RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

TOME QUATRIÈME. — ADMINISTRATION GÉNÉRALE (SUITE).

LA JUSTICE (SUITE).

CHAPITRE VII — CODE PÉNAL ET ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE.

 

 

Multiples applications de la peine de mort : la hache, la corde, la roue, le feu. — Caractère agressif et inégalité de certaines répressions. — Diversité de la loi pénale selon les provinces. — Délits correctionnels, attentats aux mœurs, vols. — Châtiments privant de la liberté : bannissement, galères. — Le bagne de Toulon et les forçats. — La prison n'est pas une peine laïque, sauf pour les débiteurs insolvables. — Peines corporelles, pécuniaires, morales. — Traitement des contumax, procès aux cadavres. — Publicité des exécutions. — Les bourreaux, leur inexpérience, dangers qu'ils courent. — Leur salaire. — Grâces et abolitions. — Système pénitentiaire : prisons de Paris et de province ; détenus politiques, la Bastille.

 

Ce n'est pas seulement l'institution du jury — verdict féodal de ses pairs — ni le remplacement, par des assises jugeant en premier et dernier ressort, des appels multipliés de jadis, qui eussent pu suffire à renouveler la justice pénale, en France. La répression, cessant de jour en jour d'être terrible, demeure terriblement capricieuse ; la conscience du juré dont la voix fait pencher la balance a tantôt une largeur, tantôt des scrupules inattendus, et la procédure adoucie, subissant comme toute chose de ce monde l'influence des mœurs, est exposée à acquitter bien des coupables, au rebours de la procédure ancienne qui a dû condamner bien des innocents. Ce qui nous permet de goûter cet excès de mansuétude, sans en souffrir ni dans notre personne, ni dans nos biens, c'est l'action régulière d'une police dont les administrés de Richelieu n'ont pas connu les bienfaits. Et c'est tellement le propre des pays qui ont une sévère police, d'avoir en même temps une justice criminelle assez douce, que l'on voit dans notre histoire, les supplices les plus fréquents aux temps où la répression était le plus rare (au quinzième siècle par exemple), tandis que la réforme de notre Code pénal, quelques années avant la Révolution, eut lieu à l'époque où la police était mieux organisée qu'elle n'avait jamais été précédemment.

Au début du dix-septième siècle l'arsenal des châtiments physiques et moraux, enrichi par des découvertes récentes comme celle de la roue, importée d'Allemagne, n'avait guère perdu depuis le moyen âge que la noyade et l'enterrement vivant. Les faux monnayeurs sont encore, en termes juridiques, accoutumés à être bouillis[1], et les sorciers à être brûlés vifs. Toutefois l'échafaud et la hache, Montfaucon et la corde — en argot de gredin épouser cette veuve qui est à la Grève et prendre le ciel par escalade — demeurent les applications les plus usitées de la peine capitale[2]. A Montfaucon, dit un voyageur enthousiaste, se dresse le plus beau gibet que j'aie jamais vu ; il est construit sur un petit monticule et consiste en quatorze piliers de belle pierre de taille. L'habitude de laisser les cadavres se balancer en plein air, durant de longs mois, fait que généralement toutes les places sont prises. Aux portes de Moulins se dresse une potence garnie de plus de deux douzaines de pendus. La pendaison était le supplice le plus court ; l'exécuteur devait, aux termes de l'arrêt, étrangler aussitôt son patient. En Angleterre, où l'on pendait les gens en leur passant au cou une chaîne de fer large de trois doigts, ils risquaient de ne pas mourir tout de suite, et les parents des condamnés estimaient leur rendre un bon office, en courant les tirer par les pieds jusqu'à ce qu'ils eussent rendu le dernier soupir[3].

M. d'Aumont faisant un jour pendre quelques soldats, l'un d'eux cria qu'il était gentilhomme. — Excusez-moi, répondit le général, mon bourreau ne sait que pendre. Vile et roturière était en effet la potence, tandis que porter sa tête sur le billot était honorable et seigneurial. Du moins dans notre patrie, puisqu'en Espagne les traîtres seuls étaient décollés par derrière, les autres nobles avaient le privilège d'être égorgés. En France, on ne se contentait pas toujours de la décapitation : le marquis de Roquefeuil est condamné, pour crime de lèse-majesté, à avoir les quatre membres coupés, et puis la tête ; il est vrai qu'il s'agit là d'un jugement rendu par contumace. Quoique mort le supplicié appartient encore à ses juges ; on brûlera son corps ; on exposera sa tête, piquée au bout d'une lance, dans quelque carrefour ; excellent moyen de terroriser la famille et les complices : cela fera mourir sa fiancée, écrit froidement à Richelieu l'un de ses confidents, en lui narrant un traitement de ce genre infligé aux restes d'un Rochelais qui avait tenté de livrer la ville aux Anglais[4].

Les peines, par leur cruauté, revêtent un caractère haineux vis-à-vis du coupable ; ce ne sont plus seulement des punitions, ce sont des vengeances. L'Europe du seizième siècle avait vu sans frémir telles tortures qu'une race tout à fait sauvage n'eût sans doute pas imaginées : celle de l'assassin du prince d'Orange en 1584, celle du Polonais Herchel, dévoré vivant par vingt de ses compagnons, prisonniers de guerre comme lui, que le vainqueur plaçait dans l'alternative de manger leur chef ou de mourir de faim. Des récits analogues, qui abondent dans Montaigne, n'ont pas d'équivalents dans les auteurs contemporains de Louis XIII. Le bûcher se fait rare, et tend à disparaître, la roue semble suffire à la sorcellerie et aux assassinats compliqués de circonstances aggravantes : avoir les bras, cuisses, jambes et reins rompus vifs, le corps mis ensuite sur une roue, proche l'échafaud, pour y demeurer, la face tournée vers le ciel, tant et si longuement qu'il plaira à Dieu le laisser vivre ; telle est la formule de ce supplice que le bourreau fraudait presque toujours, en assommant, par faveur, le condamné d'un seul coup[5]. En matière pénale aujourd'hui, qui peut le plus ne peut pas le moins ; le pouvoir d'appliquer constitue aussi l'obligation d'appliquer. Cette exigence a son mauvais côté : ne pouvant modérer, on absout. Les maxima et les minima entre lesquels on a renfermé le juge pour mieux assurer l'égalité, consacrent des inégalités extrêmes ; ainsi la même amende sera infime pour le riche et écrasante pour le pauvre. Si les réformateurs ont eu peur de la liberté du juge, c'est qu'il en avait abusé : des condamnations à mort sont prononcées, sous Richelieu, contre des faussaires, des banqueroutiers, des voleurs d'objets mobiliers sans importance, tandis que les auteurs de meurtres commis par chaleur et hâtivement s'en tirent avec l'amende d'une messe annuelle de cinq sous à faire dire pour leur victime. Une femme est punie de la potence pour avortement, — avoir donné la mort à son fruit par breuvages ; —une autre, à quelques lieues de distance, convaincue d'infanticide, est simplement battue de verges et bannie de la seigneurie[6].

Les attentats aux mœurs, dont la liste est fort diminuée de nos jours puisque bien des crimes et délits anciens (bestialité, sodomie) ne sont plus que des péchés, et que les officialités diocésaines ne frappent plus, comme jadis, les maris qui entretiennent des concubines ou qui échangent leurs femmes entre eux, les attentats aux mœurs sont réprimés avec une douceur relative, sauf le rapt (enlèvement) contre lequel l'ordonnance de Blois avait édicté la peine capitale ; encore les tribunaux n'en viennent-ils à cette extrémité que si le ravisseur est d'une classe inférieure à celle de sa victime ; lorsqu'au contraire il est d'un rang plus élevé, on lui laisse la faculté d'opter : il aura la tête tranchée si mieux n'aime épouser la demoiselle ; enfin s'il y a égalité de condition, on condamne les deux parties au mariage[7]. Pour le viol, on se contente le plus souvent de dommages-intérêts et d'amendes qui ne sont pas chiffrés bien haut, même par les tribunaux ecclésiastiques[8]. Des réparations pécuniaires étaient également ordonnées dans les cas de séduction, où la magistrature exerçait une tutelle bien autrement étendue qu'aujourd'hui : M. le procureur général, disent les registres du parlement de Bordeaux, est chargé de parler à un boucher au sujet d'une fille qu'il aurait débauchée. Une femme demande-t-elle à son amant quelle raison ledit sieur lui veut rendre d'un enfant qu'il lui a fait, la cour, tantôt ordonne au séducteur de payer à sa maîtresse 150 ou 200 livres, qu'on lui remettra quand elle se mariera pour lui tenir lieu de dot, tantôt enjoint au jeune homme de prendre la créature qu'il a eue de la plaignante, la faire baptiser, nourrir et entretenir suivant sa qualité, en bon père de famille, à peine de la vie. Dans le Midi, les tribunaux homologuent des transactions par lesquelles des particuliers donnent à des filles qu'ils ont rendues mères, qui 50, qui 100 livres d'indemnité, en récompense de leurs agréables plaisirs et services. Bien qu'en théorie l'adultère pût vouer à la prison perpétuelle, dans un couvent, l'épouse coupable, que celle-ci fût même susceptible, en Bretagne, d'avoir la tête tranchée pour un semblable forfait, les juges se bornent, en pratique, à des amendes modestement arbitrées : à Pau adultères récidivistes 150 livres, simple paillardise 60 livres ; à Agen, cent sous et le bannissement de la sénéchaussée[9].

Le bannissement perpétuel ou temporaire, qui peut être considéré comme l'équivalent de la surveillance de haute police moderne, était en effet fréquemment employé pour les délits correctionnels ; c'était, avec les galères, la seule peine restrictive de la liberté, puisque les tribunaux laïques ne condamnaient jamais à la prison. Les galères tiennent ainsi lieu de nos maisons d'arrêt, de force et de correction. Des soustractions de manteaux, la publication d'un libelle. ou simplement l'état de mendicité et de vagabondage[10] constituaient un titre suffisant pour être envoyé à Toulon servir le Roi en une de ses galères, tirant la rame, avec défense d'en sortir, à perpétuité, ou pendant le temps que les juges avisaient en leur conscience. Croupissant, mangés de vermine, dans les cachots de la Conciergerie, jusqu'à ce que Vincent de Paul eût obtenu leur transfert dans une maison qu'il avait louée de ses deniers, au faubourg Saint-Honoré, les galiens attendaient la formation d'une chaîne de cent hommes. Le convoi partait alors, vivant d'aumônes que les municipalités lui donnaient au passage, ou lui envoyaient de loin pour le détourner de traverser leur ville ; ce qui n'empêchait pas chaque forçat, rendu à destination, d'avoir coûté à l'État 80 ou 100 livres, en raison de la lenteur et du mauvais ordre du voyage[11].

A l'arrivée, on rase aux galériens les cheveux et la barbe, sauf les moustaches ; on leur remet le trousseau annuel : deux chemises, deux caleçons, bonnet, casaque et capot, puis on les introduit solennellement dans cette prison flottante, où ils devront désormais, selon leur dicton, écrire dans l'eau avec une plume longue de quinze pieds. Comme de fait la galère est plus souvent au port qu'en pleine mer, on les laisse jouir à Toulon d'une certaine indépendance ; ils vont et viennent continuellement par les rues, on entend partout le bruit de leurs chaînes. Ils vendent divers ouvrages de leur fabrication : bas de soie ou de fil, bourses, ceintures, aiguillettes, fort proprement faits pour la plupart ; ils peuvent aller travailler en boutique. A tour de rôle, chaque galère est autorisée à envoyer son personnel dans les auberges sonner cornets et violons, durant le dîner des voyageurs, qui ne se font pas trop prier pour mettre, à la fin du repas, quelques sous sur l'assiette qu'on leur présente. Ceux des forçats qui réalisent quelques petits gains mènent joyeuse vie ; plusieurs ne partiraient pas, lors même qu'on leur rendrait la liberté, jouant, buvant, et besognant devant le monde, surtout du temps où il était permis aux femmes d'entrer dans les galères, car alors non-seulement leurs femmes légitimes, que bien des condamnés avaient amenées, mais encore quantité de garces allaient les visiter. Du reste, ajoute le témoin oculaire auquel nous devons ces détails (1630), toute la misère, ordure, saleté, puanteur et infirmité humaine est réunie là, il y meurt chaque jour quelqu'un. Cour des miracles légale, véritable dépotoir humain, où les tribunaux de toutes les provinces envoyaient les balayures de la nation, le bagne de ce temps, s'il représente un moindre degré de criminalité que nos colonies de déportation, offre le spectacle d'une dégradation plus profonde, d'un abaissement plus irrémédiable. La tentative de Monsieur Vincent, aumônier royal des galères, en 1622, venu de Paris pour embrasser ces infortunés, recevoir leurs plaintes et relever leurs cœurs, avait laissé peu de traces. Un apostolat isolé, quelque ardent qu'il puisse être, ne saurait remplacer le lent effort des siècles[12]. Dans l'œuvre contemporaine de restauration des classes détériorées, la partie matérielle a du reste mieux réussi que la partie morale ; les corps profitant des effets de l'hygiène plus volontiers que les âmes ne subissent l'influence de la vertu.

La prison, peine politique pour les grands, peine religieuse pour les clercs, ne figurait dans notre ancien Code qu'en matière civile ; le débiteur insolvable avait sa place marquée dans des établissements pénitentiaires dont l'hospitalité ne ressemblait en rien au traitement, frugal mais doux, de la maison Clichy du dix-neuvième siècle[13].Quelque minime que fût la créance, le mauvais payeur, sans distinction d'âge, de sexe ni de condition, pouvait être détenu jusqu'à parfait acquittement. Et le droit de se faire justice soi-même n'ayant pas encore tout à fait disparu des mœurs, si le débiteur en état de satisfaire à ses obligations ou de réparer les dommages causés par lui y mettait de la mauvaise volonté, les tribunaux autorisaient le plaignant à s'indemniser par ses mains, en s'emparant, par manière de représailles, des biens, effets et marchandises de son adversaire, jusqu'à concurrence de la somme qu'il pouvait exiger.

Comme l'emprisonnement pour dettes, et bien avant lui, nos lois ont abandonné les châtiments corporels : l'ablation des oreilles, des lèvres, de la langue coupée tout juste avec un fer chaud réprimait, chez nous ainsi que dans tout le vieux monde, les délits de violences, de vols, d'impiété[14]. Le fouet surtout était prodigué sous des formes diverses ; tantôt à huis clos, par les mains de deux pauvres de l'hôpital, tantôt en public : le bourreau, les verges à la main, allant montrer au coupable demi-nu les carrefours de la ville, en le fustigeant de son mieux jusqu'à l'effusion du sang si la sentence l'exigeait[15].

ces manifestations de la vindicte publique s'en. joignaient d'autres, plutôt morales : le rasement, pour les hommes, d'un sourcil, pour les femmes de leurs cheveux — que deux siècles auparavant on brûlait — la marque d'une fleur de lys, les armoiries du Roi en beaux caractères sur les épaules, disent les voleurs ; le pilori, pendant une matinée de fête, sur une place fréquentée, sujet à toutes injures et opprobres ; d'autres corrections locales : à Avignon, la porte de la maison des joueurs est murée pendant un an ; à Châteaudun, les boulangers qui manquent aux règlements de police sont culbutés officiellement, du haut d'un échafaud, — c'est le saut aux boulangers ; à Paris, le port d'un chapeau vert est obligatoire pour les faillis, qui le choisissent d'ailleurs d'un vert aussi sombre que possible afin de dissimuler cette marque d'infamie. Enfin pour les injures, on ordonne les réparations d'honneur que nos juges de paix sont seuls à infliger encore : tel prévenu, dit un arrêt, viendra déclarer qu'il tient le plaignant pour homme de bien, de bonne vie, honnête conversation, bonne race, bon sang, et non de la qualité portée par le, informations... Tel autre comparaîtra devant la cour, et déclarera par sa bouche (en présence de l'insulté) qu'il l'a mal à propos démenti, et lui a donné, par une trop prompte colère, un soufflet ou coup de poing sur sa face, dont il se repend et prie ledit insulté de l'excuser..., le tout sans préjudice des dommages-intérêts et des amendes[16].

Les peines pécuniaires, s'élevant graduellement depuis les simples contraventions de 30 sous, dressées par les échevins et capitaines de ville, jusqu'à la confiscation totale ou partielle des fortunes, n'étaient pas les moins redoutables. En vertu de cet axiome de jurisprudence que qui confisque le corps confisque les biens, l'État dépouillait une famille entière en la personne de son chef[17]. Ni la fuite, ni la mort n'éteignaient l'action publique : les propriétés des contumax étaient acquises au Roi au bout de cinq ans ; il n'était pas de prescription possible d'un arrêt exécuté en effigie : quand vous aviez été représenté pendu ou la tête tranchée, rue Saint-Antoine, au marché Saint-Paul, en un tableau de grandeur naturelle, plus ou moins ressemblant, — pratique éminemment nationale qui surprenait fort les étrangers, — vous n'aviez plus, aux yeux de la loi, que cinq ans à vivre ; passé ce délai, votre femme devenait veuve, et vos enfants nouveau-nés, déclarés bâtards, ne succédaient ni à vous ni à vos parents. Ces tristes effets de la mort civile devaient tenir bien à cœur à nos anciens juristes, puisqu'on les a vus figurer dans notre Code jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle[18]. Quant au prévenu décédé avant la poursuite ou le jugement, il ne bénéficiera d'aucun privilège : son corps sera apporté en la Conciergerie du Palais, pour être le procès fait et parfait audit corps mort, et un homme vêtu de deuil (destiné sans doute à représenter le défunt), ainsi que tous ses domestiques, seront pris et amenés en prison...

Le grand nombre des coupables qui échappaient à la main de la justice explique, dans une certaine mesure, cette sévérité à l'égard des contumax et des cadavres. On cherchait à atteindre ces absents et ces morts, sinon dans leurs personnes, du moins dans leurs biens. Frapper l'imagination des peuples était la plus forte préoccupation des justiciers d'autrefois : Toute peine infligée dans l'obscurité, même à des coupables, est au moins inutile, dit une ordonnance des dernières années de l'ancien régime. On voit si la question a changé de face, depuis cent ans, puisqu'on voudrait maintenant dérober au public les derniers moments du rare assassin dont la tête tombe encore sous le couteau de la guillotine. Au dix-septième siècle au contraire, on veut attirer la foule, c'est la plus grosse cloche de la cité qui annonce l'exécution des criminels ; de simples fustigations de femmes ne se font point sans sonneries préalables de trompettes, et, si l'on doit brûler une sorcière, un crieur parcourt la province ou le comté pour indiquer le jour du supplice, et faire en quelque sorte les invitations[19].

Et la sensibilité la plus émoussée ne manquait pas d'aliment, durant les péripéties de ces exécutions, que la maladresse des bourreaux transformait parfois en boucherie. Les maîtres des hautes-œuvres de Paris : Rozeau, le petit Pennache, son aide, le fameux Jean-Guillaume et le sieur de Saint-Aubin, qui se succédèrent sous Richelieu et Mazarin, n'avaient pas sans doute les susceptibilités le leurs héritiers de 1787, qui firent défendre par arrêt du conseil d'État, de donner le nom de bourreaux aux exécuteurs de la haute justice ; mais tout porte à croire qu'ils étaient praticiens distingués, connaissant à fond les divers genres de supplice, et mettant leur amour-propre à les faire subir dans les règles. Leurs confrères de province n'avaient pas un égal respect de leur art ; il en était peu qui eussent quitté, comme Monsieur d'Angers, leur résidence avec dégoût, parce qu'il n'y avait qu'à pendre, qu'on n'y faisait point d'œuvre délicate[20]. Beaucoup n'avaient même pas l'habileté nécessaire pour trancher convenablement une tête. Bander les yeux au patient, afin qu'il ne remuât point en devinant la hache, lui recommander, quand il posait son front sur le billot, de le bien embrasser des deux mains pour se maintenir ferme, voilà qui est facile, le difficile c'est de frapper juste. On usait, à Toulouse, d'un système assez analogue à l'appareil actuel : un lourd couteau de boucher, maintenu par une corde et lâché au dernier moment, glissait avec rapidité entre deux montants de bois ; Montmorency eut la tête séparée ainsi du corps au premier choc. Mais Chalais fut vraiment massacré à Nantes, il reçut avant de mourir vingt-deux coups. Cinq-Mars, exécuté à Lyon par un vieux gagne-deniers, ne fut achevé que du second coup, et de Thou, manqué cinq ou six fois de suite, finit par être égorgé. De pareils faits étaient plus fréquents encore pour les criminels vulgaires : à Dijon une nommée Hélène Gillet, condamnée pour infanticide, est frappée par l'exécuteur, d'abord trop bas, ensuite trop haut ; le peuple commence à jeter des pierres au bourreau qui se sauve en une chapelle voisine ; la bourrelle, sa femme — ils opéraient en ménage — seule avec la patiente, essaye vainement de l'étrangler au moyen d'une corde qui lui tombe sous la main. Pressée par la foule, elle entraîne, bon gré, mal gré, sa victime derrière l'échafaud, s'efforce de lui couper la gorge avec des ciseaux et, ne pouvant y réussir, lui enfonce cette arme improvisée en divers endroits du col et du visage. La malheureuse tombe sans connaissance, baignée dans son sang, tandis que la populace furieuse lapidait l'exécuteur et sa terrible moitié[21]. Le parterre de ces Sortes de représentations n'est pas tendre pour les fautes du bourreau ; si ce tragique acteur ne sait pas son rôle, ce ne sont pas des projectiles inoffensifs, ce sont des pierres et des ferrements qu'on lui enverra en pleine figure. Il en est souvent qui meurent pour avoir mal tué ; sans parler de ceux qui sont assassinés par des amis du condamné, avant ou après l'exécution[22], et de ceux qui sont pendus pour leurs propres crimes, car la moralité de la corporation est mince. Méprisé, isolé des autres hommes au point que, sur les registres d'état civil de certaines paroisses, on inscrit, à cause de la condition du père, le baptême de ses enfants légitimes dans la partie du livre réservée aux enfants naturels, le bourreau parait assez bien salarié. Il jouit du droit de havage dont nous avons déjà parlé[23] ; une cuiller de fer-blanc d'une main, un morceau de craie de l'autre (pour marquer au bras ceux qui ont acquitté l'impôt), il va par le marché, prélevant son tribut sur chaque sac de grain, demandant aussi sa part de fruits, de poisson, de fromage. Souvent il est habillé aux frais de la caisse communale : chapeau rouge à grand panache, costume de même couleur qui coûte au moins une centaine de livres. Les bourgades voisines font avec lui un abonnement : 8 ou 10 livres de fixe par an, plus des honoraires proportionnés à la besogne ; dans tel compte municipal les frais de torture figurent à côté des frais de vendange.

Une pendaison vaut 15 livres à Tarbes, 18 livres à Auxonne ; il en est de 5 francs et de 45, sans que l'on puisse dire les motifs de variations qui subissent sans doute les lois de l'offre et de la demande. Une fustigation se paye à Châlons 100 sous, à Morlaix 64 et une paire de gants, à Pau 4 écus ; mais celle-là était commandée jusqu'au sang, et sans doute c'était plus cher[24]. Les mêmes mœurs que ne choquait pas la dureté des peines, avaient institué des consolations officieuses, tombées plus tard en désuétude : les confréries de charité qui présentaient le pain et le vin bénit à chaque condamné. — Il vous plaira en prendre, lui disaient les confrères, et nous prierons Dieu qu'il lui plaise avoir votre âme, et vous donner patience.

La tradition de quelques provinces accordait, si l'on en croit certaines légendes, à la jeune fille qui rencontrait un criminel marchant au supplice, le pouvoir de lui sauver la vie en s'engageant à l'épouser. Le fait n'a rien de bien authentique, mais il est patent que le droit de grâce et d'abolition s'exerçait avec assez de bonhomie ou de faiblesse pour énerver encore l'action policière, déjà si relâchée. Les lettres d'abolition, de pardon si l'on veut, accordées à des individus de toute classe, arrêtaient les poursuites faites ou à faire, en même temps qu'elles remettaient les peines encourues ; c'était la grâce du crime et non la grâce du châtiment. Le pouvoir exécutif amnistiait parfois en bloc ce qu'il connaissait et ce qu'il ignorait : un grand seigneur obtient, avec sa grâce, celle de ses amis et de ses gens ; le Parlement, en enregistrant cette faveur, ordonne seulement à celui qui en était l'objet de remettre au greffe l'état nominatif de ceux qu'il prétend avouer. Un prisonnier, évadé de la Bastille, se fait délivrer par le chancelier un aveu du Roi de sa sortie. Pour les prisons ordinaires il n'est pas besoin de s'adresser au souverain, les tribunaux jouissent d'une autorité à peu près absolue. Chaque année, à l'audience de la semaine sainte, le présidial de Périgueux élargit un prisonnier en l'honneur de la fête de Pâques. Dans l'Orléanais, un détenu est mis en liberté provisoire pour aller faire la moisson ; un autre en Navarre est expulsé pour cause de vermine ; et, s'il faut un médecin à Toiras pour soigner ses blessés dans l'île de Ré, le parlement de Toulouse lui adresse, de son autorité privée, un chirurgien qui vient d'être condamné à dix ans de galères[25].

C'étaient aussi les parlements qui nommaient les geôliers — directeurs — des prisons royales, ou qui agréaient les acquéreurs de cet emploi dans le cas où il était vendu comme un fonds de commerce. L'État, les villes, les seigneurs justiciers entretiennent leurs prisons mieux que leurs prisonniers ; ceux-ci ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sur l'assistance des cœurs généreux. Les détenus de droit commun reçoivent le pain du Roi, les prisonniers pour dettes, s'ils n'ont une provision d'aliments de leurs parties, ne reçoivent rien. Aux uns et aux autres les guichetiers et morgueurs[26] ne doivent que l'eau à discrétion et, tous les quinze jours en été, tous les mois en hiver, de la paille fraîche. En ce temps, la paille humide des cachots n'était pas une plaisante métaphore ; les hôtes de la Conciergerie qui avaient poche pleine tapissaient leurs chambres de nattes et d'étoffes, donnaient les violons à la femme du geôlier, fêtaient par des dîners les arrivées et les départs de leurs codétenus ; mais ceux qui ne possédaient rien, qu'aucun parent ne venait secourir, qui n'avaient ni cinq sous par jour pour coucher seuls dans un lit, ni quatre sous pour y coucher à deux, ni même les douze deniers que coûtait la location d'une paillasse, couchaient sur la paille, entassés côte à côte dans des cellules de quelques mètres carrés[27]. Au For-l'Évêque, au grand et au petit Châtelet, anciennes portes de la cité, tours servant à la défense, édifices destinés primitivement à d'autres usages, le traitement était plus pénible encore : dans une cour de dix mètres de long sur six de large, dominée par des bâtiments élevés, des centaines de malheureux s'apportaient, se communiquaient des maladies de toute espèce.

La charité privée, sur qui le gouvernement se reposait du soin de nourrir les indigents sous les verrous, se montra constamment, il est doux de le reconnaître, à la hauteur de cette tâche. La boite aux aumônes, fermée de trois serrures dont trois anciens de la maison, nommés à la pluralité des voix, avaient les clefs, était ouverte tous les soirs, en public, et son contenu équitablement distribué. Tous les vendredis, les fabriciens de diverses églises faisaient préparer le pot des prisonniers ; les jours et veilles des fêtes une foule pieuse venait aux préaux répandre des secours. La duchesse de Longueville léguait aux détenus 1.500 livres de rente, afin que chacun d'eux reçût un grand pain blanc tous les dimanches. Le P. Bernard, dit le Pauvre prêtre, secondait son ami Vincent de Paul, dont on trouve la main dans toutes les hautes besognes humanitaires de ce siècle. Prêchant d'exemple, après avoir mangé son bien en aumônes, le P. Bernard excitait par de hardis sermons en plein vent la pitié de ses contemporains en faveur d'infortunés doublement à plaindre, puisque la misère leur avait ravi la liberté[28].

Une ordonnance de Charles IX, visant les souterrains des anciens châteaux, interdisait formellement l'usage de toute prison située plus bas que le rez-de-chaussée, mais le pouvoir central était le premier à violer cette règle, puisque les bas cachots des forteresses où s'expiaient les crimes politiques, vides un instant sous Henri IV, étaient bondés sous Louis XIII, et que les antres malsains et salpêtrés des lieux ordinaires de détention, dans la capitale, situés au niveau ou en contrebas de la Seine, continuèrent à être habités jusque vers la fin du dix-huitième siècle[29]. Ces prisons particulières dont le Tiers État implorait la suppression, en 1614, afin de diminuer les lenteurs de la procédure, n'étaient, dans leur ensemble, ni meilleures ni pires que les prisons royales. Il en est où le détenu se plaint qu'on l'ait laissé cinq jours sans manger ; dans le plus grand nombre on est assez chiche sur la pitance, les comptes en témoignent éloquemment : payé quinze sous, dit un article de dépense, montant du repas de trois condamnés, qui ne voulurent partir de la prison, pour aller prendre mort, avant d'avoir premièrement dîné. Mais il est aussi des seigneurs qui font convenablement les choses : A. Brétigny, le débours s'élève à cinq sans par jour et par personne, — trois sous de pain et deux sous de sel, œufs, beurre et viande, — c'était à peu près ce qu'un ouvrier de la campagne consacrait habituellement à sa nourriture. Lorsque, au lieu de durer quelques semaines ou quelques mois, le séjour de ces pensionnaires importuns paraît devoir s'éterniser, les justices rivales cherchent bien entendu à s'en débarrasser par tous les moyens, et plaident avec acharnement pour se rejeter le fardeau les unes sur les autres. Le vrai défaut de ces geôles rurales, c'est le manque absolu d'organisation ; personne dans le village ne se soucie d'un emploi qui n'honore ni ne profite : en dix ans la même prison communale a successivement pour gardien un tonnelier qui ne sait ni écrire ni signer, un bourrelier, un jardinier, un cordonnier et un maître d'école[30].

Pour les prisonniers politiques, le gouvernement se montrait plus généreux, puisque ce fut, au dire de La Châtre, sous prétexte d'économie, que les ministres conseillèrent au Roi, après la mort de Richelieu, de relâcher Vitry, Bassompierre, Cramail et plusieurs autres. Ils représentèrent que ces personnages causaient une extrême dépense à la Bastille, et que, n'étant plus en état de cabaler, ils seraient aussi bien chez eux où ils ne coûteraient rien. Un voyageur français, décrivant le château des Sept-Tours, prison d'État de Constantinople, assez agréable avec de fort beaux logements, ajoute : Je ne saurais mieux vous peindre ce lieu qu'en vous disant que c'est à peu près comme la Bastille, à Paris. La Bastille pourtant, ainsi que Vincennes, offrira des aspects bien divers, selon que l'on se promènera sur les terrasses en compagnie de gens du monde, enfermés dans leur chambre seulement la nuit, traités avec mille honnêtetés, recevant des visiteurs et les retenant à dîner, faisant leur partie quotidienne avec le gouverneur, du Tremblay, et employant leurs loisirs à comploter, selon le mot de Retz, les moyens d'accabler sous leurs propres chaînes l'auteur de leur captivité ; selon au contraire que l'on plongera dans ces cachots qui fourniront ample matière aux romanciers, où, dès 1627, quarante-huit individus étaient mariés à un pourpoint de pierre, où l'on n'est occupé qu'à faire de l'encre avec du charbon, des plumes avec du bois découpé, du papier à lettres avec des feuillets de livre arrachés, où l'on troue lentement des murs de deux mètres d'épais, où l'on lime des barreaux, où l'on tresse des cordes pour s'évader.

Et comme l'une ou l'autre des descriptions que l'on pourrait ainsi faire, serait, sinon complète, du moins exacte, on doit conclure qu'au point de vue matériel, le traitement des détenus politiques était souvent plus doux et rarement plus dur que celui des détenus de droit commun[31]. Ce qui attache à ce châtiment, dans l'histoire, le caractère odieux qu'aucun autre ne possède au même degré, pas même la torture légale, c'est l'arbitraire. Dans ce royaume qui regorge de tribunaux ordinaires, le pouvoir exécutif dont Richelieu est le chef se réservait, comme on l'a vu, de créer pour les besoins de ses causes des juges extraordinaires, taillés à la mesure des accusés ; ces simulacres de procédures témoignent encore de quelque respect pour le droit et pour l'opinion. Mais par l'emprisonnement sans forme de procès de quelques-uns de ses sujets, le Roi Très-Chrétien portait atteinte à la dignité de tout son peuple. Aussi le premier acte de la haine de ce peuple, au jour de son soulèvement, sera-t-il dirigé contre cette prison d'État, fût-elle vide, qui symbolisait à ses yeux le bon plaisir et non la justice. Nul ne peut nier que les lettres de cachet, qui étaient un abus de la force, n'aient contribué à amener le sac de la Bastille, qui en fut un autre.

 

 

 



[1] Le plus souvent on se contentait de les envoyer à la potence ou à la roue.

[2] FOURNIER, Variétés historiques, II, 43 ; III, 152. — DESMAZES, Pénalités anciennes, 335. — Société académique de Laon (1859), p. 49. — L'inventeur d'un poison, si subtil qu'on le peut appliquer à une chaise, un oreiller, un carrosse, avoue qu'il en a fait l'essai sur des condamnés à mort. Aff. Étrang., t. 811, f. 92.

[3] DAVITY, États de l'Europe en 1625, p. 18. — Voyage de J. BOUCHARD, Parisien, en 1630, p. 92. — Voyage de TH. CORYATE, à Paris (1608), p. 9. — RENAULDON, Dictionnaire des fiefs. Les fourches patibulaires, marque de la haute justice, étaient au nombre de huit dans les duchés et de deux dans les châtellenies.

[4] Grossetière. (Aff. Étrang., t. 791, f. 199.) — Arch. dép. Haute-Garonne, B. 476. — TALLEMANT, II, 121. — Variétés historiques d'E. FOURNIER, I, 104. — Quand le jugement ne contenait aucune disposition à leur égard, les corps des suppliciés étaient remis aux hôpitaux. Un jeune étudiant demande, au dix-huitième siècle, à Bordeaux, deux cadavres pour obtenir le grade de maître en chirurgie. Il déclare être arrêté dans ses examens d'anatomie, parce qu'il n'est pas fait d'exécution depuis un certain temps. Arch. hosp. Gironde, VII, E. 3.

[5] A Paris, on rouait généralement à la Croix-du-Tiroir, au coin de la rue Saint-honoré et de la rue de l'Arbre-Sec. FAUGÈRES, Journal d'un voyage à Paris, p. 75. — Arrêt du Parlement du 13 mars 1640. — Arch. dép. de Lot-et-Garonne, B. 217, 219. — LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, p. 868. — Une preuve de la diversité des législations selon les pays : en Savoie, vers 1550, existait encore le droit de compensation, qui permettait de racheter, pour une somme plus ou moins forte, les condamnations les plus graves. (BAILLY, Un magistrat souverain en Savoie.)

[6] Arch. dép. d'Eure-et-Loir, B. 1183 ; de Lot-et-Garonne, B. 219 et suiv. ; de Haute-Garonne, B. 527. — Arrêt de la cour des Aides du 3 septembre 1637. — BERTRANDY-LACABANE, Notice sur Brétigny-sur-Orge, p. 187, — Au dix-huitième siècle, dans le bailliage d'Orléans, une femme est condamnée à être pendue pour avoir caché sa grossesse. Arch. dép. Loiret, B. 1.

[7] Arch. dép. Lot-et-Garonne, B. 219. — Aff. Étrang., t. 807, f. 60. — On voit, en matière de rapt, des amendes de 25.000 livres. Arrêt du Parlement du 4 septembre 1637. Une pièce satirique de 1622 (Les grands jours de Paris) donne le compte rendu d'une affaire supposée de rapt, où une fille que ses parents, riches marchands, refusaient de marier à un avocat, se décide après une consultation secrète, à laisser aller le chat au fromage si souvent, que l'on s'aperçoit qu'il faut élargir sa robe. Le père requiert l'application de la loi : le juge, attendu que tels accidents ne proviennent que de la faute des mères qui donnent trop de licence à leurs filles, ordonne que la fascherie éprouvée par les parents leur sera précomptée sur les peines du purgatoire.

[8] Arch. dép. des Basses-Pyrénées, B. 3837 ; du Loiret, B. 1390 ; de l'Aube, G. 244. — Si le viol est suivi de meurtre, il est assimilé à l'assassinat. Arch. historiques de Saintonge, V, 84.

[9] Arch. dép. de Lot-et-Garonne, B. 215, 218, 222 ; des Basses-Pyrénées, B. 3851, E. 1612, 1631. — Arch. Hosp. Gironde, E. 1. — LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, 174. — TALLEMANT, X, 60. La loi n'est pas mieux appliquée aujourd'hui, où l'on punit de 16 francs d'amende des adultères prouvés.

[10] La déclaration de mai 1635 dit que les mendiants et gens sans aveu n'ont pas d'excuse, en une saison si favorable pour trouver de l'emploi, parmi les grandes levées de gens de guerre, de préférer une profession fainéante à toutes les professions honorables qu'ils peuvent rencontrer.

[11] Arch. com. d'Angers, BB. 189 ; de Nevers, CC. 170. — Aff. Étrang., t. 801, f. 8 ; t. 799, f. 215. MONTEIL, Histoire des Français (Notes), VIII, 438. — BERTRANDY-LACABANE, Notice sur Brétigny, 355. — DEPPING, Correspondance administrative, p. 875.

[12] ABELY, Vie de saint Vincent de Paul, 86. — Voyage de J. BOUCHARD, en 1630, p. 150, 174. On n'envoyait guère un gentilhomme au bagne ; lorsqu'il y était, on lui mettait seulement un petit fer à la jambe. TALLEMANT, III, 26. — En Italie, les prêtres punis des galères, dans les États du Pape, ramaient comme les autres forçats ; en France, ils ne ramaient pas. Bouchard rencontre (ibid., 155, 238), à Toulon, un archidiacre, homme de bonne maison, condamné pour avoir donné un soufflet à son évêque, et qui conservait son vêtement violet

[13] Arch. dép. de Haute-Garonne, B. 369, 413, 416, 418. — Lettres patentes de 1622 à l'évêque de Lavaur. — Ordonnance de janvier 1629 (Sur l'emprisonnement pour dettes).

[14] Telle cette femme dont parle TALLEMANT (X, 39) à qui des filous avaient persuadé qu'en se donnant au diable, autant qu'il était en elle, et en leur donnant à eux 1.000 écus, elle aurait 40.000 livres de rente par mois. — Arrêt du Parlement du 10 février 1626. — Arch. dép. Eure-et-Loir, B. 1183. — BERTRANDY-LACABANE, Notice sur Brétigny, 228.

[15] Arch. dép. Lot-et-Garonne, B. 215, 216, 218, 219. — Arch. com. d'Avallon. CC, 225. — Aff. Étrang., t. 801, f. 8. — DESHAYES DE COURMENIN, Voyage en Danemark, p. 68.

[16] Arch. dép. Lot-et-Garonne, B. 215, 219 ; de Vaucluse, B. 1855 ; de Haute-Garonne, B. 436. — Arch. com. de Châteaudun, HH, 78. — TALLEMANT, VI, 64. — Sentence du chapitre de N. D. de Paris (Rondonneau), 14 février 1635. — FOURNIER, Variétés historiques (La cabale des filous), III, 152. — Les injures étaient punies au moyen âge plus sévèrement que de nos jours : à Angers, en 1467, un particulier pour avoir dit à un autre, dans l'église : Truand, gars paillard, béjaune, etc., est condamné à une amende qui représente à peu près 80 francs de notre monnaie, Arch. dép. Maine-et-Loire, G. 637.

[17] Voyez pour la procédure en matière de confiscation : Lettres patentes du Roi, requête du procureur général en demandant l'exécution, arrêt de la chambre des domaines, les archives des Aff. Étrang., t. 799, f. 209. Nous avons montré (t. I) comment cette spoliation était souvent plus apparente que réelle par suite des restitutions. En Languedoc, on réservait toujours un tiers des biens à la femme et aux enfants. (Arch. Haute-Garonne, B. 478.) En Anjou, on investissait de tous les biens du condamné ses héritiers qui tenaient lieu de confiscataires. TALON, Mémoires, 66. — Arrêt du Parlement du 3 décembre 1628.

[18] (Loi du 3 juin 1854.) — Arrêts du Parlement du 20 septembre 1624, du 6 juillet 1637. — Voyage en France de Th. CORYATE, p. 8. — Aff. Étrang., t. 799, f. 304. — DANIEL, Histoire de la milice, II, 455.

[19] Arch. dép. de la Drôme, E. 5660 ; des Basses-Pyrénées, B. 3847. — CABASSE, Parlement de Provence, II, 84. — Aff. Étrang., t. 787, f. 46. — Arrêt du Parlement du 28 février 1625. — Ordonnance du 30 août 1780.

[20] TALLEMANT, X, 184. — G. PATIN, Lettres (éd. Reveillé), II, 145. — FOURNIER, Variétés historiques, IV, 251. — Arch. dép. Somme, A. 42.

[21] Mémoires de LA PORTE, 9 ; de FONTRAILLES, 265 ; de PUYSÉGUR, I, 137. FOURNIER, Variétés historiques, I, 42.

[22] Le bourreau du duc de Montmorency, nommé Lafontaine, pris de peur après l'exécution, disparut, et n'a depuis été vu en ce pays, écrit à Richelieu le P. P. Berthier. (Aff. Étrang., t. 809, f. 159. — Arch. com. d'Angers, GG. 138. — Arch. historiques de Saintonge, V, 137 ; VII, 317. L'exécuteur s'est égaré ou a été assommé, écrit l'intendant de Poitou, en 1637 ; j'en ai envoyé chercher un autre...

[23] Arch. dép. Morbihan, E. (préf.), p. 47. —Au seizième siècle, le bourreau d'Angers est tenu de faire les exécutions prononcées par les religieux de l'Hôtel-Dieu, gratis, sauf sa place à table avec les officiers ces jours-là. Il est ainsi payé en politesses. (Arch. Hosp. Maine-et-Loire, B. 219.)

[24] Arch. dép. de la Côte-d'Or, C. 2282, 2298 à 2300 ; de la Loire-Inférieure, B. 2789 ; de la Dordogne, B. 134 ; des Basses-Pyrénées, B. 1047, 1490, 1643, 3748 à 3853 passim. A Pau, des cagots sont chargés de e donner la question e ; des charpentiers reçoivent une indemnité pour le même office, des bouviers sont payés pour le transport des criminels, dans leurs chars à bœufs. — Arch. com. de Rodez, CC. 323 ; de Nîmes, LL. 15.

[25] Arch. dép. de la Haute-Garonne, B. 418 et 477 ; d'Eure-et-Loir, B. 1832 ; des Basses-Pyrénées, B. 232 ; de la Dordogne (Introd.) ; de Lot-et-Garonne, B. 225 ; de l'Eure, G. 1611. — Aff. Étrang., t. 784, f. 89. — DESMAZES, Pénalités anciennes, 341. — En Espagne, existait, pour les gentilshommes, le privilège de la fierte qui parait plus large encore que notre abolition ; en Suède, au contraire, le droit de grâce du souverain était entouré de beaucoup de restrictions.

[26] Préposés au guichet intérieur de la Conciergerie, appelé Morgue.

[27] Arrêts du Parlement de Paris du 27 juin 1624, du 23 décembre 1641. Les tarifs étaient à peu près les mêmes dans toute la France ; mais les geôliers paraissent maintes fois prélever des droits indus pour la garde ou la sortie des prisonniers. Arch. dép. de la Haute-Garonne, B. 387, 412, 525 ; du Loiret, B. 293. TALLEMANT, VII, 144. — DESMAZES, Pénalités anciennes, 248.

[28] Richelieu écrit, en 1638, au chancelier d'envoyer quérir le P Bernard et de le rendre capable de la raison, parce que ce bonhomme peut crier dans Paris avec un grand zèle, mais quelquefois avec peu de prudence. Lettres et papiers d'État, VI, 234. — Aff. Étrang., t. 794, f. 103. — Arch. com. de Nevers, GG. 23 ; de Saint-Malo, CC. 5. — Arch. dép. de la Loire-Inférieure, B. 2789 ; des Basses-Pyrénées, B. 7261 ; de Lot-et-Garonne, CC. 6. Les fers pour enchaîner les prisonniers étaient fournis par les villes et valaient de 3 à 4 livres.

[29] Recueil des États Généraux (LA LOURCÉ), XII, 81. — Ordonnance de 1560, art. 55. — La construction des maisons d'arrêt du moyen âge présentait de curieuses dispositions emblématiques : Notre gracieux seigneur, dit une charte alsacienne, aura un cachot a le voleur sera enfermé, de façon à ce que son corps se trouve à sec et les pieds à la pluie, afin de faire voir que c'est un malfaiteur. Abbé HANAUER, Les paysans d'Alsace, 215.

[30] BERTRANDY-LACABANE, Notice sur Brétigny, 187, 195. — Arch. dép. d'Eure-et-Loir, B. 1834 ; des Bouches-du-Rhône, O. 108 ; des Basses-Pyrénées, B. 323. La prison de Pau a sa chambre des sorcières. — Arch. com. de Rodez (bourg). CC. 155. — Quand il s'agissait de personnages de distinction, détenus soit chez des particuliers, soit à la geôle publique, le Roi prenait leur entretien à sa charge. Arch. dép. Haute-Garonne, B. 495. — Aff. Étrang., t. 808, f. 313.

[31] Aff. Étrang., t. 784, f. 89 ; t. 790, f. 40 ; t. 802, f. 283. — Mémoires de LA PORTE, 35 ; de LA CHÂTRE, 275 ; de l'abbé ARNAUD, 484 ; de RETZ (éd. Heuguet), I, 22, 24. — Mss. de CONRART (Bibl. de l'Arsenal), n° 902 (XI, 1215). — QUICLET, Voyage à Constantinople en 1657, p. 185. — TALLEMANT, II, 171.