Marie, mère de Jésus. — Élisabeth. — Anne la prophétesse, fille de Phanuel. — La Samaritaine. — Femmes secourues par le Rédempteur. La belle-mère de Pierre. La fille de Jaïr. La veuve de Naïm. La pécheresse. Marie de Magdala. — Femmes accompagnant le Christ. — La Syro-Phénicienne. — La femme et la fille du tétrarque Antipas. — Salomé, mère de Jacques et de Jean. — Marthe et Marie de Béthanie. — Les femmes sur le Calvaire. — Dernière impression. La maison à laquelle les Juifs durent les libérateurs qui les arrachèrent à la tyrannie syrienne leur donna des rois dont les querelles de succession amenèrent sur la Judée la domination romaine. La dynastie asmonéenne est tombée. Hérode, fils de l'Iduméen Antipater, règne sous la protection d'Auguste. Adorateur du pouvoir dont il dépend, Hérode dresse des temples à l'empereur romain. Mais les Juifs qu'il opprime se rattachent énergiquement aux antiques croyances dont, par malheur, l'âme leur échappe[1]. Ils attendent ce Messie que leur a promis l'Eternel. Mais, ne saisissant que l'enveloppe des prophéties, ils attribuent à Celui qui doit venir une royauté temporelle, nationale. Cependant, même au sein du pharisaïsme, quelques esprits d'élite pressentent que la mission du Rédempteur sera toute morale, tout humanitaire. Dans cette Galilée, dont nous esquissions naguère les vaporeux contours, une vallée serpente mollement entre les montagnes qui, formant les chaînes méridionales du Liban, se fondent dans la plaine d'Esdrélon. Cette vallée ; s'élargissant, s'arrondit en un bassin qui abrite la ville de Nazareth[2]. Des champs de blé, des haies de cactus, des bouquets d'arbres fruitiers, croissent abondamment clans cette coupe d'émeraude que protège une ceinture de 'collines au brillant calcaire parsemées de figuiers et de roses trémières. Dans cet enclos rempli de paix et de fraîcheur se trouvait une jeune fille, une fiancée. Descendante de David, elle allait s'unir à un simple charpentier dans les veines de qui ruisselait le même sang royal. Un incident inattendu attire l'attention de la jeune fille. Un étranger est auprès d'elle et lui dit : Je vous salue, Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes[3]. A cet hommage, Marie se trouble et, inquiète, s'interroge... Son interlocuteur devine son chaste embarras. Il lui parle avec douceur. Il lui apprend que bientôt lui naîtra un fils nommé Jésus, Sauveur. Ce Rédempteur sera grand ! C'est le Verbe de Dieu qui régnera à jamais ! Dans son trouble, Marie oublie que naguère un prophète annonçait que dans le sein d'une vierge descendrait le Messie. Avec une pudique fierté, la jeune fille refuse de croire aux paroles de l'être mystérieux qui est venu à elle. Comment serait-elle mère ! Elle n'est pas épouse. L'étranger, c'était un messager de Dieu, l'étranger, rassurant Marie, élève l'âme de la vierge à l'intelligence du rôle qui est réservé à celle-ci. Oui, elle va recevoir Dieu dans son sein, mais c'est par le souffle de l'Esprit sacré que la Parole divine s'incarnera en elle. Qu'est-il d'impossible à l'Éternel ? A cette heure une parente de Marie, Élisabeth, ne prévoit-elle pas dans sa vieillesse l'approche de la maternité ? Pendant que l'ange parlait à Marie, l'effroi de la vierge disparaissait. Se souvint-elle alors de ces voix inspirées qui prédisaient que par le Messie la vérité, confiée à Israël, subjuguerait la terre ? Marie se dit-elle que sa maternité sauverait l'humanité perdue par la première femme ? À ces pensées tressaillit-elle d'une joie surhumaine ? Son historien ne nous a laissé que le souvenir du grave recueillement avec lequel elle accepta la mission que lui imposait l'Éternel : Voici la servante du Seigneur, dit Marie, qu'il me soit fait selon votre parole[4]. Marie se rendit dans la montagneuse contrée de Juda pour y visiter sa parente Élisabeth. Issue de la race sacerdotale, Élisabeth était mariée à un prêtre nommé Zacharie. Fidèles à la loi, les deux époux en avaient conservé l'esprit. Élisabeth n'avait pas eu d'enfants ; mais, ainsi que l'avait dit à Marie le messager de Dieu, elle allait être mère. Elle savait que son fils serait appelé à préparer le règne de la vérité ; et quand elle vit entrer dans sa maison sa jeune parente, quand elle entendit le salut de Marie, elle sentit à. son agitation intérieure que c'était par cette jeune femme que se réaliseraient ses espérances messianiques. La flamme de l'esprit nouveau court en elle, et elle s'écrie : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni[5]. Élisabeth se demande comment la mère de son Dieu a daigné pénétrer dans sa demeure. Elle dit bienheureuse la vierge qui a eu foi dans l'œuvre à laquelle l'Éternel l'a appelée. L'émotion de cette scène inspire à Marie un hymne d'actions de grâce. De même que la femme d'Elkana, elle exalte le Dieu qui élève les humbles ; mais il y a dans ses accents un sentiment plus profond encore que dans le cantique d'Anne : les espérances de la mère de Samuel se réalisaient par la mère de Dieu ; Marie prévoyait que sa gloire serait éternelle comme le Verbe qui s'était incarné dans son sein. Après avoir passé près de trois mois chez sa parente, la Vierge retourna à Nazareth, où l'attendait une cruelle épreuve. Joseph, le fiancé de Marie, la crut coupable. La loi mosaïque l'autorisait à la faire lapider[6]. Mais le caractère élevé, les sentiments délicats de Joseph ne lui permirent pas de livrer à la mort, à la honte, la jeune fille qu'il avait aimée. Il se disposait à la répudier secrètement, quand une apparition divine lui révéla et la pureté de Marie, et la gloire qui était réservée à la jeune vierge. Joseph épousa sa fiancée. Auguste avait ordonné le recensement de la Judée. Joseph et Marie durent se faire inscrire au berceau de leur royale famille, à Bethléem. L'humble couple ne put trouver d'asile que dans une étable. Ce fut là que, pendant la nuit, Marie mit au monde le Rédempteur. A quoi pensait la Vierge-Mère pendant qu'elle entourait de langes le nouveau-né, et le couchait dans une crèche ? Etait-ce là ce rejeton de David, ce roi, cet Homme-Dieu qui devait renouveler la face de la terre ? Mais voici que déjà des adorateurs viennent à ce Dieu caché. Des bergers saluent les premiers celui qui divinisera la pauvreté. Pendant les veilles de la nuit> ces pasteurs ont été inondés d'une lumière éblouissante, et la voix du ciel les a conduits au Verbe incarné. Marie écoutait et méditait. Peu de temps après, elle vit arriver trois hommes qui offrirent à l'Enfant-Dieu de l'or, de l'encens, de la myrrhe : c'étaient des Mages qui, d'une lointaine région, étaient venus reconnaître en Jésus le Maître de l'univers. Alors, sans doute, Marie rêvait au triomphe de son fils ; mais elle allait apprendre ce que ce triomphe coûterait un jour à son cœur maternel. Accompagnée de Joseph, Marie déposait au temple de Jérusalem l'offrande purificatoire de la femme pauvre, et présentait son fils au sanctuaire. Un vieillard de Jérusalem, Siméon, s'approcha de Marie, et prenant le nouveau-né dans ses bras, il remercia l'Eternel qui lui avait permis de contempler avant sa mort le libérateur d'Israël. Mais, avec les anciens prophètes, il pressentit que le monde n'admettrait pas, sans de violents combats, le règne du Verbe ; et que le Christ devrait payer de sa vie humaine le triomphe de la vérité sur la terre. Les hommes mesurent l'importance d'une idée à la grandeur du sacrifice que celle-ci provoque. Siméon disait à la mère : Et le glaive percera votre âme, afin que les pensées cachées au fond des cœurs d'un grand nombre soient révélées[7]. Anne, fille de Phanuel, la dernière des prophétesses, qui, livrée au jeûne, à la prière, passait sa vie dans le temple, Anne bénissait aussi l'Éternel. Devant la plus grande révolution morale dont les siècles aient été témoins, Anne n'éprouvait pas l'amère douleur de voir s'anéantir les croyances qui l'avaient fait vivre. Elle assistait au contraire à l'éclosion de ses espérances, et par elle, les patriarches, Moïse, les prophètes, saluaient dans l'avènement du Verbe le triomphe de l'idée éternelle qu'ils avaient servie. La lutte commençait déjà pour Marie. Hérode savait que des sages de l'Orient s'étaient rendus dans son royaume pour y adorer une autre puissance que la sienne ; et le tyran, qui naguère avait immolé à d'injustes soupçons Mariamne, sa compagne bien-aimée, puis les deux fils qu'elle lui avait donnés, le tyran n'hésita pas à ordonner la mort de tous les enfants de Bethléem qui n'auraient point dépassé l'âge de deux ans. Mais pendant que, selon la douloureuse prédiction de Jérémie, Rachel pleurait ses enfants, Marie et Joseph emmenaient Jésus en Égypte. A la mort d'Hérode, la sainte famille revint à Nazareth. Les rapports de Jésus avec Marie révélaient déjà en lui et l'homme et le Dieu. Soumis à sa mère, il élevait au-dessus de sa tendresse pour elle le soin de sa mission. Il avait douze ans quand ses parents, qui l'avaient emmené à Jérusalem au temps de la Pâque, s'aperçurent en reprenant la route de Nazareth que leur enfant n'était pas avec eux. Inquiets, ils retournèrent à Jérusalem, et retrouvèrent dans le temple Jésus qui enseignait aux docteurs cette sagesse dont il était le principe. Marie lui adressa de doux reproches, mais Jésus s'étonna de l'émotion de sa mère. Marie ne savait-elle pas qu'il se devait au service de la vérité ? La Vierge ne comprit pas alors ce que lui disait Jésus. Mais elle recueillait avec ferveur les paroles que prononçait ce fils dont elle devenait ainsi le premier disciple. Marie assistait à la révélation progressive de la divinité du Sauveur. Elle voyait les humbles habitants de la Galilée accourir vers ce jeune Maître qui, par l'amour, les conduisait au bien. Les hommes qui, vivant au sein d'une paisible nature, n'avaient pas altéré leur simplicité native, devaient spontanément reconnaître la vérité. Marie provoqua, par l'élan de son ardente charité, le premier miracle de son fils. Elle résidait à Cana. Conviée avec Jésus à des fêtes nuptiales qui se célébraient dans cette ville, elle s'aperçut que le vin manquait aux coupes des invités ; elle le fit remarquer à son fils. Le Christ devina la muette prière que trahissait cette observation ; il accueillit avec sévérité le vœu tacite de Marie : Mon heure n'est point encore venue[8], disait-il. Malgré cette parole, Marie savait qu'elle n'en aurait pas vainement appelé à la miséricorde du Sauveur ; elle ordonna aux serviteurs de faire ce que leur dirait Jésus. Et, à la voix du Christ, les domestiques répandirent, dans les vases de pierre destinés aux purifications, de l'eau qui se transforma en un vin généreux[9]. Jésus avait commencé sa lutte contre le pharisaïsme. Il revenait de Jérusalem. Traversant la Samarie, il arriva près de Sichem. Formés par la fusion de colons assyriens avec les Éphraïmites qui n'avaient point suivi leurs frères à Ninive, les Samaritains adoraient l'Eternel sur le mont Garizim, n'admettaient d'autre autorité que celle du Pentateuque, et attendaient le Messie[10]. Les Juifs méprisaient les Samaritains et ils évitaient de traverser leur pays. Aussi la présence du Rédempteur dans cette région était-elle une éloquente protestation contre l'esprit de secte qu'il venait de combattre à Jérusalem. Parvenu à l'entrée de la vallée de Sichem, Jésus s'arrêta ; et, fatigué, s'assit sur la fontaine de Jacob. Il était près de midi. Une femme s'approcha pour puiser de l'eau, et Jésus la pria de lui donner à boire. La Samaritaine s'étonnait. Un Juif, loin de se croire souillé par sa présence, sollicitait d'elle un secours ! Elle exprimait sa surprise à Jésus, et ce dernier lui disait que, si elle connaissait celui qui lui parlait, ce serait à elle peut-être de demander à son interlocuteur une eau vive qu'il lui donnerait. — Seigneur, répondit la Samaritaine, vous n'avez pas où puiser, et le puits est profond ; d'où avez-vous donc cette eau vive ? Etes-vous plus grand que Jacob notre père, qui nous a donné le puits ? Et lui-même en a bu, et ses enfants, et ses troupeaux[11]. Le Christ répliqua : Quiconque boit de cette eau-là aura encore soif. Mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus soif à jamais ; mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine d'eau qui rejaillit pour la vie éternelle[12]. Il connaissait la grandeur de l'homme, celui qui prononça cette sublime parole. Il savait que rien ici-bas n'apaise la soif de notre esprit qui veut savoir, de notre cœur qui veut aimer ! Il savait que seul le Principe de l'intelligence, de l'amour, peut, en satisfaisant nos aspirations vers l'infini, vivifier les sentiments qui nous rattachent à la terre ! La Samaritaine, ne saisissant que le sens matériel de l'idée qu'émettait le Christ, sollicitait de Jésus le don de cette eau qui lui permettrait de ne plus revenir au puits de Jacob. Soudain Jésus lui disait ce qu'il savait de sa vie. Et elle, étonnée, appelant du nom de prophète le jeune Maître, elle comprenait qu'un sens mystérieux s'était caché dans les paroles que Jésus lui avait adressées dès le début de leur entretien. Abordant avec franchise l'un des points qui séparaient des Juifs les Samaritains, elle dit à Jésus : Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites qu'à Jérusalem est le lieu où il faut adorer[13]. — Femme, croyez-moi, répondit le Sauveur, l'heure vient que vous n'adorerez votre Père ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem. .... Mais l'heure vient, et elle est maintenant, que de vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité : car le Père demande de semblables adorateurs. Dieu est esprit ; et il faut que ceux qui l'adorent en esprit et en vérité[14]. Après avoir évoqué l'unique idée qui puisse répondre aux besoins de l'homme, Jésus vient d'annoncer le temps où cette idée, planant sur l'univers entier, recevra le culte qui lui est dû. L'Européen dans ses somptueuses cités ; l'Africain dans ses déserts ; l'Hindou au sein de ses jongles et au sommet de ses hautes montagnes ; l'habitant du nouveau monde dans ses savanes et au bord de ses grands fleuves ; le Groënlandais sur ses rocs neigeux d'une morne blancheur ; le Polynésien dans ses îles verdoyantes irradiées de lumière et ceintes de coraux ; tous les peuples enfin, reconnaissant la vérité promulguée par le Verbe divin, en pratiqueront les lois immuables. C'est là le culte que Dieu a prescrit à l'humanité naissante ; c'est aussi celui qu'il demande à l'humanité régénérée. La Samaritaine écoutait, et elle pensait à ce Rédempteur qui devait ramener les hommes à leur unité originelle. Je sais, dit-elle, que le Messie (qui est appelé Christ) doit venir ; quand celui-ci sera venu, il nous annoncera toutes choses[15]. Jésus se dévoila. C'est moi, moi qui vous parle[16]. Pour la première fois, le Rédempteur avait pleinement affirmé et sa divinité, et sa mission humanitaire. Par la femme à laquelle Jésus s'était révélé, les habitants de Sichem le reçurent comme le Sauveur du monde. Jésus aimait à confier sa parole aux femmes. Il savait que par l'effusion de leur cœur, par la généreuse spontanéité de leur nature, elles comprenaient sa mission d'amour et de tolérance. Éprouvant aussi pour elles cette tendresse protectrice qu'inspirent à un être supérieur la faiblesse et la souffrance, il aimait à calmer leurs douleurs ; et la foi ardente qu'elles avaient en lui secondait l'influence surhumaine qu'il exerçait sur elles. Dévorée par la fièvre, la belle-mère de Pierre voit se poser sur sa main la main du Sauveur, et à ce divin contact elle est guérie. Une femme, épuisée par douze années de souffrances, touche la frange du vêtement de Jésus, et retrouve subitement la santé. La fille de Jaïr, prince du peuple, est plongée dans une léthargie qui fait croire à sa mort ; déjà les pleureuses et les joueurs de flûte remplissent sa demeure. Le Christ est appelé auprès d'elle par le prince, son père ; et, à la douce et paternelle parole de l'Homme-Dieu, la jeune fille se lève. Dans une excursion à Naïm, Jésus rencontre un convoi funèbre : on va enterrer un jeune homme, fils unique d'une veuve. La mère du mort suit, tout en larmes, la bière qui renferme le cadavre de celui qu'elle a mis au monde. Jésus la voit pleurer. Par le touchant intérêt qu'il accordait à l'enfance, il comprenait particulièrement le cœur d'une mère. Souffrant lui-même du désespoir de la veuve, il lui rend son fils. Les femmes coupables et repentantes viennent sans crainte au Rédempteur[17]. Sans doute la vue du type de la perfection les fait rougir de leurs fautes ; mais, en maudissant leurs égarements, elles se sentent pénétrées, pour le Verbe incarné, d'un amour qui les épure. Une pécheresse apprend que le Maître est assis à la table de Simon le Pharisien. Elle entre dans la maison où se trouve Jésus. Avec un inexprimable mélange de honte et de confiance, elle se tient derrière le Rédempteur. Prosternée, elle inonde de ses larmes les pieds de l'Homme-Dieu, les essuie de ses lèvres, de ses cheveux, et les arrose des parfums qu'elle a apportés dans un vase d'albâtre. Le Pharisien, voyant que le Maître ne repoussait pas cette femme, doutait, non pour la première fois peut-être, de l'intuition prophétique de son hôte. Le Christ, lisant dans sa pensée, s'adressa à lui : Simon, j'ai quelque chose à te dire. — Maitre, parlez. — Un créancier avait deux débiteurs : l'un devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante. Et comme ils n'avaient pas de quoi payer, il fit grâce à tous deux. Or, dis donc lequel des deux il aime le plus ? — Je crois que c'est celui à qui il a le plus donné. — Tu as bien jugé[18]. Et Jésus, se retournant, abaisse son regard sur la pécheresse, et, la désignant au Pharisien, il fait comprendre à ce dernier que, plus que lui, elle a droit à l'intérêt du Sauveur. Simon a-t-il, selon l'antique usage oriental, répandu de l'eau sur les pieds de son hôte ? Non ; mais cette femme les a baignés de ses pleurs. Le Pharisien a-t-il donné au Christ le baiser de bienvenue ? Non ; mais depuis que cette femme est entrée, les pieds de Jésus reçoivent l'impression de ses lèvres muettes et frémissantes et le contact de sa chevelure. Le Pharisien a-t-il oint la tête de l'Homme-Dieu ? Non ; mais Jésus sent monter le parfum des aromates que cette femme n'ose verser que sur ses pieds. Pardonnant les fautes de la pécheresse aux divins élans de tendresse qui l'ont dégagée de sa fange, Jésus lui rend la paix de l'âme. C'était principalement sur les maladies morales que se manifestait le pouvoir bienfaisant de Jésus. Parmi les femmes dont les souffrances nerveuses cédèrent à sa sereine influence, Marie de Magdala lui voua une adoration passionnée. Aussi était-elle du nombre des femmes qui, suivant le Christ, le servaient, ou subvenaient à son existence matérielle[19]. Ces femmes, Jésus les nommait et ses mères et ses sœurs, car elles recevaient clans leurs cœurs son essence, la vérité. Les filles d'Israël jouiront-elles seules des bienfaits du Rédempteur ? 'Voici que vient à lui, sur les bords de la Méditerranée, une suppliante, une mère. C'est une Syro-Phénicienne qui implore de lui la guérison de sa fille. Éprouvant l'étrangère par sa résistance, il semble borner sa mission au pays d'Israël. Mais quand, humble et confiante tout ensemble, cette femme persiste à voir en Jésus non-seulement le libérateur des Juifs, mais le Rédempteur des hommes, sa foi a vaincu, et sa fille est sauvée. Pendant que d'humbles femmes comptaient parmi les plus ardents disciples du Christ, les princesses de la maison d'Hérode causaient la mort de Jean le Précurseur, fils d'Élisabeth. Jean était venu préparer par la pénitence les hommes à se rendre dignes du règne de l'esprit,- de l'amour, de la paix. Témoin des crimes qui déshonoraient les maîtres Iduméens de la Palestine, Jean vit Hérode Antipas, tétrarque de Galilée, et sa belle-sœur Hérodiade, s'allier entre eux au moyen d'un double divorce. Il reprocha au tétrarque l'immoralité de cette union, et la prison fut le châtiment de cet acte de courage civique. Mais Antipas commença bientôt à subir l'influence de ce prophète qui, par son aspect austère et menaçant, rappelait la figure d'Élie. Hérodiade vit le péril. Un festin célébrait l'anniversaire de la naissance d'Antipas. Salomé, fille d'Hérodiade, exécuta devant le tétrarque, son beau-père, une de ces danses auxquelles la grâce languissante des Syriennes donne un séduisant attrait. Charmé, ravi, Antipas jura à la princesse de lui accorder tout ce qu'elle désirerait. Conseillée par sa mère, Salomé demanda au tétrarque la tête de Jean-Baptiste. Attristé, le faible prince n'osa manquer à sa promesse. Par sa mort, aussi bien que par sa prédication, Jean avait précédé Jésus. Le Christ disait à ses disciples qu'il allait consommer à Jérusalem le sacrifice de sa vie mortelle. A l'une de ces heures où, prédisant sa fin prochaine, il annonçait aussi sa résurrection, Salomé, mère de Jacques et de Jean, vint à lui. Elle était accompagnée de ses deux fils. Se prosternant devant l'Homme-Dieu, elle le supplia d'accorder à Jacques et à Jean les deux sièges placés à sa droite et à sa gauche dans son éternel royaume. La parole de Jésus prit une expression de grave et doux reproche. Cette mère, ces enfants, savaient-ils ce qu'ils demandaient ? La première place après le trône de Dieu appartient à celui qui, dans son dévouement aux hommes, a épuisé ce calice d'amertume que lui tendent ceux-là même qu'il veut sauver. Pour s'élever au-dessus de l'humanité, il faut savoir mourir et pour elle et par elle. Pendant que Jésus séjournait à Jérusalem, les Juifs cherchèrent à s'emparer de lui ; mais le Christ n'ayant pas complètement achevé son œuvre morale, ne voulut pas encore exposer sa vie. Il se retira au delà du Jourdain. Un événement hâta son retour dans la Judée. Pendant les voyages que Jésus faisait dans cette dernière région, il était une retraite où le Maître aimait à se reposer de ses âpres combats contre les Pharisiens. C'était le village de Béthanie, qui s'abritait dans un creux boisé sur le sommet du mont des Oliviers[20]. Au milieu de la nature désolée qui entourait Jérusalem, c'était un des rares coins de verdure qui rappelassent à Jésus les sites riants de sa Galilée. Là aussi, il trouvait une famille amie qui lui rendait le même culte que ses disciples du lac de Génésareth. Cette famille se composait de Lazare et de ses deux sœurs, Marthe et Marie. Saint Luc nous a tracé un délicieux tableau de cet intérieur de Béthanie qu'anima le Verbe. Un jour que, par la parabole du bon Samaritain, Jésus avait prouvé aux docteurs de la loi que la charité unit les hommes que séparent leurs convictions religieuses, le Maître entra dans la maison de Marthe. Marie vint s'asseoir à ses pieds. Elle recueillait les paroles que prononçait le Verbe. Pendant ce temps Marthe, s'empressant autour de Jésus, se livrait à tous les soins extérieurs de l'hospitalité. La calme attitude de sa sœur la blessa. Marthe s'approcha de Jésus : Seigneur, ne voyez-vous pas que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dites-lui donc qu'elle m'aide. — Marthe, Marthe, répondit le Christ, vous vous inquiétez et vous vous troublez de beaucoup de choses. Or une seule chose est nécessaire : Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ôtée[21]. Une fois de plus, Jésus avait établi la supériorité du culte de l'âme sur les minutieuses prescriptions rituelles du judaïsme. Combien de natures, d'ailleurs bien intentionnées, s'attachant uniquement aux formes de l'adoration, laissent s'alanguir leur existence morale ! Combien d'entre elles accusent d'une coupable indifférence les vrais serviteurs du Christ qui, sans affectation extérieure, aspirent, muets et recueillis, la parole divine qui active leur vie intérieure ! Cependant ces derniers ont choisi la meilleure part. Marthe comprit sans doute ce que lui avait dit Jésus, car nous allons la voir s'élever aux plus hautes notions spiritualistes. Ce fut la famille de Béthanie qui rappela Jésus en Judée. Il avait reçu de Marthe et de Marie ce message si éloquent dans sa brièveté : Seigneur, celui que vous aimez est malade[22]. La profonde affection que Jésus avait vouée à Lazare et à ses sœurs lui fit braver le danger auquel il s'était dérobé. Deux jours après avoir reçu le message de Marthe et de Marie, le Christ rentrait en Judée. Il savait ne devoir rencontrer à Béthanie que le corps inerte de son ami ; mais il pouvait ramener la vie dans un cadavre. Il approchait de Béthanie. Marthe courut au-devant de lui. Marie, accablée de douleur, était demeurée à la maison, et les Juifs essayaient vainement de la consoler. Seigneur, disait à Jésus la sœur de Marie, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort[23]. Marthe savait maintenant que le Christ pouvait faire reculer la mort. Jésus lui promettait que son frère ressusciterait ; et Marthe, pleinement convaincue de l'immatérialité de l'âme, manifestait avec énergie sa croyance à la vie éternelle. Une autre pensée préoccupait Jésus. Il demandait à Marthe si elle reconnaissait en lui le principe de la vie ? Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu, qui est venu en ce monde[24]. Marthe quitta Jésus, attira mystérieusement sa sœur et lui dit : Le Maître est ici, il t'appelle[25]. A cette parole magnétique, Marie se leva, et les Juifs qui l'entouraient, la voyant sortir de son morne accablement, crurent qu'elle allait pleurer au sépulcre de Lazare. Marie se dirigeait vers Jésus. Quand elle le vit, sa douleur déborda. Agenouillée à ses pieds, elle lui disait comme Marthe : Si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort[26]. A la vue du désespoir de Marie, Jésus ne put contenir son émotion ; il frémit. Et quand on le conduisit au tombeau de son ami, la nature humaine réagit en lui contre la substance divine. Ses larmes jaillirent. Il ordonna qua la pierre sépulcrale fût levée. Marthe hésita. Depuis quatre jours Lazare avait cessé de vivre, et sa sœur craignait que les miasmes de la mort ne s'élevassent de sa tombe. Jésus réitéra son ordre. On lui obéit. Il se recueillit dans sa divinité, Lazare, viens dehors[27], s'écria-t-il. L'ami de Jésus répondit à cet appel. En rendant à Marthe et à Marie le frère qu'elles pleuraient, le Christ avait consommé sa perte. Cette manifestation de sa puissance surnaturelle fit éclater la haine de ses ennemis. Six jours avant la pâque, la maison de Béthanie revoyait son hôte divin. Marthe le servait à table. Par un douloureux pressentiment, Marie, répandant une livre de vrai nard sur les pieds du Sauveur ; les essuyant, comme la pécheresse, avec sa chevelure, brisa le vase d'albâtre qui contenait ce parfum, et qui désormais ne pouvait servir à un usage profane. Juda de Kérioth, l’un des douze Apôtres, s'indigna de celte prodigalité, et déclara que les trois cents deniers que valait ce nard eussent pu être donnés aux pauvres[28]. Ému du suprême hommage que lui rendait Marie et de la douleur qu'avait causée à cette dernière l'observation de Juda, Jésus dit : Pourquoi affligez-vous cette femme ? Ce qu'elle vient de faire pour moi est une bonne œuvre. Car vous aurez toujours des pauvres parmi vous ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. Et cette femme, en répandant ce parfum sur mon corps, l'a fait à cause de ma sépulture. Je vous le dis en vérité, partout où cet Evangile sera prêché, on racontera à la louange de cette femme ce qu'elle vient de faire[29]. Ce fut à la suite de ce reproche que Juda de Kérioth alla livrer Jésus aux princes des prêtres. Pour la dernière fois nous avons vu ici les sympathiques figures des deux sœurs de Lazare. Marthe nous est apparue dans son rôle serviable, mais vivifiant alors son zèle extérieur par son adhésion aux doctrines de Jésus. La physionomie de Marthe s'accentue avec une netteté, un relief qui nous donnent l'illusion de la réalité. Nature éminemment pratique, Marthe ne comprend pas tout d'abord le culte idéal que le Sauveur demande. Avec l'autorité que lui donne son titre de sœur aînée, elle blâme l'attitude méditative de Marie. Mais la douleur que lui cause la mort de son frère lui fait répandre au dehors la vie de son âme. Cependant, à ce moment encore, elle demeure fidèle à son caractère ferme et exempt de toute exaltation ; et c'est d'un ton simple et convaincu qu'elle manifeste sa croyance à la vie éternelle, sa foi dans le Verbe incarné. Tout en aimant ce type si vrai, nous lui préférons celte poétique figure que l'Évangile a noyée dans une pénombre merveilleusement appropriée à son expression rêveuse et passionnée. Par l'immatérialité de ses idées, par la chaleur de ses sentiments, Marie était destinée à embrasser spontanément la loi nouvelle. Jésus gravissait le Calvaire. Le sanhédrin l'avait condamné à mort, et la sentence de ce tribunal avait été ratifiée par le procurateur romain Ponce-Pilate. Une femme cependant, la compagne même de Pilate, avait tenté de prévenir la complicité de son mari dans ce meurtre juridique. Avait-elle pressenti, la miséricordieuse Romaine, que, partout où le nom du Juste serait révéré, la femme serait honorée ? Des femmes, parmi lesquelles se trouvaient des filles de Jérusalem, suivaient tout en pleurs le martyr de la vérité. Jésus entendant leurs gémissements, se tourna vers elles. Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants[30]. Il leur annonçait avec tristesse qu'un jour viendrait où la femme stérile serait plus heureuse que la mère. Le siège de Jérusalem devait commenter cette parole. Trois croix étaient dressées sur le Calvaire. Au pied de la croix du milieu se tenaient la Vierge-mère, Marie de Cléophas, sa sœur, Marie de Magdala. Elles assistaient à l'agonie du Christ. Jean était auprès d'elles. Jésus avait éprouvé ses dernières défaillances. Sans doute il avait craint que l'humanité ne refusât d'être régénérée par son sang, puisqu'il avait souffert de son sacrifice. Maintenant il était calme, il avait foi dans cette humanité qu'il sauvait ; et quand, abaissant son regard, il vit à ses pieds sa mère et son disciple de prédilection, il dit à Marie : Femme, voilà votre fils ; et à Jean : Voilà votre mère[31]. Sublime consolation versée par l'Homme-Dieu dans le sein de Marie ! Consolation digne de la mère du Rédempteur ! L'amour qu'elle portait à son fils ne la détachera pas de la terre, mais il vivifiera sa tendre sollicitude pour la famille humaine qu'a rachetée ce fils. La mission que le Christ confie à Marie ne disparaîtra pas avec elle. La femme qui, par la limpide pureté de son âme, par la hauteur de son intelligence, fut digne de concevoir la Vérité divine ; la femme qui, conservant sa modeste attitude, écouta les premiers accents du Verbe incarné ; la femme qui sut rendre au monde par l'amour ce que l'Éternel lui avait donné, cette femme deviendra le modèle, le type idéal de son sexe. Ce type élèvera à des hauteurs jusqu'alors inconnues l'inspiration du poète, celle de l'artiste. En le contemplant, le génie de l'homme aura vu la beauté morale dans tout son épanouissement. L'Hellène adorait dans la femme la forme qui attire et charme le regard ; le chrétien aimera et respectera en elle l'âme qui sait et comprendre et consoler la sienne. C'était pendant la nuit du premier jour de la semaine. Marie de Magdala, Marie de Cléophas, Salomé, entrèrent dans un jardin qui avoisinait le théâtre du supplice de Jésus. Ce jardin renfermait un sépulcre creusé dans le roc : c'était le tombeau du Christ. Les trois femmes venaient embaumer le corps de leur Maître avec des aromates qu'elles avaient achetés. La pierre qui fermait l'entrée de la grotte funéraire était lourde, et les femmes se demandaient comment, de leurs faibles mains, elles pourraient la rouler. Mais, en s'approchant, elles s'aperçurent que cette pierre avait été retirée, et que Jésus n'était pas dans son tombeau. Marie de Magdala, qui avait espéré revoir pour la dernière fois les traits adorés du Christ, crut que les ennemis de Jésus avaient enlevé à l'amour des disciples les restes mortels de leur Maître. Elle quitta le sépulcre, et, courant à Pierre et à Jean, elle leur apprit avec angoisse que le cadavre de l'Homme-Dieu avait disparu. Pendant ce temps ses compagnes entraient dans le sépulcre. Là deux messagers célestes, dont les draperies avaient la Hanche diaphanéité de la neige, leur apparurent, rayonnants de lumière. Ils leur annoncèrent que le Christ était ressuscité, et leur apprirent qu'elles le trouveraient dans ce doux pays de Galilée où, pour la première fois, elles l'avaient rencontré. Ils leur ordonnèrent de dire aux disciples de Jésus que ceux-ci allaient revoir le Maître. Frémissantes de terreur et de joie, les deux femmes s'enfuirent. Bientôt arrivèrent au sépulcre les deux Apôtres qui, par Marie de Magdala, savaient que le tombeau du Christ était vide. En voyant que les linceuls et le suaire de leur Maître n'avaient pas été enlevés, Pierre et Jean comprirent que la disparition du cadavre de Jésus n'était pas due à une main humaine. Ils partirent. Mais Marie de Magdala, debout, hors du sépulcre, pleurait et ne pouvait se résigner à quitter l'asile qui, la veille encore, abritait les restes du Christ. Elle se baissa, essaya de pénétrer le mystère de ce tombeau. Elle aperçut les messagers de Dieu, qui lui demandèrent le sujet de ses larmes. Elle leur répondit par ces déchirantes paroles : Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis[32]. Un homme se tenait derrière Marie, et lui disait aussi : Femme, pourquoi pleurez-vous ? qui cherchez-vous ?[33] Marie crut que son interlocuteur était le jardinier. Délirante, elle le soupçonna d'avoir enlevé le cadavre de son Maître, et le supplia de lui rendre ce corps afin qu'elle l'emportât. Marie ! dit cet homme. La Magdaléenne reconnut cet accent... Elle se retourna, vit le Christ, étendit vers lui ses mains... Rabboni[34] (mon Maître) ! criait-elle. Jésus se dérobait à l'étreinte de Marie. Il n'avait pas encore rejeté son enveloppe humaine[35]. Quand le Dieu seul resterait, alors seulement il pourrait descendre dans l'âme de Marie de Magdala. Le Christ envoyait Marie à ses Apôtres pour leur annoncer que son retour au ciel était proche. Impressionnable jusqu'à la souffrance, passionnée jusqu'à l'exaltation, Marie de Magdala avait naguère été calmée par la douce et paisible influence du Verbe incarné. Cependant, au moment de la mort de l'Homme-Dieu, elle s'était sentie troublée, et avait demandé à la terre son Maître bien-aimé. Mais, à la parole du Christ, elle apprit à élever son regard, à comprendre l'amour divin dégagé de toutes les entraves humaines. Elle rejoignit ses compagnes. Celles-ci aussi avaient reçu le salut du Christ ressuscité. Toutes ensemble, ces femmes allèrent dire aux Apôtres qu'ils reverraient encore ici-bas le Dieu qui, remontant bientôt au ciel, n'en serait que plus intimement uni à eux. Constatons-le avec bonheur. Notre sexe aida puissamment au progrès des notions spiritualistes idéalisées par l'Évangile ; et, par un juste retour, là où ces notions ont régné, la femme est redevenue la fille de Dieu, l'aide et la compagne de l'homme. La femme saura maintenir les idées à l'intelligence desquelles elle a contribué. Il arrive des temps où, par son contact incessant avec la
vie réelle, l'homme rejette tout ce qu'une expérience personnelle ne lui a
pas démontré. Cependant il a soif de connaître ses véritables destinées. Il
demande vainement à sa raison bornée le secret de l'éternel, de l'infini.
Lassé de ne pouvoir résoudre le problème qui l'agite, il en vient à douter de
sa raison même, et il dit à son âme : Tais-toi, tu n'es qu'un souffle périssable ; vis de la vie de ce corps avec lequel tu te confonds ; vis et
meurs avec lui ! Le rationalisme est devenu le matérialisme. Mais l'homme n'impose pas impunément silence à cette voix intérieure qui vibre en lui comme un écho du ciel. L'âme proteste contre son anéantissement ; et par la lutte douloureuse que l'homme sent en lui-même, il apprend à douter même de son scepticisme. Pour combattre le matérialisme, la femme ne s'arme pas de la parole comme d'un glaive. Elle ne sait pas frapper ; mais elle sait vivifier, au contact de son âme, l'âme qui se sent défaillir. De même que les compagnes de Jésus apprirent au monde que le Maître était ressuscité et que le Verbe vivrait à jamais sur la terre, au ciel, élevons les regards du sceptique au-dessus de ce tombeau où il croit la vérité ensevelie. Il la verra, cette vérité, luire ici-bas dans le cœur de l'homme, rayonner là-haut dans son type éternel. Femmes, mères des générations futures, en sauvegardant les idées spiritualistes, c'est la vie morale de nos enfants que nous protégeons ! FIN DE L'OUVRAGE |
[1] Voir plus haut, Livre premier,
chapitre IV : Révélation évangélique.
[2] Cf. Nazareth, by H. B.
Hackett (Dict. of the Bible).
[3] Évangile selon saint Luc,
I, 28, traduction de Genoude.
[4] Évangile selon saint Luc,
I, 38, traduction de Genoude.
[5] Évangile selon saint Luc,
I, 42, traduction de Genoude.
[6] On se rappelle que les
fiançailles étaient le mariage légal des Hébreux.
[7] Évangile selon saint Luc,
II, 35, traduction de Genoude.
[8] Évangile selon saint Jean,
II, 4, traduction de Genoude.
[9] Après les noces de Cana, Marie
revint avec son fils à Capharnaüm. Cf. Évangile selon saint Jean, II,
12.
[10] Cf. Chrestomathie arabe,
par M. le baron Sylvestre de Sacy. Seconde édition, tome I ; et Palestine,
par M. Munk.
[11] Évangile selon saint Jean,
IV, 11, 12, traduction de Genoude.
[12] Évangile selon saint Jean,
IV, 13, 14, traduction de Genoude.
[13] Évangile selon saint Jean,
IV, 20, traduction de Genoude.
[14] Évangile selon saint Jean,
IV, 21, 23, 24, traduction de Genoude.
[15] Évangile selon saint Jean,
IV, 25, traduction de Genoude.
[16] Évangile selon saint Jean,
IV, 26, traduction de Genoude.
[17] L'éloquent défenseur des
grandes traditions chrétiennes a consacré des pages d'une exquise délicatesse
aux relations de Jésus avec les femmes : Il n'y a,
dans ses rapports avec les femmes qui l'approchent, pas la moindre trace de
l'homme, dit M. Guizot, et nulle part le Dieu
ne se manifeste avec plus de charme et de pureté. Méditations sur
l'essence de la religion chrétienne, 1864.
[18] Évangile selon saint Luc,
VIII, 40-43, traduction de Genoude.
[19] Saint Luc cite parmi les
compagnes de Marie de Magdala, Jeanne, femme de Khouza, intendant d'Hérode
Antipas, et Suzanne. Cf. Évangile selon saint Luc, VIII, 2, 3.
[20] Cf. Robinson's biblical
researches ; Bethany, by George Grove (Dict. of the Bible).
[21] Évangile
selon saint Luc, X, 40-42, traduction de Genoude.
[22] Évangile selon saint Jean,
XI, 3, traduction de Genoude.
[23] Évangile selon saint Jean,
XI, 21, traduction de Genoude.
[24] Évangile selon saint Jean,
XI, 27, traduction de Genoude.
[25] Évangile selon saint Jean,
XI, 28, traduction de Genoude.
[26] Évangile selon saint Jean,
XI, 32, traduction de Genoude.
[27] Évangile selon saint Jean,
XI, 43, traduction de Genoude.
[28] Évangile selon saint Jean,
XII, 5, traduction de Genoude.
[29] Évangile selon saint
Matthieu, XXVI, 10-13, traduction de Genoude.
[30] Évangile selon saint Luc,
XXIII, 28, traduction de Genoude.
[31] Évangile selon saint Jean,
XIX, 26, 27, traduction de Genoude.
[32] Évangile selon saint Jean,
XX, 13, traduction de Genoude.
[33] Évangile selon saint Jean,
XX, 15, traduction de Genoude.
[34] Évangile selon saint Jean,
XX, 16, traduction de Genoude.
[35] Cf. Jesus-Christ, by Most. Rev. William Thomson, lord Archbishop of York (Dict. of the Bible).