Les divers chapitres du budget. — Dépenses payées exclusivement à Paris. — Pensions, leurs titulaires. — Affaires étrangères ; ce que coûte la diplomatie. — Maison du Roi ; son immense développement ; économie personnelle du souverain.Les dépenses payées en 1639 par la caisse centrale du Trésor (l'Épargne) s'élèvent à 41 millions. Elles sont réparties, comme on l'a vu plus haut, en 23 chapitres[1], qui correspondent à cinq de nos ministères actuels, et au ministère de la maison du Roi. Mais, sauf la maison du Roi et les affaires étrangères, toutes les autres administrations ne sont que partiellement payées à l'Épargne ; elles tirent des caisses de province le reste de l'argent qui leur est annuellement nécessaire. Quelques-unes même, comme la justice et la police, sont exclusivement payées sur les recettes locales des généralités. Enfin il en est d'autres, comme la guerre, qui figurent à Paris et en province sur les états publics de dépenses, et qui absorbent encore une notable part de ces fonds secrets qu'on appelait les comptants. Puisque nous nous proposons d'étudier, chacune à leur tour, dans les détails de leur fonctionnement, ces, divers organes de la vie nationale, armée, marine, justice, clergé, etc., nous aurons à traiter séparément de leur question d'argent particulière, et nous nous exposerions à des redites en nous en occupant à propos des finances générales. Ceux mêmes des chapitres de dépenses de l'Épargne, comme les dons et pensions, qui semblent ne dépendre que du ministère des finances, sont en réalité des appointements de magistrats ou de militaires ; souvent même des remboursements pour des dettes contractées par eux au service de l'État. Aux principaux comptables (1.200 écus), aux secrétaires d'État pour leurs étrennes, aux cardinaux français à Rome, à des ministres étrangers qui voulaient bien trahir leur pays en notre faveur, à des enfants en bas âge, en mémoire des mérites de leurs parents, à des gentilshommes tt pour entrer en campagne[2], voilà à qui étaient accordées ces pensions. Pour n'être pas le produit régulier d'une retenue trentenaire, comme en notre siècle, elles n'en étaient pas moins bien gagnées pour la plupart, et c'est parmi les dépenses d'État, plutôt que parmi les cadeaux fantaisistes du prince, qu'elles doivent être classées. A ce titre, elles devraient figurer dans le budget de
plusieurs ministères auxquels elles se rapportent : dans le budget des
affaires étrangères par exemple, qui n'atteint que On faisait face à tous ces frais au moyen des acquits au comptant, dont nous parlerons tout à l'heure. La seule dépense
qui se payait entièrement à Paris, au Trésor, c'est la dépense personnelle du
Roi et de sa famille, ce qu'en langage moderne on appellerait la liste
civile. Le souverain, qui avait à sa discrétion la bourse publique, était
bien loin d'en abuser. Sa maison, celle de Les aumônes aussi sont abondantes ; elles excèdent de beaucoup le chiffre porté dans les comptes à ce chapitre. Sous les rubriques Menus plaisirs et Menus dons, figurent sans cesse des secours de toute nature, à de pauvres vieux hommes pour leur donner moyen de vivre, à des malades pour se faire panser et médicamenter, dans les maux dont ils sont travaillés[17]. Ce qui augmente surtout les dépenses, c'est le personnel immense
de la maison du Roi, qu'il faut nourrir et payer ; personnel uniquement
décoratif, puisque le prince était très-mal servi,
et que, dans sa dernière maladie, il ne prenait presque jamais un bouillon
qui fût chaud[18]. Depuis le
seizième siècle, on parle toujours de réduire la maison du Roi, comme
aujourd'hui on parle de diminuer le nombre des fonctionnaires de l'État ;
mais jusqu'à |
[1] Voyez Mouvement des fonds, et le Budget de 1639 à l'Appendice.
[2] Voyez le chapitre Fortune et Revenus de la noblesse dans le livre II. — Archives des affaires étrangères, vol. 837, fol. 71. — Archives nationales, K.K. 201. — Plumitif, P. 2757, 90. — Duc D'ORLÉANS, Mémoires, p. 570. — Lettres et papiers d'État, t. V, p. 773. — Comte D'HAUTERIVE, Observations sur la dépense d'une grande administration, p. 31.
[3] Voyez à l'Appendice (tableau IX) les gages des ambassadeurs. L'état des Archives des affaires étrangères, France (vol. 794, fol. 347), accuse un total de 215.595 en 1629 ; celui de l'Épargne donne pour 1639 221.545.
[4] Cet hôtel, sis rue de Tournon, sert aujourd'hui de caserne à la garde municipale. — BRIENNE, Mémoires, p. 52. — MONTEIL, Histoire des Français, t. VIII, p. 494.
[5] BASSOMPIERRE (Mémoires, 243) a 1.000 écus par mois en Suisse. — On sait que tout le personnel de l'ambassade était à la charge de l'ambassadeur ; il n'y avait qu'à Venise où il y eût un secrétaire d'ambassade.
[6] Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 416.
[7] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 135.
[8] RICHELIEU, t. II, p. 9. — t. III, p. 301.
[9]
Richelieu lui écrit eu 1639 : qu'il ne doit pas
espérer plus de
[10]
Lettres et papiers d'État, t. V, p. 386. — D'après une taxe réglée par
le foi, les ducs et pairs avaient
[11] Voyez le détail à l'Appendice.
[12] TALLEMANT, t. VIII, p. 101.
[13] Mémoires, p. 231.
[14] Saint-Simon raconte que Louis XIV, apercevant un valet du serdeau (desserte royale) qui volait un fruit, se mit à courir après lui, et lui cassa sa canne sur le dos. Vol. I des Mémoires.
[15]
Compte de l'argenterie. — Archives nationales, K.K. 199.
[16] TALLEMANT, t. III, p. 72, et t. V, p. 75. — Le trésorier de l'argenterie était Michel Particelli d'Émery. On voit dans la même fonction Ph. Hotman et Louvencourt (1631).
[17] Archives nationales, K. K. 202.
[18] PONTIS, Mémoires.
[19] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 141, 176.
[20]
Voyez l'état de la maison du Roi, dans l'Extrait des officiers commensaux, chez
Rocollet, 1640 (Bibliothèque nationale), aux Archives nationales le registre
K.K. 201, et aux Archives des affaires étrangères, France, p. 837, vol. 88. —
Nous croyons inutile de le publier. — Il y avait près de cinq cents personnes
pour la table, depuis le grand maître, jusqu'aux aides chargés d'aller en
Italie et en Provence acheter des fruits ; et à peu près autant pour la
chambre, depuis le grand chambellan, jusqu'au fou du Roi et aux quatre nains
(nains de père en fils) qui avaient