CAMPAGNES DE L'ARMÉE D'AFRIQUE

1835-1840

 

LA SICKACK. — JUILLET 1835

 

 

Le général Bugeaud comprit largement la mission qui lui avait été donnée de reprendre l'offensive. mission si belle, dans de telles circonstances. pour un officier général ambitieux de s'élever et voulant tout devoir à ses services militaires.

L'offensive, pour cet homme vraiment guerrier, ne consistait pas seulement dans la faculté de sortir de la tanière où l'on se fortifiait depuis deux mois, pour entreprendre quelques courses, limitées dans leur direction et leur durée par l'embarras du matériel et le manque de vivres ; l'offensive, c'était la puissance de porter ses coups à fond, de les porter le premier partout et toujours, sans en être réduit à ne faire que parer et riposter ; l'offensive, c'était la liberté la plus absolue du' mouvement, c'était de se faire aussi léger que les Arabes : car, en Afrique, c'est le plus léger qui finit par être le plus fort ; et le succès, si souvent dépendant de l'initiative, appartient à celui qui peut éviter les combats préparés dans des passages obligés, les provoquer dans des terrains choisis par lui, et toujours marcher partout sans jamais perdre le temps ni fatiguer ses troupes à faire des routes.

Le nombre, qui ne tient lieu nulle part, et surtout en Afrique, de la bonne organisation, ne pouvait pas seul atteindre ce but. Les renforts débarqués à la Tafna étaient numériquement suffisants ; mais c'était par sa constitution lourde et peu mobile que l'armée péchait.

Les autres généraux n'avaient su que se plaindre de leur convoi, dont la grandeur les attache au rivage. Il était dans la nature énergique du général Bugeaud de se débarrasser sur-le-champ de ce qu'il aurait reconnu être un obstacle à ses desseins. Fort de sa conviction et de son bon sens, il heurta de front, lui nouveau venu, à peine débarqué, tous les principes admis, toutes les théories et tous les sophismes qui avaient résisté à six années d'expérience, et il se détermina à ne plus avoir une seule voiture dans sa division, et à créer tout prix des transports mobiles, chargés-de plus de vivres que les chariots n'en auraient pu porter.

Il fit embarquer les prolonges du génie, de l'administration et de l'artillerie, et même le canon de campagne, car une seule roue conservée dans sa colonne lui eût imposé les mêmes sujétions que s'il en avait eu mille, et, par la force des choses, il se trouvait ainsi poussé à une de ces mesures excessives qui plaisaient à son caractère.

Jusqu'alors, on avait considéré l'artillerie de campagne comme le seul moyen de compenser le nombre des ennemis et de diminuer celui des blessés, en éloignant les Arabes ; la supprimer brusquement au moment d'entrer en campagne, c'était plus que de la hardiesse pour un général qui n'était pas connu à l'armée d'Afrique, c'était peut-être attaquer le moral des vieilles troupes, dont la confiante ardeur était bien nécessaire aux nouveaux régiments. Ceux-ci, débarqués avec le mal de mer, passant, sans transition, de l'opulente Marseille aux misères et à la détresse de la Tafna, avaient été attristés et émus par le spectacle soudain de ce que la guerre a de plus laid ; et l'enthousiasme avec lequel ils étaient partis se refroidissait par la comparaison presque involontaire de l'existence qu'ils avaient quittée avec celle qui commençait pour eux.

Mais le général Bugeaud comptait sur la force de vérité des principes que ses talents militaires lui avaient fait deviner, et qui, depuis, ont amené une révolution véritable dans la guerre d'Afrique ; il brava tout, et il attendit avec patience le résultat des dispositions qui lui garantissaient la victoire. L'inquiétude semée dans les rangs des troupes par cette mesure, qui n'avait point pour elle le sentiment des officiers et des soldats, n'était que le moindre de ses embarras.

Il est toujours facile de détruire ; mais, quand il fallut remplacer les moyens de transport dont on s'était dépouillé, on s'aperçut que les bêtes de somme mangeaient plus et portaient moins que les animaux attelés. On manquait de tout. même de bâts pour des chevaux qui n'avaient jamais été chargés. Néanmoins, la tenace volonté et l'infatigable activité du général Bugeaud vinrent à bout d'une transformation jugée d'abord inexécutable sur cette plage, où tout était difficile, et où ce qui était nouveau était déclaré impossible. Ingénieux dans ses détails, comme il avait été judicieux dans l'ensemble de ses vues. le général parvint. par des prodiges d'industrie, à improviser en quatre jours, avec de vieilles toiles (le la marine et de la paille d'orge tressée, des bâts pour trois cents chevaux de trait devenus bêtes de somme, et sur le dos desquels il chargea pour six jours de vivres.

Ce n'était pas assez pour aller à Tlemcen, c'était le strict nécessaire pour arriver à Oran, où cette organisation improvisée et incomplète devait être perfectionnée avant qu'on pût songer à entrer sérieusement en campagne.

La division tout entière était, si je puis m'exprimer ainsi, à l'état de chrysalide, dans une transition confuse d'anciennes habitudes à un système nouveau. C'eût été diminuer et peut-être compromettre le succès que d'aller, à travers les montagnes. chercher des combats hasardeux et difficiles, avant d'avoir donné de l'harmonie à des éléments hétérogènes, et d'avoir sanctionné par la pratique de nombreuses innovations. Une théorie sur les avant-postes mobiles avait étonné les officiers les plus versés dans la guerre d'Afrique le général Bugeaud, qui avait deviné, sans la faire, cette guerre que d'autres avaient faite sans l'apprendre, avait donné une suite d'ordres de marche et de combats imités de ceux du maréchal Clauzel, mais plus absolus et moins élastiques.

Les dix bataillons de la division se formaient sur trois colonnes : quatre à la colonne du centre, qui renfermait les bagages entre le premier et le deuxième bataillon, et trois à chacune des deux autres. La cavalerie marchait en deux fractions, entre les colonnes des ailes et les bagages. Au signal du combat, donné par un pétard, on s'arrêtait : les colonnes des ailes s'échelonnaient à cent vingt pas sur le premier bataillon de la colonne du centre, dont les autres bataillons exécutaient en arrière le même mouvement. de manière à tracer les quatre faces d'un losange. Les nouveaux régiments n'étaient pas encore rompus à cette manœuvre, trop régulière pour être exécutée à la guerre, où les circonstances modifient ce que l'on prépare loin d'elles. Les anciens Africains se pliaient de mauvaise grâce à une méthode non encore appliquée, et doutaient d'un général qui se faisait réformateur avant d'avoir vu.

Le général Bugeaud avait commandé, mais n'avait pas encore convaincu, ce qui est si nécessaire pour obtenir des troupes françaises toute la puissance de leur action. Avant de se mesurer avec Abd-el-Kader. il lui fallait vaincre les préjugés par l'évidence de faits incontestables. Il en saisit bientôt l'occasion.

L'émir, lors du débarquement des renforts, avait concentré son monde sur la route de Tlemcen ; il n'avait laissé que des postes d'observation sur le bord de la mer, jusqu'alors suffisamment gardé par des obstacles naturels, insurmontables pour le matériel, dont il ignorait que les Français fussent débarrassés.

Le général résolut de prouver, en se rendant, par là à Oran, que sa division ne dépendait plus ni des Arabes ni du convoi. Dans la nuit du 11 au 12 juin, il se mit en marche le long de la mer, sur une seule colonne, laissant à la Tafna une garnison de dix-huit cents hommes, premier tribut payé à l'extension abusive des ouvrages de ce camp.

Une marche de nuit, dans un pays sans chemin, sans points de repère, et d'une désolante uniformité, ne doit s'entreprendre qu'avec des reconnaissances très-bien faites et des troupes parfaitement façonnées. On peut finir ainsi une campagne ; il était dangereux de la commencer par là, avec des soldats dont les jambes étaient engourdies par suite de la traversée ou du blocus, et dont les derniers débarqués avaient plusieurs fois fait feu, la nuit, les uns sur les autres, dans ce mélange d'ardeur et d'inquiétude ordinaire aux troupes qui débutent.

Le général Bugeaud s'en aperçut, et l'avoua avec sa loyale et expansive franchise.

Cependant, son plan avait réussi ; la division était déjà à quatre lieues du camp et sur des plateaux faciles, avant d'être rejointe par les cavaliers de l'émir, qui vinrent, contre leur habitude, attaquer l'avant-garde, afin de donner au gros de leur armée le temps d'arriver. Le général les fit charger, et les poussa de colline en colline ; mais la température était excessive : des hommes tombèrent morts de chaleur, d'autres se tuèrent eux-mêmes. Il fallut laisser un régiment pour recueillir les nombreux traînards de la colonne qui s'allongeait. Les Arabes, prompts à accourir sur le point le plus faible, ébranlèrent un instant, par leurs cris et par leur fantasmagorie, ces troupes exténuées qui voyaient le feu pour la première fois. L'avant-garde dut revenir sur ses pas, en renonçant à la poursuite de l'ennemi, pour protéger les bagages entièrement découverts ; une charge de chasseurs à cheval mit lin à cette affaire sans résultat.

Mais l'infanterie kabyle n'avait pu regagner sept lieues d'avance. et la cavalerie arabe s'éloigna, certaine de revoir bientôt les Français, impérieusement appelés à Tlemcen par les besoins d'une garnison affamée. La division, épuisée par une première marche de dix-huit heures, bivaqua sur l'Oued-Glutzer, où elle trouva à peine de quoi étancher sa soif, et, le 17, elle arrivait à Oran sans nouvel incident.

Dès le 19, la prodigieuse activité physique et morale du général 'Bugeaud avait déjà organisé un convoi qui portail un mois de vivres pour le corps expéditionnaire et pour Tlemcen, dont le ravitaillement devenait de plus en plus urgent. Cinq cents chameaux, trois cents mulets, un troupeau considérable, plusieurs centaines d'ânes chargés des bagages particuliers, formaient une arche de Noé, dans laquelle cependant le général était parvenu à introduire de l'ordre, de la régularité et de la discipline. Par la sécheresse de l'été, les chameaux marchaient mieux ; néanmoins, ces animaux, lents et difficiles à conduire, n'offraient qu'une ressource bien incomplète. et le seul avantage qu'ils présentassent était de n'exiger aucune nourriture.

Les marches de la division, formée sur trois colonnes, d'après la manière du maréchal Clauzel, étaient bien réglées : elle partait de très-grand matin et prenait son bivouac à onze heures ; et cependant, la chaleur accablait les nouvelles troupes ; les soldats, mal équipés pour ce climat, tombaient comme foudroyés par les rayons dévorants d'un soleil de feu, reflétés par une terre rouge et brûlante. Dès la seconde marche, cent soixante et dix hommes furent renvoyés à Oran, triste preuve de la cruauté de la loi qui, en admettant dans l'armée des hommes trop chétifs, appauvrit à la fois la population et l'armée, et conduit à n'avoir pour conseil de révision que l'hôpital et souvent le cimetière.

Plusieurs malheureux, dans les accès trop communs, hélas ! d'une affreuse folie, se brûlent la cervelle au milieu de la colonne.

Malgré ce déplorable spectacle, le moral de la division, soutenu par l'énergie des vieilles troupes, endurcies par la victoire et les revers, et insensibles à la chaleur comme au froid et à la misère, s'affermit chaque jour.

Le 24, sur les bords de l'Ammiguier, la cavalerie qui bloquait le Méchouar vint attaquer à l'improviste l'arrière-garde. La division, déjà bien manœuvrière et très-mobile, se retourna brusquement. Les chasseurs à cheval chargèrent en échelon les trois cents chevaux qu'ils avaient devant eux ; le premier échelon fut ramené avec perte, mais les autres, lancés à fond. appuyés par un mouvement de flanc exécuté avec grande intelligence par Mustapha et soutenu par l'infanterie. poussèrent jusqu'à l'horizon les Arabes, qui abandonnèrent une soixantaine des leurs sur le terrain.

Après ce succès, le corps expéditionnaire entra à Tlemcen, où son séjour fut un court entr'acte dans les souffrances de cette garnison, séparée du monde entier depuis le mois de février, et qui pouvait se croire oubliée par la France. Deux fois elle avait entendu le canon du général d'Arlanges, et deux fois ce bruit, en s'éloignant, avait trahi son espérance sans ébranler son ferme dévouement.

Les jours de combat étaient des jours de fête et de distraction pour ces hommes exposés sans cesse au supplice de Tantale, dans ces beaux lieux qu'ils ne voyaient que de loin, et où les burnous blancs, errants comme des fantômes, leur rappelaient qu'ils ne pouvaient sortir de la fosse où ils étaient enterrés vivants. L'expression assurée et la pâleur de leurs figures amaigries attestaient à la fois leurs privations et la persévérante énergie d'âmes inaccessibles au découragement et à la nostalgie.

Le plus pâle et le plus maigre de tous, parce qu'il avait voulu souffrir plus qu'aucun de ses soldats, le capitaine Cavaignac rehaussa encore par sa modestie et son abnégation une conduite admirée de toute l'armée. Son industrie avait créé un hôpital, fabriqué des vêtements, et son humanité, imitée par le bataillon tout entier, avait partagé avec les malheureux couloughlis la demi-ration de pain d'orge à laquelle la garnison était réduite depuis deux mois.

Le convoi conduit à Tlemcen ne l'approvisionnait que pour un mois ; une triste expérience prouvait la nécessité d'assurer un avenir moins limité. Le général Bugeaud partit dès le 26, avec les bêtes de somme, haut le pied, pour aller chercher un nouvel approvisionnement à la Tafna. Une nécessité bien pressante changeait ainsi le caractère de la guerre : la campagne n'était plus qu'une navette de convois, et le général était réduit au rôle d'un brigadier du train.

Le général Bugeaud tira un grand parti de cette situation ingrate, et exécuta avec une adresse remarquable une opération difficile.

Deux fois, en allant à la Tafna, et en revenant, le général français, libre de ses mouvements et débarrassé de ses impedimenta, trompa la vigilance de l'émir et lui escamota le passage des montagnes, que ce dernier gardait avec des forces considérables.

En partant de Tlemcen, le général Bugeaud bivaqua de bonne heure au confluent de l'Isser et de la Tafna, et poussa son avant-garde comme pour surprendre le col de Seba-Chioukh, au pied duquel le maréchal Clauzel s'était arrêté. Aussitôt l'ennemi accourt de toutes parts à l'entrée de la gorge. Dès que les Kabyles y sont réunis, le camp français est soudainement levé, un mouvement de flanc rapide transporte l'infanterie sur des hauteurs qui tournent et commandent le col, et les bêtes de somme suivent les fantassins, portant, sur ces rochers à pic, de l'eau pour leur nouveau bivouac, où l'ennemi n'ose les inquiéter.

En revenant de la Tafna, le convoi était chargé : il fallait passer par le col ; un nouveau stratagème le livra sans combat. Le colonel Combes est envoyé à l'ouest avec trois bataillons, qui travaillent à construire une route carrossable sur ce point de la montagne. L'émir se persuade que les Français ont repris leurs chariots à la Tafna, et fait pendant la nuit ses dispositions pour leur disputer cette nouvelle route. Au point du jour, les Kabyles étaient en bataille devant les feux allumés par le colonel Combes. Le soleil levant leur montre le col, qu'ils ont évacué pour se réunir devant un bivouac désert. déjà occupé par les trois bataillons que le colonel y a conduits de nuit, et, le 5 juillet, la division et son convoi étaient campés dans la plaine de l'Isser.

Avoir su éviter le combat là où l'ennemi le voulait, c'était se l'assurer ailleurs. En effet, tout annonçait une rencontre pour le lendemain. Abd-el-Kader supportait mieux une défaite qu'une mystification ; il se résignait à subir la supériorité de la force, il ne pouvait accepter la supériorité de l'intelligence et de la ruse. L'humiliation de ce double chassé-croisé, la colère d'avoir été deux fois dupe, ajoutent à son impatience de se venger d'un adversaire dont l'habileté faisait ainsi de la vanité de l'émir l'instrument de ses desseins. Ce Français est un renard, et son armée est un serpent, s'écria Abd-el-Kader, mais sera-t-il un lion ?

L'armée musulmane quitta les montagnes, et comme fascinée par ce convoi qui venait de lui échapper, elle descendit à sa suite dans la plaine et campa sur lisser, au-dessus du bivouac français, en détachant un fort parti de cavalerie en aval, dans la direction de Tlemcen.

Pour y conduire le convoi auquel le général Bugeaud allait devoir l'occasion si désirée de combattre l'ennemi en plaine, il fallait franchir deux fois le ravin profond de la Sickack, qui formait, en tournant sur la gauche, un arc de cercle dont

la route de Tlemcen était la corde. Sur la droite, la plaine était coupée par le cours encaissé de l'Isser, et le plateau sur lequel l'action allait avoir lieu se trouvait ainsi fermé de trois côtés par des ravins escarpés.

Chacun des deux adversaires conçut à la fois la pensée d'y précipiter son ennemi.

Abd-el-Kader, qui avait avec lui douze mille hommes, dont neuf mille cavaliers et mille hommes d'infanterie régulière recrutée depuis sa nouvelle grandeur, s'était placé de manière à profiter du premier passage de la Sickack pour y attaquer le général Bugeaud, qui chercha dès lors à arriver avant l'ennemi sur le plateau s'étendant au delà.

Le 6 juillet, longtemps avant le jour, la division française prend les armes dans le plus grand silence : elle est forte de huit mille hommes[1].

Elle marche sur trois colonnes, le convoi au centre, les auxiliaires à l'arrière-garde. La confiance règne dans ses rangs : les soldats apprécient et aiment un général soldat lui-même, infatigable, plein d'une sollicitude efficace pour sa troupe, sachant également la ménager et l'employer.

Mais le bruit que font les chameaux lorsqu'on les charge avait averti l'ennemi du mouvement des Français : il s'était ébranlé en même temps, et, à quatre heures et demie du matin, au milieu de ce brouillard qui annonce les journées étouffantes et sans air, la cavalerie arabe, détachée la veille, s'engageait vivement à l'arrière-garde, avec les Douairs et le 24e, obligés de rester en position pendant le long et difficile passage de la Sickack.

Le convoi n'était pas encore reformé sur le plateau, lorsque l'émir déboucha sur la droite de la division française, qui va être attaquée en flanc et en queue au moment où elle est encore coupée en deux par le ravin qu'obstruent les bagages.

La colonne de droite se hèle d'occuper le plateau : ce sont trois bataillons des 17e et 47e, les plus vieilles troupes de la garnison, impatientes de faire expier aux Arabes leurs souffrances et leurs misères. Le colonel Combes est à leur tête. Le général Bugeaud lui ordonne de faire face à droite ; les trois bataillons en colonnes doubles s'échelonnent sur le centre.

Le 2e chasseurs à cheval se forme en colonne serrée par escadrons derrière cette première ligne. Le 23e régiment est placé en réserve.

Le 24e, le 62e et le bataillon d'Afrique appuient leur gauche à la droite de la cavalerie, et se déploient perpendiculairement à la ligne du colonel Combes, pour contenir l'attaque dirigée contre l'arrière-garde.

Le front de la division française présente ainsi la forme d'un V très-ouvert, au milieu duquel les bagages se massent.

Cet ordre de bataille, qui eût été défectueux vis-à-vis de troupes européennes et sur un terrain civilisé, est commandé par la bizarre configuration du sol et par les dispositions irrégulières d'Abd-el-Kader, qui livre a la fois demi combats distincts.

La formation était encore inachevée, lorsqu'un vaste nuage d'une poussière rouge et d'une fumée épaisse qu'aucun souffle ne déplace, et d'où sortent des rugissements affreux et une fusillade plus vive que le feu de deux rangs de plusieurs régiments, annonce au colonel Combes l'attaque des six mille cavaliers d'Abd-el-Kader. Le choc de cette cohue, dont la force, comme celle de toutes les insurrections, réside dans une première impulsion, rejette les tirailleurs et les spahis sur les colonnes d'infanterie, qui, devant ce spectacle et malgré ce bruit saisissant, restent calmes et silencieuses et forment les carrés. Mais ces fantassins h cheval, dont la multitude les entoure, ne sont que de la mauvaise infanterie et de la médiocre cavalerie. Ils n'ont ni l'intelligence des grands courages, ni l'aveuglement des grandes frayeurs. Ils ne chargent ni ne fuient ; ils tourbillonnent autour des bataillons français assez près pour se faire tuer, trop loin pour les enfoncer.

Un combat tâtonné n'était pas l'affaire du général Bugeaud. Après un feu bien dirigé, le colonel Combes fait battre la charge ; les chasseurs à cheval passent au galop à travers les intervalles de l'infanterie. C'est trop tôt : les ailes des régiments sont enveloppées par la cavalerie arabe, qui s'est ouverte et a démasqué le feu roulant de l'infanterie régulière..Les chasseurs, désunis par une charge poussée trop loin, ne peuvent entamer les réguliers ; ils sont ramenés.

La masse des Arabes se reforme aussitôt ; elle va se heurter de nouveau contre la brigade Combes, qui a pris le pas de course pour soutenir la cavalerie ; de part et d'autre, les réserves s'approchent, les deux chefs s'avancent l'un contre l'autre. L'émir, qui sent qu'un nouveau succès des Arabes sera une condamnation sans appel pour la garnison de Tlemcen et décidera peut-être du sort de l'Afrique, se place lui-même dans les rangs de son infanterie régulière, dernière réserve qu'il a appris des chrétiens à employer à propos, et il appuie résolument le mouvement de ses cavaliers.

Le moment décisif est arrivé ; mais la victoire est aux Français, puisque l'on va se joindre. Le général Bugeaud, en personne, suivi de son état-major, entraîne le régiment de chasseurs, qui s'est rallié devant le front des bataillons. Une charge furieuse bouscule un ennemi dix fois plus nombreux. Les chasseurs, mêlés avec les cavaliers arabes en déroute, arrivent sur les nizams ; tout est rompu, tout est enfoncé par l'élan de cette intrépide cavalerie.

Les plus braves parmi les musulmans essayent de se grouper autour des sept drapeaux, emblèmes de la puissance souveraine, que de hardis cavaliers portent devant le prince des croyants. Ce dernier signe de ralliement disparaît bientôt : le maréchal des logis Jugneault[2] saisit, le premier, un de ces étendards ; cinq autres de ces trophées sont enlevés par les chasseurs.

L'émir seul, le premier et le dernier au combat, se révolte contre le destin. Il veut encore résister ; il ne fait plus que compromettre une vie toujours précieuse à son peuple, et surtout nécessaire le lendemain d'un revers, sans pouvoir même sauver quelques débris de cette infanterie, pénible création qu'il est condamné à voir anéantir sous ses yeux. Il ne reste plus à Abd-el-Kader que son cheval noir, si connu des chrétiens et des musulmans. Ce compagnon de sa bonne et de sa mauvaise fortune, qui l'a porté vainqueur à la Macta et à Sidi - Yacoub, qui lui a sauvé la vie à Tlemcen, est tué sous lui.

Mais la protection divine semble entourer le pieux émir et détourner de lui les coups qui brisent les instruments de son gouvernement et les insignes de son autorité. Quelques serviteurs fidèles se dévouent pour l'arracher à ce champ de carnage et l'entraînent malgré lui hors de la mêlée.

Il était temps. L'infanterie française, utile soutien, arrivait à toute course, suivant de très-près la cavalerie, comme elle doit toujours le faire en Afrique. L'armée arabe n'est plus qu'un troupeau de plusieurs milliers de fuyards, mitraillés à bonne portée par l'artillerie de montagne, et que les chasseurs -poussent l'épée dans les reins, sur un terrain en pente aboutissant aux bords escarpés de l'Isser.

Les Arabes à cheval, arrivés les premiers à ce ravin qu'ils avaient dû passer pour venir à l'attaque, parviennent, en abandonnant chevaux, armes et cadavres, à franchir cet obstacle, où, embarrassés par leur nombre, beaucoup d'entre eux s'écrasent et s'entre-tuent ; mais l'infanterie régulière, acculée, ainsi que le général Bugeaud l'avait prévu et annoncé, à un escarpement de trente à quarante pieds, y périt tout entière.

Les Douairs et les Smélas, à la vue de cette confusion, étaient accourus d'eux-mêmes de l'arrière-garde, où ils avaient combattu jusqu'alors. Mustapha-ben-Ismail les conduit, entouré, comme un patriarche, de tous ses parents, dont le plus jeune, qui n'a que sept ans, rougit aussi son yatagan. L'impétueux vieillard vient d'avoir la main brisée par une balle, mais le sang de ses adversaires lui fait oublier sa douleur. Le Léthé n'était-il pas un fleuve de sang ennemi ? Ses cavaliers font un horrible massacre des nizams de l'émir, qui n'ont même plus la triste ressource de se jeter dans le précipice, à moitié comblé par les cadavres mutilés ; les tirailleurs des 17e et 47e y sont déjà descendus.

Avec l'aide de ces soldats, toujours généreux envers les vaincus, le général Bugeaud, dont la voix a bien de la peine à dominer au milieu du tumulte, réussit à soustraire à leurs bourreaux cent trente malheureux, suspendus sur un rocher sans issue, entre les baïonnettes des voltigeurs et le yatagan des Douairs. Pendant que l'on s'emparait de ces prisonniers deux fois conquis, sur l'ennemi d'abord, et puis sur nos propres auxiliaires, le feu cessait à l'arrière-garde. Les 24e et 62e régiments et le bataillon d'Afrique avaient pris l'offensive en même temps que le colonel Combes, et avaient dispersé la cavalerie qui se trouvait devant eux, livrée de plus près à leurs coups par une retraite simulée.

Le convoi était entré à Tlemcen : au plus fort de l'action, le capitaine Cavaignac avait eu la témérité de venir le chercher avec son bataillon et les couloughlis. Mais tout devait réussir dans cette heureuse journée, et ce qui eût pu devenir une grande faute fut, cette fois, un service signalé.

A huit heures du matin, le combat était fini sur tous les points. La division, soulagée de son convoi et rejointe par son arrière-garde, continua la poursuite de l'ennemi, dont les derniers traînards furent chassés par la cavalerie et l'artillerie de montagne jusqu'à quatre lieues de là, sur la Tafna. Là, le général Bugeaud, quoiqu'il n'eût ni vivres ni tentes, campa à midi pour bien constater son triomphe, et pour reposer ses troupes fatiguées par l'excès de la chaleur.

Le combat de la Sickack n'était pas seulement le plus brillant succès obtenu en rase campagne. c'était la victoire la plus légitimement remportée ; car c'était celle à laquelle le hasard avait eu k moins de part, et pour laquelle le général avait le plus fait, par des combinaisons bien adaptées aux qualités de ses soldats et aux défauts de ses ennemis.

L'émir avait perdu son infanterie régulière, sept cents fusils, six drapeaux et cent trente prisonniers, souillés désormais par le contact des chrétiens, et plus regrettables ainsi que les douze cents musulmans tués les armes à la main dans la guerre sainte.

Cette vigoureuse affaire n'avait coûté aux Français que trente-deux tués et soixante-dix blessés. C'était un grand échec pour Abd-el-Kader, mais il venait deux ans trop tard. La puissance de l'émir avait déjà assez de racines pour résister à une tempête passagère. Il pouvait se passer de son infanterie régulière, car il n'avait plus besoin (l'exiger ce qu'il obtenait spontanément de l'empressement des populations. Il le savait, et il osa, après sa défaite, plus qu'il ne s'était permis après ses succès. Pauvre et sans ressources, il refusa avec dédain les riches présents que lui envoyait Achmed, bey de Constantine. Sa fierté préférait un ennemi de plus à un protecteur, et surtout à un protecteur turc. Il déporta loin de leur territoire des tribus entières dont il soupçonnait la fidélité ; il lit tomber la tête des chefs suspects de découragement. Partout les Arabes obéirent à un prince dont la confiance en lui-même et dans le triomphe final de sa cause semblait s'accroître encore dans l'adversité.

Les Arabes s'étaient exagéré leurs avantages ; ils furent incrédules à leurs revers. Si c'est une faiblesse dans un chef de ne croire que ce qu'il désire, c'est une force dans un peuple ; car c'est encore de la foi, ce principe indispensable de toutes les grandes œuvres. Cette vertu des musulmans les soutint dans le malheur ; partout ils doutèrent de la défaite de leur émir, et, dans la ville d'Alger même, il fallut leur montrer les prisonniers pour convaincre leur honorable incrédulité.

L'armée arabe était dissoute, mais le peuple demeurait entier dans ce qui faisait sa force, dans son union, son moral, son insaisissabilité.

Il eût fallu le conquérir ; le général Bugeaud n'en avait ni le moyen, ni la volonté, ni l'ordre. N'ayant plus aucun plan à exécuter, il essaya de rendre moins lourde la chaîne qui attachait la division d'Oran à la garnison de Tlemcen, en grossissant les approvisionnements du Méchouar de grains moissonnés dans les environs ; mais ses troupes consommaient plus qu'elles ne pouvaient récolter sans outils, et il rentra à Oran le 19 juillet, eu parcourant la province, faisant du dégât, affaiblissant les Arabes, mais sans soumettre les tribus, qui attendaient le moment où les Français s'arrêteraient après la victoire.

Le général Bugeaud s'était glorieusement acquitté de la mission qu'il avait reçue de débloquer la Tafna, de ravitailler Tlemcen pour trois mois et de battre Abd-el-Kader ; il avait même trouvé le moyen, en prenant pour base de ses combinaisons l'amour-propre, la cupidité et l'ambition de son ennemi, aussi bien que l'art et la science militaires, d'amener le moderne Jugurtha à une bataille rangée.

ll remit au général Létang le commandement d'une division bien aguerrie et bien instruite, et retourna, rappelé par le télégraphe, en France, où les événements de la frontière d'Espagne avaient hâté son retour.

Cette fois encore, la France, distraite et inattentive, laissa échapper, dans son insouciante imprévoyance, la dernière occasion peut-être de terrasser le pygmée qu'elle avait fait géant ; il eût fallu, immédiatement après la Sickack, disputer à Abd-el-Kader, en s'établissant dans l'intérieur, le sol où, comme ce personnage mythologique, il puisait de nouvelles forces à chaque chute ; tandis que les ordres les plus formels et les plus précis défendaient aux généraux d'étendre l'occupation.

On leur ordonnait l'impossible en leur prescrivant de tenir la campagne pour y vaincre un ennemi qu'on leur interdisait d'aller chercher là où seulement on pouvait combattre son influence.

A Oran, le général Létang n'usa point ses troupes dans une activité nécessairement stérile. Il se borna, pendant le mois d'août, à donner de l'air à ses garnisons, en rejetant au loin, par une pointe vigoureuse, les tribus qui s'étaient rapprochées. Cette excursion, bien conduite, réussit malgré la chaleur qui asphyxia plusieurs hommes, et la division ne sortit de nouveau qu'au mois d'octobre, lorsque l'ardeur du soleil n'était déjà plus à craindre.

Une colonne de sept mille hommes parcourut pendant quinze jours tout le pays compris entre Oran, l'Atlas, le Chélif et la mer. Le général Létang avait repris des voitures pour emporter plus de vivres ; il ne put parvenir à joindre l'émir, qui se montrait comme un fantôme, toujours présent et toujours insaisissable. Sachant se faire suivre sans se laisser atteindre, et habile à ne plus se prêter à des combats que son adversaire avait besoin de livrer, Abd-el-Kader sut ainsi lui opposer le système de résistance le plus dangereux, celui contre lequel les armes françaises devaient plus d'une fois s'émousser.

A Alger, l'été et l'automne ne furent pas seulement perdus, ils furent mal employés. Les fluctuations politiques, déplaçant si souvent le pouvoir à Paris, se traduisaient en Afrique par autant de fautes, aggravées encore par leur contradiction, et dont les résultats étaient renvoyés à la France, comme réfléchis par un miroir grossissant.

La victoire était restée, dans les Chambres, aux défenseurs de l'Algérie. Le maréchal Clauzel, prompt à s'exagérer les conséquences de ce succès de tribune, rêva de nouveau la conquête immédiate et générale de toute la régence, et il donna, aussitôt après l'issue de la campagne parlementaire, l'ordre à la division d'Alger de préparer des bases d'opération pour porter la guerre au delà de l'Atlas.

Le maréchal ne doutait pas que ceux qui avaient voulu conserver l'Algérie ne voulussent aussi, par cela même, le seul moyen d'assurer cette conservation. Cependant, le vote des Chambres n'avait été qu'une négation de l'abandon d'Alger. Il n'était ni l'expression d'un plan quelconque, ni la résolution d'accroître les ressources de l'armée.

Les ordres du maréchal, fondés sur des espérances, avaient devancé même les promesses ; ils étaient vagues et indéfinis, mais leur exécution dut être mesurée aux ressources existantes et fit rentrer forcément dans la réalité, que les illusions avaient fait perdre de vue.

Au lieu d'un réseau de fortes colonnes portées loin dans l'intérieur et embrassant chacune beaucoup de terrain, ce qui eût été la seule manière de conquérir et de soumettre le pays, la sphère d'action des troupes, déjà trop disséminées, fut encore rétrécie par un nouvel éparpillement, à la porte même de nos établissements.

Toutes les forces actives de la division d'Alger, sous les ordres du général de Brossard[3], travaillèrent, pendant les mois d'août, de septembre et d'octobre, par une fâcheuse succession de chaleurs et de pluies, et au milieu des attaques constantes des Arabes, à semer des camps retranchés et des blockhaus isolés sur un arc de cercle qui passait à peine à deux lieues en avant des anciennes lignes de défense, à Sidi-Kelifa, Oued-el-Alleg, la Chiffa et Ouled-Yaich.

Le maréchal, dès son retour dans la colonie, arrêta ce démembrement de l'armée, qui s'immobilisait dans des postes parasites, où il eût bientôt fallu élever casernes, hôpitaux, magasins, écuries, etc., de manière que chacun d'eux pût se suffire h lui-même. Il fit évacuer les nouveaux camps dans lesquels s'était égrenée la colonne du général de Brossard. Les nouvelles courses des Hadjoutes avaient d'ailleurs suffisamment démontré que ces camps n'étaient funestes qu'à ceux qui les avaient construits. Ce n'était ni une base d'opérations, ni même une ligne de défense contre les maraudeurs ; pas plus que des pieux plantés dans un lac n'empêchent le poisson de passer.

Il ne resta donc de trois mois de travaux pénibles que des caravansérails éventuels pour nos colonnes, beaucoup de malades et un pas de plus fait en arrière. C'était là le plus dangereux mécompte de cette entreprise ; aussi le maréchal chercha-t-il masquer cette retraite tardive par un mouvement en avant sur les Hadjoutes. Deux faibles colonnes, commandées par les lieutenants-colonels Marey et de Lamoricière, soutenues par la réserve du général de Brossard, pénétrèrent au cœur du petit territoire d'où ces habiles partisans, comme les Séminoles de l'Amérique, arrêtaient la marche de la civilisation européenne et bravaient une armée tout entière.

Le colonel Marey eut plusieurs engagements de cavalerie assez vifs, dans l'un desquels les spahis se seraient trouvés compromis sans le secours d'un escadron conduit avec vigueur et à-propos par le lieutenant de Drée[4].

Cette expédition, par cela même qu'elle n'avait pas détruit les Hadjoutes, devait les fortifier. Ils renaissaient, comme le phénix, de leurs cendres. Il était littéralement vrai que plus on en tuait, plus leur nombre s'augmentait ; car les pertes de la guerre étaient, et au delà, compensées par les émigrés de toutes les tribus accourant b. la curée des chrétiens.

Des pluies précoces, survenues aussitôt après cette course, annoncèrent aux troupes fatiguées et malades l'approche de l'hiver, qui allait prématurément terminer la campagne, sans que l'ennemi, ni à Alger, ni à Oran, fût complètement vaincu.

Après une alternative de victoires souvent stériles et de fautes toujours trop fécondes, la guerre languissait en octobre 1836. Il fallait un nouvel effort de la France pour mettre fin à une situation qui ne profitait qu'au génie organisateur d'Abdel-Kader. Le maréchal proposa au gouvernement d'occuper sur-le-champ toutes les villes importantes, d'établir des postes sur les communications de ces villes jusqu'à la mer, et de construire dans chaque province un camp central, comme dépôt et point de départ des colonnes mobiles chargées de parcourir et de dompter le pays.

Il ne demandait que trente cinq mille combattants pour exécuter en un an ce plan dont la pensée était juste, comme celle de toutes les conceptions de ce général remarquable, mais qui manquait de proportion entre le but et les moyens, le maréchal cherchant à les prendre au rabais, dans l'espoir de conquérir plus de suffrages par l'attrait du bon marché. Il n'obtint ni renforts, ni même une décision sur son projet.

Un nouveau ministère venait de se constituer ; de mauvais rapports et une méfiance réciproque avaient remplacé cette harmonie intime, ce concours actif et mutuel, premières et indispensables garanties du succès.

Le maréchal, protégé seulement par sa renommée, sentait déjà s'affaisser sous lui le piédestal sur lequel ses faits d'armes antérieurs l'avaient élevé : jamais il n'avait eu plus besoin de vaincre. Tout lui était refusé, même une destitution ; il se décida à tout demander aux hasards d'une entreprise éclatante par l'excès de sa témérité.

Il se lança dans l'aventureuse expédition de Constantine, séduit par la grandeur du revers ou du triomphe, et résolu h provoquer sous cette forme le jugement de Dieu, qui devait brusquer sa chute ou accroître sa gloire.

Malheureusement pour la France, pour l'armée

t pour lui, le maréchal Clauzel s'était condamné d'avance ; car il avait déjà toutes les chances contre lui lorsqu'il risqua ce coup désespéré, avec l'illusion d'un joueur poussé h bout : c'est ce que prouvera trop clairement le récit des circonstances qui ont précédé et marqué ce lugubre épisode de l'histoire de l'armée d'Afrique.

 

 

 



[1] En voici le détail :

INFANTERIE, 5.000 NOMMES.

1er bataillon d'Afrique ;

17e léger ;

23e de ligne ;

24e léger :

47e, un bataillon seulement ;

CAVALERIE.

Douairs et Smélas : 600 chevaux.

2e régiment chasseurs d'Afrique : 600 chevaux.

Total : 1.200 chevaux.

ARTILLERIE.

Doux obusiers de montagne ;

Un chevalet à fusée.

GÉNIE.

Quarante sapeurs.

[2] Maréchal de logis JUGNEAULT. — Aux chasseurs d'Afrique en 1836.

[3] Général marquis DE BROSSARD (Amédée-Hippolyte). — Maréchal de camp le 2 février 1834. — Mort le 22 janvier 1867.

[4] Lieutenant DE DRÉE. — Colonel du 3e cuirassiers en 1854. — Général de brigade en 1859. — Mort en 1860.