenablement[19].

Henri IV aimait que les cités s'inquiétassent de leur propre défense et en prissent soin, car les nécessités du temps l'exigeaient ; aussi notons le cri de joie qu'il pousse à Noyon le 9 septembre 1592, alors qu'il constate partout des préparatifs entendus et rapidement exécutés : J'ai trouvé que les villes de ce pays ont merveilleusement bien travaillé ; je vous laisse à penser si je leur ferai perdre la volonté de continuer[20]. En revanche le roi était très-sensible sur les atteintes portées à ses frontières : ces limites du royaume semblaient sa propriété particulière, celle à laquelle il devait le plus tenir, qu'il était obligé de mieux défendre. Ainsi à la mi-avril 1605, trente soldats du prince Maurice enlèvent l'abbé de Saint-André-au-Bois, abbaye du comté de Saint-Pol, non loin de notre frontière[21] ; pour ce faire ils pénètrent, paraît-il, sur le territoire Français ; aussitôt le roi écrit au prince Maurice, lui signale l'attentat commis, en demande raison et réparation[22]. Le prince d'Orange répondit que ses soldats avaient été contre leurs ennemis avec son passeport et que ledit abbé n'avait pas été pris ès terres de l'obéissance de sa Majesté, ajoutant non-seulement que le passage par le royaume de France avait été jusqu'alors libre tant pour l'un que pour l'autre, mais que le passage pris par les siens avait si minime importance qu'il ne pouvait donner occasion de tant d'indignation, n'était que sa Majesté eut été informée sinistrement de cet événement. Ce terme d'indignation était employé dans une lettre à notre ambassadeur, M. de Buzenval et non dans une lettre au roi. D'ailleurs l'abbé de Saint-André[23] intriguait contre la France et, dans le coup de main dont il est question, il n'était même pas exempt de connivence ; aussi Henri IV, mieux informé, ne réclama-t-il en second lieu que très-faiblement les prisonniers, qui durent payer rançon au gouverneur de Dunkerque. Néanmoins le fait prouve combien il surveillait ses frontières, combien il attachait à ce qu'il ne s'y passât rien d'insolite. Voici un second fait survenu à trois mois de distance qui l'indique encore ; comme la lettre royale au gouverneur de Saint-Quentin[24] l'explique sans ambigüité, nous la rapporterons : M. le vicomte d'Auchy, je suis averti qu'il sort ordinairement de ce royaume, pour aller à la guerre en Flandre, plusieurs gentilshommes et autres portant les armes, lesquels rentrent après en ce dit royaume, et peuvent avoir de mauvais desseins, et par le moyen de ces allées et venues, les mettre à exécution, au préjudice de notre service. C'est pourquoi je ne veux plus que vous laissiez dorénavant sortir, ni passer, par ma ville de Saint-Quentin, pour aller au dit Pays-Bas, aucunes personnes de quelque qualité qu'elles soient, ayant façon de gentilhomme ou portant les armes, s'ils n'ont un passeport de moi en bonne forme ; mais au contraire je vous commande de les arrêter prisonniers et retenir sous bonne et sûre garde, jusqu'à ce qu'après m'avoir averti de leurs noms, je vous aie, sur ce, fait entendre ma volonté. Donnez-y donc ordre, comme à chose que je désire et ai à cœur, et en quoi vous me rendrez service très-agréable.

Une grosse question, relative à notre frontière du Nord, celle des forteresses du duc de Bouillon occupait encore Henri IV. On sait qu'il s'agissait d'une nouvelle famille de Bouillon, d'une famille française, implantée là par un mariage avec l'héritière du duché, absolument comme les Bourbons étaient venus en Navarre, mais avec une différence dans les suites, car le possesseur actuel de la Navarre, Henri IV lui-même était héritier de cet état par sa mère, tandis que le possesseur actuel du duché de Bouillon était le vicomte de Turenne, veuf sans enfants d'Antoinette de la Marck. Si, dans cet héritage irrégulier, le nouveau duc avait pu se maintenir, malgré les réclamations de la famille de sa femme, c'était grâce à la protection du roi de France, et il parait singulier qu'il ait ensuite voulu se rendre plus indépendant que ses prédécesseurs ; évidemment c'était un ambitieux et un ingrat ; mais Henri IV n'entendait pas lui laisser le bénéfice de ces deux qualités. Les anciens rois de France étendaient leur protectorat sur la ville et le château de Sedan, à condition qu'ils y seraient toujours reçus, forts ou faibles, avec tous les leurs ; on peut appeler cela une réciprocité. Le duc la déniait, malgré les conseils de ses amis. Dès le 8 mars 1606, le roi annonce au maréchal d'Ornano qu'il va se rendre à Sedan afin de recevoir le duc avec toute la bénignité et clémence qu'il saurait désirer, sinon pour en avoir raison par la force. En effet, le 15 mars, il part de Paris, rappelant en guise de courrier, que les vrais seigneurs de Sedan, et ce mot était gros d'orage, s'étaient toujours soumis à ce qu'il demandait, et de plus accompagné de moyens pour se faire obéir, tels que le doit avoir un roi de France[25]. En même temps il écrit au Landgrave de Hesse : Je ne puis croire que mon cousin l'Électeur Palatin veuille préférer l'injustice de la cause dudit duc à la justice de la mienne, ni son amitié a celle d'un roi de France, qui a toujours affectionné sa prospérité et qui a plus de moyens et de volonté que jamais de le favoriser ; de quoy j'aurais grand regret d'être déçu de cette opinion-là[26]. On le voit, Henri IV était résolu à l'action, et contre le duc de Bouillon et contre ses alliés. Dans sa marche sur Sedan, il s'arrête à Reims, où il apprend qu'il n'est entré dans la place ennemie que 300 hommes et encore tels que tels ; de là il écrit au Connétable de lui envoyer le plus tôt possible sa compagnie de gendarmes, et de rejoindre lui-même dès que sa santé le permettra, car il doit partir de sa personne lundi prochain afin d'empêcher qu'il n'y entre plus de soldats[27]. L'opinion réelle de Henri IV, et c'est pour cela qu'il se hâtait, était que sur la garnison de Sedan, forte de 7 à 800 hommes moitié quitterait le duc à l'approche des Français ; de plus, il apercevait, ce qu'il tenait à bon signe, beaucoup de rodomontade chez le duc, car ce dernier se vantait de connaître un propos de Sully, tenu, disait-il, dans un conseil royal composé de quatre personnes[28]. Ces prévisions se réalisèrent presque. A peine le roi fut-il à Donchery, distant de 5 kilomètres de Sedan, que le duc de Bouillon demanda la faveur de traiter. M. de Villeroy fut chargé de la négociation qui dura trois jours. Le roi de France rentra dans ses droits, et la morale la voici : Sedan était moins forte qu'on ne disait ; la garnison atteignait à peine le chiffre de 400 soldats, lansquenets et Suisses, en sorte que Henri IV pouvait, avec raison, écrire à M. de la Force : Ce sont là des secours des princes d'Allemagne. J'espère que ce voyage ne m'aura pas peu servi, quand ce ne serait que pour apprendre à ceux de mes sujets qui voudraient faire les mauvais, que je sais me faire obéir. Vous ferez part de ceci à ceux que vous jugerez à propos[29]. Enfin, par une lettre du 1er mai, le comte palatin du Rhin, adressant ses félicitations au roi de France, sur la reconnaissance de son autorité par le duc de Bouillon, le monarque répondit que le duc s'était rangé à son devoir, et que, en le recevant en grâce, il avait cru, en effet, faire chose dont il serait loué par le comte.

A peu de distance de Sedan, Henri IV projeta d'améliorer, les économies royales en font foi, les fortifications de Mézières et de Rocroy, mais non de transformer ces cités, comme le dit M. Poirson, de l'état de villes ouvertes à l'état de places de guerre[30], car Mézières était déjà une place quand Bayard contribua si vaillamment à sa défense en 1521, et Rocroy avait subi, dès 1557, un siège inutile de la part des Espagnols[31]. En général, sous son règne il y eut un grand nombre de projets élaborés pour fortifier diverses villes ; mais deux choses manquèrent pour les mettre à exécution, même suivant un ordre d'urgence qui avait été discuté et établi, le temps et l'argent.

Le chef de la maison de Bourbon ne cherchait pas à interdire le commerce et les transactions aux habitants des villes ; il le dit nettement le 19 novembre 1608, en approuvant la construction d'un nouveau quai dans Abbeville dont les habitants lui semblent n'avoir jusqu'à cette heure assez soigneusement embrassé le commerce, vu le fruit qu'ils en peuvent recueillir, à l'utilité particulière de chacun d'eux et à leur commodité universelle. Mais il veut que les affaires s'y expédient vite et bien ; aussi, persuadé que les propositions faites en grandes assemblées de personnes n'engendrent ordinairement que confusion, avait-il eu soin[32] de réduire en cette même cité d'Abbeville, dès 1596, le nombre des échevins de 24 à 8.

Sur cette frontière du Nord principalement, le regard perçant, et un peu soupçonneux du roi de France et de Navarre, ne perdait de vue aucun point fortifié, si éloigné qu'il fût de la frontière, témoin ce grandiose château de Pierrefonds, dans lequel il recommande de mettre et d'entretenir le nombre de gens de guerre nécessaire pour sa conservation[33]. En s'occupant de ce château, il songeait évidemment, non à la guerre étrangère, mais à la guerre intérieure, celle qui lui faisait peur parce qu'il y avait trempé, avec trop de promptitude parfois, et qu'il savait, à n'en pas douter, combien il est facile de la déchaîner, combien il faut d'efforts, de cœur et de patience pour la diminuer, et enfin l'éteindre, surtout chez une nation aussi impressionnable qu'intelligente.

Ce n'est pas seulement en France, c'est chez ses alliés aussi que le roi veut la sûreté des places fortes ; ne le recommande-t-il aux Provinces-Unies dès qu'il vient par son influence, jointe à celle de l'Angleterre, de leur faire obtenir du roi d'Espagne la fameuse trêve de douze ans, qui consacrait en réalité leur indépendance[34].

Sedan fait encore partie de notre frontière Nord ; mais comme limite ; plus à droite, en regardant le Nord, c'est bien notre frontière nord-est qui commence.

Au sujet de cette dernière frontière, si Henri II avait songé au Rhin, s'il avait songé à reprendre le royaume d'Austrasie et s'était ainsi considéré comme le représentant direct de Charles Martel, Henri IV appréciait son importance. Le 15 mars 1603, il écrivait à Metz, à M. de Rosny (Sully) : Cette ville est des plus belles et des mieux assises, et trois fois plus grande que celle d'Orléans ; la citadelle ne vaut rien. Je voudrais que vous eussiez fait ici un tour et que vous eussiez vu cette frontière, pour juger de l'importance qu'elle m'est, et qu'il m'en eût coûté quelque chose de bon. Aussi peu après, pourvoit-il à la sûreté de cette frontière[35]. Et quand il court un bruit hostile, comme il le relève écrivant au Landgrave de Hesse le 14 février 1604 : Je sais avoir été proposé par le conseil espagnol d'engager l'empereur à me faire demander les villes de Metz, Toul et Verdun ; et, en cas de refus, me dénoncer la guerre pour m'empêcher de continuer aux États du Pays-Bas l'assistance, que lesdits Espagnols se figurent que je leur donne. Je ne puis croire que l'empereur se laisse aller à telle proposition, ni, quand il le voudrait faire, qu'elle soit approuvée ni favorisée par les princes de l'Allemagne. L'archiduc Albert possède à présent la ville de Cambray, comme si elle était de son ancien et naturel héritage, il n'en use pas du moins aux autres villes tellement que j'aurais juste occasion de me plaindre des Allemands, s'ils enduraient que leurs fortifications fussent employées contre moi sous ce prétexte, et connivassent en tel endroit des autres. Je vous prie de prendre garde dextrement à cette proposition, et me faire en cette occasion office de vrai ami, en me donnant prompt avis de ce que vous en apprendrez. On m'a voulu faire accroire que le duc de Bouillon irrite ce dessein, et qu'il promet de le faciliter ; je fais difficulté d'ajouter foi à tel avis ; néanmoins, j'ai voulu vous le confier, afin que vous m'aidiez à en découvrir la vérité, ainsi que je vous prie faire[36].

Les trois évêchés préoccupaient souvent Henri IV. On le voit, en 1609, année où il rappelle au cardinal de Givry sa défense de rien innover ès-terres de l'évêché de Metz, et surtout d'y mettre en vente des terrains vains et vagues, et où il charge Sully de choisir des commissaires destinés à s'aboucher avec les envoyés du duc de Lorraine, afin de pourvoir sur les différends qui naissent journellement pour l'explication ou exécution du traité de l'an soixante-quatre[37] touchant les confins du pays Messin, afin de couper les différends qui, à faute de ce, pourraient naître à l'avenir[38]. Ainsi, non-seulement il voulait régler sans conteste ses possessions dans les trois évêchés et s'y réserver les terrains, qui, n'étant pas occupés, se trouvaient propices pour recevoir des fortifications : mais ce n'est pas seulement à la veille de la mise à exécution de son grand projet qu'il pense ainsi ; il avait déjà fait plus d'une recommandation au sujet des trois évêchés.

On en trouve 1a preuve dans la lettre qu'il écrit de Plessis-lès-Tours, au milieu du mois de mai 1602. Il y avait eu contestation pour] les limites du Verdunois et du Luxembourg et la France avait nommé deux commissaires, MM. Vyart et Miron. Ces derniers avaient longtemps attendu les représentants de la partie adverse, puis, après une patience de quatre mois révolus, avaient examiné et finalement avaient donné gain de cause au chapitre de Verdun contre les habitants de Damvillers. Deux mois plus tard les archiducs réclamèrent contre la décision prise. Que fit le roi ? Il prescrivit à MM. Vyart et Miron de communiquer aux députés des princes les pièces du procès et de surseoir à l'exécution du jugement, mais en même temps de maintenir intacts les droits qu'ils avaient reconnus au chapitre. Depuis nous n'avons plus rencontré trace de cette affaire dans la correspondance de Henri IV. Damvillers était une petite ville[39] que les cartes de France, relatives à ce règne, représentent parfois comme en France, mais cela veut dire, au moins à en croire l'intention du géographe, dans le gouvernement de Metz[40], car la Lorraine n'était pas encore Française, ou plutôt dans la partie du duché de Luxembourg qui se trouve contiguë au pays Messin, car Damvillers fut cédée à. la France par le traité des Pyrénées avec Thionville[41] et Montmédy[42].

A l'époque dont nous retraçons un coin de tableau, les luttes civiles ont cessé ; on ne peut donc plus répéter avec d'Aubygné :

Les villes du milieu sont les villes frontières :

Le village se garde et nos propres maisons

Nous sont le plus souvent garnisons et prisons[43].

En d'autres termes, les places fortes du centre de la France n'appartiennent pas directement à notre sujet ; cependant comme plusieurs s'y rattachent, car pour être en arrière-garde, il en est encore qui peuvent influer sur la défense utile d'une frontière, nous nous permettrons d'en dire un mot.

Un premier point de vue doit ici nous guider. Si Henri IV voudrait fortifier vers le centre du territoire, des positions utiles, il n'est pas partisan des villes de refuge qui pourraient abriter les mécontents et donner un point d'appui aux troubles. Ainsi il insiste pour le démantèlement des tours, portes et portaux de Rennes[44]. Il ne nourrit pas une prédilection plus accusée pour certains forts isolés. Et, de fait, il y en avait trop, puisque M. de Turenne, dans les premiers jours de 1588, en prit vingt-quatre en trois jours autour de Figeac. Nous citerons, comme exemple, le fort de Mareuil-sur-Ay, en Champagne. Ce fort a tant servi aux ligueurs qui s'y retranchaient à molester et ruiner les habitants des contrées voisines, que le roi le condamne à être démoli, de sorte que les ennemis de la royauté ne s'en puissent prévaloir au préjudice de son service ; puis il engage les habitants de Châlons, très-intéressés dans la question, à aider à cette démolition, et quand il apprend que le commandant du fort résiste à ses ordres, il dicte pour le chef de ce dernier, M. de Vignolles, gouverneur auxiliaire d'Épernay, une de ces lettres nettes et précises qui admettent une seule espèce de réponse, l'exécution immédiate des ordres : J'estime, lui dit-il, que le refus a été fait avant votre retour et avant que votre lieutenant fût assuré de mon intention, de laquelle me promettant que vous l'avez suffisamment informé, je veux croire que ces difficultés cesseront.... Vous enverrez quérir celui qui avait été envoyé pour ladite démolition, et lui ferez entendre qu'il sera reçu et admis au fort, pour y faire ce dont il a charge ; en quoi vous me rendrez service agréable de l'assister et favoriser autant qu'il sera possible. L'assurance que j'ai que vous n'y ferez aucune faute m'empêchera de vous en dire davantage par la présente[45]. Enfin si un château ou une petite place, se trouve disputée par deux compétiteurs, il ne perd pas un instant et la fait occuper ; quand les troupes royales y sont installées, alors le temps ne manque plus pour examiner l'affaire et discuter les droits de l'un et de l'autre. De ce dernier principe suivi par Henri IV, à l'égard de la grande mutabilité qui sous son règne s'opérait à l'égard des châteaux, nous pouvons citer un exemple.

Il concerne le château de Lombez. Au mois d'août 1606, celui qui l'occupe en résigne la capitainerie au comte de Montgommery, fils aîné du seigneur cause de la mort du roi Henri II ; aussitôt grande rumeur dans le pays. Henri IV n'avait plus, comme ses prédécesseurs, à douter de la fidélité d'un Montgommery, car cette famille persécutée par Catherine de Médicis, avait combattu dans les rangs des protestants, mais il ne veut bien faire qui altère le repos de la province. En même temps il se produit une opposition de la part de Mme de Panat, qui réclame la jouissance du domaine de ce lieu et par conséquent la libre disposition de sa capitainerie. Il faut faire droit sur cette opposition avant de passer outre ; le roi délivre alors une commission à un exempt et le fait installer dans ladite place, en chargeant le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, de faire comprendre aux uns et autres qu'il agit ainsi à bonne intention, pour conserver le bien et le repos du pays[46]. Ses ordres furent exécutés, mais la décision tarda : elle n'était pas rendue par le conseil royal, quand il survint, en avril 1607, des différends entre le compte de Montgommery et sa femme ; cette dernière fit même mettre, de son autorité, des garnisons dans diverses places, mais aussitôt le roi prescrivit de retirer lesdites places en son nom et convoqua devant lui les deux divorcés[47].

Au sujet des châteaux de Seissac et de Venan, appartenant aux mêmes époux et donnant lieu entre eux à des contestations du même genre, le roi écrivit au connétable afin de prescrire des mesures analogues. J'ai pensé, comme vous en avez été d'avis, que le meilleur et plus prompt remède est de faire sortir les garnisons qui sont dans ces châteaux et faire venir les parties intéressées par devers moi, afin que, par ma présence et autorité, le comte et la comtesse de Montgommery soient plutôt induits à une bonne réconciliation. Partant je vous prie faire faire incontinent la présente reçue, très expresse commandement de, ma part à ceux qui tiennent les dites places, de les remettre entre vos mains, sans y opposer aucune longueur ni difficulté, sur peine de désobéissance ; à la garde et conservation desquelles il suffira que vous commettiez personne qui m'en puisse répondre quand j'en aurai autrement ordonné, sans qu'il soit besoin pour cet effet que j'y envoie un exempt de mes gardes. Cependant j'oyrai les parties en leurs raisons, et m'assure que les- choses prendront par ce moyen une autre voie que celle de fait dont ils sont menacés, et que je vous prie d'empêcher de tout votre possible, comme avez fait par ci-devant[48]. Le roi voyait juste, la solution fut que ces deux derniers châteaux appartenaient à Mme de Montgommery, lui ayant été expressément réservés par contrat de mariage, que c'étaient ses seules demeures et alors ils lui furent restitués à titre provisoire[49]. Dorénavant le fond du procès dut être examiné par le connétable, la comtesse étant trop âgée pour se rendre à la cour, injonction dont le roi la releva[50].

Henri IV, nous venons de le voir, songe soit à faire démolir les forts, soit à faire occuper les points fortifiés qui se trouvent en litige, en un mot agrandit le cercle de l'autorité e lui restitue successivement ce qu'elle avait si promptement perdu. Le château d'Usson en est encore une preuve. Sa première femme, Marguerite de Valois, en le quittant, lui recommande de le confier à un sujet fidèle, car c'est une place, assure-t-elle, qui ruinerait tout le pays si elle était en mauvaises mains ; c'était dire qu'elle n'est pas d'avis qu'on la démolisse, le roi se montre plus prompt : Je désire que nous fassions sauter ce nid, comme nous avons fait sauter celui de Carlat[51], écrit-il à Sully le 13 juillet 1605, afin que personne ne puisse plus s'en emparer et servir pour troubler le pays. Mais cette démolition est-elle aisée, vu la situation du lieu, et la mesure sera-t-elle bonne ? Le roi envoie en secret un commissaire d'artillerie sur les lieux pour examiner ces deux points[52].

Si la démolition était facile le roi n'hésitait pas, nous le savons par des faits, nous avons même à ce sujet son opinion tout écrite : Rendez à mon serviteur sa maison qui lui a été prise, estimant qu'elle fut à ceux de la ligue, à la charge, s'il y a quelque fortification, de la faire démolir, n'étant point nécessaire d'y tenir aucune garnison, n'y y faire, pour ce, lever aucune imposition, n'y étant rien dont mes pauvres sujets soient plus travaillés que de tous ces petits forts desquels en mon cœur j'ai bien juré la ruine[53]. Et souvent il ajoute en post-scriptum aux lettres que ses secrétaires écrivent : Donnez ordre, je vous prie, que les maisons soient démantelées[54].

L'Édit de Nantes rendu, il tient encore plus la main à ce qu'aucune forteresse ou château ne soit relevé ou entretenu si sa démolition a été ordonnée. Ne dirait-on pas qu'il prévoit d'Aubigné hésitant, en 1620, après une longue négociation, à quel parti il remettrait ses places de Doignon et Maillezais[55], toutes deux sur la rivière de Sèvre-Niortaise, et finalement les cédant à son parti, au parti protestant, moyennant un prix stipulé de cent mille livres, payables moitié comptant[56]. Il prévoit, en effet, des cas semblables, car, tout en concédant au parti protestant ses assemblées religieuses et même ses assemblées politiques, il redoute encore, avec clairvoyance, l'ambition sans cesse renaissante des grands seigneurs qui ont été les principaux chefs de ce parti[57], et comme l'État, la France plane pour lui au-dessus de l'habileté et des ménagements, il les veut et les défend contre eux avec résolution.

Quant aux places nouvelles dont Henri IV a pensé à doter le centre de la France, afin de s'opposer au renouvellement des luttes intérieures, nous signalerons suivant l'ordre de date.

Beauvoir-sur-Mer, dans le Poitou, vis-à-vis de l'île de Noirmoutiers. Il écrit, au sujet de cette place, à M. de Vivans, le 24 octobre 1588 : Après avoir souffert l'espace de trois semaines, ou environ, toutes les incommodités du ciel, nous avons pris le château de Beauvoir-sur-Mer, qui est très-bon, et puis dire avec vérité que c'est une aussi bonne place que nous en avons pris durant toutes les guerres, et qui n'est pas de petite importance et pourra beaucoup servir.

2° L'Isle Bouchard, près de Chinon, dont il s'empara après la prise de Châtellerault, au début de mars 1589, et qu'il déclare dès lors aisée à fortifier[58] ; l'avantage de cette position réside dans un pont sur la Vienne, qui permet d'atteindre Tours quand on débouche dans ces pays en venant de Bordeaux, et aussi dans le confluent d'une petite rivière, la Manse. Le point de vue de Henri IV, en ce qui concerne l'Isle Bouchard, n'est jamais venu à l'état de projet.

Laval, dont il hésite, à la fin de 1594, à faire démolir l'Éperon et d'autres fortifications nouvelles, comme il l'avait ordonné ; cette démolition, d'après des informations plus récentes, pouvant, pour le présent, porter préjudice à son service, il charge donc M. de Courcelles, commandant de cette ville, de cesser les travaux et de notifier sa résolution aux habitants[59].

En outre, Henri IV reconnaît la nécessité d'améliorer, soit par une reconstruction, soit par une augmentation les points suivants :

1° Le château de Loudun, dont le mauvais état lui est indiqué par le capitaine Boisguerin, et dont il reconnaît lui-même le mérite ; seulement, vu la fâcheuse situation de ses finances, et la nécessité peut-être plus urgente de pourvoir à l'entretien de ses troupes avant la consolidation de ses forteresses, il charge le gouvernement de Saumur d'aller visiter ce château[60].

Poissy, qu'il considère en 1591, avant la bataille d'Ivry, comme hors d'état de résister[61].

Saint-Valery, dont l'importance ne lui échappe pas, et qu'il fait réparer aussitôt sa prise, en décembre 1591, à cause de la prochaine entrée du duc de Parme dans le royaume[62].

Noyon et Chauny, dont les fortifications lui tiennent à cœur, par la crainte d'un retour du duc de Parme, quoique ce dernier, après sa retraite par Caudebec, se trouve dans l'impossibilité de faire un retour offensif avant trois mois[63].

Doulens ou Dourlans, comme on écrivait alors, ville forte avec une double citadelle, aujourd'hui délaissée, comme remplacée par les Places sises en avant vers notre frontière du Nord, par Arras, par exemple, mais qu'il estimait un poste indispensable pour la sûreté des villes d'Amiens et d'Abbeville et assise en tel lieu qu'elle incommodait le meilleur pays de ses ennemis plus que nulle autre de cette frontière[64].

Ardres lui paraît une assez bonne place ; elle lui paraît surtout telle, quand nos adversaires occupent Calais, parce qu'elle se trouve alors l'une des plus avancées et pointe de frontière.

Et si Henri IV porte ainsi une attention spéciale, pratique, une attention qui tient du chef de l'armée et de l'ingénieur, vers les forteresses, c'est que les places de guerre offrent deux avantages, celui d'exercer une influence incontestable durant les guerres civiles, l'histoire démontrant que l'emploi des fortifications est alors presque toujours propice[65]. Nous parlons des grandes places et non des châteaux isolés, qui servent, en ce cas, de refuge aux brigands accourant de tous pays afin de vivre des armes ou plutôt du pillage.

La bonne volonté du roi au sujet de la réparation et de l'entretien des forteresses se trouve souvent paralysée par le défaut d'argent ; ainsi en 1591, on lui adresse une demande à ce sujet, il accorde cinq cents écus sur l'un de ses domaines[66].

Au sujet des places maritimes qu'il lui fallut prendre, Henri IV ne se décourageait pas trop, si nous en croyons cette missive au duc de Nevers[67] : Mon cousin, un de mes serviteurs, qui est dans Rouen, et qui est dans la confidence du gouverneur, m'a fait savoir que ce bon garçon-là n'est pas si fort mon ennemi qu'il paraît, et que l'assurance que le duc de Parme lui a donnée d'être bientôt à lui, n'est pas la plus grande joie qu'il ait jamais reçue. Les damoiselles qui font une partie de son conseil ont les mêmes sentiments, et aimeraient bien autant avoir à traiter avec moi qu'avec les Espagnols. Si le duc de Parme eût tardé encore quelque temps à entrer dans mon royaume, je ne doute point qu'il ne se fût fait un grand changement dans cette province-cy. Mais si je bats mes ennemis, tout est à tout, et Villars déchirera de bon cœur l'écharpe de la ligue. Cette espérance fut trois ans avant de se réaliser, mais elle soutint le cœur du roi et de son parti, en leur montrant que l'intérêt résidait seul au fond de l'âme de leurs adversaires.

Antibes, facile à forcer et à surprendre en raison de son état de délabrement, inquiétait Henri IV. Il l'écrit à Sully[68], mais où trouver de l'argent ? La province de Provence a bien levé elle-même deux mille écus, qui ont reçu deux destinations successives : entretenir cinq cents hommes pour venir en aide au roi pendant la guerre avec la Savoie, puis servir à la réparation des fortifications d'Antibes et de Saint-Tropez, mais ils n'ont été payés ; ou bien on les a divertis à d'autres effets, contre la volonté royale, tellement qu'on ne travaille ni dune ville ni à l'autre. Alors intervient le compromis habituel : les habitants d'Antibes offrent de construire un bastion à leurs frais et de s'évertuer à l'achèvement de ladite fortification, si le roi veut les assister, ce qu'il déclare vouloir grandement, car jamais il ne refuse cette sorte d'arrangement. Henri IV charge donc Sully d'entendre les députés de la ville et d'arrêter avec eux quelque chose, le plus favorablement que faire se pourra.

Afin de protéger Marseille, il avait fait construire dans l'île de ce nom, le fort de Ratonneau ; cette menace força le grand-duc de Toscane d'évacuer l'île et le château d'If, dont il s'était emparé au plus fort de nos malheurs et d'où il tenait en bride notre grand port méditerranéen.

Henri IV ne souffrait pas de garnisons dans les maisons particulières, même quand le pays fut entièrement libéré des maux causés par la guerre civile ; à ce sujet, il s'exprime dans des termes aussi formels[69] que ses ordres pour la destruction des maisons fortifiées et des petits châteaux. Mais pour la défense des places fortes, penchait-il vers l'emploi des grosses garnisons ? Nous ne le pensons pas, et croyons qu'il préférait en cette occurrence la qualité à la quantité. Mais, avant de traiter cette question, nous demandons à l'Académie la permission de lui montrer ce pauvre monarque, un roi de France ! réduit à refuser douze hommes pour conserver une petite ville à laquelle il attache de l'importance. Au point de vue historique c'est là une particularité curieuse, et, remarquons-le, le roi ne craint pas de mêler son nom à cette affaire minime ; non-seulement il signe la lettre, mais il justifie son refus d'une façon naturelle, avouant même son embarras, sans la moindre trace de découragement. Il s'agit de Vaucouleurs, cité de Champagne, célèbre dans l'histoire de la Pucelle d'Orléans, bien voisine de notre frontière de ce temps et peu éloignée de Toul. Le gouverneur avait réclamé au mois d'octobre 1596 et demandait à être assisté ; la réponse porte la date du 10 novembre[70]. Vous m'avez mandé le besoin que vous avez d'être secouru de quelques commodités pour entretenir les gens de guerre en ma ville et château de Vaucouleurs et la conserver en mon obéissance ; mais j'ai tant d'autres dépenses sur les bras, et si peu de moyen de fournir à celle-là, qu'il faut ou que je commette la garde de cette place à votre vigilance et à la fidélité des habitants, ou que la dame de Bassompierre, qui jouit du domaine de Vaucouleurs par engagement, contribue aussi à la solde et dépense des douze soldats que vous me mandez qu'il faut entretenir, et y apporter de sa part en argent, ce que le feu sieur de Bassompierre, son mari, y apportait, par son crédit avec les Bourguignons, vous assurant que je ne suis en cela combattu que par l'impuissance, et que je voudrais avoir autant de moyen de fournir à ladite dépense comme j'en ai de bonne volonté. Ma nécessité étant telle qu'il faudrait que je casse les garnisons en plusieurs villes et endroits de ce royaume pour employer les deniers qui en reviendront à l'entretenement de nos armées du côté de la frontière de Picardie. En effet, c'était le temps des préparatifs considérables entrepris en vue du siège d'Amiens, qui eut lieu l'année suivante.

Pendant les longues périodes de guerre civile qu'il eut à traverser, Henri IV s'occupa souvent et avec grand soin[71] de la répartition des garnisons, sa correspondance officielle en fournit la preuve, mais, s'il augmenta ensuite l'une d'elles ou en ajouta[72], ce fut momentanément et par exception. Deux causes en effet le contraignaient continuellement à diminuer ses garnisons et même à, les retirer, le besoin des troupes pour la guerre en rase campagne et la nécessité de réaliser des économies, en faisant cesser leur entretien, et alors on pourvoyait à la sûreté des villes du mieux qu'il était possible, de même qu'on en contenait assez mal les habitants s'ils étaient hostiles[73]. Le roi apportait un correctif à cette situation en se portant, de sa personne, au secours des points les plus menacés, agissant ainsi au jour le jour, dans l'espoir de temps meilleurs.

Une lettre du roi montre comment les garnisons s'acheminaient vers le gros de son armée, quand il fallait combattre ; elle est écrite du camp devant Rouen, le 11 avril 1592, et adressée au duc de Nivernois. Mon cousin, les garnisons de Dreux, Verneuil, Meaux et autres de ces quartiers-là sont passées au huitième (le 8 avril) comme il leur avait été ordonné ; quelques autres ont voulu faire le semblable, mais le voyage que j'ai fait à Gisors et jusques à Meru les a empêchés jusqu'au dixième, quand elles m'ont vu revenir en mon armée ; et le duc de Parme continue, par tous les avis que j'ai les plus certains, de hâter toutes ses forces pour venir lever ce siège : qui me fait vous prier, mon cousin, bien affectionnément, vous tenir tout prêt à advertir toutes vos troupes de faire le semblable, pour partir au premier avis que vous aurez de moi ; vous assurant que je ne vous le donnerai que bien à propos et qu'il n'en soit besoin.

La diminution ou suppression des garnisons, par motif d'économie, n'en est pas moins facile à établir. Le roi écrit le 25 janvier 1590 au duc d'Epernon. J'ai partout de beaucoup diminué les garnisons, destinant le fond qui reviendra de celles de votre gouvernement pour le paiement et le remboursement tant de l'avance que vous avez faite au siège de Villebois, que de la partie de vingt mille écus qui vous est due d'ailleurs, ne voyant autre meilleur moyen d'y pouvoir promptement satisfaire.

Et le roi avait une autre raison de supprimer les garnisons qu'il ne pouvait plus payer, c'est que souvent, désespérant de ne jamais toucher le moindre argent, elles désertaient leurs postes, ce qui produisait le plus mauvais effet ; ainsi voulurent agir, en juin 1590, les quatre compagnies de gens de pied chargées de garder Lisieux[74]. Cette coutume de quitter le lieu de sa garnison quand on ne touchait rien, semble assez admise à cette époque, car Henri IV écrit lui-même : Je vous prie, mon cousin, de pourvoir à l'entretenement de la garnison de Pougy (sur Aube) ; afin qu'ils ne soient contraints, faute de paiement, d'abandonner la dite place, et laisser, en ce faisant, les deniers de la dite recette en proie à chacun[75]. Et pourtant, outre un subside exigé pour l'entretien de l'armée étrangère, outre un impôt relatif aux vaisseaux gardant les côtes de Normandie, outre un impôt spécial pour les fortifications pesant sur les habitants des frontières[76], il existait encore un imp6t pour les garnisons. C'étaient tous des impôts locaux, établis à titre provisoire, mais ce provisoire s'éternisait comme la lutte. Nous retrouvons l'impôt pour l'entretien de la garnison d'abord à Auxonne avec la promesse de décharger les pauvres sujets dès que les moyens et finances le permettront[77] ; puis à Turny, près Saint-Florentin et à Langres ou dans les environs ; il serait facile de suivre sa marche et son accroissement sur le territoire. Cet impôt était loin de suffire, aussi l'on ne payait aux soldats ni les arrérages, ni l'année courante entière. Une lettre du roi, au duc de Montmorency, le dit en termes certains[78] : L'état de vos garnisons a été vu à mon conseil, où il a été trouvé qu'elles étaient un peu traitées trop grassement, puisqu'on leur fait le fond pour le paiement de l'année entière, et outre, que l'on veut payer ce qui leur est dû des arrérages des années passées. Si cela était connu par deçà, il y en aurait beaucoup qui ne plaindraient pas leur voyage pour aller servir de delà, car à la vérité ils ne peuvent pas être ici si bien traités, ni à si haute paye, spécialement la cavalerie. Je ne doute point que vous n'y faites le meilleur ménage que vous pouvez, mais je vous prie de bien considérer la conséquence que les gens de guerre soient mieux apointés en un lieu qu'à un autre.

Les villes devaient encore, indépendamment de ces impôts et de toutes les autres charges, acheter de leurs deniers la poudre de guerre qui leur était nécessaire. Henri IV prenait lui-même la peine de leur indiquer une adresse ; nous pouvons citer à ce sujet un passage curieux de finesse et de bonhomie : Au regard de la poudre — il écrit aux autorités de Compiègne[79], que vous nous demandez, nous ne saurions vous en envoyer pour cette heure. On nous a dit qu'il y en a quantité chez un marchand à Senlis ; envoyez-y promptement et en diligence, car toutes les autres villes de notre royaume ont accoutumé de s'en pourvoir, reconnaissant bien qu'en cela gît une bonne partie de leur conservation.

Les temps, où vit et règne Henri IV, sont de ceux où les troupes remuent souvent la terre ; dans les sièges on ne les ménage pas à ce sujet, et, il s'en présente alors de fort sérieux. En campagne également on ne dédaigne pas de recourir à la pioche pour fortifier les villages et les bois, c'était assez la mode espagnole, les Wallons eux-mêmes aimaient combattre derrière des retranchements[80]. Les Français s'y mettent volontiers, et on le comprend d'autant mieux que les guerres civiles sont riches en coups de mains, en alertes, en actions secrètes de toute espèce, dans lesquelles un abri, même minime, devient précieux, pendant qu'on se cache, et souvent amène le succès, de même qu'un camp bien fortifié[81] garantit inversement des surprises et des enlèvements. Ainsi la fortification passagère joue, au milieu des luttes dont nous parlon3, un rôle accentué, mais nous ne croyons pas que l'on ait eu recours à elle pour couvrir une portion de frontière et interdire le passage à l'ennemi sur un long espace ; ce qui corrobore notre opinion, c'est que, si l'on y avait eu recours, La Noue, dont les discours traitent[82] de la manière de fortifier qui est la moins coûteuse, en aurait certainement parlé.

Il est difficile de fixer, exactement, le budget des fortifications du royaume de France à cette époque. Pourtant, en rapprochant des chiffres, on parvient à comparer les dépenses annuelles ressortissant à cet objet et alors et aujourd'hui. Ainsi en 1609, suivant les recherches de M. Poirson, il fut dépensé, relativement aux travaux sur les frontières, une somme de six cent mille livres, sur un budget que cet écrivain calcule à vingt-deux millions de livres entrant dans les coffres de l'État ; mais, comme la taxe spéciale et municipale pour les fortifications n'y entrait pas, on peut, à notre avis, et par approximation, évaluer cette dépense à près d'un million de livres, en supposant toutefois le montant total du budget enflé également de moitié, soit trente-trois millions de livres, ce qui donnerait ¹/₃₃e du budget des recettes pour la somme consacrée aux forteresses. Évidemment cette proportion est forte, correspond à des nécessités de guerre et comprend des travaux neufs ; car, de nos jours, pendant une période pacifique, en 1862, par exemple, les dépenses des fortifications atteignent à peine en France ¹/₄₆e du budget de la guerre et ¹/₂₃₀e du budget total : il est vrai que depuis Vauban notre système général de frontière est assis, et nos forteresses, après leur construction, ont été entretenues bien mieux que durant les trente-huit années de guerres civiles servant de préface au règne de Henri IV.

Toutefois nous poserons une réserve qui appuiera notre assertion relative à l'importance des effets financiers tentés ; par le vainqueur d'Ivry, en faveur de ses places de guerre ; à savoir que le chiffre de six-cent mille livres trouvé par M. Poirson, et que nous avons cité, nous paraît lui-même faible. En effet, une citadelle, celle de Metz, ou de Turin, coûtait à cette époque près d'un million de francs[83] et Henri IV a construit et achevé les citadelles d'Amiens, de Laon, de Grenoble ; en même temps il faisait travailler à la fois sur toutes les frontières, et il est telle place qu'il améliora sans cesse, en raison de sa situation, Calais par exemple.

Avec quels ingénieurs Henri IV put-il mener à fin les nombreux travaux de fortification entrepris sous son règne ? Suivant M. Poirson, et surtout le travail primitif de M. Augoyat, les ingénieurs italiens fréquemment utilisés pendant nos guerres civiles, et cela des deux côtés, puisque Vergano tué au siège de La Rochelle du côté des royalistes, avait d'abord servi les protestants, ces italiens, disons-nous, auraient complètement disparu pour faire place à des ingénieurs français. Il est certain qu'ils formèrent des élèves ; d'ailleurs, sans leurs leçons, nous avions des compatriotes qui s'étaient formés et élevés au premier rang, et Blaise de Montluc lui- même, quoique monté au rang de maréchal, avait prouvé son génie inventif et audacieux dans les siéger.

Parmi ces ingénieurs français, nous citerons Errard de Bar-le-Duc, Chastillon, Bonnefons, Errard le fils, Errard neveu, Picard, Després et Bartholomeo. Donnons sur chacun d'eux quelques indications :

Errard précède le chevalier de Ville comme écrivain dogmatique sur la fortification[84]. Son traité, La fortification démontrée et réduite en art, date de 1594 ; il s'y montre fort pratique, et avait déjà donné des preuves de cette disposition d'esprit en faisant débuter sa Géométrie par la mesure des distances et des hauteurs, c'est-à-dire par de la trigonométrie. Comme art, on ne peut dire qu'il ait dépassé les ingénieurs italiens : son œuvre principale, le spécimen de son système de fortification, dans lequel les flancs tombent à angle aigu sur la courtine[85], c'est la citadelle d'Amiens.

Ne quittons pas la personnalité d'Errard[86] sans dire qu'il vivait quand un siège était en jeu, soit comme projet, soit comme exécution, dans l'intimité des conseillers du trône et même du monarque ; on aimait à le consulter, à cause de ses talents, à cause également de son caractère. En effet tout en déployant de l'adresse, il savait rester dans la vérité et se garder de la flatterie ; j'en veux, pour seule preuve, la manière élevée dont il dédie à Henri IV ses Eléments d'Euclide[87] : Sire, si au gouvernement du monde, Dieu use toujours de quelque trait de géométrie (comme disait le divin Platon) : c'est bien raison que celui auquel, par une certaine communication de sa puissance en terre, il a commis l'administration du plus beau royaume qui y soit, se montre amateur d'une science dont l'usage se remarque au ciel et que le créateur même de l'univers n'a pas dédaignée, puisque (comme dit le sage) il a créé toutes choses par poids, nombre et mesure. Et certes s'il est plus difficile de mesurer, comme il appartient les choses grandes, la science qui l'apprend est très-nécessaire à ceux que Dieu a élevés au suprême degré de grandeur.

Jean de Châtillon se distingua aux sièges de La Fère, Amiens, Laon et Montmélian, et devint, à la paix, ingénieur en chef des provinces de Champagne et de Brie, et des Évêchés. Malgré le dire de M. Poirson il n'a été ni l'inventeur du pont de bois couvert qui rendit de si grands services au siège de Chartres (1591), ni l'auteur de la Topographie française et par conséquent du plan célèbre qui représente la Place de France projetée pour Paris par Henri IV et exécutée par Richelieu sous le nom de Place Royale ; le pont dont il s'agit-est dû à François de Châtillon, fils de Coligny, et le plan à Claude Chastillon, topographe, appartenant sans doute à la même famille, car il est originaire de Châlons-sur-Marne[88].

Bonnefons et le fils d'Errard périrent jeunes par accident, 1607 ; leur mort excita les regrets de Sully, dont les secrétaires s'avancent un peu trop quand ils déclarent que le jeune Errard n'en sçavoit guères moins que son père.

Le neveu d'Errard publia en 1620, à Paris, une nouvelle édition du grand ouvrage de cet ingénieur sur la science de la fortification, d'après les mémoires ou notes de l'auteur ; par la mort de son cousin, c'est lui qui hérita et profita de la célébrité attaché au nom d'Errard[89].

Picart était contrôleur général des fortifications de Champagne, c'est-à-dire qu'il administrait la gestion des travaux et payait les entrepreneurs, plutôt qu'il ne construisait en réalité, tout en ayant des directeurs des fortifications sous ses ordres. Fait prisonnier en janvier 1591, il fut mis en liberté comme serviteur du roi. Aussi ne faut-il pas le confondre avec Pinart, gouverneur de Château-Thierry, coupable d'avoir laissé, par complicité, le duc de Mayenne prendre cette place[90].

Després, ingénieur employé dans Abbeville et dont un projet pour cette place forte fut en parti adopté par le roi dans les premiers jours de 1597.

Bartholomeo, ingénieur de la province de Champagne, personnage de mérite et fort utile à son service, dit Henri IV, en prescrivant qu'on le paye d'une partie de ses appointements, arriérés pour plusieurs années, règlement de compte à demi qui constituait en ces temps d'appauvrissement général une faveur notable[91].

Pour donner l'impulsion aux ingénieurs, outre les contrôleurs et les directeurs de fortifications, le roi avait Sully, grand-maître de l'artillerie et des fortifications, pourvu de son entière confiance et qui déploya de vrais talents dans cette double branche de la science militaire. Il aimait également que ses gouverneurs de province fissent des tournées sur les frontières et lui en rendissent compte, car c'était le meilleur moyen de montrer combien le gouvernement se tenait au courant et surveillait. Il faut, écrit-il à l'un d'eux, ne rien oublier de ce qui est requis pour la sûreté et conservation des places de frontières, comme je m'assure que vous ferez, et que sur cet avis vous aurez mandé à tous les gouverneurs de se tenir sur leurs gardes, attendant que vous soyez sur ladite frontière, où je vous prie de vous rendre au plus tôt, et mander à tous ceux qui sont destinés pour me servir près de vous de s'y trouver aussitôt[92]. Six jours après, il répète au même : Je vous prie de vous acheminer en ma frontière le plus tôt que vous pourrez[93]. Et à un autre : J'ai été bien aise que vous ayez visité ma frontière[94], car votre présence y aura grandement servi à confirmer un chacun en son devoir[95], et m'attends d'apprendre par vos premières, en quel état vous y aurez trouvé toutes choses, et mesmes que vous avez pourvu à celles qui auront eu besoin de vous, auxquelles vous aurez pu donner ordre[96].

A certains autres moments de son règne, même au XVIIe siècle, c'est-à-dire pendant la plénitude de sa puissance, les lettres de Henri IV révèlent ainsi une attention constante pour les frontières de la France ; cela s'explique à un double point de vue, il avait eu la douleur de les voir entamées et beaucoup de peine à les rétablir, puis, c'est bien là une préoccupation royale, car s'il est un point de ses engagements, tacites ou non, que le monarque doive tenir, assurément c'est en ce qui concerne le territoire national, qu'il lui faut rendre au moins tel qu'il l'a reçu, c'est-à-dire intact, vierge même, s'il est possible, de tout contact agressif, de toute tentative d'invasion.

 

FIN DE L'OPUSCULE

 

 

 



[1] Par exemple, M. Lavallée dans les Frontières de la France, 1864, p. 35 et 36. M. Al. Le Masson s'étend plus sur l'influence de ce monarque dans les Limites de la France (1853).

[2] Nous le ferons surtout au moyen de sa correspondance publiée dans les Documents inédits de l'Histoire de France, par MM. Berger de Xivrey et Guadet, et que l'on possède assez complète puisqu'on y rencontre une lettre à Sully (10 octobre 1608), qu'il recommande à ce dernier de brûler. Il parait que la recommandation brûler cette lettre est un motif pour les garder, car on en possède beaucoup se terminant ainsi, notamment celle de Mignard à Garrigues (Voyez catalogue Fossé Darcosse, n° 744.)

[3] Lettre du 20 mai 1596.

[4] Lettre du 11 juin 1595, dans le t. 1er du Supplément des Lettres missives.

[5] Lettre du 27 juin 1596.

[6] Nous ramenons la citation à l'orthographe actuelle.

[7] Par rapport au temps de Louis XIV et aux temps actuels.

[8] Déjà envoyé dans [ces contrées, pour surveiller l'obéissance promise au Roi, par les commandants de châteaux et autres lieutenants de Biron. Voyez Lettre de Henri IV à M. de Beaumont, 22 juin 1602.

[9] Lettre du 29 juin 1602, t. Ier du Supplément.

[10] Grezin sur le Rhône.

[11] Lettre du 18 juillet 1602. T. 1er du Supplément. — Cette lettre menace les chevau-légers, qui vivent à discrétion sur les peuples, de réduire leur paie de vingt écus à douze. La paie des chevau-légers ne remontait pas très-haut comme un passage des Mémoires de Gaspard de Tavannes (année 1569) en fait foi. Maintenant on entretient les chevaux-légers et on les paie en gendarmes estant une erreur de les qualifier du nom de chevaux-legers, puisqu'ils tiennent la place de gendarmes ; mais aussi la gendarmerie n'estant payée et ne se fiant plus d'estre entretenue en temps de paix, s'en ira de l'armée comme les chevaux-légers qui n'estoient entretenus faisoient. Edition Michaud et Poujoulat, p. 332.

[12] Les gardes françaises.

[13] Lettre du 13 Décembre 1597 dans le tome 1er du Supplément des Lettres missives.

[14] Les autres étaient Dourlens, cruellement saccagée, Le Catelet, La Capelle, Ardres, Cambrai et bientôt Amiens.

[15] Lettre du 12 septembre 1595. Il arriva trop tard pour sauver Cambrai, mais sa présence paralysa les progrès de ses adversaires et il put assurer cette frontière : reportez-vous à ses lettres des 12 et 23 octobre.

[16] Le roi écrivait cette lettre de Lyon, devait repasser par Houdan et Paris pour gagner Cambrai.

[17] Ce fut le mot du général espagnol Hernantello à Philippe II, en lui annonçant la prise d'Amiens.

[18] Ham et Laon avaient entre elles La Fère, et en avant Saint Quentin, où il semble qu'il y eut sous Henri IV quelques fortifications. Ces villes formaient un petit recoin de territoire assez fort.

[19] La branche de gauche partant de Paris, sur Beauvais, Abbeville, Montreuil, Boulogne, Calais ; la branche centrale courant de Paris sur Amiens, puis vers Le Catelet et La Capelle ; la branche de droite allant de Paris à la ville de Ham, puis à celles de La Fère et de Laon.

[20] Poirson, Histoire du règne de Henri IV, t. II, p. 207 (1865).

[21] Aujourd'hui dans la commune de Gouy, canton de Campagne-les Saint-André. Saint-Pol se trouvait dans l'Artois province échue à la reine très-chrétienne, femme de Louis XIV, à la mort de son père Philippe IV, et fut reconnu à la France avec cette province par le Traité des Pyrénées. L'Artois avait déjà appartenu à Philippe-Auguste.

[22] Lettre missive du 6 mai 1605.

[23] Il se nommait Vainet et était septuagénaire.

[24] 31 juillet 1605. — Nous ne conservons pas l'orthographe du temps afin de faciliter la lecture.

[25] Lettre du 17 mars 1606.

[26] Lettre du 17 mars 1606.

[27] Lettre au Connétable du 24 mars 1606.

[28] Lettre à Sully, 24 mars 1606. Ces 4 personnages étaient le roi, Sully, don Jean, et l'ingénieur Errard.

[29] Lettre du 5 avril 1606, de Donchery.

[30] Histoire du règne de Henri IV, 3e édition, t. III, p. 668.

[31] Rocroy fut bâtie comme place de guerre, en 1547, suivant Leman de la Jaisse. Plans des principales places de guerre, in-12, 1736, p. 73.

[32] Lettre du 17 août 1596, dans le Supplément.

[33] Lettre du 17 juillet 1596, dans le Supplément.

[34] Lettre du 25 avril 1609, analysée à la fin du t. VII. La trêve en question date du 9 avril.

[35] Lettre au Connétable (14 avril 1603).

[36] Cette lettre est seulement analysée à la fin du t. VI des Lettres missives ; on la trouve citée dans son entier, à la p. 161 de la Correspondance de Henri IV avec Maurice le savant, publié en 1840, par M. de Rommel.

[37] Conclu quand Charles IX et Catherine de Médicis passèrent par la Lorraine, au début du grand voyage que la reine mère fit accomplir à son fils, dans toute la France, pendant les années 1564 et 1565.

[38] Lettres missives, 21 et 22 octobre 1609.

[39] Alors fortifiée.

[40] Metz et Verdun réunis formaient un des sept petits gouvernements militaires de l'ancienne monarchie.

[41] Plus d'un dictionnaire de géographie, place également Thionville en Lorraine (par exemple celui de Masselin, 1844), mais cela veut dire ayant fait partie de la province française de Lorraine, telle qu'elle était constituée avant 1789. P. Duval, dans ses Acquisitions de la France, 1679, ne s'y trompe pas et place bien Thionville et Montmédy dans le duché de Luxembourg.

[42] Le Bas-Médy a été construit depuis 1659, date de ce traité, au pied du Mont-Médy.

[43] Les Tragiques, début du livre Ier, p. 38 de l'édition publiée, par M. Lud. Lalanne, dans la bibliothèque elzévirienne de Jannet, 1857.

[44] Lettres analysées des 16 mai 1602 et 24 janvier 1603, à la ville de Rennes, puis à son Sénéchal, t. V et VI des lettres missives.

[45] Lettre du 8 décembre 1594. Consultez aussi celles des 15 et 28 novembre.

[46] Lettre du 11 août 1606.

[47] Lettres du 11 avril 1607, l'une à la comtesse, l'autre au comte de Montgommery.

[48] Cinquième lettre d'avril 1607. Madame de Montgommery étai mariée en secondes noces.

[49] Lettres au connétable, 1er et 2e lettre vers le mois de juin 1607.

[50] Elle était sexagénaire et malade.

[51] En décembre 1603 ; cette démolition coûta douze mille livres.

[52] Lettres des 13 juillet, 8 et 10 septembre 1605.

[53] Lettre missive du 16 déc. 1589.

[54] Exemple : Lettre du 7 septembre 1592. — A fortiori si un bâtiment gênait le feu d'un fort nouveau, il le faisait raser, comme l'église du prieuré de Gourmay ; lettre du 13 octobre 1592. Le caractère de forteresse était aussi enlevé à un château en comblant ses fossés, comme le duc de Nivernois voulait le faire à celui de la Maison-Fort. Lettre missive du 20 juillet 1593.

[55] Maillezais dans la presqu'île formée par la Sèvre-Niortaise et l'Autise. On ne trouve plus de trace de Doignon.

[56] Mémoires de d'Aubigné. Suivant le possesseur Maillezais devait toujours coûter un bon siège royal et le Doignon plus être assiégé que la Rochelle à être prise. Vantait-il sa marchandise ? Il est vrai qu'il met cette opinion honorable sur le compte de M. de Villeroy.

[57] Histoire des refugiés protestants, par Weiss, t. I, p. 9.

[58] Lettre du 8 mars 1589. — Observation analogue pour le château et port de Badefol, sur la Dordogne (lettre du 17 novembre), mais il se borne à les faire solidement occuper.

[59] Lettre missive du 31 décembre 1594, dans le tome 1er du supplément.

[60] Lettre du 14 août 1589.

[61] Lettre à Rosny (Sully), 11 mars 1590.

[62] Lettres des 17 et 18 décembre 1591.

[63] Lettres des 12 et 16 septembre 1592. — Le duc de Parme mourut bientôt des suites d'une blessure reçue pendant sa campagne de France.

[64] Lettre du 9 octobre 1597. — Le roi avait déjà recommandé de faire travailler aux fortifications des ville et château de Ham, assez rapprochées d'Amiens pour influer sur la conservation de cette dernière cité (lettre du 3 avril 1597.)

[65] C'est l'avis particulier du colonel du génie Vanvilliers dans ses Recherches historiques sur le rôle de la fortification, 1845, p. 84, livre intéressant, quoique l'histoire s'y plie aux vues constantes d'une thèse exagérée (l'auteur prétend par exemple, p. 88, qu'il n'est jamais de hasard d la guerre).

[66] Le domaine de Monzon ; cet argent est accordé au sieur de Possé ; lettre du 27 juin.

[67] Du 18 décembre 1591, de Dernetal.

[68] Lettre du 24 mai 1601.

[69] Reportez-vous à sa lettre à M. de Bourdeille, 17 janvier 1595.

[70] A Monsieur François Chevallier, seigneur de Malpierre, gouverneur de Vaucouleurs, dans le tome 1er du Supplément aux lettres missives, publié par M. Guadet, p. 621.

[71] L'état général des garnisons n'est pas encore résolu. Lettre au duc de Montmorency, 29 août 1591.

[72] Je vous renvoie le rôle des garnisons qui doivent être entretenues en Guyenne, suivant votre mémoire, où que j'en ai seulement ajouté deux ou trois, afin de ne mécontenter personne. Lettre au maréchal de Matignon, 20 juillet 1590.

[73] Lettre du 22 avril 1592.

[74] Lettre du 21 juin 1590.

[75] Lettre au duc de Nevers, 25 avril 1593.

[76] Les dépenses pour les fortifications incombaient alors, partie à l'État, partie aux villes.

[77] Lettre du 25 septembre 1589.

[78] Lettre du 7 mai 1592.

[79] Le 4 mars 1594.

[80] Lettre du 5 mai 1592.

[81] Je les attends à un camp que je fortifie. Henri IV à Madame de Gramont (9 septembre 1589).

[82] 4e paradoxe.

[83] Discours de La Noue (4e paradoxe).

[84] De Ville a de plus écrit un traité De la charge des gouverneurs de place, qui contient les principes de l'attaque et de la défense des places : cet ingénieur ne fut employé en France qu'à partir de 1636.

[85] Son successeur en France comme théoricien, le comte de Pagan, celui qui a également écrit sur La rivière de l'Amazone (1655) et sur l'Astrologie naturelle (1659), fait tomber son flanc à angle droit sur la courtine, ce qui constitue un progrès, et en général établit toutes ses règles sur les angles flanquants, laissant à l'aventure les angles flanqués selon la forme des polygones. P. 5. de l'édition in-32 de ses Fortifications, 1674.

[86] Errard a joui de son vivant d'une considération méritée : ainsi Henrion dans ses Mémoires mathématiques, in-12, 1623, termine par une explication de la construction des forteresses d'après Monsieur (Sic) Errard. Je possède l'exemplaire de ces Mémoires acheté en 1648 de Madame veuve Henrion, moyennant deux écus d'argent, par Cousinot, le fils du fameux médecin sans doute, médecin lui-même, portant le nom de Jacques, exemplaire ayant depuis passé au couvent des Capucins de Saint-Jacques. Ce volume in-12, recouvert en parchemin, comporte 438 pages, il renferme de nombreuses figures et une table des Sinus.

[87] Les neuf premiers livres des éléments d'Euclide, traduits et commentés par Errard, de Bar-le-Duc, dédiés à Sa Majesté, in-12. Paris, chez Avvray, 1605.

[88] Ces rectifications sont dues au colonel Augoyat, dans sa Notice sur les Chastillon, travail fort exact, inséré au Spectateur militaire en août 1856. M. Poirson n'en avait pas eu connaissance, car sa première édition date de cette même année.

[89] Il existait un médecin de la reine de ce nom : Henri IV consulte Sully sur une grâce qu'il demande ; lettre du 27 août 1601. Et un autre Errard, maitre des requêtes, que le roi envoie en négociation près de la reine Marguerite, à Usson, en vue déjà du projet de rompre leur mariage, en 1593 ; voyez sa lettre missive datée par M. Berger de Xivrey, de vers septembre 1593 et aussi celle du 27 décembre de la même année. Enfin deux peintres nantais du nom d'Errard existent sous Louis XIII ; M. de Chennevières en parle au t. III de ses Peintres provinciaux.

[90] Lettres de Henri IV, 6 janvier et 17 septembre 1591. Tessier et Alfanty n'étaient que des capitaines (probablement d'artillerie) très-au courant de l'emploi du pétard ; lettre du 5 octobre.

[91] Lettre du roi au connétable, 26 juin 1597, Henri IV ordonne de donner quelque argent à cet ingénieur afin qu'il ait moyen de continuer le service qu'il m'a toujours fait.

[92] Lettre du 4 mars 1598.

[93] Lettres des 10 et 13 mars 1598.

[94] La même phrase se trouve à peu près dans la lettre du 15 mars 1598.

[95] Je m'attendois que votre présence en ma frontière rassurerait un chacun. Lettre du 1er avril 1598.

[96] Lettre du 28 mai 1601.