CARTHAGE

 

PAR ERNEST BABELON.

CONSERVATEUR DU DÉPARTEMENT DES MÉDAILLES ET ANTIQUES DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

PARIS — ERNEST LEROUX, ÉDITEUR — 1896

 

 

AVANT-PROPOS.

I. — La presqu'île carthaginoise.

II. — Carthage avant les guerres puniques.

III. — Les guerres puniques.

IV. — La Constitution sociale de Carthage.

V. — La Carthage romaine.

VI. — Topographie de Carthage.

 

AVANT-PROPOS.

Ce guide aux ruines de Carthage s'adresse surtout à ceux qui s'intéressent à l'histoire et au passé archéologique d'une ville qui fut, pendant de longs siècles, l'une des capitales du monde. Son côté pratique, pour le touriste, ne réside en aucune façon, dans l'indication des hôtels confortables au premier ou au second degré, ou des heures de départ des trains du chemin de fer ; il ne traite point de l'équipement des voyageurs ou de l'organisation de joyeuses caravanes. En aucune façon il fait concurrence aux Guides Joanne ou Bædecker : c'est à cause de cela, même, qu'il en est l'indispensable complément pour quiconque veut visiter avec intelligence et profit le site où s'élevait la grande cité africaine.

Il y a douze ans déjà, l'auteur y a séjourné plus d'un mois, chargé officiellement, — en compagnie d'un ami, alors collaborateur de Charles Tissot, qui joignait à sa science des textes l'expérience des fouilles archéologiques, — de pratiquer quelques sondages, à l'effet de s'assurer s'il était possible encore — maintenant que cette terre est devenue française — de retrouver des restes de la ville punique et d'exhumer des entrailles du sol en culture, des débris importants, antérieurs au siège de l'an 146 avant J.-C. Les résultats de ces recherches, déjà commencées longtemps auparavant par Beulé, ont amené la conviction, devenue une certitude scientifique aujourd'hui, qu'il restait fort peu de chose des monuments de la Carthage détruite par Scipion, et qu'il fallait abandonner l'espoir de trouver, en fouillant, d'autres ruines que des nécropoles, des citernes, des racines de murailles. Mais en même temps qu'il étudiait le terrain surplace, l'auteur était étonné qu'on désignât traditionnellement aux touristes, dans les meilleurs livres, des éboulis informes de l'époque romaine ou même byzantine, sous des noms pompeux que rien ne justifiait, tels que ceux de Bains de Didon, Maison d'Annibal, Palais du proconsul, Temple de Junon-Tanit, Triple enceinte des remparts, etc. Il s'est proposé, en composant ce petit ouvrage, de ramener à la sincérité archéologique la description des restes de Carthage et de répudier des appellations dignes, à peine, de figurer dans la poésie ou dans un roman comme Salammbô. C'est au point de vue de la froide réalité qu'il a cherché à recueillir, tant dans les textes littéraires que dans les résultats des fouilles entreprises jusqu'à ce jour, les renseignements capables d'éclairer la topographie de la presqu'île punique.

Pour bien comprendre la description des ruines d'une ville, il est nécessaire d'en connaître au moins sommairement les annales. Voilà pourquoi le présent volume se partage naturellement en deux parties. Dans la première, on trouvera un résumé de l'histoire de Carthage : je dis de Carthage, et non des Carthaginois, car si l'auteur s'est efforcé de rassembler tout ce qui a trait à la ville même, punique ou romaine, il a systématiquement négligé ou indiqué seulement en quelques traits, pour ne pas rompre la trame du récit, les évènements qui se sont passés loin des murs de Carthage. La seconde partie est la description technique, presque pierre à pierre, de tout ce qui émerge encore sur le sol et des fouilles qu'on a pratiquées dans ce siècle. Elle est accompagnée d'une grande carte, dressée pour l'Atlas archéologique de la Tunisie. Nous ne craignons pas de dire que celui qui prendrait la peine de suivre cette description topographique, pas à pas sur le terrain, notre carte à la main, connaîtrait à peu près tout ce qu'il est raisonnable d' affirmer, dans l'état actuel de la science, sur l'identification des vestiges matériels, hélas si mutilés, de la puissante rivale de Rome.