CAMPAGNES DE L'ARMÉE D'AFRIQUE

1835-1840

 

MASCARA. — DÉCEMBRE 1835

 

 

La tâche du nouveau général en chef était difficile.

En arrivant à Alger, au mois d'août 1835, le maréchal Clauzel trouve partout l'armée française sur la défensive.

La division d'Oran était bloquée dans les places de la côte. — La division d'Alger, inquiétée dans ses lignes par les Hadjoutes, se voyait menacée par la forte organisation que l'émir venait de donner aux populations jusque-là passives de Tittery. — A Bougie, une guerre furieuse ensanglantait de plus en plus cette étroite arène de gladiateurs. — La division de Bône demeurait stationnaire, observée par Achmed, bey de Constantine, dont l'hostilité se fût rallumée au moindre mouvement.

Toutes les forces de l'Algérie pesaient sur nous concentrées dans les mains d'Achmed et d'Abdel-Kader. Le bey de Constantine s'appuyait sur Tunis et était soutenu par la Turquie. Le prince des croyants avait derrière lui toute la race arabe, et disposait des ressources de l'empire de Maroc, dont les populations ferventes ne se bornaient pas à prier pour lui.

Cette situation, en se prolongeant, eût conduit à la perte de l'Afrique.

Le maréchal résolut d'y mettre promptement un terme, en reprenant partout une vigoureuse offensive. Mais, comme Achmed n'était encore qu'une menace, tandis qu'Abd-el-Kader était déjà plus qu'un danger, les premiers coups durent être dirigés contre ce dernier.

Le général français voulait surtout attaquer dans sa base la puissance de l'émir, en portant le principal effort de la guerre dans la province d'Oran ; car, si les racines de l'arbre étaient une fois coupées, le tronc et les branches périraient bientôt.

Le but des opérations, dans l'Ouest, fut donc d'enlever à l'ennemi le prestige de la victoire sur le sol même où il l'avait conquis ; de détruire dans Mascara, berceau et capitale du nouveau sultan, les moyens de gouvernement, de guerre et d'organisation qu'il y avait créés ; et, après l'avoir privé de ce qui avait établi et maintenu son autorité, de lui opposer, en profitant de la position de Tlemcen, un centre de résistance autour duquel pussent se rallier les défectionnaires de la coalition arabe dont l'émir était le chef.

Le maréchal voulait ainsi atteindre au cœur la puissance d'Abd-el-Kader et lui enlever ses plus récentes conquêtes, chasser le bey de Miliana de la province d'Alger et arracher à. l'ennemi la province de Tittery, en y faisant reconnaître des chefs dévoués à la France.

Enfin, le système général des opérations offensives destinées à assurer la soumission de toute l'Algérie devait se trouver complété par la conquête de Constantine, faite par les troupes de la division de Bône.

Pour être entièrement efficace, ce plan, parfaitement conçu, aurait dû être exécuté simultanément dans toutes ses parties ; mais les moyens dont le maréchal Clauzel pouvait disposer, calculés d'après les illusions d'une paix trompeuse et non pour les exigences d'une guerre générale, étaient hors de toute proportion avec le développement d'une telle entreprise.

Au moment où le nouveau caractère de la lutte réclamait plus de troupes, surtout de troupes aguerries, l'armée venait de perdre cinq mille cinq cents hommes acclimatés et commandés par de bons officiers.

La légion étrangère avait été récemment cédée par le gouvernement français à celui de la reine d'Espagne. On avait dit à la légion qu'elle allait se battre, et, sans demander pour qui et contre qui, ni où elle combattrait, cette troupe qui, par sa Composition, ses qualités et ses défauts, rappelait les grandes compagnies du moyen âge, alla s'engouffrer dans l'ingrate Espagne, qui la dévora tout entière, et ne rejeta à la France, trop oublieuse aussi d'un si noble dévouement, que des débris mutilés et des services inconnus.

L'armée d'Afrique, des rangs de laquelle était sorti ce brillant essaim, a le droit de revendiquer la gloire achetée si cher par ces soldats accourus de tous les coins du monde, parlant toutes les langues, auxquels elle avait donné une nouvelle et unique patrie, le drapeau français, et appris une langue commune, la langue de l'honneur militaire.

Mais il ne faut pas anticiper sur l'ordre chronologique des événements. Le récit des douleurs et de la gloire de cette troupe trouvera sa place, lorsqu'à la dernière scène de ce grand drame, nous verrons ressusciter, sur le rivage africain, les restes de cette phalange héroïque si digne d'un meilleur sort[1] !

Déjà affaiblie par le départ de la légion, l'armée était en outre décimée par le choléra-morbus.

Ce terrible voyageur, en faisant le tour du monde, s'était arrêté sur la côte d'Afrique, où il semblait 'pourtant ne plus y avoir de place pour de nouveaux fléaux.

Il atteignit à. la fois les deux races qui se combattaient, et fit ressortir la diversité de leur caractère et de leur religion.

Résignés b. subir un châtiment divin, les musulmans se soumirent sans résistance à un malheur qui les trouva impassibles. Les chrétiens, au contraire, luttèrent contre le mal avec ce courage actif, cette charité intrépide, que le musulman ignore et qui lui• paraîtrait un blasphème.

Ce danger d'espèce nouvelle ne fit que réveiller le besoin de se dévouer, ce noble attribut de la nation française, ce cachet de sa mission, cette passion sublime que, depuis tant de siècles, elle satisfait sous toutes les formes. Nulle part le choléra, ce fléau qui prit la mesure des courages de toutes les nations, ne fut affronté avec plus d'énergie que là, où il y avait déjà tant d'autres manières de mourir !

Chefs et soldats, tous firent plus que leur devoir ; mais les officiers de santé surtout furent admirables. La sixième partie d'entre eux périt victime de son zèle. Leurs efforts, secondés par le bon moral des malades, réduisirent le nombre des morts à deux mille trois cent trente-cinq ; mais quatre mille cinq cents hommes étaient indisponibles, atteints, sinon du choléra, du moins de maladies qu'avait aggravées sa malfaisante et inexplicable influence.

Sur vingt-cinq mille cinq cents hommes dont se composait l'armée d'Afrique, il n'en restait ainsi que vingt et un mille disponibles.

C'était trop pour rester enfermé dans nos possessions, pas assez pour en sortir et agir dans les trois provinces à la fois, et même trop peu pour opérer dans une seule, en y réunissant tout ce que n'absorberait pas la garde de nos établissements.

On manquait donc de troupes, et ce dont on pouvait disposer, non-seulement était insuffisant, mais n'était point réparti entre les différentes armes selon les besoins d'une guerre toute spéciale. La proportion des armes entre elles avait été réglée suivant les principes classiques adoptés pour la guerre d'Europe, où l'on se sert beaucoup du canon, où l'on trouve partout des routes, des subsistances, des lieux de dépôt pour les blessés ; aussi l'artillerie avait-elle de tout en abondance, excepté de ce qui était le plus nécessaire, des batteries de montagne : le génie et le train étaient plus qu'insuffisants dans un pays où l'on ne rencontre ni chemins ni ponts, et où il faut tout apporter et remporter avec soi.

Les chevaux de l'artillerie et ceux des équipages étaient vieux et usés, surtout ces derniers, par un service journalier excessif ; les transports ne se faisaient que par les prolonges à quatre roues.

La cavalerie française, bonne, bien montée et très-redoutée des Arabes, était bien au-dessous des besoins mêmes de la défensive.

L'évidence de cette situation était si frappante, que le ministre de la guerre se décida à augmenter l'armée d'Afrique de quatre régiments d'infanterie, de quatre compagnies du génie, de quelques moyens de transports, et à faire acheter des chevaux pour la cavalerie et des mulets pour des batteries de montagne.

Mais, avant même l'arrivée de ces renforts si nécessaires, le ministre en paralysait l'effet en déclarant qu'ils n'étaient que temporaires, et que, dans peu de temps, l'armée serait réduite de nouveau. Pressé également par les deux opinions qui voulaient, l'une conquérir, l'autre abandonner l'Afrique, le maréchal Maison essayait de les satisfaire en annonçant à la fois l'envoi et le rappel des troupes. Il prêtait à l'Algérie ce qu'il n'osait ni lui donner ni lui refuser.

Cette mesure ne pouvait avoir pour résultat que de nouveaux sacrifices plus lourds et moins efficaces, après avoir mis l'armée dans l'impossibilité d'entreprendre successivement des opérations qu'on ne pouvait déjà plus exécuter simultanément.

Mais le maréchal Clauzel était homme de ressource et d'énergie ; nul n'était plus capable que lui, avec peu, de faire beaucoup.

Ces nouvelles difficultés ne le rebutèrent pas. Il se décida à diviser son armée en deux parties, l'une sédentaire, affectée à la garde de nos possessions et à quelques excursions dans un rayon assez court, et l'autre mobile, qu'il transporterait successivement dans les trois provinces, pour opérer par les trois bases d'opérations, en commençant par Oran et Alger, et finissant par Bône, si alors il en avait encore les moyens.

Son arrivée seule avait déjà valu des renforts : il était craint des Arabes, qui savent bien juger les hommes de guerre, et aimé des troupes, qui avaient en lui une juste confiance, et qui saluèrent avec joie le retour d'un chef plein de vigueur venant en Afrique pour les faire marcher en avant.

Le maréchal, ne voulant cependant point passer trop brusquement d'une attitude prudente à des mouvements agressifs, préluda, par quelques coups de main dans la province d'Alger, aux opérations de la campagne contre l'émir. Ces entreprises retrempaient le moral et relevaient l'ardeur des soldats, heureux de se sentir commandés ; elles atténuaient aussi les fâcheuses conséquences des retards apportés à l'envoi des renforts, retards qui pouvaient devenir funestes, en ajournant la campagne jusqu'à la mauvaise saison.

Les Hadjoutes continuaient leurs courses avec plus d'audace que jamais. Cette espèce de colonie militaire, refuge des aventuriers de toutes les tribus, vrais flibustiers à cheval, ne laissait aucun repos à nos avant-postes. Leur habileté à faire la guerre de partisans et leur adresse individuelle comme voleurs tenaient à la fois du cosaque, du guérillero et du sauvage.

Aucun obstacle ne les arrêtait ; ils faisaient trente lieues dans une nuit, et paraissaient toujours là où on les attendait le moins. Cette bande, à laquelle Abd-el-Kader avait donné pour chef un caïd intrépide, El-Hadji-Ould-Beba, le plus hardi cavalier et le plus effronté voleur du pays, pouvait mettre à cheval mille à douze cents hommes de la meilleure et de la plus rapide cavalerie de l'Afrique.

Elle formait l'avant-garde de Hadji-el-Sghir, bey nommé à Miliana par l'émir, et qui, à la tête de trois à quatre mille hommes, conquérait en détail la province d'Alger, en écrasant successivement, comme Abd-el-Kader l'avait fait, toutes les tribus hésitantes, sous le poids d'une force supérieure à chacune d'elles.

Pendant les mois de septembre et d'octobre, le maréchal donna une nouvelle activité aux poursuites dirigées contre ces ennemis, insaisissables parce qu'ils n'avaient rien à garder ni à défendre.

Le camp de Boufarick fut le centre d'où rayonnèrent les colonnes mobiles qui, jour et nuit, cherchaient à rendre surprise pour surprise à un ennemi auquel sa constitution légère donnait souvent un avantage marqué. Ces courses, fort difficiles et souvent très-pénibles, étaient habituellement dirigées par le colonel Marey[2], commandant les spahis réguliers. Une seule donna lieu à un engagement assez vif. Le général Rapatel[3] était parti avec dix-huit cents hommes pour protéger le bey que l'on voulait opposer, à Médéah, au bey d'Abd-el-Kader. Celte colonne, trop faible pour passer l'Atlas ou pour déterminer une démonstration des populations, souvent victimes de leur confiance dans les Français, fut vivement attaquée par les Kabyles sur les premières pentes de Mouzaïa. Les zouaves et les chasseurs. à cheval combattirent corps à corps, et le commandant de Lamoricière, ne manquant jamais une occasion de se signaler, sauva du milieu des Kabyles le sous-lieutenant Bro[4], fils du général, qui, blessé très-grièvement, se défendait encore sous son cheval tué.

Cette affaire fut suivie d'une tentative du bey de Miliana pour éloigner la guerre de la province d'Oran, en la portant au centre de la plaine d'Alger. Il s'avança jusqu'à Boufarick, dont il attaqua les avant-postes le 16 octobre.

Le maréchal marcha en personne contre lui, le 17, avec cinq mille hommes sous les ordres des généraux Rapatel et Bro[5].

Ces cinq mille hommes se composaient des zouaves, du 3e bataillon d'Afrique, du 10e léger, du 63e de ligne, des spahis réguliers, du 1er chasseurs à cheval.

Le bey voulut disputer le passage à la Chiffa ; il fut vivement poussé jusqu'à l'entrée des gorges de l'Ouedjer, où il prit position sur les premiers mamelons, pour donner à ses bagages le temps de s'éloigner.

Mais les crêtes furent emportées par les zouaves. Les cavaliers arabes, chargés par les chasseurs et la milice à cheval d'Alger, furent rejetés en désordre dans le défilé, où le lieutenant général Rapatel, heureux que la présence du maréchal, qui commandait en chef, lui permît de reprendre son ancien métier de capitaine de voltigeurs, s'élança au milieu des Arabes avec son état-major, et tua un chef de sa main.

Cette déroute, après laquelle le pays des Hadjoutes fut ravagé sans résistance, ralentit, dans la province d'Alger, les entreprises de l'ennemi, qui se disposait, dans l'Ouest, à soutenir les attaques que les préparatifs des Français annonçaient devoir être prochaines.

Dès l'arrivée des premiers renforts, le maréchal avait fait retrancher et occuper d'une manière permanente la position du Figuier, où il comptait rassembler une partie de ses moyens ; et, se servant habilement des diversions, si puissantes sur des populations inquiètes et méfiantes, il avait envoyé le chef d'escadron Sol[6] s'établir, avec cent cinquante hommes du bataillon d'Afrique, dans l'île de Rachgoun, en face de l'embouchure de la Tafna. Cette démonstration, faite à propos, inquiéta le Maroc, retint chez eux tous les Kabyles de la côte, et dégagea pour quelque temps le Méchouar de Tlemcen, toujours bloqué par le lieutenant de l'émir Ben-Nouna.

Mais ce service rendu à l'armée coûta de grandes souffrances à la garnison de Rachgoun : sans autre abri que quelques mauvaises tentes qui avaient fait la campagne de 1792, et qui ne garantissaient ni du soleil ni de la pluie ; sans hôpital, sans médicaments, sans paille, sans bois ; privés de la distraction du combat, ayant à peine assez de place pour marcher sur l'étroite crête de cet îlot volcanique, d'où la pensée se reportait involontairement au radeau de la Méduse, les soldats du bataillon d'Afrique eurent bientôt consommé les serpents et les crapauds, seuls êtres animés qu'on rencontrât sur ce rocher pelé, dépourvu d'eau et de végétation. Réduits alors à un peu de viande salée et à ce que leur apportait d'eau le bâtiment qui venait de temps en temps d'Oran pour leur rappeler que leur dévouement ne resterait pas à jamais enseveli sur ce rocher inconnu, ces hommes de fer construisirent, presque sans matériaux, des bâtiments auxquels la garnison dut plus tard le soulagement d'une partie de ses souffrances, et retrouvèrent dans ces travaux la gaieté spirituelle, cette compagne habituelle du soldat français dans toutes ses misères.

Ce ne fut que vers la fin de novembre que les troupes, le matériel et les approvisionnements destinés à l'expédition de Mascara furent réunis à Oran. La saison était déjà bien avancée, mais le maréchal, confiant en lui-même, en ses troupes et peut-être aussi en son bonheur', sur lequel il compta trop souvent, ne traita le climat que comme un ennemi de plus qu'il saurait vaincre avec les autres ; et, méprisant le conseil des alarmistes, qui lui représentaient les premières pluies déjà tombées comme un avertissement salutaire, il réunit, le 28 novembre, sur le Tlélat, un corps d'armée fort d'environ dix mille hommes[7], comprenant onze bataillons, trois cent quatre-vingts, chevaux français, six canons, douze obusiers de montagne et trois compagnies du génie.

Cette armée, dans les rangs de laquelle marchait le duc d'Orléans, était bien constituée pour vaincre.

Les chefs qui, sous les ordres d'un grand capitaine, commandaient les brigades et les armes spéciales, étaient des officiers de choix.

Deux d'entre eux, le général Oudinot[8] et le colonel Combes[9], paraissaient pour la première fois en Algérie, où le général Oudinot avait voulu apporter à l'armée qui allait venger son frère le tribut de talents militaires de premier ordre.

Le colonel Combes, rentré, à la révolution de 1830, sous le drapeau qu'il avait porté le dernier sur le champ de bataille de Waterloo, arrivait, précédé par le bruit du hardi coup de main d'Ancône, sur ce théâtre où son caractère vraiment antique, ses exploits et sa mort glorieuse devaient l'immortaliser.

Les corps venus de France avaient été mêlée, dans toutes les brigades, avec des troupes déjà aguerries ; mais les nouveaux régiments n'avaient guère besoin de cet enseignement mutuel ; ils sortaient de la division Castellane, excellente école à laquelle ils ont fait honneur depuis ; car ces nouveaux venus étaient le 2e et le 17e léger, le 11e et le 47e de ligne, dont les numéros sont inséparables du souvenir des plus beaux faits d'armes accomplis en Afrique.

Le maréchal avait espéré suppléer, par l'adjonction d'une nombreuse cavalerie indigène, au petit nombre de la cavalerie française, qui comptait à peine trois cent soixante chevaux. Six cents Arabes à cheval et trois cents Turcs à pied formaient un corps auxiliaire, sous les ordres d'Ibrahim-Bey ; mais ce vieux gendarme bosniaque, stupide et médiocrement brave, était incapable de tirer parti de soldats qui ne valent que ce que valent leurs chefs. Avec lui, cette troupe, loin d'être une ressource, fut parfois un embarras.

Pour la première fois en Algérie, les chameaux furent employés aux transports de l'armée. On en avait loué sept cent soixante-quatorze aux Arabes alliés, dont on fut obligé de se servir pour conduire ces animaux que les Européens ne savent point faire obéir.

L'organisation de ce convoi fut nécessairement défectueuse, la surveillance presque nulle, le chargement irrégulier. Plus tard, on s'en aperçut : les chameaux ne marchaient bien que par le beau temps ; il était impossible de les employer au service de l'ambulance ; et souvent cette masse énorme d'animaux faciles à effrayer, difficiles à conduire, pouvait devenir un principe de désordre. Néanmoins, si l'esprit inventif du maréchal Clauzel n'avait pas su trouver cet expédient, malgré la ferme volonté de ne reculer devant aucun obstacle, la campagne avortait, faute de moyens réguliers de transporter des vivres ; car les vivres n'eussent été assurés que pour six jours sur les voitures de l'administration.

Cette combinaison faillit encore manquer au dernier moment : la nuit qui précéda le départ d'Oran, tous les chameliers s'enfuirent avec leurs chameaux, et l'armée eût été condamnée à l'inaction, si le capitaine de Rancé[10], officier actif et intelligent, n'eût réussi, par une battue de nuit, avec quelques escadrons, à restituer à l'armée cette ressource indispensable.

Le maréchal comptait, en effet, au moyen du convoi de chameaux, rendre l'armée indépendante du parc des voitures toujours si lourdes et si lentes, et en même temps les voitures indépendantes des mouvements de l'armée, au moyen d'une réserve spéciale suffisante pour les défendre pendant quelque temps sans autre secours.

Dans l'ordre de marche, cette réserve dut entourer tous les impedimenta et les faire avancer serrés et au centre du carré que formait l'armée ; la première brigade, composée de troupes légères, allait devant ; la quatrième était derrière ; la deuxième à droite, la troisième à gauche du convoi. Toute la cavalerie était réunie derrière l'avant-garde ; l'infanterie marchait en colonne par pelotons à demi-distance, et chaque face du carré avait son commandant spécial.

Ce fut dans cet ordre, vraiment classique pour l'Afrique, que l'armée, pouvant faire face de tous côtés sur-le-champ, en disposant de tous ses moyens, en profitant de tous les avantages de la tactique européenne, franchit, le 29 novembre, après une insignifiante escarmouche, le passage de Muleï-Ismail.

Le corps expéditionnaire s'arrêta sur le Sig, et campa, à cheval sur les deux rives, à une lieue en deçà de la gorge où la route directe de Mascara pénètre dans l'Atlas, dont l'accès est fort difficile sur ce point. Le maréchal ne voulut pas s'y engager sans avoir essayé ses jeunes troupes contre un ennemi enhardi par de récents succès, et sans se réserver, à tout événement, un lieu de sûreté pour ses blessés et ses gros bagages, s'il ne pouvait les conduire jusqu'à Mascara.

En séjournant dans la plaine, il forçait l'armée arabe, munie de vivres pour quelques jours seulement, à se dissiper, au moins en partie, sans combattre, ou à livrer en rase campagne, avant que les Français abordassent la montagne, le combat qu'Abd-el-Kader, dans ses proclamations et ses prédications du haut de la chaire de Mascara, promettait au fanatisme impatient de ses soldats.

La riche plaine de Ceirat pouvait, d'ailleurs, fournir pendant longtemps à tous les besoins de l'armée française, avec une abondance dont une administration prévoyante n'eût pas laissé abuser. Le maréchal, favorisé par le beau temps, se décida donc à construire, sur la rive gauche du Sig, un ouvrage retranché de six cents mètres de développement, avec lunette sur la rive droite, et pouvant contenir mille hommes et le parc entier des voitures.

Depuis plusieurs jours, Abd-el-Kader, pour qui le mouvement des Français était dessiné, avait fait occuper par El-Mezari, son aga, à l'entrée des gorges du Sig, une position d'où il surveillait les diverses routes dont ce point est le nœud.

C'était une bonne occasion pour le maréchal de reconnaître les forces de l'ennemi, de juger de ses dispositions et d'habituer au combat des troupes qui n'avaient pas encore vu le feu.

Le 1er décembre, à midi, trois compagnies et demie de zouaves, les 2e et 17e légers et le bataillon d'Afrique, les chasseurs à cheval, les auxiliaires et la batterie de campagne, en tout deux mille cinq cents hommes, prennent les armes, sans bruit. L'infanterie laisse ses sacs et l'artillerie ses caissons. Une trombe de sable, qui avait suspendu le tiraillement des avant-postes, masque aux Arabes le mouvement de cette colonne légère, commandée par le général Oudinot. Une lieue est faite au pas de course ; le camp ennemi est enlevé par les zouaves et les voltigeurs, et les Arabes emportent en désordre leurs tentes et leurs bagages, dont une partie est prise.

Mais, dès qu'ils les ont mis en sûreté, ils se reforment au nombre de quatre mille. Ils reprennent l'offensive en essayant de tourner l'aile droite des Français, qui, ayant atteint leur but, commencent leur mouvement de retraite. Le 1er chasseurs à cheval fait un changement de fret à droite au galop, et aborde résolument un ennemi qu'il étonne de son petit nombre ; mais bientôt la position de cette troupe, qui avait chargé déployée sur un seul rang afin de présenter plus de front, devient difficile : les blessés sont compromis ; un brave officier, M. d'Arnaud, reçoit une mort glorieuse en contribuant à les sauver, lorsque enfin l'infanterie, soutenue par deux pièces de campagne, dont le feu à mitraille arrête à peine les Arabes, dégage la cavalerie.

Pendant cette action, Abd-el-Kader était accouru de son camp, et, avec cet instinct qui fait juger à l'homme de guerre le point où sa présence peut être décisive, il se dirige, à la tête de deux mille cinq cents chevaux, sur le flanc gauche des Français, qu'il prend à revers. Il chasse devant lui les auxiliaires d'Ibrahim ; mais le maréchal en personne, avec deux pièces de campagne et deux bataillons, arrête le mouvement offensif des Arabes, et donne de l'air à ses troupes, vivement pressées de toutes parts.

La retraite se continue ensuite en échelons par bataillon et s'exécute avec un aplomb et un sang-froid remarquables. Bientôt l'arrivée de trois bataillons des 47e et 66e, amenés par le colonel Combes au-devant de la colonne française, met fin au combat. C'était M. Thomas[11], lieutenant d'état-major, qui avait entrepris avec courage et accompli avec bonheur la périlleuse mission d'aller chercher ces renforts.

La reconnaissance du Sig, qui avait coûté aux Français une cinquantaine d'hommes tués ou blessés, ne pouvait vider la querelle ; c'était le salut des armes avant le duel. De part et d'autre, on s'était trouvé brave, confiant et résolu ; de part et d'autre, ou désira plus vivement une action sérieuse.

Les Arabes, pour qui revenir sur ses pas, c'est être vaincu, puisaient dans ce combat de nouvelles espérances.

Le général français a besoin de briser le rassemblement ennemi, avant d'entreprendre deux passages de rivières, sans ponts, et peut-être même un siège de Mascara, sans grosse artillerie, avec la Macta pour préface et la saison pour ennemi.

Il lui faut un combat, car il sait que l'effet moral d'une défaite amènera parmi les musulmans un découragement proportionné à leur confiance actuelle ; mais il lui en faut un seul ; un trop grand nombre de blessés, qu'il faudrait reporter dans nos lignes par un mouvement rétrograde, détruirait l'impression de la victoire. La première rencontre doit donc être décisive ; et les Arabes, pour être vaincus sans appel, doivent l'être tous à la fois et avec tous leurs moyens.

Le maréchal laisse dans ce but à l'émir la journée du 2, afin que toutes les forces arabes aient le temps de se réunir, et il se détermine à continuer sa marche dans la plaine, en se tenant rapproché du pied des montagnes.

Le 2 au soir, le camp retranché était terminé ; le soldat avait apporté au travail la même ardeur qu'au combat. Mais l'occupation de ce poste, inutile du moment que l'armée, cherchant ailleurs le passage des montagnes, devait emmener plus loin ses bagages, eût été dangereuse en présence d'un ennemi nombreux et acharné ; elle eût détruit le plan du maréchal, en attirant sur ce point toutes les attaques des Arabes, toujours prompts à concentrer leurs efforts contre les positions les plus faibles. Ce fut un jalon laissé pour l'avenir. Les Arabes reconnaissent au temps seul le droit de détruire, et ne brisent que ce dont ils savent se servir, et l'on était certain qu'ils ne prendraient pas la peine d'effacer un travail, utile peut-être pour des opérations subséquentes.

Le 3 au matin, l'armée quitte le camp du Sig, marchant dans l'ordre qu'elle avait en y arrivant, et se dirige à travers la plaine vers l'Habra, en laissant à un peu moins d'une demi-lieue sur la droite les premières pentes de l'Atlas.

Abd-el-Kader a établi son camp à un endroit appelé Ghorouf, situé entre les deux principales routes de Mascara à Oran. Un parti de deux mille chevaux s'engage d'abord sur son ordre, envoie des tirailleurs pour harceler l'arrière-garde française, et la charge bientôt à la sortie d'un bois de tamarins qui avait ralenti sa marche. Le 47e, renforcé du bataillon du 66e, s'arrête et repousse avec calme le hourra des Arabes ; mais, la tête de la colonne ayant continué à marcher, un intervalle s'est ouvert entre le convoi et l'arrière-garde. L'émir, à qui rien n'échappe, s'ébranle aussitôt avec dix mille cavaliers déployés par goums sur plusieurs lignes, faisant retentir l'air de leurs cris glapissants. Au milieu des étendards et d'un groupe de chefs étincelants, Abd-el-Kader est reconnaissable à l'extrême simplicité de son costume : il semble vouloir ne dominer que par l'ascendant du génie, et dédaigner la fascination par l'éclat et les pompes extérieures, si puissante et si employée en Orient.

Cette masse imposante, dont la formation et l'aspect rappellent les armées du moyen âge, s'avance au grand trot, précédée de nombreux tirailleurs.

Mais le mouvement des Français est encore plus rapide : un changement de direction à droite par brigade est commandé par le maréchal, qui, ne voulant pas recevoir sur son flanc de pied ferme cette attaque, se porte au-devant de l'ennemi avec les première et deuxième brigades, tandis que les troisième et quatrième couvrent le convoi en arrière et h droite. Cette manœuvre est exécutée avec une précision et une célérité qui eussent été applaudies sur un champ d'exercice : une batterie de dix pièces de montagne et de campagne ouvre son feu au milieu des tirailleurs de la deuxième brigade, devenue tête de colonne. L'effet en est terrible, surtout autour de l'émir ; son secrétaire et un porte-étendard tombent à ses côtés ; mais lui-même, fier d'être le but de tous les coups, se promène au petit pas sur son cheval noir, et défie, dans son fatalisme confiant, l'adresse des canonniers, obligés d'admirer sa bravoure. Ses cavaliers continuent le combat jusqu'à ce que, débordés sur leur droite par la première brigade qui les a tournés, ils se retirent en bon ordre dans la montagne, cédant à l'emploi habile des moyens supérieurs de la tactique européenne.

Le maréchal ne veut point les y suivre. Un nouveau changement de direction à gauche replace l'armée française dans la route qu'elle avait un instant quittée. Elle redescend tranquillement dans la plaine sans paraître s'occuper davantage de l'armée arabe, qui a vainement essayé de l'attirer dans la montagne.

Cette sorte de dédain, auquel les barbares et les parvenus sont toujours sensibles, irrite Abd-el-Kader ; cette apparente indifférence pour le combat excite ses soldats. Il veut forcer les Français à une rencontre, désirée par eux plus encore que par lui, mais dont il reste l'arbitre à cause de la pesanteur de leurs colonnes ; et, profitant de l'avantage de l'initiative que lui assure la légèreté de ses troupes, il se hâte de choisir le champ de bataille où il veut se mesurer avec les chrétiens.

Une lieue avant d'arriver à l'Habra, où l'émir sait que le besoin d'eau conduira les Français, la plaine, découverte et unie comme un lac, se resserre entre l'Atlas, à droite, et un bois très-touffu, à gauche. La forêt et la montagne vont se rapprochant, et le fond de cette espèce d'entonnoir est fermé perpendiculairement par deux ravins parallèles entre eux, unissant lés mamelons escarpés de la droite à la futaie très-resserrée de la gauche. Derrière ces ravins, d'un accès difficile, se trouve un cimetière entouré de haies d'aloès et de petits murs, et rempli de pierres tumulaires et d'accidents de terrain qui se prolongent en arrière jusqu'à l'Habra ; au centre, on voit quatre marabouts blancs, surmontés d'un croissant, dédiés à Sidi-Embarek, et servant, dans ces vastes solitudes, de point de direction et quelquefois d'asile au voyageur.

C'est dans cette position que l'émir attend les Français, qui jouent quitte ou double la même partie qu'à la Macta. L'infanterie régulière s'embusque avec intelligence dans les ravins et dans le cimetière, lieu saint marqué par des prophéties qui promettent un miracle aux musulmans. Le bois est occupé par les fantassins irréguliers, soutenus par quelques pelotons de nizams ; trois petites pièces de canon, qui jusqu'alors n'avaient servi qu'à constater la souveraineté d'Abd-el-Kader, sont pour la première fois mises en batterie contre les chrétiens : du haut d'une colline escarpée, elles prendront d'écharpe les colonnes françaises, obligées de se resserrer à mesure que la plaine se rétrécit.

Toute la cavalerie, au nombre d'environ dix mille chevaux, sous le commandement d'El-Mezari, se réunit sur les versants de la montagne pour se jeter sur le flanc droit et l'arrière-garde des chrétiens, que l'infanterie et l'artillerie combattront de front et sur le flanc gauche.

Telles sont les dispositions, bien appropriées à la nature des lieux et à l'esprit de ses troupes, que l'émir a prises avec promptitude, guidé par son seul instinct ; tant il est vrai que l'intelligence du terrain et la connaissance du cœur des hommes sont les premières qualités d'un général, celles auxquelles rien ne supplée, et dont les inspirations peuvent parfois suppléer elles-mêmes au manque d'études et à l'ignorance des règles de l'art.

C'est à la nuit tombante, et après une marche de dix heures par une grande chaleur, que l'armée française aborde cette position redoutable :l'ennemi. que l'on ne peut tourner, s'est assuré l'action convergente des feux croisés, une position aisée, s'il est vainqueur, une retraite facile, s'il est vaincu ; et le lieu même sur lequel on va combattre est une excitation au fanatisme musulman.

Les trois premières brigades marchaient en ordre naturel et en échelons par la droite ; la quatrième brigade continuait à faire l'arrière-garde.

Les Arabes laissent approcher les Français jusqu'à petite portée ; puis, à un signal donné, le ravin s'allume comme une traînée de poudre ; l'artillerie, assez bien servie, ouvre son feu ; les cavaliers entament leur attaque ; le bois se garnit de nombreux tirailleurs, qui mettent en désordre la bande d'Ibrahim-Bey.

Le combat rend aussitôt les forces et la gaieté aux troupes fatiguées ; partout chefs et soldats se précipitent sur l'ennemi : à la droite, les zouaves du capitaine Mollière[12] abordent à la baïonnette les nizams, qui se défendent avec une bravoure digne de ceux qui leur ont servi de modèle. Le 2e léger, dans les rangs duquel frappent les boulets arabes, est entraîné par le général Oudinot, qui tombe blessé sur le sol encore fumant du sang de son frère, et veut néanmoins continuer à combattre.

Au centre, la deuxième brigade s'élance sur les réguliers, et enlève à la course le cimetière, qu'elle jonche de cadavres arabes.

A la gauche, le bois est déblayé par le duc d'Orléans avec trois compagnies du 17e léger et du bataillon d'Afrique, conduites par le colonel Létang[13] et le commandant Bourgon[14].

L'attaque de la cavalerie est repoussée avec la même vigueur par les chasseurs à cheval et par l'arrière-garde du colonel Combes, qui exécute avec succès un retour offensif. El-Mezari, grièvement blessé, regagne à grand'peine la montagne, oit ses cavaliers dispersés l'ont déjà précédé.

La furia francese a vaincu partout et promptement : la Macta est vengée. Effrayés de l'impétuosité de ce choc, si rapide qu'il n'a coûté aux Français qu'une quarantaine d'hommes mis hors de combat, les Arabes s'enfuient dans toutes les directions, abandonnant leurs morts et leurs blessés. Ils sont mitraillés par l'artillerie, qui les écrase chaque fois que, pour passer un ravin, ils s'entassent sur les passages frayés ; la cavalerie, malgré son petit nombre, les poursuit vivement, et, le premier parmi les plus braves. Richepanse[15], tue deux chefs de sa main, signalant ainsi sa première apparition sur cette terre, où une mort glorieuse devait bientôt couronner une vie chevaleresque et étrangement héroïque.

Mais la fatigue revient à mesure que l'ennemi disparaît à l'horizon, et la nuit met un terme à une poursuite déjà ralentie par le manque de cavalerie et l'obligation de construire une route pour le convoi à travers ce terrain accidenté. Ce n'est qu'à neuf heures du soir que le corps d'armée trouve, en campant sur l'Habra, le repos nécessaire après une longue journée où, de part et d'autre, on a bien manœuvré et bien combattu mais où un succès brillant avait récompensé l'élan des Français et la supériorité des combinaisons de leur général.

Le combat de l'Habra ouvrait aux chrétiens le chemin et les portes de Mascara ; mais le maréchal, justement inquiet des facilités offertes par la montagne à l'ennemi, à qui le succès n'était pas nécessaire pour faire échouer une entreprise qu'un trop grand nombre de blessés ou un retard pouvait rendre impossible, ne négligea aucune précaution, quoique la démoralisation des Arabes les rendit peut-être inutiles.

Il continua le 4 à suivre la plaine, laissant son armée elle-même dans l'incertitude sur ses plans, jusqu'à un endroit appelé Sidi-Ibrahim, que son habileté à lire le terrain lui avait fait deviner et choisir comme le moins mauvais des passages de l'Atlas.

Les deux premières brigades changent brusque, ment de direction à droite, et, sous la protection des fusées de guerre, dont le tir fut cette fois moins incertain, elles s'emparent rapidement des premières crêtes entre lesquelles le convoi devait s'engager. Ce mouvement s'opère presque sans résistance de la part des Arabes, qui, du haut de ces collines, observent, en spectateurs découragés, la marche d'une armée qu'ils ne se flattent plus de vaincre.

L'ennemi, ce n'est plus l'Arabe, ce n'est pas encore la saison ; l'ennemi, c'est le convoi.

C'est pour le convoi qu'il faut, au milieu des difficultés qui eussent rebuté d'autres troupes, frayer péniblement une route carrossable à travers une affreuse succession de montagnes abruptes, de ravins à pic et de rochers informes.

C'est le convoi qui condamne l'armée à des lenteurs capables de compromettre le fruit de la victoire et peut-être le résultat de la campagne, en lui faisant consommer ce qu'il y a de plus précieux dans la guerre d'Afrique, le temps et les vivres.

C'est encore pour le convoi que les troupes sont obligées de couronner successivement et à de grandes distances des crêtes escarpées, et de manœuvrer toute la journée, par la chaleur et sans eau, dans des terrains que l'on pourrait appeler impossibles.

Les trois premières brigades marchent en échelons par la droite, de manière à pouvoir s'appuyer mutuellement, et à tourner, sans les attaquer de front, toutes les positions que l'ennemi serait tenté de défendre. Dans cet ordre, qui mérite d'être étudié, la première brigade déborde de beaucoup les deux autres.

Dans un mouvement de conversion générale vers le col de l'Atlas, le 5, l'avant-garde de la première brigade, commandée par le général Marbot[16], qui a remplacé le général Oudinot, s'empare d'une hauteur occupée par la tribu des Beni-Chougran, après un engagement où les zouaves et le 2e léger lui tuent ses principaux guerriers.

Peu après cet acte isolé d'hostilité, les têtes de colonne débouchent péniblement sur le plateau d'Aïn-Kébira. C'est le soir, fort tard, que le convoi, à grands renforts de chevaux et en doublant les attelages, parvient à y monter. Il a fallu à tocs les travailleurs de l'armée deux jours d'efforts inouïs pour faire franchir aux voitures les trois

MASCARA. - 1835.GJ

lieues qu'elles ont parcourues dans la montagne, et encore ce résultat est-il dû à un tour de force des troupes du génie, dirigées par le colonel Lemercier[17] avec l'ardeur qui finit par lui coûter la vie ; car ce ne sont pas les dégâts d'un seul hiver que l'homme doit réparer ici, c'est l'action continue de tous les siècles sur un sol vierge et sauvage qu'il faut corriger et effacer ; et le plus difficile reste encore à faire, l'Atlas, dont le sommet est un vaste plateau tourmenté, présentant, jusqu'à la plaine de Mascara, plus d'étendue que n'en a parcouru l'armée.

Heureusement, l'effet et les résultats de la victoire de l'Habra ont dépassé toutes les espérances, et permettent de hâter et de simplifier les opérations de l'armée. Passant de l'enthousiasme à l'abattement, les Arabes déposent les armes, et maudissent tout à coup les charges d'un gouvernement régulier, dont ils n'avaient jusqu'ici rêvé que les profits ; quelques tribus même font acte de soumission aux Français. El-Mezari, le meilleur des agas de l'émir, influent par ses talents et sa naissance, encore sanglant de sa récente blessure, se laisse entraîner vers les Français par l'attrait que lui inspire un vainqueur brave et habile. Quelques autres chefs, entre autres Kadour-ben-Morfi, l'un des combattants de la Macta, suivent cet exemple, dangereux pour le fils de Mahiddin. La défection gagne les tribus du désert d'Angad, et le contre-coup d'un succès qui eût pu devenir décisif se fait sentir jusqu'à Tlemcen, bientôt débloqué.

L'émir domine le malheur par sa fermeté. Abandonné des siens, il ne s'abandonne pas lui-même : il saura dompter la mauvaise fortune et réunir de nouveau ce faisceau près de lui échapper. Mais il fait une cruelle épreuve de la mobilité et : de l'ingratitude de ces peuples, qui n'obéissent qu'aux favoris de la fortune. Rien n'est sacré pour ces barbares, qui, dans le besoin d'assouvir la rage de leur fanatisme trompé, rendent leur chef responsable d'un revers dont ils n'osent accuser ni Dieu, ni le courage des chrétiens. La femme de l'émir n'échappe point aux outrages de la populace ; ses boucles d'oreilles lui sont arrachées ; et, lorsque Abd-el-Kader, insensible aux insultes dirigées contre son autorité, s'émeut et s'irrite de l'affront fait à sa compagne unique, les Arabes, semblables à ces sauvages qui brisent, pour les punir de leur impuissance, les faux dieux qu'ils viennent d'adorer, les Arabes lui enlèvent le parasol doré, emblème de la souveraineté dont ils l'ont revêtu, et lui disent insolemment : Quand tu seras redevenu sultan, nous te le rendrons.

Cet engagement, le fils de Mahiddin semble l'accepter ; il courbe la tête, mais pour la relever plus haut lorsque la bourrasque aura passé ; et, pour le moment, il ne songe qu'à sauver quelques débris du naufrage, et surtout à conserver son noyau d'armée. Il sacrifie Mascara, qu'il ne peut plus défendre, et, après avoir emmené la population musulmane, seule richesse qu'il tienne à soustraire aux chrétiens, il livre la ville à ses réguliers et aux cavaliers qui lui sont demeurés fidèles. A défaut de la victoire, il leur donne le pillage, et cette soldatesque effrénée ; se livrant à tous les excès, se venge de sa défaite par l'incendie, le vol et le meurtre des juifs, que l'émir abandonne ensuite aux infidèles, avec les ordures dont il a couvert tout ce qu'il n'a pu emporter. Ce sont toujours ces mêmes Arabes qui, il y a deux mille ans, ouvraient déjà le ventre aux juifs pour savoir s'ils n'avaient pas mangé de l'or.

En apprenant ces nouvelles, le 6 au matin, le maréchal laisse à Aïn-Kébira toutes les voitures avec les troupes du génie, la batterie de campagne et les troisième et quatrième brigades réunies sous le commandement du général d'Arlanges ; il lui donne l'ordre de tâcher d'arriver jusqu'au village d'El-Bordji, et d'y t'ester pour garder, à tout événement, le col de l'Atlas, car il sait à quels singuliers caprices la fortune de la guerre est soumise. Alliant ainsi la prudence à la hardiesse, il se hâte d'occuper Mascara avec les deux premières brigades et le convoi des chameaux.

Mascara, qui offrait aux Français le hideux spectacle d'une ville atrocement saccagée, est une assez grande ville moderne, bien bâtie, bien située sur un plateau étendu ; elle est entourée d'une muraille de vingt-cinq pieds de haut, avec une casbah servant de réduit.

Si ces remparts, de construction sarrasine et assez semblables à ceux d'Avignon, avaient été défendus lorsque la colonne française, précédée au loin par le quartier général et une avant-garde de vingt-cinq zouaves qui avaient suivi le trot des chevaux, y arriva sans aucun moyen d'attaque même pour un coup de main, un désastre eût pu s'ensuivre. Mais la prudence a souvent l'apparence de la témérité ; l'art du général consiste à deviner ce qu'il peut se permettre, et le maréchal savait qu'il n'avait plus à faire qu'une course au clocher.

On trouva dans la capitale d'Abd-el-Kader vingt-deux pièces de canon. quatre cents milliers de soufre, beaucoup de poudre, de grands approvisionnements gâtés de biscuits et de grains, un arsenal, et une fabrique- d'armes en pleine activité, et, ce qui était surtout précieux pour les Français, on y reprit l'obusier et les caissons enlevés à la Macta. Il était temps pour l'armée d'arriver, et de détruire ces éléments d'une puissance à laquelle le génie créateur de l'émir aurait pu donner de si dangereux développements.

La perte de ces établissements qui avaient coûté tant de soins, de persévérance, d'efforts et d'intelligence, fut un dommage longtemps irréparable pour un ennemi privé ainsi de la ressource de ce qui alimentait son armée. Cette destruction fut faite avec soin. L'art de bien détruire est une science souvent aussi difficile et aussi importante à la guerre que l'art de créer.

Le 9 décembre, lorsque le feu, l'eau et la mine eurent anéanti les établissements et' les approvisionnements de Mascara, et ouvert une brèche dans la casbah, la colonne française, éclairée par la flamme livide et bleue des magasins de soufre, reprit le chemin de l'Atlas, emmenant avec elle les trophées de la Macta, et s'éloigna de cette ville désarmée et déflorée, où l'on avait trouvé l'hiver, la désolation et la misère, et d'où l'on rapportait le germe des maladies.

Les dangereux effets du froid et de la pluie avaient été aggravés par une mauvaise nourriture.

Le convoi des chameaux, chargé des vivres de la colonne, s'était, dit-on, débandé, sans que les chefs français de cette imparfaite organisation pussent retenir les chameliers arabes avides de vol. Le soldat, transi et affamé, s'était nourri de la chair des chiens errant par bandes, comme dans toutes les villes musulmanes, de gâteaux, de figues fermentées, et d'autres aliments malsains, déjà souillés par le pillage.

Ce n'était, d'ailleurs, que le prélude des plus pénibles épreuves. La pluie ne cessait point ; plus on montait, plus le brouillard devenait épais et le vent glacial, surtout à partir d'El-Bordji, où la colonne avait bivaqué le 9. Ce qu'on appelait la route d'Aïn-Kébira n'était qu'un ravin fangeux, rempli d'une houe grasse où les soldats demeuraient fichés jusqu'aux genoux et étaient obligés de s'aider de leur fusil pour marcher. En approchant du col de l'Atlas, ce fut une vraie tourmente des Alpes : la grêle, chassée par le vent du nord, coupait la figure ; le froid était tellement vif, que les membres s'engourdissaient ; l'obscurité obligea en plein midi à battre la marche des régiments. pour que chaque peloton pût suivre celui qui le précédait. Mais la patience des troupes ne se démentit point, et elles oublièrent leurs souffrances pour en soulager de plus grandes encore.

La colonne ramenait un millier de juifs de Mascara, échappés au massacre. Cette lamentable caravane, près de périr de fatigue et de froid, ne pouvait plus avancer. Les vieillards roulaient défigurés dans les précipices, où ils paraissaient une avalanche de boue ; des femmes, drapées comme les juives de la Bible, tombaient affaissées sous le poids de leurs enfants, qu'elles ne pouvaient ni abandonner ni sauver ; des chameaux portant des familles entières s'abattaient des quatre membres, et restaient enfoncés dans la glaise, où eux et leur charge disparaissaient pour ne plus présenter qu'une masse sans forme et sans couleur. Le psaume du retour de la captivité, chanté d'une voix nasillarde par ces malheureux enfants d'Israël, semblait un appel à un dévouement qui ne leur fit point faute.

Chaque soldat se fait sœur de charité : les enfants sont chargés sur les havresacs des fantassins, déjà pliant sous le poids de cent cinquante cartouches : les vieillards sont recueillis par les chasseurs à cheval, qui les placent sur leurs chevaux. Les soldats malades cèdent leurs places aux femmes, et, lorsqu'on se reforme sur le plateau d'Aïn-Kébira, où l'on retrouve tout à coup le soleil et le beau temps, ces malheureux juifs, adoptés et portés par l'armée française, étaient tous là, sans exception, pour rendre hommage à l'humanité et à la générosité des soldats, auxquels ils devaient leur salut, et qui ne soupçonnaient rame pas qu'ils eussent fait une belle action.

Les troupes du général d'Arlanges avaient encore plus cruellement souffert, surtout de la faim. Les approvisionnements de vivres, mal calculés, s'étaient trouvés épuisés, et, lorsqu'on voulut recourir à la réserve du petit sac de riz donné cacheté à chaque soldat lors de l'entrée en campagne, on s'aperçut que cette ressource précieuse avait été gaspillée par des troupes novices et aussi imprévoyantes du lendemain qu'ignorantes du danger. Un seul bataillon avait conservé cette réserve intacte jusqu'au bout : c'était le bataillon du 2e léger, commandé par le capitaine Changarnier[18]. Ce chef si brillant témoignait déjà ainsi de cet ascendant sur le soldat qui est devenu depuis une de ses plus éminentes qualités.

Pendant les cinq jours que la colonne d'Arlanges passa sans distributions régulières, sans abri sur ce plateau glacial, avec un lac de boue pour bivouac, les soldats, qui ne pouvaient ni manger ni dormir, avaient vaillamment repoussé quinze cents Arabes, dont une brume épaisse favorisa deux fois les attaques. Ils avaient travaillé sans relâche à faire avancer les voitures jusqu'à El-Bordji, puis à les faire rétrograder, suivant les ordres successifs du maréchal, jusqu'à Sidi-Ibrahim, où les deux colonnes se rejoignirent ; et leurs efforts ne furent pas même récompensés par le séjour de Mascara, qui leur semblait une terre promise, tant il est vrai que tout est relatif dans les jouissances et dans les misères de ce monde !

Deux jours après la réunion de tout le corps expéditionnaire, l'armée atteignait Mostaganem à la suite d'une légère escarmouche. Elle y déposa ses blessés, ses malades, y prit des vivres, et se dirigea vers Oran.

Le passage de la barre de la Macta, par un vent violent du nord-ouest faisant déferler les lames, fut une opération difficile, que les généraux Perregaux et d'Arlanges réussirent à terminer sans accident, et, le 21 décembre, les derniers régiments étaient rentrés à Oran.

Les troupes étaient fatiguées ; les privations, et surtout la mauvaise eau, avaient développé des maladies, peu dangereuses il est vrai en hiver, mais que le repos seul pouvait guérir. Cependant, le maréchal, ne perdant pas de vue le but final de ses opérations, dut subordonner le soin du soldat et la considération de la saison à l'urgence de rentrer immédiatement en campagne.

Abd-el-Kader, en effet, était ébranlé, mais n'était ni abattu ni découragé. Il fallait, sous peine de perdre les fruits d'un premier avantage, achever de le poursuivre avant qu'il eût le temps de se remettre du choc.

Aussi le maréchal redoubla d'efforts et d'activité, et, dès les premiers jours de janvier, il était en mesure de marcher sur Tlemcen avec un corps expéditionnaire, qu'il avait reconstitué en moins de quinze jours et malgré les entraves du ministre de la guerre.

Cependant, Abd-el-Kader était prêt avant les Français. Il avait mis à profit le répit forcé que donnaient à la barbarie les exigences d'une armée civilisée, et il essayait déjà, avec ses réguliers, de soumettre les populations flottant entre une protection souvent inefficace et un châtiment rigoureux et certain.

Si celui qui a le moins de besoins et qui y pourvoit le plus vite est celui qui fait le mieux la guerre, peut-être l'émir dut-il croire à sa supériorité sur les Français.

 

 

 



[1] La mort a frappé M. le duc d'Orléans avant qu'il eût écrit cette page d'histoire.

[2] Colonel MAREY-MONGE (Guillaume-Stanislas), comte DE PELUSE. — Lieutenant en premier d'artillerie en 1824. — Capitaine en 1826. — Expédition d'Alger (1830). — Chef d'escadron de cavalerie indigène. — Lieutenant-colonel en 1834. — Colonel des spahis en 1837. — Maréchal de camp en 1843. — Général de division en 1848. — Sénateur. — Mort en 1863.

[3] Général RAPATEL. — Maréchal de camp le 11 août 1823. — Lieutenant général en 1833. — Commandant la 2e légion de la garde nationale en juin 1848. — Mort à Paris en 1852.

[4] Sous-lieutenant BRO, officier d'ordonnance du roi Louis-Philippe. — Colonel du 11e chasseurs en 1854. — Retraité en 1862.

[5] Général BRO. — Colonel en 1814. — Maréchal de camp en 1832. — Lieutenant général en 1843. — Mort en 1844.

[6] Chef d'escadron SOL. — Aide de camp du maréchal Clauzel. — Lieutenant-colonel en 1842. — Commandant des dépôts des cinq bataillons de chasseurs d'Orléans, à Grenoble. — Colonel en 1847. — Retraité en 1856.

[7] Il lui avait donné l'organisation que voici :

PREMIÈRE BRIGADE, GÉNÉRAL MARQUIS OUDINOT.

Les Douairs, les Smélas et les Turcs à pied, Ibrahim-Bey ;

Quatre compagnies de zouaves, commandant de Lamoricière ;

Le 5e léger, colonel Menne ;

Deux compagnies du génie ;

Deux obusiers de montagne ;

Le 2e régiment de chasseurs d'Afrique, colonel de Gouy.

DEUXIÈME BRIGADE, GÉNÉRAL PERREGAUX.

Trois compagnies d'élite (10e léger, 13e et 63e) ;

Le 17e léger, colonel Corbin ;

Deux obusiers de montagne.

TROISIÈME BRIGADE, GÉNÉRAL D'ARLANGES.

Le bataillon d'Afrique, commandant Secourgeon ;

Le 11e de ligne, colonel de Vilmorin ;

Deux obusiers de montagne.

QUATRIÈME BRIGADE, COLONEL COMBES, DU 47e.

Le 47e de ligne ;

Deux obusiers de montagne.

RÉSERVE, LIEUTENANT-COLONEL DE BEAUFORT, DU 47e.

1er bataillon du 66e de ligne, commandant Leblond,

Une compagnie du génie ;

Quatre obusiers de montagne ;

Six pièces de huit.

[8] Général marquis OUDINOT (Nicolas-Charles-Victor), duc DE REGGIO. — Lieutenant au 5e hussards en 1809. — Aide de camp de Masséna en Portugal. — Capitaine dans les chasseurs à cheval de la garde en Russie. — Chef d'escadron en 1814. — Colonel après l'abdication. — Maréchal de camp en 1824. — Lieutenant général en 1835. — Commandant en chef de l'armée des Alpes en 1848. — Représentant du peuple. — Commandant de l'expédition de Rome en 1849. — Mort à Paris en 1863.

[9] Colonel COMBES. — Campagne de Waterloo. — Capitaine au 20e de ligne le 17 juillet 1822. — Commande les troupes de l'expédition d'Ancône. — Tué en 1837, à l'assaut de Constantine.

[10] Capitaine DE RANCÉ. — Chef d'escadron d'état-major le 2 janvier 1836. — Aide de camp du maréchal Clauzel. — Retraité en 1843. — Député de l'Algérie en 1848.

[11] Lieutenant THOMAS. — Général de brigade en Crimée — Blessé à l'Alma. — Mort en 1859, à Tlemcen.

[12] Capitaine MOLLIÈRE. — Maréchal de camp en 1848. — Commandant d'une brigade à la prise de Rome. — Mort à Paris en 1850.

[13] Général baron DE LÉTANG (Georges-Nicolas-Marc). — Sous-lieutenant en 1807. — Prend deux drapeaux à Ocagna. — Chef d'escadron après Leipsick. — Colonel en 1829. — Maréchal de camp en 1835. — Lieutenant général en 1845. — Sénateur en 1852. — Réserve en 1853. — Mort en Belgique en 1866.

[14] Commandant DE BOURGON (Martin). — Blessé à Constantine en 1836. — Général de division le 10 mai 1842. — Mort en 1848, des suites de blessures.

[15] Capitaine RICHEPANSE. — Tué à l'attaque de Constantine en 1836.

[16] Général baron DE MARBOT, sous-lieutenant au 1er hussards le 28 septembre 1799. — Capitaine aide de camp du maréchal Lannes le 3 janvier 1807. — Colonel du 15 novembre 1812. — Banni de France de 1815 à 1818. — Colonel du 3e chasseurs à cheval le 22 mars 1829. — Maréchal de camp le 22 octobre 1830. — Aide de camp du duc d'Orléans. — Lieutenant général le 11 octobre 1838. — Pair de France le 6 avril 1845. — Membre du comité de cavalerie le 13 avril 1855. — Retraité le 8 juin 1848. — Mort à Paris le 16 novembre 1854.

[17] Colonel LEMERCIER. — Colonel du génie le 25 avril 1834. — Mort à Bône en 1836, des fatigues de l'expédition de Constantine.

[18] Capitaine CHANGARNIER (Nicolas-Anne-Théodule). — Sorti de Saint-Cyr comme sous-lieutenant en 1815. — Lieutenant en 1815 au 60e de ligne. — Campagne d'Espagne de 1823, et capitaine le 9 octobre 1825. — Expédition de Mascara au 2e léger. — Chef de bataillon en 1835, se distingue dans la retraite de la première expédition de Constantine. — Lieutenant-colonel en 1836. — Colonel en 1839. — Expédition des Portes-de-Fer comme colonel du 2e léger. — Maréchal de camp en 1840. — Lieutenant général en 1843. — Commandant la division d'Alger en 1848. — Commandant supérieur de la garde nationale et des troupes de Paris de 1848 à 1851. — Retraité en 1852.