Abbayes en commende, abbés commendataires ; ils ont le moins de religieux possible, et leur donnent à peine de quoi vivre. — Abbayes possédées par des laïques, par des enfants, par des protestants. — Pensions sur les bénéfices. — Bénéficiers non résidents, pluralité des bénéfices. — Ecclésiastiques militaires. — Prêtres coupables, scandaleux. — Évêques et cardinaux laïques, ou de mauvaise vie. — Les cardinaux princes. Vœux monastiques, leurs conséquences ; l’âge où ils sont autorisés. — Dots exigées des religieuses. — Désordres dans certains couvents ; droits des abbesses et leur indépendance.Une organisation aussi vaste que celle de l'Église n'est aisée ni à diriger, ni surtout à réformer, quand elle se dérange ; si, par son origine et sa fin, elle est immuable et divine, par sa vie matérielle et sa discipline, elle est changeante et corruptible, et, à cet égard, sujette à se déranger sans cesse. Il n'en coûte nullement à un auteur catholique de reconnaitre qu'il existait de grands désordres dans l'Église, vers la fin du seizième siècle. Ces désordres étaient imputables, partie à l'Église elle-même, partie aux gouvernements. Ils appelaient une réforme. Ceux qui étaient imputables à l'Église furent réformés par le Concile de Trente et par le superbe élan religieux qui signale la première moitié du dix-septième siècle ; ceux qui étaient imputables à l'État furent légèrement atténués, mais subsistèrent. Ni la sainteté d'un Vincent de Paul, ni la science d'un Bossuet ne prévalurent contre des abus qui n'ont disparu qu'avec la monarchie ; preuve qu'ils n'étaient pas inhérents à l'Église, mais à l'État. Ce n'est pas le lieu de faire le panégyrique du clergé
actuel ; mais il est évident à tous les yeux que, depuis la suppression de
ces abus, l'Église française se porte beaucoup mieux, que la foi n'est pas
moins vive, quoique les attaques aient été et demeurent plus habiles,
ardentes, nombreuses, qu'elles n'ont jamais été à aucune époque. Une des
injustices les plus flagrantes et les plus singulières de la monarchie
absolue, c'étaient les abbayes en commende. Si un Persan ou un Indien venait
en France, dit Montesquieu, il faudrait six mois pour lui faire comprendre ce
que c'est qu'un abbé commendataire qui bat le pavé de Paris. Chef honoraire
d'une abbaye où il ne réside pas, mais dont il perçoit les deux tiers au
moins du revenu, le commendataire n'a qu'un but : celui de tirer le plus
possible de cette sinécure ecclésiastique. Il s'embarrasse peu de la défense
expresse faite par le dernier concile aux bénéficiers, d'enrichir eux-mêmes ou leurs parents, avec ces
biens dont ils ne sont qu'usagers ; s'il ne vend pas, comme on en a des
exemples, le plomb ou l'ardoise de son église, pour la recouvrir en tuiles et
empocher la différence, il entretient le moins possible les bâtiments
monacaux. Sourdis, obligé de dépenser Ces prieurs claustraux étaient les abbés effectifs. Élus
librement par les religieux, ou nommés par les généraux des Ordres, ils
gouvernaient le monastère et faisaient, pour quelque Au personnel restreint qui habite le couvent, l'abbé, réformateur intéressé du temporel des moines, se
charge de faire observer les vœux de pauvreté et d'abstinence ; c'est en cela
qu'il se souvient d'avoir été institué par Dans le principe, une abbaye ne devait pas être possédée en commende plus de six mois ; celles où ce système vicieux fut introduit y demeurèrent soumises pendant trois siècles. Or, ce système eut le double résultat de dépouiller l'Église, et de la déconsidérer. Les ignorants la rendirent : responsable des scandales commis par des personnes qui lui étaient aussi étrangères que possible, et n'avaient d'ecclésiastique que le revenu. Il y a des choses qui, ramenées à leur première institution, sont étonnantes et incompréhensibles. Qui peut concevoir en effet que certains abbés, à qui il ne manque rien de l'ajustement, de la mollesse et de la vanité des sexes et des conditions, qui entrent auprès des femmes en concurrence avec le marquis et le financier, soient originairement, et dans l'étymologie de leurs noms, les pères et les chefs de saints moines, et qu'ils en devraient être l'exemple ?[6] Que l'on regarde comment et à qui les bénéfices sont distribués, que l'on écoute madame de Pontchâteau, qui prie un de ses voisins de venir la voir pour résoudre avec elle si on fera son second fils d'église ou d'épée ; que l'on suive le Roi à la foire Saint-Germain, où il gratifie un inconnu endormi d'un bon prieuré vacant, envié par plusieurs compétiteurs, afin qu'il se puisse vanter que le bien lui est venu en dormant ; on s'étonnera seulement du petit nombre des scandales. A ces cadets qui viennent en l'Église sans y être appelés, et qui, comme Sichem se résolvant à la circoncision pour l'amour de Dina, se portent au service du ciel pour les commodités de la terre, à ces cadets une famille prévoyante assure d'abord une part des fonds cléricaux ; la vocation viendra plus tard. Les bénéfices, dit l'évêque de Luçon, dans sa harangue aux États de 1614, demeurent promis à des enfants qui, au comble de leur mérite et de leur âge, n'oseraient peut-être penser à parvenir aux honneurs qu'on leur a donnés au berceau. Abbés en bas âge, abbés en nourrice, ne sont pas rares ; à
plus forte raison les chanoines écoliers, à qui l'on donne pension sur la
prébende qu'ils doivent desservir un jour[7]. Il existe
partout de nombreuses chapelles, dont le revenu ne dépasse pas 50 ou Les jeunes possesseurs d'abbayes, arrivés à l'âge requis par les conciles, étaient tenus ou
d'entrer dans les ordres ou d'abandonner le bénéfice ; de pressants arrêts du
conseil royal et des parlements leur en font une loi ; les statuts
particuliers de quelques congrégations décident que les chanoines qui ne sont
pas prêtres, jouiront seulement de la moitié des revenus de la prébende[10]. Lors même que
la loi s'exécutait, que les titulaires se résignaient à la tonsure, même à la
prêtrise, combien de braves gens, voués ainsi à l'autel, ne lui ont jamais
rendu aucun service ! En tout cas, durant de longues années, la paroisse ou
le monastère n'avait pas eu de chef, et leur bien avait profité à des
laïques. Ceux-ci d'ailleurs s'ingéniaient à conserver dans leur âge mûr, ces
revenus religieux que la tendresse de leur famille avait obtenus à leur
enfance. Beaucoup de gentilshommes ou de gens de cour jouissent du temporel
des bénéfices par confidence ; ils les font mettre sous le nom d'un homme de
paille, d'un custodi nos
ecclésiastique, gratifié par eux d'une pension, et qui encaisse pour leur
compte comme un honnête régisseur. La place de custodi
nos de M. le comte de Soissons, détenteur de plus de La cour de Rome, assaillie de sollicitations impérieuses,
trompée par des cardinaux, dont on ménage utilement
l’influence par les bénéfices français qu'on leur octroie, cède parfois ce
qu'elle ne devrait pas céder[13]. Grâce à ces
complaisances, M. le Prince fait son patrimoine
particulier de deux des plus belles abbayes de France, que l'on
sécularise à son profit, en les incorporant à un de ses duchés, avec droit de
patronage laïque à la nomination dudit sieur le
Prince pour les postes secondaires qui en dépendent. Qu'auraient dit
de cela ces moines caroliens qui, dans un concile, criaient avec indignation,
à un grand seigneur de leur temps : Vous avez envahi
les biens de plusieurs monastères ! Est-il un crime plus horrible ?
Une fois le droit de patronage concédé, comment s'opposer à l'usage qu'on en
fait ? La duchesse d'Elbeuf confère à son second fils, le comte d'Harcourt,
le prieuré de Notre-Dame-du-Parc, au diocèse d'Évreux, dont elle est patronne
; bien que le comte d'Harcourt, chef de notre escadre dans A défaut du titre, on obtient des pensions payables sur
les revenus. Ces pensions, enchevêtrées dans les bénéfices, sont accordées
par le Roi à qui il lui plait. L'archevêque de Tours en a une sur les évêchés
de Navarre ; des chevaliers de Malte, Le résultat direct de cet abus était de rendre la résidence impossible ; les trois quarts des bergeries et des troupeaux, disait à la fin du seizième siècle l'évêque du Mans, sont dépourvus de vrais et légitimes pasteurs. On avait vivement discuté à Trente, mais sans rien conclure, ce point de savoir si la résidence était obligatoire de droit divin, ou seulement de droit ecclésiastique ; on se borna en pratique à exiger la résidence des titulaires de cures et autres postes ayant charge d'âmes, mais sans l'obtenir[17]. L'exemple venait de si haut ! Quand un curé ne réside point, disait en chaire l'évêque de Belley, quand il ne veut point obéir, on a recours à Monseigneur son évêque ; on écrit à Monseigneur, à Paris, qu'un tel, etc. ; Monseigneur fulmine. Voilà qui est bien, voilà qui est selon les canons. Mais Monseigneur le prélat qui ne résidez point, que peut-on dire de vous ? Ces paroles étaient prononcées devant un grand nombre d'évêques, qui se trouvaient dans ce cas. L'obligation d'un séjour annuel et non interrompu de trois mois parait trop sévère ; il y a quelque cruauté à la maintenir. Quant au projet d'une résidence forcée de neuf mois sur douze, conçu par Richelieu, dans la première ferveur du ministère, il n'a jamais vu le jour[18]. Renvoyer des évêques dans leur diocèse pour les punir, disait Montchal, c'était jeter des poissons dans l'eau par dépit. Mais tous les évêques ne pensaient pas de même ; le cardinal de Richelieu ne pouvait oublier l'impression pénible qu'avait éprouvée l'évêque de Luçon quand le Roi lui écrivit, lors de la chute du maréchal d'Ancre : Allez à Luçon faire les devoirs de votre charge, et exhorter vos diocésains à se conformer aux commandements de Dieu et aux miens[19]. Le caractère sacerdotal semblait fort compatible avec une
foule de fonctions, que l'esprit moderne juge avec raison devoir lui demeurer
tout à fait étrangères. Tels étaient les commandements militaires exercés par
les cardinaux et les archevêques ; au blâme infligé par le Pape à ceux qui en
étaient investis, Richelieu répondait que les
cardinaux devaient contribuer au bien public, selon les talents que Dieu leur
avait donnés, et qu'il était impossible qu'ils ne fussent pas engagés dans
les charges militaires, aussi bien que dans les autres. Il devait
cependant tempérer la fougue de Tout différents sont le désordre et la débauche où vivent
ouvertement des clercs, dont plusieurs, hélas ! sont prêtres. Là, on touche
du doigt le vice du nouveau système ; conférant au pouvoir civil la libre
disposition de tant de postes ecclésiastiques, il vaut à l'Église bien des
ministres dont la réputation est telle, qu'ils ne pourraient paraître à
l'autel sans scandaliser les fidèles. Tel est ce Bois-Robert, chanoine de
Saint-Ouen, accusé d'un vice ignoble, et ne s'en cachant pas ; tel Costar,
curé de Niort ; tel l'abbé de Laffemas qui fait des chansons obscènes ; des
Barreaux, l'amant de Marion de Lorme, qui prêche ouvertement l'athéisme ;
l'abbé d'Armentières, qui vit avec une actrice de l'hôtel de Bourgogne, etc.
La liste serait longue, depuis les élégants jusqu'aux crapuleux, depuis le
jeune Paul de Gondi, abbé de Buzay, avec Si Richelieu avait retiré leurs bénéfices à tous ceux qui ne vivaient pas selon Dieu, comme il fit à
l'abbé d'Effiat, cadet de Cinq-Mars, après la condamnation de son aîné, le
tiers peut être des biens d'église eût changé de maîtres ; mais il n'y songe
pas. Lui qui rappelle les moines à l'étroite observance, ne semble pas frappé
de cette anomalie qui maintient nominalement à la tête des couvents de si
étranges chefs. C'est la fable des Animaux malades de la peste ; on
sévit de temps à autre contre un curé ignorant, un prieur dissolu[24] ; mais on donne
des évêchés à de Broc, connu pour ses mauvaises mœurs, à Il y avait bien à dire, même sur le recrutement du Sacré Collège : Je pense, avait dit au concile le saint archevêque de Grenade, que les très-illustres cardinaux ont besoin d'une très-illustre réforme... Une bonne moitié des princes de l'Église n'étaient pas appelés à la pourpre par extraordinaire mérite qui fût en eux, mais par la faveur de leurs alliances, à commencer par les neveux du Pape. On félicite très-bien l'un de ces cardinaux-neveux de sa promotion, en lui disant qu'elle n'est pas moins due à sa valeur qu'à la loi de nature qui le rend si étroitement uni par le sang avec Sa Sainteté[27]. Ces grands personnages ne prennent les ordres que comme un pis aller ; s'ils trouvent mieux, ils renvoient leur chapeau à Rome, sans plus de façon que s'il s'agit d'une charge qui cesse de plaire. Le Pape est fréquemment obligé de leur permettre de prendre femme pro bono pacis, pour procurer la tranquillité des États, selon la formule. Le cardinal de Savoie épouse sa nièce et redevient le prince Maurice ; le cardinal Pamphilio se marie, le cardinal Casimir de Pologne aussi (il fut roi de Pologne après son frère) ; M. de Nemours, archevêque de Reims, épouse mademoiselle de Longueville ; le duc de Verneuil, évêque de Metz à l'âge de sept ans, jouit de ce diocèse pendant plus d'un demi-siècle, puis s'en démet, pour épouser la veuve du duc de Sully[28]. Le cardinal de Lorraine épouse sa cousine germaine, se donne à lui-même, comme évêque de Toul, la dispense de publications de bancs ; quant à celle de la parenté, dit que le Pape la lui donnera ; se marie en attendant en présence de quelques personnes de son entourage, et consomme son mariage le jour même. Le pouvoir et l'opinion sont, pour ces seigneurs, d'une incroyable indulgence. Croisilles, un pauvre diable de prieur, passera dix ans en prison pour s'être marié clandestinement, tandis que des gens bien appuyés, conseillers de Parlement, poètes en vogue, obtiennent, quoique sous-diacres, la bulle d'absolution qui leur permet de convoler en public[29], et tandis qu'un prince, comme l'archevêque duc de Guise, transporté, dit Richelieu, d'une passion plus convenable à son âge qu'à sa dignité, prend pour femme la comtesse de Romorantin, sans provoquer un blâme bien sévère. Un vertueux prélat parle de cette affaire avec un calme étonnant : On hésita quelque temps à donner son archevêché parce qu'on craignait qu'il revint et qu'il fallut le lui rendre. D'autres estimaient que à premier ministre faisait maintenir cette union par pure malice, pour déposséder l'époux de ses revenus ecclésiastiques[30]. Notre sentiment religieux se scandalise avec raison de
semblables tolérances ; ce mélange du sacré et du profane est difficilement
compris par notre temps. C'est tout un monde disparu, un état social et
politique au milieu duquel il faut se plonger, pour mettre les objets dans
leur optique ancienne. Quelle singulière chose, par exemple, que la
constitution des couvents de femmes d'alors ! Que doit-on admirer le plus de
ces pères et mères excellents qui cloîtrent pour jamais leurs filles à six ou
sept ans, et les consacrent à Dieu, faute de pouvoir en tirer parti dans le
siècle, ou de ces vierges modèles, sans autre vocation que la volonté de leur
famille, qui font si bien de nécessité vertu, ou du public qui tient ces
usages pour très-simples et naturels ? Le concile de Trente avait fixé à
seize ans accomplis l'âge auquel il était permis de faire profession
religieuse, et avait imposé un an de noviciat ; le tiers état demandait que
l'âge légal des vœux monastiques fût porté à vingt-cinq ans pour les hommes,
et à vingt ans pour les femmes, et la législation française, par ses
variations sur la matière, avait donné satisfaction tantôt au tiers et tantôt
au clergé[31].
Les lois ou les règlements importaient peu d'ailleurs ; on voit des enfants,
voire des enfants de princes, revêtues de l'habit avant d'avoir atteint leur
quatrième année, et élevées dans le couvent d'où elles ne doivent plus
sortir. Puisque les filles pouvaient se marier à douze ans, il n'y avait rien
d'exagéré à ce qu'elles pussent à seize, se vouer au célibat ; mais dans le
prononcé du vœu de chasteté, autant que dans la réception du sacrement de
mariage, la novice n'était pas plus libre que la fiancée. La puissance
paternelle s'exerçait à peu près sans limites. Il y a bien quelques arrêts de
parlements, ordonnant, à la requête d'une famille, que telle jeune postulante
sera conduite dans une maison honorable de la ville
; que là, dans les trois jours, elle sera ouïe par le premier des
conseillers, à l'effet de savoir de sa bouche si c'est bien librement qu'elle
veut être religieuse ; qu'il est ordonné à la prieure de la livrer audit
conseiller, et inhibé à qui que ce soit de la recevoir professe, jusqu'à ce
que la cour en ait décidé autrement[32]. Des jugements
de ce genre sont parfois rendus au profit de collatéraux contre un couvent ;
mais, quoique les conciles aient prononcé l'anathème a contre ceux qui
contraignent d'entrer en religion e, l'enfant était sans défense contre la
volonté de ses ascendants. Or les vœux, par leur caractère légal, avaient bien
plus de portée que de nos jours. On sait que leur effet immédiat était la
mort civile de la professe ; on hérite d'elle, de son vivant, en vertu du
testament qu'elle a dû faire, et elle ne pourra plus hériter de personne[33]. La
reconnaissance des vœux par l'État avait ceci d'avantageux pour les familles,
qu'elle ne permettait pas aux religieux ou religieuses de disposer de tout ou
partie de leurs biens. Même avant sa renonciation au monde, une fille majeure
et maîtresse de sa fortune n'avait pas le droit de la léguer au couvent où
elle se proposait d'entrer, tellement la législation était ombrageuse
vis-à-vis de tout ce qui eût ressemblé à une captation. La dot, consistant en
une somme de 2.000 à Dans les monastères de femmes, comme dans les abbayes
d'hommes, le scandale n'entre jamais qu'avec l'abbesse ou l'abbé nommé par le gouvernement. Heureusement, il n'y
a pas d'abbesse commendataire ; filles de grande maison, princesses même,
résident au milieu du groupe de sœurs qu'elles doivent guider, de par la
volonté royale, dans les voies du salut. De là une régularité obligatoire. On
n'a pas occasion de voir souvent des indépendantes, comme Diane de
Rambouillet, abbesse d'Yères, qui vivait depuis trois ans à Paris, en chambre
garnie, avec des novices, quand vint le bref de réforme du Saint-Père, que
l'on ne fit rentrer dans son cloître qu'à force d'arrêts du Parlement, et
qui, une fois réintégrée, laissa presque mourir de faim les religieuses
réformées qu'on lui envoya de Montmartre. Mais il n'est pas rare d'entendre,
contre les supérieures improvisées par un ministre ou un courtisan, des
plaintes en général trop fondées. Le sieur de Fontenilhes, marié à la nièce
de l'abbesse, habite l'enclos du monastère de Sainte-Claire avec sa femme, ses
enfants et leur nourrice ; ils usent des fruits et
revenus comme de leur bien propre. Il faut de longues procédures pour
les faire déloger[37]. Les
Dominicaines de Proville profitent d'une absence de leur prieure, madame de
Ventadour, qui est allée passer quelque temps dans sa famille, pour conjurer
Richelieu de ne pas la laisser rentrer. Elle ne
cherche, dit un mémoire portant cinquante-deux signatures de
religieuses nobles, qu'à se repaître de nos chairs
et revêtir de nos laines.... elle a toujours
tenu grosse et grasse table, pendant que nous étions en peine bien souvent
d'avoir mê7ne du pain. Quatre fois notre communauté a été contrainte de
demeurer à jeun jusques sur les huit heures du soir, notre four étant occupé
par elle aux pains de munition qu'elle fournissait aux ennemis du Roi. Elle nous
a endettées de 7 à Les couvents féminins d'autrefois avaient la même
autorité, les mêmes prérogatives que ceux du sexe fort. Bien des prieures
nommaient les curés des paroisses de leur juridiction ; elles ont droit de
justice sauf celle du sang. L'abbesse des
Clarisses de Mont-de-Marsan, suivie de toutes ses religieuses, prête serment
de fidélité au Roi, à |
[1] Correspondance de SOURDIS, II, 173, 174. — Arch. dép. Yonne, H, 538. — BAGUENAULT DE PUCHESSE, Concile de Trente, p. 242. — MONTESQUIEU, Pensées (éd. Didot), p. 227. — Pour obtenir ce tiers des revenus affecté à leur vivre et entretien, les religieux doivent souvent plaider. Arrêt Parlement 27 juillet 1630.
[2] Arch. Haute-Garonne, B, 392. — Arch. Lot-et-Garonne, Mézin AA, 3. — DE BEAUREPAIRE, Cahiers des États de Normandie, II, 96. — Arch. com. Nevers, GG, 29. — Arrêt du grand conseil 15 avril 1638.
[3] Arch. dép. Somme, B, 377.
[4]
Arch. Yonne, H, 987, — Convention analogue entre Nicolas de Castille, abbé de
Saint-Marion d'Auxerre, et les religieux au nombre de et deux novices (1629).
Chacun aura droit à
[5]
RAPINE, Cahier
du Tiers en 1614, p. 7. — Au contraire on ne nommait jamais plusieurs
réguliers de suite à une abbaye, parce qu'elle eût été ainsi remise en règle. A
[6]
[7] Ordinairement cette pension était du tiers. Arrêt du Parlement, 11 mars 1635. — RICHELIEU, Mémoires, I, 85, 86. — Pour les bénéfices possédés par des enfants, voyez Aff. Étrang., t. 801, fol. 121. — LE CAMUS, Désordre des trois ordres, 4, 22. — TALLEMANT, Lettres et papiers d'État, VII, 1009.
[8] Une dame de Jarzé autorise un jeune chanoine, qu'elle a nommé, à continuer ses études jusqu'à vingt-cinq ans, en commettant à sa place personne capable pour remplir les devoirs de sa prébende. Arch. dép. Maine-et-Loire, G, 1329, 2023. — Arch. Indre-et-Loire, G, 106, 121. — Des régents de l'Université avaient parfois de petits bénéfices, qui, vu la modicité de leur traitement, les aidaient à vivre. — Arrêt du Parlement, 18 mai 1638.
[9] RICHELIEU, Mémoires, II, 643. — Aff. Étrang., t. 789, fol. 188 (Lettre d'Hotman pour la duchesse de Guise). — Lettres et papiers d'Etat, VII, 670.
[10] Arrêt de Conseil privé dit 27 mars 1623. — Arrêt du Parlement, 24 mai 1630. — Arch. Maine-et-Loire, G, 1493. Défense au chapitre du Puy-Notre-Dame de pourvoir de vicaires aucune personne qui ne soit prêtre ou en état de l'être dans l'année. — Arch. dép. Lozère, G, 1073. — TALLEMANT, VI, 4. — En vertu du concordat, les nobles devenaient gradués nommés en moins de temps que les roturiers.
[11] RICHELIEU, Mémoires, II, 563. — FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, 30. — RETZ, Mémoires, l. I. — TALLEMANT, VIII, 108. — CAMUS, Désordres des trois ordres, 14 et suiv. — RAPINE, Relation des États Généraux de 1614, p. 218. — Arch. dép. Landes, H, 129. — Arrêt de la cour des Grands Jours de Poitiers du 23 septembre 1634.
[12] Arch. dép. Indre-et-Loire (Introd.). — RICHELIEU, Mémoires, I, 86.
[13] La dispense du bréviaire, accordée par le Pape à Richelieu, ne le fut cependant qu'au prit de longs efforts faits par Bérulle, agent du premier ministre près du Saint-Siège (1629). Bérulle avait beau représenter la grandeur de la somme que donnait le cardinal pour être déchargé, le Souverain Pontife répondait qu'il avait été nonce, occupé d'affaires bien pressées, et qu'il était pape, chargé des affaires de la chrétienté, et que non-seulement il disait tous les jours son office, mais aussi presque tous les jours sa messe. Il céda enfin ; Bérulle apporta une autre dispense, qui ne fut pas inutile à Richelieu, celle de s'ingérer dans les affaires et causes criminelles. Lettres et papiers d'État, III, 459 ; VIII, 192.
[14] Aff. Étrang., t. 813, fol. 42. — Lettres et papiers d'État, IV, 644 ; VII, 542. — RICHELIEU, Mémoires, I, 85. — Récits du moine Richer.
[15]
Aff. Étrang., t. 791, fol. 184 ; t. 778, fol. 6 ; t. 779, fol. 240. — Arch.
dép. de
[16] Aff. Étrang., t. 834, fol. 262. — RICHELIEU, Mémoires, I, p. 243. — DE BEAUREPAIRE, Cahiers des États de Normandie, II, 144. — Recueil de pièces, Ms. 4258 (Bibl. de l'Arsenal). — RAPINE, Cahier du Tiers État, 10. — Arrêt du conseil 16 juillet 1620. — Les aumôniers du Roi et de la famille royale étaient tous fort bien pourvus de bénéfices.
[17] Arch. dép. Lozère, G, 729. — Arch. dép. Haute-Garonne, B, 349. On met à la réception d'un conseiller clerc au Parlement de Toulouse, la clause qu'il devra se démettre de ses bénéfices ayant charge d'âmes. — PALMA CAYET, Chronologie, p. 723.
[18] Aff. Étrang., t. 780, fol. 270. — Arch. dép. Sarthe, G, 492. — Les évêques n'auraient pu s'absenter sans un congé exprès du chef du conseil. — Lettres et papiers d'État, II, 173. — TALLEMANT, V, 150. — Voyage à Rome de J. BOUCHARD, XXIV. — Henri IV avait fait déjà de vains efforts pour obtenir la résidence. Cf. Lettres missives, VI, 565.
[19] Lettres et papiers d'État, I, 541. — MONTCHAL, archevêque de Toulouse, Mémoires, II, 481, 547. — L'honnête archevêque de Toulouse n'en jouit pas moins de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, près Valognes. Elle lui est disputée par le sieur de Thélis, conseiller au Parlement de Paris ; quoi qu'il arrive, voilà une abbaye bien dirigée.
[20] RICHELIEU, Mémoires, III, 277. — Lettres et papiers d'État, V, 24, 963.
[21] Abbé ARNAUD, Mémoires, 508. — Lettres et papiers d'État, III, 40 ; VI, 573.
[22] MONTGLAT, Mémoires, 41. — Deux individus, se disant prieurs d'Albin en Rouergue (et l'étant peut-être) font des assemblées de gens de guerre pour la perception des fruits du prieuré. (Arch. Haute-Garonne, B, 365.) A l'assemblée de Mantes, l'évêque d'Auxerre porte le poing près du visage de l'évêque de Vabres, le menace de le battre, lui dit que s'il était dehors, il l'étranglerait, et autres paroles pleines d'aigreur, ajoute sentencieusement MONTCHAL (Mémoires, II, 444.)
[23]
Abbé HOUSSAYE, Vie
du card. de Bérulle, II, 5. — TALLEMANT, IV, 26, 45 ; V, 97 ; VII, 14 ; IX, 91, 153, 205 ; X,
fol, 208. — Abbé ARNAUD,
Mémoires, 515. — Scarron avait une prébende, Desportes, le poète, un
canonicat de
[24] Arrêt du Parlement 20 août 1635. — Aff. Étrang., t. 780, fol. 16. — Arch. dép. Maine-et-Loire, G, 1744.
[25] MONTCHAL, Mémoires, I, 147, 149,186 ; II, 692. — L'arch. de Paris, Gondi, celui de Bordeaux, Sourdis, celui de Tours, d'Estimas, l'évêque de Bayonne, l'évêque de Lisieux, et plusieurs autres fournirent bien de l'aliment à la malignité publique. — Vie de Saint-Évremond, par DES MAISEAUX, I, 31. — RICHELIEU, Mémoires, I, 161. Abbé ARNAUD, Mémoires, 483. — TALLEMANT, II, 46 ; III, 184, 194 ; V, 118 ; VIII, 109, 245 ; X, 54.
[26] MONTCHAL, Mémoires, I, 44, 52. — RICHELIEU, Mémoires, III, 296.
[27] Lettres et papiers d'État, I, 778. — RICHELIEU, Mémoires, I, 267. — BAGUENAULT DE PUCHESSE, Concile de Trente, 105.
[28] En 1608. — Il était aussi abbé commendataire de Saint-Germain des Prés depuis 1613. — Mémoires de MONTGLAT, 121 ; RICHELIEU, III, 190. — TALLEMANT, X, 143. — DE SERRES, Institutions du Droit français, p. 47. — Une bulle de Sixte-Quint du 3 décembre 1595 défendait de conférer aucune prélature à un bâtard, même légitimé ; mais sans doute elle était peu en vigueur.
[29]
RICHELIEU, Mémoires,
II, 517, 563. — TALLEMANT,
IV, 16 ; VIII, 136, 211. — Aff. Etrang., t. 798, fol. 95 ; t. 801, fol.
[30] Mémoires de MONTGLAT, 107 ; de RICHELIEU, I, 240 ; de MONTCHAL, II, 695. — Villemontée, intendant en Poitou, se fit prêtre, quoique marié, et devint évêque de Saint-Malo, bien que sa femme n'eût point fait de vœux, mais protesté seulement, devant le Saint Sacrement, qu'elle ne vivrait pas comme une femme avec son mari. TALLEMANT, VI, 57. — On voit, à la fin du quatorzième siècle (1389), en Béarn, des prêtres mariés (cf. Arch. dép. Basses-Pyrénées, E 1595), avec la permission du seigneur de Béarn, mais nous ne savons si ce sont les prêtres laïques du chapitre III.
[31] Ordonnance d'Orléans de 1560 (art. 19). — Ordonnance de Blois de 1579 (art. 28). — Arch. dép. de l'Yonne, H, 972. — Lettres et papiers d'État, I, 97. — Marie-Anne, fille naturelle du comte de Soissons, prit le voile à sept ans ; Marie de Bourbon, sa fille légitime, le prit à quatre ans. — Aff. Étrang., t. 805, fol. 266.
[32] Arch. Haute-Garonne, B. 458. Pour Louise de Garrigue.
[33]
Arch. Lot-et-Garonne, B. 62 ; de
[34]
Aff. Étrang., t. 794, fol. 106 ; t. 813, fol. 170. — Lettres et papiers
d'État, I, 682, — Le trousseau consiste en une douzaine de draps, 3 douz.
de serviettes, 1 douz. de chemises, 2 plats, 2 écuelles, 2 assiettes, 1
salière, 1 aiguière, et un pot, le tout en étain ; 2 bréviaires et
[35]
Arch. Lot-et-Garonne (Lamontjoie) GG. 4. (Ou en voit un exemple en la personne
de Marie-Anne d'Esparbez de Lussan au dix-huitième siècle.) — Ibid.
(Feugarolles, GG. 1). Arch. de
[36]
Arrêts du Parlement du 17 janvier 1632, du 11 janvier 1635, sur les conclusions
de l'avocat général Bignon. Les Ursulines de la rue Saint-Jacques avaient exigé
du Sr de Fontpertuis une somme
[37] Arch. Haute-Garonne, B. 459. — TALLEMANT, IV, 3.
[38]
Aff. Étrang., t. 809, fol. 105 ; t. 810, fol. 387. — Madame de Ventadour
abandonna le monastère moyennant
[39] Témoin le Sr de Verthamon pour l'hôpital de Reims (Arch. Guerre, LXVII, 6).
[40]
Arch. dép. de
[41] Arch. dép. Ain, H. 357 et 358. — Arch. municipales Saint-Malo, FF, 3. — Abbé ARNAULT, Mémoires, 507.
[42]
Arch. dép. Aube, G. 935, 1296. — Là, le chapitre lutte avec l'évêque pour empêcher
les religieuses de chanter un chant nouveau, ou de se voiler le visage. — Arch.
dép. des Landes, G. 216 ; de
[43]
Arrêts du Conseil privé du 27 août 1655 ; du conseil d'Etat 8 octobre 1651.
Réformation de l'Ordre de Fontevrault. — Les abbesses de Chelles étaient :
Marie-Henriette de Bourbon, fille de la comtesse de Romorantin, pois (1629)
Madeleine de