LA FEMME GRECQUE

 

TOME PREMIER

CHAPITRE PREMIER. — DÉESSES ET PRÊTRESSES DES PÉLASGES ET DES PREMIERS HELLÈNES.

 

 

Les Aryâs et les Pélasges. — Les prêtresses de Dodone. — La Terre-mère. L'antre de Phigalie et la prêtresse de Déméter. — Déesses de la reproduction et de la végétation. — La Reine du ciel. — Pallas-Minerve. — Vesta. — Les Nymphes arcadiennes. — Les trois Muses de Piérie. — La déesse lunaire des Thraces, et la reine des fontaines, des prés et des vallons arcadiens. — Les vents d'orage et les messagères de la mort.

Les Hellènes. — Transformation du panthéon pélasgique. — L'Olympe. Les Heures, filles de Thémis. Hébé. Iris. — La reine des dieux. — La mère des dieux et des hommes. La déesse des blés. — La souveraine de l'Adès. — Les Parques. Até. Erynnis. La Mort et les Walkyries. Les Enfers, — La Sagesse. — Les Néréides. L'Aurore. — Vénus et les Grâces. — La Chasseresse divine et les Nymphes. — Les Naïades d'Ithaque. — Les neuf Muses. — Les Prêtresses d'Apollon. — Les Prières.

 

Naguère nous suivions ceux des membres de la famille âryenne qui s'établirent dans la presqu'île du Gange. Témoin des impressions dont ils étaient saisis devant les scènes imposantes des régions tropicales, nous les voyions diviniser les mystérieux agents de la nature.

Subjugués par les puissances de la matière, les Aryâs de l'Inde se redressent, toutefois, fiers et résolus, contre d'autres obstacles. Les luttes qu'ils soutiennent contre les indigènes de race jaune les empêchent de perdre immédiatement la conscience de leur individualité. Mais quand, devenus possesseurs d'une terre qui les accable de ses dons, ils n'ont à déployer leur énergie ni pour défendre leur vie, ni pour assurer leur nourriture ; alors, comparant leur faiblesse aux forces naturelles qui les entourent, ils s'anéantissent dans cette colossale création, ils se courbent devant le Destin devenu à leurs yeux l'inflexible moteur de l'univers.

Au temps où les Aryâs s'établirent dans le Saptasindou, déjà sans doute[1], un groupe de leurs frères s'était fixé sur le sol que, bien des siècles après, le voyageur devait encore saluer avec enthousiasme, de ce nom poétique : la Grèce !

Là aussi l'homme adore la nature ; mais cette nature dont la beauté puissante et ordonnée deviendra pour lui la première inspiratrice des arts plastiques[2], cette nature lui cause plus d'attrait crie d'effroi. Obligé de lui arracher sa nourriture, il osera se mesurer avec elle, et apprendra ainsi à combattre ses dieux. Sa conscience, affranchie par le travail, lui enseignera à dégager du grand Tout son énergique personnalité, et à chercher dans le Type éternel de la beauté morale la cause première et distincte du monde physique.

Ce Dieu dont les Hellènes devaient entrevoir la majesté, les Pélasges, leurs ancêtres, l'avaient-ils complètement oublié au sein de leur naturalisme ? Transportons-nous dans la montagneuse Épire, gravissons les pentes du Tomoros et pénétrons dans la forêt de chênes qui entoure un hiéron. Là se tiennent les trois Péliades, ces prêtresses de Dodone qui, dans ces temps primitifs où le sacerdoce s'exerçait par les chefs de famille, étaient probablement les femmes que leur âge rendait le plus vénérables. A cette époque de la vie où l'âme a gagné en beauté ce que le corps a perdu de vigueur, la femme était plus digne encore d'interpréter les décrets du ciel.

Suivons les pas des prêtresses ; voyons-les s'approcher tour à tour du hêtre sacré, de la source qui s'élance du pied de l'arbre fatidique, des bassins d'airain qui, suspendus les uns contre les autres autour de l'enceinte sacrée, résonnent tous du choc dont l'un d'eux est atteint ; voyons aussi les Péliades s'avancer vers cette statue d'enfant dont le fouet aux chaînes de bronze, agité par le vent, frappe contre un vase d'airain. Dans le frémissement du feuillage, dans le murmure des eaux, dans les vibrations du métal, les prêtresses croient entendre des paroles dont elles traduisent le sens mystérieux[3].

Et cependant, c'est au milieu de ces scènes superstitieuses que l'Être immatériel, sans commencement et sans fin, reçut le premier hommage connu qui lui fut adressé sur le sol de la Grèce. Les Péliades invoquent Jupiter, le roi du ciel, et sur leurs lèvres, ce nom rappelle plus le Dieu adoré par l'humanité naissante que l'Indra des Védas. Femme, rendons grâce ici à Celui qui se fit célébrer par la femme chez un peuple panthéiste, et redisons avec fierté l'invocation des prêtresses dodonéennes : Jupiter était, Jupiter est, Jupiter sera, ô grand Jupiter ![4]

Malheureusement, là ne s'arrête pas le chant des Péliades. Si leur regard s'est élevé vers le ciel, il n'a pas tardé à s'abaisser sur cette terre où il voit mûrir le gland et la faine dont se nourrissent les Pélasges ; la poire, le raisin, la figue, la grenade dont ils peuvent goûter la fraîche saveur[5].

La terre produit des fruits, continuent les Péliades ; honorez-la donc du nom de mère[6].

Pour retrouver les vestiges du culte que rendaient les Pélasges à Déméter, la Terre-mère, il nous faut maintenant nous diriger vers l'Arcadie. Au n' siècle de notre ère, les habitants de cette région, les descendants directs des Pélasges, toujours épris de leur terre aux riantes et alpestres solitudes, célébraient encore en l'honneur de leur divinité chérie, les rites religieux que lui avaient consacrés leurs ancêtres.

Sur le mont Elaïum qui s'élève à la droite de Phigalie[7], se trouvait un antre où, disait-on, s'était naguère retirée Déméter en deuil, Déméter Melæna, la noire. Un bois de chênes, vivifié par une source froide, arrondissait autour de la grotte sa verte ceinture.

Cet antre était le temple de la déesse. Déméter y avait été représentée par une statue de bois[8] dont la forme bizarre, loin de faire pressentir les harmonieuses proportions de l'art grec, rappelait plutôt les sculptures des temples à Éléphanta et d'Ellora, ces étranges figures où le besoin d'exprimer un symbole a fait violer à l'Hindou les lois de la nature. Si le corps de la déesse, revêtu d'une longue tunique, révélait la femme, sa tête de cheval, couverte d'une crinière, et de laquelle naissaient des serpents, des bêtes sauvages ; ses mains sur lesquelles reposaient un dauphin et une colombe, la désignaient et comme la compagne momentanée de Neptune, le dieu des eaux, et comme la mère des êtres vivants.

Devant la grotte était un autel sur lequel la prêtresse de Déméter, aidée par le plus jeune des trois pontifes, déposait les offrandes des Phigaliens. Ces offrandes n'étaient pas des sacrifices sanglants : les productions de la nature présentées à la Terre par les hommes reconnaissants, étaient les grains pourprés de la vigne, les rayons dorés de ce miel une distille l'abeille en se nourrissant du suc des fleurs ; c'étaient aussi de fraîches toisons de brebis ; et la prêtresse, après avoir étendu sur l'autel ces oblations, les arrosait de l'huile que donne l'olivier.

Selon Pausanias, la Terre n'était pas néanmoins la plus grande divinité des Arcadiens. Ceux-ci attribuaient le rang suprême à une déesse de la reproduction, née de l'alliance fugitive de Déméter avec Neptune. Son véritable nom n'était pas connu de la foule, qui l'appelait Despœné. De même, Proserpine, fille de Déméter et de Jupiter, déesse de la végétation, était invoquée par les profanes sous la dénomination de Coré[9].

Épouse de Jupiter[10], la Terre semble avoir été personnifiée par Héra, reine du ciel, reine de l'univers, identifiée plus tard avec la Dioné ou Junon de Dodone au service de laquelle étaient spécialement attachés les Péliades.

Deux autres divinités paraissent aussi avoir été des formes de Déméter : Thémis, la Terre qui dispense ses dons d'après les règles invariables de la nature ; et Pallas-Minerve, la déesse de ces ondes qui sillonnent le sol et qu'alimentent les pluies du ciel[11].

A Mantinée, en Arcadie, brûlait dans le temple de Déméter une flamme perpétuelle[12]. Ce feu sacré, c'était Vesta, la chaste déesse, qui éclairait l'autel des dieux comme elle échauffait le foyer domestique.

C'est en Arcadie encore que nous chercherons les traces du plus poétique symbolisme des premiers âges de la Grèce. C'est en voyant se dérouler quelques-uns des aspects de cette contrée que nous comprendrons les allégories qu'ils inspirèrent[13].

Ici, courant capricieuse et vive, la source module son doux murmure ; là irritée, elle s'abandonne follement à son courroux, et, torrent impétueux, frappe le roc de son écume ; ailleurs, bonne et secourable, elle guérit l'homme souffrant[14]. Plus loin, la rivière promène avec calme ses ondes transparentes. Aux yeux du Pélasge, ce ruisseau, ce torrent, cette eau minérale, cette rivière, s'agitent, s'émeuvent, vivent enfin : ce sont des déesses, ce sont des nymphes, des naïades.

A elles aussi appartiennent ces prairies qu'abreuve l'humidité du sol et que parfument l'hyacinthe et le safran. A leurs sœurs les Dryades et les Épiméliades, ces diènes, ces hêtres, ces pins, ces cyprès, ces peupliers qui naissent, croissent, frémissent, souffrent et meurent avec les mystérieux agents qu'ils renferment dans leur sein !

Là se borne-t-il l'empire des nymphes ? Voici une montagne escarpée sur laquelle voltigent des merles blancs[15]. S'élevant sur sa base de forets avec une fierté souveraine, elle semble vouloir rapprocher des cieux sa tète altière. Pour le naïf adorateur de la nature, la montagne est animée par un esprit puissant ; la montagne est une nymphe, une nymphe oréade.

Parmi les innombrables cours d'eau qui s'échappent des monts où s'encaissent les vallées arcadiennes, les habitants du pays avaient voué un culte particulier aux sources qui jaillissent du Lycée[16].

A leurs yeux Jupiter était moins le dieu immatériel invoqué à Dodone qu'une personnification du soleil[17]. Ils l'adoraient sur le Lycée, cette haute montagne d'où le regard embrasse presque tout le Péloponnèse. Le sommet du Lycée, se détachant en pleine lumière de l'air vif et transparent de l'Arcadie, paraissait rayonner de la présence de Jupiter ; et sur cette élévation aussi, l'homme se sentait plus près du dieu très-haut.

Quand le soleil planait sur le Lycée, il dardait ses rayons sur la Néda, rivière au cours sinueux, sur la fontaine Hagno et les fleuves du pays que protégeait la nymphe Thisoa. A ce contact, de blanches vapeurs s'élevant des ondes, montaient vers l'astre de feu ; et les Pélasges pouvaient dire dans leur pittoresque langage, que les nymphes du Lycée avaient nourri Jupiter.

Dans la Piérie, les Thraces donnent un autre nom au dieu solaire ; ils l'appellent Apollon. Eux aussi associent ce dieu aux nymphes ; mais ce symbolisme revêt un caractère moral et poétique des plus élevés. L'allure lente ou rapide de la source, son chant mélancolique ou joyeux, leur rappellent la voix humaine, et éveillent en eux le besoin de mêler leurs accents rythmés au mélodieux concert des eaux. La source, la naïade, est devenue la Muse inspiratrice.

La Muse rappelle à l'homme les traditions qui doivent exciter son enthousiasme : c'est la Mémoire ; elle le berce de ses souvenirs : c'est la Méditation ; enfin, après avoir développé en lui le germe qu'elle lui a confié, elle en brise l'enveloppe, et sous l'inspiration de la Muse du chant, des flots de poésie débordent et du cœur et des lèvres de l'aède. Ainsi, chez les Aryâs de l'Inde, Saraswatî, la déesse des eaux, était aussi celle de la parole[18].

Fille de la nature, la poésie, cette voix céleste qui murmure dans toute âme humaine, a enfin trouvé sa forme. A elle maintenant de célébrer les dieux auxquels elle doit son âme, et les hommes qui lui ont donné un corps.

Quand le dieu solaire baignait ses flots d'or dans les sources piérides, cette radieuse perspective échauffait encore le génie des Thraces, et ceux-ci faisaient d'Apollon le compagnon des Muses.

La fleur éclatante de la poésie grecque ne s'épanouira librement qu'a la lumière et à la chaleur du soleil. La lune, cette douce inspiratrice des chantres du nord, ne fera pas goûter à l'enfant du midi ses charmes mélancoliques. Épris de la vie, il regardera la nuit comme la mère de la mort ; et la blanche déesse qui rayonne dans le ciel sombre, le saisira d'un vague effroi. Aussi ne fera-t-il pas partager à la lune le domaine intellectuel de son frère Apollon. Elle sera pour lui la reine de ces sombres forêts où ses fantastiques lueurs le guident à la poursuite des bêtes fauves.

De même qu'Apollon, Diane, la lune, était inconnue à tout autre peuple pélasgique que les Thraces. Elle ne tarda pas à être identifiée avec la Diane Taurique, déesse dont les autels étaient ensanglantés par ces sacrifices humains qui souillaient le culte des Pélasges.

Les Pélasges de l'Arcadie adoraient une autre Diane, Callisto-Hymnia, la plus puissante des nymphes, le type de la chasseresse Atalante. Fille du Jupiter Lycéen, elle régnait à la fois sur les fontaines d'eau vive, sur les prés, sur les coteaux et les vallons boisés. Plus tard, elle fut confondue avec la Diane des Thraces, la déesse dorienne, puis regardée comme l'une de ses compagnes. Enfin par un mythe qui rappelait que les anciens attributs de la nymphe arcadienne avaient passé à la sœur d'Apollon, Diane tua Callisto[19].

Mais voici que s'étendant sur le domaine des nymphes, l'ouragan fait frémir les ondes de, ses fleuves, et courbe ou brise les arbres de ses forêts. Quel est ce souffle qui agite ainsi la nature ? n'est-ce pas celui qui vibre aussi dans le dernier soupir de l'agonisant, et guide son âme immortelle vers les îles des trépassés ? A cette pensée le Pélasge, personnifiant le souffle qui gronde dans les eaux, dans les bois, et s'échappe des lèvres du mourant, le Pélasge y reconnaît la présence de divinités auxquelles il donne le nom de Harpyes[20].

Nous ne suivrons pas plus loin dans leur panthéisme les habitants primitifs de la Grèce ; et revenant dans la région dodonéenne, nous en verrons surgir une branche qui, issue du vieux tronc pélasgique, fera circuler une sève plus active dans le vert feuillage dont elle se pare.

Cette branche, c'est la race de Prométhée.

Tout en conservant le panthéon pélasgique, les descendants de celui qui déroba aux cieux le feu sacré, feront régner chez les dieux leur propre existence, idéalisée, éternisée.

Les Hellènes se sont regardés, ils ont vu parmi eux des types dont la reproduction immortalisera le ciseau de leurs artistes à venir, et la forme hum line leur a paru si belle qu'ils l'ont donnée à leurs dieux, non pas froide et impassible, mais toute palpitante de la vie qui les anime de sa sévie généreuse.

Sans doute, en reconnaissant aux dieux une plus haute stature que la leur, les Hellènes oublient parfois d'agrandir l'âme dont ils les dotent. Mais s'il est des occasions où les divinités grecques incarnent toutes les faiblesses de l'homme, il en est d'autres où elles personnifient les plus augustes attributs de l'âme pensante. En habituant les Hellènes à chercher au ciel les types de leurs vertus, l'anthropomorphisme, malgré ses grossiers égarements, pouvait donc préparer ces hommes à l'adoration d'un seul Dieu ; principe immuable du bien. Par le voile de chair dont les Grecs revêtent leurs divinités, celles-ci perdront de plus en plus leur caractère matériel, et quand la philosophie fera tomber ce voile, elfe trouvera, au lieu de personnifications physiques, des attributs intellectuels qu'elle saura ramener à leur source première.

Déjà Hésiode avait donné aux dieux une existence plus abstraite que celle qu'ils devaient à Homère. Pour lui les Immortels sont moins des êtres doués de certaines qualités, que les principes mêmes de ces attributs. Dans sa Théogonie l'élément moral n'absorbe pas néanmoins l'élément naturaliste. Celui-ci, presque absent dans les épopées homériques, reparaît chez le poète d'Ascra avec un caractère d'élévation qui le spiritualise. Les dieux auxquels il a conservé leur origine cosmique, représentent plus les forces créatrices et motrices de l'univers que la matière elle-même. De ce panthéisme pouvait aussi surgir l'idée du Dieu suprême qui est à la fois le Créateur du monde physique et le Principe du monde intellectuel.

Évoquons maintenant les déesses que célèbrent Homère et Hésiode.

Quand le regard de l'Hellène suit les sources qui jaillissent de l'Olympe, se plonge dans ses grottes, se repose sur les hêtres, les platanes, les frênes, les berceaux de lauriers, qui boisent ses croupes élégamment courbées, ce regard s'élève plus haut encore ; et, sur le vaste sommet qui couronne la montagne et se noie dans une suave lumière, il croit voir les brillants palais des dieux[21].

Ce sont les Heures qui gardent et l'Olympe et les cieux. Il leur appartient d'écarter ou de déployer le nuage étendu qui, sans doute, est la porte de la demeure des Immortels. Filles de Jupiter et de Thémis, elles conduisent les travailleurs à la récompense de leurs efforts, et servent aussi les déesses[22].

Nous le voyons, ce n'est pas au ciel qu'est la résidence ordinaire des dieux helléniques. Bien qu'ils aient perdu en grande partie leur caractère naturaliste, ils n'ont pas quitté notre sol. D'après Hésiode, leur mère est Gæa, la Terre, qui, formant le Ciel, Uranos, s'unit à celui-ci. De cette' alliance naquit le Temps, ce Saturne dévorant les enfants que lui donna Rhéa, la Durée, le progrès des âges ; mais la Durée sut soustraire au Temps la Puissance suprême, Jupiter. A. ce dernier fut réservée la gloire de rendre ses frères à la vie, à l'immortalité[23].

Dans le corps des dieux circule, au lieu de sang, l'ichor, vapeur éthérée. Leur nourriture, c'est l'ambroisie ; leur breuvage, le nectar que leur verse Hébé, la Jeunesse[24], la compagne de l'homme illustre dont ils ont récompensé la courageuse vertu par les honneurs de l'apothéose. Doivent-ils se réunir en conseil ? Thémis, l'ordre légal qui préside aussi aux assemblées humaines, convoque les Immortels au nom de Jupiter[25]. Ont-ils besoin d'un intermédiaire pour communiquer soit entre eux, soit avec les hommes ? ils étendent l'arc-en-ciel que personnifie la prompte Iris aux ailes d'or, aux pieds rapides comme le vent, comme la tempête : c'est dans les teintes d'opale nuancées par leur messagère que se lit leur pensée.

Auprès du roi des dieux et des hommes, du Juge suprême qui annonce ses arrêts par le roulement du tonnerre, auprès de Jupiter trône Junon, sa sœur et son épouse.

Les Argiens symbolisant, sous une figure féminine, la puissance souveraine, n'adoraient pas Jupiter ; et pour eux, Junon, Héra, la maîtresse, la dominatrice, régnait seule, vierge céleste, dans son domaine d'azur irradié d'étoiles, sur le sol qu'elle fécondait. Jupiter ne tarda pas à enlever à Junon cette royauté ; mais, en la lui ravissant, il la partagea avec elle. Le mariage du roi et de la reine du ciel symbolisa la fusion de leurs cultes, tandis que la fréquente mésintelligence des deux époux parait indiquer la lutte que se livrèrent leurs adorateurs[26].

D'un caractère altier, imposant, Junon, aussi consciente de son rang que l'Indranî des Vedas[27], est plutôt la rivale que la compagne de cet époux à qui cependant elle peut donner d'utiles conseils[28].

Et moi aussi, je suis déesse, lui dit-elle ; ma naissance est la même que la tienne. Saturne à l'esprit rusé m'engendra vénérable. Je suis honorée à la fois et à cause de ma race, et parce que je suis ton épouse, toi qui règnes sur tous les Immortels[29].

Quand, après une absence, Junon reparaît dans l'Olympe, les dieux se lèvent à son aspect et lui offrent des coupes[30]. Sur la terre, elle a des temples et reçoit des sacrifices[31]. Participant aux attributs de Minerve, à ceux de Vénus même, elle accorde aux hommes le courage ; aux femmes, la prudence, la beauté[32].

Déesse austère, Junon sait néanmoins de son bras d'albâtre emprunter à Vénus le charme et la séduction ; ses grands yeux peuvent s'adoucir, ses noirs sourcils se détendre, quand, pour favoriser ses protégés, il lui faut endormir la vigilance de Jupiter[33].

La séparation est complètement tranchée entre Junon et la Terre, l'antique déesse dont la reine du ciel paraît avoir été dans le principe l'une des personnifications. Gava, la Terre considérée comme la Mère des dieux et des hommes, est maintenant l'aïeule de Junon ; elle est devenue distincte de Déméter, la terre végétale, la nourrice des hommes, la déesse qu'avec les Romains, nous nommerons désormais Cérès. Celle-ci, de même que l'épouse de Jupiter, est fille de Saturne et de Rhéa, et petite-fille d'Uranos et de Gæa. Homère et Hésiode lui ont conservé ses attributions physiques.

Blonde comme les épis dorés qu'elle fait jaillir de son sein, couronnée d'une belle guirlande dans laquelle sans doute le regard du poêle voyait les gracieux produits des champs, Cérès surveille les travaux agricoles. Elle assiste le semeur, elle mûrit le grain qu'il a répandu dans le sillon. Elle remplit de moissons les granges du mortel qu'elle protège ; et lorsqu'il vanne dans l'aire sacrée, elle excite le souffle impétueux du vent ; grâce à ce secours, le grain se sépare plus facilement de la paille ; et celle-ci, tourbillonnant dans l'espace, retombe en blanche pluie[34].

Reconnaissant des dons que lui livre la dispensatrice des blés et des fruits, l'homme consacre à Cérès des campagnes aux suaves senteurs[35]. Il associe encore au culte de la chaste déesse celui de sa fille Proserpine ; mais le caractère de celle-ci s'est complètement modifié : ce n'est plus une déesse de la germination, c'est la reine des enfers.

Une idée ingénieuse présida à la transformation de ce mythe. Pluton personnifiant le monde souterrain, l'Adès, recèle le grain qu'a produit la terre végétale. A cette vue l'Hellène s'imagine que le roi des enfers a enlevé Cora-Proserpine[36].

La fille de Cérès est la déesse belle, auguste, mais redoutable[37]. Elle règne dans ce sombre domaine où les Parques font descendre les mortels.

Les Parques, Clotho, Lachésis, Atropos, filent les destins heureux ou malheureux qu'elles réservent à l'homme, et le châtient des fautes qu'elles lui ont fait commettre[38]. Elles ne sont pas seules pour remplir cette dernière mission. Até, la déesse qui trouble l'esprit jusqu'à le pousser au crime[39], prépare la voie aux Érinnyes, les remords implacables, les Furies vengeresses, plus redoutables encore que Némésis, la Vengeance. Ne semble-t-il pas que l'homme n'ait rejeté ses fautes sur les divinités du destin que pour se soustraire à l'horrible étreinte du remords ! Ah ! qu'il y a loin de celte conception au sublime récit de la Genèse : l'homme créé libre de choisir entre le bien et le mal, et acceptant la responsabilité des erreurs qu'il pourra commettre et dont il devra souffrir !

Quand les Parques rompent le fil d'une vie humaine, elles font exécuter leur funèbre sentence par la lier, la Mort, déesse impitoyable, qui, les vêtements rougis, se plaît à parcourir les champs de bataille en déchirant le corps qu'elle a touché[40]. C'est sous cet effrayant aspect que les Scandinaves se représentaient les Walkyries[41]. De même aussi, dans les nuits de carnage, les Indiens croient apercevoir une Kâlarâtrî aux sanglantes draperies, enlaçant dans ses liens les hommes et les animaux, et préparant ainsi aux vampires le repas qu'ils attendent[42].

C'est vers l'Adès que la lier entraîne les ombres de ceux qui ont vécu.

L'entrée des Enfers est à l'Occident ; c'est là que le soleil parait s'ensevelir. Au bord de la mer est une plage sur laquelle le bois sacré de Proserpine étend ses peupliers élancés et ses saules stériles comme la mort. C'est de là qu'on pénètre dans la sinistre région où coulent les fleuves de feu, de sang et de larmes ; c'est de là qu'on descend dans les abîmes d'où l'on ne remonte pas[43].

Quel contraste entre l'effrayante demeure de Proserpine et le riant domaine de sa mère ! Et cependant si les Enfers recelaient le Tartare, la noire et dernière prison des coupables, ils renfermaient aussi l'Élysée, l'éternel séjour des justes. Mais ce n'est pas à un paradis païen qu'il appartenait de combler les aspirations de l'âme humaine ; et les délices matérielles de l'Élysée, l'inaltérable pureté du firmament, la caressante haleine du zéphyr, ne pouvaient faire oublier aux ombres cette terre où l'on souffre, mais où l'on vit aussi[44] !

La plus honorée parmi les Immortelles qui semblent avoir originairement personnifié la terre, est maintenant Pallas-Athéné que, conformément à l'usage, nous appellerons désormais Minerve.

Jupiter, Minerve, Apollon ![45] s'écrie l'Hellène lorsqu'il en appelle à ses dieux. Parfois même Minerve est la première ou la seule divinité que, dans ses 'périls, l'homme invoque à son aide[46].

Est-ce encore la terre considérée dans les eaux qu'elle recèle ou dans l'atmosphère qui l'entoure, est-ce encore' cette personnification que représente Minerve ? Non. En la revêtant d'une figure humaine, l'imagination grecque lui adonné des attributs moraux, et ses yeux glauques seuls rappellent qu'elle régna naguère sur l'élément humide. Maintenant Minerve qui, selon Hésiode, dut sa naissance à l'absorption de Métis, l'Intelligence, dans Jupiter, la Puissance suprême, Minerve symbolise la sagesse, la sagesse pure comme l'onde azurée qui caresse les rives helléniques, lumineuse comme l'atmosphère de la Grèce.

Cependant la Minerve des temps homériques n'est pas encore cette sagesse qui plane au-dessus des intérêts terrestres, et attire l'intelligence humaine vers les régions de l'éternité. La sagesse des héros antiques est avant tout militante ; il lui faut le tumulte du combat, l'agitation de l'agora ; et ce n'est pas sans raison qu'un mythe postérieur la représentera sortant tout armée du cerveau de son père.

Reproduisons les fortes couleurs avec lesquelles Homère la peint lorsque, dans le palais de Jupiter, elle se prépare au combat :

Revêtant la cotte d'airain de Jupiter, qui rassemble les nuages, elle s'arma pour la guerre, source de larmes. Elle jeta sur ses épaules l'égide bordée de franges, horrible, que la terreur environne de toutes parts ; on y voit la Discorde, Alcé, et la Poursuite, qui glace d'effroi ; on y voit aussi la tète de la Gorgone, monstre hideux : tête horrible, effrayante, prodige de Jupiter, qui porte l'égide. Elle mit sur sa tète un casque d'or, à cimier doublement saillant, et à quatre panaches, assez vaste pour coiffer les fantassins de cent villes. Puis, elle monta sur le char étincelant, et prit dans sa main la lance lourde, grande et forte, qui dompte les phalanges des héros contre lesquels veut se courroucer cette fille d'un père puissant[47].

Plus terrible encore que cet appareil guerrier est le fulgurant regard que projette l'œil azuré de l'austère déité. Rapide comme l'éclair, elle s'élance de l'Olympe et vole dans les rangs de ceux qu'elle favorise. Les dominant de sa haute stature, les dirigeant de sa forte main, les surexcitant par de retentissantes clameurs, elle leur insuffle si bien l'ardent besoin du combat, le puissant désir de la victoire, que le lâche lui-même redoute plus la honte de la fuite que le péril du champ de bataille.

L'infatigable déesse ne quitte jamais le héros auquel elle s'attache. Elle ne se conte rite pas de lui inspirer de valeureux desseins ; elle lui accorde la force et l'audace qui les lui feront réaliser. Elle détourne de lui les flèches de l'ennemi, emploie même la ruse pour le faire triompher. N'a-t-il plus d'armes, elle est là pour le défendre, le couvrant de son égide, le couronnant d'un nuage d'or d'où s'élance une flamme éclatante, et mêlant son cri aux cris du guerrier[48].

Elle est belle, elle est grande, dans sa belliqueuse furie, cette sagesse antique. Rivale de Mars sur le champ de bataille, son rôle est plus noble que celui du dieu de la guerre, le compagnon de la cruelle Bellone[49]. Avec Mars, nous ne voyons que le bras qui frappe ; avec Minerve, nous sentons la pensée qui inspire. Quand tous deux sont en présence, la force intelligente sait vaincre la force brutale, et Minerve blesse Mars[50].

Nous aimerions cependant à voir la déesse arrêter le bras du triomphateur quand l'ennemi abattu demande grâce. Nous aimerions à l'entendre rappeler au premier que la colère du vainqueur ne doit pas survivre à l'humiliation du vaincu. En ce moment nous croyons voir les ombres des anciens Hellènes, se lever et nous dire : — Fille de l'Évangile, ne sois pas injuste pour ceux qui n'ont pu contempler l'aurore du règne de l'amour. Ne nous juge pas d'après tes lois ; juge-nous d'après les nôtres, et souviens-toi que parmi celles-ci figure au premier rang la peine du talion ! —

Mais ne pourrions-nous répondre :

— Ô héros, je ne vous condamne pas, je ne puis que vous plaindre de n'avoir connu que les joies orgueilleuses de la victoire, et d'avoir ignoré les douces émotions de la miséricorde. Mais ici, ce n'est pas au nom de ce divin Rédempteur que vous n'avez pas connu, ce n'est pas au nom de sa parole que je déplore vos actes sanguinaires : c'est au nom de la conscience humaine. Celle-ci est de tous les âges, et sur une terre éloignée de la Grèce, mais habitée par vos frères, j'ai vu, à une époque plus reculée encore que la vôtre, le guerrier prêt à frapper son plus cruel ennemi, le ravisseur de son honneur, je l'ai vu s'arrêter devant la fatigue de son adversaire, laisser retomber son arme et retarder le moment du combat suprême[51] ! —

Nous suivons donc de préférence la vierge immortelle lorsque, dans les conseils des rois, elle calme l'homme fougueux et prévient l'explosion de sa colère ; lorsque, quittant le costume guerrier et se couvrant du voile élégant et souple qu'elle-même a tissu, elle apparaît dans son imposante et souriante beauté aux regards du voyageur, et guide de son flambeau d'or, les premiers pas de celui-ci sur le sol de la patrie bien-aimée qu'elle lui fait revoir, vers le fils qu'elle-même a conduit au-devant de lui, vers l'épouse qu'elle lui a conservée chaste et pure. Elle nous plaît aussi quand elle dirige l'aiguille et la navette de la femme laborieuse ; ou apprend à l'ouvrier la manière de dresser à l'équerre les planches d'un navire ; ou enseigne à l'orfèvre l'art' de couler l'or autour de l'argent, et de faire éclore sous ses doigts, à l'aide de ces deux métaux, une de ces œuvres dont le poète admirera l'éclat et la beauté. Mais Minerve nous attire surtout par cette grâce majestueuse et douce qu'elle répand sur ses élus, sur la femme aussi bien que sur l'homme ; ce charme divin qui les grandit et les transfigure[52] !

Minerve est la véritable déesse d'un peuple qu'exaltent et transportent déjà le bruit des combats, l'éclat de l'éloquence, la puissance des arts ; d'un peuple capable de sentir les sereines influences du foyer domestique et les charmes austères de la vertu. Aussi, que de prières s'élèvent de la Grèce vers la déesse poliade, depuis l'appel de la femme tremblante jusqu'à celui du guerrier, depuis l'invocation du nautonier jusqu'à celle du roi[53] ! La femme qui l'implore dépose sur les genoux de sa statue un voile richement brodé[54]. Le héros qu'elle a secouru lui offre ses trophées, les dépouilles dé l'ennemi. Tous enfin se plaisent à faire des libations de vin en son honneur, à répandre devant elle l'orge sacrée, à lui sacrifier des brebis, des taureaux, des génisses aux cornes dorées[55].

On lui dédie des bois sacrés. Il en est un qu'a décrit Homère. C'est un massif de peupliers que rafraîchit une fontaine et qu'entoure une prairie[56]. Les Athéniens même immolent à Minerve des victimes dans un temple. N'est-il pas naturel qu'ils vénèrent la déesse dans le lieu même où elle a nourri leur chef Érechthée[57] : pure et noble allégorie que celle qui fait alimenter par la sagesse divine la personnification d'un peuple ! N'est-ce pas le plus expressif symbole du génie athénien ?

La déesse des ondes, naguère figurée par Minerve, est devenue Amphitrite, celle des Néréides qui, tandis que sa sœur, Thétis aux pieds d'argent, semble représenter les eaux, est l'incarnation de la mer proprement dite avec ses flots courroucés ou gémissants, avec ses profondeurs où s'abritent les monstres marins[58].

Mais cette mer s'offrait à l'Hellène sous une multitude d'aspects que son regard d'artiste savait découvrir, que son imagination et sa parole de poète savaient retracer et peindre. Il n'essaya pas de les décrire ; mais en les divinisant, il les nomma, et selon l'expression d'un célèbre écrivain, chacun des noms qu'il leur donna était un tableau[59]. D'après les inductions de la science, ainsi se serait formé le groupe charmant des cinquante Néréides.

Déjà Amphitrite et Thétis nous sont apparues. Voici Nesæé, Actæé, Euliméné, c'est-à-dire la mer étoilée d'îles, la mer mollement enlacée dans ses rives aux pittoresques découpures, la mer allant par ses ports, au-devant de cette activité humaine à laquelle elle permettra une si brillante expansion. Et quand elle a recueilli sur son sein l'embarcation du voyageur, avec quel amour elle la fait bercer par Glaucé, Mélité, Galatée, Thalia, la vague tour à tour bleue comme l'azur, dorée comme le miel, blanche comme le lait, verdoyante comme le feuillage ! Soudain la vague s'élève, puissante, altière : c'est Dynaméné, c'est Agavé ; il leur faut à toutes deux l'impétueuse action du vent et de l'orage pour les grandir, et développer leur majestueuse beauté. Mais Cymodocé, la houleuse, toute frémissante encore de la tempête, ondule sans bruit, et ramène Galéné, le calme !

Les Hellènes aimaient tant leur mer limpide qu'ils crurent en voir surgir l'Aurore et la Beauté.

Comme les Aryâs[60], ils admiraient le premier sourire de la lumière avec ses charmes encore timides et ses juvéniles rougeurs. A leurs yeux, l'Aurore,la brillante fille du matin, couverte de son voile de topaze, quitte les flots de l'Océan, attelle de ses doigts de rose les rapides coursiers qui traînent son char ; puis, montant sur son trône d'or, elle s'élance vers les cieux, et apporte aux dieux et aux hommes la lumière qui réveille la vie[61].

De même aussi que les Indiens, les Grecs avaient vu émerger de l'onde la plus séduisante de leurs divinités[62].

C'est de l'écume des mers que naquit Vénus, la déesse de la beauté dont elle est le type, de l'amour dont elle est l'inspiratrice.

La douceur de son sourire, la flamme de son regard, l'éclat de son teint, la nuance dorée de sa chevelure, la blancheur de son bras, reçoivent un attrait enchanteur de cette essence divine, de ce voile brillant, dont les Grâces la couvrent[63].

Filles de Jupiter, la Puissance souveraine, et d'Eurynome, cette harmonie qui s'étend au loin, les Charites, les Grâces, Aglaé, Euphrosyne et Thalie, personnifient l'éclat et la joie des fêtes, le plaisir du festin. Elles sont les principales divinités des Éoliens d'Orchomène qui les célèbrent par des luttes lyriques auxquelles concourent les musiciens et les poètes. Aussi, quand leur culte s'étend vers l'Hélicon, les Charites ne sont pas séparées des Muses. Elles ne rivalisent pas toutefois avec les filles de Mémoire. Le poète ne les cherchera ni dans les vallées ombreuses de l'Hélicon, ni au bord des sources qui descendent de la montagne ; mais il les trouvera aux chœurs des danses, aux tables des banquets, aux triomphes des jeux olympiques[64].

Les déesses qui représentaient le charme de la vie sociale, les déesses qui unissaient l'homme et la femme par le lien conjugal, les déesses qui rapprochaient les citoyens par le plaisir[65], les Grâces enfin étaient les vraies compagnes de l'Amour et de la Beauté. C'est à Paphos, ce lieu dont le temple consacré à Cypris[66], renferme un autel parfumé, c'est là que les Charites parent la déesse qui, le front ceint d'une couronne, aime à diriger le rythme de leurs pas[67].

Vénus courbe sous son joug les dieux et les mortels. Mais Minerve et ses adorateurs sont inaccessibles à son influence. Ennemie de l'amour profane qui s'incarne dans Cypris, la chaste Pallas blesse tantôt par son bras, tantôt par celui du héros qu'elle protège, le délicat épiderme de la timide déesse[68]. Cependant si la valeur, dirigée par la sagesse, résiste à Vénus, le pouvoir de celle-ci s'exerce pleinement sur la force guerrière que ne soutient pas la force morale. Mars chérit Vénus qui le préfère à Vulcain, l'ouvrier immortel dont elle devrait exalter le génie[69]. Mais elle n'use de son ascendant sur Mars que pour le soustraire honteusement aux dangers du champ de bataille[70]. Ces périls que Minerve fait vaincre au combattant, Vénus les lui fait fuir.

Deux autres déesses n'ont jamais subi le charme terrestre de l'amour[71]. Vesta, l'austère déesse du foyer domestique, n'alimente point ce feu sacré par une flamme qui le profanerait et dont la fille de Latone, Diane, la vierge divine, éloigne aussi le brûlant et énervant contact.

Dans les poèmes d'Homère et d'Hésiode, Diane est plutôt la déesse chasseresse qu'une déification de la lune. Pour Hésiode, Hécate est la plus importante personnification de cet astre, comme la plus puissante des Immortelles.

Cependant le diadème de la sœur d'Apollon, sa souveraineté sur les forêts, ses flèches auxquelles les femmes doivent une mort subite, rappellent encore le disque dont les Hellènes redoutaient les vagues rayons.

Homère nous peint Diane dans sa farouche beauté, avec sa démarche à la fois imposante et légère. Le carquois sur l'épaule, la bruyante déesse parcourt le Taygète et l'Érymanthe, tendant son arc d'or contre les bêtes fauves que recèlent les solitudes boisées de ces montagnes. Qu'un mortel ait négligé de lui offrir les prémices de ses fruits, la reine des bêtes fauves épargnera un sanglier et l'enverra répandre la terreur dans le pays habité par l'homme qui l'a offensée[72].

De même que Callisto-Hymnia dent elle a absorbé les attributs, Diane a pour compagnes les Nymphes[73].

Ce sont particulièrement les nymphes des bois qui forment le cortège de la déesse[74]. Filles de Jupiter, ce ne sont plus des forces naturelles, ce sont des femmes brillantes d'une beauté que surpasse toutefois celle de Diane, cette fière souveraine qui les domine et de sa stature élevée, et de cette supériorité morale et intellectuelle qu'ont maintenant les dieux de l'Olympe sur les déesses des monts, des forêts, des sources et des humides prairies[75].

Les naïades reçoivent cependant à Ithaque, un culte qui rappelle leur antique puissance.

Près de la ville, au sommet d'un roc d'où une source glacée s'élance dans un bois de peupliers et y alimente une fontaine, s'élève l'autel des naïades[76]. Les déesses habitent un antre situé à l'extrémité même d'un des ports d'Ithaque. Cette grotte n'ouvre pas aux mortels la porte mystérieuse réservée aux dieux, en regard du Notus ; mais elle leur livre celle de ses deux entrées qui fait face au Borée. L'abeille dépose son miel dans cet antre, tout imprégné de fraîcheur et de paix, et où circule une onde pure. Et peut-être est-ce dans les stalactites de la grotte que le regard du poète découvre des cratères, des amphores, et les métiers sur lesquels les naïades ourdissent une toile de pourpre[77].

Tantôt devant l'autel des naïades, tantôt devant leur antre, les insulaires les invoquent en étendant les mains vers le ciel. Ulysse, le roi d'Ithaque, sacrifie aux déesses les cuisses des agneaux, celles des chevreaux, et leur offre même des hécatombes[78].

On ne reconnaît plus les naïades dans les Muses si ce n'est à l'attrait qu'éprouvent ces dernières pour les ondes du Permesse, de l'Hippocrène et de l'Olmius[79].

La première des trois antiques Muses de Piérie, la Mémoire, est devenue, par son alliance avec Jupiter, la mère des neuf Muses qu'Hésiode nommé Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsychore, Erato, Polymnie, Uranie et Calliope[80].

Elles sont nées sur la terre ; mais, conscientes de leur génie, elles ne l'emploient pas tout d'abord à immortaliser les sentiments humains. Elles font remonter l'inspiration d'où elle est descendue, et, gravissant l'Olympe, elles consacrent leurs premiers chants à célébrer les lois fondamentales de l'univers et la puissance des dieux[81].

Les Grâces et le Désir assistent les Muses ; mais c'est le dieu de la lumière et de la poésie, c'est Apollon qui les soutient dans ces hautes régions ; puis il dirige leur pensée vers la terre qu'elles ont quittée ; et après avoir exalté les joies radieuses des habitants de l'Olympe, elles chantent les souffrances de l'homme[82], de l'homme à qui le paganisme n'a pas appris comment il faut supporter la vie, comment on peut vaincre la mort !

Elles seules, ces virginales filles du ciel, savent alors calmer les maux des mortels. Leur esprit est un esprit de paix et de douceur, et elles en imprégnent l'homme qui les sert. Elles inculquent e.0 roi l'idée de la justice et lui communiquent l'éloquence persuasive par laquelle il fera pénétrer cette idée chez son peuple. Mais si le roi reçoit leur influence, l'aède est leur propre ouvrage et celui d'Apollon. Répondant à son invocation, ce sont elles qui lui dictent les chants qu'il répète. Avec quelle tendresse elles lui insufflent leur âme et lui versent leurs dons ! Parfois, jalouses de son amour, les vierges divines qui aiment à s'envelopper de l'obscurité du nuage et de celle de la nuit, ferment à la lumière les yeux de l'aède, pour que son âme puisse mieux les voir dans leur idéale pureté. Et, vivant en lui, par lui elles exaltent l'homme dans son bonheur et le consolent dans ses angoisses. Elles répandent jusque sur la mort leur charme souverain, et quand un héros tombe, elles lui assurent la seule immortalité qui, pour l'Hellène, soit alors pleinement intelligible : celle d'un nom illustre[83] !

Les Muses ne résidaient pas seulement sur l'Olympe où, par leurs voix mélodieuses, elles charmaient les dieux[84]. Elles habitaient aussi l'Hélicon, le Cithéron, le Parnasse. Sur cette dernière montagne s'élevait un de leurs bois sacrés, asile plein de recueillement, et dont la riche végétation se jouant au milieu des forêts, était l'image de cette poésie que symbolisaient les Muses, et qui jette sur les plus âpres douleurs ses ombrages et ses parfums.

Au pied du Parnasse, se voyait à Delphes le sanctuaire du dieu dont les Muses étaient les compagnes. Là comme par un souvenir du temps où elles personnifiaient les ondes inspiratrices, la fontaine Castalie leur était consacre ainsi qu'à Apollon ; et c'était à la vapeur d'eau de la fontaine Cassotis qu'étaient dus surtout ce trouble mystérieux, cette surexcitation nerveuse, qui faisaient d'une prêtresse d'Apollon la Pythie de la Grèce[85].

Un sanctuaire plus récent rivalisera avec celui de Delphes ; et un chantre homérique exaltera Délos aux jours où les Ioniennes, ceintes de riches tissus, feront avec leurs époux et leurs enfants, le pèlerinage du sanctuaire ; aux jours où les prêtresses du dieu solaire célébreront Apollon, Latone et Diane ; mêleront à la gloire des Immortels celle des héros anciens et de leurs compagnes ; et reproduiront par des accents et des pas cadencés les chants et les danses de toutes les nations[86].

Grande était, dans ces temps antiques, la part des femmes au culte. Elles sacrifiaient aux dieux, elles prophétisaient, elles priaient. Chez les Aryâs de l'Inde où, dans l'origine, la femme exerçait de hautes attributions religieuses, les Prières étaient les épouses des dieux. Par un procédé analogue, elles devinrent chez les Hellènes, les filles de Jupiter. Elles étaient toujours femmes, femmes par la figure, femmes surtout par l'âme. Mais Homère ne les représenta pas dans la séduisante beauté de la jeunesse : il les peignit boiteuses, louches et le front ridé, suivant avec peine la course rapide d'Até, l'instigatrice du mal ; tempérant par leur influence les haines suscitées par leur devancière, et récompensant le mortel dont le cœur miséricordieux les comprend. Mais l'homme irrité se montre-t-il plus inflexible que les dieux, ces dieux qui accèdent au repentir des mortels, alors les Prières remontent à Jupiter, vengeresses comme les Furies ; et, par leur ascendant sur le roi du ciel, la divinité funeste dont elles auraient voulu éloigner de cet homme jusqu'au souvenir, le poursuit cruellement[87]. L'injure peut redouter de reparaître devant celui qui l'a oubliée : la présence de l'homme implacable enhardit sa main, envenime son dard.

Les Prières nous ont complètement ramenée parmi les hommes qu'elles aident ou consolent. Demeurons au milieu deux, et, après avoir entrevu la déesse, cherchons maintenant la femme.

 

 

 



[1] M. Max Müller penche vers cette induction. Cf. A history of ancient sanskrit literature, 2e édition, revised, London, 1860.

[2] M. Ampère a établi d'ingénieux parallèles entre la nature et les monuments de la Grèce. La Grèce, Rome et Dante, 5e édition, Paris, 1865.

[3] L'oracle donnait aussi ses arrêts par la voie des sorts. Les Péliades interrogeaient encore le vol des oiseaux, surtout celui des corbeaux. Barthélemy, Voyage du jeune Anacharsis en Grèce ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique, Paris, 1857-1859.

[4] Pausanias, liv. X, ch. XII.

[5] Pour les produits de la Grèce, cf. Kruse, Hellas, Leipzig, 1825.

[6] Pausanias, X, 12, traduction de Clavier.

[7] Pausanias, VIII, 41.

[8] Cette statue fut brillée, et remplacée par une statue de bronze qu'Onatas exécuta sur le même modèle, et qui n'existait plus du temps de Pausanias. Cf. Pausanias, VIII, 42 ; Beulé, Histoire de l'art grec avant Périclès, Paris, 1863. Sur la forme grossière des premières idoles grecques, voir Johann Winkelmanns, Geschichte der Kunst des Alterthums, Wien, 1776.

[9] Pausanias, VIII, 37.

[10] En Crète, la Terre, adorée sous le nom de Rhéa, était la mère du Jupiter législateur. Quant au Ciel, l'époux de Rhéa, il était représenté par Saturne. Ce mythe fut plus tard adopté par les Hellènes, qui cependant transformèrent Saturne et Rhéa en divinités du temps.

[11] Preller, Griechische Mythologie, Leipzig, 1854. Plus tard, Thémis fut confondue arec Dicé, la Justice, qui, dans la Théogonie d'Hésiode, nous apparaît comme sa fille.

[12] Pausanias, VIII, 9.

[13] Pour la description de l'Arcadie, cf. Pausanias ; Barthélemy, Voyage d'Anacharsis en Grèce ; Pouqueville, Voyage dans la Grèce, Paris, 1820-1821. Voir aussi l'Hymne homérique à Pan, poème dans lequel M. Lenormant, cité par M. Ampère (la Grèce, Rome et Dante), a vu un tableau de la nature arcadienne.

[14] C'est en Élide que se trouvaient les eaux minérales auxquelles présidaient les nymphes ionides et anigrides ; Pausanias, V, 5 ; VI, 22 ; mais les Grecs étendaient parfois à l'Élide le nom d'Arcadie ; Pausanias, V, I.

[15] Le Cyllène.

[16] Cf. Pausanias, VIII, 38, etc.

[17] Cf. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[18] Cf. F. Nève, Essai sur le mythe des Ribhavas, Paris, 1847 ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[19] Bibliothèque d'Apollodore, traduction et notes de Clavier, liv. III, chap. VIII, § 2 ; Ottfried Muller, Geschichten Hellenischer Stämme und Städte. Zweite, nach den Papieren des Verfassers berichtigte und vermehrte Ausgabe, von Schneidewin, Breslau, 1844. Die Dorier ; Preller, Griechische Mythologie, Leipzig, 1854 ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[20] Cf. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[21] Voir, pour la description de l'Olympe, Barthélemy, Voyage du jeune Anacharsis ; Ampère, la Grèce, Rome et Dante.

[22] Iliade, V, VIII, XXI ; Théogonie d'Hésiode.

[23] Théogonie.

[24] Preller, Griechische Mythologie. Elle est toujours une image de la jeunesse et de la beauté, et de toutes les jouissances que l'une et l'autre entraînent avec elles, et sans lesquelles on ne peut nullement se figurer la vie des dieux olympiques.

[25] Preller, Griechische Mythologie.

[26] Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[27] Dans le panthéon védique, Indra, l'époux d'Indrani, est le dieu de l'éther, et, comme Jupiter, c'est aussi le dieu qui lance la foudre.

[28] Homère, Iliade, I, VIII, XIII, XIV, XV, XVI, XVIII, XX ; Odyssée, IV ; Hymnes homériques, II, XII.

[29] Iliade, IV, 58-61, édition Didot.

[30] Iliade, XV.

[31] Hymnes homériques, II.

[32] Iliade, IX ; Odyssée, XX. Idéalisant la vie féminine, Junon était invoquée à Stymphale comme déesse enfant, déesse femme et déesse veuve. Pausanias, VIII, 22 ; Maury, Histoire des religions de lu Grèce antique.

[33] Iliade, I, IV, V, VII, XIV, XV, XVI, XVIII, XX ; Théogonie d'Hésiode.

[34] Iliade, V ; Théogonie, Travaux et Jours.

[35] Iliade, II, XIII, XXI ; Travaux et Jours.

[36] Théogonie ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[37] Iliade, IX ; Odyssée, X, XI ; Théogonie.

[38] Iliade, XII, XVI, XXI, XXIV ; Odyssée, VII, XXIV ; Théogonie et fragments d'Hésiode.

[39] Iliade, XIX ; Théogonie.

[40] Bouclier d'Hercule ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[41] Preller, Griechische Mythologie.

[42] Mahâbhârata, Saôptikaparva. Fragments du Mahâbkdrata, traduits en français par M. Pavie, Paris, 1844. Nous remplissons ici un devoir en signalant une fois de plus le courageux dévouement avec lequel un savant indianiste français, M. Fauche, a entrepris sans secours, sans encouragements, la traduction des deux cent mille vers du Mahâbhârata. Déjà M. Fauche avait traduit la belle épopée du Râmâyana, les œuvres de Kàlidâsa, etc., etc. — Depuis que cette note été écrite, M. Fauche est mort sans avoir pu achever la traduction du Mahâbhârata. Dix volumes de cette œuvre ont paru.

[43] Odyssée, X.

[44] Odyssée, IV, XI.

[45] Iliade, II, 371 ; IV, 288 ; VII, 132 ; XVI, 97 ; Odyssée, IV, 341.

[46] Iliade, X, XVII ; Odyssée, VI.

[47] Iliade, V, traduction de M. Pessonneaux, voir aussi le chant VIII, et Odyssée, I.

[48] Iliade, II, IV, V, VII, IX, X, XI, XV, XVII, XVIII, XX, XXI, XXII ; Odyssée, XIV.

[49] D'après M. Maury, Bellone personnifie les horreurs de la guerre. Cf. Histoire des religions de la Grèce antique. Voir aussi Iliade, V.

[50] Iliade, XXI.

[51] Cf. Râmâyana, poème sanscrit de Vâlmîki, mis en français par Hippolyte Fauche, Paris, 1854-1858. Voir Youddhakânda, XXXVI.

[52] Iliade, I, V, VIII, XV, XX ; toute l'Odyssée, particulièrement les chants, II, VI, VII, XIII, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX.

[53] Iliade, VI, X, XI, XVII, XVIII ; Odyssée, II, III, IV, VI, XV.

[54] Iliade, VI. Ici ce sont les Troyennes qui offrent un voile à Minerve ; mais Homère leur fait sans doute suivre les coutumes grecques.

[55] Iliade, X, XI ; Odyssée, II, III, IV, XV.

[56] Odyssée, VI.

[57] Iliade, II.

[58] Iliade, I, IX, XVI, XVIII, XX, XXIV ; Odyssée, III, V, XII ; Hymne à Apollon Délien ; Théogonie. Une divinité dont le nom se rapproche de celui de Thétis, est Téthys. Celle-ci est l'épouse de l'Océan, considéré par Homère comme la source de toutes les eaux, et le père de tous les êtres ; et par Hésiode, comme la source des eaux douces. D'après M. Maury, Téthys serait une autre personnification de la nature cachée des choses ; et le nom de cette déesse indiquerait par son étymologie, l'idée de maternité et de nourrice. Hésiode fait naître de l'union de l'Océan et de Téthys, trois mille fils et trois mille filles ; ce sont les Océanides qui personnifient les sources, les fontaines, les rivières. Cf. Théogonie, et Maury, ouvrage précité.

[59] Ampère, la Grèce, Rome et Dante. Voir aussi pour les noms et les épithètes des Néréides, Iliade, XVIII ; Théogonie ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[60] Voir dans les chants védiques, les admirables hymnes à l'Aurore. Rig-Véda, traduit par M. Langlois, section I, lecture IV, hymne II, et lecture VIII, hymne I. Nous avons cité des fragments de ces hymnes dans notre premier essai : La femme dans l'Inde antique.

[61] Iliade, I, II, VIII, IX, XI, XIX, XXIV ; Odyssée, II, IV, V, VI, VIII, IX, X, XII, XV, XIX, XX, XXII, XXIII ; Théogonie, Travaux et Jours. D'après M. Maury, l'Aurore n'aurait plus été considérée tomme une déesse au temps d'Homère, et le poète n'aurait vu en elle qu'une allégorie.

[62] Théogonie.

[63] Iliade, III, V, IX, XIV, XIX, XXII ; Odyssée, IV, VIII, XVII, XVIII.

[64] Ottfried Müller, Geschichten Hellenischer Stämme und Städte ; Orchemenos und die Minyer : — Non qu'elles portent préjudice aux Muses comme protectrices des chants. A celles-ci est réservé le paisible enthousiasme dans les vallées boisées de l'Hélicon, la divine inspiration des sources enivrantes, en un mot, la poésie propre ; mais les Grâces président à l'éclatante solennisation des fêtes, à la glorification des vainqueurs des luttes, au magnifique chœur de danses. — Plus haut, le célèbre antiquaire de Gœttingue les représente comme amies des banquets.

[65] Cf. l'ouvrage ci-dessus.

[66] Surnom de Vénus. Elle reçoit les surnoms de Cypris et de Cythérée, ce qui montre qu'à l'époque homérique, l'Aphrodite grecque était déjà identifiée à l'Astarté phénicienne adorée dans Chypre, à Paphos et à Amathonte. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[67] Odyssée, VIII, XVIII.

[68] Iliade, V, XXI.

[69] Ce n'est que dans l'Odyssée que Vénus est unie à Vulcain. L'Iliade donne à celui-ci pour compagne, Charis, la Grâce. Quant à Hésiode, il représente la plus jeune des Grâces, Aglaé, comme l'épouse du dieu.

[70] Iliade, XXI ; Odyssée, VIII.

[71] Hymne à Vénus.

[72] Iliade, V, VI, IX, XVI, XX, XXI, XXIV ; Odyssée, IV, VI, XI, XV, XVIII, XX ; Théogonie.

[73] Les nymphes accompagnaient aussi Bacchus ; la légende de ce dernier ne s'étant complètement développée qu'aux temps post-homériques, nous mentionnerons ailleurs le rôle que jouèrent les femmes dans le culte de ce dieu.

Une autre déesse fut identifiée avec Artémis ; Iphigénie-Hécate, la déesse taurique, à qui on offrait des victimes humaines. Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[74] Odyssée, VI.

[75] Odyssée, V.

[76] Odyssée, XVII. Une église chrétienne a remplacé aujourd'hui l'autel des nymphes. Quant à la fontaine, elle se voit encore près du canal de Céphalonie. Kruse, Hellas oder geographisch-antiquärische Darstellung des alten Griechenlandes ; Chenavard et Rey, Voyage en Grèce et dans le Levant, Lyon, 1858.

[77] Odyssée, XIII ; d'Estourmet, Journal d'un voyage en Orient, cité par M. Ampère (la Grèce, Rome et Dante). L'antre des nymphes est situé près de la baie de Dexia. Kruse, ouvrage ci-dessus ; Chenavard et Bey, id., planche XLIX.

[78] Odyssée, XVII.

[79] Théogonie.

[80] Dans les notes de sa traduction d'Apollodore, M. Clavier donne d'après le scoliaste d'Apollonius, les plus anciennes attributions des neuf Muses. Clio, suivant lui, dit-il, avait inventé l'histoire ; Thalie, l'agriculture et tout ce qui y a rapport ; Erato, la danse ; Euterpe, les sciences ; Terpsichore, les belles lettres ; Polymnie, la lyre ; Melpomène, l'ode ; Uranie, l'astronomie, et Calliope, la poésie, probablement la poésie héroïque. Ces attributions ont été imaginées avant l'invention de la comédie et de la tragédie, qu'on donna à Thalie et à Melpomène. La comédie ayant dû son origine aux fêles champêtres de Bacchus, la déesse de l'agriculture devint naturellement celle de la comédie.

[81] Théogonie.

[82] Hymne à Apollon Pythien.

[83] Iliade, I, II, XIV ; Odyssée, I, VIII, XXIV ; Théogonie, Travaux et Jours, Fragments d'Hésiode.

[84] Iliade, I ; Théogonie.

[85] Pausanias, IX, 29, 30 ; X, 5, 8, 24 (Au chap. V, Pausanias rapporte la tradition d'après laquelle Phémonoé aurait été la première prophétesse de la Grèce) ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique. Le bois sacré des Muses qui couronnait le Parnasse, fut abattu par Constantin, le destructeur du temple de Delphes ; mais la nature a fait revivre ce que l'homme avait anéanti ; et aujourd'hui la forêt de sapins qui ombrage le sommet du roc, se nomme encore le bois des Muses. La fontaine Castalie se voit aussi sur le Parnasse. Baron de Stackelberg, La Grèce. Vues pittoresques et topographiques. Paris, 1834.

[86] Hymne à Apollon Délien. Selon la légende, ce furent des vierges hyperboréennes qui, conduites par les enfants de Latone, honorèrent les premières le sanctuaire de Délos. Leurs noms, Argé et Opis, ou, suivant d'autres traditions, Hécaergé et Loxo, sont des épithètes de Diane. Elles moururent au but mime de leur pèlerinage, et leurs corps reposèrent sous un monceau de cendres qui provenaient des sacrifices. Un hymne antique les célébra. Plus tard, deux autres vierges, Hyperoché et Laodice, furent envoyées à Délos parlés Hyperboréens, qui les avaient chargées de présenter au sanctuaire leurs offrandes ; elles ne revirent pas non plus leur heureuse patrie. Les jeunes gens et les jeunes filles de Délos déposaient les boucles de leurs chevelures sur les tombes élevées à Hyperoché et à Laodice. Les légendes concernant les Hyperboréens paraissent se rattacher au caractère solaire d'Apollon et à l'origine relativement septentrionale de son culte. Ottfried Müller, Die Dorier ; Maury, Histoire des religions de la Grèce antique.

[87] Iliade, X.