Arrivée de Paul à Rome. — État de l'Église chrétienne de cette ville. — Les Juifs de Rome. — Paul devant Néron. Son acquittement. — Des conversions opérées par l'Apôtre. — Chrétiens de la maison impériale. — L'échanson et la concubine de l'empereur. — Prétendus entretiens de Sénèque et de Paul.C'était depuis plusieurs années un projet arrêté dans l'esprit de Paul de visiter la capitale du monde païen et l'Église que Pierre y avait fondée[1]. L'homme ardent et intrépide qui avait souffert huit fois les verges et la prison, qui avait été une fois lapidé, trois fois naufragé, en courant annoncer la loi nouvelle dans d'obscures cités de Grèce et d'Orient, devait ambitionner pour sa parole et pour ses souffrances un champ plus vaste et des dangers plus profitables au christianisme. Ce désir entra sans doute pour beaucoup dans la résolution qu'il prit d'en appeler au tribunal de César. On sait dans quel état il débarqua sur le sol romain. Il faisait partie d'une troupe de prisonniers que Festus, suivant l'usage des gouverneurs, envoyait à Rome sous la garde d'un centurion. Luc et Aristarque de Thessalonique l'accompagnaient volontairement. Ils prirent terre à Puteoli, port de mer, situé sur le golfe de Cumes, non loin de Baies et de Naples, à 40 milles environ de Capoue et de la voie Appienne, et à 130 milles de Rome. Quelques familles juives habitaient depuis longtemps cette ville[2] ; l'Évangile y avait aussi pénétré, et les chrétiens qui y résidaient, apprenant l'arrivée de Paul, déjà connu d'eux par sa renommée et par sa lettre aux Romains, s'empressèrent autour de lui, le forçant à accepter l'hospitalité durant sept jours. Les frères de Rome, prévenus à leur tour, vinrent à sa rencontre jusqu'au marché d'Appius, forum Appii, à la descente du bateau qui traversait les marais Pontins par le canal de César. Il y avait dans ce lieu de passage un perpétuel encombrement de matelots, de voyageurs, de cabaretiers[3]. Dix milles plus loin, aux Trois-Loges, une nouvelle députation les rejoignit. Cet hommage rendu au nouveau venu était peut-être une coutume que les chrétiens avaient empruntée des Juifs. Car nous lisons dans Josèphe qu'à l'arrivée d'un prétendu fils d'Hérode en Italie, les Juifs de Puteoli et ceux de Rome vinrent à sa rencontre, absolument comme les chrétiens au-devant de l'Apôtre[4]. Ainsi cheminait saint Paul, enchaîné parmi des prisonniers, et escorté, à quelque distance, d'une foule respectueuse : les deux troupes suivaient la voie Appienne où se croisaient d'innombrables voyageurs en litière, à pied, à cheval, en voiture[5]. On était au printemps de 61[6]. Le préfet du prétoire à qui furent remis les prisonniers était Burrhus. Il permit à Paul de résider où il voudrait, sous la surveillance d'un soldat au bras de qui il restait attaché. Félix, Festus et le centurion Julius avaient usé des mîmes ménagements envers leur prisonnier[7] ; il n'est donc pas étonnant que Burrhus, sur les renseignements favorables qui lui étaient transmis, ait montré une égale indulgence. Gardé à vue par un soldat, que remplaçaient tour à tour ses camarades, et accompagné de Luc, d'Aristarque et des chrétiens de cette ville, Paul loua un appartement suivant l'usage des étrangers à Rome[8] ; il est probable qu'il le choisit dans le quartier juif, non loin de la rue et de la place Aurélia, où habitait la colonie israélite ; c'était aussi le quartier où l'on trouvait le plus grand nombre de maisons à louer[9]. Son premier soin fut de convoquer les principaux d'entre les Juifs[10] ; enchaîné à un gardien inséparable, il lui était impossible de se rendre lui-même, selon sa coutume, à la synagogue. Comme à l'ordinaire, il en convertit quelques-uns et souleva les autres contre lui[11]. Pendant deux ans, dit son historien, il resta dans cette demeure, recevant tous ceux qui venaient à lui, et leur annonçant le royaume de Dieu, en pleine sécurité, et sans empêchement[12]. Voilà tout ce que nous apprennent les Actes sur son séjour à Rome, et c'est ici que commencent les hypothèses. Quels étaient ces hommes qui venaient s'instruire auprès de l'Apôtre ? Quelles sont les conversions qui signalèrent sa prédication pendant ces deux années ? Avant d'examiner cette question particulière, il importe de rechercher quelle était la situation de l'Église de Rome en 61. Elle avait été fondée par saint Pierre en 42[13]. En 58, Paul écrivant aux membres de cette Église parlait de leur foi déjà célèbre dans toutes les communautés chrétiennes de l'univers[14]. On ne peut pas dire avec précision quel était lé nombre des chrétiens de Rome à cette époque, ni de quels éléments se composait leur Église. Selon toute apparence, elle comprenait, à l'origine, beaucoup de Juifs et de prosélytes convertis ; ce qui le prouve, ce sont les noms grecs de la plupart des membres nommés dans l'Épître de saint Paul[15] ; c'est surtout cette Épître même, écrite pour concilier les droits nouveaux des gentils avec les anciennes prérogatives des Hébreux. On peut dire encore, par un argument emprunté à une époque postérieure, que si les premiers chrétiens avaient compté parmi eux beaucoup de Romains, Néron n'aurait pas imaginé d'apaiser le peuple de Rome par leur supplice. Il semble donc qu'originairement l'Église de Rome se composait en grande partie d'étrangers, Juifs, Grecs et Orientaux. Quant au nombre des néophytes, nous ne pensons pas qu'il s'élevât alors au delà de deux ou trois mille ; peut-être même serait-il raisonnable de le réduire à quelques centaines. La colonie juive tout entière ne dépassait pas huit mille hommes[16], et ses chefs, convoqués par Paul, étaient encore mal instruits de ce qui concernait le christianisme[17]. Or, la population totale de Rome peut s'évaluer à près de deux millions et demi d'habitants[18] : un million de citoyens, un million d'esclaves, et plusieurs centaines de mille d'étrangers. Des villes municipales, des colonies, de la terre entière, on se rendait à grands flots dans cette capitale, où les plus grandes récompenses étaient décernées aux vertus et aux vices[19]. C'est la patrie du genre humain, ajoute Sénèque ; c'est le cloaque de l'univers, dit Tacite[20]. Les villes modernes les plus populeuses et les plus brillantes ne donnent qu'une idée imparfaite de cet immense rendez-vous du monde ancien, où toutes les conditions, toutes les religions, tous les métiers se trouvaient réunis et entassés dans un circuit d'environ douze milles, sous la garde de quelques soldats[21]. Au sein de cette agglomération monstrueuse, de ce mélange bizarre et disparate d'Italiens, de Grecs, d'Asiatiques, d'Égyptiens, d'Africains, de Gaulois et d'Occidentaux, pour combien comptaient huit mille Juifs et quelques milliers de chrétiens ? En face de l'île formée par le Tibre, s'étendait un faubourg souvent inondé par les crues du fleuve ; là, dans des rues étroites, irrégulières et sombres, habitait le bas commerce de Rome, marchands d'allumettes, trafiquants de vieux cuirs et de verres cassés, vendeurs ambulants, foule criarde, qui descendait journellement du Janicule aux ponts Cestius et Fabricius. C'est dans ce quartier, d'apparence misérable, mais sans cesse animé des mille bruits du petit négoce, que la colonie juive avait fixé sa résidence[22]. S'il est permis de raisonner d'après de constantes analogies, saint Pierre et saint Marc, en arrivant à Rome, se rendirent d'abord à la synagogue, et firent leurs premières conquêtes parmi les Hébreux et les prosélytes. C'est donc cette région qui vit les premiers chrétiens ; c'est de là que l'Évangile s'avança à la conquête de l'immense cité. C'est de ce même côté, pensons-nous, que Paul vint louer un appartement. Tout nous porte à croire que les chrétiens, à cette époque, étaient ignorés du gouvernement, ou du moins considérés comme une secte juive, appelée par la synagogue secte des nazaréens[23]. Les magistrats, dédaignant ces querelles religieuses, comme nous l'avons vu à Corinthe et à Jérusalem, n'intervenaient que pour rétablir la paix publique, lorsqu'elle était troublée par l'animosité des factions. Or, l'établissement du christianisme mit, en feu le quartier juif à Rome, aussi bien que dans les provinces ; les Juifs de cette ville, suivant Cicéron, étaient particulièrement séditieux et turbulents[24] ; aussi les désordres devinrent si fréquents et si intolérables, que l'empereur Claude bannit de Rome et de l'Italie tous les Israélites[25] : Judæos, impulsore Chresto, assidue tumultuantes, Roma expulit[26]. Ce passage de Suétone ; dont le sens est plus clair pour nous que pour l'auteur lui-même, prouve qu'à Rome, comme ailleurs, les premiers chrétiens étaient confondus avec les Juifs, et que le gouvernement pensait à ce sujet comme Félix et Festus : Ce sont des questions de mots, et des discussions touchant leur loi et un certain Jésus, ou Christ, que les uns disent mort, tandis que les autres le croient vivant[27]. Rapprochés par une origine commune et par la ressemblance apparente de certaines croyances et de certaines pratiques, le judaïsme et le christianisme se distinguaient difficilement aux regards peu clairvoyants des païens, et il fallut l'accroissement extraordinaire de l'Église, la haine acharnée de la synagogue contre les chrétiens, pour faire ressortir les différences profondes qui séparaient deux religions dont l'hostilité était si vive et la puissance si inégale[28]. Encore voyons-nous pendant plusieurs siècles bon nombre d'écrivains renouveler la même confusion, soit à dessein, soit par ignorance. Nous devons donc, pour bien juger de l'état du christianisme à Rome en 61, compléter ce que nous avons déjà dit des Juifs de cette ville. L'esprit aventureux et mercantile de ce peuple avait conduit sur les bords du Tibre quelques familles israélites, probablement vers le temps où Judas Macchabée conclut un traité avec le sénat[29]. La colonie grossit rapidement ; elle s'augmenta des prisonniers de guerre, amenés par Pompée et Gabinius, et qui, une fois affranchis, se joignirent à leurs compatriotes[30]. Enhardis par la licence que le conflit des partis laissait régner dans Rome, ces nouveaux venus jouèrent quelque rôle dans les assemblées du forum par les désordres qu'ils y excitaient. Cicéron qui s'en plaint, et qui peut-être avait eu à en souffrir, remarque qu'ils agissaient avec beaucoup d'ensemble et une parfaite union[31]. Auguste leur permit de participer aux distributions de blé faites au peuple ; si elles avaient lieu un jour de sabbat, la part des Juifs leur était remise le lendemain[32]. Tombés dans la disgrâce de Caligula et de Néron, malgré le séjour momentané de quelques-uns de leurs princes à la cour impériale, flétris par le mépris public, comme nous l'avons dit plus haut, ils ajoutaient encore à la répugnance qu'inspiraient leurs mœurs étranges, par la bassesse des métiers et des trafics auxquels ils se livraient. Un Juif à Rome était revendeur, marchand ambulant des faubourgs, ou bien un de ces mendiants que Martial met au nombre des embarras de la ville[33], un interprète de songes[34], un diseur de bonne aventure[35] ; quelques-uns expliquaient pour de l'argent les lois de Moïse[36]. Aux yeux des Romains, Juifs, Égyptiens, Chaldéens, astrologues, Grecs au petit manteau, prêtres d'Isis et de Cybèle, bouffons, jongleurs, se confondaient dans une seule et même tourbe, qui toujours bafouée, souvent bannie, revenait avec opiniâtreté. Malgré le mépris dont ils étaient l'objet, les Juifs, comme nous l'avons prouvé, ne laissaient pas que d'exercer une certaine influence, par leurs mœurs et leurs doctrines, sur la population romaine. Juvénal nous représente une Juive s'introduisant dans la maison d'une matrone à qui elle traduit et commente la Bible[37]. Si pour beaucoup de Romains et surtout de Romaines c'était affaire de superstition ou de pure curiosité, on peut croire qu'il y eut des conversions sincères. Cette Pomponia Græcina, dont la tristesse pleine de dignité contraste avec le dévergondage des Messalines du temps, et qui eut à se justifier, au péril de sa tête, devant sa famille et son mari, de s'être affiliée aux superstitions étrangères[38], peut être considérée comme une véritable prosélyte, attachée de cœur au culte du vrai Dieu. Quelques-uns même veulent que ce soit une des premières chrétiennes de Rome[39]. Au contraire, nous rangerons parmi les femmes superstitieuses dont parle Juvénal, qui appelaient auprès d'elles les Juifs, en même temps que les Chaldéens et les prêtres d'Isis, l'impudique Poppée, qui craignait Dieu, dit Josèphe, et protégeait Israël à la cour[40]. Sous le règne de l'ibère, une autre femme de condition, nommée Fulvie, fut pareillement gagnée au judaïsme ; sur les plaintes de Saturninus, son mari, Tibère exila de Rome tous les Juifs[41]. Les persécutions exercées contre les Juifs eurent donc pour motif l'ardeur de prosélytisme qui les animait, non moins que leur turbulence. Par ces mesures sévères, le gouvernement voulut punir et réprimer leur active propagande, comme il sévissait contre la religion égyptienne et les excès des astrologues[42]. Il voyait le peuple romain cerné et assiégé par un débordement d'étrangers, dont les mœurs, les lois, la langue, les croyances tendaient à envahir la cité ; c'était une pression continuelle, une attaque sans cesse renouvelée sous des formes multiples ; de temps en temps il s'armait de rigueur et repoussait l'invasion[43]. L'élément chrétien vint à son tour pénétrer cette masse immense. On peut dire qu'il entra dans la société romaine, là comme ailleurs, par la voie que le judaïsme y avait ouverte. Se détachant bientôt de cet auxiliaire changé en ennemi, il s'avança de lui-même, combattit et triompha par ses propres forces. Il est donc facile, d'après ce qui précède, de se représenter le premier travail de l'influence chrétienne à Rome, et les traits sous lesquels l'Église apparut d'abord aux yeux des Romains. Comme nous l'apprennent les Épîtres de saint Paul et les écrits des apologistes, la prédication évangélique[44] agit d'abord sur les dernières classes de la société, sur des esclaves, des affranchis, des femmes, des artisans, sur tous ces rebuts de l'espèce humaine que foulaient aux pieds l'aristocratie et le peuple romain ; de plus, il se glissa parmi les convertis des hypocrites, des hérétiques, des libertins qui apostasièrent ensuite et, mêlés aux Juifs, décrièrent la religion que leurs vices avaient déshonorée[45]. Les païens, qui apercevaient dans l'Église du Christ une multitude d'hommes de toute race, qu'ils étaient habitués à mépriser et dont ils ne connaissaient que la condition misérable et les métiers abjects, ne trouvaient pas d'expressions assez fortes pour la flétrir. Ils la chargèrent de tous les opprobres accumulés sur la tête des Juifs, des Égyptiens, des Orientaux et des Grecs qu'ils voyaient dans ses rangs, et la traitèrent comme l'une de ces superstitions malfaisantes dont Rome était infestée. Ainsi s'explique l'opinion de Tacite et de Suétone ; les termes[46] dont ils se servent, et qui à première vue nous étonnent, sont l'expression vraie du sentiment public au sujet du christianisme naissant. Lorsque de leur maison patricienne ou du palais de César[47], ils jetaient les yeux sur ces misérables, appelés chrétiens par dérision, disciples de Chrest, et cachés dans les bas faubourgs du Tibre, ils étaient loin de se douter de la beauté morale des lois qui réglaient cette association soupçonnée d'infamies, et de discerner dans l'obscurité de ses commencements l'éclat de cette doctrine nouvelle qui allait bientôt illuminer les souillures du paganisme[48]. Après avoir éclairci la question générale de l'établissement du christianisme à Rome, venons aux faits particuliers qui nous restent à examiner. Nous avons laissé Paul au milieu des fidèles attirés par
le bruit de son arrivée, et qui sans doute venaient de jour en jour lui
amener leurs parents, leurs amis, tous ceux qu'un avant-goût du royaume de
Dieu, une curiosité frivole ou sérieuse, une instruction préparatoire
disposaient à entendre la parole apostolique. Demeura-t-il pendant deux ans,
comme prisonnier, dans la maison qu'il avait louée et qu'il habitait sous la
garde d'un soldat ? Ou bien, pouvait-il aller prêcher, comme à Corinthe et à Éphèse,
dans les maisons des chrétiens, dans quelque cœnaculum
plus vaste que le sien ? Quoi qu'il en soit, ce serait une grave erreur que
de se représenter Paul sur les places, dans les jardins publics, dans les
carrefours, armé d'une croix, et convertissant par un discours le tiers ou le
quart de la population[49]. Les choses
n'allaient pas ainsi. Cette prédication en plein air n'était guère possible
qu'en Judée, sur les montagnes, aux bords des lacs et des torrents de La présence de l'Apôtre redoubla le zèle des chrétiens de Rome ; un mouvement inaccoutumé se fit parmi eux ; l'Évangile fut annoncé avec plus de hardiesse et de confiance ; l'éloquent prisonnier, dont la parole n'était point enchaînée, inspirait à tous son courage et son audace[51]. Nous pouvons donc rapporter à cette époque une augmentation notable dans le nombre des fidèles ; on peut penser aussi que le gouvernement romain, s'éclairant par degrés sur l'existence et les progrès du christianisme, commença à s'apercevoir que ce n'était point seulement une secte juive en dispute avec ses coreligionnaires sur une question de mots, mais une religion nouvelle qui aspirait à se détacher du judaïsme et à se rendre indépendante. Au milieu des soins que réclamait l'Église de Rome, Paul n'oubliait pas les chrétiens d'Orient. Il écrivit aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens[52], pour les maintenir dans la foi et dans le devoir. Toutes ces lettres parlent de sa captivité, qui fut longue, et portent pour ainsi dire la marque de ses liens. Il en est une qui abonde en métaphores empruntées à l'art militaire[53] ; l'armure spirituelle du chrétien y est comparée aux armes romaines : on sent qu'elle a été écrite en face de ces gardiens que le Prétoire lui envoyait chaque jour et qui étaient les témoins étonnés de ses discours et de sa puissance. Peu à peu, le bruit de la prédication de l'Apôtre divulgué par les soldats se répandit dans le Prétoire. On sut qu'il était prisonnier pour la cause du Christ, qu'il annonçait la doctrine du Christ, faisait des prosélytes au nom du Christ[54] ; ce nom, répété dans les conversations militaires, parvint facilement jusqu'à l'empereur. Faut-il inférer de là qu'il y eut des conversions dans le Prétoire, et que la parole évangélique fut toujours bien comprise et bien appréciée des soldats italiens, qui composaient la garde prétorienne ; ou bien encore, que l'Apôtre fit usage, en cette occasion, de moyens surnaturels ? Rien dans le passage cité de l'Épître aux Philippiens n'autorise cette supposition. Paul se borne à dire que la cause de sa captivité fut bientôt connue de ses gardiens, et que tous les soldats s'entretenaient du prisonnier qui prêchait une religion nouvelle et un Dieu inconnu. Tel est le sens exact de ses paroles. La tolérance dont on usa envers lui, et qui profita aux chrétiens en les encourageant, s'explique par le peu de crainte qu'il inspirait et par le peu d'importance qu'on accordait alors à la prédication. Le prétoire dont parle l'Épître n'était probablement pas le camp prétorien, situé hors des murs, mais un poste attenant au palais, où les prisonniers étaient conduits à leur arrivée, et où ils venaient, au besoin, comparaître[55]. Ce qui est certain, c'est que non-seulement le nom du
Christ pénétra dans le palais impérial, mais que l'Évangile y fit des
conquêtes parmi les esclaves de César[56]. Pour qui
connaît la composition d'une maison romaine, d'une familia romana, le nombre infini d'esclaves de tout âge, de toute
nation, de toute couleur[57], qu'elle
renfermait, rien d'étonnant que les apôtres y aient trouvé des Juifs, des
prosélytes, dont ils firent des chrétiens, et par l'intermédiaire desquels
ils purent convertir des idolâtres. A Rome, la maison d'un grand comptait
plusieurs centaines, quelquefois plusieurs milliers d'esclaves ; l'histoire
cite de riches particuliers qui en eurent dix mille, vingt mille ; Auguste et
Livie en possédaient plus de six mille à la ville seulement[58]. Jamais le
maître ne connaissait tous ses serviteurs et n'était connu d'eux ; un nomenclateur lui disait leurs noms et
interprétait leur langage ; quelques favoris exerçaient le commandement par
délégation. Que devait être la maison de Néron, où, sans parler du personnel
immense des domestiques inférieurs, une troupe de baladins et d'histrions
étrangers vivait des caprices du maître ? Tel est le résultat connu de la prédication de Paul durant ces deux années[61]. Pendant que ces événements de si grande conséquence s'accomplissaient en secret, à quelques pas du Capitole, le train des affaires, des plaisirs et des cruautés de la grande ville continuait le luxe insolent des grands, la basse avidité des clients, la dépravation féroce de la multitude s'étalaient sur ces places et dans ces larges rues où roulait à flots pressés une population bruyante. Sur la scène du monde païen, au grand jour de la vie publique, Néron tuait sa mère, répudiait sa femme, épousait sa concubine, perdait Burrhus, disgraciait Sénèque, et se faisait cocher, joueur de lyre et comédien (61-63). Le moment de comparaître devant l'empereur était arrivé. Pour expliquer ce délai de deux années, on a dit que les accusateurs de Paul n'avaient pu s'embarquer, au plus tôt, que pendant l'été de 61 ; qu'ils avaient dû recueillir les dépositions de témoins éloignés, faire venir ces témoins eux-mêmes, préparatifs et formalités qui prirent aisément un certain nombre de mois[62]. Une autre raison, non moins plausible, c'est la multitude des causes pendantes au tribunal de César, et la paresse ordinaire à un juge capricieux et irresponsable[63]. L'histoire mentionne une ambassade juive envoyée à Rome dans le cours de l'année 61. Elle avait pour chef le grand prêtre Ismaël, et venait s'expliquer au sujet d'un mur du temple, voisin du palais d'Agrippa, et très-incommode pour ce prince[64]. Peut-être fut-elle chargée, en outre, de poursuivre l'affaire commencée contre l'Apôtre[65]. Ce n'était pas la première fois que des députés juifs venaient à Rome exprimer un vœu ou déposer une plainte. Sous Auguste, cinquante ambassadeurs de cette nation demandèrent l'éloignement du roi Archélaüs. Ils furent entendus dans le temple d'Apollon, avec une certaine solennité, et éconduits[66]. D'autres, plus heureux, obtinrent de Claude la condamnation de Cumanus et des Samaritains. Les parties avaient fait agir des influences ; mais les affranchis de l'empereur, qui appuyaient les Samaritains, ne purent l'emporter sur le crédit d'Agrippine, qui intervint en faveur des Juifs[67]. En l'an 60, des prêtres furent envoyés à Rome par Félix, pour se disculper de certains griefs qui pesaient sur eux ; l'historien Josèphe, âgé de vingt-six ans, les accompagnait. Aliturus, comédien juif, assez bien en cour, leur concilia la faveur toute-puissante de Poppée. Un an après, Ismaël et ses collègues réussirent par les mêmes moyens[68]. Il était donc naturel de supposer que les ennemis de l'Apôtre avaient eu recours à la protectrice ordinaire des Juifs ; et l'on s'est demandé comment l'accusé avait pu résister à cette ligue. Mais remarquons que l'intervention de Poppée, la poursuite des Juifs et le procès tout entier sont de pures hypothèses. Paul fut-il acquitté ? On ne le sait pas avec certitude[69]. Fut-il même accusé de nouveau ; et ne peut-on pas supposer que les Juifs, rebutés par deux échecs et satisfaits de son départ, ont négligé de le suivre jusqu'au tribunal de César ? Toutefois, l'opinion qui a prévalu, c'est que le procès s'instruisit derechef et que l'accusé fut acquitté[70]. Mais est-il étonnant qu'on ait absous à Rome un innocent contre qui un grief n'était formulé avec précision, et que n'avaient pas condamné en Palestine des juges peu scrupuleux, obsédés par des accusateurs influents ? L'affaire, nous l'avons vu, n'était pas du ressort des tribunaux romains ; Néron ne la comprit pas mieux que ses lieutenants en Judée, et sa décision confirma leur sentence. L'Apôtre prit-il occasion de sa défense pour exposer devant l'empereur la doctrine de Jésus ? Sans soulever ici des questions impossibles à résoudre, disons que le procès, dans ses détails essentiels, fut ce qu'il avait été à Césarée, et que si l'Apôtre parla de la religion nouvelle, Néron en pensa comme Gallion, Félix et Festus. C'est du moins ce qu'il y a de plus probable. En 63, après son acquittement, Paul partit de Rome et retourna en Orient. Il visita Philippes, Éphèse, Colosses, Laodicée, la Crête[71] ; peut-être alla-t-il d'abord d'Italie en Espagne ; du moins il en avait conçu le projet quelques années auparavant[72]. Il ne faut point demander ce qu'il fit à cette époque, dit judicieusement Tillemont. Il fit ce qu'il avait fait auparavant. Il entreprit de nouveaux voyages, il courut diverses nations, pour y porter le flambeau de l'Évangile. Il souffrit de nouveau les chaînes, les tourments, les combats, les prisons, les embûches, les calomnies, les menaces d'une mort toujours présente[73]. Parmi les événements qui signalèrent le premier séjour de Paul à Rome où placer sa liaison, prétendue avec Sénèque ? Voyons-nous quelque circonstance favorable à cette conjecture ? Serait-ce Burrhus qui, à l'arrivée du prisonnier, aurait attiré sur lui l'attention de son collègue ? Croit-on que ce ministre, ce chef du prétoire, ait mis au rang de ses soucis d'écouter un étranger, un barbare, qu'on lui dépeignait comme un superstitieux, si toutefois on lui parla du nouveau venu ? Était-ce le seul prisonnier qui, de tous les points de l'empire, fût entré au prétoire depuis que Burrhus en avait la direction ? Croit-on d'ailleurs que cet homme de guerre ait été très-disposé à écouter l'exposition des dogmes de la religion chrétienne, et très-capable de les comprendre ? On a pensé que le jugement de l'Apôtre avait fourni à
Sénèque une occasion de l'entendre et de s'intéresser à sa personne et à sa doctrine
; on a même prétendu que son crédit avait contrebalancé celui des Juifs et de
Poppée. Avant tout, il faudrait prouver que ce jour-là Sénèque était au
nombre des assesseurs de Néron ; et quant à son intervention supposée, on
oublie qu'en 63 il avait beaucoup de peine à se soutenir à la cour, loin de
pouvoir l'emporter sur l'impératrice[74]. Admettons qu'il
ait entendu l'Apôtre. Celui-ci prêchait, il est vrai, un Dieu unique,
immatériel ; mais il annonçait aussi un Dieu fait homme, enfanté par une
vierge, mort en croix, ressuscité, retourné au ciel : comment de tels
mystères, si durs à la raison humaine, pouvaient-ils obtenir l'assentiment ou
la faveur du philosophe stoïcien, de l'écrivain sceptique, qui avait tourné
en ridicule toutes les religions ? Ennemi du judaïsme[75], Sénèque voyait
devant lui un Juif, entouré d'amis juifs[76], défenseur de
doctrines sorties de On ne peut pas nous opposer la toute-puissance des
miracles et l'efficacité de la grâce ; car les miracles et la grâce, dont il
est inopportun de discuter ici philosophiquement l'emploi, ne doivent
produire que des effets décisifs et durables ; or, ce n'est pas ce qu'on
prétend dans l'espèce, puisqu'on veut que Sénèque ait été l'ami de saint Paul
sans être chrétien, l'admirateur de l'Évangile sans y croire. On lit dans
saint Chrysostome que l'Apôtre entraîna le sénat par ses discours[79] : nous ne voyons
pas comment l'Apôtre a pu être amené à parler devant cette assemblée. Les
usages romains ne nous permettent pas de supposer qu'il ait été admis à
défendre dans la curie la religion qu'il annonçait ; et si la doctrine
chrétienne eût été à cette époque soutenue devant les sénateurs, on peut
juger de l'accueil qui lui eût été fait, puisque sous Commode on condamna à
mort un sénateur, nommé Apollonius, qui avait lu à ses collègues une apologie
du christianisme[80], et qu'au temps
de Constantin ce corps Be comptait pas un seul chrétien[81]. L'aristocratie
romaine et la philosophie furent les adversaires les plus opiniâtres de
l'Évangile ; l'univers était déjà soumis qu'elles n'étaient pas encore
entamées. Ou Chrysostome, par sénat, entend ici le tribunal où comparut
l'Apôtre, et alors ce passage ferait allusion à son acquittement ; ou c'est
un détail qu'il emprunte aux traditions populaires de son temps[82], et jeté dans le
discours comme un trait oratoire sans importance. Voici un autre passage du
même Père, exact et éloquent tout ensemble. C'est l'endroit où il représente
Paul comparaissant devant Néron ; frappée du contraste de ces deux hommes, sa
vive imagination établit entre eux ce parallèle : Vous
avez entendu parler de Néron ; vous connaissez la gloire, la puissance, le
faste de cet empereur, qui se faisait appeler Dieu et adorer comme tel.
Devant lui est saint Paul ; qu'était-ce que saint Paul ? Un Cilicien. Vous
savez quelle différence il y avait entre un Cilicien et un Romain. C'était un
ouvrier en cuir, un indigent, inhabile dans les sciences de la terre, ne
parlant que l'hébreu, la langue la plus méprisée des Italiens... C'était un homme qui vivait dans la faim et le dénuement,
s'endormait la nuit sans nourriture ; un homme à peine vêtu, n'ayant pas de
quoi se couvrir. Ce n'est pas tout ; il vivait dans les liens, au milieu des
voleurs, des charlatans, des violateurs de sépultures, des homicides ; il y
avait été placé par Néron lui-même, et il était battu de verges comme un
malfaiteur. Lequel des deux, je vous prie, est le plus illustre ?[83] — Voilà une
peinture pleine de force et de noblesse, où les couleurs de l'imagination, au
lieu de fausser la vérité, la rendent plus saisissante et plus fidèle[84]. p Il est donc évident qu'on chercherait en vain, dans les incidents connus ou vraisemblables du séjour de Paul à Rome, quelque apparence favorable à la tradition de ses prétendus rapports avec Sénèque. Nous ne trouvons rien qui mérite d'être mentionné. Tous les appuis qu'on a essayé de donner à cette croyance ont pour base des renseignements apocryphes, des hypothèses téméraires et démenties par les faits, des erreurs manifestes trop facilement adoptées. Voyons maintenant si, en examinant le caractère, l'éducation et la vie de Sénèque, il nous sera possible d'y découvrir des sentiments chrétiens ou quelque indice de ce goût imprévu qu'on lui prête pour la personne et les doctrines de l'Apôtre. Mais, avant tout, nous allons décrire, en regard du tableau par nous tracé de la formation des premières Églises, cet autre mouvement d'idées, hostile et favorable au christianisme naissant, ce prosélytisme de la science profane, de la sagesse séculière, excité et propagé vers le même temps par la philosophie romaine, avec une puissance et une originalité injustement dédaignées ou méconnues. |
[1] Épître aux Romains, ch. XV, v. 24.
[2] Josèphe, Ant., XVII, 14.
[3] Horace, sat. 5, l. I.
[4] Josèphe, Ant., XVII, 14.
[5] Voyez Connybear, t. II, ch. XXV, p. 312.
[6] Connybear, t. II, fin, Résumé chronologique. — D. Calmet. — Tillemont. — M. Glaire. — Selon la chronique d'Eusèbe, ce fut en 58. Selon Cave, ce fut en 57.
[7] Voyez Actes XXIV, 23 ; —
XXVII, 3.
[8] Έν ίδίω μισθώματι, in suo
conducto (Actes, XVIII, 30).
[9] Dezobry, Rome au siècle d'Auguste, lettre XIV.
[10] Actes, XXVIII, 17.
[11] Actes, XXVIII, 24.
[12] Actes, XXVIII, 31.
[13] Voyez Tillemont et les autorités qu'il cite, art. 28. — M. Glaire : La tradition de l'Église romaine, les témoignages des Pères sans exception, Papias, saint Ignace, Caius, Denys de Corinthe, saint Irénée, Origène, Tertullien, Clément d'Alexandrie, tous les monuments ecclésiastiques attestent que saint Pierre fonda l'Église de Rome. (T. VI, art. V, ch. II.)
[14] Ép. aux Romains, ch. I, v. 8.
[15] Les noms grecs des chrétiens de Rome font voir que la plupart étaient venus de Grèce et d'orient. (Fleury, Hist. ecclés.) — Les noms latins qui s'y trouvent mêlés ne prouvent même pas qu'il y eût beaucoup de Romains, car, nous l'avons vu plus haut, les Juifs et les étrangers prenaient souvent des noms latins.
[16] Josèphe, Ant., XVII, 72. — C'est encore le chiffre actuel de la population juive à Rome, dans le Ghetto. — A Paris, ils sont aujourd'hui 10,719 (Voyez Darbois, Diocèse de Paris, 1856.) — D'autres calculs élèvent, jusqu'à près de 20.000 le nombre des Juifs qui habitaient Rome sous Claude et sous Néron. — Voyez Philon par M. Delaunay, et les autorités que cite cet auteur. Pages 99 et 101.
[17] Actes, XXVIII, 22.
[18] MM. Connybear et Howson, t. II, ch. XXV, p. 376, n. 12, et p. 317. — Selon ces auteurs, on comptait 700 sénateurs et 10.000 chevaliers.
[19] Sénèque, Cons. à Helvia, 6.
[20] Tacite, Ann., XV, 44.
[21] Les troupes casernées dans Rome s'élevaient à 15.000 hommes environ. — Connybear, etc., ibid., p. 378.
[22] Dion Cassius, l. XLIII, 20 ; Connybear, etc., ibid., p. 378 ; Martial, l. I, 42 ; Juvénal, sat. XIV, v. 186 ; Philon, De legatione ad Caium. — Delaunay, p. 27. Sur l'établissement des Juifs à Rome, lire les pages 27, 99, 101 et 102 de cet auteur (Philon et ses écrits, 1867).
[23] Actes, XXIV, 5.
[24] Pro Flacco : Multitudinem Judæorum, flagrantem nonnunquam in concionibus. II.
[25] Vers 53.
[26] Suétone, Claudius, 25.
[27] Actes, XXV, 19.
[28] Quelques auteurs, il est vrai, ont prétendu que le christianisme, dès l'origine, avait été connu du gouvernement romain par les rapports de Pilate à Tibère. — Le gouverneur de Judée, disent-ils, envoya à l'empereur une relation de la mort, de la résurrection et de l'ascension de Jésus-Christ, en demandant que sa divinité fût reconnue. Tibère, favorable à ces conclusions, en référa au sénat qui passa outre. Sans cette opposition, Jésus-Christ eût été reconnu comme l'un des dieux de l'empire, ou du moins la religion qu'il avait fondée eût été autorisée par les lois. Tibère défendit de persécuter les chrétiens. — Voyez le Mémoire de M. l'abbé Greppo sur l'établissement du Christ. — Voyez aussi Tillemont, Mém. ecclés., art. IX. — Tout ce qu'il y a de vrai ou de vraisemblable dans ces assertions se réduit à dire que Pilate envoya un rapport à l'empereur sur la condamnation de Jésus, suivant la coutume des gouverneurs, et il y a apparence que ce rapport, confondu avec tant d'autres, n'attira pas l'attention de l'empereur, ou que le contenu fut mal jugé et mal compris de celui-ci.
[29] 157 ans av. J.-C. — V. Josèphe, Ant., XII, 17. — Justin, l. XXXVI, 3.
[30] Philon, De legat. ad Caium. — Delaunay, pages déjà citées.
[31] Pro Flacco : Scis quanta sit manus, quanta concordia, quantum valeant in concionibus.
[32] Philon, De legat. ad Caium.
[33] Dans Martial, le Juif se trouve placé parmi les tisserands, les serruriers, les maitres d'armes, les foulons, etc. : A matre doctus nec rogare Judœus (cessat). (XII, epig. 51.)
[34] Juvénal, Sat. VI, 399 : Qualiacumque voles Judæi somnia vendunt.
[36] Josèphe, l. XVIII, 5.
[37] Juvénal, Sat. VI, 395 :
Arcanam Judæa tremens mendicat in aurem,
Interpres legum solymarum, et magna sacerdos
Arboris, ac summi fida internuntia cœli.
[38] Annales, XIII, 32. C'était vers 57.
[39] M. l'abbé Greppo (trois Mémoires).
[40] Josèphe, Ant., XX, 7.
[41] Josèphe, Ant., XVIII, 5.
[42] Tacite : Actum et de sacris ægyptiis judaïcisque pellendis : factumque patrum consultum ut quatuor millia libertini generis, ea superstitione infecta..... in insulam Sardiniam veherentur..... ceteri cederent Italia. (Ann., II, 85.)
[43] Sur l'introduction des divinités orientales à Rome, voyez M. Villemain, Du Polythéisme (Tableau de l'éloquence chrétienne, p. 28 et 29).
[44] Nous sommes tout disposés à croire que les chrétiens de la maison de Narcisse étaient des esclaves de cet affranchi fameux. (Ép. aux Rom., XVI, 11.) — Sur ce Narcisse, voyez Tillemont, Art. sur saint Paul, et M. Greppo (trois Mém., n° 1).
[45] Saint Paul, Ép. aux Phil., 1, 15.
[46] Suétone : Afflicti suppliciis christiani, genus hominum superstitionis novæ et maleficæ. (V. Neronis, 16.) — Tacite : Ergo abolendo rumori Nero subdidit reos et quæsitissimis pœnis adfecit quos per flagitia invisos vulgus christianos appellabat... repressaque in præsens exitiabilis superstition rursus erumpebat.... Unde quanquam adverses sontes et novissima exempla meritos miseratio oriebatur.... (Ann., XV, 41.)
[47] Suétone fut secrétaire d'Adrien.
[48] Inter quos lucetis sicut luminaria in mundo. Saint Paul aux Phil., II, 15.
[49] C'est l'imagination des auteurs d'apocryphes.
[50] Excepté à Athènes, comme nous l'avons dit plus haut.
[51] Ép. aux Phil., ch. I, v. 14, 45. — IIe à Tim., II, 9.
[52]
Pendant ces deux années, de 61 à 65, furent écrites l'Épître aux Éphésiens,
celle à Philémon, celle aux Colossiens, celle aux Philippiens. (MM. Connybear,
etc., t. II, ch. XXV
et XVI.) — M.
Glaire rattache aussi à cette époque
[53] Ép. aux Éphésiens, VI, v. 10 et suiv.
[54] Aux Philip., I, 12 : Scire autem volo, fratres, quia quæ circa me sunt magis ad profectum venerunt Evangelii : ita ut vincula mea manifesta fuerint, in Christo, in omni prætorio et in cæteris omnibus : et plures e fratribus in Domino, confidentes vinculis meis, abundantius auderent sine timore verbum Dei loqui. (v. 13 et 14.)
[55] Nous en voyons une preuve dans Josèphe, Ant., XVIII, 8. L'historien parle d'un poste de soldats et d'une sorte de prison, ou de salle d'attente, où l'on conduisait les prisonniers. Ce poste était un reste du petit camp qu'Auguste avait établi près de sa maison sur le Palatin, στρατήγιον (Dion Cassius, XLIII, 16).
[56] Ép. aux Phil., IV, 22 (Voyez Tillemont, sur S. Paul.)
[57] Familiarum numerum et nationes. (Tacite, Ann., III, 53.)
[58] Voyez Dezobry, Rome au siècle d'Auguste, lettre X.
[59] Ant., XVIII, 8. — Biographie.
[60] C'est parmi les esclaves du palais qu'il faut placer l'échanson et la concubine de Néron, dont parle saint Jean Chrysostome. On a essayé, mais sans résultat, de retrouver leur nom clans l'histoire (Voyez M. Greppo, trois Mémoires).
[61] On a aussi attribué à l'Apôtre les conversions du poète Lucain, d'Épictète, d'Épaphrodite, de Démétrius le Cynique, de Thraséas (voyez M. Greppo et M. Fleury, t. II, IIIe partie, XIII). Mais ces hypothèses sont ou rejetées ou mollement défendues par ceux mêmes qui soutiennent la tradition relative à Sénèque.
[62] Connybear, etc., t. II, ch. XXV.
[63] Tibère, par exemple, retardait infiniment l'audition des causes (Josèphe, Ant., XVIII).
[64] Josèphe, Ant., XX, 7.
[65] Connybear, ibid.
[66] Josèphe, Ant., XVII, 12.
[67] Id., XX, 5.
[68] Id., XX, 7.
[69] Connybear, etc., t. II, ch. XXVII. — Tillemont (art. 47) : Il est inutile de chercher comment arriva sa délivrance, puisque ni lui, ni aucun ancien ne nous en dit rien, sinon qu'Eusèbe et quelques autres disent qu'il s'était justifié, rapportant à ce temps-ci avec assez peu de probabilité ce que saint Paul mandait deux ou trois ans après à Timothée : Que la première fois qu'il avait défendu sa cause nul ne l'avait assisté.
[70] Connybear, ibid. — Voir les textes cités de saint Jérôme, de saint Chrysostome, d'Eusèbe, de saint Clément.
[71] Voyez Épîtres à Tite et à Timothée.
[72] Ép. aux Rom., XV, 24. Sur la question de savoir s'il est allé en Espagne, voyez Tillemont, art. 47.
[73] Art. 47.
[74] Voyez Tacite, Ann., XIV et XV.
[75] Voyez le passage de Sénèque sur les Juifs cité plus haut, dans le chapitre Ier.
[76] Paul, à cette époque, avait auprès de lui Luc, Démas, Aristarque, Marc, Jésus dit le Juste, Epaphras de Thessalonique : en parlant de ses compagnons, il dit : Qui sunt ex circumcisione : hi soli sunt adjutores mei in regno Dei... (Ép. aux Thessal., IV, 10, 11, etc.)
[77] Sur l'opinion des païens touchant le christianisme naissant, outre les textes déjà cités de Suétone et de Tacite, voyez la lettre de Pline à Trajan, et tous les textes recueillis par Bullet (Ac. des ins. et bell.-l.). Le P. Baltus (Pureté du christ.) prouve que ce ne furent pas les philosophes qui se convertirent en plus grand nombre dans les premiers siècles, mais les rhéteurs.
[78] Voyez Tacite, Ann., XV, 44.
[79] Homélie sur la prise d'Eutrope, 14.
[80] Guillon, Bibl. des Pères, t. IV. — C'était en l'an 186.
[81]
M. Beugnot, Histoire de la décadence du Paganisme en Occident, ch. II et
III. A Rome, en Italie, en Espagne, en Gaule, dans
[82] On lit dans les apocryphes attribués à saint Lin (Passion de S. Paul) : Senatus de illo non mediocriter sentiebat.
[83] Hom. IV sur l'Ép. II à Timothée, ch. II, n. 3.
[84] En supposant, bien entendu, qu'on accepte l'hypothèse très-contestable d'une comparution de Paul devant Néron, et d'un jugement de l'apôtre au tribunal de l'empereur.