LOUIS XIV ET LA GRANDE MADEMOISELLE

1652-1693

 

PAR ARVÈDE BARINE

PARIS - HACHETTE ET Cie - 1912.

 

 

AVANT-PROPOS

 

CHAPITRE PREMIER

L'exil : la vie en province. — La conversation à Saint-Fargeau. Le sentiment de la nature au XVIIe siècle. — Les démêlés de Mademoiselle avec son père. — Elle revient à la Cour.

CHAPITRE DEUXIÈME

L'éducation de Louis XIV. — Les mœurs, la misère, la charité. Vincent de Paul. Une société secrète. — Mariage de Louis XIV. Son avènement au pouvoir à la mort de Mazarin. Il refait son éducation.

CHAPITRE TROISIÈME

Mademoiselle au Luxembourg. Son salon. Les anatomies du cœur. — Projets de mariage et nouvel exil. — Louis XIV et les libertins. — Fragilité d'une fortune terrienne. — Fêtes galantes.

CHAPITRE QUATRIÈME

Importance croissante des choses de l'amour. Les empoisonneuses. — Naissance de la musique dramatique et son influence. — L'amour de Racine. — Louis XIV et la noblesse. — Le roi est polygame.

CHAPITRE CINQUIÈME

La Grande Mademoiselle amoureuse. Portrait de Lauzun, et leur roman. — La Cour en voyage. — Mort de Madame. — Annonce du mariage de Mademoiselle. Émotion générale. Louis XIV rompt l'affaire.

CHAPITRE SIXIÈME

Si Mademoiselle s'est mariée secrètement. — Captivité de Lauzun. — Splendeur et décadence de la France. La Chambre ardente. — Mademoiselle achète la liberté de Lauzun. — Leur brouille. — Mort de la Grande Mademoiselle. Mort de Lauzun. — Conclusion.

 

AVANT-PROPOS

 

Nous avions montré dans un premier volume, la Jeunesse de la Grande Mademoiselle, l'agonie des vieilles libertés de la France et l'écrasement de la société turbulente qui en avait imprudemment abusé. L'indiscipline universelle avait préparé, comme toujours, l'avènement du pouvoir absolu, et l'adolescent qui allait s'en trouver investi était une énigme pour ses sujets. Ses proches eux-mêmes l'avaient toujours trouvé impénétrable. La Grande Mademoiselle avait vécu avec Louis XIV : elle ignorait tout de lui, sinon qu'il était timide et silencieux.

Nous allons la retrouver continuant à ne pas connaître son jeune cousin, en quoi elle sera une fois de plus représentative de son époque. L'ignorance du véritable caractère de ce prince était générale au moment où il prit le pouvoir, et l'on peut dire que le génie de Saint-Simon a contribué à la prolonger pour la postérité. Louis XIV avait passé la cinquantaine à l'arrivée du terrible écrivain à sa cour. C'est presque le portrait d'un vieillard que Saint-Simon nous a donné; mais ce portrait est si puissant et si vivant, qu'à peine divulgué, il a fait oublier ou négliger le reste. On n'a plus vu que lui. La jeunesse de Louis XIV a été pour la foule comme si elle n'avait pas existé, et c'était justement la portion de sa vie où l'homme avait été intéressant, parce que passionné et troublé.

L'histoire officielle de son temps acheva de fausser la physionomie du jeune roi, en le figeant dans une sorte d'attitude hiératique, où il tenait le milieu entre une idole et un mannequin. Les portraits de Versailles nous masquent le Louis XIV de la jeune Cour, celui que Molière et les libertins disputaient à la dévotion avec de fréquentes apparences de succès. Nous avons essayé dans le présent volume de soulever un coin du masque.

Les Mémoires de Louis XIV nous auront été d'un grand secours pour cette entreprise. Édités pour la première fois dans leur entier, et selon un plan méthodique, en 1860[1], ils abondent en aveux, tantôt détournés, tantôt directs à souhait, sur ce que pensait leur royal auteur. Après eux, la Grande Mademoiselle, qui ne sut jamais se taire ni dissimuler, est le meilleur des guides pour pénétrer dans l'intimité de Louis XIV. Contées par elle, ses difficultés perpétuelles avec ce prince jettent une vive lumière sur l'espèce d'incompatibilité d'humeur qui existait au début entre la royauté absolue et les survivants de la Fronde. Comment le jeune roi orienta sa génération vers des idées et des sentiments nouveaux, et comment la Grande Mademoiselle, emportée sur le tard par le torrent, finit par en devenir la victime : on le verra dans le cours de ce travail si, toutefois, nous n'avons pas trop présumé de ses forces en abordant un sujet qui touche à ce qu'il y a de plus obscur, et de plus délicat, dans l'une des périodes les plus en vue, et pourtant les plus mal connues, à certains égards, de toute notre histoire.

 

A. B.

 

 

 



[1] Par M. Ch. Dreyss (Paris, Didier).