ESSAI SUR LE CARACTÈRE D'HANNIBAL

 

PAR ÉDOUARD DE LA BARRE DUPARCQ

PARIS - CH. TANERA - 1870

 

 

Hannibal[1] descend dans la plaine de Turin vers la fin de l'année 218 avant notre ère.

A cette nouvelle, le consul Publius Scipion s'étonne de cette belle traversée des Alpes, et Rome s'épouvante pour la première fois[2]. Diverses mesures sont prises par suite de la consternation générale : on rappelle de Lylibée l'armée de Tibérius, on porte les légions à 5.000 hommes au lieu de 4.000, on en lève huit au lieu de quatre, on forme de ces huit légions une seule armée.

Quel âge avait donc Hannibal pour effrayer ainsi les Romains ? vingt-cinq ans. Il amenait sans doute une armée considérable ? 26.000 hommes seulement[3], 23.000 même suivant quelques auteurs, et ses soldats se trouvaient si changés par fuite de leurs fatigues qu'on les aurait pris, dit Polybe[4], pour une troupe de sauvages. Alors il se trouvait soutenu par une patrie puissante, rapprochée ? Carthage, située à 800 kilomètres de Rome, était plus animée de l'esprit de commerce que de l'esprit de conquête, elle songeait peu à le féconder, et au lieu de le jeter en Italie au moyen d'une flotte[5], elle lui avait laissé (quelle marque de désapprobation !) improviser son expédition, franchir 1.600 kilomètres, escalader les Alpes ; il est vrai qu'elle ne perdait guère à cela que 36.000 hommes[6]. Au moins Hannibal était un homme vigoureux, plus fort que les intempéries, à l'abri des misères de notre vie maladive ! il venait justement de perdre un œil fous l'influence délétère des marais qu'il avait été forcé de traverser[7].

Ainsi voilà un jeune homme à la tête de 26.000 combattants seulement, sûr d'être abandonné à lui-même, de ne pas recevoir un renfort, déjà borgne et gêné comme général par cette infirmité[8], le voilà qui, dans des conditions peu redoutables, fait trembler Rome[9]. Et ce n'est pas Rome à son début, c'est Rome dans l'âge mûr, Rome comptant plus de 260.000[10] habitants et déjà maîtresse de toute l'Italie !

Qui nous le représente ainsi ? La plume d'un parent, d'un ami ? non une plume romaine, celle du commensal des Scipions, celle de Polybe. Telle est la condition d'Hannibal auprès de la postérité : il paraît devant elle sans un trait dû à un compatriote, et dans cette situation il ressort avec un magique relief. Quelle grandeur morale ! et de quel caractère devait être animé cet homme pour avoir marqué ainsi l'empreinte de son passage sur la terre.

Cette grandeur, ce caractère, signes de sa puissante personnalité, se conservent-ils entiers chez lui, en dépit des revirements de la fortune, en dépit des glaces de l'âge ? Oui, cet homme ne se dément pas ; deux faits vont le montrer.

Pendant le siège de Capoue par les Romains, après la bataille de Cannes, Hannibal, on le fait, les quitte, dérobe sa marche, traverse le pays des Samnites à grandes journées, approche de l'Arno, franchit cette rivière sans être aperçu et vient camper à quarante stades de Rome. Dès qu'on le fait dans cette ville, la surprise, la terreur deviennent extrêmes : chacun croit toujours au jour où cette grande guerre va se décider[11]. Le général carthaginois reste plus calme. Que son dessein ait été d'opérer une diversion et de forcer Appius à lever le siège de Capoue, ou qu'il voulût tenter d'entrer dans Rome par surprise, le but était grand et très-important pour lui. Il ne s'en émeut pas et observe. Tout d'un coup, la fortune romaine veut qu'une légion de nouvelle levée arrive et campe à proximité. Cette circonstance, la déposition d'un déserteur, d'autres motifs que nous ignorons[12], changent les projets d'Hannibal et il renonce à son coup de main[13]. Il passe ainsi en peu d'instants de l'espoir le plus flatteur pour son ambition à une situation voisine d'un échec, ou du moins son mouvement, sa pointe, deviennent inutiles, compromettants même. Nonobstant il demeure impassible, et toutes les pulsations de son cœur font employées à tirer ses troupes du pas où elles font, à ramasser des provisions, à étudier encore le pays et ses adversaires. Se maîtriser à ce point, ne se laisser aller à aucune faute, même fous le poids d'un désenchantement, quelle sublime confiance chez l'être le plus variable, chez l'homme !

A la fin de son séjour en Italie, Carthage aux abois le rappelle. Il foule depuis dix-sept ans le territoire romain, grâce aux ressources de son inépuisable génie, il peut encore s'y maintenir, car, certes, ce ne font pas les Romains qui l'en expulsent[14], il désire même continuer la lutte sur le théâtre de ses exploits. Pourtant il obéit, de son propre mouvement, parce qu'il fait se vaincre[15] assez pour le vouloir : il obéit, donnant un grand exemple, celui de faire céder à la voix de la patrie sa manière de voir, sa renommée, tout, jusqu'à ses espérances. Parmi les grands hommes, combien peu l'ont imité !

Ainsi, par l'effet que produit son apparition chez les Romains[16], par son admirable sang-froid, par le sacrifice du rôle qu'il s'était créé en Italie, Hannibal, a priori, apparaît au-dessus des autres hommes : il intéresse par ces seuls côtés de son individualité, et dans le naufrage de la nationalité carthaginoise, n'eût-il surnagé que ces détails de sa biographie, il relierait grand sans conteste.

L'histoire heureusement rapporte de lui, de ses actions, d'autres faits, d'autres détails : cherchons à les grouper et à en déduire une portraiture plus accusée, plus complète.

Hannibal est un général de premier ordre[17] : sa réputation est telle fous ce rapport que sa défiante patrie accepte la guerre parce qu'elle a foi dans ses talents[18]. Ses campagnes, ses étonnants succès[19], le proclament encore mieux. En cinq mois et demi[20], il accomplit la marche qui le porte de Carthagène dans les plaines du Pô, et ouvre ainsi au monde occidental la route de l'Italie, sans que la diminution de son armée ralentisse en rien son audace ; nous savons ce résultat par une inscription qu'il fit graver sur une colonne près du promontoire Lacinium et que les historiens mentionnent[21] ; cette marche, dont le parcours ne peut être déterminé avec précision que jusqu'au Rhône, a été louée par tous les militaires, et surtout par Napoléon qui a écrit : Aucun plan plus vaste, plus étendu n'a été exécuté par les hommes ; l'expédition d'Alexandre fut bien moins hardie, bien plus facile ; elle avait bien plus de chances de succès[22]. Quelle stratégie aussi à la fin de son séjour en Italie, alors que, réduit à une poignée d'hommes, il manœuvre au milieu d'armées nombreuses, entre Tarente et Capoue, sans se laisser entamer, et veillant, pendant ces marches et contremarches que les Romains prennent pour de l'inaction et nomment de l'impuissance, à l'exécution d'un vaste plan, celui de soulever et la Sicile et la Macédoine contre cette Rome qu'il hait, qu'il combat, contre cette Rome qui lui prendra son génie et sa vie ! Avec quelle prestesse il échappe encore aux Romains après cette apparition fous les murs de Rome, dont nous parlions tout à l'heure, comme il se joue des poursuites tentées par les légions envoyées contre lui, repassant le Samnium, franchissant la Daunie et la Lucanie[23] ! S'il se montre excellent stratégicien par ses marches et surtout par cette marche d'invasion, l'une des plus belles que présente l'histoire[24], et dont la célérité mit à néant le plan de défense du sénat romain, il se dévoile tacticien habile par ses manœuvres : au passage du Rhône, outre son attaque directe, il exécute une manœuvre tournante au moyen d'un détachement qui va traverser le fleuve en amont[25] du point d'attaque, fond sur les ennemis et met le feu à leur camp ; dans la journée de Cannes, il prend des ordres de bataille, tantôt convexes, tantôt concaves[26], et enserre la lourde[27] infanterie romaine comme dans un étau[28]. N'oublions pas de dire au sujet des talents d'Hannibal en stratégie et en tactique, que leur proclamation est assez contraire à l'appréciation que les écrivains romains font de sa puissante individualité, mais qu'ils font incontestables par les résultats[29] ; le colonel Carrion-Nisas, relativement à un passage où Polybe affirme que le héros carthaginois a plus vaincu par ses ruses et par sa dextérité que par sa façon de s'armer et de se ranger, ne craint pas d'exprimer ainsi sa pensée : Ici l'on voit l'écrivain qui écrit à Rome, et qui veut plaire aux Romains ; il ôte, autant qu'il le peut, sans faire tort à son jugement, la gloire tactique et stratégique à Hannibal, pour la réduire à celle de la politique et de la ruse, si voisines de la perfidie et de la fourberie dont les Romains étaient convenus de former le fond du caractère d'Hannibal[30].

Ainsi, Hannibal a pratiqué à grande échelle la stratégie et la tactique : fous ce rapport il marche de pair avec Alexandre et César, et il a lutté contre des adversaires plus rudes que ceux d'Alexandre, aussi rudes que ceux de César.

Continuons l'examen de ses qualités guerrières.

Sans doute ce chef aux grands moyens négligera les tentatives secondaires : non, il y recourt, il y excelle, et on le trouve tellement naturel dans leur emploi que l'on se demande s'il n'a pas débuté dans la carrière comme officier particulier, au lieu de commencer par le commandement d'une armée. Citons de ces tentatives. A la bataille de la Trébie, il cache dans le ravin profond où coule la Trébie[31] qui sépare les deux armées, il cache, disons-nous, 1.000 fantassins et 1.000 cavaliers numides, et quand les Romains provoqués à dessein traversent la rivière et que la bataille est engagée, cette embuscade fort vivement et prend en queue les légions du centre[32]. Je dis cette embuscade et j'ai tort : c'est mieux, une véritable réserve placée sur son flanc, et qui rappelle involontairement la belle et prudente manœuvre réalisée quinze siècles plus tard à la bataille de Tagliacozzo, par le chevalier français de Valéry.

Ce n'est pas que la ruse lui déplaise, qu'il la néglige. Des plus grandes conceptions il paffe aux détails vulgaires, et les traite avec une souplesse si ingénieuse, avec un talent tellement hors ligne, qu'il les élève par sa supériorité et les rend dignes de l'attention de la postérité. Prenons pour exemple la ruse des bœufs. Il s'agissait de sortir du territoire de Falerne où Fabius l'avait acculé en s'emparant du défilé par où il devait passer, lui, ses troupes, et le butin fait par elles dans la Campanie. Il fait appeler Hasdrubal, qui avait à ses ordres les pionniers de l'armée, raconte Polybe[33], au récit duquel nous n'ajouterons pas un mot ; il lui ordonne de ramasser le plus qu'il pourrait de morceaux de bois sec et d'autres matières combustibles, de les lier en faisceaux, d'en faire des torches, de choisir dans tout le butin environ 2.000 des plus forts bœufs, et de les conduire à la tête du camp. Cela fait, il dit à cette troupe de manger et de se reposer.

Vers la troisième veille de la nuit, il fait sortir du camp les pionniers, et leur ordonne d'attacher les torches aux cornes des bœufs, de les allumer, et de pouffer ces animaux à grands coups jusqu'au sommet d'une montagne qu'il leur montre, et qui s'élevait entre son camp et les défilés où il devait passer. A la fuite des pionniers, il fait marcher les soldats armés à la légère pour leur aider à presser les bœufs, avec ordre, quand ces animaux feraient en train de courir, de se répandre à droite et à gauche, de gagner les hauteurs avec grand bruit, de s'emparer du sommet de la montagne, et de charger les ennemis en cas qu'ils les y rencontrassent. En même temps il s'avance vers les défilés, ayant à son avant-garde l'infanterie pesamment chargée, et au centre la cavalerie suivie du butin, et à l'arrière-garde les Espagnols et les Gaulois. A la lueur de ces torches, les Romains qui gardaient les défilés croient qu'Hannibal prend sa route vers les hauteurs, quittent leurs polies et courent pour le prévenir. Arrivés proche des bœufs, ils ne savent que penser de cette manœuvre, ils se forment du péril où ils font une idée terrible[34], et attendent de là quelque événement sinistre. Sur la hauteur, il se produit quelques escarmouches entre les Carthaginois et les Romains ; mais les bœufs, se jetant entre les uns et les autres, les empêchent de se joindre, et en attendant le jour on se tient de part et d'autre en repos. Fabius fut surpris de cet événement. Soupçonnant qu'il y avait là quelque ruse de guerre, il ne bougea point de ses retranchements, et attendit le jour, sans se départir de la résolution qu'il avait prise de ne point s'engager dans une action générale. Cependant, Hannibal profite de son stratagème. La garde des défilés n'a pas plutôt quitté son poste, qu'il les fait traverser à son armée et au butin ; tout paffe sans le moindre obstacle.

Le côté ingénieux de l'esprit d'Hannibal s'appliquait également au perfectionnement de l'immense matériel qui fuit et encombre une armée. Au passage du Rhône, ses éléphants se raidissent à la vue de l'eau et refusent d'y entrer ; aussitôt, par ses ordres, on joint des radeaux deux à deux, on en recouvre quelques-uns de terre et de gazon, afin de rendre le pont volant qu'ils forment entièrement semblable au chemin traversé par ces animaux pour en approcher ; à peine, trompés par cette route factice, les éléphants font-ils venus sur les radeaux, qu'on détache ces radeaux, qu'on les entraîne au grand étonnement des éléphants qui, inquiets, remuent d'abord, puis finissent par rester en place, regardant l'eau avec frayeur[35].

Et sa perspicacité morale ? toutes ses actions en témoignent. Comme il attire Sempronius avant la bataille de la Trébie, au moyen de ses cavaliers numides si prestes, mais en faible nombre, afin de lui faire croire à une occasion favorable ; comme il fait lui ménager de petits avantages pour l'encourager dans sa démarche, dans son mouvement en avant ; comme il le provoque ensuite par des escarmouches pour l'y faire persister ! — Avant la journée de Trasimène, avec quel art il irrite par ses dévastations le consul Flaminius, dont il vient d'étudier minutieusement et par un admirable instinct philosophique le caractère[36], la violence, le peu de portée ; et quand ce dernier approche, courroucé d'un tel outrage, peiné d'une telle ruine, comme il réduit tout en cendres au lieu de se borner à de amples dévastations. — Il joue un rôle semblable, vis-à-vis de Varron, la veille de la bataille de Cannes : les soldats de ce consul venant chercher de l'eau à l'Aufide, il envoie sa cavalerie pour les en empêcher, ce qui pique le chef romain jusqu'au vif, et le porte le lendemain même, jour où il avait le commandement, à faire ressortir à la fois les troupes des deux camps romains et à livrer cette sanglante bataille où il essuya la plus terrible défaite.

Quelle adresse le général carthaginois déploie dans les moindres choses ! Il dresse ses plans sur des reconnaissances, auxquelles on n'attachait pas alors la même importance que de nos jours, souvent il les exécute en personne et longtemps à l'avance[37] ; c'est son habitude quand il s'agit de livrer bataille, et qu'on s'étonne ensuite de ses succès dans ces grandes journées où il opère sur un terrain qui lui est devenu aussi familier que celui où il a passé les joyeuses heures de son enfance. S'il tend une embuscade, il ne se fie qu'à lui pour tirer parti des circonstances locales, et emploie une nuit entière, au besoin, à cette opération préparatoire[38]. Dès qu'il a ramassé suffisamment de dépouilles dans ses victoires, il arme son infanterie africaine à la romaine, rendant ainsi hommage à l'excellent armement de ses adversaires, et montrant qu'il ne nourrit aucun préjugé, qu'il comprend combien l'art militaire doit plier ses règles, ses moyens, au pays dans lequel il s'exerce, qu'il doit être universel et non exclusif. Ses troupes se découragent-elles, il s'en occupe, leur fait distribuer amplement de quoi se refaire, puis leur explique une partie[39] de ses projets[40], attire leur attention sur les avantages du terrain où elles vont combattre. Carthaginois, leur demanda-t-il avant la bataille de Cannes, dites-moi, si les dieux vous donnaient le choix, ce que vous pourriez souhaiter de plus avantageux, supérieurs en cavalerie comme vous l'êtes, que de disputer l'empire du monde dans un pareil terrain[41] ; cette simplicité et cette logique valent le plus beau mouvement oratoire[42].

Les ordres d'Hannibal étaient souvent minutieux[43], il exigeait beaucoup des siens, et pourtant les soldats l'aimaient ; ils l'aimaient au point que jamais l'un d'eux, malgré leur origine diverse, ne chercha à le trahir, ce qui arrache un cri d'admiration à Polybe[44] ; ils l'aimaient et se considéraient comme rivés à sa personne, à ses entreprises[45]. Il faut, sans doute, attribuer ce résultat à l'influence exercée par la supériorité de ce chef sur l'esprit peu cultivé de ses guerriers, mais il faut aussi en conclure l'existence chez lui de deux qualités morales qui ne nuisent jamais à un général, la fidélité aux engagements et la sympathie[46]. Aurait-il conservé aussi longtemps ses alliés, que la feule fortune de Rome lui arracha, si sa personne et ses allures leur avaient été antipathiques, s'il avait agi déloyalement dans ses relations avec eux[47].

Une objection m'arrête, je le sens, à propos de la loyauté que j'attribue au grand Hannibal[48] : Et la foi punique ! me dit-on, vous l'oubliez. Je l'oublie si peu que j'ai cherché si l'exact Polybe, plus réservé, plus véridique[49] que d'autres historiens romains, en parlait avec colère et fiel. Hélas, cet écrivain lui-même ne semble guère s'être tenu en garde contre le ferment que soulèvent en nous, souvent à notre insu, les passions du moment. Il dit à propos des soi-disants déguisements[50] que revêtait Hannibal à son entrée en Italie pour se dérober aux attentats contre sa vie[51] : Dans ce même quartier d'hiver, il s'avisa d'un stratagème vraiment carthaginois[52]. Puis, parlant des fuites de la bataille de Trasimène, il représente le général ennemi accablant les Romains d'injures et d'opprobres en présence des prisonniers qu'on lui amène[53]. Ces deux narrations suffiraient pour mettre en garde contre les insinuations de Polybe. Assurément Hannibal avait une propension à la ruse, nous l'avons dit, et il a cherché à tromper les Romains, comme on trompe ses adversaires pour les abattre et pour les vaincre ; assurément aussi les Carthaginois ont pu mettre parfois de la mauvaise foi dans les négociations ; leur génie oriental, leurs malheurs, ont pu les pouffer à le faire, et d'ailleurs, quand l'antagonisme devient aussi prononcé qu'entre eux et les Romains, il arrive un moment d'acrimonie où chacun se jette à la tête ce reproche de mauvaise foi[54]. Mais la foi punique mise en relief à chaque instant, sans cesse imposée aux Carthaginois, à leurs gouvernants, à leurs généraux, comme une tache originelle, indélébile, comme une monstruosité qui justifie la poursuite acharnée de Rome et leur disparition du globe, cette foi punique, osons le dire, c'est la foi des vaincus, qui ne font plus dignes de rien, ni d'estime ni même de pitié, dès que le glaive les a condamnés, qui ont pour fort unique, sans appel, d'être voués au malheur[55]. Les Romains les en drapent comme d'un voile funèbre, espérant bien que sous ce crêpe prémédité, ils ne sortiront jamais de l'oubli, ils ne se réveilleront jamais pour venir leur disputer l'empire du monde. C'est ainsi qu'un peuple marche à l'accomplissement de ses dessinées, j'y consens : la cruauté, même vis-à-vis les morts, lui sert de moyen — et en présence de cette cruauté systématique il me fera permis de passer sous silence les traits cruels[56] commis par Hannibal[57] — ; mais combien je préfère Alexandre le Grand, vainqueur, lui aussi, et vainqueur omnipotent, mandant Porus et lui disant : Comment faut-il que je te traite ?[58]

Parmi les qualités morales du héros carthaginois, nous citerons la prudence et l'énergie, rarement réunies, mais qui font merveille quand le même homme en en doué et les pratique.

Dès ses débuts sur la scène, Hannibal joue de prudence. Avant de déclarer guerre ouverte aux Romains, il s'attache à devenir paisible possesseur de l'Espagne[59] ; avant d'aller en Italie, il pourvoit à la sûreté de l'Afrique et de l'Espagne[60] ; il renvoie même volontairement dans ce dernier pays, au passage des Pyrénées, 10.000 Espagnols dont une partie ne le suivait qu'à regret dans sa grande expédition contre Rome. Il se retire devant l'ennemi et se réduit à la défensive, quand sa défaite lui paraît probable en bataille rangée[61]. Même au milieu d'un combat, après un échec, lui que l'on représente, comme emporté et colère[62], il fait arrêter les siens[63], et renonce à une action générale, si cette action ne convient pas à sa situation, à ses desseins ; c'est ce qui lui arrive au combat de cavalerie contre Sempronius, pendant que Publius Scipion souffre d'une blessure, un peu antérieurement à la bataille de la Trébie[64]. Rarement aussi il affronte des troupes fraîches, lorsque les siennes font déjà fatiguées[65], et chacun fait combien de fois, après ses victoires[66], il renonça prudemment aux avantages que semblait lui promettre une marche rapide sur Rome. A ces faits nous ajouterons un témoignage irrécusable sur le passage des Alpes : Hannibal, dit Polybe[67], conduisit cette grande affaire avec beaucoup de prudence. Il s'était informé exactement de la nature et de la situation des lieux où il s'était proposé d'aller ; il savait que les peuples où il devait passer n'attendaient que l'occasion de se révolter contre les Romains ; enfin, pour n'avoir rien à craindre de la difficulté des chemins, il s'y faisait conduire par des gens du pays, qui s'offraient d'autant plus volontiers pour guides, qu'ils avaient les mêmes intérêts et les mêmes espérances. Je parle avec assurance de toutes ces choses, parce que je les ai apprises de témoins contemporains, et que je fuis allé moi-même dans les Alpes pour en prendre une exacte connaissance.

Si le passage des Alpes montre la prudence d'Hannibal, il prouve encore mieux son indomptable énergie. Qui ne se rappelle le tableau saisissant tracé par le pinceau nerveux de Tite-Live ? Ce fut, rapporte cet écrivain, une lutte terrible et contre la glace où l'on ne pouvait assurer ses pas, et contre la pente rapide où le pied manquait à chaque infant. Lorsque les soldats s'étaient relevés à l'aide de leurs mains et de leurs genoux, ces appuis venant à les trahir, ils tombaient de nouveau, n'y ayant nulle part ni troncs ni racines auxquels ils pussent s'accrocher des pieds ou des mains ; ils ne pouvaient que rouler sur la glace unie et sur la neige fondue. Et plus loin : Il fallut beaucoup de peine pour déblayer le sommet de la montagne, à cause de la neige à enlever, de la roche à tailler, des arbres énormes à abattre[68]. Quel homme encouragea les soldats carthaginois dans cette lutte suprême contre, la nature ? qui les y fit réussir ? Hannibal, ce chef que nulle difficulté ne rebutait.

Les qualités morales que nous venons de signaler chez Hannibal ne font pas des qualités privées : elles s'exercent au grand jour pour le profit de tous, comme il convient chez un homme supérieur. Elles nous amènent donc à parler de ses qualités d'homme public, influent : parmi ces dernières, nous relèverons son aptitude pour la politique et ses tendances patriotiques.

Dans sa marche d'Espagne en Italie, il s'attache à se concilier l'amitié[69] des nations dont il traverse le territoire, au point qu'aucune d'elles ne l'attaque, ne contrarie même ses desseins ; une fois en Italie, il traite avec douceur les peuples alliés de Rome, leur rend leurs prisonniers, s'annonce à eux comme leur libérateur[70].

Voilà, ou je me trompe, de la faine politique. Le héros carthaginois obtient ainsi des résultats immenses, car en s'unissant à lui les peuples d'Italie, comme l'a justement remarqué le général Frédéric-Guillaume, dans l'avant-propos de son Histoire des campagnes d'Hannibal, les peuples d'Italie semblaient oublier que les Romains étaient leurs compatriotes, et que leur chute les entraînait fous un joug étranger. Cependant, ajoute-t-il, les Bruttiens, les Lucaniens, les Tarentins, les Salentins, les Apuliens, les Samnites, presque toute la Campanie et le Picenum lui fournirent des secours ; les Capouans, ces fidèles alliés des Romains, en devinrent les plus cruels ennemis ; l'Étrurie balança, et, ce qu'on n'avait jamais vu, douze des trente colonies romaines gardèrent pendant une partie de la guerre une coupable neutralité. En rentrant dans Carthage, Hannibal prouva encore mieux son instinct politique par les alliances qu'il ménagea à sa patrie.

Hannibal fut mis en avant par la faction d'Hannon et il devint, chez les Carthaginois, le chef du parti démocratique. Qu'il ait employé à se concilier des partisans et des suffrages les dépouilles des vaincus et l'argent amassé à la guerre, principalement le butin conquis sur Sagonte, au prélude de sa carrière, comme l'indique Polybe[71], il n'est pas permis d'en douter ; l'habitude du trafic et du commerce devait rendre ses concitoyens plus faciles à gagner, et un chef ambitieux (il l'était) cède volontiers à la tentation que lui offre cette facilité trop commune ; toutefois est-ce bien aux enfants de Rome, cette ville à vendre[72], à reprocher l'emploi de ce moyen au héros Carthaginois ? Ce qu'il y a de certain, c'est qu'Hannibal ne capte pas la popularité pour en tirer bénéfice ; jamais il n'a songé à se créer chef de Carthage pour y vivre tranquillement, à son gré, de la façon commode et joyeuse que Cinéas recommande à Pyrrhus ; jamais non plus, en Europe, il n'a pensé à se faire prince d'un petit État et à y couler heureusement ses jours. Quand il veut avoir de l'influence sur les siens, c'est dans des vues patriotiques, désintéressées : tel il se montre en Italie, tel il se montre encore à son retour en Afrique, après une absence de trente-six années[73], bien faite pour le changer.

En effet, tant qu'il reste en Italie, pourquoi veut-il être écouté et obéi des Carthaginois ? pour en obtenir des renforts et pouvoir continuer la guerre contre les Romains, pour tirer sa patrie des exigences et des mesquineries de l'intérêt individuel et momentané si puissant chez un peuple exclusivement marchand[74], pour diriger enfin Carthage dans les meilleures voies politiques propres à ruiner ses terribles adversaires et à lui valoir ensuite la suprématie dans le monde.

Revenu en Afrique, malgré lui, par un grand acte de patriotisme, pourquoi se fait-il nommer suffète, c'est-à-dire premier magistrat de la République ? afin de réformer Carthage qu'il savait être en arrière de Rome et comme art social, et comme art militaire. Et que réforme-t-il ? — Il rend des droits au peuple et abat l'oligarchie ; passons, ce peut être par esprit de parti, pour ramener les siens au sommet de l'échelle. — Il introduit l'ordre et l'économie dans les finances ; voilà une amélioration qui ne devait rien lui rapporter, mais qui, sans nouveaux impôts, allait permettre d'acquitter le tribut et préparer des ressources[75]. Et pourtant il était avare, historiens, commentateurs, tous le disent[76] : en ce cas il cesse de l'être par patriotisme ; je dirai mieux, car le dédain avec lequel il jette aux sénateurs consternés du tribut que les Romains imposent, ces mots si connus : Vous pleurer. sur votre argent, ce dédain ne permet guère d'ajouter une foi entière à cette accusation continuelle d'avarice. — Il s'allie avec les rois grecs, successeurs du grand Alexandre. — Il creuse de nouveaux ports, il fait des plantations d'oliviers. — Il perfectionne l'organisation, la tactique des troupes carthaginoises.

Je le demande, sont-ce là les mesures prises par un homme qui veut gouverner sa patrie par la violence et l'écraser sous un despotisme militaire, comme le prétend le chancelier Michel de L'Hospital[77], comme l'affirme Montesquieu[78] ? Non, Hannibal a pu avoir des moments de découragement en se voyant abandonné par sa patrie, et ne stipuler, en conséquence, avec le roi de Macédoine, Philippe, que pour son armée et non pour Carthage, mais il n'a pas assez d'égoïsme pour plonger les Carthaginois dans une servitude dont il deviendrait le chef omnipotent ; il exerce une bienfaisante tyrannie, uniquement pour réparer plus vite les pertes de Carthage ; il ne fera pas comme César, deux siècles plus tard ; il ne se croira pas un Dieu, comme son prédécesseur Alexandre, pour avoir rempli sur la terre sa mission providentielle[79].

Malgré tout ce qui précède, il est malaisé de se faire une idée générale du caractère d'Hannibal. Polybe déclare déjà que la vérité en difficile à reconnaître sur lui comme sur tous ceux qui ont été à la tête des affaires publiques[80]. Que fera-ce donc pour nous qui écrivons à vingt siècles de Polybe, et lorsque nous ne possédons pas la moitié de ses écrits historiques ? Nous en ferons réduits, suivant l'expression du général de Lossau[81], à quelques points de lumière qui brillent dans un tableau obscur ; mais, au dire du même auteur, ces points peuvent servir de guides, et à cause de cela, doivent être rassemblés.

Essayons encore de glaner et d'obtenir en généralisant.

Hannibal avait le caractère sérieux : il visait aux choses grandes, utiles ; les détails lui étaient simples paffe-temps. Chez lui, on ne rencontre aucune trace de frivolité ; nul indice qu'il ait cédé à la vanité, comme Alexandre le Grand, à la bonne chère, comme Lucullus, à l'amour, comme César. Il puisait sans doute ses distractions dans la lecture, car il avait des lettres[82], et dans ses pensées, car il était peu communicatif[83] ; légalité de son caractère le lui permettait plus qu'à tout autre.

Hannibal avait le caractère sensé[84] : on s'en aperçoit dans les malheurs de sa patrie. Qui alors élève la voix pour que l'on se résigne à l'adoption des conditions imposées par les Romains vainqueurs ? lui seul[85], et ce n'est pas qu'il les trouve avantageuses et bénignes, c'est parce qu'il comprend que dans leur acceptation réside la feule chance de salut qui reste à sa patrie[86].

Hannibal avait le caractère rude : toute sa carrière, son impassibilité même[87], le témoignent. N'eut-il cependant jamais un mouvement de sensibilité sous le masque ? Sa conduite à l'égard des restes de Marcellus, tué dans un combat contre lui, le donnerait à penser. Dès qu'il apprend sa mort, il accourt en effet, observe ses traits, manifeste son étonnement d'un trépas aussi inattendu, couvre son corps d'ornements et l'ensevelit avec magnificence, le brûle, puis envoie à son fils ses cendres renfermées dans une urne que surmonte une couronne d'or[88].

Il savait conduire les hommes[89]. Quand il s'agit de former un détachement dont la mission est épineuse, il n'en choisit lui-même que le dixième environ, et laisse à ce petit nombre d'élus le soin de désigner les autres[90] ; quelle confiance et quel honneur pour les soldats nommés par lui, et quelle émulation devait produire une aussi digne façon d'agir !

Il était juste. Quand Fabius temporise vis-à-vis de lui, et que tout le monde, à Rome et à Carthage, accuse le Temporiseur et en rit, qui lui rend justice ? Hannibal[91].

Si, toute incomplète qu'elle est, notre peinture a fidèlement reproduit les réflexions auxquelles notre esprit s'est arrêté à propos de la grande figure historique d'Hannibal, le lecteur doit être une fois de plus convaincu de ce résultat acquis et consacré par un enseignement séculaire, que le vainqueur de Cannes surpasse en grandeur tous ses contemporains, même Scipion[92].

Dans des parallèles séduisants, divers historiens ont plaidé la supériorité de Scipion l'Africain sur Hannibal, du vainqueur sur le vaincu ; cette supériorité, la brutalité du fait la donne évidemment au vainqueur ; mais les historiens, qui se font donné la peine d'y ajouter une démonstration, ne font pas attention, dit Seran de la Tour[93], à la supériorité de valeur des soldats et des officiers romains, sur les soldats et les officiers carthaginois, supériorité qui insensiblement doit amener le succès que l'on donne d'ordinaire tout entier et injustement[94] à l'habileté du général. Ils ne font pas attention non plus qu'Hannibal fut vaincu à la fin par ses propres armes ; car, à Zama, ce font les cavaliers numides, jadis ses auxiliaires, qui, passés dans le camp romain, le prennent à dos et décident sa défaite.

Il est encore d'autres causes qui peuvent expliquer l'insuccès final d'Hannibal, malgré sa grandeur réelle[95].

D'abord, l'infériorité de la société et de la république carthaginoises par rapport à la société et à la république romaines[96], l'infériorité aussi de l'armée et de la tactique carthaginoises[97] à laquelle il essaie en vain plusieurs fois de remédier.

Son habileté, son initiative en science guerrière, s'usèrent à la longue contre la persévérance[98] des Romains, plus grands et plus dignes dans les revers que dans les succès ; et quand il eut épuisé son génie militaire, sa patrie ne voulut ni augmenter ni même entretenir les moyens matériels dont il disposait[99].

Peut-être présuma-t-il trop en s'attaquant si tôt à Rome, sans avoir au préalable essayé et grandi son génie et ses forces contre d'autres adversaires ; peut-être commença-t-il par où il aurait dû finir, et peut-être fût-ce l'une des causes de sa non-réussite[100].

Peut-être aussi peut-on dire qu'il ne fut pas profiter de la victoire[101], si l'on admet qu'il eût dû marcher sur Rome après les batailles de Trasimène et de Cannes[102], ce qui est douteux[103], car il aurait peut-être éprouvé, fous les murs de cette ville, le fort des Gaulois de Brennus.

Il vaut mieux dire, comme M. Félix de Beaujour[104], qu'il a su attaquer l'Italie et s'y installer, mais qu'il n'a pas su la défendre ; seulement alors on tombe dans les systèmes, et il ne convient pas de nous y arrêter.

Il vaut mieux dire encore, avec Polybe, qu'Hannibal a été vaincu par la fortune[105] ; en récapitulant, en effet, son génie exempt de faiblesse, son application confiante et souple à en tirer parti, ses prodigieuses victoires, on finit par trouver cette seule solution possible[106].

Quoique vaincu par les Romains, Hannibal reste grand sur son piédestal, et, si la postérité le considère ainsi, c'est bien plus pour sa personne et ses mérites que par sympathie pour la nationalité carthaginoise qui, victime pourtant de l'ambition de Rome, n'inspire en général ni pitié, ni grand regret.

C'est là pour Hannibal sa plus grande gloire ; car ordinairement, suivant Adam Smith[107], la fortune favorable ou contraire, rend le même caractère l'objet de l'admiration ou du mépris universels. Mais combien il paye, il expie cette gloire : sur la fin de sa vie, haï de ses compatriotes, suspect aux princes qui lui donnent asile et chez lesquels il vient, toujours inassouvi, chercher des ennemis à Rome, il se voit enfin contraint de se délivrer lui-même d'une vie importune[108], et il le fait par le poison[109], en disant : Délivrons le peuple romain de ses longues inquiétudes, puisqu'il n'a pas la patience d'attendre la mort d'un vieillard[110]. Reproche triste et presque doux, qui semble grandir encore son imposante figure, en y ajoutant, au moins une fois, la résignation, cette vertu si rarement compagne de l'énergie et de l'initiative.

 

FIN DE L'OPUSCULE

 

 

 



[1] Cet Essai a été écrit en 1861, antérieurement au mémoire intitulé : Hannibal en Italie, lu à l'Académie des sciences morales et politiques en 1862, et publié en 1863.

[2] POLYBE, livre III, chap. XII, XVIII, XXIII.

[3] Dont 6.000 cavaliers.

[4] Livre III, chap. XII.

[5] M. MICHELET prétend qu'Hannibal ne voulut point solliciter les flottes de Carthage (pour son expédition), ni se mettre dans sa dépendance. Puis il ajoute, et je préfère cette deuxième explication : Il convenait d'ailleurs à Hannibal de traverser ces peuples barbares, tout pleins de la défiance qu'inspirait la grande ville italienne et du bruit de ses richesses ; il espérait bien entraîner contre elle les Gaulois des deux côtés des Alpes, comme il avait fait des Espagnols, et donner à cette guerre l'impétuosité et la grandeur d'une invasion universelle des barbares de l'Occident. Histoire romaine, 1851, t. I, p. 219. Carthage, au début de la guerre, vint un peu en aide à Hannibal, en envoyant trente galères essayer de soulever la Sicile et ravager les côtes d'Italie.

[6] Ces 16.000 soldats périrent depuis le passage du Rhône jusqu'en Italie.

[7] C'est seulement après la bataille de la Trébie ; le lecteur nous pardonnera cet anachronisme.

[8] On a néanmoins tenu à honneur de lui ressembler par ce côté : Civilis, par exemple. Voyez TACITE, Histoire, IV, 5.

[9] L'apparition d'Hannibal à l'armée Carthaginoise, en Espagne, deux ans auparavant, avait aussi frappé tous les regards ; subordonné patient, chef habile, robuste, intrépide, modeste et affable pour tous, tel il s'était d'abord montré.

[10] Exactement, à l'origine de la féconde guerre punique (19e lustre), d'après le recensement des censeurs, 262.522 habitants. TITE-LIVE, X, 47.

[11] POLYBE, livre IX, fragment 2. On pensa dans Rome qu'Hannibal apparaissait après avoir battu les troupes sous Capoue. TITE-LIVE (XXVI, 9), retrace aussi le triste état de Rome agitée et épouvantée à l'approche d'Hannibal.

[12] Suivant TITE-LIVE (XXVI, 11), un violent orage se reproduisit trois jours de fuite exprès pour empêcher Hannibal de combattre fous les murs de Rome, et de prendre cette ville s'il était vainqueur.

[13] C'est qu'il cède à un noble mobile, celui du patriotisme ; nous en reparlerons plus loin.

[14] La peur qu'il inspirait à ses adversaires était telle encore que l'Italie se leva d'enthousiasme et fournit volontairement des armes, des bois de construction, des provisions, à Scipion l'Africain, quand il proposa de combattre Hannibal en transportant la guerre en Afrique. — On douta même, s'il n'eût pas été rappelé, ou si Carthage lui eût envoyé des renforts, qu'il eût été chassé de l'Italie. FRÉDÉRIC-GUILLAUME, Hist. des campagnes d'Hannibal en Italie, 1812, t. I, p. XIV.

[15] TITE-LIVE (XXX, 20), rapporte qu'Hannibal entendit, de la bouche des envoyés carthaginois, l'ordre de son rappel avec des frémissements de rage, avec de profonds soupirs, et les yeux pleins de larmes. Ce trait me semble outré, d'autant plus que Tite-Live dit qu'Hannibal prévoyait ce rappel depuis longtemps.

[16] Il fut dans la destinée d'Hannibal de toujours inspirer de la terreur aux Romains, qu'il fût présent ou absent, vainqueur ou vaincu ; dans le but vers lequel il tendait, la destruction de la puissance romaine, ce fut la seule satisfaction qu'il goûta. Dès son départ pour l'Afrique, dit un écrivain, on le redouta autant retiré que s'il eût été encore en Italie. On fit des supplications solennelles aux Dieux pour obtenir leur protection ; le sang des victimes coula sur tous les autels ; tous les temples furent ouverts et remplis avec cet empressement universel qu'inspire la crainte des grands malheurs. On disait que le danger de la République n'était pas fini par le départ d'Hannibal ; qu'il n'avait fait que changer de province. Histoire de Scipion l'Africain, par SERAN DE LA TOUR, in-12, Paris, 1752, p. 160.

[17] Un auteur moderne met Eugène de Savoie (guerrier de deuxième ordre), au-dessus d'Hannibal comme général, mais sans justifier sa thèse autrement que par des mots sonores. Voyez Pensées philosophiques sur la science de la guerre, Berlin, 1755, in-12, t. 2, p. 188.

[18] La foi en ses talents devint de l'enthousiasme à son retour en Afrique.

[19] Par ce mot étonnants, nous ne voulons pourtant pas exagérer comme CORNÉLIUS NEPOS, qui, dit dans sa Vie d'Hannibal (Chap. Ier) : Il demeura vainqueur dans tous les combats qu'il nous livra. Le lecteur s'en convaincra en lisant notre Portrait militaire d'Hannibal.

[20] Y compris les quinze jours du passage des Alpes.

[21] POLYBE, livre III, chap. X.

[22] Mémoires de Napoléon, VIIe note sur les Considérations sur l'art de la guerre (du général ROGNIAT).

[23] Le principe d'Hannibal, dit Napoléon, était de tenir ses troupes réunies, de n'avoir garnison que dans une feule place qu'il se conservait en propre, pour renfermer ses otages, ses grosses machines, ses prisonniers de marque et ses malades, s'abandonnant pour ses communications à la foi de ses alliés. S'il se fiait ainsi à ses alliés, c'est que lui aussi agissait loyalement avec eux.

[24] Elle est plus féconde en instruction militaire que les marches de Xénophon et d'Alexandre. — Au point de vue guerrier, lisez-la de préférence dans les pages du général SAINT-CYR NUGUES, intitulées : Notice sur le passage des Alpes par Hannibal, et insérées au Spectateur militaire (juin 1837).

[25] Ce détachement remonta le fleuve jusqu'à environ 200 stades, où il trouva une petite île qui partageait la rivière en deux. POLYBE, III, 8.

[26] On combattait en plaine, ce qui facilitait les manœuvres ; Hannibal avait raisonné d'après cette situation.

[27] Varron l'avait rangée en ligne pleine sur seize hommes de profondeur (la légion romaine était ordinairement à intervalles et sur dix rangs de profondeur).

[28] A Zama même, il étend démesurément son ordre de bataille afin de déborder l'ennemi, mais Scipion allonge encore plus le sien en osant mettre ses princes et ses triaires sur la même ligne que ses hastaires.

[29] Que croire de M. de Lo-Looz (Recherches d'antiquités militaires, 1770, in-4°, p. 193), qui, disciple trop fidèle de Folard, ose écrire : On ne voit dans la conduite d'Hannibal que cette léthargie qui caractérise les généraux médiocres, ou ceux à qui la tête a tourné ; son ordonnance à Zama, sur trois lignes sans intervalles, ne peut paraître ni fine ni rusée. La vanité et la politique des Romains ont distribué des éloges au vaincu pour mieux décorer le triomphe du vainqueur. GUISCHARDT, si vertement critiqué par Lo-Looz, est plus juste pour Hannibal tout en opinant qu'on a cherché plus d'art, qu'il n'y en avait dans ses manœuvres en arrière à la bataille de Cannes. Mémoires militaires, chap. VIII.

[30] Essai sur l'histoire générale de l'art militaire, 1824, t. I, p. 211. GUISCHARDT, au chap. VII de ses Mémoires militaires, signale la faute commise par Hannibal près de Gerunium d'envoyer une grande partie de son armée au fourrage en présence de l'ennemi. Au chapitre suivant il montre le chef carthaginois très-sensible à un léger échec.

[31] Suivant POLYBE (III, 14), ce ferait dans le ravin, non de la Trébie, mais d'un ruisseau dont les rives assez hautes étaient encore hérissées de ronces et d'épines fort serrées.

[32] POLYBE, III, 15.

[33] Livre III, chap. XX, traduction de dom Thuillier.

[34] POLYBE répète souvent cette image quand il montre les Romains aux prises avec quelque procède nouveau d'Hannibal.

[35] Ce procédé pour faire passer le Rhône aux éléphants, me remet en mémoire la méthode ingénieuse imaginée par les officiers de Bonaparte, de placer chaque canon démonté entre deux troncs d'arbre, tirés ensuite avec des cordes sur la neige et la glace, pour lui faire franchir le grand Saint-Bernard (1800). Lisez à ce sujet le tome I de l'Histoire du Consulat et de l'Empire, de M. THIERS, p. 368.

[36] A ce sujet, POLYBE présente une observation l'agace : C'est être ignorant et aveugle dans la science de commander les armées, que de penser qu'un général ait quelque choie de plus important à faire que de s'appliquer à connaître les inclinations et le caractère de son antagoniste. Livre III, chap. XVII. — Hannibal devine ensuite Minucius comme il a deviné Flaminius (Voyez POLYBE, III, 22). — Dans le mémoire relatif à l'Art des indices, nous avons accusé l'utilité de cette prescience.

[37] POLYBE, III, 10 et 14.

[38] POLYBE, III, 17.

[39] Sans leur expliquer ouvertement son dessein. POLYBE, VIII, frag. 8.

[40] POLYBE, III, 9.

[41] POLYBE, III, 23.

[42] Hannibal n'était pas orateur ; PLUTARQUE le dit formellement dans ses Préceptes d'administration publique. Œuvres morales, trad. Ricard, Éd. Didier, 1844, gr. in-18, t. IV, p. 91.

[43] Lisez la manière dont il surprend Tarente, POLYBE, VIII, frag. 8.

[44] Livre XXIV, frag. 4.

[45] LOSSAU, Ideale der Kriegführung in einer Analyse der Thaten der grössten Feldherren, Berlin, 1856, t. I, p. 283.

[46] JUSTIN (Abrégé, livre XXXII, chap. IV), en conclut la modération d'Hannibal ; à mon sens, ce guerrier fut plus politique et prudent que modéré.

[47] LOSSAU, Ideale der Kriegführung, p. 284. Nous parlons surtout ici de la première moitié du séjour d'Hannibal en Italie. A la fin, obligé, par mesure de sûreté, d'abandonner subitement telle ou telle ville, il ne tint pas aussi bien ses obligations, mais ce fut, dit POLYBE lui-même (fin du fragment 6 du livre IX), une nécessité des temps et des circonstances.

[48] On s'est inquiété de la moralité d'Hannibal, de sa religion, de sa bonne foi, dit M. MICHELET (Hist. rom., République, 1831, t. I, p. 214) ; il ne se peut guère agir de tout cela pour le chef d'une armée mercenaire. Et pourquoi ? Gustave-Adolphe avait autant de mercenaires que de soldats nationaux, Frédéric en comptait beaucoup dans son armée ; la sévérité et l'influence d'un grand homme peuvent les contenir aussi dans les bornes d'une moralité et d'une bonne foi relatives. Nous envisageons la loyauté d'Hannibal seulement par rapport à ses soldats et à ses alliés, et, à l'égard de ces derniers, durant les premiers temps de son séjour en Italie, comme nous venons de le dire dans la note précédente.

[49] Presque tous les témoignages s'accordent à louer son impartialité.

[50] Il me semble que quand on commande à une armée, on a d'autres moyens que des perruques variées pour défendre sa vie ; l'hyperbole est un peu forte de faire d'Hannibal l'acteur le plus consommé.

[51] POLYBE revient encore sur cette attention d'Hannibal à préserver sa vie, quand il le loue de ne pas assister aux engagements partiels. Voici le passage auquel je fais allusion : Hannibal me paraît un grand capitaine ; mais en quoi je trouve qu'il a excellé, c'est que pendant tant d'années qu'il a fait la guerre, et pendant lesquelles il a éprouvé tant et de fil différents effets de la fortune, il a eu l'adresse de tromper bien souvent le général ennemi dans des a Étions particulières, sans que jamais ses ennemis aient pu le tromper lui-même, malgré le grand nombre de batailles et de combats considérables qu'il a livrés ; tant étaient grandes les précautions qu'il prenait pour la sûreté de sa personne. Et en cela on ne peut que louer sa prudence.

[52] POLYBE, III, 16.

[53] POLYBE, III, 18.

[54] Les Romains eux-mêmes n'ont-ils pas violé vis-à-vis des Carthaginois le traité de Catulus ? et comment ont-ils acquis la Sardaigne ? (Voyez POLYBE, fin du chap. XVIII du livre Ier.)

[55] Væ vidis ! — Vercingétorix en est un autre exemple, car les descendants des Gaulois n'ont d'admiration que pour César, son vainqueur.

[56] Par exemple, il fit périr, dit-on, les Italiens à son service qui refusèrent de le suivre en Afrique ; il était alors dans un moment de lutte avec lui-même pour savoir s'il obéirait à son ordre de rappel. En revanche, il fit grâce aux habitants de Salmantique qui avaient violé leur traité avec lui. PLUTARQUE, Actions courageuses des femmes, les Salmantides.

[57] POLYBE (livre IX, fragment 6), avoue qu'Hannibal refusa de nourrir son armée de chair humaine. — Frontin rapporte avec gravité qu'Hannibal conseilla à Antiochus de faire jeter des potées de vipères sur les vaisseaux ennemis ; comme si ces animaux dangereux se trouvaient en assez grand nombre dans un pays habité par l'homme pour qu'on puisse les ramasser à la pelle.

[58] En roi, répondit Porus, et Alexandre lui rendit ses États. Même en tenant compte de la rudesse des mœurs de l'antiquité, quel homme ne louera Alexandre de sa magnanimité et ne blâmera les Romains de leur acharnement implacable vis-à-vis la mémoire de Carthage.

[59] POLYBE, III, 4.

[60] POLYBE, III, 7.

[61] POLYBE, III, 4.

[62] POLYBE, III, 4.

[63] C'est à la fois de la prudence et de la patience : la patience bien placée est, en effet, un des moyens que le génie ne dédaigne pas.

[64] POLYBE, III, 14.

[65] POLYBE, III, 22.

[66] Après Thrasymène (POLYBE, III, 18), après Cannes.

[67] Livre III, fin du chap. IX.

[68] TITE-LIVE, XXI, 16, 17. — Je passe sous silence l'emploi du vinaigre pour la destruction des rochers, emploi qui semble reprendre faveur en 1870 ; cela n'a pas de rapport direct avec le caractère d'Hannibal.

[69] POLYBE, III, 8.

[70] POLYBE, III, 16. C'est toujours comme libérateur qu'on commence une guerre ; il suffit de rappeler Gustave-Adolphe au début de la guerre de Trente-Ans.

[71] POLYBE, III, 4.

[72] Le mot est de Jugurtha.

[73] Il était sorti de sa patrie à neuf ans.

[74] Le mépris du guerrier pour les marchands parmi lesquels il siégeait. MICHELET, Hist. rom., République, 1831, t. II, p. 46.

[75] TITE-LIVE, XXXIII, 47.

[76] POLYBE, IX, fragment 6. — On assure qu'à Candie il cacha ses trésors dans les creux des statues des divinités (SERAN DE LA TOUR, Hist. de Scipion l'Africain, p. 240).

[77] Poésies latines, traduction par M. Bandy de Nalèche, gr. in-18, 1857, livre IV, épitre 1re, à Guy du Faur de Pibrac, Sur l'amour-propre et l'ignorance de soi-même, p. 207.

[78] Dans quel danger n'eût pas été la République de Carthage, si Hannibal avait pris Rome ? Que n'eût-il pas fait dans la ville après la victoire, lui qui y causa tant de révolutions après sa défaite. Esprit des lois, X, 6.

[79] Celle de vaincre les Perses et de donner la direction du monde alors connu à la race grecque. En soutenant mieux Hannibal, cette race pouvait détruire Rome et conserver ainsi sa prééminence. Hannibal semble être à Carthage non-seulement le chef de la faction Barcine, mais avec cette faction, le chef du parti populaire et vraiment national.

[80] POLYBE, livre IX, fragment 6.

[81] Ideale der Kriegführung, déjà cité, t. I, p. 284.

[82] Il parlait et écrivait en grec ; il avait même composé une histoire militaire qui malheureusement est perdue.

[83] POLYBE a beau parler des conseils de ses amis qui l'ont souvent changé, il résulte plutôt de l'impression laissée par ses actes et sa conduite, qu'Hannibal communiquait rarement ses projets à d'autres, et plus rarement encore se rangeait à leur avis.

[84] Ceci rappelle son propos à Antiochus hésitant à livrer bataille, malgré son opinion, à cause de la situation des entrailles de la victime qu'il immolait en sacrifice : Eh quoi ! vous ajoutez plus de foi à la chair d'un animal qu'à l'avis d'un homme sensé. (PLUTARQUE, De l'exil.)

[85] Je ne vois pas en cela le dépit dont parle M. DE BEAUJOUR, De l'expédition d'Hannibal en Italie, 1852, p. 68.

[86] POLYBE, XV, fragment I. — Au chap. xix de son livre III, POLYBE nous montre encore Hannibal raisonnant avec sagesse.

[87] Quand, après la bataille du Métaure, le consul Néron, vainqueur, fit jeter dans son camp la tête de son frère Hasdrubal, il dit simplement : Je reconnais là la fortune de Carthage. Cette amère simplicité pourrait bien aussi voiler une fibre sensible intérieure, et contenir des larmes pour son frère.

[88] PLUTARQUE, Vie de Marcellus.

[89] Sans être orateur, ne l'oublions pas, ne serait-ce que pour nous défier des discours que les historiens lui prêtent.

[90] CARRION-NISAS, t. I, p. 248, note. — POLYBE, en tête du chap. XV du livre III, ne rapporte pas, d'après la traduction de dom Thuillier, la chose tout à fait ainsi.

[91] Traité de la gloire, par DE SACY, La Haye, 1715, p. 11.

[92] GUISCHARDT remarque avec raison (Mémoires militaires sur les Grecs et les Romains, chap. VIII), que les Romains n'avaient pas, dans les premiers temps de leur lutte avec Hannibal, un général qui se réglât sur les dispositions de son ennemi, et en prît le contre-pied, ce qui doit toujours être le but final. Fabius, en temporisant, et Scipion, en s'avisant d'une diversion en Afrique et en étendant sa ligne à Zama, le firent.

[93] Histoire de Scipion, p. 241.

[94] SERAN DE LA TOUR veut sans doute indiquer ici POLYBE qui écrit, à la fin de son fragment sur la bataille de Zama (livre XV, fragment 1) : Il est assez ordinaire, ainsi que le dit le proverbe, qu'un habile homme soit vaincu par un plus habile ; Hannibal l'éprouva dans cette circonstance.

[95] Son principal historien n'hésite pas à le mettre au-dessus de Scipion l'Africain. Voyez Hist. des campagnes d'Hannibal en Italie, par le général FRÉDÉRIC-GUILLAUME (lequel a pris plus tard le nom de VAUDONCOURT) ; 1812, t. I, p. XIV. — C'est l'avis de Napoléon qui, dans ses Mémoires, range Hannibal, mais non Scipion, parmi les sept grands capitaines qu'il cite.

[96] MACHIAVEL nie que le peuple romain doive sa grandeur à la fortune, suivant l'opinion de Plutarque : S'il a jamais, dit-il, existé une république qui ait fait le mêmes progrès que Rome, c'est que jamais république n'a reçu comme elle des institutions propres à lui faire faire des conquêtes. C'est au courage de ses armées qu'elle dut l'Empire ; mais c'est à sa sagesse, à sa conduite, et au caractère particulier que fut lui imprimer son premier législateur, qu'elle dut la conservation de ses conquêtes. Discours sur Tite-Live, II, 1. En effet, Carthage n'avait que des soldats mercenaires à Rome ; tout citoyen était soldat ; Carthage n'avait pas de territoire, Rome était une grande puissance continentale, etc.

[97] Consultez mon Hist. de l'art de la guerre, t. I, p. 189, 190.

[98] Rome osa mettre aux enchères le champ où campait Hannibal à ses portes, et il y eut des gens assez hardis pour l'acheter. TITE-LIVE, XXVI, 11.

[99] Le seul secours qu'il reçut de sa patrie, nous l'avons dit, fut un corps de 4.000 hommes envoyés de Carthage après la victoire de Cannes.

[100] Comme les Romains furent le premier objet de ses exploits, ils en furent aussi l'écueil. POLYBE, XI, fragment 5.

[101] GUISCHARDT écrit à propos de la bataille du Tésin : On ne saurait deviner ce qui empêcha Hannibal d'achever sa défaite. Mém. militaires sur les Grecs et les Romains, fin du chap. V.

[102] TITE-LIVE (XXII, 51), prétend que Maharbal, son général de cavalerie, lui reprocha de ne pas marcher sur Rome après cette dernière bataille.

[103] J'ai jadis soutenu cette thèse. Consultez Le plus grand homme de guerre, 1848, p. 21. — S'il eût marché des champs de Cannes, dit Napoléon, six jours après il était dans Rome et Carthage devenait maîtresse du monde. Mém. de Napoléon, VIIe note sur les Considérations sur l'art de la guerre. — Il y avait plus de quatre-vingts lieues de Cannes à Rome.

[104] De l'expédition d'Hannibal en Italie, p. 71.

[105] POLYBE, IX, fragment 2.

[106] Hannibal succomba peut-être moins à cause de la supériorité de talent de son adversaire, qu'à cause d'un concours de circonstances contraires qui lui ôtèrent les moyens de faire valoir victorieusement sa capacité militaire. CIRIACY, Hist. de l'art militaire chez les anciens, p. 340 de ma traduction.

[107] Théorie des sentiments moraux, partie VI, session II.

[108] Reportez-vous, sur le suicide, à un Rapport de M. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE, livraison d'octobre 1861 des comptes rendus de l'Académie des sciences morales et politiques.

[109] Il paraît que Prusias avait résolu de le livrer aux ambassadeurs romains, et que ce fut pour éviter cette dernière infortune qu'il s'empoisonna. PLUTARQUE rapporte en ces termes un autre genre de suicide qu'on lui attribue : Quelques-uns disent qu'il entortilla son manteau autour de son cou, et ordonna à un de ses esclaves de lui appuyer le genou contre le dos, et de tordre avec force le manteau en tirant à lui jusqu'à ce qu'il fût étranglé. Vie de Flaminius.

[110] TITE-LIVE, XXXIX, 51.