SAINTE-HÉLÈNE

CINQUIÈME PARTIE. — NAPOLÉON VAINCU

 

CHAPITRE II. — LES PREMIERS SECOURS.

 

 

BERTRAND, peu après la mort de Cipriani, avait écrit à Fesch pour lui demander d'envoyer à Sainte-Hélène un prêtre catholique, Français ou Italien, un maitre d'hôtel et un cuisinier. Le cardinal, sans se presser, écrivit à lord Bathurst qui, non seulement ne fit point d'objection, mais répondit qu'en outre il autorisait le départ d'un médecin choisi par la famille Bonaparte.

Ce médecin était d'avance trouvé. Il avait longtemps servi Napoléon, lui était tout dévoué, il savait l'anglais : Foureau de Beauregard, honnête homme et bon praticien, demandait avec instance à rejoindre l'Empereur. Fesch, sous d'hypocrites prétextes, l'évinça et à sa place désigna un jeune Corse, Francesco Antommarchi, prosecteur du professeur Mascagni, à Florence, de court savoir mais plein de faconde[1], qui se contenta d'un traitement de 9.000 francs.

Le choix de l'ecclésiastique fut aussi déplorable. Il était facile, on le verra bientôt, de trouver un volontaire parmi les prêtres distingués qui avaient passé par l'ancienne aumônerie impériale. Fesch ne s'en soucia point et prit un vieil abbé corse, Buonavita[2], missionnaire vingt-six ans au Mexique, puis chapelain de Pauline, certes brave et digne homme, mais de peu d'éducation, et qui, courbé par l'âge, très sale, semblait par son bégaiement et ses yeux égarés déjà en enfance.

Tout à ses préférences de clan, l'oncle de Napoléon lui adjoignit un autre prêtre, Corse aussi mais jeune, Angelo Vignali, resté pâtre sous la soutane[3]. On disait qu'il avait quelque teinture de médecine. Ainsi, expliquait Fesch à Las Cases, pourrait-il suppléer à la fois Buonavita et Antommarchi. La petite caravane, comme l'appelait le cardinal, comprenait encore un des valets de Madame Mère, Coursot, destiné à faire fonction de maitre d'hôtel à Longwood, et un cuisinier donné par Pauline, Chandellier[4].

Que Fesch adressât pareils prêtres et médecin à son neveu, que Mme Mère les ait laissés partir semble insensé. Il est vrai qu'alors tous deux étaient égarés par une sorte de folie. Une voyante allemande, sans doute espionne de Metternich, s'était insinuée dans leur familiarité. Elle prétendait recevoir les directions de la Vierge qui lui aurait révélé que Napoléon avait quitté sa prison. La mère et l'oncle en étaient maintenant persuadés. Il en est résulté, écrira en 1821 Pauline à Planat, que toutes les lettres que Madame et le cardinal ont pu recevoir depuis deux ans ont été regardées comme fausses : signatures fausses, lettres inventées par le gouvernement anglais pour faire croire que l'Empereur est toujours à Sainte-Hélène, tandis que le cardinal et Madame disent savoir pertinemment que S. M. a été enlevée par les anges et transportée dans un autre pays où sa santé est très bonne et qu'ils en reçoivent des nouvelles[5].

Dès octobre 1818, Madame mystérieusement avertissait sa belle-fille Catherine que Napoléon était en route pour Malte[6].

Ainsi l'invraisemblable s'explique. Fesch envoyait à Sainte-Hélène des comparses, au plus bas prix, parce qu'il était convaincu qu'ils n'y trouveraient plus l'Empereur[7].

La petite caravane ne se hâta point. Elle mit deux mois pour aller de Rome à Londres. Dès qu'il fut en Angleterre, Antommarchi tenta de se pousser dans le monde et multiplia les courbettes aux médecins anglais et aux journalistes. Il vit O'Meara et Stokoë avec qui il s'entretint de l'état de santé de Napoléon. Antommarchi affecta de croire à une maladie politique. Bathurst craignait-il que Buonavita et ses acolytes ne se fissent les agents d'un complot pour délivrer Napoléon ? On peut le croire, car il ne leur permit de partir que le 9 juillet, après un trimestre passé à Londres.

Ils arrivèrent le 20 septembre à Jamestown, furent reçus à merveille par Lowe et dînèrent à Plantation avec Reade et Gorrequer. Ils montèrent ensuite à Longwood et se présentèrent à Bertrand. Napoléon, mécontent qu'ils se fussent laissés traiter par le gouverneur, ne voulut pas les voir ce soir-là[8]. Le cardinal Fesch avait négligé de les munir du moindre billet d'introduction. L'Empereur chargea Bertrand et Montholon d'interroger les nouveaux venus. Le grand-maréchal, formaliste, les obligea à lui fournir une sorte de notice individuelle et de curriculum vitæ.

Les deux prêtres et le médecin furent atterrés de ce défiant accueil. Le lendemain, encore au lit, Napoléon les reçut l'un après l'autre. Il regarda avec pitié Buonavita, qui, tout cassé, s'approchait de lui et mettait le genou en terre pour lui baiser la main. Il le fit asseoir, lui parla de son âge, de sa santé, puis l'entretint de Madame Mère dont il vanta la force d'âme. A Vignali, petit brun trapu[9], il dit qu'il voulait désormais que chaque dimanche on célébrât la messe à Longwood.

Enfin parut Antommarchi. Napoléon le questionna sur son pays, sa parenté, ses études, ne fut pas mécontent de ses réponses, bien qu'il l'estimât jeune et présomptueux. Il lui recommanda l'abbé Buonavita, qui lui semblait n'être venu à Sainte-Hélène que pour s'y faire enterrer[10]. Il était profondément déçu. Voilà tout le secours, qu'après quatre ans, il recevait de sa famille ! Comme les autres, elle l'abandonnait... Autour de lui, chez Bertrand, Montholon[11], la colère, l'amertume étaient fortes. Presque aussitôt Montholon supplia sa femme de lui trouver en Europe un remplaçant. Quoique Mme Bertrand commençât une nouvelle grossesse, elle et son mari disaient hautement qu'ils quitteraient l'île en mars.

Napoléon ,prit pourtant intérêt — les distractions étaient si rares maintenant à Longwood — à faire ouvrir les caisses dont s'étaient chargés les nouveaux venus. Un portrait du roi de Rome, vêtu d'un petit habit de satin blanc, l'occupa beaucoup ; il le fit placer entre les deux fenêtres du salon. Il mit sur son bureau l'étui de maroquin vert, présent de Jérôme, qui contenait un médaillon de l'enfant. Une miniature de Madame Mère fut attachée au-dessus de la cheminée du cabinet. Pauline avait envoyé de beaux objets de toilette, lady Holland des jeux, des albums. Deux caisses étaient remplies de journaux et de livres, ces derniers mal choisis. Dans les bagages d'Antommarchi, l'Empereur trouva de l'eau de fleurs d'oranger, dont il aimait le parfum et qui depuis longtemps manquait. Enfin une malle contenait des vêtements sacerdotaux et tous les objets nécessaires pour établir une chapelle.

Le premier dimanche qui suivit l'arrivée des Corses, Napoléon entendit la messe dans le salon, où une table tint lieu d'autel. Puis il s'avisa que la salle à manger, qui ne servait plus guère, conviendrait mieux. Toute la maison s'évertua pour la rendre propre à ce nouvel usage. On colla sur les murs un papier chinois à fond rouge et fleurs d'or. La desserte d'acajou, élevée sur deux marches, fut transformée en autel ; Pierron y dressa un tabernacle en cartonnage surmonté du crucifix d'argent. De chaque côté, sur une nappe de dentelle, on plaça des girandoles à six branches et des vases de la Chine, garnis des plus belles fleurs du jardin. Au-dessus on pendit une tête de Christ offerte par Bertrand. Des tentures de satin blanc, bordées de galons d'or et ornées aux angles d'N couronnés l'entourèrent. Un tapis de velours vert s'étendait de l'autel jusqu'au prie-Dieu de l'Empereur.

Deux grands paravents fabriqués par Noverraz, aidé d'un Chinois, cachèrent les portes.

En avant était le fauteuil de l'Empereur, à quelques pas en arrière les chaises de Mme Bertrand, du grand-maréchal et de Montholon. Les personnes de la maison se tiendraient de chaque côté debout près des paravents.

Tout s'acheva dans la semaine. Ce fut une petite fête pour les exilés quand, le dimanche suivant, dans la chapelle illuminée de bougies, l'Empereur entra, suivi des deux généraux. L'abbé Buonavita vint le saluer, comme faisait jadis le grand aumônier, et lui présenter l'eau bénite ; puis, montant à l'autel, il commença l'office, assisté par Vignali en surplis et Napoléon Bertrand, ravi de sa robe d'enfant de chœur.

L'Empereur lui-même semblait content. Il dit à peu delà :

— J'espère que le Saint-Père ne nous fera aucun reproche, nous voilà redevenus chrétiens. S'il voyait notre chapelle, il nous accorderait des indulgences.

Et il ajouta :

— Si quelqu'un de vous a la conscience surchargée de péchés, Buonavita est là pour les recevoir et en donner l'absolution.

Dès lors la messe fut dite dans ces formes chaque dimanche. Quand Napoléon se trouvait indisposé, il restait couché. On ouvrait la porte de sa chambre et on ployait les paravents pour que les paroles du prêtre pussent arriver jusqu'à lui.

Ses idées sur la foi avaient insensiblement changé ; il paraissait revenir vers les sentiments de son enfance. Souvent, à l'italienne, comme le lui avait enseigné sa mère, il faisait machinalement un signe de croix.

Sans doute pensait-il que cette religion qu'il avait rétablie en France et dont le chef protégeait sa famille, il se devait, sinon pour lui, du moins pour sa renommée et pour l'avenir de son fils, de s'y rattacher dans sa solitude. C'est le souverain chez lui qui, peut-être d'abord, voulut entendre la messe. L'homme peu à peu y trouva une détente du cœur.

Certaines pratiques toutefois rebutaient en lui l'élève de Jean-Jacques. Il blâma le zèle de Buonavita et de Vignali qui montèrent un jour au corridor des domestiques et le parcoururent en s'arrêtant à chaque porte pour dire des prières.

Peu après leur arrivée, Buonavita et Vignali marièrent Noverraz et Joséphine, naguère femme de chambre de Mme de Montholon, que l'Empereur avait conservée comme lingère, Archambault et Mary, bonne d'enfants chez le grand-maréchal, enfin Aly et Mary Hall, gouvernante d'Hortense Bertrand.

Le nouveau cuisinier de l'Empereur, Jacques Chandellier, remplaçait devant les fourneaux les deux Chinois qui, dirigés par Pierron, avaient depuis le départ de Lepage si mal assuré le service. Ingénieux, il inventa un fourneau qui répandait moins de fumée dans l'étroite pièce où l'air souvent s'épaississait à donner des nausées, et un four à l'anglaise pour la pâtisserie. Par des mets bien apprêtés, il réveilla d'abord l'appétit de l'Empereur. Mais bientôt il tomba malade. Si jeune encore, il était menacé d'apoplexie séreuse et il fallut songer à le remplacer.

La construction de New House se poursuivait lentement. Un dimanche, jour où les ouvriers ne travaillaient pas, l'Empereur y fut avec Marchand. critiqua quelques dispositions intérieures, mais ne put faire autrement que de trouver les pièces vastes, aérées et commodes. Abritée de l'alizé, la façade principale flanquée de deux pavillons ouvrait sur le plateau de Deadwood. Les appartements destinés à Napoléon comprenaient une grande galerie, une salle à manger, une bibliothèque, une chambre, un cabinet de toilette, une salle de bains. Une pièce attenante était destinée à un valet de service. Montholon, à qui devait être affectée l'aile gauche, serait presque aussi bien logé. Les ouvertures étaient larges et hautes, la décoration élégante. Les cheminées étaient garnies de bronzes dorés. Dans les murs extérieurs des niches avaient été pratiquées pour recevoir des statues. Au regard de la vieille maison, New House était un palais[12].

L'Empereur semblait pourtant moins enclin que jamais à quitter Old Longwood. Au contraire, persuadé maintenant qu'il ne quitterait plus Sainte-Hélène, il commençait de s'intéresser à l'amélioration de son intérieur et à l'aménagement de son jardin. Par un instinctif retour humain, il s'attachait à ce triste asile, cherchait à l'orner et à l'adoucir. L'arrangement heureux de la chapelle lui fit désirer de changer la tenture de sa chambre et de son cabinet. Le nankin qui couvrait les murs, pourri par l'humidité, tombait en lanières. Aidés par les Chinois, Marchand et Aly collèrent du papier blanc sur les plafonds et les parois, tendirent la chambre de mousseline rayée et le cabinet de percale, les garnirent de petits et grands rideaux, y placèrent un tapis neuf. Les meubles furent réparés et vernis. Les lits de campagne reçurent de nouveaux rideaux de taffetas vert et des aigles d'argent, provenant des cloches de l'argenterie brisée, furent fixées aux boules des colonnettes et au couronnement. L'Empereur pendant ce temps avait émigré dans le salon. Quand tout fut achevé, il entra dans sa chambre ; deux pastilles d'Houbigant brûlaient dans une cassolette. Au-dessus de la cheminée brillaient les cadres des portraits. Napoléon regarda tout avec un plaisir d'enfant et vanta à Montholon l'adresse de ses serviteurs :

— Ce n'est plus une chambre, c'est le boudoir d'une petite maîtresse[13].

Mais ce qui devait le plus préoccuper et distraire Napoléon, fut la transformation des jardins. Déjà des soldats envoyés par Lowe avaient construit un mur de gazon à l'est pour couper le vent[14]. Antommarchi encouragea l'Empereur dans ce dessein. Le jardinage, déclara-t-il, était le meilleur exercice qui pût remplacer l'usage abandonné du cheval. Pierron alla à Jamestown acheter brouettes, pioches, pelles pour la maisonnée. L'Empereur même eut son râteau et sa bêche. Chaque matin, au petit jour, dès que les factionnaires avaient évacué le jardin, il envoyait le valet de service sonner la cloche pour éveiller tout son monde[15]. Domestiques français, anglais et chinois[16], Antommarchi, les deux prêtres, jusqu'aux servantes, tous devaient se mettre au travail.

Vêtu d'un pantalon et d'une veste de nankin comme les colons de l'île, coiffé d'un grand chapeau de paille et chaussé de pantoufles de maroquin rouge, Napoléon va en personne jeter une motte de terre dans la persienne d'Aly :

— Aly, Aly, crie-t-il, tu dors !

ou :

— Aly, oh ! Allah, il fait jour !

Et il chantonne :

Tu dormiras plus à ton aise

Quand tu seras rentré chez toi...

Aly met la tête à la fenêtre :

— Allons donc, paresseux, ne vois-tu pas le soleil !

A l'extrémité opposée du bâtiment, Marchand aussi a son tour :

— Marchand, Mamzelle Marchand, il fait jour, levez-vous.

Quand Marchand est descendu, Napoléon le regarde en riant

— Avez-vous assez dormi cette nuit ? Votre sommeil a-t-il été interrompu ? Vous allez être malade toute la journée de vous être levé si matin !

Puis reprenant le ton habituel :

— Allons, prends cette pioche, cette bêche, fais-moi un trou pour mettre tel arbre.

Un instant après, il l'appelle :

— Marchand, apporte ici un peu d'eau,

ou bien :

— Va me chercher mon pied, ma toise.

A tel autre qu'il rejoint :

— Va dire à Archambault qu'il apporte du fumier, et aux Chinois qu'ils coupent du gazon, on n'en a plus.

Passant à Aly qui charge une brouette[17] :

— Comment, tu n'as pas encore fini d'ôter cette terre ?

— Non, sire, cependant je ne me suis pas amusé.

— A propos, coquin, as-tu fait le chapitre que je t'ai donné hier[18] ?

— Non, sire.

— Tu as mieux aimé dormir, n'est-ce pas ?

— Mais, sire, Votre Majesté ne me l'a donné qu'hier soir.

— Tâche de le finir aujourd'hui, j'en ai un autre à te donner.

Pierron pose des plaques de gazon sur un mur de terre :

— Tu n'as pas encore terminé ce mur ? As-tu assez de gazon ?

— Oui, sire.

Revenant à Aly, il lui demande :

— Montholon est-il éveillé ?

— Je n'en sais rien, sire.

— Va voir ; surtout ne le réveille pas, laisse-le dormir.

Il se dirige vers Noverraz qui pioche :

— Allons, ferme !... Ah paresseux, qu'est-ce que tu as fait depuis ce matin ?

— Hier, Votre Majesté m'avait dit de faire goudronner la baignoire[19] ; n'ayant trouvé personne de bonne volonté, j'ai fait moi-même la besogne.

Napoléon lui tire l'oreille. Il est enchanté de Noverraz qui s'entend à ces travaux et qu'il appelle son jardinier en chef.

A ce moment, on annonce :

— Sire, voilà monsieur de Montholon.

— Ah bonjour, Montholon.

Montholon s'incline comme aux Tuileries.

— Comment se porte Votre. Majesté ?

— Assez bien. Est-ce qu'on vous a dérangé ?

— Non, sire, j'étais hors du lit quand on est venu chez moi.

L'Empereur lui demande plaisamment :

— Votre Excellence a-t-elle quelque chose à m'apprendre ? On dit qu'il y a. un bâtiment en vue...

— Je ne sais pas, sire, je n'ai encore vu personne.

— Prenez une lunette ; allez voir si on l'aperçoit.

Montholon revient peu après ; Napoléon se promène avec lui en causant. Vers huit heures, Bertrand arrive, toujours grave. Parfois l'Empereur lui met comme à Montholon une pioche dans la main. Mais ils travaillent mal. Aussi leur dit-il

— Messieurs, vous n'êtes pas capables de gagner un shilling dans votre journée.

Il essaya lui-même, à plusieurs reprises, de piocher et de bêcher, mais ses mains se couvrant d'ampoules, il y renonça.

A dix heures, il demandait son déjeuner et allait l'attendre avec Montholon, à l'ombre de quelques orangers, ou, plutôt, sous son chêne. Ceux qui devaient servir quittaient leurs outils et se dépêchaient de se laver la figure, les mains et de brosser leurs habits. Bertrand. s'en retournait chez lui s'il n'était pas invité. Rarement l'Empereur conviait les prêtres et le docteur. Mais il retenait souvent les enfants Bertrand qui aidaient à la besogne en portant de l'eau dans les arrosoirs. Bruyants, indisciplinés, ils se tenaient fort mal. Napoléon riait de leurs écarts. Il prenait le petit Arthur sur ses genoux et le taquinait. Bel enfant, à cheveux blonds et teint rose, il devait lui rappeler son fils. Il l'embrassait parfois avec une sorte de violence[20].

Le travail reprenait ensuite jusqu'à onze heures ou midi.

— Allez déjeuner, disait l'Empereur, c'est assez pour aujourd'hui ; il fait trop chaud.

Et il rentrait chez lui pour lire ou se mettre au bain. Vers quatre heures, il reparaissait et se mettait à arroser avec une petite pompe qui se transportait sur des roues. Aly ou Noverraz manœuvrait le balancier et l'Empereur dirigeait la lance. Il se mouillait souvent au point qu'il était obligé de changer d'habits.

Sortie de l'engourdissement des derniers mois, la maison entière avait changé d'aspect. Napoléon paraissait avoir repris force et santé.

Lui qui avait créé un monde nouveau, il s'attachait à cette création infime et sans durée, un jardin. Mais rien n'est plus vivant ; il aimait la vie. Si imaginatif qu'il fût, il gardait le goût profond du réel. Peut-être prit-il plus de plaisir à tracer le plan de ces enclos, de ces allées creuses, de sa petite roseraie, qu'il n'en avait trouvé jadis à décider avec ses architectes des embellissements de Compiègne ou de Fontainebleau.

Sur le côté ouest, devant les fenêtres de l'Empereur, s'étendait ce qu'il nommait le jardin de Marchand, ou le parterre. Un losange de gazon y était tracé, entouré d'allées étroites et de plates-bandes de rosiers bordées de buis. Devant les croisées on plaça quatre orangers et lui-même entre leurs tiges sema des giroflées et des immortelles de toutes couleurs dont lady Holland lui avait envoyé des graines. La fenêtre la plus proche de l'angle formé par le mur du salon devint une porte vitrée, abritée par une petite véranda de treillage, garnie de plantes grimpantes. Par deux marches, Napoléon pouvait descendre dans son parterre et s'y promener sans être vu, car une palissade en arceaux couverte de fleurs de la Passion formait à l'entour un mur compact. De l'autre côté du bâtiment central, avait été disposé le jardin d'Aly ou bosquet, symétrique au jardin de Marchand. Le centre était un ovale gazonné. Deux grands orangers y furent plantés. L'ensemble devait bientôt devenir si touffu que le soleil n'y pénétrait plus[21].

On entreprit ensuite l'aménagement à l'est d'un jardin plus étendu. Abrité par le mur de gazon[22], et séparé du bosquet par une tonnelle couverte où l'Empereur aimait à se tenir, il fut peuplé de pêchers, d'acacias, de saules, d'arbousiers. Un tapis de fraisiers couvrait une partie du sol. Afin d'avoir tout de suite de l'ombre, car pour son jardinage il se montrait tout impatience, il fit transporter d'assez vieux chênes dont beaucoup périrent. On remplaça les défaillants par des pêchers.

Ce jardin fut baptisé jardin de Noverraz. Il occupa beaucoup l'Empereur. On y avait ménagé dans le bas une petite grotte que les Chinois recouvrirent d'une boiserie décorée de dragons et d'oiseaux. Une table ronde, quelques chaises la meublaient. Napoléon s'y retirait souvent. Deux ou trois fois il y déjeuna.

La grande affaire fut l'irrigation de ces terrains. Napoléon fit creuser et cimenter un bassin en demi-lune[23], qui s'alimentait du filet d'eau venu des sources du Pic de Diane[24]. On y jeta des cyprins qui moururent, au grand dépit de l'Empereur. Le trop-plein de ce bassin, par une rigole, s'écoulait dans une cuve[25] placée au milieu du jardin de Noverraz et en repartait pour traverser la grotte et emplir un troisième bassin situé plus bas. Chandellier avait réussi, avec un tuyau de plomb, à faire jaillir dans la cuve centrale un petit jet d'eau. L'Empereur en fut enchanté. Quand il sortait, il disait à Aly ou Marchand :

— Allons, fais jouer les eaux.

On courait tourner le robinet du réservoir et Napoléon placé entre la grotte et le dernier bassin, regardait l'eau descendre et arriver jusqu'à lui. Peut-être se rappelait-il alors les chutes immenses de Saint-Cloud, la rivière verte et sereine où cinglaient les cygnes de Malmaison... Ce bruit, ce mouvement l'occupaient quelques instants. Il riait de s'amuser de si peu de chose. Le jeu cessait quand il n'y avait plus d'eau dans le réservoir[26].

Au-dessus du premier bassin, l'Empereur avait fait fabriquer par le plus habile de ses Chinois une volière à trois étages en bois découpé et décoré de peintures que surmontait un aigle[27]. On y installa un faisan et quelques poules, faute d'autres oiseaux, car les serins achetés à Jamestown ne vécurent pas. On y mit aussi des pigeons, mais ils s'enfuirent dès qu'on ouvrit la porte. La cage resta sans oiseaux comme le bassin sans poissons.

Quand le jardin de Noverraz fut achevé, Napoléon en fit établir, du côté de l'ouest, un tout semblable, car il aimait la régularité à l'extrême. Il y eut là aussi des bassins, l'un d'eux était la vieille baignoire doublée de plomb qui avait servi à l'Empereur dans les premiers temps.

En descendant vers la maison de Bertrand, l'ancien parc subsistait, pour partie formé de pelouses où se dressaient quelques sapins et quelques saules, et pour le reste converti en potager. Napoléon prit plaisir à y voir lever des haricots et des pois[28]. Un matin, il aperçut des poules qui picoraient à l'entour. Furieux, il empoigna un fusil de chasse et en tua trois[29]. Il tira aussi une chèvre de Mme Bertrand qui s'était aventurée dans ses carrés, un cochon de lait, enfin un bœuf de la ferme, ce qui donna de l'émotion au gouverneur, d'autant que Montchenu avait essayé d'envenimer l'affaire[30]. L'Empereur sema beaucoup de graines potagères. Dans ce terrain argileux elles germaient mal. Les légumes étaient durs et fibreux. Seuls les choux poussaient dru. Il y eut des pêches et des fraises. Mais la sécheresse et les chenilles vinrent tout ravager. Le plaisir de la création passé, l'Empereur peu à peu ralentit son zèle. Aidé par les petits Bertrand, il arrosait encore. Mais le plus souvent il se bornait à marcher dans les allées couvertes ou dans son parterre ; il se penchait sur une plante, cueillait une fleur de la Passion, une pensée, la tenait longtemps dans sa main, rêveur... Abrité maintenant des yeux étrangers, il s'asseyait sur un talus d'herbes et regardait piquer la terre ou voleter aux branches des cardinaux couleur de feu apportés du Brésil ou de ces avedevats gros comme des bourdons qui, à Sainte-Hélène, au temps des moissons, vont en nuées par les champs et pillent les gerbes.

Du moins avait-il retiré de ces occupations qui s'étendirent sur plus de six mois un réel apaisement d'esprit. D'autre part, à se montrer chaque jour dans ses jardins, il rassurait le gouverneur, et celui-ci marquait la détente par des attentions soutenues : envois de plantes, de graines[31], de meubles de jardin, mise à sa disposition de soldats et d'ouvriers pour les terrassements, d'attelages pour les transports. Il s'occupait de remonter l'écurie par l'achat de quatre chevaux du Cap. Enfin — et cette concession lui semblait immense — pour inciter Napoléon à reprendre ses courses, il élargissait les limites, et, surtout à l'ouest, donnait libre parcours aux Français sur le quart de l'île environ.

A Jamestown on parlait beaucoup des embellissements de Longwood. Mais personne n'y était plus admis. La plus jeune des belles-filles de Lowe, Suzanne Johnson, se hasarda pourtant à y monter un après-midi, et à prier Montholon de lui montrer les jardins. Lui offrant le bras, le général la promena par les allées. Ils se trouvèrent tout à coup en face de l'Empereur, assis dans sa tonnelle. Montholon ne put faire autrement que de présenter la jeune fille. Petite et jolie, sa rougeur la rendait charmante. Napoléon lui parla avec bonté, lui fit apporter un plateau de sucreries, la mena lui-même à ses bassins, sans paraître savoir qu'elle tenait de si près au gouverneur et quand elle prit congé, cueillit une rose et la lui offrit en souvenir[32].

Ce mieux-être rendit à Napoléon quelque goût au travail. Il dicta encore à Montholon et à Marchand des fragments sur ses campagnes, des notes sur sa politique extérieure, des réflexions sur le suicide, un projet de constitution...

Mais ce n'était plus guère que la nuit ou dans les jours pluvieux qu'il passait ainsi le temps. Quand il faisait beau, un avertissement secret de l'être lui faisait quitter ses chambres closes et sombres ; souvent il n'y rentrait qu'à la tombée du soleil.

 

 

 



[1] Antommarchi avait été recommandé à Fesch par Colonna Leca, intendant de Madame Mère, qui l'avait connu à Florence. Il était né à Morsiglia (Corse) en 1789. Planat disait de lui à Louis Bonaparte : C'est un homme qui n'a aucune connaissance et qui est tout simplement préparateur des dissections à l'amphithéâtre de Florence. Et sir John Webb écrivait à lord Burgesh, ministre anglais à Florence : Je tiens de source sûre qu'il possède plus de talent pour l'intrigue que de connaissances médicales... Il a beaucoup d'audace et pour cette raison donne généralement l'impression d'être plus capable qu'il ne l'est.

[2] Antonio Buonavita avait 67 ans. Le cardinal-vicaire, de l'aveu même de Fesch, lui avait fait en vain observer que le grand âge du sieur Buonavita, aggravé encore par une attaque d'apoplexie, ne permettait pas de supposer qu'il fût d'un grand secours à la colonie de Sainte-Hélène. Et Fesch mandait naïvement à Las Cases : Ce prêtre, il est vrai, a souffert d'un accident ; parfois il ne peut pas s'exprimer... Mais il est plein de courage et de dévouement et il est habitué aux chaleurs de la zone torride.

[3] Vignali écrivait pourtant le français de façon suffisante. Nous avons une lettre de lui, datée de Rome, 10 décembre 1821, et adressée à Montholon, qui montre une écriture et un style fort courants.

[4] Jacques Chandellier était en 1813 page-rôtisseur aux Tuileries. Agé de 21 ans, il était de pauvre santé, mais intelligent, probe et dévoué. Il avait dit à Pauline que pour l'honneur de servir l'Empereur, il irait jusqu'à la Nouvelle Hollande s'il le fallait. Il refusa une somme d'argent que voulait lui donner la marquis de Douglas et ne s'inquiéta aucunement de ses gages.

Coursot avait été domestique de Duroc. C'était un brave homme, mais qui connaissait peu son nouveau service et, à son arrivée, ne savait même pas faire de café.

[5] 15 juillet 1821. Dans une lettre du 11 juillet, encore à Planat, Pauline précisait d'autres et pénibles détails : Nous avons depuis deux ans fait tout, Louis et moi, pour détruire les impressions de cette sorcière, mais tout a été inutile ; mon oncle nous a caché les nouvelles et les lettres qu'il recevait de Sainte-Hélène, disant que ce silence devait nous convaincre assez !

Maman est dévote et donne beaucoup à cette femme qui est liguée avec son confesseur, qui lui-même est le bras droit d'autres prêtres encore. Tout cela est une intrigue affreuse et Colonna soutient tout cela. Il est à l'église du matin jusqu'au soir.

Pauline ajoutait : Madame et le cardinal ont voulu m'entraîner dans leur croyance ainsi que mon frère Louis, mais, voyant que nous cherchions tous deux les moyens de les tirer de leur aveuglement et que nous finissions par nous moquer de leur crédulité, je dois taire les scènes, les querelles et le refroidissement que leur conduite a naturellement amenés entre nous.

Cette lettre de Pauline témoigne que dans les derniers temps Louis, jusque-là indifférent ou hostile, avait changé de sentiments vis-à-vis de Napoléon.

[6] La nouvelle fut démentie par Catherine, ce qui ne démonta point Fesch. Je ne sais, écrivait-il à Las Cases le 5 décembre, quels moyens Dieu emploiera pour délivrer l'Empereur de sa captivité, mais je ne suis pas moins convaincu que cela ne peut pas tarder.

[7] Le 27 février 1819, il mandera à Las Cases : La petite caravane est partie de Rome au moment où nous-mêmes croyions qu'ils n'arriveront pas à Sainte-Hélène parce qu'il y a quelqu'un qui nous assure que, trois ou quatre jours avant le 19 janvier, l'Empereur a reçu la permission de sortir de Sainte-Hélène et qu'en effet les Anglais le portent ailleurs. Que vous dirai-je ? Tout est miraculeux dans sa vie et je suis très porté à croire ce miracle.

Et le 31 juillet, au même : Quoique les gazettes et les Anglais veuillent toujours insinuer qu'il est toujours à Sainte-Hélène, nous avons lieu de croire qu'il n'y est plus et bien que nous ne sachions ni le lieu où il se trouve ni le temps où il se rendra visible, nous avons des preuves suffisantes pour persister dans nos croyances... Il n'y a pas de doute que le geôlier de Sainte-Hélène oblige le comte Bertrand à vous écrire comme si Napoléon était encore clans ses fers...

L'aberration ne se dissipera, comme on le verra, qu'au retour de Buonavita, porteur d'une lettre de Montholon à Pauline, datée du 17 mars 1821. Quand les yeux de Madame Mère furent dessillés, son fils était mort depuis deux mois.

[8] Journal de Verling, 20 septembre 1819. L'Empereur ne reçut ce premier soir que les deux domestiques, Coursot et Chandellier, à qui, pendant une heure, il posa des questions sur sa famille. Coursot dit que Madame était triste et résignée et que jamais elle ne se mettait à table sans dire : Si je pouvais envoyer ce dîner à mon fils !...

Napoléon parut satisfait d'eux. Il dit à Marchand de leur assigner 2.500 francs de gages et de les faire installer par Pierron dans leur emploi.

[9] Verling, Journal, 20 septembre 1819 : Un sauvage, dit-il. Et Montholon, écrivant à sa femme le 31 octobre : Un montagnard corse dont l'éducation n'a point altéré l'enveloppe sauvage et brute.

[10] Antommarchi reçut le logement jadis occupé par O'Meara, Buonavita celui de Gourgaud, Vignali celui de l'officier d'ordonnance qui prit une chambre vacante dans la maison de Montholon. Les trois Corses devaient faire table commune. Chacun eut un Chinois pour le servir.

[11] J'attends avec impatience, écrivait Montholon à sa femme le 31 juillet, l'arrivée des trois prêtres ou médecins que les journaux nous annoncent, et s'ils sont à la hauteur de leurs rôles, je quitterai le sol maudit de Longwood !

[12] Au total la bâtisse et l'aménagement devaient coûter un peu plus de 32.000 livres sterling, ce qui équivaut environ à 8 millions de notre monnaie présente. Mais on ne doit pas oublier que la construction, comme tout le reste, était chère à Sainte-Hélène. Les mesures suivantes relevées pour le seul appartement de Napoléon donneront une idée de l'importance de la maison la salle de réception a 38 pieds sur 22, la salle à manger 26 sur 22, la bibliothèque 28 sur 25. Hauteur des pièces, 14 pieds, soit près de 5 mètres.

[13] Peu après tout l'appartement fut également tapissé de neuf. A cette époque, l'Empereur dormait de préférence dans la petite pièce ouvrant sur la salle à manger.

Quelque temps, comme il faisait chaud, il coucha dans le parloir, sur un lit de cuivre, qui avait été acheté jadis par Mme de Montholon. Mais un pied s'étant cassé et l'Empereur se trouvant mieux dans ses petits lits, il le rendit à Montholon.

Le billard avait été donné aux domestiques, qu'il avait surpris à y jouer comme il se promenait. On le logea dans une chambre construite en bois et couverte de toile qui ouvrait sur la galerie derrière le bâtiment occupé par Napoléon. (Aly, 189.)

[14] Le 19 juillet. Le 27, Montholon fit un plan d'agrandissement des jardins. (Journal de Nicholls, 19 et 27 juillet 1819.) Antommarchi ne lui en donna donc pas l'idée, comme il l'affirme. Napoléon voyait, dit Marchand, dans cette entreprise un moyen de distraction pour lui et la colonie, mais il y trouvait aussi l'avantage de repousser de la maison le cordon de sentinelles qu'on y posait chaque soir à neuf heures. (Inédit.) Le 3 août 1819, Montholon écrivait à sa femme qu'on s'occupait depuis quelques jours d'augmenter le petit jardin.

[15] Il avait fait placer une grosse cloche contre le mur de la maison. (Lowe Papers, 20,130.)

[16] A ce moment onze Chinois étaient employés à Longwood. (Rapport Blakeney, 2 août 1818, Lowe Papers, 20.130.)

[17] Aly, 206. Aly nous a donné ici la scène la plus vivante et sans doute la plus exacte que nous ayons sur ce temps de la captivité.

[18] L'Empereur ne dictait plus que par intermittences. Mais il faisait faire encore, par Aly surtout, de nombreuses copies.

[19] Celle dont on se servira en guise de bassin.

[20] Un savetier est plus heureux que moi ! l'entendit soupirer Aly (242). Celui-là au moins a auprès de lui sa femme et ses enfants !

[21] Les détails donnés par Aly sont confirmés en tous points par les rapports du capitaine Lutyens, qui remplaça Nicholls comme officier d'ordonnance le 10 février 1820. (Lowe Papers, 20.129.)

[22] Dans les dentiers mois de 1820, Napoléon fera élever à l'extrémité de ce mur un tertre d'environ deux mètres de haut sur lequel on établit un kiosque en toile à voiles, éclairé par des châssis vitrés. On le tapissa à l'intérieur de mousseline. L'Empereur le destinait à servir d'observatoire pour mieux voir la mer et l'arrivée des navires qui, venant du Cap, contournaient l'île. La maladie l'empêcha de l'utiliser. (Aly, 193.)

[23] Ce premier bassin existe toujours. L'Empereur s'y baigna une fois.

[24] Longwood, plateau élevé, n'a pas de source. L'eau y était mesurée. Hudson Lowe avait entrepris de grands travaux d'adduction qui ne furent achevés que vers le milieu de 1820 et qui fournirent dès lors l'eau plus abondante et meilleure qui alimente encore Longwood aujourd'hui.

[25] Cette cuve, de 12 pieds de diamètre, en plomb, avait été confectionnée par Gordon, le chaudronnier borgne de Jamestown. Quand il l'apporta à Longwood, Napoléon, satisfait, lui donna un verre de yin de sa propre main, (Lowe Papers, 20.129.)

[26] Aly, 202. Avec M. Colin, conservateur de Longwood, et aidé des Souvenirs du Mameluck, l'auteur a pu par un arpentage retrouver de façon exacte les emplacements des jardins de l'Empereur. M. Colin en a dressé par la suite et pour la première fois un plan complet.

[27] Cette volière, rapportée par le grand-maréchal en 1821, se trouve à Châteauroux dans le musée Bertrand.

[28] Plus tard, quand on servait des légumes ou une salade à l'Empereur, il demandait toujours s'ils venaient de son jardin. Si l'on répondait oui, et pour lui plaire on le faisait d'habitude, il disait :

— Enfin, toutes nos peines ne sont pas perdues ; nos jardins nous nourrissent.

Comme l'un ou l'autre des valets souriait :

— Comment, coquin, tu ris, s'écriait-il. Et lui-même riait. (Aly, 210.)

[29] Ces poules appartenaient non au cuisinier Chandellier, comme le dit Marchand, mais à Noverraz qui se fâcha et demanda à quitter le service de l'Empereur. (Lowe Papers, 20.129.) Lowe ne donna pas suite à cette requête.

[30] Montchenu dit à Lowe que Napoléon avait dû faire ouvrir la porte du jardin pour attirer les bœufs de la Compagnie et les tuer ensuite commodément.

— Vous croyez ? demanda Lowe. — Je n'en doute pas, répliqua Montchenu, il sait que vous vous servez de ces bœufs et il a voulu vous en priver et peut-être vous prouver qu'il peut encore se faire craindre. (Lowe Papers, 20.129.)

Hudson Lowe écrivit en Angleterre pour demander, au cas où Napoléon par malchance ou maladresse aurait tué un homme, s'il pourrait être jugé et quelle serait la sanction. (Lowe Papers, 20.129.)

[31] Lowe Papers, 20.233. Il informa Bathurst qui invita Lowe à faire avoir au général Buonaparte que, s'il désirait telles plantes du Cap ou de quelque colonie anglaise, on s'empresserait de les lui envoyer. (Bathurst à Lowe, 2 juin 1820.)

[32] Quoi qu'en dise Seaton, la visite de la belle-fille de Lowe, qui n'est pas seulement racontée par Montholon (II, 401), mais par Marchand, parait certaine. M. Fr. Masson l'a pensé comme nous. (Revue des Deux Mondes, 15 mai 1921). Suzanne Johnson ne se vanta pas de son escapade à son beau-père qui semble l'avoir toujours ignorée.