ANNIBAL DANS LES ALPES

 

DEUXIEME PARTIE. — UNE CONJECTURE

CHAPITRE XIX. — UNE CONJECTURE ET SES CONSÉQUENCES (Suite).

 

 

Changement des dénominations. - Lyon et Vienne. - L'Isère. - La géographie de Strabon. — Anciens souvenirs. - Strabon. - Le Pseudo-Plutarque. - Polyen. - Grégoire de Tours. - Landolf. - La période de transformation. — Occupation de la vallée de Chambéry. - Fondation de Chambéry. - Disparition de l'Arar.

 

CHANGEMENT DES DÉNOMINATIONS

Nous venons de dire que le Rhône de Polybe comprenait encore une branche méridionale passant par le lit actuel de l'Isère ; nous avons montré que l'existence de ce fleuve n'avait rien d'incompatible avec le texte des Commentaires. César, avons-nous dit, n'a jamais parlé de l'Isère ; il a nommé Vienne[1], mais il n'a pas dit que celle ville fût sur le Rhône. C'était la branche méridionale de ce fleuve, l'Isère actuelle, qui bordait la Province de ce temps.

Les Romains ne connurent bien le régime des eaux qu'une fois maîtres du pays, après la prise d'Alésia. C'est alors qu'ils furent amenés à modifier leur vocabulaire géographique. La rectification de frontière que nous croyons s'être produite en même temps[2] augmentait la Province soumise directement à leurs lois, la Narbonnaise, que proconsuls ou propréteurs pouvaient exploiter et pressurer.

Lyon et Vienne. — Quand, huit années après la défaite de Vercingétorix, ils fondèrent Lyon, ils dirent que la ville nouvelle était au confluent du Rhône et de l'Arar (43 avant J.-C). C'est Munatius Plancus qui, avec Lépide, fonda cette ville, nous raconte Dion Cassius, en faveur de ceux qui avaient été chassés autrefois de Vienne par les Allobriges ; nous ne connaissons pas de détails sur cet épisode, peut-être antérieur aux campagnes, de César. Ce dernier, en tout cas, ne dit pas que Vienne ait appartenu aux Allobroges. Nous savons simplement, par la relation de Strabon rappelée au chapitre XV, qu'au temps d'Auguste, cette ville autrefois simple bourgade était depuis longtemps la métropole des Allobroges. Ce depuis longtemps représente combien d'années ?

L'Isère. — C'est encore, croyons-nous, le même Plancus, fondateur de Lyon, qui, dans ses lettres à Cicéron, a le premier en date prononcé le nom de l'Isère (Isara) très grand fleuve situé au pays des Allobroges ; Itaque in Isara, flumine maximo, quod in finibus est Allobrogum, ponte uno die facto, exercitum ad. IIII Idus Maias traduxi[3].

La géographie de Strabon. — Dès ce moment, la dénomination des cours d'eau était donc fixée. Mais nous nous expliquons pourquoi Strabon, dont nous ne possédons que les œuvres incomplètes, a eu soin, en parlant du Rhône, de l'Arar et du Doubs, de préciser l'endroit où chacun de ces cours d'eau perd son nom.

Quant à celle observation que le Rhône, l'Arar et le Doubs descendant des Alpes, commencent tous trois à se porter au nord, tournent ensuite au couchant, puis une fois réunis tournent à nouveau vers le sud, elfe est étrange autant qu'inexacte.

Strabon comprenait-il dans la chaîne des Alpes la chaîne actuelle du Jura, mentionnée cependant par César[4] ? Les géographies du XIXe siècle ne limitent pas toutes de la même manière cette chaîne du Jura. L'erreur serait alors moins choquante.

Le reste de la confusion n'est pas inexplicable.

Strabon a décrit cette région sans l'avoir visitée. Il a dû recueillir les renseignements des voyageurs qui avaient franchi le Grand Saint-Bernard, passage alors pratiqué ; il a pensé pour le Rhône à la partie qui va de Marligny au lac de Genève.

Pour l'Arar, il aura eu en vue la branche septentrionale du Rhône, du moins le parcours de Aoste à Lagnieu, quoiqu'il en eût déjà fait emploi sous son vrai nom. Par une confusion analogue, copistes et typographes redoublent parfois des groupes de lettres ou de mots. Des dérangements de souvenir plus singuliers s'observent chez les enfants, qui, dessinant un portrait, de face, tracent l'ovale du visage et mettent le nez en saillie sur l'extérieur. Les déformations énormes des caries anciennes facilitaient les méprises[5].

 

ANCIENS SOUVENIRS

Si, dès l'an 44, les hommes politiques et les lettrés romains connaissaient le cours du Rhône et employaient déjà les dénominations modernes, il est moins probable que le langage populaire se soit plié au changement avec la même souplesse. Les gens du pays durent encore conserver longtemps les anciennes dénominations ; malheureusement, ils n'écrivaient pas.

Il serait cependant bizarre que toute trace des confusions qui ont pu se produire eût disparu des écrits qui nous sont parvenus. Nous avons déjà vu l'insistance avec laquelle Strabon précise les points où l'Arar et le Doubs perdent leurs noms.

Voici rangés par ordre chronologique les auteurs dans lesquels nous avons rencontré d'autres indices.

Strabon. — Il dit (L. IV, ch. V) que les Médulliens habitent les sommets les plus élevés dont la hauteur verticale est dite être de cent stades, et de même aussi la descente de là à la frontière d'Italie[6]. Il ajoute un peu plus bas que les Médulliens sont placés principalement au confluent de l'Isère et du Rhône[7] : il aurait dû dire de la branche méridionale du Rhône, près de Montmélian. Macé indique comme ville leur ayant appartenu Miolans (au-dessus de Saint-Pierre d'Albigny), appelé dans les chartes du moyen-âge Castrum Medullum et Castrum Medullionis.

Pseudo-Plutarque. — Il vivait, croit-on, au temps de Trajan et d'Adrien, c'est-à-dire au commencement du deuxième siècle. Il a consacré un chapitre à l'Arar[8], et il dit que ce fleuve se jette dans le Rhône au pays des Allobroges : § 1. Il a parlé aussi de la montagne et de la ville de Lugdunum (Lyon) ; il les place auprès de l'Arar, mais il ne dit pas que le Rhône soit à côté : § 4. Auprès de l'Arar est la montagne appelée Lugdunum, qui tire son nom du motif suivant... Peut-être croyait-il le confluent de l'Arar et du Rhône à 120 kilomètres en aval. Le Pseudo-Plutarque est d'ailleurs — ce silence est-il un des motifs ? — un auteur des moins estimés.

Polyen. — Il a compilé en grec, vers l'an 163, les Stratagèmes employés à la guerre. A propos de la première campagne de César, il dit que les Helvètes franchissaient le Rhône au moment où un canton fut écrasé par César[9]. Nous avons vu que c'était l'Arar.

Grégoire de Tours. — (544-594). Il semble comme Strabon avoir obéi à la préoccupation d'éviter des confusions possibles quand il a fixé remplacement occupé par les Burgondes. Ils habitaient, dit-il, au delà du Rhône qui passe à Lyon Rhodanum quod adjacit civitate Lugdunensi[10]. Y avait-il donc un Rhône qui passait ailleurs ?

Dans un autre passage, le même évoque parle d'un royaume avoisinant le Rhône ou l'Arar : Regnum circa Rhodanum aut Ararem[11].

Peut-on, comme on l'a fait parfois, traduire aut par et en restant fidèle à la pensée de railleur ?

Landolf (le Sagace). — (977 à 1026). Il dit, comme Polyen, que César a rencontré les Helvètes sur le Rhône[12]. Celle substitution du Rhône à l'Arar a-t-elle été faite par sagacité ou par erreur ? En fout cas, Landolf s'est trompé plus d'une fois à propos des campagnes de César ; il a par exemple confondu Avaricum avec Cenapium[13] (sic).

La période de transformation. — Il ressort des citations que nous venons de faire, que la confusion est restée dans l'esprit des historiens, comme dans les dénominations usitées, longtemps après le changement du régime des eaux.

A quelle époque précise la transformation hydrographique s'est-elle produite, il nous est impossible de l'indiquer ; elle s'est accomplie lentement, progressivement, presque à l'insu des populations qui habitaient ces régions : elle est l'œuvre des siècles, et il serait téméraire de lui assigner une date.

Nous pensons toutefois qu'au temps de Polybe, le Rhône était encore le Rhône bifurqué, c'est-à-dire que le lac du Bourget avait encore un écoulement vers l'Isère. L'Isère à celte époque portait bien réellement le nom de Rhône. Sans doute, le régime n'était déjà plus le même que quelques siècles auparavant, à l'époque où les anciens habitants avaient donné le nom d'Ile à la zone comprise entre les deux bras du fleuve ; les eaux étaient déjà plus maigres dans la vallée de Chambéry, mais elles n'en fermaient pas moins complètement le circuit fluvial, autour de l'Ile de Polybe.

Au temps de César, l'écoulement du Bourget vers l'Isère était devenu moins considérable, peut-être même n'était-il qu'intermittent, et ne se produisait-il plus que lors des grandes crues ; mais l'état marécageux de la région et le souvenir de l'ancien régime expliquent pourquoi César pouvait encore appeler Rhône la branche méridionale du fleuve, que d'autres commençaient à appeler Isère.

Après César, les confusions qui existent chez différents auteurs sont les traces d'indécision laissées chez eux par la transformation qui venait de s'accomplir ; dans leurs esprits, comme dans les dénominations en usage, on retrouve longtemps le souvenir de L'ancien régime des eaux.

 

OCCUPATION DE LA VALLÉE DE CHAMBÉRY

Pendant que le nom de la branche méridionale du Rhône bifurqué s'effaçait de la mémoire des hommes, les vestiges qu'elle avait laissés s'effaçaient aussi du terrain. Le fond de la vallée abandonné par les eaux avait d'abord été inhabitable ; c'est sur les flancs du Mont Granier qu'au temps de la domination romaine s'était fondé un centre d'approvisionnements, un magasin de grains (granarium) ; plus tard, à une époque inconnue, en dessous du village, s'établit la ville de Saint-André, qui dut être la plus considérable de la région, car elle fut le chef-lieu de l'autorité ecclésiastique qui s'étendait sur toute la contrée ; et, jusqu'à sa destruction, elle fut le siège du décanat de Savoie, une des grandes subdivisions de l'archevêché de Grenoble. Les évaluations tirées des dîmes ecclésiastiques portent à plus de 3.000 âmes le nombre de ses habitants (M. Ferrand). La chute du Mont Granier engloutit en même temps d'autres villages et hameaux, en 1248.

La ville qui devait succéder à Saint-André dans la domination de cette vallée était déjà fondée depuis trois siècles.

Fondation de Chambéry. — Il existe une donation à un abbé, en 1029 environ, de la terre de Lémenc (quæ vocatur Lemensis), afin d'y établir un couvent[14] ; parmi les personnages importants qui interviennent à cet acte, figure un certain Witfred de Chambéry, Wilfredus de Camberiaco ; là se trouve la plus ancienne notion qui nous soit parvenue sur Chambéry et ses seigneurs[15].

Dans une charte de 1057, il est fait mention de Chambéry le Vieux, Camberiacum Vetus, hameau peu éloigné de la ville actuelle[16]. Ainsi l'homme, qui dans cette région avait autrefois cherché un refuge dans des constructions sur pilotis, s'établissait progressivement sur le terrain abandonné par les eaux. Il n'y avait pas encore de communication facile le long de la vallée ; mais une grande route marquée sur la Table de Peutinger la coupait transversalement : elle venait d'Aoste par Lavisco (les Echelles), et, traversant Lémenc, elle gagnait la Tarentaise et le Petit Saint-Bernard ; le tracé précis n'est pas exactement déterminé.

La circulation dut être de bonne heure facile dans la région sud-est de la vallée. Aux environs de Chambéry, et surtout au nord, les eaux stagnantes persistèrent plus longtemps ; encore aujourd'hui toute la partie inférieure de la Leisse est bordée de marécages que l'on dessèche peu à peu.

Si l'on veut avoir une idée de Chambéry dans sa période de transformation, il faut lire l'intéressant ouvrage de T. Chapperon, intitulé : Chambéry à la fin du XIVe siècle (Paris, Dumoulin, 1863.) On y voit comment les chemins, forcés d'abord de serpenter sur les coteaux, descendaient au fur et à mesure que les eaux disparaissaient. Les observations de cet historien l'ont conduit à la même certitude que des géologues ont acquise d'une autre manière : il croit que la présence ancienne des eaux dans la vallée de Chambéry est attestée d'une manière irréfragable (chapitre I, p. 22) :

1° Par les marais qu'on trouve encore, au-dessous, à Rissy, la Molle, Sainte-Ombre, Voglens, le Bourget, Montagny, Méry ; au-dessus, à Challes et jusqu'à Apremont.

2° Par la nature marécageuse des terrains qui entourent la ville, soit du côté de Mâché, soit du côté de la Cassine et du Colombier.

3° Enfin par celte expérience, qui se répète tous les jours, qu'on ne saurait creuser le sol à quelques pieds dans l'intérieur de la ville, sans que l'eau se présente aussitôt.

Disparition de l'Arar. — A cent kilomètres à l'ouest, le nom de l'Arar avait depuis longtemps été remplacé par celui de Saône. Déjà au ive siècle, Ammien Marcellin disait que les habitants appelaient l'Arar Sauconna ; elle arrosait, la première Germanie et perdait son nom au confluent de Lyon ; ce point était regardé comme le commencement des Gaules. Ammien Marcellin, décrivant le cours du Rhône, écrit en effet[17] : Et emensus spatia fluxuosa, Ararim, quem Sauconam adpellant, inter Germaniam primam fluentem, suum in nomen adsciscit : qui locus exordium est Galliorum, c'est-à-dire : Le Rhône forme brusquement le coude après s'être associé l'Arar, originaire de la première Germanie, qu'on appelle dans ce pays Sauconna, et qui perd son nom dans cette rencontre. C'est là que commence la Gaule.

Au septième siècle, Frédégaire disait Saagonna[18]. Les dénominations actuelles étaient dès lors adoptées[19].

 

 

 



[1] Liv. VII, IX, 3. His constitutis rebus.... Viennam pervenit.

[2] Voir au chapitre XVIII, l'article : Les Allobroges.

[3] Lettre de Munatius Plancus à Cicéron. (Des Gaules, mai). Cicéron, l. V, trad. Nisard. Paris, Dubochot, 1841. Les opérations militaires à propos desquelles écrivait Plancus sont mal déterminées ; une discussion n'éclairerait en rien la question dont nous nous occupons.

[4] Nous disons bien le Pelvoux, le mont Blanc, le massif de la Vanoise ; ces termes n'ont rien de contradictoire avec la désignation générique des Alpes.

[5] César même n'y a point échappé. A propos de la Grande-Bretagne, il dit que le côté occidental, celui qui regarde l'Irlande, est tourné vers l'Espagne. (Liv. V, XIII, 2.) Tacite en a dit à peu près autant.

[6] La traduction Amédée Tardieu, Paris, Hachette, 1894, p. 337, donne : ... Sur les dernières cimes des Alpes, les Médulles. Ces dernières cimes s'élèvent tout à fait à pic : on compte cent stades pour y monter, et autant pour redescendre de l'autre côté jusqu'à la frontière d'Italie.

[7] Trad. Am. Tardieu, p. 338 : Pour en revenir aux Médulles, c'est juste au confluent de l'Isar et du Rhône qu'ils se trouvent placés.

[8] Geographi græci minores. Vol. II. Paris, F. Didot, 1861, p. 637. Plutarchi libellus de fluviorum et montium nominibus et de iis quæ in illis inveniumtur, p. 644 : Arar.

[9] Liv. VIII, ch. XXIII : César : Enfin les Barbares arrivèrent au Rhône, et comme ils étaient sur le point de le passer, César campa auprès du fleuve. Le fleuve est rapide, et les Barbares eurent bien de la peine à le passer. Bib. historique et milit., Paris, de Lacombe, 1851, t. III, p. 809.

[10] Edition de Hahn, Hanovre, 1883. Liv. II, § 9.

L'édition Guadet et Taranne, Paris, 1836, porte (liv. II, 9, p. 162) : Rurgundiones quoque Arrianorum sectam sequentes habitabant trans Rhodanum qui adjacet civitati Lugdunensi.

[11] Edition de Hahn, 1885, Liv. 11, § 32.

L'édition Guadet et Taranne, Paris, 1836, porte (liv. II, § 32, p. 220) : Tunc Gundobadas et Godegiselus fratres regnum circa Rhodanum aut Ararim cum Massiliensi provincia retinebant.

[12] Historiæ miscellæ a Paulo Aquilegiensi diacono primum collectæ, post etiam a Landulpho Sagaci auctæ productæque. Ingolstadii, apud Andream Angermarium, 1603. Il est dit, liv. VI, p 171 : Quos cum ad Rhodanum fluvium Cæsar obvios habuisset, magno difficilique bello bis vicit, victos ad deditionem coegit.

[13] Historiæ Miscellæ, liv. VI, p. 182. Cæsar tunc oppida nomine Cenapium obsidione concluserat...

[14] Fondation du prieuré de Lémenc par Rodolphe III et sa femme Hermengarde. Voir Guichenon, Savoie, Preuves, p. 4 et 5 ; et abbé Trépier, p. 36.

[15] Histoire de Chambéry par Léon Ménabréa. Joseph Perrin fils à Chambéry.

[16] Guichenon, Histoire de la maison de Savoie.

[17] Ammien Marcellin, Coll. des aut. lat. pub. par Nisard. Paris, Dubochet, 1849. Liv. XV, chap. XI, p. 45.

[18] Frédégaire, dit le Scholastique, chroniqueur du VIIe siècle, a laissé une chronique en 5 livres ; M. Guizot a traduit le 5e livre dans ses Mémoires relatifs à l'Histoire de France, et on peut y lire (page 230) : Flaochat frappé du jugement de Dieu fut attaqué de la fièvre. On l'embarqua dans un bateau sur le fleuve de la Saône, et, naviguant vers Saint-Jean de Losne, il rendit l'âme dans le voyage. Dans ce passage, le texte latin porte : Ececta navalia per Ararim fluvium qui cognominatur Sauconna. Dans un autre passage, on trouve Saogonna : Usque Ararim Saogonnam fluvium pervenit.

[19] Voir M. Valentin-Smith, Monographie de la Saône, p. 39 : Vers le Xe et XIe siècles, dit-il, où il était d'usage général de supprimer souvent, aux mots, et particulièrement aux noms propres, une ou plusieurs lettres, et quelquefois même une ou plusieurs syllabes, l'on lit de Saucona ou de Sagonna, Saôna, d'où plus tard Saône.