I. — Diversité des opinions chez les contemporains. Pendant les années suivantes et jusqu'à la conclusion de la paix d'Aix-la-Chapelle (2 mai 1668), les opinions des contemporains restent diverses et hésitantes. On est d'accord sur un seul point : Ceux qui entrent ordinairement alix affaires sont M. Colbert, M. Le Tellier et M. de Lionne[1]. Sur le reste aucune entente. Marco Antonio Giustinian[2], après avoir noté que la masse des problèmes retombe sur ces trois ministres seuls, ajoute cependant : Al signor di Lionne aspettano le materie di stato che rinviano a negoziati con principi esteri : al signor di Tellier, l'incombenza delle milizie al signor di Colbert l'assistenza delle. finanze : con essi solo accadono gli affari degli esteri o per maneggio o per danari o per leve[3], et il parle de Louvois uniquement pour signaler qu'il a la survivance. Son successeur, Giovanni Morosini[4], mentionne de son côté : Il signor di Tellier ha le cose tutte spettanti alla guerra terrestre, aile munizioni et apprestamenti per essa. Il reconnaît pourtant que Louvois, sino più freschi anni educato, exerce en partie la charge de son père[5]. Spanheim, prudemment, se borne à parler des trois ministres d'état, auxquels les ambassadeurs étrangers rendent leurs devoirs ou qu'ils informent u par occasion des sujets de leurs commissions[6]. D'autres, au contraire, attribuent la première place à Louvois seul. On n'est pas peu étonné de voir d'Ormesson le mettre au nombre des quatre secrétaires d'état qui assistent à une séance solennelle du parlement de Paris le 29 avril 1665[7]. On l'est un peu moins lorsque le gazetier nous montre la foule des officiers venant quérir un emploi, Et son hôtel n'y pouvant pas suffire, Lorsque leur nombre croit, son jardin les retire. Les solliciteurs sont même si nombreux Que, pour les employer tous dans le même temps, Il faudrait que le roi combattit tout le monde[8]. Plus sérieux et plus digne d'attention est le témoignage de Louis XIV, en 1666 : Le soir, au lieu de me divertir, comme j'avais accoutumé, je rentrais dans mon cabinet pour y travailler ou au détail de la guerre avec Louvois, qui en était chargé, ou aux autres affaires que j'avais résolu d'examiner moi seul[9]. Le Tellier envoie-t-il une dépêche en l'absence de son fils, le chef d'armée qui la reçoit, Pradel, mande à Louvois : Je me persuade qu'il ne trouvera pas mauvais que je vous adresse la réponse pour vous informer de ce que j'ai fait en exécution de ce qu'elle m'ordonne[10]. De son côté, Le Tellier parait être du même avis. D'une part, il prie M. de Rambouillet d'excuser son fils du retardement, qu'il met à répondre, puisqu'il n'est fondé que sur la multitude d'affaires dont il est chargé[11]. D'autre part. il mande en 1666 à d'Estrades : Le plus grand plaisir que vous me puissiez faire est d'écrire à l'avenir à mon fils pour tout ce qui touche aux affaires du département[12]. Louvois, enfin, dans une lettre très connue et souvent publiée, reconnaît que ses occupations ont triplé et lui ont ôté le temps d'aller à la chasse[13]. Bien plus, à mesure que l'on avance dans le temps, les titres se diversifient : pour le baron de Montbas, Louvois est premier ministre d'état, qui avait lors le département de la guerre : pour la reine de Portugal, conseiller du roi en tous ses conseils et secrétaire d'état[14], etc. Pour résoudre convenablement et logiquement ce problème. il n'est que de consulter les volumes de transcrits, dont la belle calligraphie facilite la lecture, mais qui sont incomplets, et surtout les volumes renfermant les minutes[15]. Dans ces derniers, le signe L, indiquant les lettres écrites sûrement par Louvois, persiste, et disparaîtra seulement au début de l'année 1668. Mais les autres minutes sont beaucoup plus nombreuses : s'il est impossible de prétendre qu'elles sont toutes de Le Tellier, il en est beaucoup qui lui appartiennent sans contestation possible. Elles traitent de sujets fort variés, familiaux ou d'intérêt particulier — recommandations, remerciements, etc. —, religieux — protestantisme, jansénisme —, judiciaires, élection à l'assemblée du clergé, grands jours d'Auvergne, mort d'Anne d'Autriche, etc. En revanche, il est peu de matières concernant exclusivement l'administration de la guerre, sauf quand Louvois est absent[16]. Et ces absences sont fréquentes, quelquefois longues, par exemple en 1668 — conquête de la Franche-Comté et voyage en Flandre. Ainsi, Louvois présent, Le Tellier lui laisse exercer presqu'entièrement sa charge de secrétaire d'état de la guerre et, à son tour, il le soulage. Louvois absent, il se substitue 'à lui et le remplace. Il n'est donc pas téméraire ou exagéré d'affirmer que, pendant ces années, les deux hommes travaillent ensemble et de concert[17]. II. — Louvois, Turenne et Pradel, 1665-1666. De 1665 à 1668, Louvois, n'étant plus étroitement tenu sous la dépendance paternelle, passe sous la tutelle du plus illustre guerrier de France, de celui que l'on avait récompensé en 1660 par le titre et le grade unique de maréchal-général des camps et armées du roi, le vicomte de Turenne. Pendant longtemps, on lui a dénié toute influence au début du gouvernement personnel de Louis XIV. Des études approfondies ont, au contraire, montré que le souverain le consulta fréquemment sur les problèmes non seulement militaires, mais politiques et que, s'il tenait encore Condé à l'écart, il accordait toute sa confiance à Turenne[18]. Entre le maréchal et Louvois, les rapports furent d'abord corrects, courtois même, le civil acceptant de s'effacer devant l'officier, de se subordonner à lui. Ils tourneront vite à l'aigre, ce qui entraînera de graves conséquences. La première occasion de la prise de contact fut fournie par la demande des Hollandais, en vertu de l'alliance de 1662, d'un secours français contre les soldats ou plutôt les maraudeurs et les pillards de l'évêque de Munster, leur ennemi, 1665[19]. Dès le début d'octobre, Louvois forme donc un corps composé de 4.000 hommes de pied et de 2.000 chevaux des meilleures troupes que Sa Majesté ait sur pied[20]. Le commandant en sera le lieutenant-général, marquis de Pradel, et le commissaire des guerres, nommé avant le départ intendant, Carlier[21]. De son côté, le 6 octobre, Le Tellier prie son collègue Lionne de demander à l'électeur de Cologne le libre passage des 6.000 français à travers ses états[22]. En somme, il s'agissait encore d'une expédition militaire d'importance tout à fait minime. Si la discipline ne fut pas strictement observée par les soldats, dont les exactions soulevèrent les réclamations des populations hollandaises et provoquèrent des enquêtes de l'intendant, il n'y eut, du moins, aucune difficulté d'ordre technique. Les Munstériens furent aisément battus, ou plutôt quittèrent, en grande partie, le territoire des Provinces-Unies à l'approche des troupes françaises. Par suite cette petite guerre ne présente aucun intérêt. Il en est autrement en ce qui touche l'attitude de Louvois. Si l'on en croit Saint-Simon, Turenne, ce grand capitaine, était dans l'apogée de sa faveur et de sa considération personnelle avec un crédit que rien ne balançait : Louvois, au contraire, était encore trop petit garçon et son père trop fin et trop politique pour oser branler devant le maréchal[23]. Rien n'est plus exact, s'il s'agit du jeune secrétaire d'état. Le 4 octobre 1665, rappelant à Turenne qu'il lui a écrit avant hier fort amplement et lui a transmis les ordres du roi, Louvois continue ainsi : Quoique je n'aie rien à y ajouter, je ne laisse pas de vous faire ces lignes pour profiter de l'occasion que l'ordinaire m'offre de vous assurer de la continuation du respect avec lequel je suis...[24] Louis XIV ayant décidé d'envoyer à Sedan Turenne pour prendre soin du départ du corps de troupes de Pradel et l'accompagner en réalité jusqu'à la frontière hollandaise, Je vous recommande, écrit Louvois à l'intendant Carlier, d'avoir pour sa personne et pour ses sentiments toute la déférence et le respect qui sont dus à sa naissance et à son mérite[25]. Le 2 novembre enfin, il s'en remet au maréchal de tout ce qu'il y aura à faire à Sedan, lui mande beaucoup de nouvelles, lui signale en particulier l'animosité déclarée en Angleterre contre les Français et conclut : Trouvez bon, Monseigneur, que je vous rende grâce très humble des bontés qu'il vous plaît de nie témoigner et que j'aie l'honneur de l'assurer que vous ne pouvez avoir personne qui en aie plus de reconnaissance et qui les reçoive avec un plus profond respect[26]. A cet effort, sincère alors, de déférente gratitude, le maréchal répond moins courtoisement — ce n'est guère sa manière —, mais en essayant de prouver sa très bonne volonté. Le ministre ne peut qu'être satisfait de l'appréciation favorable d'un si grand soldat. A Mézières, Turenne a trouvé tout bien disposé : à Val Saint Hubert, il n'a ouï aucune plainte que de bois brûlé, qui serait de haie, à un village et deux cochons pris qui ont été payés... Tout ce qui est de la maison du roi est en très bon état et le reste des troupes aussi. Elles ont un peu manqué de pain[27], mais à cette heure on ne manquera plus de rien. Au moment de son retour, tout ce que j'ai laissé, dit-il encore, est en très bon état[28]. Toutefois peut-on remarquer que le maréchal réserve pour le roi seul ses communications et ses rapports, et que le grand seigneur tient, non pas dans le mépris, mais à distance le ministre bourgeois[29]. En revanche, celui-ci reprend toute son autorité avec les chefs du corps expéditionnaire. Pradel paraissant peu enclin à écrire fréquemment, il lui rappelle que le roi est impatient d'être renseigné sur tout ce qui se passe : Il est absolument nécessaire que vous écriviez règlement par tous les ordinaires de Hollande[30]. Le commandant ayant dissimulé les plaintes des Néerlandais contre la maison du roi, il le rappelle à l'ordre et à la fermeté : rendre un compte exact, mander désormais jusques aux moindres particularités, point de réserve pour ce qui touchera la conduite des officiers, de quelque qualité qu'ils soient, déclarer aux coupables que, s'ils ne changent de conduite et ne vivent comme le doivent des officiers sages, ils tomberont dans la disgrâce de Sa Majesté[31]. Avec Carlier, bien connu de lui puisque cet intendant a été longtemps commis de Le Tellier[32], Louvois marque un peu plus d'abandon, bien qu'entre eux, il s'agisse simplement de finances, vivres, hôpital, discipline. Carlier fait tous ses efforts et il sait son métier : il signale que, les officiers ne voulant pas poursuivre et Pradel montrant trop de bonté, les soldats n'écoutent rien, la mésintelligence entre eux et les populations hollandaises s'accentue : il se livre à des enquêtes qu'il communique au ministre et l'excite à sévir[33]. Heureux d'être amplement et exactement renseigné, Louvois lui fait confiance, en arrive même à plaisanter contre l'évêque de Munster, qui parait vouloir venir à résipiscence : Aussi, écrit-il à l'intendant, n'y a-t-il rien qui rende un homme aussi civil, quand il ne le serait pas, que la crainte qui est une passion que je suis persuadé qu'il a toute entière depuis le solstice[34]. Ce prélat s'étant résolu à la paix avec les Hollandais, l'ordre de retour fut donné le 7 mai 1666 aux troupes, qui arrivèrent à Sedan le 21 juin[35]. Ainsi Louvois s'est occupé seul de cette expédition, son père lui ayant laissé toute latitude. Il s'y montre sous deux aspects différents. Avec Pradel et Carlier, il parle en vrai ministre, conscient de sa responsabilité envers le roi, qui, d'ailleurs, ne lui ménage pas son appui. Avec Turenne, il est humble et obséquieux. Jusqu'ici ses relations avec le maréchal ont été assez espacées. Mais, avant même que le corps expéditionnaire ait repris le chemin de la France, elles sont devenues plus fréquentes. III. — L'année des revues, 1666. L'année 1666 est l'année des revues, des réunions de troupes choisies, destinées à la guerre prévue contre l'Espagne depuis la mort de Philippe IV[36], la guerre de Dévolution. Dans ses mémoires, Louis XIV s'étend avec complaisance sur les préparatifs militaires et s'en attribue tout le mérite. Il voulait, insiste-t-il, se rendre compte de quelle manière les officiers, chargés de procéder à de nombreuses levées, s'étaient acquittes de leur devoir : aussi avait-il déclaré publiquement qu'il passerait chaque mois une revue de tous les soldats, qu'il pourrait commodément assembler[37]. Les revues ne furent pas mensuelles : mais elles furent nombreuses jusqu'à l'ouverture de la campagne, en mai 1667. A Louvois, qui avait lors le département de la guerre[38], incomba, chaque fois, le soin de préparer toutes choses avant l'arrivée du souverain. Celui-ci ne put assister à la première des réunions, l'état de santé de sa mère s'étant rapidement aggravé[39]. Elle devait avoir lieu en Picardie, dans la plaine de Breteuil, le 19 janvier. Elle comprendrait, dit Le Tellier, la meilleure partie des troupes de nouvelle levée... Il y aura bien 7 à 8.000 hommes et 2 à 3.000 chevaux : d'après les extraits des commissaires des guerres, les fantassins se trouveront bien faits et les cavaliers bien montés. Vers le 15, Louvois était parti pour se rendre sur les lieux et y prendre les mesures nécessaires[40]. Mais le roi ne jugeant pas à propos de se séparer de sa mère en cet instant critique, Le Tellier est chargé de rédiger pour Turenne une lettre-programme qui se distingue par une précision minutieuse. Le maréchal continuera son voyage de façon à arriver le lundi 18 à Breteuil. Le mardi 19, il passera la revue dans la plaine, fera mettre les soldats en bataille et exécuter le réglèrent ci-joint, qui regarde le rang des troupes de Sa Majesté, examinera chaque compagnie : pendant le défilé, il observera la qualité des soldats et la manière dont ils seront vêtus, armés et montés. Après la revue, les troupes retourneront dans les lieux où elles auront couché. Les chefs, colonels et autres, les accompagneront dans cette marche, afin que, par leur présence, ils tiennent exactement la main à ce que les officiers, cavaliers et soldats vivent en si bonne discipline qu'ils ne donnent pas lieu à la moindre plainte. Le Tellier avise le maréchal que Louvois doit exécuter tout ce qui lui avait été ordonné, de même que si Sa Majesté y était présente. Connaissant par expérience personnelle combien il était malaisé de rassembler de belles et nombreuses troupes et de les faire vivre en bon ordre, il prend une autre précaution à propos de son fils, en disant à Turenne avec sa civilité habituelle : Que si vous ne trouvez pas que les choses ne répondent pas à ce que l'on a pu désirer de ses soins, je vous supplie, très humblement, Monseigneur, de faire considération sur les difficultés qu'il y a ordinairement de réussir dans une affaire où il faut que tant de gens contribuent. Et vous ne saurez jamais m'obliger plus sensiblement que par les offices qu'il vous plaira de lui départir[41]. Quel fut le résultat de la collaboration de Turenne et de Louvois ? Rousset, dubitatif, dit seulement qu'il est permis de croire que le maréchal se montra satisfait[42]. Beaucoup plus précis et plus vrai est Louis XIV. Les deux hommes qu'il avait chargés de lui rapporter un compte exact de toutes les troupes le firent avec tant de soin qu'à peine en les voyant moi-marne aurais-je pu prendre connaissance plus parfaite que celle qu'ils m'en donnèrent[43]. Du reste, il ordonne à Louvois de dresser la liste des capitaines d'infanterie et de cavalerie, dont les compagnies ont été les mieux tenues et auxquels Sa Majesté accorde une gratification[44]. La Gazette insère un récit bref, mais utile, au cours duquel elle cite Turenne, et non Louvois. Au contraire, le chroniqueur-poète associe Le grand maréchal de Turenne, vaillant et prudent capitaine, avec le marquis de Louvois, qui, pour son mérite, en vaut trois[45]. Deux mois plus tard, 15 mars, un exercice semblable fut
repris sur une plus vaste échelle et sur un autre plan. Pour Louis XIV en
effet, il ne s'agit plus seulement d'examiner avec une attention extrême des
soldats, mais de donner un spectacle à toute la cour. Il commence à cette
fameuse revue de Mouchy, près de Compiègne, et il continuera l'année suivante
jusqu'à la campagne de Flandre. Il veut que ce soit à la fois une
manifestation de force et une représentation de la majesté royale dans toute
sa splendeur. Si les espions de M. le marquis de
Castel-Rodrigue,"[46], écrit Louvois, font bien leur devoir, ils l'informeront sans doute qu'il
y aura là 18.000 hommes des plus belles troupes du monde. Et d'autre
part, il annonce que le roi sera accompagné de la
reine, de Monseigneur le dauphin, de Monsieur et de Madame... de toute la cour[47], Après avoir
consacré à la revue de ces troupes trois jours entiers à grand peine suffisants... quoique je fusse demeuré à cheval depuis le matin jusqu'au soir,
Louis XIV se déclara satisfait et le montra effectivement par les gratifications que je distribuai à un bon nombre
de capitaines[48]. Louvois était
présent, étant allé, dit son père, à Mouchy à la
suite du roi pour faire les fonctions de ma charge dans la revue d'un grand
corps de troupes[49]. A son retour,
il ne cache pas, lui non plus, son contentement : Il
ne s'est jamais vu de troupes dont les compagnies fussent plus nombreuses
d'hommes bien faits, bien vêtus et bien armés pour l'infanterie, et mieux
montés pour la cavalerie[50]. Il est pourtant
passé inaperçu : ni Mademoiselle de Montpensier ni la Gazette ne le
mentionnent[51]. Comme il l'avait dit, Louis XIV continua ses inspections pour avoir occasion de faire toujours de nouveaux préparatifs sans donner soupçon de l'affaire de Flandre[52]. Cette régularité royale et cette périodicité des exercices, qui ne trompèrent personne à l'étranger, firent appeler, dans les pays étrangers et ennemis, le roi bourbon le cadet de la revue, suivant un bruit rapporté par d'Ormesson[53]. En juin, c'est à la prière des dames de la cour, désireuses de voir un campement qu'à Moret sont réunies des troupes de cavalerie. Des tentes de toutes couleurs sont construites par ordre du galant souverain. Pendant trois jours s'effectue la revue avec toute la magnificence possible. On simule brièvement le siège de la ville pour montrer aux dames la manière de prendre des places. Les mécontents, qui augmentent, traitent cette parade d'une badinerie pour le roi et d'un jeu d'enfants, et Colbert n'est pas l'un des moindres[54]. Le 15 juillet, vers Fontainebleau, Louis passe encore devant les belles et les soldats. Puis, raconte le gazetier, Il tint un conseil d'importance Avecque Monsieur Le Tellier... Et l'on s'en va savoir de province en province Qu'il veut du monde entier ne faire qu'un état[55]. Le jeudi 26 août, à Vincennes, défile devant lui et beaucoup de Parisiens sa maison militaire : Il n'y eut jamais rien de si brave ni de si magnifique en habits mais, répète d'Ormesson[56], tout le monde en murmure. Puis, après un long repos pendant l'automne et le début de l'hiver, les réunions reprennent et se succèdent sur la plaine d'Houilles, les 22 janvier, 3, 4 et 17 février 1667, à Saint-Germain en Laye les 16 et 26 mars, et encore à Houilles le 21 avril. Cette dernière dura trois jours : le roi mangeait sous ses tentes, s'entretenant avec Louvois[57]. Trois semaines après commençait la guerre de Dévolution. Que conclure de ces assemblées à peu près régulièrement renouvelées ? Bien que leur préparation ait incombé, non pas à Le Tellier, mais à son fils, celui-ci ne se met pas souvent en avant. Il disparaît devant la personnalité du roi, et, après elle, devant celle de Turenne. Avec le maréchal, il est resté jusqu'alors en bons termes. En sera-t-il de même pendant de vraies hostilités, qui succèdent maintenant à ce qui n'en était que l'image ? IV. — Colbert et les préparatifs de la guerre. Les projets de la guerre de Flandres, nous apprend Le Pelletier, établirent M. de Louvois dans une grande confiance et beaucoup de privauté auprès de Sa Majesté. La cour commença à avoir les yeux sur lui. Au contraire, plus le crédit de Louvois et de Colbert augmente, plus Le Tellier cache au public tout ce qu'il fait pour la conduite des affaires générales et le service du roi. Il aurait donc remis à son fils tout ce qui concernait le département de la guerre, et il ne voulait être que le spectateur dans toutes les guerres de Hollande et celles qui suivirent[58]. Sans discuter certaines de ces assertions contestables, en
particulier la dernière, indiquons simplement que plusieurs auteurs ont
accusé Le Tellier et Louvois d'avoir été les instigateurs de la guerre contre
l'Espagne. Jaloux de Colbert, dit l'un, ils
souhaitaient une occasion de régner à leur tour et de profiter des
inclinations naturelles du roi pour la gloire. D'après un autre,
Louvois, poussé par le conseil de son père,
excita, pour se faire valoir, Louis XIV contre la cour de Madrid : L'envie qu'il avait de régner dans la guerre, dit
Brienne le fils, engagea le ministre à conseiller au roi une lutte plus spécieuse que juste[59]. Pour juger de
la valeur de ces opinions, le souverain fournit lui-même la réponse. Des
partisans de la paix et de la guerre, il considérait, dit-il, les intérêts,
mais ne s'y arrêtait pas. Car, s'il penchait du côté de la guerre, ce n'était pas, comme on se l'imaginait, à cause de la
faveur trop grande de personnes qui la désiraient, mais par le penchant
naturel que j'y avais moi-même[60]. Les préparatifs de l'a campagne avaient été commencés dès l'année précédente. Lorsque les revues étaient terminées, Louvois envoyait les soldats dans des garnisons du nord de la France, les répartissant non pas tant dans les villes que dans les campagnes, d'où le rassemblement s'effectuerait au moment voulu avec rapidité et sans confusion. Dans les deux seules provinces de Picardie et de Champagne furent ainsi groupés 50.000 hommes environ.[61] Voltaire n'hésite pas à attribuer cette œuvre immense et compliquée à Louvois[62]. Elle lui suscita néanmoins un premier et redoutable
adversaire. Déjà hostile aux revues, qui entraînaient de grosses dépenses et des
marches coûteuses pour le pauvre peuple,
Colbert fut encore plus irrité, quand il vit les troupes logées tout près de
la frontière un an avant l'ouverture des hostilités et augmentées des soldats
venus de toutes les provinces du royaume[63]. Le 22 juillet
1666, il rédigea pour le roi un mémoire où il exposa ses griefs avec une
extrême violence. Les 800.000 livres, dit-il, affectées aux étapes, sont déjà
dépensées, tandis que, si les troupes étaient restées dans leurs garnisons, sans les faire jouer la navette comme l'on fait par des
changements et des marches perpétuelles, cet argent aurait pu être
mieux économisé et mieux utilisé. Les désordres, commis dans ces déplacements,
sont tels que les paysans champenois songent à émigrer à l'étranger. Des
villes ou lieux d'étapes ont souffert depuis six mois cent logements
différents de soldats, qui vivent à discrétion en
entrant et sortant. Les quatre généralités de. Paris, Amiens, Soissons
et Châlons ont supporté plus de logements en six mois que pendant les six dernières années de la guerre ;
leur ruine est inévitable marrie avant l'ouverture des hostilités. Le
responsable de cette situation est Louvois : Je n'ai
pas cru, dit sans ménagement l'irascible ministre, qu'une affaire si importante serait confiée à un jeune
homme de 24 ans, sans expérience sur cette matière, fort emporté et qui croit
qu'il est de l'autorité de sa charge de ruiner le royaume, et qui veut le
ruiner parce que je veux le sauver. Autrefois, le général, le
secrétaire d'état de la guerre et le surintendant général des finances se
concertaient pour éviter ou réduire les dépenses excessives : on écoutait les
plaintes des villes. Maintenant tout est changé : les délégués urbains venus
é. Fontainebleau ont été traités de coquins et de
séditieux... par celui qui parle au nom de
Votre Majesté[64]. Ce réquisitoire virulent, passionné, de l'argentier, ménager des deniers du roi, ne montre pas seulement la différence de conception des deux adversaires, le point de vue de Louvois étant exclusivement militaire, et celui de Colbert, financier. Il prouve aussi l'animosité du contrôleur général contre le jeune homme qui l'écarte de tout et agit à sa guise. De son côté le fils de Le Tellier s'irrite facilement de la lésinerie de celui dont son père a fait la fortune, parce qu'elle cause, dans les préparatifs, des retards imprévus et même des obstacles insurmontables. Vous savez, écrira-t-il à Turenne le 1e octobre 1667, que, pour ces sortes de choses, il faut de l'argente extraordinaire et en grande quantité, et vous n'ignorez pas aussi que l'on dit quelquefois que je demande toujours de l'argent, ce qui me retient en beaucoup de rencontres[65]. Les positions sont donc bien prises. Toutefois, les relations resteront correctes, jusqu'à la fin des opérations, entre Louvois et Colbert. Le premier, après avoir jugé inutile de répéter au second ce qu'il écrit au roi, puisque celui-ci lui montrera sa lettre, ajoute : Je vous dirai seulement que je fais ce que je puis pour ne vous point retomber sur les bras pour les dépenses, que la pure et absolue nécessité du service oblige de faire[66]. Et Colbert répond presque aimablement, peut-être parce qu'il voit arriver la fin de la guerre et, par suite, de ses tourments ; il remercie Louvois de tout son cœur de tout ce qu'il a fait pour le bon ménage des finances du roi[67] et lui apprend que Sa Majesté a témoigné beaucoup de satisfaction de tout ce que vous avez fait en ce pays-là, les Pays-Bas espagnols[68]. Les relations entre les deux hommes ont été et resteront généralement polies et froides : elles ne seront jamais cordiales. V. — Le Tellier pendant la guerre de Dévolution. Les hostilités devant s'ouvrir le 24 mai 1667, Louvois partit dix jours plus tôt, afin d'avertir tout le monde de la marche du roi : Louis XIV, le 16. Le Tellier, Lionne et Colbert quittèrent la capitale le 23, et ce qui fait l'admiration de tout Paris et des esprits les plus éclairés, c'est qu'ils partirent ensemble dans le même carrosse et de chez M. de Colbert[69]. Pendant cette guerre, que je n'ai pas à raconter, les râles dévolus à Le Tellier et à Louvois furent totalement différents. Alors que le fils ne quitte pas le roi et Turenne, le père suit d'abord à distance et du 24 mai jusqu'au 30 août, c'est lui, qui entretient la correspondance : il écrit de La Père et de Beaumont, puis des camps devant Charleroi, Tournai, Douai, Lille[70]. Il est en contact avec Louis XIV et traite avec lui, non pas de questions militaires, mais de problèmes diplomatiques. Bien plus, Lionne malade étant retourné à Paris, il devient temporairement le secrétaire d'état des affaires étrangères. L'intérêt du roi était tout d'abord de conclure la paix entre les Anglais d'une part, les Provinces-Unies et la France de l'autre. Les premiers s'obstinant à demander le paiement des deux vaisseaux pris par les Hollandais, ce qui avait causé la guerre, Louis XIV, pour aboutir à la signature, fit offrir au comte de Saint-Albans, venu à Tournai, la moitié du prix, 50.000 livres : Le Tellier présenta cette offre, comme si, de son chef, il se fût porté à rendre ce service aux deux états, et le traité de Bréda fut signé le 31 juillet 1667[71]. Ce n'est là qu'un point particulier. Mais, de Paris, Lionne envoie des mémoires sur la politique générale et demande de connaître par M. Le Tellier les intentions du roi. Il s'agit de diriger une escadre vers le Portugal, de gagner le landgrave Ernest, de renouer des rapports réguliers et amicaux avec l'Angleterre par l'intermédiaire de Ruvigny... en somme de régler les affaires présentes. Le Tellier transmet les instructions royales dans des mémoires chiffrés et importants, dont Lionne se sert ensuite pour rédiger les dépêches qu'il adressait aux ministres du roi dans les cours étrangères. Mais tout ne passe pas par Paris. Comme Louis XIV était alors non loin de l'Angleterre, de la Hollande et de la Basse-Allemagne, il chargeait Le Tellier de répondre immédiatement aux lettres de ses ministres dans ces pays et d'informer Lionne du cours des affaires de ces côtés-là. Il n'y a là aucune usurpation sur les attributions du secrétaire d'état des affaires étrangères, mais seulement un intérim voulu par le roi[72]. D'autre part, ces questions ne mettaient pas le ministre en fréquents rapports avec Turenne[73]. Quelques lettres sont échangées : sèches de la part du maréchal, qui tantôt renseigne Le Tellier sur la marche de l'armée, tantôt lui demande de transmettre sa lettre à Louvois pour la lire au roi : polies et correctes de la part du secrétaire d'état, mais sans intimité[74]. Que les deux hommes n'eussent aucune sympathie l'un pour l'autre, on peut l'admettre. Mais, pour quels motifs et à propos de quels faits, Racine a-t-il pu écrire de Turenne : Il était haï de tout le monde, surtout des ministres qu'il insultait tous les jours. M. Le Tellier envoyait toujours demander à Humières où il fallait camper[75]. L'historiographe officiel se trompe. Avec Le Tellier les apparences ont été et resteront toujours sauves. VI. — Louvois et Turenne pendant la guerre de Dévolution. Il n'en sera pas de même avec Louvois, dont le tempérament jeune, ardent, emporté ne ressemble en rien à celui du père, toujours calme et pondéré. A cette raison psychologique, insuffisante pour comprendre l'attitude de Louvois pendant la campagne, il est nécessaire d'ajouter, de substituer de sérieux motifs d'ordre technique. Le fils de Le Tellier a bien accumulé les forces non loin de la frontière méridionale des Pays-Bas espagnols. Mais, à tous autres égards, la préparation s'est révélée insuffisante. C'est la première fois que le jeune ministre a dû mener une entreprise d'une si vaste envergure : manquant d'expérience, il est loin d'avoir réussi, et les plaintes se multiplient. Dès le début des hostilités, Turenne proteste contre la multiplicité des chariots, chevaux et bagages dont soldats et officiers se font accompagner et qui constituent un danger pour lia sécurité de l'armée et un obstacle pour la rapidité des opérations[76]. Peu de jours après, en Lorraine, l'intendant Choisy signale l'insuffisance de la cavalerie, et, par suite, de la protection de la frontière du côté du Luxembourg[77]. A Charleroi, on est obligé de s'arrêter, non seulement pour réparer les fortifications, mais pour donner du repos à l'armée, qui avait extraordinairement fatigué, les équipages n'ayant pas suivi, aucun des plus grands seigneurs n'ayant changé de linge ni couché en lit durant onze jours, et le roi ayant couché dans son carrosse[78]. Amené d'Arras, le pain n'est ni bon ni en état d'être distribué aux troupes : alors, au lieu d'assiéger Courtrai, on se rabat sur Douai, qui est plus près de la capitale de l'Artois[79]. Le maréchal d'Aumont, commandant un corps d'armée vers la mer, signale à Louvois qu'il n'a ni assez d'infanterie, ni assez de cavalerie, ni même du canon et des munitions de guerre, et l'intendant Robert fait entendre à son cousin que, si l'on veut tenter une entreprise, il est besoin d'avoir encore des munitions, de l'artillerie et des outils[80]. Au mois de septembre, Turenne fait part de la diminution notable des effectifs[81]. Aussi les récriminations sont-elles vives et nombreuses : l'armée peste contre le maréchal, qui a laissé commettre à Louis XIV de telles fautes, et contre Louvois, parce qu'il laisse manquer de tout ce qui est nécessaire pour une armée : pas d'artillerie, pas d'outils, pas un bateau en Flandre où il y a de si grandes rivières, pas d'argent pour les soldats, et l'armée perdue de moitié. Et un peu plus tard, le diplomate piémontais Saint-Maurice, qui a suivi le roi, note, à propos de Turenne et de Louvois : L'on ne nomme le premier que le vicomte et l'autre le secrétaire[82]. Les lacunes de la préparation et les reproches qui en furent la conséquence permettent de caractériser la nature des rapports entre le maréchal et le ministre. Contrairement à son père, Louvois suit le roi, Turenne et les autres chefs militaires, partout, au bivouac, dans les postes avancés. Il ne quitte pour ainsi dire pas celui à qui a été attribué la direction militaire et qui a la confiance du souverain. Conscient d'avoir commis des erreurs, graves même, il ne peut que s'incliner devant l'illustre guerrier, écouter ses conseils et ses instructions, lui montrer de la déférence. Cet accord tacite frappa tous les contemporains. Saint-Maurice et d'Ormesson croient à tort que la bonne entente est dirigée contre Colbert, dont l'autorité serait fort diminuée. Primi Visconti, après avoir justement avancé que Turenne était bien avec le roi, exagère, en affirmant qu'il était l'idole et que Louvois se tenait dans son antichambre comme un commis[83]. Les deux hommes échangent, aussi, des lettres, quelques-unes en juillet, beaucoup plus en septembre. Le ton, très différent, est caractéristique. Appartenant à la plus haute noblesse et militaire, Turenne affecte à l'égard du fils de Le Tellier, qu'il considère comme un intrus dans les affaires de guerre, non pas une animosité quelconque, mais un dédain orgueilleux écrire au roi et au roi seul, telle est sa maxime qu'il met fréquemment en pratique[84]. Une fois seulement, il abandonne sa froideur raisonnée : après avoir remercié Louvois de lui donner des nouvelles et de lui faire part de son opinion sur les affaires courantes, Faites-moi, écrit-il le 25 septembre[85], la grâce de continuer, j'en userai de même... Si vous continuez à faire des compliments, je n'en userai plus si librement que je le fais. Avait-il été réellement touché de l'attitude humble, obséquieuse de Louvois ? En tout cas, celui-ci, dès le 8 juillet, dispensait le maréchal de répondre à ses lettres, vous protestant que personne ne s'intéresse plus sincèrement que moi à tous les avantages qui vous pourront arriver et n'y contribuerait avec plus de joie, si j'étais assez heureux pour en avoir l'occasion[86]. Ces assurances banales ne compromettaient pas beaucoup. Mais il en dut coûter davantage à Louvois d'écrire : Je vous demande pardon de la liberté que je prends de vous dire ainsi mes faibles sentiments, et vous connaissez le principe avec lequel je le fais[87]. Le ton sera toujours déférent, poli : encore le 27 novembre, le ministre mandera : Comme M. de Turenne est quelque chose de plus qu'un général, particulièrement à mon égard par le respect que j'ai pour lui....[88] A cette date cependant, les dissentiments ont commencé et
la mésintelligence s'est accentuée. L'occasion en fut la séparation de
l'armée et l'organisation des quartiers d'hiver. A la fin du mois d'août,
Turenne avait, en effet, annoncé qu'après une marche sur Courtrai, il n'y aurait
plus rien à entreprendre[89], et Louis XIV lui
avait recommandé de faire que l'infanterie
entrât dans les quartiers forte et en bon état[90]. Avant le retour
de Louvois en France, le maréchal lui avait, dans ce but, dicté à Douai un
mémoire préliminaire, contenant l'énumération des lieux où les troupes devaient
passer la mauvaise saison[91]. A
Saint-Germain-en-Laye, le ministre s'était mis au travail et l'avait
communiqué, au préalable, à l'intendant de la Flandre, Charuel. Celui-ci
n'hésita pas à présenter de sérieuses objections : La
vérité est que, ces pays étant ruinés de fourrages, vous les chargez de trop
de cavalerie et de places de fourrages et que vous n'en aurez pas
contentement soit pour le logement soit pour la subsistance[92]. Louvois ne mit
aucune mauvaise grâce à en convenir : Je me suis
aperçu, dit-il, que nos affaires sont en
mauvais état, quoique vous ni moi n'ayons pas tort, c'est-à dire que dans une
place il y en a trop et que dans une autre il n'y en a pas assez :
pour raccommoder tout, il faut prendre des
mesures de bonne heure[93]. Il avait donc
remanie son projet pour faire que chaque troupe trouve
de quoi subsister et envoyé à Turenne un
mémoire par lequel vous verrez bien précisément ce que chaque troupe doit
devenir[94]. Mais à quelle date commencerait le quartier d'hiver ? Pour
pouvoir réunir l'argent et les fourrages nécessaires, le gouvernement
désirait en reculer l'ouverture jusqu'au 1er novembre[95]. Turenne, au
contraire, était d'avis de commencer le plus Kit possible la séparation de
l'armée, mais s'abstenait de toute précision. Louvois essaya de vaincre ce
mutisme. Le 25 septembre, il émet l'espoir que, par
le retour de ce courrier, le maréchal pourra lui mander son sentiment
sur la date. Trois jours après, il revient à la charge : J'attends toujours de vos nouvelles, et fait
observer que la difficulté d'amasser des fourrages
étant extrême, elle le deviendra davantage s'il faut continuer à fournir des
fourrages aux troupes avant le temps qui avait été projeté[96]. Louvois, qui
s'est rendu à Péronne pour y recueillir des informations sûres, expose longuement
ses vues à Turenne, en ajoutant avec prudence : Tout
ceci, ce sont des propositions que je vous fais par la liberté que vous avez
bien voulu m'en donner et que je soumets entièrement à ce qu'il vous plaira
d'en ordonner. Il va même plus loin : ... afin
que, si j'ai manqué, je puisse changer ce que j'ai fait en la manière que
vous me prescrirez, et il rejette sur Colbert, qui ne fournit par l'argent,
toute la responsabilité[97]. Turenne
s'obstinant à ne montrer aucun empressement, il s'adresse au roi, qui fixe
souverainement au 1er novembre le début du quartier d'hiver[98]. Cette
résolution prise, il se décerne, en annonçant l'envoi de cent mille écus, un
brevet de satisfaction : Il me semble que nous
débutons assez bien, et, pourvu que de toutes parts, les affaires aillent
d'un même train, il y a lieu de croire que toutes choses iront parfaitement
bien[99].
Après avoir établi un quartier d'hiver le plus
extraordinaire qui ait jamais été, il peut alors s'excuser auprès de
ses amis de ne pas avoir encore répondu à leurs lettres[100]. Le différend entre le ministre et le maréchal n'apparaît pas et ne pouvait pas apparaître au grand jour dans la correspondance. Il n'en existe pas moins. Sans doute Louvois favorise les intérêts particuliers de Turenne en donnant de bons cantonnements à son équipage[101]. Mais il défend à l'intendant Charuel de convertir le fourrage en argent, même en faveur de Turenne, qui connaîtra qu'à son égard comme à celui des autres, on ne se relâchera pas des ordres du roi dont il a connaissance[102]. Bien plus, Charuel lui demandant comment il doit vivre avec M. de Turenne, qui semble vous convier de lui écrire des affaires du pays où vous êtes, Louvois répond sèchement : Je crois qu'il sera bon que tous les mois une fois vous lui écriviez, lui mandant que tout va bien, et que vous lui fassiez part des nouvelles[103]. L'obséquiosité n'est plus de mise ; la déception et la rancune ont transformé Louvois, qui n'oubliera pas qu'a il eut à avaler quantité de chagrins[104]. VII. — Le Tellier, Louvois et Condé, 1667-1668. Les contemporains attribuent même à cette animosité envers le maréchal le projet de Louvois de lui donner un puissant émule pour balancer un crédit, dont il craignait les suites, et cela sur les conseils de Le Tellier[105]. De là l'appel à Condé et la conquête de la Franche-Comté, pour éliminer Turenne. Sans repousser catégoriquement cette opinion, je crois devoir remarquer que, pendant tout l'hiver de 1667, continuèrent les préparatifs pour augmenter les effectifs sur les frontières du nord de la France, les munir de tout ce qui était nécessaire, et reprendre au printemps de 1668 les hostilités de nouveau sous la direction de Turenne. D'autre part, il appert d'une lettre de Condé à Le Tellier que l'initiative d'un rapprochement vint du prince et non du secrétaire d'état. Il existait, en effet, entre les deux hommes, bien des motifs d'éloignement, depuis la Fronde. Le Tellier avait fait arrêter Condé, Conti et Longueville à son tour, il avait été renvoyé du gouvernement, avec Servien et Lionne, à la suite de l'ultimatum signifié à Anne d'Autriche par le prince. Depuis la paix des Pyrénées, celui-ci n'avait eu aucune charge, aucun emploi, et cet ostracisme, qui durait depuis huit ans, lui pesait fort. Ayant su que Louis XIV ne désirait pas soutenir sa candidature et celle de son fils au trône de Pologne, Condé, après avoir déclaré qu'il sacrifiait avec joie au roi tous ses intérêts, écrivit ceci à Le Tellier : Je veux espérer de votre amitié que vous me rendrez en ce rencontre les offices que je dois attendre de vous et que, perdant toute espérance de ce côté-là vous trouverez peut-être lieu de faire songer Sa Majesté qu'Elle me témoigne être contente de mon fils et que la plus grande marque et la plus Obligeante qu'Elle me puisse donner de sa bonne volonté, c'est de lui en donner les marques dont nous nous sommes entretenus autrefois. Je ne doute pas que vous ne le fassiez avec plaisir... Je laisse à votre prudence et à votre amitié le soin d'agir sur tout cela[106]. Il était utile de publier cette lettre, écrite le 10 juin 1667, alors que la campagne des Pays-Bas a commencé, sans que Condé et son fils aient été pourvus d'un commandement. Elle prouve, en outre, que Le Tellier et le prince, loin d'être restés ennemis l'un de l'autre, avaient procédé à la reprise de relations tout au moins polies. Revenus à Paris, Le Tellier et Louvois se souvinrent de la sollicitation de Condé et, lorsqu'il fut question de conquérir la Franche-Comté, ils s'adressèrent à lui pour des raisons techniques et morales. Le prince était gouverneur de la Bourgogne, province voisine de celle que l'on projetait d'attaquer et, sans attirer l'attention, il pouvait aisément procéder en secret à tous les préparatifs. D'autre part, si son passé politique était lourd, chargé et peu recommandable aux yeux de serviteurs dévoués de la monarchie- absolue, son passé militaire était fort brillant et on ne pouvait douter qu'une campagne, menée par lui, n'eût toutes chances de succès. Enfin, et dirai-je surtout, peut-être, en satisfaisant Condé, Le Tellier et Louvois n'auraient pas à redouter un maître ; bien au contraire, ils s'assuraient un client, et d'importance. De fait, pendant longtemps les rapports entre les trois hommes seront corrects : le ton n'est jamais cassant : Condé demande des conseils aux administrateurs civils, et, s'il a les préjugés des nobles, il a l'habileté de ne pas les montrer. Dans ses lettres à Le Tellier et à Louvois, il use d'une formule constante : Je suis, M., votre très affectionné à vous servir. Et Louvois de répliquer : Je suis, avec beaucoup de respect, Monseigneur, de Votre Altesse très humble et très obéissant serviteur[107]. Le prince se rendit donc en Bourgogne au début de décembre 1667 : Dès lors, dit justement Pellisson, les courriers ne cessèrent d'aller et de venir du prince de Condé au roi ou au marquis de Louvois, secrétaire d'état, employé particulièrement en cette affaire comme en toutes celles de la guerre[108]. Toutes ces lettres ont trait à la réunion d'une armée, artillerie, vivres, munitions, chariots, etc. , pour procéder à la conquête de la Franche-Comté, qui n'est pas due comme on l'affirme trop souvent à la conclusion de la Triple-Alliance (23 janvier 1668), mais a été conçue et préparée bien avant. Lorsque tout fut, pour ainsi dire, en place, Louis XIV et Louvois partirent le 2 février 1668 pour un voyage qu'ils comptaient devoir durer un mois seulement[109]. Auparavant, le jeune ministre informa beaucoup de ses correspondants que M. Le Tellier, qui demeure ici avec M. Colbert et M. de Lionne, près de la reine, pourvoira aux choses les plus nécessaires[110]. Son départ est même si précipité qu'il n'a pas le temps de signer une lettre : Je suis obligé de supplier très humblement M. Le Tellier de vouloir prendre la peine de le faire et de commander à ses commis, qui restent auprès de lui, de prendre soin de vous envoyer le tout[111]. Puis, les hostilités commencèrent, les succès furent rapides et faciles, la Franche-Comté n'offrit guère de résistance[112]. Condé l'avait fait prévoir à Le Tellier : Tout se prépare de deçà le mieux qu'il est possible. Mais, quand il faut tout faire avec secret, on a bien de la peine. J'espère pourtant que, si tout arrive dans le temps concerté, tout ira bien[113]. De fait, Louis XIV fut de retour à Saint-Germain-en-Laye le 24 février à 10 heures du matin, et Louvois, le 2 mars. Aussitôt Le Tellier célébrait les hauts faits qui venaient d'être accomplis : Je m'assure, mande-t-il à Ruvigny, que cette expédition, qui est très considérable et par elle-même et par ses circonstances, tiendra quelque jour une place considérable dans notre histoire[114]. Son intérim axait duré à peu près un mois. Il en a
lui-même défini avec netteté le caractère. Les civils et les militaires
peuvent continuer à adresser des lettres à Louvois, qui, à son retour ici, les verra toutes et transmettra
les instructions royales. Cependant, s'il survenait
quelque chose de fort important au service de Sa Majesté et qui fût de telle
nature que je puisse y pourvoir sans attendre l'arrivée du roi, vous pouvez
me le mander[115]. En effet, il ouvre toutes les lettres. Ne lui paraissent-elles pas importantes, il accuse simplement réception[116]. Dans le cas contraire, il répond. On a ainsi trente à quarante dépêches envoyées à des gouverneurs de places, des lieutenants-généraux, des commissaires des guerres, des intendants. Pour la plupart, ces officiers se trouvent en cantonnement et en exercice dans le nord de la France. Le secrétaire d'état leur parle d'habiller convenablement les soldats, d'empêcher les capitaines de distraire l'argent qu'ils ont reçu à cet effet. Il leur indique où devront être logées les compagnies de nouvelle levée, entre Arras et Doullens. Il se préoccupe de l'artillerie, en particulier du transport des boulets et des affûts dans le nord et en Alsace. En conséquence, il approuve les coupes de bois effectuées par Lestancourt, le munit de dépêches du roi pour les gouverneurs d'Arras et du Hesdin, afin qu'ils laissent librement transporter ces bois, qui doivent servir à l'artillerie. Il donne des ordres pour faire aller et payer à Dieppe, Le Havre, Calais et Boulogne les soldats levés en Allemagne. Il y a aussi des levées en Suisse, rendues difficiles par les clauses de la capitulation signée avec les capitaines de là des instructions à Mouslier, ministre de France en ce pays, à Bouchu, intendant en Bourgogne, des routes à suivre et principalement de l'argent à fournir. De même, dans le nord, discussions à propos des passeports pour passer des Pays-Bas en France et inversement, sur la contrebande du sel à Saint-Orner, sur les demandes des fermiers des traites foraines, qui voudraient obtenir l'exemption de droits pour leurs marchandises dans le Hainaut, etc.[117] En somme, Le Tellier poursuit les préparatifs déjà commencés, vers les Pays-Bas et le Rhin. Si l'Espagne ne se décide pas à la paix, l'offensive sera ainsi reprise au printemps prochain : de cette sorte, l'absence de Louvois ne sera pas préjudiciable au service du roi. D'autre part, plusieurs lettres de Le Tellier au comte de Taxis, directeur des postes aux Pays-Bas espagnols, protestent avec vigueur contre la saisie des courriers français. Le secrétaire d'état écrit aux intendants et aux lieutenants-généraux dans les Flandres et le Luxembourg pour que les maîtres des postes et les courriers espagnols ne soient pas molestés. Mais il demande à Taxis d'agir de même : sinon, nous prendrons notre parti. Et, en effet, au bout d'une semaine, le désordre continuant, il annonce que, désormais, les courriers espagnols seront arrêtés[118]. A d'autres réclamations, il substitue à la fermeté le dédain ou l'ironie. Le marquis de Montpezat, gouverneur d'Arras, s'étant plaint que les gazetiers des Pays-Bas ne gardent aucune mesure envers la France et son roi, la licence des gazetiers, se contente de dire le secrétaire d'état qui en a vu bien d'autres pendant la Fronde, est une chose qui a toujours été un privilège au parti qui a été en mauvaise fortune. Aussi, il ne faut point se mettre en peine de ce que la Gazette de Bruxelles vomit contre nous. Il est juste de lui laisser cette liberté et d'abandonner les Espagnols à leur mauvaise fortune[119]. VIII. — La paix d'Aix-la-Chapelle, 1668. Au début de mars 1668, le père et le fils furent à nouveau réunis. Louvois reprit aussitôt sa tâche pour que l'armée fût en état d'entrer en campagne au mois d'avril. Il a plus de conduite, dit Saint-Maurice[120], ce n'est pas qu'il y ait quelque chose de brusque dans son procédé est infatigable, il travaille jour et nuit : il a grande présence d'esprit, grande mémoire et fort intelligent. Très satisfait des résultats obtenus, il était fier d'avoir réuni 70.000 fantassins et 35.000 cavaliers : Il y a longtemps que pareil nombre de troupes ne sera entré en Flandre pour l'attaquer[121]. Une seule ombre au tableau, l'argent, Colbert se refusant à trop délier les cordons de la bourse : Vous savez, écrit-il à Charuel, la peine que l'on a à tirer de l'argent des finances, quand l'on n'y est pas pour le solliciter[122]. Il est tout à la guerre et ne croit pas au succès des négociations engagées : L'opinion que l'on a de la paix en France est une maladie, qui commence à se répandre bien fort. Mais nous en guérirons bientôt, puisque voici le temps qui approche de meure en campagne, et ce sera le 15 avril[123]. Quatre jours avant, le 11, il partait pour le nord de la France, il ne sera de retour à Saint-Germain-en-Laye eue le 5 mai[124]. Il se trompait en ne croyant pas à une paix prochaine. La
Triple Alliance une fois conclue, la Hollande et l'Angleterre avaient décidé
d'envoyer des négociateurs en France et Louis XIV, alors en Franche-Comté,
avait chargé Le Tellier, Colbert et Lionne d'écouter leurs propositions. Depuis
la fin de février, van Beuningen et Trevor s'étaient abouchés avec les trois
ministres et avaient eu avec eux à Saint-Germain-en-Laye plusieurs entrevues.
Sur elles, Le Tellier, qui y participe, fournit des précisions curieuses et
importantes[125].
Après l'accord sur les conditions, que je n'ai pas à exposer, le pas décisif
fut fait le 13 avril. M. de Lionne me fit convier de
me rendre avec M. Colbert dans sa chambre. Là Trevor et van Beuningen
déclarent que, si l'Espagne refuse de signer la paix, les hostilités
reprendront et l'Angleterre et la Hollande joindront leurs forces à celles de
la France : à mesure que la lutte se poursuivra, les
conditions de la paix seront aggravées. Les trois ministres ayant
rendu compte à Louis XIV, un conseil est tenu, où sont appelés Philippe
d'Orléans, Condé et Turenne. Après les avoir
entendus, Sa Majesté nous ordonna de travailler incessamment au traité avec
les Anglais et les Hollandais, promettant en son nom une suspension
d'entreprises sur les places fortes occupées par les Espagnols jusqu'à la fin
du mois de mai. On travailla donc depuis
trois heures après-midi jusqu'à la nuit sans le pouvoir achever. Le
14, à cause de quelques difficultés en l'expression
des conventions, le traité n'est pas signé. Les diplomates étrangers
demandent en effet que, si, par quelques accidents
imprévus, sans la faute des Espagnols, la ratification de la cour de
Madrid n'est pas parvenue le 15 juin., le roi se contentera de l'alternative
acceptée par elle : Nous avons ordre d'accorder
jusques au 8 juin, et ainsi le reste ne peut pas rompre une affaire de cette
nature-là[126]. Le traité de
Saint-Germain fut donc achevé le 15 : La
ratification de ce traité-là doit être fournie et échangée dans la fin de ce
mois-ci[127]. En entendant Louis XIV annoncer sa résolution au conseil
du 13, M. de Turenne parut comme un homme qui aurait
reçu un coup de massue ; il dit que, dans douze jours, quand don Juan
arriverait, les affaires changeraient, que cependant il fallait aller
uniment, ce qu'il répéta plus de douze fois, même en se retirant, dont
Monseigneur le prince s'est fort diverti. Comme le lendemain il le dit
encore à Le Tellier, Je lui ai reparti que, pourvu
que la ligue ne changeât point de sentiment, il serait avantageux au roi que
le roi d'Espagne voulût différer de faire la paix. Ainsi, hors qu'on soit
devin, l'on ne peut douter de la paix[128]. Turenne, non
convaincu, écrit à Louvois son dépit et sa désillusion : M. votre père vous mandera le détail de ce qui s'est passé
aujourd'hui. Après cela, vous ne vous étonnerez pas de ce que je né puis pas
vous dire le jour que je partirai, Peut-être que les autres jours ne
ressembleront pas à celui-ci[129]. Espoir déçu,
comme le prouvent les renseignements envoyés par Le Tellier à son fils : les
médiateurs ont adressé à Aix-la-Chapelle et à Madrid le projet de traité : on
pressera la reine d'Espagne de le ratifier comme
signé à Aix-la-Chapelle, de signer même une
ratification où la copie d'un autre traité puisse être insérée, si tant est
qu'il eût été changé quelque chose audit projet : on ne saurait
prendre trop de précautions[130]. Trois jours après,
le 21, les médiateurs apprennent que le gouverneur des Pays-Bas,
Castel-Rodrigo, a reçu l'ordre de signer la convention avec Colbert de
Croissy, s'il passait à Bruxelles. Et
probablement content que la paix soit assurée, Le Tellier plaisante :
apprenant que l'évêque de Plaisance a été nommé président de Castille et
qu'il est un grand prédicateur, il ajoute
ironiquement, comme si cette qualité pouvait
contribuer à la conduite des affaires dont le président de Castille est
chargé à Madrid[131]. Louvois doit donc se rendre à l'évidence, disposer son esprit à voir arriver la chose du monde que je souhaitais
le moins et à chercher des expédients de plaire au roi autant en paix que
j'ai eu dessein de le faire en temps de guerre[132]. Signé le 2 mai
; le traité d'Aix-la-Chapelle est connu à la cour le 6, alors que Louvois
vient de revenir à Saint-Germain[133]. Il fut
accueilli diversement : On fit la paix
d'Aix-la-Chapelle, raconte Le Pelletier, où
je trouvai, selon mes raisonnements et ce que j'en entendais dire à M Le
Tellier et aux gens sensés, moins de solidité que de hauteur par les
avantages qu'on tirait sur l'Espagne, qui n'était pas en état de se défendre.
Ce n'est pas dans la biographie de son protecteur qu'il émet cette opinion du
secrétaire d'état, mais dans le mémoire composé en 1707, quarante ans après
l'événement : peut-être, à si longue distance, ses souvenirs n'étaient-ils
plus très nets et très sûrs[134]. En même temps qu'il participait à ces négociations capitales, Le Tellier effectuait un second, intérim, pendant le voyage de son fils en Flandre pour ce qui concernait les choses de l'armée. En l'espace de trois semaines, entre le roi et Le Tellier d'une part, Louvois de l'autre, il y eut un échange suivi de lettres et de mémoires. Ceux qui restent — car on ne les possède pas tous —, le plus souvent longs et détaillés, sont d'un puissant intérêt pour les historiens militaires. N'ayant pas à m'occuper de ce point de vue, je m'attacherai seulement à marquer leurs indications sur le caractère, l'attitude et les rapports entre les trois hommes. Le Tellier reste le même qu'auparavant. Ses cinq mémoires ou missives le font apparaître comme un ministre expert, connaissant à fond la matière. Tout est prévu, indiqué avec clarté, précision et minutie sur la constitution des armées, l'emplacement des troupes, leur logement, la subsistance, les contributions, les vivres, les chevaux, l'artillerie, etc. A plusieurs reprises et avant tout, il recommande à son fils de s'informer exactement du total des sommes levées par les Espagnols dans les pays occupés aujourd'hui par les Français. Il y attache une importance extrême, parce que, si l'argent est suffisant, on fera vivre les soldats sans fouler les peuples. Louvois devra établir un projet de ce que vous croyez que l'on en pourra tirer, tant en argent qu'en denrées, et ne vous ouvrez de cela à qui que ce soit que nous n'ayons conféré ensemble. N'y aurait-il pas là une tentative de se soustraire à la domination financière de Colbert ? Le Tellier annonce aussi à son fils la bonne impression qu'a de lui l'entourage du roi : on l'appelle homme de bonne f°, et, Turenne présent, Louis XIV loue votre jugement et la manière de vous exprimer et approuve souvent vos projets. Mais son fils les soutient-il et les discute-t-il avec âpreté, il le rappelle discrètement à l'ordre[135]. Les deux mémoires du souverain prouvent, sans contestation possible, qu'il s'intéresse fort aux questions militaires et possède des notions précises sur certaines matières. Ayant consulté Le Tellier, auquel il laisse lé soin des longs exposés, il écrit en général assez brièvement, exprime froidement ses volontés, et, si Louvois est en désaccord avec lui, il les renouvelle sèchement en indiquant qu'il faut les réaliser sans retard. Il fait sentir qu'il est le maitre[136]. Louvois est très différent[137]. Il a acquis une réelle et profonde expérience : sa compétence est indiscutable sur toutes sortes de questions. Il s'attache à fournir de longs détails, sachant que Louis XIV prend plaisir à les lire : le ministre est heureux de lui faire apprécier ses efforts et son œuvre pratique. Chez lui, même méthode que chez le père, exposés semblables sur tout ce qui concerne les troupes. Par contre, il n'admet guère La contradiction. Pour faire vivre les soldats aux dépens des Espagnols, il aurait voulu, par exemple, qu'on les fît avancer au-delà de Bruges et de l'Escaut. Le Tellier et, Louis XIV s'y refusent, craignant que cette marche ne provoque les inquiétudes des Hollandais et n'entrave les pourparlers de paix. Louvois réplique et ne cesse de discuter jusqu'à ce que son père lui enjoigne de s'incliner. Il en est de même à propos du corps que le roi veut laisser entre la Sambre et la Meuse, ou de l'occupation par les Français de la ville de Nivelle, etc. Sans consulter le souverain, le jeune ministre augmente la solde des fantassins et des cavaliers pour éviter la désertion ; il prend sur lui de faire travailler les soldats aux fortifications, afin de réduire la dépense. Sans doute Loris XIV accepte ces mesures excellentes, mais froidement, cette initiative prise en dehors de lui ne lui plaisant guère. Proposant d'obliger tous les officiers à se rendre en leurs charges, Le Tellier obtient l'approbation royale et l'appuiera en faisant procéder à l'arrestation des désobéissants. Mais il ajoute : Les mestres de camp galants seront exceptés de cette rigueur, in mente du maitre qui n'a pas estimé raisonnable de donner occasion aux dames de pleurer par leur séparation. Alors Louvois bougonne : cette mesure avantageuse, dit-il, l'aurait été bien davantage si Sa Majesté avait bien voulu n'excepter personne. ***A la fin de la guerre de Dévolution, les positions sont nettes. Comme avant, Le Tellier a été employé à des affaires de diverses natures : par occasion, il a repris momentanément la direction des services administratifs. Cette direction appartient à Louvois, qui a fort changé. Etant devenu expérimenté et doué d'une application inouïe, il a pris de l'assurance, de l'aplomb. Si l'on compare le ton de ses lettres antérieures à celui des dépêches de l'année 1668, la différence est éclatante. Louvois est devenu autoritaire : son vrai tempérament a commencé à se montrer. Désireux de s'immiscer de plus en plus dans toutes les affaires militaires, il s'est attiré l'animosité de Colbert et de Turenne, il a même offusqué Louis XIV[138]. Pourra-t-il consolider sa situation ? Ou bien l'aurait-il compromise et son père sera-t-il obligé d'intervenir ? |
[1] Etats de la France, 1666, t. II, p. 66.
[2] Ambassadeur de Venise en France, de 1665 à 1668.
[3] Relazioni, série Francia,. III, 179-180, 182. — Après avoir rappelé les services passés de Le Tellier, il ajoute Messo il piede nel governo non l'ha più ritirato, ma si è avanzato nel posta presente che è d'autorità e riputazione sopra l'ordinario. La sopraintendenza delle milizie è il suo affare, ma niente di çonsiderabile nel gabinetto si natta e4 non vi assisti o çonoviti.
[4] Ambassadeur de Venise en France, de 1668 à 1671.
[5] Relazioni, série Francia. III, 209, 212.
[6] Spanheim, Relation..., 297-298.
[7] Ormesson, Journ., II, 350.
[8] J. de Rotschild, Les continuateurs...., I, 419-420, 22 novembre 1665.
[9] A. N. Guerre A1, 198 tr., n° 208, 2 février 1666.
[10] Louis XIV, Œuv., II, 64.
[11] A. N., Guerre A1, 199 min., f° 363, 8 février 1666.
[12] Cité par Jung, Rev. B., 1875, 19 octobre, 376, col. 2.
[13] A. N., Guerre A1, 196 min., f° 5273, Louvois à La Vallière, 25 décembre 1665 : pub. p. Rousset, I, 88, note 1, — Ambert, 33-4, — A. de Boislisle, édit. des Mém. de Saint-Simon, XV, 549, append. VIII.
[14] Montbas, Au service du roi, 188, hiver de 1667 : — A. N., Guerre A1, 245 orig., pièce 246, 20 avril 1668.
[15] Pour la période 1665-mai 1668, leu transcrits sont dans A. N., Guerre A1, 198, 208 à 211, 222, 224-226 : les minutes, Id., 191 à 197, 199 à 204, 206-207, 212-4. Il y a, p. ex., beaucoup plus de lettres de Le Tellier dans le 212 que dans le 222 : de même les pièces des tomes 206 et 207 ne sont pas toutes dans le tome 208.
[16] Absences de Louvois, 1665 (27 mars-2 avril), 1666 (15 janvier, 10 février. 13 mars — 1er avril, 30 août, 23 octobre). 1667 (28 septembre-4 octobre), 1668 (2 février-2 mars en Franche-Comté, 12 avril-5 mai en Flandre). Pendant le voyage en Flandre (mai-août 1667). Le Tellier se charge de la correspondance.
[17] Les lettres de Le Tellier sont quelquefois signées. p. ex., 194 min., f° 140. — 203 min., f° 554, — 204 min., f° 28, — 206 min., f° 83, 159. 193, 208 v°. Les minutes écrites par lui sont aisément reconnaissables p. ex., 194, f° 151 et 217. —201 min., f° 372 et 462. — 202 min., f° 51, 235 (?) et 428, — 203 min.. f°. 461, 618 et 620, — 204 min., f° 209, 211-3, 225, 272, 281, 302-3, 316, 326. 344-5, 399. — 206 min., f° 156, 160-165, 170, 171-179, 283.
[18] Picavet, Les dernières années.... Lille, 1914 : — Cf. Saint-Hilaire, Mém, I, 10, 16.
[19] Sur cette expédition, A. N., Guerre A1, 195-7, 199-201 min. Dans le tr. 198, on lit, sur le feuillet qui suit le titre, Copies des lettres du roi et de celles écrites par M. Le Tellier et M. de Louvois, — et sur le feuillet qui suit le titre du n° 132, Copies des lettres écrites à M. Le Tellier et à M. de Louvois... Ces indications sont trompeuses : il n'y a, en réalité, que trois lettres écrites par Le Tellier pendant que son fils, en janvier 1666, prépare la revue de Breteuil (n° 66, 67 et 70).
[20] Quelques-unes des troupes revenues de Hongrie font partie de ce corps d'armée. — A. N., Guerre A1, 195 min., f° 471 et 198 tr., n° 12, Louvois & Estrades, 23 octobre 1665 : après avoir fait allusion aux lettres de Lionne et van Beuningen, il ajoute : Mais, comme leurs dépêches ont peut-être besoin de l'éclaircissement de quelques particularités des choses, qui ont regardé les fonctions de la charge de M. Le Tellier, j'ai cru que je devais avoir l'honneur de vous en entretenir et de vous en rendre compte.
[21] Pour les commissions, instructions et pouvoirs, A. N., Guerre A1, 195 min., passim, — 198, n° 1, 5, 6, 10, 11, — 251 orig., pièces 51 et 52.
[22] A. N., Guerre A1, 195 min.
[23] Saint-Simon, V, 253-254.
[24] A. N., Guerre A1, 195 min., f° 274.
[25] Id., f° 526 et 546, — et 198 tr., n° 19 et 23, Louvois à Cartier, 26 et 28 octobre 1665.
[26] A. N., Guerre A1, 195 min., f° 3-4 et 198 tr., n° 28 : pub. en partie par Picavet, Doc. biog., p. 141.
[27] Si les soldats ont manqué de pain, la faute en est, d'après Carlier, au maréchal : M. de Turenne a fait partir les troupes avec tant de précipitation que les préposés à la fourniture des étapes ont eu peu de temps pour les préparer. Néanmoins elles ont été assez bien fournies jusques aujourd'hui et elles le seront bien mieux à l'avenir : A. N., Guerre A1, 198 tr., n° 145, Carlier à Louvois, 5 novembre 1665.
[28] A. N., Guerre A1, 198 tr., n° 141, 142, 146 et 148.
[29] Cf. Picavet, Les dernières années..., p. 104.
[30] A. N., Guerre A1, 196 min., f° 281, — 198 tr., n° 47, 4 décembre 1665.
[31] Id., 196 min., f° 347 v°, — 198 tr., n° 49, 11 décembre 1665.
[32] Sur lui, v. le chapitre X.
[33] Beaucoup de lettres de Carlier roulent sur ces thèmes : cf. les volumes des minutes cités ci-dessus et le transcrit 198, 2e partie. Dans ce dernier volume, le n° 227 est le procès-verbal de l'enquête faite par l'intendant à Emmerich, et les n° 228 et 229 une ordonnance et un projet de règlement de Carlier, 16 et 17 février 1666. Les magistrats de Bois-le-Duc se plaindront aussi au mois d'avril : t. 198 tr., n° 261 et 262. Sur tous ces désordres, v., entr'autres, le rapport de Cartier du 26 décembre 1665, Id., n° 179.
[34] A. N., Guerre A1, 191 min., f° 354, — 198 tr., n° 81, — 199 min., f° 420, let. du 12 février 1666.
[35] Id., 193 min., f° 53 et sq., — 198 tr., n° 117-121, — 201 min., f° 48 et sq. Pour le détail de cette expédition, v. Rousset, I, 84-92.
[36] Philippe IV mourut le 17 septembre 1665.
[37] Louis XIV, Mém., I, 119, note 5.
[38] Louis XIV, Mém., I, 119, note 5.
[39] Anne d'Autriche mourut le 20 janvier 1666.
[40] A. N., Guerre A1, 198 tr., n° 66, 67, 70, Le Tellier à d'Estrades, Pradel, Carlier, 15 janvier 1666 ; Cf. Id., 199 min., f° 142, à Trobat.
[41] Idem, 199 min., f° 167 et sq., Le Tellier à Turenne, 17 janvier 1666. Les dernières phrases, bien connues, ont été publiées complètement ou partiellement par Rousset, I, 96, — Ambert, 39, — Picavet, Les dernières années.... 107-108. — Cf. Ormesson, II, 438.
[42] Rousset, I, 96.
[43] Louis XIV, Mém., I, 119, note 5.
[44] A. N., Guerre A1, 199 min., f° 261, Louvois aux capitaines..., 29 janvier 1666. Louvois est de retour à Paris le mercredi 20 après dîner, id., f° 198, à Drouart, 22 janvier 1666.
[45] Gazette, 1666, Amiens, 20 janvier, p. 94 : — Rotschild, Les continuateurs..., I, col. 641-642.
[46] Moura Cortereal (D. Francisco de), 3e marquis de Castel Rodrigo, comte de Lumiares, gouverneur des Pays-Bas.
[47] A. N., Guerre A1, 191 min., f° 420 et 422, — 192 min., f° 23, 56, 58, 60, — 198 tr., n° 87, 90 : — 199 min., f° 620 v° — 200 min., f° 40 v° et 127 v° : — Les chiffres des effectifs, la plupart de nouvelles levées, varient : pour Louvois, tantôt 15 à 16.000, tantôt 18.000 pour Lionne, 15.000 hommes effectifs, les plus lestes et au meilleur état qu'on en ait jamais vu (let. dans Retz, Œuv., VII, 517). — Cf. B. N., manuscrit italien, 1861, 16 et 23 mars : — Ormesson, II, 453.
[48] Louis XIV, Mém., II. 127-128, nombreux détails. — Toutefois, tout le monde ne l'est pas. Ormesson, II, 451 et 453, se fait l'écho de cette opinion : on crie contre la dépense que le roi fait 'faire aux officiers pour être braves... L'on prend occasion de cette grande dépense pour murmurer et de la foule que les peuples souffrent de cette marche inutile.
[49] A. N., Guerre A1, 200 min., f° 167-169, 172-175 ; 177-118, 182, 184, Le Tellier à divers, 14-18 mars 1666.
[50] Id. 192 min., f° 105-106, — 198 tr., n° 97-99, — 200 min., f° 192. Louvois à Pradel, Carlier et Estrades, 19 mars 1666.
[51] Mlle de Montpensier, Mém., IV, 30-31 : Il y vint beaucoup de dames. On était en justaucorps de deuil. — Gazette, 1666, Paris, 26 et 27 mars, p. 315-316, 341-344, beaucoup de détails. — Sur cette revue, v. une étude très sérieuse dans Rev. mil., Archives historiques, n° 1-3, documents.
[52] Louis XIV, Mém., I, 51-52.
[53] Ormesson, II, 453.
[54] A. N., Guerre A1, 201 et 202 min., passim — Louis XIV, Mém., I, 51 : — Mlle de Montpensier, Mém., IV, année 1666 : — Ormesson, II, 461-462, 464 : — Colbert, Let..., II, CCXXII-CCXXIII, qui, dans son mémoire contre Louvois, dit à Louis XIV n'avoir pas cru que cela pût devenir un divertissement de dames. Il doute de l'efficacité de ces revues, puisque les officiers ont été avertis 8 ou 15 jours auparavant qu'ils devaient paraître en présence de Votre Majesté.
[55] Rotschild, Les continuateurs..., II, col. 57-58.
[56] Ormesson, II, 468 : — A. N., Guerre A1, 202 min.
[57] A. N., Guerre A1, 206 min — Louis XIV, Mém., II, 164, n° 6 : — Gazette, 1667, aux dates indiquées : — Ormesson, II, 503-504, tout Paris alla voir ces troupes.
[58] Le Pelletier, Vie.... 97-98.
[59] Saint-Hilaire, Mém., I, 4 : Courtilz de Sandres, Testam. pol. de Colbert, 205, et Mém. de d'Artagnan, IV, 258 : — abbé de Saint-Pierre, Annal. polit., 112-115 : — Brienne fils, II, 250. Dans son Mém., p. 136. Pelletier attribue la responsabilité à Colbert.
[60] Louis XIV, Mém., II, 199.
[61] Nombreux renseignements dans Louis XIV, Mém., I, 77-78, 116-118, 217-218, 237-238.
[62] Voltaire, Siècle de Louis XIV, chap. VIII, 142-143, contre l'opinion excessive de Rousset, I, 94-95, 112, — Ambert, 38-39, — et Gaillardin, III, 342.
[63] Navereau, 73, note 4, publie un état des lieux, qui. ont 6t6 choisis pour servir de logement aux troupes marchant par étapes d'ans la province de Bretagne : signé par Louvois, il est du 9 novembre 1666.
[64] Colbert, Let., II, CCXVII — CCXXV.
[65] A. N., Guerre A1, 206 min., Us 311 et sq., — 208 tr., n° 34.
[66] Id., 213 min., f° 157, 15 avril 1668.
[67] Colbert, Le Tellier et Lionne négocient la paix avec van Beuningen et Trevor.
[68] A. N., Guerre A1, 225 tr., n° 274, 18 avril 1668.
[69] Saint-Maurice, Let., I, 27 mai 1661 : — Guy Patin, III, 653 : — Vandeuvres, Relat., 14-5. — Sur la guerre de 1667-8 aux Pays-Bas et en Franche-Comté, v. A. N., Guerre A1, 206 et 207 min., — 208 à 211 tr., — 212 à 214 min., — 222 tr., — 224 à 226 tr.
[70] A. N., Guerre A1, 206 min., f° 156, 159 à 165, 170-9, 193, 206 v°, — 208 tr., n° 1, 2, 4 et 6.
[71] Louis XIV, Mém., II, 175, 181, 264-265, 315.
[72] A. N., Guerre A1, 206 min., f° 171-9 — B. N., f. fr., 17886, (mémoires de Lionne avec réponses en marge) : — A. E., Mém. Doc., France, 415 et 416 : — B. N., Collection Cangé, 68, f° 222. Même après son retour en France, Le Tellier continue à dresser des mémoires et à les transmettre à Lionne : puis, pendant le voyage à Chambord, ce sera Louvois : cela dure jusqu'en 1669.
[73] Montbas, Au service du roi, 165, expose que, vers 1660, M. Le Tellier n'était pas bien avec M. de Turenne, mais se montrait plein de déférence envers le maréchal. Par contre, en 1663, d'après Sagredo, Le Tellier et Turenne collaborent ensemble pour répartir les régiments et les compagnies dans tout le royaume : B. N., manuscrit italien, 25 septembre et 2 octobre. En réalité le dissentiment s'aggrave, à partir de 1667, à la suite de la rivalité entre les deux familles : v. le dernier chapitre.
[74] A. N., Guerre A1, 206 min., f° 181, — 208 tr., n° 1, — 209 tr., n° 82 et 82 bis, 11 juillet 1667.
[75] Racine, Œuv., V, 79.
[76] Guy Patin, III, 653 : — Cf. Grimoard dans Louis XIV, Œuv., III, 74.
[77] A. N., Guerre A1, 209 tr., n° 19, Choisy à Le Tellier, 29 mai 1667.
[78] Ormesson, II, 506.
[79] Pellisson, Hist. de L. XIV, II, 176, 28 juin.
[80] A. N., Guerre A1, 209 tr., n° 75 et 76, Aumont et Robert à Louvois, 7 juillet 1667.
[81] Id., n° 162, Turenne à Louvois, 4 septembre 1667. — Cf. les nombreuses critiques de Feuquières, Mém., II, 128-130 et 141-2, et de Grimoard dans Louis XIV, Œuv., III, 57. 74.
[82] Saint-Maurice, Let., I, 105, 107.
[83] Id., I, 65 : — Ormesson, II, 509 : — Primi Visconti, Mém., 27.
[84] A. N., Guerre A1, 209 tr., n° 89, 170, 183 et 184, Turenne à Louvois, 12 juillet, 7 et 12 septembre, — au roi, 12 septembre.
[85] A. N., R2, 57.
[86] Cité par Picavet, Les dernières années..., 196-197. — Cf. A. N., R2, 57 ou Guerre A1, 206 min., f° 247.
[87]
A. N., Guerre A1,
206 min.. f° 235 v°, — 208
tr., n° 11.
[88] Id., 207 min., f° 206 v°, — 208 tr., n° 221.
[89] Id., 208 tr., n° 8, Le Tellier à Condé, 30 août 1667.
[90] Louis XIV, Œuv., III, 83, 13 septembre 1667.
[91] A. N., Guerre A1, 206 min., f° 262 et sq., — 208 tr., n° 15, Louvois à Turenne, 22 septembre 1667.
[92] Id., 209 tr., n° 210, Charuel à Louvois, 19 septembre 1667.
[93] Id., 206 : min., f° 64, — 208 tr., n° 18, Louvois à Charuel, 23 septembre 1667.
[94] Id., 206 min., f° 262 et sq., — 208 tr., n° 15, Louvois à Turenne, 22 septembre 1667.
[95] Louis XIV, Œuv., III, 85, à Turenne, 4 octobre 1667.
[96] A. N., Guerre A1, 206 min., f° 275 v° et 300, — 208 tr., n° 24 et 30, Louvois à Turenne, 25 et 28 septembre 1667,
[97] Id., 206 min., f° 311 et sq., — 208 tr., n° 34, Louvois à Turenne, 1er octobre 1667.
[98] Louis XIV, Œuv., III, 85 et A. N., Guerre A1, 208 tr., n° 74, Louis XIV à Turenne, 4 et 13 octobre 1667.
[99] A. N., Guerre A1, 206 min., f° 356 v°, — 208 tr., n° 62, Louvois à Charuel, 8 octobre 1667. Les documents contenus dans A. N., Guerre A1, 209 et 210 tr., prouvent que tout n'alla pas bien.
[100] A. N., Guerre A1, 206 min.. f° 366 et 395, — 208 tr., n° 67 et 85, Louvois à Montpezat et à Rochefort, 10 et 14 octobre 1667.
[101] Id., 206 min., f° 434, — 208 tr., n° 101, Louvois à Turenne, 20 octobre 1667 : L'on a prévenu ce que vous pouviez souhaiter à l'égard de votre équipage. Si, après cela, vous désirez encore quelques lieux en Picardie et même Breteuil, quoiqu'il soit à mon frère, vous 'êtes le maître et n'avez qu'à parler.
[102] A. N., Guerre A1, 207 min., f° 18 v°, — 208 tr., Louvois à Charuel, 7 novembre 1667. Turenne recevra une somme en récompense de ses services, mais pas pour les fourrages.
[103] A. N., Guerre A1, 207 min., — 208 tr., n° 213, Louvois à Charuel, 25 novembre 1667.
[104] Courtilz de Sandras, Test. polit. de Colbert, 215. — Dans le Nouveau Siècle de Louis XIV, p. 92, on lit :
Le vicomte dit de Louvois
Ce que toute la terre en pense,
Quand il a osé dire au roi
Que de tous les maux de la France
Ce petit-fils de procureur
Etait et la cause et l'auteur.
A ce connétable insolent,
Qui fait le petit Dieu sur terre
Il lui dit qu'effectivement
Il n'était pas homme de guerre
Et qu'il ferait mieux le métier
De commissaire de quartier.
Mais ces quatrains se rapportent-ils à l'année 1667, ou bien aux années 1672 et 1673 ?
[105] Feuquières, Mém., I, 116 : — Auvigny, VI, 20-21. Cette opinion a été suivie par Grimoard dans Louis XIV, Œuv., III, 88, — Gaillardin, III, 358, — et Rousset, I, 127.
[106] A. N., Guerre A1, 209 tr., n° 32, Condé à Le Tellier, 10 juin 1667.
[107] Id., 211 tr., passim, — 218 min., f° 75, Louvois à Condé, 13 septembre 1667 : Je suis bien fiché de ne pouvoir pas aller moi-même savoir des nouvelles de la santé de Votre Altesse et lui rendre compte du voyage que je viens de faire en Flandre. Cependant, je la supplie très humblement de me faire la justice d'être persuadée que ma plus grande passion est de lui obéir et de lui témoigner en tous rencontres le profond respect avec lequel je suis... L'entente entre Louvois et Condé dura sept ans : on verra, plus loin, pour quelles causes elle fut provisoirement rompue.
[108] Pellisson, Hist. de Louis XIV, II, 265-6. V. cette correspondance dans A. N., Guerre A1, 207 min., — 208 tr., et surtout 211. Dans beaucoup de ses lettres à Louis XIV, Condé, pour ne pas se répéter, le renvoie à ce qu'il écrit à Louvois.
[109] A. N., Guerre A1, 212 min., f° 44, 50, 53, 56-7, — 222 tr., n° 163-165, 198, 200-201, 203-204, Louvois à Charuel, Bellefonds, Humières, Duras, Talon, Créqui, Carlier, 31 janvier et 2 février 1668.
[110] A. N., Guerre A1, 222 tr., n° 96, 163-165, — 636, pièce 116.
[111] Id., 212 min., février f° 45 v°, Louvois à Pellot, 2 février 1668.
[112] Sur cette conquête, v. A. N., Guerre A1, 212, 222, 224-5 : Pellisson, Hist. de L. XIV, passim.
[113] A. N., Guerre A1, 211 tr., Condé à Le Tellier, Dijon, 29 janvier 1668.
[114] Id., 212 min., février fol& 188, 199, 200, — 222 tr., n° 244-6, Le Tellier à Charuel, Ruvigny et Bellefonds, 24 février 1668. — Sur le retour de Louvois, v. A. N., Guerre A1, 212 min., février f° 242, — 213 min., mars f° 12, 222 tr., n° 258.
[115] A. N., Guerre A1, 212 min.,, f° 180, — 222 tr., n° 233, Le Tellier à Charuel, 20 février 1668.
[116] P. ex., A. N., Guerre A1, 212 min., février f° 90-91, 122, 176, — 222 tr., n° 210-211, 229 et 237.
[117] Sur tous ces points et beaucoup d'autres détails, v. A. N., Guerre A1, 212 min., février, ou 222 tr., passim, du 8 au 26 février.
[118] A. N., Guerre A1, 212 min., février f° 119, 126, 187, — 222 tr., n° 224, 227, 241 Le Tellier à Taxis, 15, 16 et 23 février 1668.
[119] Id., 212 min., février f° 81, Le Tellier à Montpezat, 8 février 1668.
[120] Saint-Maurice, I, 185.
[121] A. N., Guerre A1, 213 min., mars f° 65, — 222 tr., n° 293, Louvois à Bellefonds, 7 mars 1668.
[122] Id., 213 min., mars f° 133 v°, — 222 tr., n° 311, Louvois à Charuel, 12 mars 1668.
[123] Id., 213 min., mars f° 133 v°, — 222 tr., n° 311, Louvois à Charuel, 12 mars 1668.
[124] Idem, 213 min., avril f° 72 et 125, — 222 tr., n° 440, 456, etc. — Id., 214 min., f° 10, — 222 tr., n° 504.
[125] Les lettres ont été incomplètement publiées par Rousset, I, 145-148.
[126] A. N., Guerre A1, 213 min., avril f° 133 et 137, — 222 tr., n° 459, Le Tellier à Louvois, 14 avril 1668, avec addition du 15.
[127] Idem, 213 min., avril f° 162 et sq., — 222 tr., n° 468, Le Tellier à Louvois, 16 ,avril 1668.
[128] Id., 222 tr., n° 460, Le Tellier à Louvois, 14 avril 1668.
[129] Id., 225 tr., n° 256, Turenne à Louvois, 13 avril 1668.
[130] Id., 213 min., f° 186-189, — 222 tr., n° 472, Le Tellier à Louvois, 18 avril 1668.
[131] Id., 213 min., avril f° 221 et sq., — 222 tr., n° 489, Le Tellier à Louvois, 21 avril 1668.
[132] Id., 213 min., avril f° 133 et sq., — 222 tr., n° 459, Le Tellier à Louvois, 14 avril 1668 : — Id., 213 min., avril f° 184, Louvois à Le Tellier, 18 avril 1668.
[133] Id., 214 min., f° 9-11, série de lettres de Louvois à des intendants des contributions, 6 et 7 mai, pour les informer.
[134] Le Pelletier, Mém., 136, — V, aussi Ormesson, II, 544-5 (les diverties opinions).
[135] A. N., Guerre A1, 213 min., avril f° 133, 141, 162, 186 et 221, — 222 tr., n° 459, 460, 468, 472 et 489, Le Tellier à Louvois, 14, 16, 18 et 21 avril 1668.
[136] Id., 213 min., avril f° 158 et 192, — 222 tr., n° 473, 490, mem. des 18 et 20 avril 1668.
[137] Id., 213 min., avril f° 147, 180-5 et 235, — 222 tr., n° 461, 474 et 492, — 251 orig., pièce 54, 15, 18 et 24 avril 1668.
[138] A la date du 18 novembre 1667, Saint-Maurice, I, 160, note ceci : Il y a eu quelque démêlé entre le roi et M. de Louvois. Le bon sire ne veut pas que l'on s'accrédite trop, et particulièrement que l'on prétende de le gouverner. Il est le seul à donner, à ce moment, cette indication. — A la date du 28 mars 1670, I, 413, il écrit aussi que les rapports entre Turenne et Louvois sont très tendus et qu'il faudra qu'un d'eux succombe.