Le Tellier et Louvois n'ont pas eu à diriger seulement l'administration militaire. Ministres d'état, ils ont eu è. intervenir dans des affaires graves, qui se sont posées, avec une extrême acuité parfois, pendant les vingt-cinq premières années du règne personnel de Louis XIV. Parmi elles, tiennent avant tout le premier rang celles qui ont trait à la religion, le jansénisme, les libertés de l'église gallicane et le protestantisme. Le rôle assumé par le père et ses deux fils a été différent suivant les circonstances. Ayant été, jusqu'ici, soit insuffisamment défini, soit inexactement interprété, il est nécessaire de recourir aux documents pour dégager sa réalité et son vrai caractère. I. — Le jansénisme. Le jansénisme fut la querelle la plus ardente et la plus agitée qui marqua les dernières années du cardinal Mazarin et menaça à plusieurs reprises de troubler la paix intérieure. D'abord soutenu par une minorité petite, mais fort agissante, il avait rapidement progressé et dans la noblesse et, bien plus, dans la bourgeoisie, en particulier la bourgeoisie parlementaire. La polémique contre les jésuites, portée à son plus haut point par Blaise Pascal, accrut encore le nombre de ses adeptes dans le même milieu. Parmi les plus fervents se distingua la famille Dugué : François, le futur intendant, réputé grand janséniste et son parent, Guillaume Dugué de Bagnols, maître des requêtes, consacrant la majeure partie de ses 60.000 livres de rente annuelle à la défense de l'abbaye de Port-Royal des Champs, où il fut enterré en 1657[1]. Avec ce dernier, cette année-là l'archevêque de Rouen, Harlay de Champvallon, futur archevêque de Paris, avait noué des négociations pour rechercher une entente entre jansénistes et jésuites[2]. Les Le Tellier avaient été gagnés par les Dugué, leurs parents ou alliés. Dès le 19 janvier 1654, le doyen de Senlis, Deslyons, avait entendu affirmer que Monsieur Le Tellier avait dit à quelqu'un que les jansénistes n'étaient pas mal en cour... et que Madame Le Tellier gagnait son mari[3]. Plus tard, en 1668, Louvois et son frère Maurice n'hésiteront pas à faire connaître bruyamment leur sympathie en faveur des partisans de Jansénius. Celle du père est, elle aussi, réelle : mais il la manifeste avec discrétion, en blâmant en 1661 la violence des jésuites[4], en recherchant en 1661 et 1667 un accommodement entre des adversaires jusqu'alors irréductibles. Situation difficile pour lui : il lui faudra concilier ses sentiments intimes avec l'obligation impérative d'obéir, en fidèle sujet, aux prescriptions de Mazarin d'abord, de Louis XIV ensuite : car c'est à lui principalement qu'incombera le soin de résoudre pacifiquement une question si délicate et si ardue. Dès le 25 février 1660, sur les instructions du cardinal, il recommande, d'Aix-en-Provence, au procureur général Fouquet de prendre nettement position contre la secte, de telle sorte que ce qui se fera en ce sujet dans le ressort du parlement de Paris puisse servir d'exemple au reste du royaume. On s'attaquera d'abord à Port-Royal des Champs, on dispersera ceux qui s'y réunissent depuis dix ans sans autorisation du roi et professent une doctrine préjudiciable[5]. Lorsqu'en janvier 1661, se tint l'assemblée du clergé pour le don gratuit et le formulaire à imposer aux jansénistes, Le Tellier fut un des commissaires qui y furent introduits[6]. A la fin de ce mois, il écrivit en Languedoc à l'un de ses confidents, l'abbé Roquette, futur évêque d'Autun, et à l'intendant Bezons sur les relations nouées entre le gouverneur, prince de Conti, et Nicolas Pavillon, évêque d'Alet, et leur exprima la crainte que la déférence que son Altesse a pour ledit sieur évêque, à cause de sa piété, ne la fasse tomber dans les nouvelles opinions dont on peut soupçonner ce bon prélat[7]. Ces démarches, espacées et d'apparence timides, pourraient
faire supposer que Mazarin, hésitant à recourir aux mesures violentes,
tergiversait et cherchait à gagner du temps. Pourtant, c'est a ce moment
précis qu'il dicta ses fameux conseils a Louis XIV, parmi lesquels se trouve
celui-ci : Ne plus souffrir ni la secte des
jansénistes ni seulement leur nom et employer pour cet effet tous ses soins
et toute son autorité[8]. Immédiatement
après sa mort, survenue le 9 mars, le roi craignit que l'église ne fût ouvertement menacée d'un schisme : car, il ne s'agissait plus de quelques docteurs particuliers et
cachés, mais d'évêques... capables
d'entraîner la multitude après eux, de grande réputation a cause de leur
piété digne d'être révérée, tant qu'elle serait
suivie de soumission aux sentiments de l'église, de douceur, de modération et
de charité. Conscient du danger, il va donc ; sans désemparer et avec
énergie, dissiper les communautés et les assemblées,
où se fomentait cet esprit de nouveauté[9]. Dès le 13 avril
1661, un arrêt du conseil porte que, conformément à la délibération de l'assemblée
du clergé, tenue le 1er février, tous les ecclésiastiques sans exception
devront souscrire au formulaire condamnant la doctrine de Jansénius[10]. D'autre part,
le 19, à la séance du conseil, il est résolu d'ordonner
au Port-Royal des Champs et de la ville... de
renvoyer toutes leurs pensionnaires à leurs parents et leur faire défendre
d'en recevoir d'autres ni de novices jusqu'à nouvel ordre. Comme le lieutenant
civil, Dreux d'Aubray, constate, lors de sa visite au monastère de Paris, que
les religieuses ne s'inclinent pas devant la volonté royale, Le Tellier est
chargé de les mettre à la raison[11]. Pour venir à bout de leur entêtement rebelle et de leur inertie voulue, il lui faudra plusieurs mois. Se défiant à juste titre, il ordonne, le 27 avril, au lieutenant civil de vérifier si, à Paris, l'abbesse a renvoyé, chez leurs parents, toutes les pensionnaires et, dans le cas contraire, de tenir la main à ce qu'elles en sortent sans plus de remise[12]. Il apprend bientôt que, lors de la venue de D'Aubray, il a été recélé plusieurs filles et qu'ensuite il a été donné l'habit à aucunes de celles qui étaient réputées devoir être novices à dessein de les pouvoir retenir, etc. Croyant que l'abbesse et la prieure ont été encouragées dans leur résistance par la douceur et l'indulgence du magistrat, il prescrit à celui-ci non seulement pour le service du roi, mais aussi pour votre considération particulière, de redoubler vos soins dans l'exécution des choses que Sa Majesté vous ordonne présentement sur ce sujet : il verra les pensionnaires et les nouvelles novices qui restent à Port-Royal, les renverra dans leurs familles et conduira au couvent des Ursulines de la rue Saint-Jacques celles dont les parents sont trop éloignés[13]. Le 6 mai, l'abbesse ayant refusé de faire quitter l'habit aux novices, le conseil royal du lendemain décidé de lui adresser une seconde lettre de cachet pour l'obliger à obéir dans les vingt-quatre heures et de prévenir le doyen de Notre-Dame, Contes, d'être présent lorsque le lieutenant-civil pénétrerait dans le monastère[14]. Cette fois la soumission est obtenue : d'Aubray ayant menacé de briser les portes du couvent pour en retirer de force les novices, sept d'entr'elles et huit postulantes sortent le 14 pour revenir dans leurs familles. Le lieutenant civil doit néanmoins enquêter encore, pour s'assurer si elles sont vraiment auprès de leurs parents et, le 26 mai, il est vivement félicité par le secrétaire d'état pour avoir fait respecter la volonté du souverain non seulement par le Port-Royal de Paris, mais par celui des Champs[15]. Plus rapidement obtenu qu'on ne l'espérait tout d'abord,
ce résultat était assurément dû à l'habileté du ministre. Si, dans sa lettre
du 9 mai, il engageait la mère Agnès à se soumettre avec
respect et promptitude, il ne lui cachait pas, cependant, que le roi n'avait
pas l'intention de lui ôter pour toujours la faculté
de recevoir des pensionnaires et des novices. Cette interdiction
serait levée aussitôt que, par l'autorité des grands
vicaires, aurait été remplacé le supérieur de Port-Royal, Singlin, dont la conduite n'est pas agréable à Sa Majesté
par un ecclésiastique d'une créance non suspecte.
Dès lors, en toute liberté et suivant votre
institution, l'abbesse pourra recevoir les
filles qui se présenteront pour être ou pensionnaires ou novices dans votre
maison. Car, en tout ceci, le roi n'a eu pour
but que le propre bien de votre monastère[16]. Le Tellier dresse donc une liste de noms de personnes d'une probité reconnue et dont les sentiments sont directement opposés aux nouvelles opinions. Les vicaires généraux de Paris portent leur choix sur Louis Bail, docteur en Sorbonne, curé de Montmartre[17], qui prit possession le 17 mai. Or il apparut bientôt au ministre que le nouveau supérieur était un bonhomme, manquant totalement de caractère, se laissant mener par les religieuses : il fallait enlever à celles-ci M. du Plessis Akakia, qui avait la conduite de leurs affaires, et la tourière qui recevait à toute heure les lettres de M. Singlin[18]. Aussi, avant d'autoriser l'abbesse à recevoir des pensionnaires, Le Tellier entendait-il avoir la certitude que les esprits de cette communauté seront en telle disposition à l'égard des opinions suspectes que les filles qu'on leur voudra donner n'en pourront prendre aucune impression[19]. D'autre part, les confesseurs des deux maisons de Port-Royal, empreints de l'esprit janséniste, n'avaient pas été expulsés et remplacés en même temps que Singlin. Le Tellier insiste donc auprès de Contes et des grands vicaires pour qu'ils visitent les monastères et prennent les mesures indispensables[20]. Le résultat de ces démarches fut le départ forcé des confesseurs, le 11 juin. Peu après, à la suite d'une dernière enquête effectuée, du 7 au 11 juillet, par Bail et Contes, il sembla que l'ordre était enfin rétabli à Port-Royal[21]. En tout cas, si cette affaire irritante était, du moins, assoupie, les grands vicaires de Paris causaient, au même moment, à Le Tellier des soucis d'un autre genre. Le S juin, ils avaient, au sujet du formulaire, rédigé un mandement apportant des restrictions aux bulles pontificales, qui condamnaient les cinq propositions extraites du livre de Jansénius[22]. Les évêques réprouvèrent ce manifeste[23] et, la séance du conseil royal du 25 juin, il fut commandé à Le Tellier d'adresser aux grands vicaires un ordre de se rendre auprès de sa personne (Louis XIV est à Fontainebleau) pour leur communiquer une chose importante[24]. Le 29, après avoir déjeuné avec Le Tellier qui les mena saluer le roi, les opposants eurent une longue conférence avec le ministre et les évêques de Rodez et de Rennes. Le Tellier leur signala ses deux principales objections à leur mandement. D'abord la distinction qu'ils établissaient entre le droit et le fait, et la formule finale sans que, par ledit formulaire et signatures d'icelui, il soit innové auxdites constitutions. Sur leur refus de révoquer le manifeste, il leur suggéra, pour donner contentement au roi, de rédiger un mémoire explicatif, ce qu'ils acceptèrent. Le lendemain, 30 juin, un arrêt du conseil fut rendu portant qu'il serait sursis à l'exécution du mandement[25] : les grands vicaires étaient battus. Mais leur action avait eu, en même temps, une conséquence d'ordre diplomatique, celle de mettre la cour de Rome au courant de l'incident. Le 26 juillet, Le Tellier et Loménie de Brienne se transportèrent au logis de l'archevêque de Paris, Marca : le premier lui lut par trois fois l'instruction qu'il avait dressée pour le cardinal Antoine Barberini, agent officieux de la France auprès du Saint-Siège, et il en fit rapport, le lendemain, au roi[26]. Entre temps, l'agitation, un instant calmée, avait repris aux deux couvents de Port-Royal. Le 23 juillet, le secrétaire d'état avait donné mission au lieutenant civil et au procureur du roi au Châtelet de se transporter à celui de la ville, à des commissaires du Châtelet et à un des substituts de visiter celui des Champs[27]. Les premiers constatèrent que deux entrées de la maison de la marquise de Sablé permettaient la communication Avec le monastère et que, par le logis du chevalier de Sévigné, on pénétrait sans difficulté dans la cour commune. Conformément à la décision prise par le conseil du 26 juillet, il fut enjoint de façon formelle que les portes, parloirs, fenêtres et toutes les autres sortes d'ouvertures, qui correspondent dans le monastère, soient bouchées, sans aucunes ouvertures, même celles de Mme de Sablé et de Mme Vatry, de sorte que ceux du dehors ne puissent avoir communication avec les religieuses par les parloirs communs[28]. Ce fut une levée de boucliers, une lutte épique. Mme de Guéméné et le chevalier de Sévigné durent se soumettre les premiers[29]. La marquise de Sablé ayant protesté avec la virulence d'une néophyte et aidé personnellement la prieure dans sa résistance passive, Le Tellier, le 23 août, lui adressa une lettre, qui est un chef-d'œuvre de finesse et d'habileté[30]. Les ordres du roi finirent par être respectés. Le 6 septembre, le secrétaire d'état remercia le lieutenant civil de l'avoir informé que, chez Mme de Sablé, toutes les ouvertures sont bouchées[31]. La résistance, ayant cessé à Port-Royal, se porta ailleurs, prit de l'ampleur et de la gravité. Les quatre évêques, d'Alet Nicolas Pavillon, de Pamiers François Caulet, d'Angers Henri Arnauld, et de Beauvais Nicolas de Buzanval, s'élevèrent vivement contre le formulaire et profession de foi, composé par l'assemblée générale du clergé de France, et interdirent à leurs fidèles d'y souscrire. La polémique devint plus active et plus aiguë et, de 1662 à 1664, les écrits jansénistes se multiplièrent. La politique royale, représentée par Le Tellier, s'efforça d'abord seulement d'obtenir le respect des décisions prises, de satisfaire au désir de Sa Majesté, qui a cette affaire entièrement à cœur, et d'inviter les prélats français à poursuivre, dans leurs diocèses, l'exécution de la volonté du souverain[32]. Si des récalcitrants lui exposent les raisons qui les empêchent de s'y conformer et demandent à être dispensés de la signature, le secrétaire d'état répond que la matière ne lui est point connue, qu'elle n'est pas le fait d'une personne de ma profession. Il ne peut donc pas rendre le service sollicité. Bien plus, il enjoint au rebelle de désigner une personne à qui sera transmis le bénéfice, dont il a jusqu'alors joui[33]. D'autre part, pour mettre fin à l'agitation, Le Tellier prescrit au lieutenant civil à Paris de découvrir ceux qui composent et qui débitent les écrits des jansénistes : de là perquisitions chez les libraires, arrestation et emprisonnement de l'un d'entre eux, à qui le procès sera fait[34]. Enfin, allant de l'avant pour terminer les contestations dans l'église au sujet des cinq propositions, Louis XIV s'est résolu à présenter au parlement de Paris une déclaration pour obliger tous les ecclésiastiques de son royaume à signer le formulaire. Le Tellier fait parvenir ce projet à l'intendant du Languedoc, Bazin de Bezons, pour le montrer à l'archevêque de Toulouse : les ecclésiastique de cette province l'examineront avec soin et donneront promptement leur avis de ce qu'ils jugeront y devoir être ajouté ou diminué[35]. Mais Nicolas Pavillon, l'un d'eux, excommunie les
ecclésiastiques de son diocèse, qui accepteront de signer le formulaire par devant les juges séculiers. L'obstination
irréductible du pieux évêque d'Alet met fin à la politique de temporisation
conciliatrice du gouvernement[36]. Le parlement de
Toulouse est chargé de juger l'appel comme d'abus. Le 15 février 1665, une
bulle du pape Alexandre VII impose à tous les ecclésiastiques la signature
pure et simple. Le 29 avril, Louis XIV vient au parlement de Paris faire
enregistrer la déclaration contre les jansénistes, dans une séance solennelle
à laquelle assistent les quatre secrétaires d'état,
La Vrillière, Du Plessis, de Lionne et Louvois[37]. Opposé à toute
mesure de force, Le Tellier tente encore une fois d'arriver à la paix en
faisant appel à la raison. Le 10 octobre, il écrit à l'évêque d'Alet : Le respect que j'ai pour votre vertu m'a fait désirer...
de vous décharger de la fatigue d'entendre parler
des procédures de justice. En qualité de véritable
catholique, il ne doute point que la paix de
l'église ne vous oblige à rechercher tous les expédients que votre savoir et
votre vertu vous suggèreront pour parvenir à un si grand bien[38]. Désormais Le Tellier défendra, sans se lasser, la politique de l'accommodement. Louis XIV, en effet, a obtenu du pape Clément IX un bref portant la nomination de commissaires ecclésiastiques français, auxquels il appartiendra de procéder contre les quatre évêques, et, au besoin, de les juger[39]. Il a longtemps hésité à prendre ce parti catégorique, estimant que la chose était délicate, s'agissant de servir la religion sans blesser les privilèges de l'état et il ne s'est résolu qu'après avoir recherché de très nombreux avis[40]. Il se produisit alors ce qui était à craindre, d'une part l'insistance du pape pour que les quatre évêques fussent mis en accusation, d'autre part la résistance de dix-neuf autres, opposés à une procédure quelconque contre leurs collègues. Voilà pourquoi Le Tellier déclara mal enfournée. Il redoutait une ingérence trop envahissante de la cour de Rome dans la politique intérieure de la cour de France, et aussi la désunion menaçante entre les divers membres du clergé français, d'autant plus que les évêques de Chillons et de Meaux, Vialart et Ligny, se réunissaient, en juillet 1667, pour prévenir les maux dont l'église de France était menacée et décidaient de collaborer avec l'archevêque de Sens, Gondrin, l'un des plus fermes défenseurs des quatre prélats[41]. Le Tellier se proposera donc de maintenir la paix dans l'église, de négocier secrètement pour empêcher l'intervention dangereuse d'éléments contrariants, comme les Jésuites, d'empêcher l'affaire d'être portée à Rome et de réserver à la seule autorité royale la décision dernière, tout en consentant, s'il est nécessaire, des concessions de pure forme[42]. Son rôle exact n'a pas été encore suffisamment mis en lumière, comme celui d'autres ministres, par exemple Lionne. Il ressort cependant avec la plus grande netteté de la relation capitale, écrite par Alexandre Varet, vicaire général de l'archevêque de Sens, qui lui a fourni tous les renseignements verbaux et toutes les pièces[43], et, en outre, du récit composé vers 1726, d'après les documents français, par Le Dran, chef du dépôt du ministère des affaires étrangères[44]. Telles sont les deux sources essentielles et dignes de foi, irréfutables. Les négociations, engagées à la fin de 1667, devaient durer environ un an et demi : les dix-neuf évêques rédigèrent deux lettres, l'une pour le pape Clément IX sur la distinction du droit et du fait, l'autre pour le roi en faveur de leurs quatre collègues[45]. En février 1668, en outre, Gondrin adressa à ses fidèles un mandement pastoral, dans lequel il demandait que le jansénisme fût traité avec indulgence, sans que l'on allât pourtant jusqu'à la faiblesse : il enjoignait en outre aux brebis égarées de revenir à la religion catholique[46]. En même temps, les dix-neuf protestataires avaient convenu que leur lettre serait remise au souverain lui-même. Le secret ayant été éventé, Le Tellier, que l'archevêque
de Sens considérait comme celui des ministres, qui
pouvait contribuer le plus à un accommodement[47], entra alors en
lice. Le 11 mars, il dépêcha l'un de ses commis, Vrevin, à l'évêque de
Chalons, Vialart, avec mission de lui dire que, si Sa
Majesté est disposée à écouter favorablement chacun des prélats, Elle
ne peut admettre la coalition, la cabale, qui
va jusqu'à décrier la conduite de Sa Majesté dans le
gouvernement de son royaume. Et il munit son commis d'une lettre
particulière pour le prélat, dans laquelle il complète les instructions
données au messager[48]. Quelques jours
plus tard, le 19, la rébellion épiscopale se trouva arrêtée par une décision
du parlement de Paris, rendue contre la lettre des prélats. Ce coup d'autorité eut pour conséquence de mettre en rapports fréquents le secrétaire d'état et plusieurs évêques, qui tout en protestant contre les mauvaises intentions qu'on leur avait prêtées, sentirent la nécessité de négocier. Ainsi, Gondrin, qui avait plus de familiarité avec Le Tellier, eut, pendant les mois de mars et d'avril, plusieurs entrevues avec lui, discutant la question du dogme, se déclarant le chef des protestataires, affirmant qu'on lui couperait plutôt la tête que de communiquer jamais avec les évêques qui auraient entrepris de condamner les quatre évêques, insistant sur le danger de cette politique brutale, qui pourrait causer de grands troubles dans l'église et peut-être dans l'état par le schisme et la division. Le secrétaire d'état, que ce dernier argument devait toucher, ne varia pas dans sa ligne de conduite : Le roi, disait-il, ayant lui-même poursuivi un bref contre les quatre évêques et le pape ne l'ayant accordé que pour lui plaire, il fallait trouver un moyen de satisfaire le pape, et ensuite Sa Majesté serait bientôt contente[49]. On le savait le maître de toute affaire : il insistait sur le désir extrême de Louis XIV d'en venir à un accord : il parlait d'écouter les prélats et de les faire conférer ensemble, etc.[50] L'un d'entre eux, Vialart, avait, lui aussi, rédigé une justification de ses actes et l'avait adressée à Le Tellier pour la présenter au roi. En avril 1668, le souverain reçut l'évêque de Châlons, l'écouta attentivement, lui répondit avec bonté, mais en termes généraux et le renvoya au secrétaire d'état pour la discussion détaillée, Au cours de nombreux entretiens, Vialart défendit la cause des quatre évêques, qui n'avaient rien à se reprocher canoniquement, mais avaient commis la faute de faire imprimer, sans autorisation royale, leurs mandements. Ayant suivi d'abord la carrière judiciaire, Le Tellier insista en effet sur cette grave erreur de l'évêque d'Alet, qui avait refusé d'écouter les conseils modérateurs du prince de Conti, gouverneur du Languedoc. Il soutint auprès de Vialart une thèse plus accentuée qu'auprès de Gondrin : Le roi, dit-il, étant engagé au point qu'il était dans cette affaire, c'était à ceux qui désiraient qu'elle s'accommodât à trouver des voies pour l'en tirer et pour le dégager honnêtement des mesures qu'on avait prises avec Rome[51]. Cette attitude modérée et prudente, cette intention de rejeter la responsabilité sur les prélats ne satisfit pas complètement ceux-ci. L'évêque de Meaux, Ligny, alla trouver l'abbé Maurice Le Tellier et le chargea de dire à son père n'avait point d'excuses à faire pour avoir signé la lettre des dix-neuf évêques, et que, n'ayant rien fait que dans la vue de Dieu, il signerait encore si c'était à recommencer[52]. Après le fils cadet vint le tour de l'aîné. A la Pentecôte, l'archevêque d'Embrun, La Feuillade, composa une requête contre la traduction janséniste du Nouveau Testament. A cette attaque, Antoine Arnauld et son ami La Lane ripostèrent, le 19 mai, par une réponse fort vive, en faveur de laquelle Louvois prit nettement parti. Entrant dans la chambre du roi, remplie de courtisans, il interpella sans ménagement l'archevêque : Voilà Monsieur, une botte qu'on vous porte, voilà qui parle à vous. Et, comme Louis XIV demandait en quoi consistait la protestation des deux jansénistes, le ministre affirma que c'était la plus belle chose du monde. Soutenu par Condé, le maréchal de Gramont et autres, il continua à accabler de ses moqueries La Feuillade, et cela dura pendant tout le temps que le roi fut à s'habiller[53]. Si les fils pouvaient manifester sans restriction leurs sentiments, le père était tenu, à cause de ses fonctions officielles, à une grande réserve. Néanmoins sa sympathie pour les jansénistes, quelque discrète qu'elle soit, ne semble guère discutable. Le 22 juin, ayant perdu sa fille unique, Mme de Villequier, il reçut une lettre anonyme, lui faisant entendre que ce malheur... était une punition de Dieu, parce que le ministre avait dressé la dernière déclaration du roi pour la signature du formulaire. Il était naturel que l'on attribuât ce factum aux jansénistes. Le 3 juillet, Antoine Arnauld protesta avec vivacité auprès de Gondrin, qui envoya cet écrit à Le Tellier. Répondant au prélat d'une manière tout à fait honnête au sujet de M. Arnauld et de ses amis, le secrétaire d'état affirma que le pamphlet n'avait fait aucune impression sur lui : Il n'avait jamais pensé que Messieurs de Port-Royal en fussent les auteurs, la conduite qu'ils gardent en leurs mœurs et leur suffisance les mettant hors de tout soupçon pour une affaire si sotte et si mal digérée[54]. Peu après, la question de l'accommodement commença à prendre tournure. D'une part, la circulaire des quatre évêques, rédigée le 25 avril dans le but d'engager leurs confrères à s'unir à eux pour se plaindre de l'expédition du bref de Sa Sainteté, qui commet des évêques polit procéder contre eux, fut condamnée par l'arrêt du conseil d'état, signé Le Tellier le 3 juillet : interdiction était faite aux prélats d'user de ce procédé, qui est une entreprise contre toutes les formes religieusement observées de tout temps en ce royaume, et d'adresser une circulaire sans avoir une permission préalable et expresse du roi[55]. D'autre part, l'on parlait toujours de faire juger les quatre évêques, et même de les mander à la cour[56]. Mais à cet égard, Le Tellier observa que le voyage de Nicolas Pavillon, considéré comme un saint, serait, pour lui, un triomphe, en provoquant l'afflux des populations sur son passage, et irait ainsi contre le but que l'on se proposait[57]. L'arrêt du 3 juillet prouva, une fois de plus, que Louis XIV n'entendait pas qu'une agitation quelconque troublât son royaume. Il eut pour effet d'imprimer un peu plus de vigueur aux négociations secrètes entamées après l'arrivée du nouveau nonce, Bargellini, le 20 avril. Les prélats médiateurs furent Gondrin et Vialart, qui rendaient compte de tout à Le Tellier, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un de ses familiers, l'évêque d'Autun, Roquette[58]. Du côté janséniste, les pourparlers 'étaient menés par Antoine Arnauld et quelques-uns de ses amis. Le secret était l'âme de la négociation, de peur que les jésuites et le confesseur du roi, le Père Annat, ne vinssent l'entraver[59]. La difficulté essentielle résidait dans la rédaction d'une
lettre des quatre évêques, parce que cet écrit devait éteindre leurs
défiances et celles des jansénistes, et donner, en même temps, satisfaction
au pape, ce qui entraînerait le contentement du roi de France[60]. Témoignant un grand désir de voir cette affaire finie, avant
la constitution du tribunal des commissaires, Le Tellier proposa de lui-même à Gondrin de dresser tous deux, de
concert, un projet de cette lettre. Mais l'archevêque de Sens et l'évêque de
Châlons mirent sous ses yeux celui qu'ils avaient eux-mêmes déjà rédigé, étant persuadés d'ailleurs que, s'il agréait à ce
ministre, il l'appuierait et que le succès de l'accommodement serait
infaillible. Après avoir fait apporter au
commencement quelques modifications de peu de conséquence, Le Tellier
donna son adhésion, qui entrains aussitôt celles de Colbert, Lionne et Louis
XIV[61]. Son attitude
fut alors appréciée fort justement, puisque Gondrin engagea Nicolas Pavillon
à remercier le ministre de la bonne disposition que
je vous ai mandé qu'il a pour là paix et pour ce qui regarde votre personne.
De son côté et à la même époque (août 1668),
Antoine Arnauld assure aussi le prélat que le secrétaire d'état ne s'est point comporté dans cette affaire par politique ni par des
considérations humaines, mais parce qu'il croyait que c'était la justice de
tirer de persécution de si honnêtes gens[62]. Toutes les difficultés furent ainsi résolues. Le 1er septembre, le projet de lettre fut paraphé par le nonce et Gondrin. Le 10, l'évêque d'Alet finit par donner son consentement. Le 15, Le Tellier remercie chaudement Vialart de lui avoir annoncé la nouvelle de la paix de l'église, que je souhaite, il y a longtemps, avec toute la chaleur dont je suis capable. Le même jour, dans une lettre à l'archevêque de Sens sur le même sujet, il ajoute : Je conviens qu'il est nécessaire que l'affaire des filles[63] se parachève pour être assuré qu'il ne se parlera plus de cette division, qui a tant donné de peine à l'église[64]. Le 16, par son intermédiaire, les évêques médiateurs furent reçus avec une grande pompe par le roi : On ouvrit toutes les portes[65]. La solution définitive fut obtenue au mois d'octobre. Le Tellier dressa un projet d'arrêt que le nonce refusa d'accepter comme étant trop favorable aux jansénistes. De concert avec Gondrin, en rédigea un second, qui devint l'arrêt promulgué au conseil d'état, le 23. Comme tout acte de conciliation, celui-ci ne satisfit ni les jésuites ni les jansénistes ; mais il assura la paix[66]. Dans l'après-midi de ce jour, à Saint-Germain, Antoine Arnauld eut une entrevue avec Louis XIV. Conduit ensuite par Maurice Le Tellier, récemment promu coadjuteur de l'archevêque de Reims, il visita le dauphin, le duc d'Orléans, Condé et Le Tellier, qui le reçut avec une joie qui témoignait bien qu'il regardait cette journée comme une de ses victoires[67]. Ormesson ajoute que le fils cadet du ministre accompagna partout le chef janséniste et sembla le produire : Ce changement est surprenant : Le Père Annat est à présent moqué et M. l'abbé Le Tellier dit hautement qu'il ne se soucie guère des jésuites[68]. Le 31, le ministre fit sortir de la Bastille Le Maistre de Sacy, dont le mérite extraordinaire l'avait touché. Le pape, en signe de contentement, envoya, selon l'usage, aux médiateurs un chapelet et des gants et, le 19 janvier 1669, délivra le bref qui mit fin à tout le conflit[69]. Ainsi, avec un peu de temps et de patience, en cheminant avec mesure, Le Tellier obtint ce qu'il désirait dès le début, le rétablissement et l'affermissement de la paix religieuse. Il y avait contribué, dit à bon droit Varet, de tout ce qui dépendait de lui, aussi bien que de M. de Louvois et M. le coadjuteur de Reims[70]. Plus explicite encore et beaucoup plus important peut-être est le témoignage de Claude Le Pelletier que son protecteur avait employé à plusieurs reprises en cette querelle, et qui reproduit, à n'en pas douter, ses pensées intimes : J'avais connu essentiellement, pendant les négociations entre les deux cours de France et de Rome, avec quelle imprudence la chaleur contre le jansénisme avait engagé l'autorité du roi et du pape à vouloir faire le procès aux quatre évêques par une mauvaise procédure et qui n'eût pu se soutenir dans la suite... j'ai cru voir, dans les suites de cette paix, des effets visibles de la bonne intention de M. Le Tellier, qui en avait été le principal ministre[71]. Dans la question janséniste, le secrétaire d'état avait adopté la maxime du cardinal de Richelieu, que tout ce qui peut faire du trouble dans la religion en peut aussi causer dans l'état. Faisant passer, avant toute autre chose, le service du roi, il a joué un rôle modérateur pour éviter que l'autorité du souverain subisse une atteinte quelconque, tout en ménageant et en conciliant les intérêts divergents. On n'oubliera pas l'action exercée par lui. En 1676, lorsqu'Henri Arnauld refusa formelle, ment là signature pure et simple du formulaire, le cardinal Le Camus, évêque de Grenoble, écrivit à Pontchâteau : Le meilleur parti est de se taire, de ne point faire d'éclat, pas même de se plaindre. Peut-être en peut-on traiter, en particulier avec M. Le Tellier. Les autres moyens ne sont plus de saison[72]. N'est-ce pas aussi reconnaître indirectement l'autorité évidente de Le Tellier dans les affaires religieuses et même lui adresser un éloge que de dire de lui, comme le fait le nonce Bargellini, qu'il chante bien, mais râpe mal, qu'il a de bonnes paroles et commet de méchants actes ?[73] II. — La régale et l'Assemblée du clergé de 1682. Ce représentant du pape, qui resta en France jusqu'en 1671, estima aussi que Le Tellier était l'adversaire le plus décidé du dogme de l'infaillibilité pontificale en même temps que de l'intrusion de l'église dans les affaires de l'état[74]. Il ne se trompait pas, comme les événements le firent voir. Le Tellier, avait-on remarqué, lisait tous les ans deux fois l'histoire du concile de Trente de Fra Paolo, dans laquelle l'auteur prend avec vigueur la défense des droits civils et politiques contre les empiétements ecclésiastiques[75]. Dans le conflit violent, qui mit de nouveau aux prises la monarchie française et le Saint-Siège, il montra, comme auparavant, que, chez lui, l'intérêt du royaume prime tout. La querelle recommença après la déclaration du 10 février 1673 étendant le droit de régale dans toutes les provinces, l'établissant pour la première fois dans celles du midi de la France. Cet acte, qui aurait été inspiré à Louis XIV par Harlay de Champvallon, archevêque de Paris[76], et par Colbert, provoqua les protestations des membres du clergé, possesseurs depuis longtemps de, bénéfices. Leur cause fut prise en mains par plusieurs évêques, notamment les jansénistes Pavillon et Caulet, et ensuite par le pape, irrité que l'on pût porter atteinte aux privilèges de l'église. Le Tellier, qui abordait toujours les questions religieuses. si délicates, avec une grande circonspection pour éviter les difficultés dangereuses qu'elles pouvaient faire surgir, aperçut aussitôt le péril, celui d'entraîner encore une rupture avec la papauté. Pour atténuer la portée de la déclaration royale, il mit en avant un moyen terme, celui de ne pas lui donner un effet rétroactif, et il gagna à son opinion son collègue au conseil, Pomponne, auquel il déclara que l'on fit une grande faute en cette affaire[77]. Sa conduite lui valut l'approbation du cardinal Le Camus, dont le diocèse était cependant touché par la nouvelle réglementation. Pendant les années suivantes, ce prélat ne cesse de lui décerner des éloges : il ne voit que lui à la cour qui ait la droiture nécessaire pour bien et utilement servir l'église : il rencontre plus de secours de M. Le Tellier, que de qui que ce soit en France : il a, enfin, grande obligation à M. le chancelier de la manière dont il entre dans les affaires de l'église, etc.[78] Dans la polémique active et tenace, provoquée par la question de la régale et menée vivement par l'évêque de Damiers, Caulet, Le Tellier ne voit, comme auparavant, qu'une occasion de désordre, qu'il faut réprimer. Chancelier, il approuve les sentiments du procureur général du parlement de Paris, Harlay, sur le libelle de M. de Pamiers : il lui enjoint de consulter à ce sujet le premier président et de demander, ensuite, à la Grand'Chambre la suppression de l'écrit séditieux[79]. Mais, si l'on trouve mauvais à la cour que des évêques aient assisté M. de Pamiers dans sa nécessité, lui s'applique à ne pas grossir et envenimer l'incident, à éclairer la chose, pour que l'agitation ne trouve pas un aliment nouveau et n'ait un motif de devenir plus vive encore[80]. Car le dissentiment avec le' pape n'a fait que s'aggraver, et surtout depuis la réunion de l'assemblée générale du clergé en 1680. Les sentiments de celle-ci en faveur de la politique royale devenant de plus en plus précis et fermes, la papauté s'adresse au cardinal Le Camus et l'invite à se rendre très secrètement à Versailles, afin d'y chercher des moyens pour rétablir la bonne intelligence entre le Saint-Siège et le roi. Rome ayant insisté, l'évêque de Grenoble, d'abord hésitant, prend le parti de demander au chancelier quelle conduite il doit tenir : pendant l'année 1681, il ne cesse de lui écrire fort longuement à ce sujet[81]. Son insistance répétée permet d'affirmer que Le Tellier n'a pas répondu. Il semble, en effet, dans cette querelle, s'être délibérément effacé devant son fils Maurice, alors archevêque de Reims et membre en vue de l'assemblée générale, tout en agissant avec efficacité pour résoudre le différend franco-pontifical. Chargé de traiter la question de la régale devant ses confrères, l'archevêque en parla avec beaucoup d'érudition et de prudence. A son instigation, l'assemblée décida qu'une délégation serait envoyée à Louis XIV pour lui déclarer que l'église de France reconnaissait que le droit de régale appartenait à Sa Majesté dans tous les diocèses du royaume et demander d'y apporter certaines modérations fort justes. Louis XIV chargea une commission d'examiner et de résoudre le problème. Cette commission fut présidée par le chancelier Le Tellier et se réunit chez lui[82]. Elle décida d'accepter les demandes du clergé et de modérer l'application du droit de régale[83]. L'archevêque de Reims fut commis pour rédiger la lettre des prélats français au pape sur le résultat obtenu. Si Louis XIV reçut les félicitations et les remerciements des évêques, le Saint-Siège fut très mécontent d'eux parce qu'ils s'étaient assemblés sans son autorisation et se mêlaient de décider des questions sur lesquelles on ne leur demandait pas leur avis[84]. Et, en effet, à propos de la lettre du clergé, Louvois fournissait des renseignements bien précis et bien curieux à son frère, piqué de ce que le pape ne l'avait pas approuvé. Il lui écrit le 30 mars 1682 : Le roi a toujours estimé qu'il n'était point de son service de faire faire aucune offre au pape pour le porter à terminer l'affaire de la régale. Et, au contraire, Sa Majesté a cru que rien ne pouvait plus nourrir la mauvaise humeur de Sa Sainteté que de lui faire voir que l'on est en peine de cette affaire. Le paquet, dans lequel se trouvait la lettre, resta quatre jours fermé sur le bureau du souverain pontife : on discuta s'il serait renvoyé intact à la cour de France. Cet avis n'ayant pas prévalu, Sa Sainteté l'ouvrit et remit la lettre à Favoriti pour la lui traduire. Après examen de l'affaire par quatre cardinaux, une réponse sera incessamment envoyée au clergé, dans laquelle le pape fait de grands éloges de la piété du roi[85]. Le bref Pontifical réprouva, en même temps, toute l'action du clergé français et cassa les décisions prises par lui[86]. De là de vives discussions dans l'assemblée entre l'archevêque de Paris et celui de Reims, ce dernier étant fermement soutenu par les évêques de Meaux et de Châlons, Bossuet et Vialart[87]. Quoiqu'il en soit, pour la cour de France, le problème du droit de régale était résolu, en dehors de l'ingérence étrangère, à la satisfaction des deux parties. Mais l'assemblée, irritée par l'intransigeance
pontificale, en avait abordé un autre, de portée beaucoup plus grave, celui
de l'infaillibilité du pape et des libertés de l'église gallicane. D'après l'abbé
Fleury, Bossuet aurait dit à Maurice Tellier : Vous aurez
la gloire d'avoir terminé l'affaire de la régale, mais cette gloire sera
obscurcie par ces propositions odieuses[88]. Plus précis
encore, Louvois, dans la lettre à son frère, note qu'à
Rome, ceux qui proposaient de renvoyer le paquet sans l'ouvrir, appuyaient leurs
propositions sur les différentes matières que l'assemblée a ordonné qu'elles
fussent examinées[89]. Quelle a donc été réellement l'attitude des Le Tellier à propos du dogme de l'infaillibilité ? Les opinions des contemporains marquent de la divergence et même quelque contradiction. Selon l'abbé Fleury, le chancelier et son fils Maurice, de concert avec Bossuet, furent les instigateurs d'une assemblée générale du clergé, et, contrairement à l'avis de l'évêque de Meaux, ils poussèrent vivement le roi à traiter la question de l'autorité du pape. Colbert, le Père La Chaise et l'archevêque de Paris, Harlay de Champvallon, les auraient secondés[90]. Ce témoignage, quelque peu tardif, ne saurait être retenu : il est contredit par ceux d'auteurs, contemporains, eux, des événements. Secrétaire de l'archevêque de Paris, l'abbé Legendre expose qu'Harlay de Champvallon, président de l'assemblée, aurait joué un mauvais tour à Maurice Le Tellier et à Bossuet en les proposant au roi pour charger de la rédaction des quatre articles deux hommes aussi savants et aussi accrédités. Il espérait qu'en agissant de cette façon, ils se rendraient si odieux à la cour de Rome qu'elle ne penserait jamais à eux pour le chapeau de cardinal[91]. Dans sa relation, Spanheim attribue le principal rôle à l'archevêque de Reims, et reproduit, ainsi, une opinion assez répandue de son temps[92]. Secrétaire de Bossuet, l'abbé Ledieu transcrit évidemment la version de ce prélat : d'après lui, Le Tellier et son fils Maurice, d'abord fort irrités contre le Saint-Siège, eurent l'idée de restreindre, par une déclaration solennelle de l'épiscopat français, les pouvoirs du pape. Mais, s'étant rendus compte rapidement des difficultés que cette-politique entraînerait et des suites graves qu'elle pourrait avoir, ils renoncèrent à leur projet. Colbert l'aurait alors repris, de concert avec Harlay de Champvallon et l'aurait, malgré eux, fait prévaloir auprès du roi[93]. Presque identique est l'opinion du protégé de Le Tellier, Claude Le Pelletier, qui transmet les renseignements à lui fournis par son ami Bossuet et par le chancelier. A son avis, l'assemblée du clergé commença avec trop de chaleur et l'archevêque de Reims y était grand acteur. Convaincu que l'on allait trop loin au préjudice de la puissance du pape, Le Pelletier aurait exprimé ses craintes au chancelier, qui modéra cette première vivacité. Colbert et Harlay de Champvallon se réunirent alors avec opposition à Le Tellier et soutinrent qu'il avait changé d'attitude dans l'intérêt de sa famille, pour obtenir le cardinalat en faveur de son fils[94]. Sans tenir compte de ce motif vraiment trop bas, et en estimant que les raisons de Colbert furent d'autre nature[95], il n'est pas indifférent de constater la concordance complète entre les récits de Ledieu et de Le Pelletier. Enfin le cardinal Le Camus s'explique, lui aussi, sur le rôle du chancelier, désigné dans ses lettres par divers pseudonymes, le marchand, le vieux marchand, etc. Selon ce prélat, Le Tellier aurait été d'abord désireux de tout aplanir : il se serait ensuite laissé entraîner par son fils contre son gré. Tous deux seraient revenus à leur première conception, manifestant un avis contraire à la rédaction des quatre articles. C'est alors que Colbert et Harlay de Champvallon l'emportèrent et obtinrent du roi qu'on les publiât[96]. Ainsi, quand l'assemblée du clergé, qui paraissait n'avoir été convoquée que pour contrecarrer l'autorité pontificale, supplia Sa Majesté de donner une déclaration pour s'opposer au pouvoir que les papes s'attribuaient, sans fondement, de mettre les royaumes en interdit, elle acceptait la thèse des intransigeants[97]. modérateur, représenté principalement par le chancelier et ses fils, ne fut pas écouté. Mais son sentiment, hostile aux empiétements de l'église, n'était pas douteux. J'ai reçu, écrit Le Tellier au procureur général Harlay, le 24 mars 1682, le discours que vous avez prononcé en présentant (au parlement de Paris) l'édit sur la déclaration du clergé contre la puissance ecclésiastique. Je l'ai lu et il m'a paru de telle considération qu'il mérite, comme vous le proposez, d'être mis dans le registre pour y demeurer secret[98]. Ne pas ébruiter pour éviter des complications périlleuses, telle est toujours la doctrine. De la publication des quatre articles, le Saint-Siège fut, on le sait, extrêmement offensé[99]. Selon Louvois, le bruit courut que le pape interdira quelque prélat de l'assemblée pour avoir osé établir une pareille doctrine, de laquelle on n'a parlé à l'assemblée que pour avoir occasion de sanctifier Jansénius en déclarant que le pape n'est pas infaillible[100]. Dans l'assemblée elle-même persistait la mésintelligence des archevêques de Reims et de Paris, qui avaient eu encore un nouveau démêlé depuis quelques jours[101]. Le peuple paraissant persuadé qu'elle brouillait la France avec le pape et celui-ci persistant à ne pas céder, Louis XIV ordonna la séparation des évêques en juillet 1682. Espérait-il que cet acte rendrait le souverain pontife plus conciliant ? Sans doute celui-ci envoya-t-il en octobre, à Paris, un nonce pour porter des langes bénis au duc de Bourgogne, nouveau-né. Mais, en annonçant cette nouvelle à son frère, Louvois ajouta : Et comme cela n'est, accompagné d'aucun adoucissement ni sur l'affaire de la régale ni sur les bulles de Messieurs de Castres et de Clermont, on ne sait encore si cet envoi est fait à bonne ou mauvaise intention[102]. De fait, la résistance pontificale resta inébranlable. Au bout de onze ans, le roi de France dut faire amende honorable et revenir à une politique modérée, celle que, dans les affaires religieuses, les Le Tellier avaient constamment préconisée[103]. |
[1] B. N., Dossiers bleus, 336.
[2] Gazier, Hist. du mouv. jans., I, 123.
[3] Deslyons, Journ., pub. dans Doc. d'hist., II, 1911, p. 62. — Cf. Sainte-Beuve, Port-Royal, IV, 352-398, passim. — Le nonce Bargellini déclarera en 1666 que c'est l'abbé Roquette, évêque d'Autun, janséniste, qui gouverne toute la maison de Le Tellier : — Cauchie, Le Gallic...
[4] Arch. Bast., I, 208-209, Le Tellier à Séguier, 1659 : Il est juste que les jésuites demeurent dans la retenue et la modération et que, s'il leur arrive produire ou d'avancer quelque chose mal à propos, on ne les épargne pas plus que les autres pour faire reconnaître que la justice du roi est égale pour tout le monde et que ceux qui ont l'honneur de le servir n'ont point de partialité.
[5] A. N., Guerre A1, 164 tr., f° 38. — Pour les années 1660-1669, v. B. N., f. fr., 6898-6899, en particulier les lettres de Le Tellier et de Séguier.
[6] Hermant, Mém., IV, 552, 560.
[7] A. N., Guerre A1, 168 min., f° 90-92, lettres du 28 janvier 1661.
[8] A. E., Mém. Doc., Espagne, t. 64, f° 105 v°, d'après Mémor., t. II.
[9] Louis XIV, Mém., II, 376-377 et 419. Comparer le récit de Frirai Visconti à l'année 1674, Mém., 79 : On m'a raconté que le roi, dans sa jeunesse, tenait les jansénistes pour des hommes de religion élevée et qu'un jour, en son conseil, poussé par Le Tellier à demander quelques raisons à l'évêque d'Alet, qui était de cette secte, il aurait répondu qu'il n'osait le faire, parce que ce prélat, considéré comme menant une vie sainte et sévère, l'aurait pu citer au tribunal de Dieu.
[10] A. E., Mém. Doc., France, t. 910, f° 288.
[11] Mémor., I, 201 et 219, note I (texte du procès-verbal de d'Aubray).
[12] A. N., Guerre A1, 168 min., f° 306.
[13] Mémor., I, 236-7, 2 mai 1661 : — B. N., f. fr., nouv. acquis., 1525, f° 1-2, première lettre de cachet, même date : A. N., Guerre A1, 168 min., f° 336, Le Tellier à d'Aubray, 3 mai (pub. dans Mémor., I, 241, note 2) : — Hermant, Mém., IV, 650.
[14] B. N., f. fr., nouv. acquis., 1525, f° 2 et 17, seconde lettre de cachet, 9 mai, et lettre de la mère Agnès, 6 mai : — Id., f° 3-4, Le Tellier à la mère Agnès, 9 mai :— A. N., Guerre A1, 168 min., f° 378-9, Le Tellier à Contes et aux vicaires généraux, 10 mai 1661.
[15] A. N., Guerre A1, 168 min., f° 409 et 448, let. de Le Tellier, 16 et 26 mai 1661.
[16] B. N., f. fr., nouv. acquis., 1525, f° 3-4. Mêmes idées dans la lettre de Le Tellier au procureur du roi, 10 mai : A. N., Guerre A1, 168 min., f° 375 : d'abord remplacement de Singlin, que chacun sait être dans les opinions condamnées par le Saint-Siège, — puis liberté. — Cf. Hermant, IV, 653.
[17] A. N., Guerre A1, 168 min., f° 379, Le Tellier aux vicaires généraux, 10 mai 1661.
[18] Hermant, V, 157.
[19] A. N., Guerre A1, 168 min., f° 446, Le Tellier à Contes, 25 mai 1661.
[20] Id., 169 min., f° 24-26, lettres du 4 juin 1661 : — Cf. Mémor., II, 16, 2 juin.
[21] V. B. N., f. fr., 17.774, f° 28 et sq.
[22] Texte dans A. E., Cor. pol., Rome, 143, f° 118, et B. N., ms., Baluze, 114, f° 151-155.
[23] Mêmes références et, en outre, B. N., f. fr., 6899, f° 12 : — A. N., ADIV, 356, n° 33 : — A. N., E, 172, f° 270 et 280.
[24] Mémor., II, 98-9.
[25] Hermant, V, 103-115.
[26] Hermant, V, 135-136.
[27] A. N., Guerre A1, 169 min., f° 194.
[28] Mémor., II, 256-7 : — A. N., Guerre A1, 169 min., f° 227-228 et 252, let. de Le Tellier, 31 juillet et 6 août.
[29] Mme de Guéméné intercédera encore auprès de Le Tellier en février 1662 : Sainte-Beuve, Port-Royal, 2e édit., 1860, IV, 47 : — René Bernard Renaud de Sévigné, 1610-76, chevalier de Malte, oncle par alliance de Mme de Sévigné.
[30] A. N., Guerre A1, 169 min., f° 297 : Aussitôt que la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire m'a été rendue, quoique j'eusse été déjà éconduit sur une demande pareille que la vôtre, que faisait Mme la princesse de Guéméné, je n'ai laissé d'en parler au roi et de lui faire entendre toutes les raisons pour lesquelles vous la fondez. Mais je suis obligé de vous dire, Madame, que Sa Majesté n'a point voulu apporter de changement à la résolution qu'Elle a prise de faire boucher toutes les portes, parloirs et fenêtres, qui donnent sur l'es lieux réguliers du monastère de Port-Royal. Si bien, Madame, que je me trouve assez malheureux pour n'avoir pu réussir au service que vous m'avez fait l'honneur de désirer de moi, dont je ne suie pas peu mortifié : pub. dans Mémor., II, 529.
[31] A. N., Guerre A1, 169 min., f° 317. La preuve que Le Tellier est bien chargé de l'affaire janséniste est que le curé de Saint-Sulpice s'adresse à lui, et, après des assurances extraordinaires de dévouement au roi, lui demande d'intervenir pour réprimer les agissements auxquels se livrent jansénistes et protestants dans sa paroisse : A. E., Mém. Doc., France, 911, f° 107, 9 août 1661.
[32] V., p. ex., A. N., Guerre A1, 173 min., f° 211, Le Tellier à l'évêque de Poitiers, 21 mai 1662.
[33] Id., 183 min., f° 92, et 186 min., f° 479, Le Tellier à l'abbé de Haute-fontaine, 9 janvier et 29 août 1664.
[34] Id., 186 min., f° 17, 48 et 73, Le Tellier au lieutenant civil, 2, 6 et 10 juillet 1664.
[35] Id., 183 min., f° 415, Le Tellier à Bezons, 4 février 1664.
[36] Id., 188 min., f° 110, le même au même, 21 novembre 1664.
[37] Ormesson, II, 349-350.
[38] A. N., Guerre A1, 195 min., f° 337, et 196 min., f° 52, Le Tellier à l'évêque d'Alet, 10 octobre, et à Bezons, 13 novembre 1665.
[39] Sainte-Beuve, Port-Royal, 2e édit., p. 256.
[40] Louis XIV, Journ. et Mém., I, 30-31, 50, 200-202.
[41] Varet, I, 31-32.
[42] Cf. Sainte-Beuve, p. 256 : — Gazier, Hist. Gén., I, 182, et Les dern. années..., — Cf. Gérin, Louis XIV et le Saint-Siège, t. II.
[43] Varet, Relat. : a été beaucoup utilisé par Sainte-Beuve. — Gazier, Les dern. années..., p. 145-147, le déclare d'une entière bonne foi.
[44] A. E., Mém. Doc., Rome, t. 18 et 19 (années 1667-9).
[45] Varet, I, 40-51. Les quatre évêques agissent de même : leurs lettres sont dans Varet, I, 57-68.
[46] A. N., L, 12, let. pastorale de Gondrin.
[47] Varet, I, 31.
[48] Varet, I, 122-126, entrevue Vialart-Vevrin, et lettre de Le Tellier, 12 mars 1668 : L'envoi du sieur de Vrevin vers vous est du pur mouvement du roi, excité dans son cœur par l'estime et la bonté qu'il conserve pour votre personne. Répondez-y, Monsieur, s'il vous plaît, dans cette occasion, qui tient au cœur de Sa Majesté au-delà de ce que je puis vous exprimer. C'est un grand roi, vertueux, sans peur, fort autorisé et qui, ne trouvant pas de contradiction chez ses ennemis, ne souffrirait pas celle que lui feraient ceux de ses sujets, qui reçoivent le plus d'avantage des grâces qu'il départ dans son royaume. C'est trop dire, Monsieur, à une personne aussi éclairée que vous êtes.
[49] Varet, I, 136-138, 156 et 218.
[50] Varet, I, 139.
[51] Varet, I, 216-218 — A . E. , Mém.
Doc., Rome, 18, f° 78.
[52] Varet, I, 138.
[53] Varet, I, 281-284 (récit pittoresque).
[54] Varet, II, 109-114 : Maurice Le Tellier montra ce factum au docteur de Sorbonne Boileau, pour qui les auteurs étaient non Port-Royal, mais les ennemis de l'accommodement : Id., II, 124-127.
[55] Texte dans Varet, II, 57-58. Gondrin proteste auprès de Roquette contre la situation faite à l'église de France par ces arrêts et lui demande d'en informer Le Tellier.
[56] Ormesson, II, 550, juillet 1668 : — Varet, II, 108.
[57] Sainte-Beuve, p. 263.
[58] Varet, II, 93.
[59] Varet, II, 140 : — Ormesson, II, 556.
[60] Varet, II, 141-145. Convaincu par Lionne, le nonce écrivit à Rome que le jansénisme était un parti puissant, ayant de nombreux appuis dans la haute noblesse et ce qui était pis, les trois ministres étaient gouvernés et gagnés par des gens de ce parti-là en ayant chacun un auprès de messieurs leurs enfants.
[61] Varet, II, 145, 150.
[62] Varet, II, 167, let. de Gondrin, 11 août : — 179-180, let. d'Arnauld, 22 août (Arnauld rapporte les paroles de Maurice Le Tellier, qui s'est efforce depuis deux mois de réduire les résistances des jansénistes, qu'il a poussés vers la paix : Id., 122-3).
[63] Les religieuses de Port-Royal.
[64] Les deux lettres sont dans Varet, II, 247-248.
[65] Varet, III, 252-253.
[66] Varet, II, 318 et sq. : — A. E., Mém. Doc., Rome, t. 19.
[67] Varet, II, 314-317.
[68] Ormesson, II, 559-560.
[69] Varet, II, 337-355, passim : Ormesson, II, 556 : A. E., Mém. Doc., Rome, t. 19 (bref de Clément IX).
[70] Varet, II, 395 et 423.
[71] Le Pelletier, Mém., 111-112.
[72] Le Camus, Let., 265, 5 juillet 1676. — Je trouve, encore et seulement, deux documents relatifs au jansénisme. Dans une lettre à l'intendant Miromesnil, 17 juin 1675, Louvois lui demande de vérifier si les accusations portées contre le curé janséniste de Vitry, Feydeau, sont vraies ou fausses, afin qu'il ne soit point puni mal à propos : A. N., Guerre A1, 426 min., p. 212, juin. — En 1679, quand l'archevêque de Paris, Harlay de Champvallon, prend des mesures de rigueur contre les jansénistes, Antoine Arnauld, dans une lettre au chancelier Le Tellier, proteste contre le portrait qu'on a fait de lui au roi, assure de ses bonnes intentions et de son innocence, et déclare sa résolution de vivre dans la retraite : A. N., L, 12.
[73] Cauchie, Le gallic..., p. 12.
[74] Cauchie, Le gallic..., p. 12.
[75] B. N., f. fr., 23251, n° 1756. — Sarpi Pietro, dit Fra Paolo, 1552-1623. Son histoire fut publiée à Londres par un jésuite de Dalmatie, Marc Antonio de Dominis, sous le pseudonyme de Pietro Soave Polano : elle est écrite dans une forme élégante avec une complète indépendance d'esprit, l'auteur expose sa thèse en opposition tranchée avec celle de la cour de Rome, dont il est l'ardent adversaire.
[76] Sourches, I, 7, note 3.
[77] Pomponne, Mém., p. 33. — Cf. L. André, Sources..., VI, n° 4503 et 4505.
[78] Le Camus, Let., p. 159, 179, 198 et 317, 6 octobre et 28 décembre 1674, 2 avril 1675, 8 septembre 1678.
[79] Cor. admin., II, 219, n° 78, Le Tellier à Harlay, 20 mars 1680.
[80] Le Camus, Let., p. 369, 10 mars 1681.
[81] Le Camus, Let., p. 370-378, 380-385, 393-395, 21 et 26 mars, 28 avril, 30 mai et 17 septembre 1681. — Cf. Gérin, Recher. hist.
[82] Elle comprenait le maréchal de Villeroi, Colbert et cinq conseillers d'état (Boucherat, Bezons, Pussort, Hotman et Le Pelletier).
[83] Sourches, I, 60-22, 72, novembre 1681-janvier 1682.
[84] Sourches, I, 78, 87, 104 et note 4.
[85] A. N., Guerre A1, 675 min., p. 687-8, let. du 30 mars 1682.
[86] Sourches, I, 101-102, 9 mai 1682.
[87] Sourches, I, 109-110, fin mai 1682.
[88] Fleury, Nouv. opusc., 135 et sq. : — Cf. Colbert, Let..., VI, LXXVIII, note 1.
[89] A. N., Guerre A1, 675 min., p. 687-688, let. du 30 mars 1682.
[90] Fleury, Nouv. opusc., 135 et sq.
[91] Legendre, Mém., 47-48.
[92] Spanheim, 443 ; — Cf. Saint-Simon, Mém., IV, 83 et XIX, 43.
[93] Ledieu, II, 8.
[94] Le Pelletier, Mém., 114 et note 1. — Cf. Gillet, Ch. Maur. Le Tellier, chap. X.
[95] Clément, Hist... Colb., III, 391-392.
[96] Le Camus, Let., p. 415, 4 janvier 1683, et Let. inéd.. passim.
[97] Sourches, I, 47, 87, 11 mars 1682.
[98] Cor. admin., II, 220, n° 78. — Cf. A. N., Guerre A1, 681 min., octobre p. 582, Louvois à son frère, 25 octobre 1682.
[99] Sourches, I, 100-102, 20 avril et 9 mai 1682.
[100] Louvois à son frère, A. N., Guerre A1, 675 min., p. 687-688, let. du 30 mars 1682.
[101] Sourches, I, 120, juillet 1682.
[102] A. N., Guerre A1, 681 min., let. du 27 octobre 1682.
[103] A l'égard des réguliers, Le Tellier et Louvois éprouvent la même défiance que Colbert. Secrétaires d'état de la guerre, ils ne supportent pas, nous l'avons vu, que les capucins, les chartreux, etc., accordent asile dans leurs couvents à des déserteurs, des criminels, etc. En 1673 et en 1679, à plusieurs reprises, Le Camus demande à Le Tellier d'intervenir énergiquement contre les augustins et les jésuites de son diocèse de Grenoble, qui se montrent insubordonnés, et il dresse contre les premiers un mémoire si ample et si certain que les cheveux me dressent à la tête, quand j'y pense : Let., p. 85, 101, 112 et 335-9, 5 mai, 9 septembre et 12 décembre 1673, et 10 mai 1679. C'est surtout aux jésuites que Le Tellier en a, réprouvant leur manque de retenue dans la polémique, chargeant l'intendant de Flandre, Le Pelletier de Souzy, d'obliger ceux de Douai à ne pas soutenir dans leurs thèses des sentiments, qui ne sont pas conformes à ceux de la Faculté de Paris, autorisés par lettres patentes du roi..., 16 août 1676 : Rev. Nord, 1932, XVIII, 35, ou Croquez, La Flandre Wal., pièce justificative n° 58. L'archevêque de Reims a la même opinion que son père : son animosité contre les jésuites est telle qu'en septembre 1682, selon Sourches (I, 140), le roi lui aurait reproché de parler d'eux avec de l'aigreur et du mépris et ordonné de s'abstenir dorénavant de ces sortes de discours.