L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

DEUXIÈME PARTIE — LA RÉPUBLIQUE

XIV — LES TOMBEAUX ROMAINS.

 

 

La forme primitive du tombeau est le tertre funèbre, un amas de terre ou de pierres ; c’est ce qu’on nomme un tumulus[1]. Le tumulus est la sépulture des tiges héroïques ; on trouve dans toute l’Europe de pareils monuments élevés par les anciens peuples germaniques, et sur la côte de la Troade ceux que la tradition rapporte aux héros les plus célèbres de la guerre de Troie. Ce premier âge de la sépulture n’est point représenté, que je sache, à Rome et aux environs de Rome.

Mais sur la voie Appienne existent, comme dans la nécropole étrusque de Cæré, des tombeaux qui, tout cri conservant la forme du tertre primitif, s’élèvent sur un soubassement en pierres taillées[2]. Ce sont les tombeaux des Voraces.

Le cône qui surmonte ces soubassements[3] montre l’acheminement du tertre vers la pyramide[4], autre forme ancienne des tombeaux que l’Égypte a employée dans ces montagnes de pierre, qui sont bien certainement, quoi qu’on en ait pu dire, de gigantesques sépulcres[5].

C’est pour cette destination funéraire que fut bâtie à Rome, au temps de César, la pyramide de Cestius. A cette époque, l’Égypte était déjà assez connue et assez à la mode pour qu’un citoyen romain ait voulu après sa mort être logé comme les Pharaons. Sauf les dimensions, la pyramide de Cestius est absolument semblable aux grandes pyramides d’Égypte[6] : elle a de même un revêtement, plus magnifique, il est vrai, car au lieu d’être en pierre calcaire il est en marbre ; de même l’intérieur est plein, à l’exception de la chambre sépulcrale, dont les parois étaient couvertes de peintures ; de même encore, la pyramide de Cestius n’avait pas d’entrée ouverte. Les peintures ont été exécutées avant l’achèvement du tombeau, on a élevé ensuite la construction au-dessus de la chambre, et pour y pénétrer il a fallu percer dans la maçonnerie la porte qui est moderne.

Mausolée d'Auguste

La dernière transformation de la montagne tombale fut le mausolée, qui doit son nom à un roi d’Orient ; Mausole, et qu’imitèrent deux empereurs romains, Auguste et Adrien. Le mausolée d’Auguste[7], comme celui de Mausole[8], était un grand tertre sur un soubassement en maçonnerie qui existe encore ; il devait avoir la forme d’une pyramide à degrés, forme que l’on donnait aux catafalques d’après celle des phares[9], car on voulait exprimer ainsi que la gloire du mort s’élevait comme une grande lumière dans la nuit. Sur le sommet du mausolée d’Auguste on avait planté des peupliers ; ainsi, dans l’Iliade, des ormes sont plantés autour du tertre funèbre d’Èétion[10]. On peut juger de l’effet qu’ils produisaient par le bois d’oliviers qui a cru sur le tombeau de Cotta. Ce qui reste du mausolée d’Auguste est un théâtre où l’on joue en plein air et en plein jour la comédie ou le mélodrame. Le mausolée d’Adrien a été à toutes les époques le principal château fort de la Rome moderne ; son histoire est pleine de tragédies au moyen âge. A cette heure, un officier français l’habite : curieuse destinée !

Les tombeaux souterrains se rattachent à l’origine du monument funèbre, qui est une montagne. Les chambres sépulcrales creusées dans le rocher se voient en Égypte, en Grèce, en Étrurie ; parmi celles-ci, une à Véies, prés de Rome ; c’est sur ce plan, très agrandi, que furent creusées plus tard les catacombes juives et les catacombes chrétiennes.

Le tombeau des Scipions est un labyrinthe de chambres sépulcrales taillées sous la terre et qui ouvrait sur une rue de Rome.

Les chambres sépulcrales pratiquées dans les tombeaux bâtis le long de la voie Appienne et autres voies, sont une imitation de celles que l’on creusa plus anciennement dans les montagnes naturelles ou dans les tertres artificiels[11] ; elles contiennent un ou plusieurs sépulcres pour les corps inhumés et des niches pour les urnes destinées à recevoir les os des corps brillés, ce que les anciens appelaient les cendres, mot qui est resté dans la poésie et même dans l’usage, car on l’a appliqué assez étrangement au cadavre embaumé de Napoléon[12].

Enfin, le nombre de ces nielles et de ces urnes augmentant toujours, la salle qui les réunissait finit par s’appeler un pigeonnier, columbarium. La disposition du columbarium est propre aux Romains. Dans des niches toutes semblables entre elles sont rangées des urnes, en général d’affranchis ou d’esclaves, soit associés pour se procurer une demeure funèbre à frais communs, soit de la dépendance impériale, car le columbarium ne paraît guère avant l’empire, cette ère de démocratie et d’esclavage ; c’est la sépulture de l’égalité sous le despotisme. Telle est la généalogie des tombeaux et l’ensemble de leur histoire à Rome.

Les tombeaux des Romains, comme leurs temples, furent d’abord construits à l’imitation de l’Étrurie ; on le, voit par les tombeaux des Horaces, sur la voie Appienne. Celui d’Albano, qu’on appelle très improprement tombeau des Horaces et des Curiaces, est purement étrusque[13].

Sauf quelques ressemblances extérieures assez rares, les sépultures romaines diffèrent essentiellement des sépultures étrusques. Dans celles-ci tout est fait pour l’intérieur ; les murs sont couverts de peintures que nul œil ne doit contempler, car l’entrée du monument funéraire a été fermée et quelquefois cachée avec soin c’est donc au mort seul qu’on a destiné la décoration de son asile funèbre ; c’est pour lui qu’on y a déposé les bijoux, les ornements, les armes, les vases précieux, peints quelquefois avec un art infini et destinés à d’éternelles ténèbres ? En général, rien au dehors[14], nul signe à l’extérieur, nulle statue, nulle épitaphe : le mort ne pense plus aux vivants, il est entré dans l’autre monde, dans ce monde souterrain où il habite avec ses richesses parmi les divinités infernales, et où nul ne doit pénétrer jusqu’à lui. Les tombeaux romains, au contraire, s’élèvent presque toujours à la surface de la terre, placés des deux côtés de la route, sur le passage de la foule ; le mort, dans une épitaphe qui est souvent une allocution adressée au voyageur, dit ce qu’il a fait dans cette vie et parle très peu de l’autre. Du reste, il veut être vu ; on dirait presque qu’il veut voir encore. Son buste, regarde les passants ; sa statue, quelquefois couchée, plus souvent debout et drapée fièrement, les domine.

Dans l’intérieur, on a déposé moins de richesses, les Romains, qui connaissaient et estimaient les beaux vases de l’Étrurie, n’ont jamais songé à en orner leurs sépultures. C’est qu’il ne s’agissait pas pour les Romains d’une existence mystique en rapport avec les puissances ténébreuses, mais d’une existence toute extérieure et toute idéale dans le souvenir des hommes. Les Romains, peuples de l’action et de la vie, ont tiré les tombeaux de l’obscurité ois les Étrusques se plaisaient à les enfoncer pour se rapprocher ainsi du monde funèbre ; eux les ont élevés au grand jour, aux regards du soleil, moins comme des sépulcres que comme des temples destinés à perpétuer et à consacrer parmi les vivants le souvenir de ceux qui ont vécu, à rendre présents ceux qui ont passé.

L’usage des nécropoles était le même dans l’Étrurie et dans l’ancien Latium[15] ; il remontait à l’Égypte : à Thèbes, à côté de l’immense cité des vivants était l’immense ville des morts.

La disposition des tombeaux romains ne varie pas beaucoup ; en général, à l’intérieur est la chambre funèbre où l’on allait faire les libations en l’honneur du mort, dont les restes étaient déposés tantôt dans la partie inférieure, tantôt dans la partie supérieure du monument et renfermés soit dans un sarcophage destiné ordinairement à une seule personne, quelquefois à deux, association touchante que la tendresse chrétienne devait multiplier dans les catacombes, soit dans une urne, selon qu’ils étaient enterrés ou brûlés. La coutume de brûler les corps fut dominante sous les rois, sous la république[16] et au commencement de l’empire. L’inhumation prévalut, sous les Antonins, et l’emporta définitivement par l’influence du christianisme[17]. On voit au Vatican[18] des pierres funèbres qui proviennent du mausolée d’Auguste et dont les inscriptions indiquent que plusieurs personnages de sa famille ont été brûlés. Stace nous fait connaître l’exemple unique d’une femme conservée par le dessèchement[19]. Cette femme s’appelait Priscilla, et le mari, qui par tendresse avait voulu garder ainsi ses restes, Abascantus, probablement un des médecins de ce nom. Le tombeau de Priscilla était sur la voie Appienne, où Nibby croyait l’avoir retrouvé[20].

Le culte des héros, ce culte des saints du paganisme — on peut le nommer, ainsi ; car il ne s’adressait pas seulement aux héros proprement dits, — ce culte, qui en se dépravant produisit l’idolâtrie pour les empereurs morts, et, ce qui était plus honteux encore, pour les empereurs vivants, fit donner aux tombeaux quelque chose de l’aspect des temples. Un Heroon était une chapelle dédiée à un héros, de là vint l’usage du fronton et des colonnes pour décorer les monuments funèbres. Près de Rome, plusieurs charmants tombeaux ont été pris pour de petits temples, auxquels ils ressemblent cri effet ; seulement il ne fallait pas supposer, comme on a eu le tort de le faire, qu’ils avaient été consacrés au Ridicule[21] et à la Toux[22], qui n’ont jamais eu de temples et n’en méritaient pas.

L’autel où l’on faisait les libations est presque toujours placé devant le tombeau, comme il était placé devant le temple[23].

La stèle était une pierre plantée dans l’origine sur le tertre funèbre[24], plus tard dans l’intérieur de la construction sépulcrale. Les stèles forment l’accompagnement presque nécessaire des tombeaux égyptiens ; elles se rencontrent dans les sépultures grecques[25] et dans les tombes romaines. Les stèles funèbres de l’Égypte représentent habituellement le mort rendant hommage à une divinité et recevant l’hommage des différents personnages de sa famille. C’est en comparant un grand nombre de ces stèles, où les noms, les rapports de parenté du défunt avec les membres de sa famille et leurs professions sont écrits en hiéroglyphes d’une lecture certaine, que je suis parvenu à établir que la séparation absolue des castes et l’hérédité permanente des conditions n’existaient point, comme les anciens et les modernes l’ont si souvent répété, dans l’ancienne Égypte[26]. On ne saurait tirer autant de lumières des stèles grecques et romaines[27] ; cependant les accessoires des sépultures romaines vont aussi nous offrir de précieux enseignements.

Si le tombeau ressemble extérieurement à un temple, intérieurement il ressemble parfois à une maison.

Les tombes étrusques présentent, d’une manière plus frappante que les tombes romaines, l’idée de l’habitation après la mort, de la maison funèbre. On y voit figurées jusqu’aux solives du toit[28]. Mais cette idée de l’habitation après la mort reparaît dans les urnes destinées à recevoir les ossements et les cendres des Romains. Quand on parcourt la longue galerie tapissée d’épitaphes qui conduit au musée du Vatican, et le cortile du Belvédère, l’œil s’arrête avec une complaisance mélancolique sur une multitude de ces urnes qui l’attirent par leurs formes infiniment variées. Beaucoup d’entre elles sont de véritables petites maisons où l’on trouve que l’on serait assez bien logé, avec des portes, un toit sur lequel sont indiqués les tuiles et les antéfixes ; d’autres ont d’autres formes qui trahissent l’influence du gracieux génie de la Grèce : la forme d’une corbeille, comme pour y mettre des fleurs ; la forme d’une fontaine, comme pour que l’heureux sommeil du mort soit rafraîchi par les eaux et bercé par leur murmure.

L’intérieur des tombeaux étrusques et romains était décoré de peintures, mais de peintures différentes : sur les parois des tombes étrusques sont représentés ordinairement des banquets, des danses ou des jeux funèbres ; dans les tombes romaines on rencontre il est vrai des peintures qui se rapportent aux champs Élysées ou aux Enfers[29], mais plus souvent des paysages, des arabesques[30] qui pourraient orner une villa. Il était dans le génie de Rome, et surtout de Rome devenue é demi grecque, de se moins absorber dans la pensée de la mort. Du reste, les Grecs peignaient l’intérieur des tombeaux[31]. Il en était de même des Égyptiens ; ceux-ci, d’un génie plus sombre encore, plus porté aux contemplations de l’autre vie que les Étrusques, creusaient de vastes demeures dans la montagne, en couvraient les parois souterraines de tableaux innombrables qui représentaient les aventures de l’âme après la mort, puis ces peintures, dont l’éclat nous éblouit encore, une fois terminées, ils fermaient et cachaient l’entrée du sépulcre. De même, les peintures funèbres, souvent très soignées, et il faut en dire autant des admirables ornements, des bijoux précieux déposés dans les tombeaux étrusques et quelquefois dans les tombeaux romains, n’étaient pas destinées à être vues par l’œil des vivants, à être éclairées jamais par les rayons du soleil ; elles étaient faites pour le mort, et lui seul devait en jouir dans sa nuit. : selon les idées antiques, pour un mort regretté rien n’était trop beau[32].

L’étude des bas-reliefs forme, dans l’étude des tombeaux romains[33], la partie la plus intéressante, la plus instructive et je dirai la plus historique, car ils nous font voir de nos propres yeux les détails des différentes professions, les scènes de la vie de famille et, par le choix des sujets et des symboles, peuvent nous apprendre beaucoup sur ce que les Romains pensaient de la mort et de l’immortalité. En outre, ils nous font connaître les traits des défunts, soit par des statues ou des bustes, soit par des médaillons sculptés en relief. Ces visages ont en général un caractère frappant d’individualité, et souvent sont assez laids pour qu’on soit en droit de les croire ressemblants.

Quelquefois le médaillon est vide[34], ou bien n’offre qu’une figure non dégrossie[35] ; on attendait pour exécuter les figures de savoir à qui le tombeau appartiendrait. Beaucoup d’inscriptions nous apprennent que le cénotaphe a été ordonné par son possesseur tandis qu’il vivait encore[36], non seulement pour lui mais encore pour les siens et pour ses affranchis ; on trouve là écrite l’idée de la famille romaine comprenant et les parents et la dépendance, dans le sens qu’a conservé le mot famiglia à Rome, où il s’étend jusqu’aux domestiques.

Le nom du mort est quelquefois indiqué figurativement, par exemple celui d’un homme qui s’appelait Aper par un sanglier[37], symbole qui ressemble beaucoup à un calembour. Ailleurs, c’est la patrie du personnage défunt qui est indiquée par un détail du bas-relief : ainsi la patrie d’une Cléopâtre, nom égyptien, par un palmier[38] ; ou bien une qualité morale est exprimée symboliquement : une jeune femme, couchée sur un tombeau, a un agneau à ses pieds[39]. Ici la sculpture n’est-elle pas un langage, et n’est-ce pas comme si, dans une épitaphe, on lisait ces paroles : Elle fut douce et pure comme un agneau ?

La disposition des tombeaux nous révèle les usages funéraires du peuple romain ; une partie de leur décoration se rapporte à ces usages. On voit sur les cippes funèbres le creux qui recevait les libations et le trou par où elles s’écoulaient. On y a souvent sculpté les ustensiles du sacrifice, les festons et les couronnes[40] que suspendaient à ces autels mortuaires une piété pareille à celle qui nous fait placer une couronne sur une tombe chère et y déposer des fleurs.

Ces festons que nous voyons appendus aux sarcophages, ce sont ceux dont parlait Properce quand il disait de sa Cinthie : Là elle apportera des parfums et ornera de festons mon tombeau ; elle s’assiéra prés de ma cendre pour la garder (III, 16, 23-4).

Une statue de femme[41], trouvée dans un tombeau, et assise dans le recueillement de la douleur, gardait des cendres aimées, comme Properce espérait que Cinthie garderait les siennes.

La pompe et tout l’appareil des funérailles[42] sont retracés sur des tombeaux romains. Ainsi l’ensemble d’une pompe funèbre est représenté sur une suite de bas-reliefs très curieux[43] qui font passer devant nos yeux tous les préparatifs des funérailles d’une dame romaine, depuis l’exposition du corps sur un lit de parade auprès duquel sont des flambeaux, comme on expose aujourd’hui ceux des grands personnages romains, depuis les pleureuses qui s’arrachent les cheveux et se frappent la poitrine, jusqu’aux décorations de l’enterrement, reproduction artificielle des monuments que le cortége devait rencontrer sur la route par où il avait à passer. Près de plusieurs de ces monuments leurs noms sont écrits ; le Colisée se reconnaît facilement, on voit même les statues qui s’élevaient sous chaque arcade et qui n’existent plus. Pour d’autres monuments, la reproduction n’est pas exacte ; il y a par exemple sous l’arc de Titus une grande statue qui ne s’est jamais trouvée là, au milieu de la voie Sacrée ; ce ne sont donc point, ainsi que l’a très bien vu Ml. de Rossi, les monuments eux-mêmes que le sculpteur a voulu reproduire, mais une décoration improvisée et faite, jusqu’à un certain point à leur image. Le tombeau lui-même est représenté ; il est magnifique et ressemble à un temple ; une figure est assise à l’intérieur : est-ce la morte ou n’est-ce pas plutôt une personne de sa famille qui l’a précédée et qui l’attend ?

Les bas-reliefs qui se rapportent à la famille sont très nombreux ; c’est la page la plus touchante de ce rituel funéraire que la sculpture antique a tracé sur les tombeaux.

La Grèce les avait connus[44] et l’art romain les a empruntés, comme presque tout, à la Grèce.

C’était surtout aux souvenirs de l’union conjugale qu’étaient consacrés les bas-reliefs des tombeaux à Rome ; le respect de cette union se conserva même au sein de la démoralisation de l’empire, on acquiert cette conviction consolante, que peut-être l’histoire et la littérature ne donneraient pas, en voyant l’époux et l’épouse figurer aussi souvent dans les représentations funèbres. Un homme et une femme se tiennent par la main, entre eux est un Amour avec ces mots : Fidei simulacrum[45], emblème de fidélité. Plus souvent, c’est leur enfant qu’ils tiennent tous deux, ou le défunt est couché sur titi lit et sa femme assise à côté du lit[46]. Mais tout n’était pas moral dans les intérieurs romains sous l’empire ; ailleurs un homme bien portant est couché de même sur un lit ; le lit est dans un triclinium, car on apporte des plats, et la Joueuse de lyre qui est prés de lui n’est point sa femme.

L’union des époux par le mariage est souvent représentée sur les tombeaux[47] et, contraste pathétique ! leur séparation par la mort : le double serrement des mains qui se joignent pour le bonheur et pour l’adieu[48]. Mais ce n’est pas ce contraste seulement que le sculpteur a voulu indiquer, et l’on peut croire qu’il y a aussi dans ces noces du tombeau un pressentiment de la réunion au delà, car il y a quelques consolations apportées à ce cruel adieu ; si l’on voit un rideau, le rideau qui nous cache le monde invisible, on voit aussi une porte entr’ouverte[49], pour laisser à celui qui reste la perspective et l’espoir d’y passer à son tour. Cette porte s’ouvre pour un enfant de cinq ans et demi[50] ; la tendresse des parents élevait des tombes aux enfants et décorait des symboles accoutumés les urnes qui contenaient leurs cendres. Nous les voyons sur les sarcophages se livrer aux jeux de leur âge, par exemple des petits garçons et des petites filles jouer ensemble aux noix[51], ces billes de l’antiquité, et goûter ainsi les joies de leur innocent paradis.

Un adolescent est couché sur son tombeau[52] tenant un livre à la main ; des génies de son âge portent les attributs des neuf Muses ; il a un manteau de philosophe : sans doute il donnait beaucoup d’espérances. A ses pieds est le petit chien favori du jeune savant : je suis bien aise pour lui qu’outre les muses et la philosophie il aimât ce petit chien.

Le deuil des parents n’est pas exprimé avec moins de simplicité que la douleur des époux. Un père qui pleure tient un flambeau renversé, image sans doute de la mort d’un enfant, que ce père et sa femme, debout devant lui, ont perdu. Derrière deux époux est le buste d’une jeune fille certainement la leur, et qui leur a été ravie. Mais aucun des bas-reliefs romains de cette espèce n’est aussi attendrissant que l’était une peinture grecque du tombeau de Néotime décrite dans une pièce de vers de l’Anthologie[53] ; on y voyait la jeune femme dans les bras de sa mère, tandis que le malheureux père tenait sa tête dans sa main[54]. L’amour maternel, celui des amours humains qui suent le plus obstinément à la mort, se produit avec grâce sur des bas-reliefs funèbres ; une femme allaite son enfant[55], une autre, couchée sur un lit, donne à boire au sien en regardant un chien qui la regarde[56]. Ce petit tableau dit à la fois les tendres soins de la mère et la fidélité de l’épouse. Quant à ce qu’on appelle les banquets funèbres, il faut distinguer. Il Y eu a qui méritent ce nom et qui rappellent l’usage où l’on était, à Rome comme en Grèce, de célébrer par un banquet sacré la mémoire des morts[57], mais il est très vrai, comme l’a remarqué M. Letronne[58], qu’on ne petit appeler repas funèbres ceux où le mort prend place à côté des vivants ; dans ceux-là il faut reconnaître avec lui une commémoration du repas de famille tel qu’il était quand le défunt regretté y occupait la place maintenant vide à jamais.

Les habitants des tombeaux ne revirent pas seulement sur les bas-reliefs, ornement funéraire de ces tombeaux ; leurs statues et leurs bustes les décorent. Les statues sont couchées ou debout, les époux côte à côte[59] ; quelquefois une jeune femme endormie tient une couronne ou des fleurs ; les bustes des personnages d’une même famille rangés les uns près des autres[60], semblent continuer cette existence que leur association sous le même toit rendait si douce, et dire au voyageur, qui en regrette peut-être une semblable ; Vois comme nous étions bien ensemble sur la terre et comme nous sommes bien ensemble ici. Des oiseaux dans un nid, auxquels le père et la mère apportent leur nourriture, offrent un touchant symbole de l’amour paternel et maternel[61] ; un serpent qui se glisse vers l’arbre qui porte le nid[62] est l’image de la mort qui a pénétré dans le nid de famille maintenant désert.

Si les bas-reliefs dont je viens de parler nous émeuvent en nous transportant au sein de la famille romaine et en nous faisant participer jusqu’à un certain point aux sentiments qui l’animaient, d’autres bas-reliefs piquent et en même temps satisfont notre curiosité ; ce sont ceux qui, nous rendant familiers les détails des professions et des conditions particulières, par là nous font pénétrer dans la vie réelle des anciens Romains, comme d’autres monuments nous ont initiés à leur vie idéale et complètent leur histoire publique par leur histoire privée.

Voulez-vous voir fabriquer des couteaux dans l’antique Rome, des serpes, des tailloirs ? Voici sur un monument funèbre, érigé par un maître coutelier à lui-même, à ses affranchis et à leur postérité, la boutique de ce coutelier, assez bien fournie d’instruments tranchants, dont plusieurs sont fort semblables à ceux que vous avez pu considérer en traversant le marché de la place Navone ; et dans l’arrière-boutique, placée de l’autre côté du monument funèbre, il ne tient qu’à vous de vous donner le plaisir de les voir forger[63].

Sur un cippe destiné à recevoir des offrandes sont sculptés les outils d’un architecte[64] : le pied romain, le compas, l’équerre et le fil à plomb. Des haches, des couperets, un bonnet de Flamine sont sculptés sur un autel dédié par une société de fabricants d’objets religieux, à laquelle ils semblent servir d’enseigne[65] ; une bouchère, en conférence avec une femme qui veut lui acheter une oie, est assise devant son étal[66], pareil sans doute à celui sur lequel Virginius saisit le couteau qui devait sauver Virginie de la honte et délivrer Rome de la servitude. Dans cette boutique on lit quelques vers de Virgile ; aujourd’hui à Rome les boutiques des marchands de friture sont garnies de sonnets. Là un pizzicarolo est dans sa boutique, assez semblable à celle où s’exerce actuellement cette petite industrie toute romaine.

Passons des boutiquiers aux négociants. Passienus, qui était bon père, car il a élevé un cippe funèbre à son fils, petit garçon mort à sept ans, s’était enrichi dans le commerce maritime : nous l’apprenons par ce même cippe où il avait fait placer d’un tété la Fortune marine tenant le gouvernail d’un bâtiment, et de l’autre Mercure avec la bourse et la corne d’abondance[67]. Carpus Polentianus faisait un commerce du même genre, mais pour le compte de l’État ; attaché au service de l’approvisionnement public[68], il allait acheter des blés en Egypte, ce qu’indiquent une barque, un obélisque, désignant l’Égypte, et enfin, par une allusion mythologique, Cérès courant un flambeau dans la main à la recherche de Proserpine. Au commerce maritime et au commerce par terre appartenait à la fois sans doute un homme représenté dans un chariot et sur un navire, entre une pierre milliaire et un phare[69]. Un fabricant d’huile a étalé sur son sarcophage[70] de famille tous les détails et tous les instruments de cette fabrication, parmi lesquels se remarque le moulin à huile qu’un âne fait tourner. Ce moulin a tout à fait la forme de ceux qu’on trouve souvent et dont un débris a été placé près du bas-relief. Puis viennent des métiers qui touchent à l’art, comme un orfèvre[71] ; un homme riche qui avait pris à ferme des fonderies de bronze et d’argent[72] ; enfin, sur un cippe votif, un ciseleur, cælator, qui donne son adresse : Lucius Furius, ciseleur, voie Sacrée.

Parmi les représentations professionnelles, plus complète est celle du tombeau de Vergilius Eurysacès, appelé vulgairement le tombeau du Boulanger. Ce Vergilius, dont le nom écrit ainsi selon l’orthographe de la république, est le même que celui de Virgile, n’était point un boulanger : il avait la ferme de la fourniture du pain pour les Appariteurs, personnages attachés au service des magistrats romains ; c’était un grand entrepreneur que sa ferme avait enrichi, ainsi qu’il parait aux vastes dimensions et à la décoration de son tombeau. Un triple rang de bas-reliefs nous montre tous les détails de la fabrication et de la vente du pain ; on pétrit la pâte, on enfourne les pains, on les retire du four et on les fait refroidir ; apportés dans des paniers, ils sont pesés et comptés par deux hommes dort l’un tient des tablettes[73].

Le tombeau de Vergilius a une forme très particulière et qui est elle-même une allusion manifeste au genre de fourniture qui lui avait été affermé. Ce tombeau est composé de cylindres semblables aux corbeilles où l’on mettait les pains qui étaient ronds, nous le saurions par les peintures des catacombes quand on n’en aurait pas retiré un certain nombre d’un four de Pompéi, au bout de dix-huit cents ans. L’inscription nous apprend que Vergilius Eurysacés a voulu que les os de sa femme Antistia reposassent dans ce Panarium, mot qui peut désigner tout le monument, considéré comme un dépôt de pains, ou s’entendre seulement d’une corbeille à pain en pierre qu’on a trouvée dans le tombeau et où l’on doit supposer que furent recueillies les cendres d’Antistia.

Sans parler des insignes propres aux magistrats et aux sacerdoces, tels que la chaise curule, siège des personnages considérables[74], les faisceaux consulaires, le lituus ou bâton recourbé dans la main de l’augure[75], le sistre dans celle du prêtre égyptien[76] ; il est deux professions que rappellent sur les sarcophages romains de nombreux symboles : l’état militaire et la carrière des lettres.

L’état militaire est indiqué par des armes de toute sorte[77], par le laurier, par des couronnes que tiennent souvent des Victoires, par l’aigle, par une Victoire portant une enseigne ou écrivant sur un bouclier, par un combat, par des barbares captifs à genoux et des emblèmes de triomphe. Le guerrier est représenté avec une lance, un bouclier et sort cheval de combat. J’ai remarqué, sur un cippe funèbre consacré à. la mémoire d’un officier romain, une équerre et une lyre ; cet officier semble avoir été en même temps ingénieur et poète. Quand l’aigle est associé à divers symboles religieux[78], surtout à ceux qui se rapportent à Jupiter, il peut ne désigner que la dévotion du mort à ce dieu.

Uri bas-relief en l’honneur d’un affranchi grec et de sa femme, offre un exemple de ces dévotions particulières ; le mari était dévot à Jupiter, la femme à Junon[79], comme l’indique le paon mis en regard de l’aigle : ces affranchis[80] voulaient faire les Romains en proclamant leur dévotion aux deux grandes divinités romaines et s’attribuaient l’un l’aigle des empereurs, l’autre le paon des impératrices. L’adresse du ciseleur de la voie Sacrée est entourée d’un feston que soutiennent des aigles. On voit bien que l’aigle n’est pas toujours une attribution guerrière, car des aigles décorent le tombeau d’une femme[81]. De même, la Victoire n’indique pas toujours la profession militaire. Nous verrons quel peut être alors le sens de ce symbole.

La modestie n’ayant été dans aucun temps notre apanage, à nous autres gens de lettres, on ne sera pas surpris que les littérateurs aient laissé sur les bas-reliefs funèbres beaucoup d’avertissements de leur existence et de leur vanité, adressés à la postérité.

Les auteurs auxquels, on le pense bien, les insignes de la glaire n’ont pas été plus refusés qu’aux guerriers[82], et que caractérise le volume, se montrent entourés par les Muses, qui sont censées les inspirer. Quand elles sont toutes présentes, elles n’indiquent aucune vocation littéraire spéciale. Le choix qu’on fait parmi elles peut nous renseigner sur le talent particulier de l’homme de lettres dont nous voyons le monument, sur le genre de littérature qu’il cultivait[83] ; ce qu’on indiquait aussi par la présence d’Homère pour un poste épique, de Pindare pour un poste lyrique et de Ménandre pour la comédie ; lorsqu’ils sont réunis[84], nous pouvons penser qu’il s’agit d’un homme qui prétendait être tout à la fois un Homère, un Pindare et un Ménandre. Du reste, il valait mieux s’essayer dans plusieurs genres littéraires que de réunir, comme un certain M. Sempronius Néiocratès, d’après son nom probablement un affranchi, au talent de poste lyrique, la profession de marchand de femmes esclaves.

Les femmes de lettres, à Rome, avaient aussi leurs prétentions multiples, et l’une d’elles, Petronia Musa[85], a près de soi deux lyres appartenant à deux muses et accompagnées d’une pièce de vers en son honneur.

Ces deux lyres correspondaient à deux genres de poésie dans lesquels nous pouvons supposer qu’excellait Pétronia. Nous pouvons en penser autant d’une femme sous le siége de laquelle est le masque tragique de Melpomène et auprès de laquelle sont Polymnie et Euterpe, la muse bucolique, qui, la main placée sur son épaule, parait l’encourager. En face d’elle un homme est assis, ayant auprès de lui Thalie et Melpomène[86]. Voilà bien des muscs et un couple abondamment pourvu de tous les genres d’inspiration.

Un bas-relief où se voient des figures d’hommes et de femmes[87] a été rapporté au sénat féminin d’Héliogabale, sans raison, je crois, car dans ce sénat il n’y avait point d’hommes. J’y verrais plutôt une allusion à quelque réunion littéraire de l’époque, des lectures publiques, auxquelles les femmes devaient assister. Ces assemblées, où l’on allait entendre Stace et d’autres poètes[88], peuvent être considérées comme contenant le premier germe des académies, si nombreuses en Italie dans les temps modernes, et dans plusieurs desquelles, par exemple les Arcadi et les Lincei, à Rome, on admet les femmes, ce qui avec le temps, j’imagine, sera imité partout.

Un retour naturel vers les occupations et les soins d’ici-bas a multiplié sur les tombeaux les scènes d’intérieur qui nous font pénétrer dans l’histoire intime des Romains, en mettant sous nos yeux leurs banquets, leurs jeux, quelquefois sans oublier le chien fidèle, le chat et jusqu’au singe de la maison[89].

Passons de ces détails à la grande idée qui plane sur les tombeaux, l’idée de la mort ; aux divers aspects sous lesquels elle y est envisagée, aux divers symboles par lesquels elle y est exprimée.

L’art antique a rarement représenté la mort elle-même, qu’il aimait mieux désigner symboliquement sous la forme d’un génie funèbre. On voit cependant le dieu de la mort (Thanatos) sur les urnes étrusques.

La Mort est le seul dieu que j’osais implorer,

a dit Racine, d’après Euripide, mais la mort n’a jamais sur nos bas-reliefs cet horrible aspect que lui ont donné la poésie et la sculpture grecques dans leurs commencements, qu’à une époque plus avancée le sentiment du beau fit rejeter, et auquel le moyen âge devait revenir : l’aspect d’une horrible vieille avec de longues dents et des ongles crochus, telle que la peint Hésiode[90].

Le génie du Sommeil est couché, ou dans l’attitude consacrée par la sculpture antique pour peindre le repos ; les jambes croisées et les bras derrière la tête[91] ; c’est souvent un enfant[92] ; le sommeil de l’enfance semblait le plus doux symbole pour exprimer l’idée de la mort ; c’est tantôt un jeune homme[93], tantôt un vieillard[94], car la mort est de tous les âges.

Les anciens appelaient le sommeil le parent et le frère jumeau de la mort[95] ; ils appelaient la mort le sommeil d’airain, le sommeil sacré. Il ne faut pas dire que les bons meurent, mais ils goûtent un doux sommeil, un sommeil sacré[96].

Ce génie tient un flambeau renversé, symbole de la vie éteinte[97], ce que signifient aussi les flambeaux couchés[98].

Ou bien ce n’était pas comme un sommeil qu’on se représentait la mort, mais comme une destruction. Psyché, on sait que c’est le nom de l’âme, a des ailes de papillon ; elle est souvent représentée par un papillon, l’Angelica farfalla, a dit Dante, faisant chrétien le symbole antique. On voit sur les bas-reliefs funèbres un papillon brûlé par un flambeau[99] ou saisi au vol par le bec d’un oiseau[100] : c’est la destruction de Psyché, de l’âme, que les anciens ne distinguaient pas bien de la vie. Des oiseaux becquetant un fruit[101], des fruits s’échappant d’une corbeille renversée[102], expriment aussi, en la voilant sous une forme gracieuse, la sombre idée de la destruction.

Ainsi ce que l’on pourrait prendre pour des détails capricieux d’arabesques a un sens, un sens sérieux et triste. Uri lion qui dévore un cheval, un lapin, animal destructeur s’il en fut jamais, mangeant un raisin[103], expriment la même idée que traduit l’insecte ou le fruit becquetés par l’oiseau.

Ces détails reviennent trop fréquemment dans les bas-reliefs funéraires pour qu’on puisse attribuer au hasard leur répétition constante et leur association évidemment intentionnelle avec d’autres symboles non moins significatifs. Plus on étudie l’art antique, talus on en voit disparaître l’arbitraire et plus on se persuade que tout y avait sa raison.

Il est encore d’autres expressions détournées de la mort, qu’on rencontre sur les sarcophages et qu’il faut connaître pour saisir le sens funèbre des bas-reliefs qui les accompagnent. Ce n’est presque jamais un emblème brutal et hideux, comme le squelette ou la tête de mort ; les anciens n’avaient pas recours à ces objets déplaisants pour rappeler à l’homme sa fin ; une allusion plus indirecte leur suffisait et avertissait le spectateur sans le repousser. Sur les bas-reliefs des tombeaux, on se borne à lui montrer une voile repliée[104], un arbre dépouillé de ses feuilles[105], image de la vie qui s’est fanée, un arbre qu’on arrache[106], un vêtement abandonné[107], un carquois vide ou fermé[108] ; un masque tombé à terre annonce que la pièce est finie, selon le mot suprême d’Auguste, comédie ou tragédie bientôt jouée et dont il ne reste rien quand les acteurs ont disparu[109].

Certains animaux sont choisis de préférence dans ces représentations comme emblèmes du sommeil, parce qu’ils dorment et semblent morts durant quelques mois, le loir et la tortue ; il en est de même des oies et des canards qu’on chasse pendant l’hiver.

Les courses de char fournissent aux bas-reliefs funèbres une allusion très fréquente à la carrière de l’homme dont le terme est la mort ; nous nous servons encore de cette métaphore, empruntée à une coutume antique. Sur un assez grand nombre de sarcophages, on voit les chevaux qui s’élancent avec ardeur, comme l’homme s’élance dans la vie, puis s’abattent au bout de leur course. Sur une urne étrusque du Vatican, deux furies brisent le char d’un guerrier.

Des courses de chevaux sont la plupart du temps exécutées par des enfants, presque toujours ailés[110] ; ceux qui tombent du char[111] ou du cheval indiquent la chute finale qui nous fera trébucher tous dans la mort.

Il en est de même de la lutte[112], image de la vie, cette lutte qui finit toujours par une défaite. Une fois, pour indiquer encore mieux l’intention funéraire de ces représentations, le terme de la palestre s’incline comme s’il allait tomber. Ces scènes du cirque et de la palestre peuvent être une commémoration des jeux qu’on célébrait à l’occasion de la mort des personnages illustres, ou un témoignage de la passion du défunt pour les jeux durant sa vie.

Des lions qui dévorent des chevaux, symbole ordinaire de la destruction sur les sarcophages, offrent en même temps une scène de l’amphithéâtre[113].

La vie se compare naturellement au jour et à l’année. Ce jour, dans le langage universel, a son matin et son soir ; cette année a son printemps, son été., son automne et son hiver. On voit en effet dans les bas-reliefs des sarcophages le Soleil partant sur sort char[114], et, la journée finie, la Nuit montée sur un char dont les coursiers s’abattent. Le jour et la nuit, vieille allégorie de la vie et de la mort ; parfois la nuit est remplacée par la lune[115]. En général, c’est l’idée de la vie qu’on a voulu l’aire prévaloir sur les sarcophages où les saisons[116] sont représentées, en y étalant les diverses productions de la fécondité terrestre dont se composent leurs attributs ; mais l’idée de la mort vient, comme presque toujours, se placer auprès. Cette idée est traduite dans un langage sinistre parles rameaux dépouillés que les saisons tiennent à la main[117], ou présentée sous un jour moins triste quand on place auprès des saisons les néréides et les tritons, qui indiquent le voyage de l’âme aux îles Bienheureuses[118]. Les Saisons ou Heures, sur les tombeaux, sont liées surtout à l’idée de la mort, quand on ne montre que les deux saisons funèbres, l’automne et l’hiver, ou qu’on place en regard le printemps et l’hiver, le commencement et la fin. Les poètes comparaient les saisons aux âges de la vie.

Les Grâces sont de la famille des Heures. A Rome, on est étonné de voir souvent les Grâces sur des tombeaux. D’abord, quand il s’agit de l’art et de la pensée antiques, on ne doit jamais s’étonner de rencontrer les Grâces même dans la mort. Les Grâces n’étaient pas à l’origine ce qu’elles sont devenues depuis la personnification du charme ; ces vieilles divinités pélasgiques étaient les compagnes et les servantes de Jupiter[119], associées à sa toute puissance dans l’administration physique et morale du monde, dont leur nom exprimait les bienfaits. C’est pourquoi sans doute Phidias les avait placées sur le trône de Jupiter. Elles jouaient donc un rôle dans toute la destinée de l’homme, dans sa mort comme dans sa vie, car l’une et l’autre venaient de Jupiter. Les Grâces étaient mises sous la conduite de Mercure, le conducteur des âmes[120] ; elles étaient les compagnes de Proserpine[121] ; enfin comme liées à Vénus, la déesse de la vie et de la mort, leur ministère était d’embellir la première et d’adoucir la seconde[122].

Les scènes de la vie champêtre qui accompagnent souvent les représentations funèbres sont placées là comme un adoucissement à la pensée de la mort ; elles disent à leur manière : Et ego in Arcadia, et moi aussi j’ai goûté une vie tranquille et heureuse.

En même temps qu’on entourait les monuments funéraires des scènes variées de la vie, on y déployait les terreurs de la mort et du monde invisible, qui devaient en interdire l’entrée ; de là les figures monstrueuses sur les tombeaux, et surtout la tête de Gorgone[123], symbole de l’épouvante qui pétrifie[124], les gryphons[125], ces gardiens de l’or déposé dans les tombes dont les sphinx[126] muets protégeaient le silence et savaient le secret.

La sirène, puissance infernale, à l’origine puissance fascinatrice et funeste, exprimait sur les tombeaux l’illusion de la vie qui séduit, qui fascine l’homme et le livre à la mort. Les sirènes pouvaient aussi exprimer le charme inconnu d’une nouvelle existence, et même les révélations que promettait cette existence aux âmes mises par elle en possession de la vérité, car les sirènes disent à Ulysse qu’elles savent beaucoup de choses[127].

Une pensée liée à des idées d’immortalité, la pensée des concerts des bienheureux, venait tempérer ce que les êtres fantastiques avaient de formidable, et sur les tombeaux on plaçait la lyre aux mains des sphinx comme des sirènes.

Sauf ces exemples et un petit nombre d’autres, jusqu’ici nous n’avons guère trouvé sur les tombeaux romains que les souvenirs et le sentiment de la vie terrestre ou le sentiment de la destruction, de la fin. N’y a-t-il rien autre chose ? N’y a-t-il pas quelque signe d’une notion de la vie future ? Quelle était à Rome la nature et le caractère de cette notion ? Cette fois, nous avons à rechercher l’histoire des idées et des croyances chez les Romains, et cette fois encore nous la chercherons dans les monuments.

Quand, m’enfonçant dans l’intérieur de la montagne de Thèbes, je parcourais les tombeaux ries Pharaons, ces palais souterrains à plusieurs étages où est sans cesse reproduit sur leurs parois l’éternel sujet des peintures égyptiennes, l’histoire de l’homme après la mort, je suivais d’étage en étage, de chambre en chambre, de corridor en corridor, cette mystérieuse histoire ; je voyais un voyageur subir une foule d’épreuves, ici livré aux plus rudes tourments, là goûtant un repos momentané dans un Élysée transitoire ; puis je le voyais, reprenant sa marche, traverser des bois, des fleuves, naviguer dans la barque céleste à travers les astres. Je voulais savoir la fin ; je me disais : Arrivera-t-il quelque part ? s’arrêtera-t-il dans la félicité ou les supplices ? Il n’arrivait jamais ; quand j’arrivais moi-même à la dernière chambre, je voyais en général une vache ou un nain difforme, monstrueux Priape. Était-ce le symbole de la vie universelle dans laquelle le pèlerin de l’autre vie allait s’abîmer ? Je ne sais, mais il me restait de cette vision étrange un grand doute et une formidable obscurité[128].

J’ai éprouvé quelque chose de pareil cri considérant les bas-reliefs, évidemment symboliques, sculptés sur les sarcophages romains. Les Romains étaient religieux ; ils admettaient des champs Élysées, un enfer, une existence quelconque après la mort ; mais cette croyance était bien vague, cette affirmation était bien incertaine, car les symboles des bas-reliefs funèbres expriment tour à tour l’idée de destruction, d’anéantissement et l’idée de durée, de renaissance, entre lesquelles la pensée dont nous cherchons le secret semble hésiter. C’est là, je crois, le vrai de la croyance des païens ; je ne parle pas des philosophes platoniciens ou épicuriens, déistes ou athées, je parle du grand nombre ; pour le grand nombré, il n’y avait ni affirmation, ni négation, ni doute absolu, mais tantôt le sentiment terrible de la mort qui brise, qui sépare, le sentiment affreux de la vie qui a disparu, tantôt ce sentiment non moins invincible qui est notre seule consolation : non tout ne finit pas avec la vie ; non, ce que nous avons aimé existe.

Quelles étaient les formes de cet espoir ? Quelles sont celles que nous présentent les tombeaux romains ?

D’abord il y avait la croyance officielle et populaire au dogme grec du Tartare et des champs Élysées ; elle est exprimée sur plusieurs bas-reliefs funéraires.

On voit Charon faire passer, aux âmes le Styx et les débarquer sur la rive infernale[129] ; on voit l’arrivée des Mmes, un homme suivi de son fils a déjà mis le pied sur la planche qui conduit de la barque à terre, une femme est encore dans la barque. Clotho accueille ce mort cri lui tendant la main ; elle tient une quenouille sur laquelle il restait beaucoup à filer. C’est donc un père et un époux mort jeune qu’ont suivis de près son épouse et son fils ? Une seconde Parque tient un vase ; elle va leur donner à boire l’eau du Léthé : ils sont réunis, ils peuvent oublier.

Un autre bas-relief est un petit drame en plusieurs scènes, ou, comme on dit maintenant, en plusieurs tableaux[130] : deux époux sont assis paisiblement, à leurs pieds est le chien domestique, en même temps symbole de leur mutuelle fidélité. Mercure paraît et fait un signe. Puis nous sommes en présence de Pluton et Proserpine[131] ; un Amour, l’amour de ces époux, obtiendra-t-il grâce pour eux ? non ; l’homme et la femme, à genoux devant les Parques, les implorent en vain.

Dans une peinture touchante et qui n’existe plus[132], on voyait deux âmes se retrouver dans les champs Élysées ; mais cette peinture ne pouvait avoir le charme naïf et attendrissant que Bento Angelico a su donner à la rencontre de deux bienheureux dans le paradis.

Les trois damnés célèbres de l’antiquité, Tantale Ixion et Sisyphe, ont été placés sur le côté d’un sarcophage[133]. Sisyphe nous donne une idée de celui que Polygnote avait peint, dit Pausanias, d’après le poète Archiloque[134]. Il est bien là comme dans Homère[135], soutenant une pierre énorme de ses deux mains. Ailleurs sont les Danaïdes, leur tonneau[136], grand cratère troué où elles versaient l’eau qui s’écoulait toujours et Ocnus tressant sa corde de jonc qu’un âne dévore à mesure : double symbole de la même idée, le dogme resté romain des peines éternelles[137]. Quand on représentait ces châtiments sur des tombeaux, on ne pouvait faire allusion au sort de celui à qui on élevait le tombeau, un arrêt de damnation eût manqué de piété, ce ne pouvait être qu’une manière de caractériser le monde des enfers où le mort était descendu[138], peut-être, comme on le verra, pour opposer le bonheur d’un initié au malheur qui attendait ceux qui n’avaient point reçu l’initiation aux mystères ou qui les avaient profanés. On a donné à Ocnus une figure très individuelle ; il ressemble à Socrate. Le sculpteur était-il un épicurien qui aurait voulu railler la méthode socratique et insinuer qu’en voulant l’employer on faisait un effort constamment inutile ?

Les furies ne figurent guère que sur les urnes étrusques.

Sur les monuments de l’Étrurie, on a trouvé une sorte de représentation funèbre très particulière : ici Charon n’est pas le nocher infernal ; armé d’un marteau, il escorte le mort qui se rend à cheval chez les ombres. Cette idée du cheval de la Mort, le cheval pale de l’Apocalypse, se retrouve chez les Grecs modernes et a pénétré jusque chez les peuples du Nord ; le refrain de la fameuse ballade de Lénore : les Morts chevauchent vite, a été empruntée par Bürger à une chanson populaire allemande qui a des analogues dans une ballade scandinave et dans un chant de la Grèce moderne. Or, on voit à Rome[139] et ailleurs, sur des bas-reliefs funéraires, un cheval ou une tête de cheval qui semble se rapporter à cette idée si répandue de cheval de la Mort on de Charon qui emporte les âmes sur un cheval.

On se représentait donc la mort comme un voyage, souvent comme une traversée qui conduisait à l’île des bienheureux, aux îles Fortunées, placées en différents endroits et que l’on a été chercher jusqu’aux Açores.

Une foule de sarcophages présentent ce cortège d’animaux marins, de tritons, de néréides portant des armes[140] qui, dans le célèbre bas-relief de Scopas, escortait Achille aux îles Fortunées ; ces bas-reliefs font allusion au même passage accompli par le mort que renfermait le sarcophage ; les petits génies voltigeant çà et là sont les aines en route pour le monde heureux[141]. Dans l’origine, les héros seuls pouvaient en entreprendre le voyage, mais avec le temps ce ne fut plus qu’une formule de la mort qu’on appliquait à tout le monde, même aux femmes[142] et à des enfants[143].

En ce qui touche à ceux-ci, j’ai remarqué la jolie composition d’un bas-relief funèbre. Un enfant est à cheval sur un dauphin, animal ami de l’homme et des enfants, suivant les merveilleux récits de l’antiquité ; c’est une petite âme qui s’achemine vers les îles Fortunées. Cet enfant emmène deux enfants, ses frères sans doute, morts après lui ; l’un a saisi sa main, tandis que l’attire s’attache à son pied[144].

Si l’on pouvait douter du sens funéraire de ces représentations marines, on serait convaincu par les symboles de même nature qui les accompagnent[145].

De là vient le sens funèbre de tout ce qui tient à la mer et à la navigation, l’Océan[146], les tritons[147], le trident[148], les dauphins[149], les coquilles[150], les nymphes[151], les barques[152], celles-ci rappellent particulièrement le voyage des âmes au delà de l’Océan.

Enfin, le port[153] est un symbole universel, et pour ainsi dire proverbial, de l’arrivée, quel que soit le terme du voyage, l’Élysée ou le néant.

A côté des symboles de la destruction se montrent sur les tombeaux quelques symboles plus consolants et qui semblent promettre une certaine immortalité. Je dis une certaine immortalité, car plusieurs d’entre eux peuvent ne se rapporter qu’à celle de la gloire, à cette durée dans la mémoire des hommes à laquelle les anciens attachaient tant de prix et qui leur avait fait faire tant de choses ; récompense que la sévérité du christianisme appelle vaine, mais qui, humainement parlant, est la plus belle qu’on puisse se proposer ici-bas et dont il ne faut pas trop décourager les hommes.

C’est cette immortalité de la gloire que peuvent désigner sur les tombeaux les couronnes[154], les Victoires, les triomphes, les aigles[155], quand ces divers emblèmes ne se rapportent pas à la condition ou à la vie du défunt ; ce peut être alors le triomphe de l’immortalité réelle sur la mort[156]. La couronne pouvait être aussi un signe simplement funéraire et une allusion aux couronnes à fleurs d’or que, selon Pindare[157], les héros portent dans les Champs Élysées.

Le laurier et les autres arbres toujours verts, par suite la pomme de pin, fruit incorruptible, sont des symboles de la vie qui résiste et persiste. Les fruits, images de la fécondité et de la vie, ne sont pas toujours dévorés par les animaux destructeurs ; une mure donne à son enfant des raisins pris dans une corbeille non renversée ; ce peut être un don touchant d’immortalité[158]. Le bélier[159], le bouc[160], animaux générateurs, le lion, animal puissant[161], représentent dans les bas-reliefs l’énergie de la vie ; mais ces symboles se rapportent plutôt à la perpétuité de l’être à travers les générations nouvelles qu’a la durée de l’individu. Le coq qui se réveille au milieu de la nuit, le coq consacré à Esculape, ce dieu qui rend la vie, peut plutôt être en rapport avec l’immortalité de l’âme, et le dernier mot de Socrate mourant : Sacrifiez un coq à Esculape, fut je crois une confession de sa foi dans cette immortalité que proclament les tombeaux[162].

L’emploi de la musique, des génies funèbres jouant de divers instruments, la lyre mise aux mains de personnages qui figurent dans les représentations mortuaires, centaures, tritons, nymphes, semblent aussi faire allusion à une vie meilleure dont on célèbre l’avènement ou aux concerts des bienheureux dans l’Élysée[163]. Tout cela est assez rague, comme l’était en général pour les anciens la notion de l’immortalité de l’âme ; on l’entrevoit dans ces symboles, ainsi qu’eux-mêmes l’entrevoyaient, un peu confusément ; ils n’ont jamais représenté la Foi clairement sur les tombeaux, et rarement l’Espérance[164].

Les symboles qui expriment l’idée de destruction semblent quelquefois modifiés dans un sens plus favorable aux espérances d’immortalité. Près de la barque aux voiles repliées est un phare allumé ; le Sommeil a des ailes de papillon comme Psyché, l’aime ou la vie. Il y a donc de la vie dans ce sommeil de mort[165], l’âme n’en est pas absente[166] ?

Le papillon brûlé par l’amour a été interprété non comme une destruction, mais comme une purification de l’âme par le feu[167]. Uri enfant mort tient un papillon à la main[168], comme, dans les rituels égyptiens, le mort porte à la main son âme sous la forme d’un oiseau à tête humaine. Le serpent, symbole de la mort quand il cherche à saisir un papillon[169], est plus souvent, à cause du renouvellement annuel de sa peau, le symbole de la vie qui se perpétue après que l’homme a jeté sa dépouille. En ce sens, le serpent enroulé autour de l’arbre sous lequel se prononce l’adieu, peut rare une promesse qu’il ne sera pas éternel. Mais c’est surtout le symbole du flambeau renversé qui a sa contrepartie évidente. En regard du flambeau renversé on voit le flambeau tenu droit où qui penche et qu’on empêche de tomber[170] ; en regard du flambeau éteint, signe de mort, le flambeau allumé ou rallumé, signe de vie et de résurrection[171].

Sur un sarcophage où sont deux génies du sommeil funèbre, tenant chacun un flambeau renversé, indice de la vie éteinte, sont aussi deux Amours tenant leur flambeau droit ; ils montrent un masque et semblent dire : Au sein de ce sommeil la vie subsiste et la mort n’est qu’une apparence. Quand le flambeau touche un autel de son sommet renversé, c’est peut-être qu’il doit se rallumer à la flamme de l’autel. M. Gerhard fait remarquer qu’un génie représenté de la sorte est éveillé, tandis qu’un autre, du reste tout semblable, est endormi.

Auprès d’un génie de la mort, au loir, animal nocturne, endormi et triste, est opposé le lézard, animal vif, doux et lumineux, car il était consacré à Apollon[172].

Les images mêmes des occupations de cette vie peuvent se rapporter à celles d’une vie plus heureuse. Virgile nous peint les âmes dans l’Élysée se livrant aux mêmes exercices que les vivants. Ces exercices sont les luttes, les courses de char, figurées si souvent sur les tombeaux[173].

Les scènes de la vie champêtre peuvent exprimer la paisible félicité des âmes justes. C’est ainsi que dans les tombes comme dans les rituels funéraires de l’Égypte le mort est représenté labourant, chassant, pêchant dans l’autre monde.

Je parlerai de la vendange à propos des reliefs bachiques. On sait que ce symbole a été adopté par le christianisme. La moisson l’a été également, mais, comme la vendange, peut-être avait-il été un symbole païen[174].

Nous avons vu le commencement et la fin de la vie exprimés par le soleil qui se lève et se couche. Le même symbole est répété ailleurs, mais cette fois ce n’est pas Pluton, le dieu de la mort, qui préside à cette journée dont rien n’indiquait le lendemain, ce sont les divinités du ciel, les trois brandes divinités du Capitole[175], avec elles les Dioscures, dieux sauveurs, habitant tour à tour l’enfer et l’Olympe, les ténèbres et la lumière, et peut-être après que le soleil se sera couché restera-t-il quelque espoir d’un jour éternel. Les courses du cirque, emblèmes, nous l’avons dit, de la carrière de l’homme ici-bas, contiennent parfois l’indication du triomphe que remporte la vie de la gloire sur l’anéantissement de l’oubli, du triomphe de la vie immortelle sur la mort. Sans proclamer clairement que :

La vie est un combat dont la palme est aux cieux,

ce n’est pas sans dessein peut-être que les auteurs des bas-reliefs[176] plaçaient dans la main de l’athlète cette palme, qui est devenue la palme du martyre, le montraient arrivant au terme, élevant en l’air une couronne ou la main en signe de triomphe[177]. Deux Amours qui se disputent le prix b, la course, ne tiennent pas en vain des flambeaux[178]. N’y a-t-il pas une intention dans la représentation sur un tombeau d’une course qui commence[179] ? Les combats de coqs sur les sarcophages se rapportent aussi à des idées de triomphe, à l’opposition de la lutte pendant la vie, de la couronne après[180].

Outre les indications qu’on peut tirer de différents symboles usités dans les représentations funèbres, ils nous offrent d’autres renseignements sur les idées que leurs auteurs se formaient de l’existence humaine après la mort dans l’emploi qu’ils font des mythes religieux et des personnages de la tradition héroïque pour exprimer ces idées, qu’il est intéressant de chercher à déterminer par les monuments.

En général, saut Bacchus, les grandes divinités figurent peu sur les sarcophages[181] soit par elles-mêmes, soit par leurs attributs. Celles qu’on y rencontre le plus souvent sont des divinités qui ont un caractère infernal et souterrain, Pluton, Cérès, Mercure, Diane[182], Vénus, comme déesse funèbre, Vénus Libitina, dont le nom exprime l’alliance de la vie et de la mort, et aussi Vénus, dans son sens ordinaire, comme déesse de la vie quand elle fait partie du cortège marin des âmes bienheureuses, Vénus Anadyomène elle-même. N’est-ce pas la naissance d’une vie nouvelle[183] ? Les amours de Vénus et de Mars[184], sujet qui semble bien léger pour un tombeau, n’expriment-ils point la grande harmonie qui résulte de la destruction et de la fécondité, toutes deux éternelles ?

Il ne faut pas s’étonner non plus de trouver dans ces bas-reliefs funèbres le scandaleux Priape, forme populaire du Pan générateur qu’une inscription appelle Le gardien du sépulcre... celui au sein duquel se rencontrent la vie et la mort[185].

Apollon chez Admète[186] est un sujet qui convenait aux sarcophages, car il rappelait que l’âme, descendue comme lui du ciel, comme lui pouvait y remonter.

La lutte des géants contre les dieux[187] est un sujet peu religieux, mais il y avait à Rome des philosophes qui, comme Lucrèce, croyaient qu’il fallait combattre l’Olympe pour délivrer l’homme du joug des religions, et un tel philosophe pouvait désirer qu’on plaçât sur son tombeau une gigantomachie.

Il est des faits mythologiques qui n’expriment rien autre chose que la fin, par exemple le sort d’Icare ou la chute de Phaéton précipité au milieu de sa course[188] ; ce peut être une allusion à une vie terminée avant le temps, mais on ne découvre là aucune trace d’une pensée d’immortalité. On en peut dire autant de Marsyas, mis à mort par ordre d’Apollon, suspendu à un arbre comme un cadavre et pleuré par Olympus.

Il n’en est pas de même de Ganymède ravi par l’aigle de Jupiter pour aller habiter dans l’Olympe, sujet qui convenait surtout pour présenter sous le jour le plus doux la mort d’un enfant. Sur un sarcophage du Vatican l’enlèvement de Ganymède est bien évidemment en rapport avec l’ascension de l’âme dans le ciel[189], car des deux côtés des génies élèvent des flambeaux, ce qui, par opposition au flambeau renversé, symbole de la mort, est un symbole de l’immortalité. On peut d’autant moins douter que la destinée de Ganymède enlevé de la terre et ravi au ciel, retracée sur un tombeau, contint une espérance d’immortalité que l’aigle emportait au ciel l’âme des empereurs, quelque peu digne qu’elle fût souvent de cette apothéose. L’enlèvement de Ganymède faisait allusion à un enfant ravi à ses parents par la mort. La même chose est évidente d’Archémore tué par un serpent dans sa première enfance et type consacré par les poètes de ceux dont la vie avait été très courte :

Tithon n’a plus les ans qui le firent cigale,

Et Pluton aujourd’hui,

Sans égard du passé, les mérites égale

D’Archémore et de lui.

Bien que devant revenir sur l’enlèvement et le retour de Proserpine, à l’occasion des mystères bacchiques, auxquels ils sont liés, je ne puis m’empêcher de signaler ce sujet, souvent représenté sur les tombeaux, dans son rapport avec les simples affections de la nature. Quelle meilleure image du plus grand des désespoirs humains, celui d’une mère perdant une fille adorée, que Cérès poursuivant furieuse le ravisseur de Proserpine ? Et Proserpine rendue à la lumière ne faisait-elle pas sentir que la mort est moins forte que l’amour maternel, et ne semblait-elle pas promettre aux mères désolées qu’elles retrouveraient leur enfant ?

L’aventure d’Endymion, sculptée souvent sur les tombeaux, a bien certainement un sens funèbre[190]. On voit le jeune chasseur couché dans le sein d’un vieillard, que des ailes de papillon attachées à sa tête font reconnaître pour le Sommeil, et le Sommeil de l’âme[191] ; Diane, ou plutôt la lune, car elle n’est point en costume de chasseresse et porte le croissant sur le front, vient de descendre de son char et s’approche d’Endymion.

Qu’est-ce que le sommeil d’Endymion ? Ce n’est pas, comme pour Ganymède, la vie divine remplaçant complètement la vie mortelle ; c’est une union avec la divinité[192] vaguement conçue et qui n’a pas conscience d’elle-même ; c’est le sommeil sans trouble, et dans ce sommeil un songe confus de félicité, car Endymion ne se réveille pas quand Diane vient le visiter. Selon une tradition, Endymion avait demandé à Diane l’immortalité dans le sommeil[193].

Diane est ici la déesse des régions infernales[194], elle apporte la lumière dans le monde des ténèbres. Cette lumière n’est pas celle du soleil, c’est celle de la lune ; c’est une clarté plus pâle, une clarté nocturne, image de l’existence incomplète et affaiblie que beaucoup d’entre les anciens imaginaient après la mort, et qui répand comme un rêve de vie dans le doux sommeil d’Endymion. Cependant tout ne finissait pas là, Diane emportait Endymion sur son char, et ceci pouvait exprimer la croyance à une véritable immortalité.

Ce qui domine dans ce mythe et dans les bas-reliefs qui les retracent, c’est un calme et un charme tout pastoral[195] ; ce qu’il a des tombeaux c’est la paix, ce qu’il a de la mort c’est la tranquillité.

En reproduisant un mythe grec, les artistes romains lui associèrent une légende nationale ; un bas-relief[196] mit en regard les amours de Diane et d’Endymion et les amours de Mars et de Rhea Sylvia[197].

Une classe de bas-reliefs funèbres d’une époque tardive, ce que prouvent également la grossièreté du travail et les raffinements de la pensée, contient toute une doctrine sur l’histoire de l’âme sous la forme de Psyché, durant la vie et après la mort.

L’histoire de Psyché et de l’Amour est surtout connue par l’aimable récit d’Apulée, si gracieusement raconté d’après lui par notre La Fontaine ; mais ce récit date d’une époque où l’ancien mythe s’était altéré et était descendu à la frivolité d’une fable milésienne. Si nous écartons tous les incidents romanesques ajoutés plus tard, nous trouvons, pour fond de l’histoire symbolique, l’union de l’Amour et de l’âme, troublée en cette vie, rétablie dans l’autre ; or, l’Amour fut conçu primitivement comme le plus ancien des dieux[198].

C’est parce que cette union devait être complète après la mort[199] que Psyché parait si souvent sur les sarcophages embrassée par l’Amour et l’embrassant.

Le groupe de l’Amour et Psyché, souvent répété et dont le meilleur exemplaire est au Capitole[200], est l’original ou la copie des groupes semblables qu’on voit très fréquemment sur les sarcophages, où ils expriment à la manière antique ce que nous appellerions la réunion de l’âme avec Dieu. Il s’y mêle d’autres conceptions difficiles à saisir, l’Amour tourmente Psyché[201] et finit par la brûler sous forme de papillon[202] avec une remarquable expression de douleur. Peut-être est-ce, comme on l’a cru, une purification de l’âme par le feu et par la mort.

Quant aux incidents de la fable d’Apulée, on ne les rencontre que rarement sur les bas-reliefs romains[203], ce qui achève de prouver que la plupart de leurs auteurs ou sont venus avant Apulée, ou, s’ils sont après lui, ont envisagé l’union de l’Amour et de Psyché sous un aspect plus sérieux, et principalement par rapport à l’idée de la mort et de la renaissance de l’âme.

L’homme, formé de limon par Prométhée, est une fable peu ancienne[204]. Dans Eschyle, Prométhée est l’ami, le protecteur, non le créateur des hommes. Les bas-reliefs romains le montrent fabriquant des créatures humaines ; dans l’un de ces bas-reliefs[205], une figure d’homme déjà modelée est couchée à terre ; une figure de femme est debout devant Prométhée qui semble y mettre la dernière main ; Mercure amène une jeune fille avec des ailes de papillon, auprès de laquelle est écrit anima : c’est l’âme qui va donner la vie à ce corps d’argile[206] ; derrière sont les trois Parques, qui doivent présider à son sort. Dans l’autre bas-relief, beaucoup plus complet[207], l’histoire de l’âme est exposée tout entière. Minerve pose sur la tête d’une figure de femme que Prométhée vient d’achever un papillon[208], c’est-à-dire une âme. Les Parques sont aussi présentes, et la partie du bas-relief où elles se trouvent se rapporte au cours de l’existence qui va commencer. On y voit la terre et l’Océan : c’est le monde des vivants ; en haut, dans un char, une figure est poursuivie par un dragon. De l’autre côté du bas-relief, tout se rapporte à la mort : un génie endormi appuie son flambeau renversé sur un cadavre et tient dans sa main le papillon, c’est-à-dire l’âme qui vient de s’envoler. Une femme a sur les genoux un volume déroulé, le livre de la destinée humaine a déjà été lu ; la lune fuit sur son char vers l’occident et Mercure emporte une jeune fille aux ailes de papillon : je n’ai pas besoin de répéter que c’est l’âme emportée par Mercure dans le monde infernal. La délivrance de Prométhée, représentée sur ce sarcophage et dans le columbarium de la villa Panfili, est une allusion à la délivrance de l’âme. Hercule, libérateur de Prométhée, y figure d’autant plus naturellement que sur d’autres monuments funèbres il introduit une âme dans l’Olympe. Le sculpteur, ne comprenant pas ce qu’il copiait, a mis ce groupe, qui rapporte à la mort, là où il n’y avait pas lieu de le placer parmi les indications de la vie présente : il eût dû être à l’autre extrémité et terminer cette représentation symbolique de la vie humaine par le symbole de l’union définitive de l’âme avec Dieu.

Par le choix des aventures héroïques, le plus souvent retracées sur les tombeaux, on voulait exprimer soit plutôt la mort que l’immortalité, soit l’immortalité plutôt que la mort et souvent les deux idées confondues ; la fin de la vie avant le temps dans une chasse, par Méléagre[209], Adonis[210], Actéon[211] ; sous les coups d’une de ces maladies qui frappent la jeunesse, qui emportent quelquefois si fatalement tout l’espoir d’une mère, par les fils et les filles de Niobé percés de traits invisibles. Une jeune fille mourante était bien représentée sur les sarcophages, par Penthésilée, expirant dans les bras d’Achille[212] ; l’idée de l’enlèvement par les dieux trouvait son expression dans Ganymède, dans Hylas, dans les filles de Leucippe que Castor et Pollux enlèvent pour les épouser[213]. Les sujets tragiques pouvaient être choisis sans qu’il y eût un rapport direct entre eux et la destinée de celui pour lequel ou faisait le tombeau, uniquement parce qu’ils étaient tragiques, parce qu’ils rappelaient un trépas célèbre et comme un mémorable triomphe de la mort ; c’est ce que l’on doit dire de l’histoire de Médée ou de Phèdre, du meurtre d’Égisthe et de Clytemnestre[214]. Cependant quelques-uns de ces sujets dramatiques pouvaient contenir une allusion plus directe : l’on a voulu certainement célébrer l’éloge d’une épouse dévouée à son époux dans la touchante histoire d’Alceste qui s’offre à la mort pour sauver le sien.

Le désir de se retrouver, ne fût-ce que pour une heure, et à côté de ce désir la pensée d’une séparation définitive, même quand les dieux accorderaient cette réunion momentanée, donnent une pathétique tristesse au sujet d’Orphée[215] et à celui de Protésilas rendu un moment à Laodamie[216]. Ce dernier sujet était aussi une figure de l’amour d’une épouse et d’un époux, car il montrait cet amour, comme dans l’histoire d’Orphée et d’Alceste, assez puissant pour suspendre les inexorables lois de la mort. Ces rapports entre un mythe héroïque et une idée funèbre étaient, je n’en doute pas, dans la pensée de ceux qui les premiers en ont fait l’ornement d’un sarcophage ; mais avec le temps les sarcophages, comme nous l’avons vu, furent fabriqués d’avance sans savoir à qui ils serviraient[217], et il est arrivé quelquefois que le sujet mythologique ne convient point au personnage dont il décore le tombeau.

Quelquefois, au contraire, la relation est visible Télèphe enfant et nourri par la biche est très convenablement placé sur un monument funèbre dédié à deux enfants qui ont vécu moins d’une année[218].

Faut-il voir dans les noces de Thétis et Pélée, dans l’union d’une déesse et d’un mortel, quelque allusion à l’union de l’âme au principe divin après la mort[219] ?

Il nous reste à visiter dans Rome une classe de bas-reliefs funèbres qui est de toutes la plus considérable et à quelques égards la plus curieuse, la classe des bas-reliefs bacchiques.

On rencontre presque à chaque pas dans les musées et les galeries des bas-reliefs appartenant à des tombeaux et sur lesquels sont représentées des scènes bacchiques pleines de mouvement et de vie, respirant une ivresse souvent désordonnée. Cette préférence donnée à des sujets si peu en harmonie avec la mort étonne ; la répétition des mêmes détails, des mêmes groupes, des mêmes objets ne semble point fortuite, et l’on est amené à s’en demander l’origine.

Une seule explication, généralement admise aujourd’hui, peut rendre raison d’une telle singularité : ces scènes bacchiques sur les tombeaux sont une allusion aux mystères de Bacchus, non du Bacchus vulgaire, mais du dieu infernal uni à Cérès et à Proserpine dans un culte dont nous savons où était le siège, à Rome, du dieu libérateur (liber). Ces orgies représentées sur les tombeaux désignent l’orgie sainte, l’enthousiasme sacré par lequel les initiés croyaient s’élever à la contemplation de la vérité, s’affranchir de la vie terrestre[220] et arriver après la mort à une union mystique avec la divinité.

Sans entrer ici dans l’histoire des mystères, elle-même si mystérieuse[221], je dirai seulement que des doctrines attribuées à Orphée, à Mélampe, à Eumolpe paraissent s’être transmises à l’ombre de différents cultes, entre autres du culte de Bacchus, et s’être alliées aux célèbres mystères d’Éleusis, ceux dont l’existence historique et l’organisation sont le mieux connues.

Dans les mystères, Bacchus figurait :oit comme l’époux de Cérès, soit comme le fils de Proserpine, alors surtout il portait le nom d’Iacchus[222]. Le Bacchus des mystères était identifié à Hadès ou Pluton ; c’est à cette triade[223] qu’était consacré le temple près du grand cirque, qu’on appelait ordinairement temple de Cérès.

Il est donc à croire que dans les représentations bachiques des tombeaux il peut se trouver quelque chose de la doctrine des mystères d’Éleusis dont les enseignements sur le Bacchus infernal faisaient partie[224].

C’est ainsi que s’explique la reproduction fréquente, et autrement incompréhensible, des scènes bachiques sur les tombeaux avec un mélange de symboles qui se rapportent à l’idée d’une autre vie, car nous savons que les initiés aux mystères avaient l’espoir d’une vie meilleure après la mort[225].

La croyance populaire ne se représentait l’existence future que comme quelque chose de vague, d’incomplet ; pour elle la vie des ombres n’était qu’une ombre de vie. Purifiée par sa participation aux mystères, l’âme des initiés pouvait parvenir à une vie meilleure : et à un certain rapport d’union avec la divinité[226] ; en étant initié[227], on connaissait le principe et la fin de la vie[228], on s’assurait tous les biens d’une existence future, on assurait son salut. Ce que nous voyons sur les tombeaux romains nous peut donc faire plus ou moins connaître ce qu’on enseignait ou plutôt ce qu’on montrait dans les mystères, on les enseignements avaient lieu surtout sous forme de représentations théâtrales ; il est même probable que les bas-reliefs des tombeaux sont souvent une copie de ces représentations sacrées auxquelles, tout profanes que nous sommes, il nous est ainsi donné en quelque façon d’assister et de nous initier par les yeux.

En effet, dans les mystères on représentait des scènes de la vie de Bacchus[229]. L’histoire de Cérès était mise en spectacle et ce spectacle durait dix jours[230], comme ces représentations du moyen âge qui duraient également plusieurs jours et qui s’appelaient aussi des Mystères[231]. Enfin, l’enlèvement de Proserpine était l’objet d’un drame hiératique particulier.

La ciste ou corbeille sacrée (calathos), qui tenait une place si importante dans les mystères de Cérès, figure souvent sur les bas-reliefs tantôt remplie de fruits, tantôt contenant le serpent, signe du rajeunissement perpétuel et consacré à Bacchus.

Les flambeaux, en commémoration de ceux que Cérès avait allumés pour chercher sa fille, et par allusion sans doute à la lumière qui éclairait les âmes des initiés, jouaient un grand rôle dans les mystères d’Éleusis[232] ; un des principaux acteurs du drame s’appelait le porte-flambeau, et la procession qui se rendait d’Éleusis à Athènes était une promenade aux flambeaux ; cela seul peut expliquer pourquoi un nombre si considérable de personnages paraissent sur les bas-reliefs funèbres un flambeau à la main ; ce sont en général des personnages bachiques, mais on ne peut pas plus séparer les mystères de Bacchus des mystères de Cérès qu’on ne peut scinder la triade sacrée composée de Bacchus, de Cérès et de Proserpine.

La partie des mystères d’Éleusis qui concernait Déméter et Cora, Cérès et Proserpine, était la plus importante, la plus ancienne et, pour nous, est la plus facile à comprendre.

La principale exhibition dramatique qui avait lieu dans les mystères de Cérès et qui en contenait le principal enseignement, c’était l’enlèvement de Proserpine[233], sa descente aux enfers et son retour à la lumière.

Il y a là évidemment une idée de renaissance ; mais s’agit-il seulement de la résurrection de la nature, de la vie végétale qui durant l’hiver semble se retirer sous la terre pour en ressortir et reparaître, éclatante et rajeunie, dans la verdure et la floraison du printemps ?

Que le mythe de Cérès et de Proserpine ait eu ce sens, on n’en saurait douter ; le nom grec de Cérès (Déméter, la terre-mère), son caractère de déesse du blé envoyant Triptolème semer le précieux grain[234], l’époque de sa fête placée à l’époque où renaît la végétation, montrent que l’enlèvement et le retour de Proserpine se sont entendus de la mort apparente de la nature pendant l’hiver et de sa résurrection périodique au printemps[235].

Mais le mythe de Proserpine n’avait-il que ce sens physique : alors pourquoi l’aurait-on si souvent reproduit sur les tombeaux ?

N’est-il pas vraisemblable qu’il se liait aussi à ces promesses d’une vie plus heureuse réservée aux initiés, et qu’on leur enseignait, au moins sous le voile d’une représentation symbolique, dans les mystères d’Éleusis ?

Une mère qui a perdu sa fille, qui la cherche partout jusqu’aux enfers, n’était-ce pas un symbole naturel du désir passionné que nous avons de retrouver ceux que nous aimions et que nous avons perdus ? Proserpine rendue à l’amour de sa mère, n’était-ce pas une promesse que ce désir sera satisfait et que notre fille ou notre amie nous sera rendue ?

En effet, la douleur maternelle de Cérès était exprimée par le mythe lui-même avec des détails pathétiques et des circonstances émouvantes qu’on n’eût pas imaginées s’il n’eût été question que d’une loi de la nature et d’un phénomène dé la végétation.

Il y a au contraire un sentiment profondément moral dans toute l’histoire de Cérès. A travers ses courses désolées, elle répand parmi les hommes le bienfait de la culture du blé et le bienfait de la civilisation qui est en germe dans le grain de blé ; l’antiquité avait compris que faire du bien est le seul soulagement des belles âmes qui souffrent et veulent secourir encore quand elles ne peuvent plus être consolées ; d’autre part, l’antiquité, d’un coup d’œil à la Shakespeare jeté sur les misères et les contrastes de la nature humaine, avait vu aussi que la plus vive douleur a, comme les autres sentiments de notre cœur, ses intermittences au moins extérieures : Cérès, qui s’était d’abord assise sur la pierre Agelastos (sans rire), c’est-à-dire croyait ne rire jamais, Cérès rencontrait une vieille femme qui prenait devant elle une attitude grotesque, et la mère désespérée riait !

Proserpine, tantôt sous la terre, tantôt rendue à la lumière, était donc une personnification de l’alternative du jour et de la nuit, de la fécondité et de la stérilité dans la nature, et elle était aussi l’image de la mort et de la renaissance de l’âme sauvée par les mystères ; on l’appelait celle qui sauve, Soteira[236].

A Rome, l’enlèvement de Proserpine est représenté sur un assez grand nombre de sarcophages[237] dont la composition est fort semblable. Celui du Capitole offre une particularité digne de remarque : Proserpine, dont le visage semble un portrait, celui de la morte du sarcophage, a une vive expression de tristesse et de terreur[238] ; le sculpteur, probablement d’après quelqu’un des grands artistes grecs qui avaient traité ce sujet, Praxitèle, Nicias Nicomaque, a, malgré son inhabileté, fortement exprimé l’effroi de mourir et le regret de la vie sur les traits de celle dont Proserpine figurait l’enlèvement par le dieu de la mort ; nouvelle preuve que sur les tombeaux, comme dans les mystères dont ils reproduisaient les tableaux vivants, c’était bien de la mort qu’il s’agissait et pas seulement de la végétation interrompue pendant l’hiver ; mais, une consolation était donnée par la seconde partie des mystères de Proserpine ; tandis qu’un amour essaye de retenir Proserpine[239] et exprime par là les regrets des vivants, un autre élève au-dessus de Pluton un flambeau qui fait rayonner l’espérance de la vie dans la mort. Une Victoire qui tient une couronne semble indiquer la même idée, et une petite figure de femme posant son doigt sur sa bouche avertit qu’on est en présence d’une scène des mystères[240].

Les mêmes divinités figurent presque toujours sur les bas-reliefs où l’enlèvement de Proserpine est représenté ; ce sont celles qui étaient associées à Cérès et é sa fille dans les mystères d’Éleusis. C’est d’abord Mercure, celui qui guide les âmes aux sombres bords ; c’est Diane, dont les flèches, croyait-on, faisaient mourir les femmes, auxquelles cette classe de sarcophages était particulièrement consacrée ; parfois c’est Hécate[241], la Diane infernale, enfin c’est toujours Minerve, la sagesse, qui ne doit pas abandonner l’homme au moment de la mort et doit nous aider à le traverser. Sur le bas-relief, où la pauvre âme Proserpine se montre la plus éplorée, Minerve la soutient par le bras et semble l’encourager.

Ces mystères, qui sont ceux de la vie et de la mort, reçoivent une interprétation rassurante dans les bas-reliefs où l’on voit Proserpine ramenée, plus rares, il est vrai, que ceux où l’on voit Proserpine enlevée.

On ne cite à Rome qu’un bas-relief[242] indiquant le retour de Proserpine à côté de son enlèvement ; ce n’est pas Cérès qui la ramène, c’est Mercure qui la redemande à Pluton[243]. Près de lui est une Heure, ou Saison, probablement la saison du printemps, époque où la vie reparaît sur la terre, mais en même temps signe du retour de l’âme à la lumière ; car c’est une âme et non la vie physique en général que Mercure, le conducteur des âmes, doit reconduire au jour.

D’autres mystères moins connus que ceux d’Éleusis ont pu concourir aussi aux représentations symboliques des sarcophages romains.

Les mystères de Crète enseignaient l’histoire de la naissance et de l’enfance de Jupiter nourri par la chèvre Amalthée, parmi les danses des Curètes ; on voit à Rome Jupiter enfant près de la chèvre Amalthée[244], bas-relief que je crois funèbre, car on y a introduit des symboles de la mort, un serpent qui menace de petits oiseaux dans leur nid en présence du père et de la mère, — ce qui, avec l’enfance de Jupiter, conviendrait bien au tombeau d’un enfant ravi à l’amour de ses parents, — et en bas un aigle qui dévore un lièvre, tandis que l’enfant Jupiter boit dans une coupe. Cet enfant et la chèvre nourrice Amalthée présentent ce contraste, si fréquent sur les tombeaux, de symboles de la mort et d’une image de la vie. Cette représentation de Jupiter enfant, comme nous le verrons pour l’enfance de Bacchus, pouvait décorer le tombeau d’un enfant.

Les mystères de la Crète se sont probablement mêlés avec ceux de Bacchus[245] et ceux de Cybèle, la mère des dieux et la même que Rhéa, l’épouse du vieux Saturne, la mère de Jupiter. Au culte de Cybèle appartenaient aussi ces danseurs armés qu’on appelait Curètes ou Corybantes. A Rome, des Corybantes étaient peints dans le temple de Cybèle, et on les voit sculptés sur un autel où sont représentées la naissance et l’enfance de Jupiter[246], mise ailleurs en parallèle, ce qui est la signature de l’art romain, avec l’enfance de Romulus.

Les mystères de Cybèle ou Rhéa entrèrent eux-mêmes en rapport avec les mystères de Bacchus ; plusieurs des attributs bachiques avaient passé dans le culte de Cybèle ; divers monuments à Rome prouvent cette alliance[247].

Les mystères orphiques furent empreints d’un caractère de spiritualisme et d’ascétisme très marqué. La vie orphique était une vie d’abstinence plus que monacale et pareille à celle des religieux hindous. La doctrine orphique sur la destinée de l’âme était la métempsycose adoptée par les pythagoriciens[248].

L’histoire d’Orphée est un triomphe de l’amour, qui est la vie, sur la mort ; triomphe passager et incomplet, après lequel la mort ressaisit sa proie comme dans le dogme de la succession des existences. La destinée d’Orphée offre donc un type poétique de la doctrine qu’on lui a prêtée.

Aussi Orphée lui-même était un personnage funèbre et il a été représenté sur les sarcophages. Peut-être l’admirable bas-relief de la villa Albani est-il un bas-relief sépulcral, ce qui en expliquerait la triple répétition.

Pour les Orphiques, Bacchus était un aussi grand dieu que Jupiter. Le rapport d’Orphée avec les mystères de Bacchus, comme lui originaires de Thrace, et dont il a été dit le fondateur et le chef, ce rapport n’est pas douteux, et il en existe des indices sur les bas-reliefs romains[249].

De même qu’on attribua à Orphée des poèmes remplis d’idées néo-platoniciennes, les orphiques admirent comme siennes ces idées d’une philosophie bien postérieure à lui et les mêlèrent aux dogmes qu’une tradition plus ancienne lui attribuait.

Là est l’origine d’un certain nombre de conceptions allégoriques et mystiques : dans le mythe de l’Amour et Psyché[250], l’âme tourmentée, c’est-à-dire éprouvée, puis purifiée et enfin absorbée par l’amour ; dans le mythe de Prométhée, l’âme unie à l’argile, l’intelligence condamnée à la douleur, puis l’âme affranchie de la matière qui l’opprime et l’intelligence délivrée du vautour qui la dévore. A cette origine orphique il faut encore rattacher les rares bas-reliefs où il est fait allusion au voyage de l’âme dans les astres[251], à ses chutes dans la nature animale, enfin à toutes les vicissitudes des existences successives qu’exprimaient les mots palingénésie, métempsycose. Celle-ci, quand elle désigne le passage de l’âme humaine dams le corps d’un animal, n’a été indiquée à Rome que sur un seul bas-relief et sans une complète certitude : c’est un papillon, toujours l’âme, que des génies semblent vouloir faire dévorer par un cochon[252], ce qui exprimerait sans doute le sort des âmes que l’initiation orphique n’avait pas élevé au-dessus des grossiers entraînements de la sensualité.

Par une coïncidence singulière, un mort jugé par Osiris et transformé en cochon est un sujet qu’a répété plusieurs fois la peinture funéraire des Égyptiens dont les mystères, assimilés par Hérodote aux mystères grecs, sont encore à éclaircir. Avec l’introduction des spéculations de la philosophie dans les mystères par les orphiques, tous les symboles purent acquérir une portée plus haute. Pour les platoniciens, les ailes étaient un signe du dégagement de la matière ; pour les orphiques, le cratère de Bacchus était celui où, comme dieu formateur du monde, il en avait mêlé les éléments. Il est permis de voir, sous l’inspiration des nouvelles doctrines, la coupe à boire du dieu devenue la coupe mystique où il verse le vin qui abreuve ses élus d’immortalité.

Des mystères orphiques est sortie l’histoire de ce Zagreus, Bacchus enfant, que les Titans déchirent[253], que Jupiter conserve et rend à la vie. L’idée de l’immortalité par la résurrection est au fond de cette bizarre légende[254], et il n’est pas étonnant qu’elle ait figuré sur un sarcophage, surtout sur un sarcophage d’enfant.

Zagreus nous ramène aux mystères de Bacchus, ceux qui importent le plus pour l’explication des sarcophages romains. Il ne faut pas oublier que s’il était le dieu de l’ivresse, c’est-à-dire de la vie qui déborde et ravit l’homme hors de lui-même par une sorte d’enthousiasme physique pris comme une image de l’enthousiasme divin, Bacchus s’appelait aussi Liber[255], parce qu’on voyait dans l’ivresse une image de la liberté de l’âme, Bacchus en effet affranchit les peuples en punissant leurs tyrans Lycurgue et Penthée. Marsyas, personnage bachique, était le patron de la liberté des villes[256], et pour cette raison avait sa statue dans le forum romain. Sous l’empire, quand tout est dégénéré, les courtisans honorèrent en lui le protecteur de la liberté... des mœurs.

Dans un ordre plus élevé, Bacchus est le libérateur des âmes, soustraites, par la participation à ses mystères, aux misères de la vie présente et aux mauvaises chances de la vie future.

Bacchus apparaissait dans ce rôle de libérateur des âmes quand il tirait du tombeau sa mère Sémélé[257] et la ramenait en triomphe dans le ciel. C’est en cette qualité de libérateur et de protecteur des âmes que Bacchus a près de lui une âme figurée par une jeune fille[258] tenant à la main une colombe que je crois être son âme.

On ne saurait douter que l’oiseau ne fût pour les anciens, sans doute à cause de ses ailes, comme le papillon, un symbole de l’âme, qui chez les Égyptiens avait pour hiéroglyphe un oiseau à tête humaine ; ainsi un jeune homme tenant un oiseau sans vie offre l’image de la mort. En revanche, la petite figure de femme debout près de Bacchus une colombe à la main, représente je crois une initiée dont l’âme est sauvée par Bacchus. Il en est de même des colombes que d’autres jeunes filles tiennent à la main[259], aimable image de l’âme innocente ; telle est, par exemple, la gracieuse figure du Capitole[260] qui représente une petite fille défendant une colombe contre un serpent. La colombe vouée à Vénus[261], déesse de la vie et qui est aussi Cora déesse de la mort ; la colombe qui, dans le groupe de la villa Borghèse, nous apparaît sous la garde du maître des âmes, n’est-ce pas l’âme, l’âme que lui présente la jeune fille[262], et qu’au musée Capitolin elle défend soit contre les séductions terrestres, soit contre les puissances infernales figurées par le serpent[263] ?

Une fois cette donnée introduite par une conception religieuse, elle se transmit avec des variations toujours nouvelles, selon le caprice du sculpteur et à la fin sans tenir compte de son origine. De là l’enfant qui défend un oiseau contre un chien, celui qui tient une colombe, celui qui caresse un oiseau[264], celui qui presse une oie contre son sein[265], celui qui tient deux oiseaux dans les mains, dont l’un est mort et dont l’autre vit[266], opposition entre la mort et la vie. Les petits génies qui sur les bas-reliefs jouent avec des oies et des canards[267], ont fourni le motif d’abord sérieux de cette nombreuse famille d’enfants folâtres, étouffant un canard, étranglant un cygne, d’où est sorti l’Enfant à l’oie, le chef-d’œuvre si populaire de Boethos.

Dans les bas-reliefs funèbres, Bacchus parait à plusieurs âges, enfant, jeune homme, presque vieillard. Bacchus enfant exprime l’idée de la vie nouvelle et toujours jeune de la nature ; — c’est en ce sens qu’on l’appelait Puer æteruus[268], éternellement enfant, — et aussi la vie nouvelle de l’âme unie à lui, identifiée à lui dans les mystères. On le représentait ainsi particulièrement sur la tombe des enfants[269].

Bacchus jeune, dans l’âge de la force, est bien manifestement le dieu infernal, quand une petite âme, sous la forme d’un enfant, se glisse vers son sein[270].

Le plus grand nombre des représentations bachiques sur les tombeaux ont pour sujet des orgies dionysiaques[271] où Bacchus, entouré de satyres en gaieté et de ménades dansantes[272], enivrés de vin, en proie à l’amour, est assis sur son char, tantôt seul, tantôt avec son épouse mystique, vainqueur des Indiens, ou seulement dans sa pompe de dieu bienfaisant qui répand autour de lui la joie et le délire. Quelquefois il est descendu de son char et atteint lui-même par l’ivresse, s’appuyant sur une jeune femme ou sur un adolescent, il contemple Ariane endormie qu’on dévoile devant lui.

Le désordre et la fougue de ces compositions, ces danses effrénées[273] sous l’aiguillon du dieu à qui étaient dédiées les danses d’où sortit la poésie dramatique, sont une puissante expression de la vie dont Bacchus est le principe, de l’exaltation dont l’ivresse est le symbole : c’est un premier avertissement qu’une existence plus haute, à laquelle on s’élève par un enthousiasme divin, attend les initiés aux mystères de Bacchus. Dans le paganisme, c’était par des images sensibles, et souvent sensuelles, que se traduisaient les conceptions les plus élevées. Les sarcophages bachiques donnent le sentiment de la vie sous toutes ses formes, la passion, le tumulte, les danses fougueuses,la musique étourdissante des cymbales, du tympanum, qui est le tambour de basque, des crotales, qui sont les castagnettes, et encore aujourd’hui excitent si bien l’impétuosité de la saltarelle, des clochettes enfin, que les Romains de nos jours aiment tant à faire tinter au col de leurs chevaux.

Mais les scènes représentées sur les bas-reliefs, les divers détails et les divers objets qu’on y voit reproduits et constamment répétés, indiquent avec plus d’évidence l’idée de la vie après la mort et la manifestation de la divinité aux élus des mystères, manifestation dont les épiphanies, ou révélations qui avaient lieu dans ces mystères, étaient la promesse prophétique. Les différents symboles de la vie que nous avons signalés sur les tombeaux acquièrent un caractère plus prononcé et prennent un sens plus marqué par leur rapport avec le dieu qui personnifie en lui l’exaltation de la vie. Les animaux qui en exprimaient l’énergie sont en général et pour cette raison même des animaux bachiques[274] ; parmi eux le bouc et le lion[275] figurent au premier rang. Puis viennent le tigre[276], la panthère, l’âne, monture constante de Silène compagnon de Bacchus, le coq[277] et le serpent.

Bacchus est assis sur une lionne[278], à cheval sur une panthère ; son char est traîné par des tigres, des lions, des panthères, toujours par des animaux forts et ardents que sa puissance domine et subjugue, il est lui-même le dieu fort, maître de la vie[279].

Chez les centaures, la nature animale domine, une nature violente et indisciplinée ; Bacchus est couché star des centaures, traîné par des centaures[280] : des personnages bachiques, satyres ou ménades, sont assis sur leurs croupes[281] : tout cela veut dire que la puissance divine de Bacchus dompte la force brutale[282]. Parfois c’est un Amour qui est sur le dos d’un centaure, allusion à une glorification du pouvoir de l’Amour ; on trouve donc dans les représentations bachiques l’origine de la conception si bien rendue parles centaures du Capitole. Les fruits nourriciers, les arbres toujours verts et les fruits sont consacrés au dieu qui répand la vie et la conserve même au delà du sépulcre. La pomme de pin, fruit d’un arbre toujours vert et fruit qui ne se corrompt point ; orne le thyrse de Bacchus et décore les tombeaux ; la célèbre pigea offre un spécimen gigantesque de cette sorte de décoration bachique. Le lierre, aussi toujours vert, est un attribut de Bacchus et un ornement des tombeaux ; une belle tête d’âne[283] en marbre de couleur sombre, par conséquent funèbre, est couronnée de lierre, on doit croire que cet âne était celui de Silène, qui paraît toujours sur cette monture dans les représentations funèbres. Quelquefois Bacchus ne figure pas dans les compositions bachiques, mais alors même il y est présent par l’emportement des satyres et des ménades, emportement que lui seul peut inspirer. La gradation qu’on observe dans les effets de cet emportement sur les divers personnages d’un de ces bas-reliefs, caractérise pour M. Gerhard les divers degrés de l’initiation[284].

Quoi qu’on pense d’une idée si sérieuse attribuée à une composition qui nous le paraît si peu, et dont l’auteur semble avoir voulu nous révéler de tout autres mystères que des mystères de sagesse, on ne saurait nier qu’il ne se rencontre sur les sarcophages trop de parties manifestement symboliques pour qu’on puisse attribuer la réunion et la répétition de ces symboles à un pur hasard.

Bacchus dieu de la vie, et les personnages bachiques qui par leur emportement en expriment aussi l’intensité, se couronnent du lierre toujours verdoyant, comme faisaient les initiés[285].

La lumière et le feu sont aussi des expressions de la vie. Ces symboles conviennent à Bacchus, né du feu, comme disaient les orphiques[286], et que nous verrons avoir été identifiés au soleil. Bacchus est le soleil souterrain, comme Osiris ; de plus, dans les mystères, des purifications se faisaient par le flambeau[287] : de là les flambeaux dans la main des satyres et des ménades[288], flambeaux toujours tenus droits[289], opposition aux flambeaux renversés, signe de la vie éteinte. De là les feux allumés sur un petit autel et portés par les personnages bachiques qui figurent les Pyrophores des initiations[290]. Un de ces personnages porte sur une corbeille pleine de fruits, eux-mêmes emblème de la vie, un petit autel allumé.

Pan, le dieu générateur, fidèle compagnon de Bacchus sur les bas-reliefs funèbres, allume un flambeau sur un autel.

Ce qui est encore plus significatif dans ces scènes tumultueuses, c’est que quelques-uns des personnages s’efforcent d’arracher un flambeau sans y réussir. Il est permis de voir ici une représentation de ce qui se faisait dans les mystères, sans parler de cette course aux flambeaux[291] dans laquelle Lucrèce a vu une image de la perpétuité de la vie que les générations se passent l’une à l’autre comme les coureurs se passaient un flambeau ; et l’origine de ce que font à Rome, sans en comprendre le sens, tous ceux qui dans les orgies modernes du carnaval s’efforcent de s’arracher les bougies- (moccoli), par lesquelles ont été remplacés les flambeaux des orgies antiques. Ceux qui élèvent la leur en criant d’un air de triomphe moccolo, sont tout à fait semblables aux personnages des bas-reliefs qui élèvent leurs flambeaux.

Enfin, ces flambeaux ne sont pas seulement défendus ; un d’eux, qui penche, est soutenu par un satyre[292], comme dans un autre bas-relief est soutenu un arbre qu’on s’efforce d’arracher. Dans les deux cas, manifeste est l’intention de montrer la vie résistant aux assauts de la mort.

Bien que le Bacchus des mystères, et par suite des tombeaux, soit tout autre chose que le joyeux dieu du vin ; le vin, la vigne et le raisin n’en sont pas moins les constants attributs de Bacchus ; seulement ces attributs doivent être pris comme des symboles[293]. L’opération de fouler le raisin est très souvent représentée. Serait-ce que dans l’écrasement du raisin et dans la production de la liqueur qui donne la force et réveille le sentiment de la vie, on pouvait voir une allusion mystérieuse à cette force qui dure après que l’organisme humain a été brisé, à cette vie qui jaillit de ses débris.

Des satyres pressent une grappe[294] ou de petits génies bachiques[295] foulent le raisin. Une idée mystique, une idée d’immortalité, était si naturellement liée à cette action que le christianisme y a pris un symbole d’espérance qu’il a placé sur les tombeaux ; le tombeau de sainte Constance nous le montre[296], comme les sépultures païennes. Cependant l’origine du symbole est bien païenne, car on voit, à Rome, sur plusieurs bas-reliefs des enfants fouler le raisin en présence d’un hermès qui est un Priape, autre symbole de la vie[297].

Bacchus était si bien le dieu des tombeaux et le vin une image de la vie sortant des tombeaux, qu’on donnait à ceux-ci la forme des cuves à faire le vin.

Mille détails rappellent l’idée dominante, l’idée de la mort et de la vie, et leur lutte dans laquelle la vie triomphe.

Un centaure portant une ménade plie le genou et tombe, mais en face est un centaure qui ne tombe point, et sur son dos un Amour joue de la lyre en signe de victoire[298].

L’âne de Silène s’abat[299] aussi, mais on soutient Silène prêt à choir, et il porte aussi à la main un flambeau. Bacchus lui-même tombe en arrière de son char[300], ou chancelle, mais il est soutenu par un satyre, ainsi que l’avait représenté Praxitèle[301].

Les masques du dieu auquel se rapportaient les origines du théâtre, rattachent encore les bas-reliefs des sarcophages à Bacchus ; des masques et d’autres attributs de ce dieu introduisent dans le pathétique bas-relief de Protésilas et de Laodamie les espérances enseignées dans les mystères. Mais de tous les symboles bachiques, celui qui permet le moins de douter qu’il s’agissait sur ces bas-reliefs des mystères et de l’immortalité qu’ils conféraient aux initiés, c’est la ciste, ou corbeille mystique, parfois renversée et d’où s’échappent des fruits, ou bien d’où est prêt à s’élancer le serpent, image de la vie toujours prête à reprendre son cours[302]. La ciste, quand elle contient des fruits, est bien certainement un emblème de la fécondité et de la vie, car les fruits sont l’équivalent d’un autre symbole qui n’est pas douteux et qu’ils remplacent dans la ciste bachique par une sorte de synonymie allégorique[303].

La présence constante de Silène dans les bas-reliefs bachiques doit aussi attirer notre attention. Silène était devenu dans l’école orphique un sage démon connaissant toutes choses et en particulier l’avenir, qu’il pouvait dévoiler[304] ; à ses yeux, toute l’activité humaine était folie : sa présence ou celle de son masque sur les sarcophages réveille donc des idées de révélation et d’avenir, en même temps qu’elle fait allusion à la vanité de la vie.

Il est une classe de bas-reliefs funèbres dans lesquels, au lieu des personnages bachiques, adultes, paraissent seulement de petits génies qui en offrent pour ainsi dire le diminutif.

Soit que ces bas-reliefs fussent destinés à des tombes d’enfant[305], soit que la petitesse des génies du monde des âmes, vint de ce penchant à se représenter ce qui appartenait à ce monde, avec des dimensions peu considérables, peut-être en raison de l’idée qu’on se faisait de l’autre vie comme d’une vie moindre, Animula disait l’empereur Adrien à son âme, en mourant : les Lares qui se confondaient avec les mânes étaient petits, et, même au sein du christianisme, l’usage s’est conservé au moyen âge de donner à l’âme l’apparence d’un très jeune enfant.

Il y a à Rome beaucoup d’exemples de ces représentations funèbres en petit ; sur un joli vase cinéraire, une procession de génies, semblables à des enfants, présentent les détails funéraires et bachiques ordinaires à ce genre de composition[306]. Le vase est orné de pampres, de pommes de pin et de masques de Silène ; un des génies tient un flambeau renversé, mais en vertu d’une opposition de symboles qu’on remarque souvent : un autre allume un petit flambeau à un grand, rallumant ainsi peut-être la vie particulière à la vie universelle ; un troisième, enveloppé dans un manteau, me parait représenter la mort ; mais il tient une lanterne[307], il y a donc une lumière dans sa nuit ; et il pourra à travers les ténèbres, gagner la demeure vers laquelle son escorte l’accompagne joyeusement au son de la flûte et au retentissement des cymbales.

C’est avec un accompagnement pareil que Bacchus est traîné sur son char ou s’avance vers Ariane.

Plusieurs sarcophages ne présentent qu’une pompe et comme une procession bachique[308] ; telle qu’on les célébrait parfois en réalité ainsi que nous le savons, de celle d’Antiochus Épiphane dont nous retrouvons plusieurs détails sur nos bas-reliefs, ce qui nous dédommage un peu de n’avoir assisté à un si magnifique spectacle que dans la description d’Athénée. Ces bas-reliefs étalent le triomphe de Bacchus pour indiquer son triomphe sur la mort.

L’idée de triomphe est encore plus clairement exprimée dans ceux ou Bacchus s’avance sur son char, vainqueur des Indiens[309] ; ici le choix du sujet peul aussi avoir été déterminé par l’intention de consacrer la gloire militaire attribuée au possesseur du sarcophage.

L’expédition fabuleuse de Bacchus vers l’Orient, qui signifiait probablement dans l’origine, l’extension de son culte de ce côté, et qui fut, je pense, un motif pour Alexandre d’aller dans l’Inde plus réel que les motifs politiques qu’on lui a prêtés, reçut de la marche victorieuse du conquérant macédonien une vogue nouvelle ; et Bacchus, qui au temps d’Euripide n’avait pas dépassé la Bactriane[310], atteignit l’Inde sur les pas d’Alexandre. Alexandre lui-même avait représenté Bacchus dans une pompe triomphale, premier modèle de toutes celles de nos sarcophages ; de là les éléphants qui traînent son char ou sur lesquels il est monté. Les rois captifs et suppliants, la Victoire qui tient une couronne sur la tête du dieu, sont des souvenirs du triomphe romain.

Hais l’idée mystique de l’immortalité, obtenue par Bacchus, ne disparaît pas ; car, au milieu de ces accessoires étrangers on voit encore la ciste mystique qui contient le serpent emblème de la vie ; et Psyché, symbole de l’âme. Une fois Bacchus en Orient, on lui fit vaincre les amazones stériles, on aimait aussi à le montrer sur les sarcophages exterminant le roi de Thrace Lycurgue, l’ennemi des mystères[311].

C’est Ariane, l’épouse de Bacchus,qui donne aux bas-reliefs des sarcophages où sont représentées des pompes bachiques toute leur signification funéraire. Dans plusieurs bas-reliefs dont les détails varient mais dont l’ensemble est pareil, le corps d’Ariane endormie est dévoilé devant Bacchus ; le plus souvent c’est Pan, le dieu de la génération, de la vie, quelquefois un Amour, qui écarte le vêtement d’Ariane ; il y a évidemment une intention symbolique dans ce tableau voluptueux reproduit fréquemment sur les tombeaux, et qu’accompagne toujours une foule de détails sans relation avec l’aventure de Naxos, mais se rapportant évidemment aux mystères bachiques, à la destinée des initiés après la mort : les flambeaux tenus droits que l’on veut saisir, ou près de tomber que l’ors soutient ; le sacrifice au Bacchus barbu, qui est un Bacchus infernal ; la ciste d’où s’échappe le serpent, la corbeille mystique qui contient voilé l’autre emblème de la vie.

Des bas-reliefs nous présentent soit Bacchus et Ariane assis l’un près de l’autre[312] sur le même char[313] ou sur deux chars séparés[314], et accompagnés de Silène sur son âne, de satyres et de ménades, leur cortège accoutumé ; soit les noces[315] du dieu et de sa compagne. Toujours reparaissent dans le cortège de ces noces, comme dans toutes les pompes bachiques, les symboles de la mort et de la vie ; un satyre, qui tient un thyrse bachique, saisit brusquement par les ailes un petit génie, monté sur un lion et jouant de la lyre ; il semble bien que ce soit la vie arrêtée dans sa force et sa joie ; mais le génie n’en joue pas moins de la lyre, les lions qui traînent le char ne s’arrêtent point, la joie est partout. Pan, le dieu de la matière, a été vaincu[316] par l’amour, qui est le dieu de l’âme. De tous les symboles bachiques, le plus expressif, la ciste mystique, n’est pas absent ; seulement par un de ces traits d’humour qui faisaient placer aux pieux artistes du moyen âge des détails grotesques parmi des sujets sacrés, l’auteur du bas-relief a donné à deux femmes la curiosité de lever le voile qui couvre la corbeille mystérieuse, et d’ouvrir la ciste, d’où le serpent s’élance, au grand effroi d’un satyre ; ce qui peut, sous cette forme légèrement comique, renfermer un avertissement de ne pas dévoiler les mystères.

Ariane, à demi nue[317], nous verrons tout à l’heure pourquoi, repose sur le sein de Bacchus ; un satyre leur présente une coupe, la coupe de la vie et de leur hymen immortel.

Quelle explication de cette histoire de Bacchus et Ariane peut rendre raison de la prédilection des sculpteurs de sarcophages, pour un pareil sujet, qui, au premier abord, semble n’avoir rien à faire sur des sarcophages ?

L’intention des sculpteurs était certainement mystique ; autrement le choix d’un tel sujet serait absurde et sa répétition sur une foule de monuments funèbres incompréhensible. De plus, Ariane, dévoilée aux regards de Bacchus, n’est pas une fantaisie érotique de l’artiste, car, en présence de cette scène, le sérieux de certains personnages, et la solennité avec laquelle une action si simple parait s’accomplir, ne peuvent laisser aucune incertitude. Tandis qu’on élève la ciste qui contient l’emblème sacré, Silène, le démon méditatif et savant, considère Ariane avec un air de réflexion où il n’entre rien de sensuel[318] ; c’est un véritable épopte, un initié admis à voir qui, la tête voilée et appuyé sur son bâton, comme ceux-ci sont représentés sur les vases peints, assiste à une épiphanie ou manifestation d’Eleusis. Ici, cette manifestation est peut-être la suprême beauté dévoilée à la sainte ivresse.

Grâce à ce goût pour les variantes d’une même idée transportée dans des sujets analogues, que j’ai déjà eu l’occasion de signaler chez les anciens, Ariane, montrée à Bacchus, sur d’autres sarcophages, a été remplacée par Thétis dévoilée aux regards de Pélée[319], et on lui a associé Endymion, que Diane contemple endormi, comme Bacchus contemple Ariane[320].

Maintenant si nous nous souvenons que le Bacchus d’Éleusis avait une épouse mystique, soit Cérès elle-même, soit sa fille Proserpine, qu’on appelait en grec Cora, et dont le mariage avec Bacchus était célébré à Athènes dans les Anthestéries, nous serons portés à rapprocher de cette compagne mystique, l’Ariane trouvée endormie, puis épousée par Bacchus. Ariane, c’est donc Cora ou Proserpine, c’est l’âme des initiés, identifiée après la mort avec Proserpine, comme nous l’a montrée une inscription du Vatican ; elle dort, enveloppée de son voile, plongée dans le sommeil des sens et si l’on veut pousser jusque-là l’allégorie, abandonnée par l’amour, c’est-à-dire par la vie.

Bacchus le dieu révélateur des mystères, le dieu sauveur des initiés lui apparaît dans son sommeil ; il fait tomber ses voiles avant d’ouvrir ses yeux, double figure et de l’état intermédiaire entre l’ignorance et la science, mélange de lumière et d’obscurité auquel on arrivait par l’initiation, et de l’état intermédiaire entre la mort et la vie, entre l’anéantissement et l’immortalité au delà duquel les anciens avaient bien de la peine à concevoir quelque chose même pour les initiés[321].

Il y a un certain rapport entre les sommeils d’Ariane et d’Endymion, tous deux visités par une divinité amoureuse. Ce sommeil est figuré par un vieillard qui tient Endymion sur son sein[322] ; un cippe funèbre dédié au sommeil, cette rois, sous la forme d’un jeune homme à tête ailée, et tenant une tige de pavot et le vase qui verse le repos[323], a sur ses deux côtés un Bacchus et une Ariane. Ce sommeil est celui des initiés, Bacchus et Ariane font briller une lueur d’immortalité. Ariane est aussi représentée, nous l’avons vu, avec Bacchus, partageant son triomphe[324] ; l’idée du triomphe de l’âme sur la mort par l’intervention et l’amour du dieu sauveur est alors aussi complètement exprimée qu’il était possible à des païens.

Un autre symbole de l’âme rendue à la lumière par le dieu des mystères, c’est le mythe de Sémélé ramenée au jour et placée sur un trône dans l’Olympe par son fils, Bacchus[325] ; ceci ce n’est pas seulement l’immortalité de l’âme, c’est l’âme conduite au ciel. Nous en verrons d’autres exemples.

Bacchus n’apparaît pas toujours sous la forme d’un jeune dieu amoureux d’Ariane ou vainqueur des Indiens ; il se montre aussi avec une longue barbe et dans un ample vêtement d’aspect oriental, ce qui lui a fait donner le nom de Bacchus Indien. Ce Bacchus entre ainsi vêtu dans une salle où un homme et une femme sont couchés près d’une table et prennent un repas[326]. On suppose en général, sans aucun motif, que ce sujet, reproduit souvent sur les sarcophages, est Bacchus reçu en arrivant dans l’Attique par Icarius et sa fille Érigone. Je suis de ceux qui pensent que cette classe de bas-reliefs se rapporte aux mystères[327] à une manifestation dans laquelle Bacchus se révèle aux initiés, présage de sa manifestation future dans une autre vie. On pouvait dire que le dieu illuminateur visitait les âmes qui s’étaient données à lui.

Sur plusieurs bas-reliefs bachiques[328] se voit une idole en longue robe à laquelle on sacrifie et qu’on nomme peut-être, sans motif suffisant, Sabasius[329] ; c’est un dieu infernal, car il a sur la tête le modius ; c’est un dieu de la mort auquel on sacrifie sur les mêmes sarcophages où parait si souvent Bacchus, dieu de la vie.

La présence des divinités que nous voyons figurer sur les sarcophages bachiques s’explique quelquefois par leurs rapports avec Bacchus. Il en est ainsi de Vénus, non par suite de l’association proverbiale que l’épicurisme vulgaire établit entre ces deux divinités, mais parce que la Vénus funèbre (Vénus Libitina)[330] se confond avec Proserpine, à laquelle Bacchus était associé dans les mystères d’Éleusis.

Le rôle funéraire de Bacchus achève d’expliquer comment on voit assez souvent les trois Grâces sur des sarcophages, c’est que les Grâces étaient les compagnes de Bacchus.

Comme les Grâces, les Heures ou Saisons, les nymphes, les néréides, tiennent à Bacchus[331], dieu de la vie, dont elles sont des manifestations dans la nature ; c’est une raison de plus pour ces aimables divinités de figurer sur les sarcophages en compagnie d’êtres ou d’attributs bachiques qui les rattachent aux mystères et à l’ordre d’idées qui se liait lui-même aux mystères.

Les Saisons entourent Bacchus sur les sarcophages[332], avec leurs produits animaux et végétaux ; on place près de lui la Terre féconde tenant la corne d’abondance, la lier qui a aussi sa fécondité, les Vents[333] qui représentent le domaine de l’air sans lequel la vie n’existerait pas, de l’air dont la vertu purifiante était figurée par le van des mystères.

Le mythe de Prométhée ne paraît pas avoir été mis en rapport avec les mythes bachiques dont aucune trace ne se montre sur les bas-reliefs où figure le fils de Japet. Il n’en est pas de même de l’histoire de Psyché et l’Amour, liée si intimement à l’histoire de l’âme partie essentielle des mystères ; Psyché et l’Amour apparaissent fréquemment sur les sarcophages parmi des attributs bachiques, quelquefois associés à Bacchus[334], auquel on a donné des ailes de papillon, qui sont les ailes de Psyché, les ailes de l’âme[335].

Le voyage des âmes vers les îles bienheureuses, au milieu des divinités et des monstres de la mer, prit un caractère bachique[336], par l’influence des mystères, pendant lesquels on disait que les néréides venaient la nuit se mêler aux danses des initiés[337] au bord de la fontaine Callicoros.

Les rapports de Bacchus et d’Hercule ont laissé des traces nombreuses sur les sarcophages.

Tous deux étaient un symbole de la force, de la production féconde ; tous deux furent assimilés au soleil. De plus, Hercule passait pour avoir été initié aux mystères.

Aussi Hercule paraît à côté de Bacchus sur un char traîné par des centaures[338]. Hercule ouvre la marche dans un triomphe de Bacchus ; il est couronné du lierre ou de pampre bachique. D’autre part, Silène à la peau de lion et des génies bachiques portent la massue d’Hercule. La naissance d’Hercule a été choisie, comme celle de Bacchus, pour l’ornement symbolique des sarcophages[339].

L’apothéose d’Hercule divinisé, une coupe à la main[340], a un caractère bachique d’autant plus manifeste qu’Hercule est représenté ainsi dans un triomphe de Bacchus.

Comme type de la purification[341] et de l’apothéose par le feu, on pourrait presque dire du ciel obtenu par la souffrance et la vertu ; ce qui avait fait de lui le patron des stoïciens[342], Hercule était appelé à jouer dans les représentations funéraires un rôle considérable qu’il y joue en effet.

Ses travaux forment la décoration de nombreux sarcophages, et sur plusieurs d’entre eux c’est lui qui introduit une âme au ciel[343]. Il est le dieu de l’apothéose. L’apothéose, que la servilité déshonora en en faisant l’apanage officiel des empereurs, était une forme antique de la croyance que l’homme peut s’élever à la condition divine[344] ; là, où elle se montre sur les tombeaux, l’apothéose affirme cette croyance. Hercule, qui ramena Thésée des enfers, qui conduisit au ciel Sémélé et Ariane, apporte sur son épaule dans l’Olympe une petite figure, celle du mort, qu’on suppose admis à vivre avec les dieux[345].

Du reste l’apothéose, ainsi que toutes les autres formes de l’immortalité, avait un certain rapport avec les mystères. L’âme divinisée sortait du bûcher purifiée par le feu. Un génie féminin, mais du reste pareil aux génies bachiques des sarcophages, et comme eux tenant un flambeau, enlève Faustine dans le ciel[346], et ce n’est peut-être point par hasard qu’un beau vase bachique[347] a été trouvé sur l’emplacement du temple de Romulus déité sous le nom de Quirinus.

Bacchus et le soleil étaient, dans le syncrétisme orphique, une même divinité[348]. Plusieurs traces de cette fusion des deux cultes existent à Rome[349] et expliquent comment les attributs d’Apollon, tels que le griphon, se rencontrent sur les sarcophages mêlés aux attributs bachiques[350]. Apollon était un dieu lumineux, toujours jeune, sauveur, qui exilé sur la terre était retourné dans l’Olympe ; le soleil sur son char, nous en avons vu encore tout à l’heure un exemple, exprime constamment la vie à la lumière, par opposition à la vie lunaire et nocturne, à la vie des ombres. La présence d’Apollon, par lui-même et par son rapport avec le soleil, était sur les tombeaux des signes d’une véritable immortalité.

La relation d’Ammon, dieu égyptien, mais dont le culte avait pénétré de bonne heure en Grèce, d’Ammon, comme toutes les divinités égyptiennes, puissance à la fois solaire et infernale, son association avec Bacchus qui avait aussi ces deux caractères, était bien naturelle, et on ne peut s’étonner d’en trouver de fréquents indices sur les sarcophages[351]. Les monuments attestent aussi des rapports assez étroits entre l’Amour et Bacchus[352], ces deux divinités n’étant point prises dans leur sens vulgaire et rapprochées, ainsi qu’elles le sont dans nos chansons à boire, mais considérées l’une et l’autre, surtout par les orphiques, comme le principe créateur des êtres. L’Amour est à Psyché, l’âme, ce que Bacchus est à Ariane ; si Bacchus dévoile Ariane, Psyché dévoile l’Amour : autre forme de la même idée : le voile écarté entre l’âme et Dieu. L’âme est punie parce qu’elle s’est trop hâtée ; mais après les épreuves que lui impose l’Amour, objet de son amour, elle lui est unie dans l’Olympe, au sein d’une félicité éternelle. L’histoire de Psyché est une traduction en symboles plus clairs et probablement plus nouveaux de l’histoire d’Ariane.

Ce rapport de Bacchus et de l’Amour groupés dans une belle sculpture de Naples, fait comprendre pourquoi sur les sarcophages les génies bachiques sont semblables à des Amours, et pourquoi des personnages bachiques sont associés à l’Amour. Un enfant mort était représenté sur son tombeau en Amour, comme il l’était en petit Bacchus. Le mystérieux Anteros, celui qui rend l’Amour ou celui qui lutte avec l’Amour, a été retrouvé par M. Gerhard sur un bas-relief du Vatican[353]. Anteros tient une grappe de raisin, signe bachique[354]. On voit aussi sur des sarcophages lutter l’Amour et Pan, lutte qui exprime, selon M. Gerhard, l’opposition de l’élément matériel et de l’élément spirituel révélée dans l’initiation bachique[355]. Les bas-reliefs des tombeaux nous ramènent donc sans cesse à Bacchus et aux mystères, et les mystères à la doctrine d’une vie meilleure après la mort, qui y était enseignée par des spectacles symboliques souvent analogues à ceux que nous présentent les bas-reliefs. Leur étude a donc été pour nous une véritable initiation ; il serait curieux d’y trouver l’initiation elle-même.

Que des scènes d’initiation aient été représentées sur des bas-reliefs grecs, nous n’en saurions douter[356] ; mais on ne peut l’affirmer pour les bas-reliefs romains. Les mystères de Bacchus furent bien transportés à Rome, mais ils n’y eurent jamais le développement qu’ils atteignirent en Grèce et ils s’y corrompirent bientôt. Les bacchantes, dont j’ai raconté la suppression prompte et terrible, n’y avaient été qu’une effrayante école d’immoralité[357]. Le culte de Cybèle n’y forma qu’une troupe de prêtres fanatiques et une secte de convulsionnaires. Les mystères de la bonne déesse, qui semblent avoir eu quelques rapports avec un culte grec de Cérès, également réservé aux femmes[358], n’ont jamais laissé rien transpirer qui puisse faire supposer un enseignement sur la destinée de l’homme après la mort. Tout ce que nous avons cru lire de cet enseignement sur les sarcophages romains, avait donc une source grecque, mais a été bien des fois répété sur les sarcophages de Rome. Des enseignements sous une forme symbolique peuvent être reproduits par des artistes qui ne les comprennent pas, ils sont exprimés par de frappants symboles ; quant aux détails inintelligibles d’une scène d’initiation, ils ne pouvaient guère exciter un artiste romain à les copier. On découvre bien sur les bas-reliefs quelques détails qui semblent se rapporter à la condition des initiés[359], mais les scènes d’initiation qu’on a signalées à Rome sur divers bas-reliefs, me semblent douteuses[360]. Ce sont des sujets qu’on ne sait expliquer et que pour cette raison on suppose être une initiation, car nous ne savons pas comment se formaient les initiations. Peut-on reconnaître avec certitude ce qu’on ne connaît pas ?

S’il est à Rome une classe de monuments qui aient trait aux initiations, ce sont les cistes, qui viennent presque toutes de Palestrine. Sur ces vases en bronze sont quelquefois de petites figures le couteau à la main et portant un corps qui n’est pas un cadavre, car il semble se prêter à la cérémonie. Elle consistait peut-être à paraître vouloir mettre à mort l’initié pour éprouver son courage ; mais cela même est bien douteux, et le voile qui entourait l’admission aux mystères ne saurait être soulevé par l’étude des sarcophages romains.

Ils nous ont révélé du moins d’une manière incontestable des allusions aux mystères et le sens de la plupart des symboles qui s’y rapportaient, vous avons appris à lire dans ces hiéroglyphes de la mort et de la vie toujours les mêmes et qui contiennent le secret de la croyance des Romains touchant la vie future nous avons vu qu’ils exprimaient une sorte d’hésitation, hélas ! trop naturelle en présence du tombeau, entre l’idée de la destruction et l’idée de l’immortalité, mais que celle-ci en somme l’emportait, comme doit l’emporter dans l’intelligence la certitude d’une autre vie, malgré les révoltes de notre imagination impuissante à nous représenter ce que proclame notre sentiment intime et ce qu’affirme notre raison.

 

 

 



[1] Terræ congestio super ossa tumulus dicitur (Servius, Æn., III, 22). En grec sòros, amas, terre amoncelée, mot qui probablement remontait aux Pélasges, car il entre dans le nom du Soracte et dans celui de la ville de Sora, située sur une colline escarpée du pays des Volsques ; dans le voisinage sont des restes de murs pélasgiques. Pausanias mentionne des tertres funèbres formés de pierres entassées qu’il appelle sòroi près d’Orchomène (VIII, 13, 2.)

[2] C’est exactement ce que dit Pausanias (VIII, 16, 2) du tombeau d’Æpitus, près de Phénée.

[3] Près de Rome, tombes étrusques de Cervetri et de Corneto. En Grèce, les anciens monuments pélasgiques à voûte imparfaite appelés trésors, comme le trésor d’Atrée, à Mycènes, paraissent avoir été des tombeaux. (Welck., Kl. Schr., III, p. 353 et suiv.) Ceci est confirmé par le voyageur anglais Mure.

[4] Apud majores, nobiles aut sub montibus altis, aut in ipsis montibus sepeliebantur. Unde natum est ut super cadavera pyramides fierent. Servius, Æn., XI, 849, à propos de ces vers de Virgile :

... Fuit ingens monte sub alto,

Regis Derceni terreno ex aggere hustum...

Les tombeaux d’Acrisius et de Prætus, sur le chemin d’Argos à Épidaure (Pausanias, II, 25, 6), avaient la forme d’une pyramide.

[5] On a trouvé dans la troisième pyramide le cercueil du roi Myceminus, avec son nom écrit dans l’inscription hiéroglyphique qu’on peut lire au British Museum. J’ai vu, comme tous les voyageurs, le sarcophage du roi Chéops, encore en place dans la grande pyramide. Les anciens savaient que les pyramides étaient des tombeaux, car Alexandre voulait en élever une à son père qui égalât en hauteur la plus élevée d’entre elles (Diodore Sic., XVIII, 4). Il n’était donc pas nécessaire d’aller chercher une autre destination à ces vieux monuments, comme celle d’arrêter le sable, qu’elles ne pouvaient arrêter et qu’elles ont laissé passer. Rabanus Maurus, un Français du neuvième siècle (De Universo, XIV, 28) avait sur l’origine des pyramides des idées beaucoup plus justes que celles de certains Français de nos jours.

[6] Plusieurs tombeaux de la voie Appienne ont la disposition pyramidale qui a été remarquée dans des tombeaux grecs, et en particulier à Agrigente dans le tombeau de Théron. (Hirt, Gesch. d. Bank, II, p. 94.)

[7] Pline, Hist. nat., XVI, 5, 19.

[8] Strabon, V, III, 8.

[9] On le voit par une mosaïque d’Ostie où est représenté le phare de ce port, construit sur le modèle du phare d’Alexandrie.

[10] Iliade, VI, 419. Le tombeau d’Alcméon, en Arcadie, était planté de cyprès (Pausanias, VIII, 24, 4), arbre dont l’emploi funéraire a prévalu dans les temples modernes.

[11] Il est nécessaire de bien comprendre cette disposition des tombeaux pour se rendre compte de plusieurs récits de l’antiquité, par exemple l’aventure de la matrone d’Éphèse, difficile à imaginer dans un tombeau tel que. ceux du Père-Lachaise ; mais dans les montagnes qui environnent Ephèse, les tombeaux sont des chambres souterraines où cette galante aventure a fort bien pu se passer, comme me le fit remarquer mon ami Mérimée quand nous les visitâmes ensemble.

[12] J’obéis à un usage semblable à celui que je viens de critiquer en désignant par ce mot poétique les ossuaires ; qui très souvent n’ont pas plus la forme d’une urne que la caisse de bois où l’on dépose son vote d’électeur et qui s’appelle aussi une urne.

[13] Il est surmonté de cinq pyramides, comme était la tombe de Porsenna (Pline, XXXVI, 19, 4) ; la pyramide avait donc aussi en Étrurie un emploi funèbre.

[14] Il faut excepter certaines nécropoles étrusques, à Castel d’Asso, à Norcia, où l’on voit des frontons et des moulures de portes sculptées au dehors.

[15] Nécropoles étrusques à Cervetri, à Cornelo, à Castel d’Asso ; nécropole latine à Castromenium, découverte par M. Rosa.

[16] On cite comme une exception que Numa ait été enterré, et, à propos de Sylla, que la gens Cornelia ne brûlait point ses morts.

[17] La crémation était tombée en désuétude au quatrième siècle (Macrobe, Saturnales, VII, 7).

[18] Vers l’entrée de la salle de l’Ariane, au Vatican. (M. P. Cl., 248, 407, 408, 410.)

[19] Stace, Sylves, V, 1, 222 et suiv.

... Siecatam membris...

Les corps se conservent facilement à Rome, à en juger par les cadavres des capucins que l’on montre dans des salles voisines de leur église, où, livrés à leurs occupations ordinaires, méditant, lisant, bêchant, couchés dans une grotte, ils étonnent d’abord le spectateur et le repoussent bientôt par cette apparence de vie dans la mort, dont on peut dire ce que Stace disait d’Abascantus :

Certamen cum morte gerit.

[20] Nibby (Dint., III, p. 555), dans un noyau de tombeau rond qui subsiste sur la voie Appienne, en face de la petite église appelée Domine, quo vadis.

[21] A gauche de la voie Appienne, tandis que le temple du dieu Rediculus (du Retour) dont on a fait sottement un dieu Ridiculus, était il la droite de cette voie.

[22] A Tivoli. Selon Nibby, cette dénomination absurde ne remonte pas an delà du seizième siècle.

[23] Tombeaux de la voie Appienne.

[24] Homère, Iliade, XI, 371 ; XVI, 457. Odyssée, XII, 14.

[25] Elles se multiplient en Grèce à l’époque romaine, selon M. Gerhard, et, d’après lui encore, les cippes ou autels funèbres y sont beaucoup plus nombreux que les stèles ; c’est à une stèle en marbre de Paros, destinée à honorer un héros, que Pindare compare et préfère son chant. (Nem., IV, 81. Diss., II, p. 406.) Les cippes sont de petits autels ornés souvent d’antéfixes comme les temples.

[26] Mémoire lu dans la séance publique des cinq classes de l’Institut et publié dans la Revue des Deux Mondes, ann. 1848, p. 838.

[27] Les parents semblent de même rendre hommage à la défunte ; Tombeau figuré sur les bas-reliefs de Saint-Jean-de-Latran qui se rapportent aux Alterii.

[28] Reproduction fidèle d’un tombeau étrusque au musée Grégorien du Vatican.

[29] Par exemple celles du tombeau des Nasons.

[30] Dans les tombes découvertes, il y a peu d’années, sur la voie Latine. Ce genre de décoration se montre encore dans les plus anciennes catacombes.

[31] Pausanias (VII, 22, 4) et Pline (XXXV, 25, 7), parlent de tombeaux peints en Grèce par 1licias. M. Letronne (Lettre d’un Antiq., p. 233) pense que toutes ces peintures étaient à l’extérieur des monuments funèbres, car, dit-il, si elles avaient été à l’intérieur, Pausanias n’aurait pu les voir, parce que la religion des tombeaux ne lui eût pas permis d’y pénétrer. Cette objection ne me paraît point sans réplique : la porte de tous les tombeaux n’était pas murée, et la coutume d’y aller faire des offrandes aux morts pouvait en ouvrir l’accès, même à un étranger, surtout quand cet étranger était un dévot comme Pausanias. L’analogie porte à admettre qu’un genre de décoration commun aux sépultures égyptiennes, étrusques, romaines, ne pouvait manquer aux sépultures grecques. Au moment. où j’écrivais ces lignes, j’apprends qu’on a trouvé à Athènes, près de la porte Dipyle, un tombeau dont l’intérieur est peint.

[32] Ceci répond à cette autre objection de M. Letronne (p. 258) savoir, qu’aucun peintre de renom n’aurait condamné ses œuvres à l’obscurité d’un tombeau où nul ne pouvait pénétrer.

[33] Ceux qu’on voit à Rome ne remontent pas en général plus haut que les Antonins, mais des bas-reliefs funéraires grecs, très semblables et qui leur ont servi de modèles, appartiennent. à une beaucoup plus ancienne époque.

[34] M. Chiar., 69, 217. Villa Borghèse, VIII, 20.

[35] M. P. Cl., 75. Deux figures (M. P. Cl., 20).

[36] M. Chiar., 295, cippe funèbre. 725, buste d’un Manilius, venant du tombeau de cette famille. Bibus (pour vivus) sibi fecit.

[37] Sur un autel funèbre au Capitole, salles d’en bas.

[38] M. P. Cl., 411.

[39] M. Chiar., 533.

[40] Ce sont les bene olentia serta et le coronatas lapis de la Copa, poème attribué à Virgile (34-5).

[41] On l’appelle Julia Mæsa (M. Capit., galerie).

[42] M. Capit., salle des Philosophes. Fragments d’un bas-relief plus complet de la villa Panfili, où l’on voit que ce sont les funérailles de Méléagre, fragments fort semblable à un autre bas-relief représentant les funérailles d’Hector selon Winckelmann. (M. ined., 136.)

[43] Ceux des Alterii, au musée de Saint-Jean-de-Latran.

[44] Un homme et une femme se serrant la main, bas-reliefs attiques (Müller, Att. I, XXIX, 125, 126), tout, à fait semblables par la composition à divers bas-reliefs romains, mais bien supérieurs par le style.

[45] Salle Lapidaire au Vatican. Au-dessus de la figure du mari est écrit : Honor ; ailleurs, au-dessus de la figure de l’épouse : Veritos.

[46] M. P. Cl., 411.

[47] Elle l’est avec toute sa pompe sur le beau sarcophage de Saint-Laurent hors des Murs.

[48] Mariage sur le devant ; adieu sur le côté d’un sarcophage (Cortile du Belvédère). Quelquefois une femme assise devant un tombeau.

[49] M. P. Cl., 48, 60.

[50] M. P. Cl., 811.

[51] M. Chiar., 497.

[52] G. des Candélabres, 20 Un autre fort semblable, M. Cap., salle des Colombes.

[53] Anth. pal., VII, 730.

[54] Une mère avec son enfant nouveau-né près d’un char traîné par des boucs, en présence des Parques (M. P. Cl., 453) me paraît exprimer, par une sculpture grossière mais d’une manière touchante, la destinée funeste d’une mère que les Parques ont privée de son enfant.

[55] M. Chiar., 201.

[56] M. Chiar., 291.

[57] Ils pouvaient faire allusion aux banquets de l’Élysée. Comus, pour les anciens, était aussi le génie de la mort ; le dieu des banquets était représenté endormi (Phil., I, 2), le sommeil.

[58] Revue arch., t. III, p. 211.

[59] M. Chiar., 500 ; le boulanger Vergilius Eurysacès et sa femme (voyez plus loin) ; un fils et sa mère si le sarcophage du capitole (salles d’en bas) est réellement celui d’Alexandre Sévère et la figure de femme celle de Mammée.

[60] Sur la voie Appienne, tombeau d’une prêtresse d’Isis et de sa famille. Vibius, Vibia et leur enfant (M. Chiar., 53).

[61] M. Chiar., 230.

[62] A Saint-Jean-de-Latran, bas-relief funèbre, je crois, qui fait allusion à l’enfance de Jupiter (voyez plus loin), M. P. Cl., 214.

[63] Au Vatican, salle Lapidaire, à droite.

[64] L’usage de placer sur les tombeaux un souvenir de la profession du mort était bien ancien en Grèce, on le trouve déjà dans Homère, qui plante une rame sur la sépulture d’Elpénor. (Odyssée, XI, 77.) Je l’ai remarqué sur les tombes des Arméniens à Constantinople. Dans un des tombeaux étrusques de Cæré, des bas-reliefs peints figurent une foule d’objets usuels, jusqu’à une corde et un havresac.

[65] M. Capit., IV, 15.

[66] Zoega, B. ril., 27-28.

[67] M. Chiar., 459. Sur un bas-relief très mutilé (M. P. Cl., 456) les sculptures nous enseignent que celui pour lequel fut fait ce sarcophage était forgeron de son état, avait voyagé sur mer, aimait la chasse et s’était marié.

[68] M. Chiar., 587. Un autre (ibid., 19) était chargé d’approvisionner d’huile deux magasins d’Ostie qui portaient le nom de Galba.

[69] Bas-relief au jardin Colonna.

[70] M. Chiar., 685.

[71] M. P. Cl., 262. Aurifex bractearius (un batteur d’or).

[72] M. Chiar., 293.

[73] Gal. des Candélabres, 138. Sur un fragment de bas-relief appartenant au sarcophage d’un marchand d’huile, se voit, dans sa boutique, tout ce qui est nécessaire pour les écritures commerciales, l’encrier, le calames, roseau servant de plume, les tablettes en forme de diptyque.

[74] M. P. Cl., 84.

[75] M. Chiar., 204.

[76] M. P. Cl., 55.

[77] Une armure complète sur un cippe funèbre (M. Chiar., 240). Les armes ne désignent pas toujours la carrière militaire. Des génies portant les diverses parties d’une armure (M. P. Cl., 80) décorent l’urne funèbre d’un enfant. (Garr., p. 51, pl. XXX.)

[78] M. P. Cl., 67. Par exemple, à des vases sacrés, comme sur les temples, signe de piété.

[79] Autre dévote à Junon (M. Chiar., 520).

[80] M. P. Cl., 610. Leurs noms le disent : Pomponius, Eudemon et Pomponia Elpis. Un esclave, de l’empereur il est vrai, osait bien faire sculpter sur son sarcophage Romulus nourri par la louve (M. P. Cl., 91).

[81] Monument des Aterii, au musée de Saint-Jean-de-Latran.

[82] Un palmier, à cause de la palme. (Villa Borghèse, S. V, 5). Le laurier était accordé même aux chasseurs ; sur un cippe de la villa Borghèse (S. I, 11, un cerf tient des lauriers dans sa bouche ; prés d’un autel est un laurier, et sur le côté du cippe on voit encore un cerf. N’est-ce pas un hommage à un chasseur illustre ? Les scènes de chasse sont souvent représentées sur les sarcophages.

[83] M. Chiar., 666, poète dramatique indiqué par sa massue, le raisin bachique, les masques.

[84] M. Chiar., 248. M. P. Cl., 535.

[85] Villa Borghèse, salon, 10.

[86] M. P. Cl., 48.

[87] M. P. Cl., 68.

[88] M. Rosa a découvert sur le Palatin une salle qui paraît avoir été destinée, à ces sortes de lectures. Tout autour sont disposées des espèces de nielles où pouvaient s’asseoir les lecteurs et qu’indiquent peut-être ici les arcades sous lesquelles sont placés les personnages du bas-relief.

[89] Villa Borghèse, sous le péristyle.

[90] Sous le nom de Kér, sur le bouclier d’Hercule, 249 ; ici au pluriel, Kéres.

[91] Sur un sarcophage, salle Lapidaire.

[92] M. Chiar., 85. Au musée de Saint-Jean de Latran, plusieurs petits génies funèbres couchés. Garracci, pl. 40, p. 79. Prés d’eux, le pavot somnifère ou le flambeau renversé.

[93] Un jeune homme tenant d’une main une tige de pavot et de l’autre une corne à boire d’où il verse l’oubli. (M. P. Cl., 514.)

[94] Villa Albani, salle d’en bas ; analogue au Sommeil qui est prés d’Ariane sur un bas-relief bachique et près d’Endymion endormi (bas-relief du Capitole). Ces deux sujets, comme nous le verrons, sont funèbres : le sommeil y est donc la mort. Le sommeil est le nom de la mort chez Théocrite (id., XXII, 204). Auprès d’un génie de la mort, est écrit : Somno Orestilla filia. (Villa Albani)

[95] Consanguineus leti sopor (Virgile) Hésiode (Théorg., 756) dit que la Mort et son frère le Sommeil sont portés dans les mains de la Nuit. Sur le coffre de Cypselus, la Mort portait un enfant noir et un enfant blanc, la Mort et le Sommeil, le frère et la sœur.

[96] Homère, Iliade, XI, 241. Vers cités par le P. Garracci.

[97] M. Chiar., gal. des Candélabres, 351-270. Attitude et action exactement décrites par Philostrate (I, 7), à propos d’un Amour dans un tableau de Médée voyant arriver Jason. C’était un avertissement des morts que cette arrivée devait amener.

[98] Gal. des Candélabres, 446. Sur un bas-relief représentant des courses de chars, comme nous verrons emblème funèbre, dont celle circonstance achève de démontrer le caractère. Ibid., 223, flambeaux couchés sur un tombeau.

[99] Ce peut être aussi une purification de l’âme, par la mort, par le bûcher. J’y reviendrai.

[100] Villa Albani, M. Chiar., 230, 240. Un oiseau saisit une sauterelle, animal vif et agile (ibid., 198) ; des cigognes tiennent au bec un serpent, symbole de la vie.

[101] Le fruit est un symbole naturel de la vie et de la fécondité ; c’est pourquoi on avait mis dans la main de vénus un fruit dont on a fait depuis le prix de la beauté.

[102] M. P. Cl., 52. M. Chiar., 519. Il en est de même de ceux qui se répandent hors d’une corne d’abondance sur laquelle un lion étend sa griffe homicide (salle Lap.) Un tigre pose la sienne sur une corbeille remplie de raisins.

[103] Sujet souvent répété. Rien n’est moins naturel qu’un lapin mangeant un raisin. Cette action est donc symbolique. Selon le P. Garracci (p. 109), le raisin et le lièvre indiquent la saison de l’automne, à Rome saison de la mort. Tibulle dit à propos des morts prématurées, faisant, un rapprochement pareil à celui qui a inspiré les auteurs des bas-reliefs de nos sarcophages :

Quis fraudare juvat vitam crescentibus avis

Aut modo naja mala vellere mala manu ?

[104] Un enfant dans une barque dont la voile est repliée. (M. de Saint-Jean-de-Latran.)

[105] Flambeau éteint sur un tronc dépouillé. (Visconti, M. P. Cl., III, 45.)

[106] M. Chiar., 184.

[107] Ce détail funèbre et plusieurs de ceux qui sont indiqués ici se voient réunis sur un sarcophage de la salle Lapidaire, à gauche, entre la porte de la bibliothèque et l’entrée du musée.

[108] S. des Candélabres, 203 : près d’un génie qui tient un flambeau renversé, un carquois suspendu à un tronc d’arbre. M. Rosa a trouvé sur le Palatin une figure  dont le carquois plein ne peut contenir des flèches ; ce doit être un génie funèbre plutôt qu’un Amour.

[109] Le masque est donné par M. Gerhard (St. r., II, 2, p. 81) pour une image du corps que l’âme a quitté. Cette image était la larve (larva, c’est aussi le nom du masque en latin), espèce de fantôme du corps qu’on croyait lui survivre, et qui passait pour avoir une figure hideuse, comme est souvent celle des masques. Le masque qui a la bouche fermée et les yeux remplis n’est pas un masque théâtral, mais un masque funèbre. (St. r., II, 2, p. 5.)

[110] M. Chiar., 321. Gal. des Candélabres, 146. M. P. Cl., 609, 613, 617. Pour un de ces sarcophages, on a choisi la course célèbre qui fut mortelle à Ænomaüs (ibid., 621). Dans d’autres courses, on a introduit des symboles qui en précisent le caractère funèbre : des oiseaux qui mangent, des masques, etc.

[111] M. P. Cl., 52. Quelquefois un génie à terre sous les pieds des chevaux.

[112] Près d’un lutteur est le génie de la mort avec le flambeau renversé. (M. Chiar., 154.)

[113] On voit près d’eux des hommes préposés à ces jeux. (Salle lapid.)

[114] Beau sarcophage dans l’église de Saint-Laurent-hors-des-Murs. Même symbole, villa Borghèse, sale des Hercules, 12.

[115] M. Chiar., 69. Têtes du Soleil et de la Lune.

[116] Souvent remplacées par les génies des saisons. Ceux-ci sont également figurés sur le tombeau païen des Aterii et sur le tombeau chrétien de Bassus (Grott. Vat.) ; les saisons sont peintes sur les parois des catacombes. A côté d’elles sont des corbeilles remplies ; l’une d’elles élève un flambeau (jardin de la Pigna et cortile du Belvédère).

[117] Sur un sarcophage (M. Chiar., 406), deux génies des saisons tiennent chacun les rênes d’un char ; les deux chars, attelés l’un de taureaux et de boucs, l’autre de lions et de sangliers, s’élancent l’un contre l’autre et semblent indiquer la lutte de deux principes au sein de l’année et de la vie.

[118] Ovide, Métamorphoses, XV, 199.

[119] Gerh., Gr. Mythol., I, p. 87, 101. C’est dans leur sens antique que les Grâces étaient prises par les Orphiques quand ils disaient que les Grâces produisent tout.

[120] Gerh., Gr. Myth., I, p. 273. Nommé aussi le conducteur des Grâces, χαρίτων ήγεμύν.

[121] Ibid., p. 465.

[122] Ibid., p. 572. En rapport à la fois avec les Heures et les Parques (Moirai) (ibid., p. 556). Il n’est pas temps encore de parler du rapport des Grâces avec Bacchus et les mystères.

[123] La Gorgone parait avoir exprimé l’effroi que cause l’idée de la mort, on le voit sur le sarcophage de Télésina (M. Chiar., 230), par la terreur de la mire et de l’un de ses deux enfants. L’autre enfant qui dort et une figure de femme endormie semblent dire : Ne craignez rien, la mort est un sommeil.

[124] Ulysse craint que Proserpine ne lui envoie la tête de la Gorgone. monstre formidable (Odyssée, XI, 633-4).

[125] M. Chiar., 126, avec des masques qui peuvent exprimer la terreur, comme masques tragiques, et parce qu’ils portaient en latin le nom des larves, elles-mêmes objets d’effroi ; larvalis, terrible, effroyable.

[126] Le sphinx était aussi dans l’art un être destructeur et dévorant, depuis Phidias qui avait placé au-dessous de son Jupiter des sphinx enlevant de jeunes Thébains. On voit au Vatican un sphinx qui tient cotre ses pattes une tête de bélier, comme fait un tigre dans la même collection. Ils sont associés au génie de la mort qui déracine, l’arbre de la vie. (M. Chiar., 184).

[127] Odyssée, XIII, 191.

[128] La réponse à ces questions est dans les rituels funèbres, qui n’ont pas encore été interprétés dans leur entier. Mais M. de Rougé en a déjà assez lu pour nous renseigner à cet égard : la vie divine définitivement obtenue par l’âme, sa réunion à son corps ressuscité, duquel elle ne pourra jamais être séparée, sont énoncés positivement. (De Rougé, Étude sur les Rit. fun. égypt., p. 81-2.)

[129] S. des Candélabres, 198.

[130] Au-dessus d’un bas-relief d’Endymion, au Capitole.

[131] Dans un bas-relief du même genre (M. P. Cl., 6), l’attitude affectueuse de Pluton et de Proserpine a paru être un symbole de l’amour conjugal dans les enfers.

[132] Tombeau ces Nasons.

[133] Gal. des Candélabres, 112.

[134] Pausanias, X, 31, 4.

[135] Odyssée, XI, 593.

[136] Ces monuments donnent le sens de ce mot tonneau des Danaïdes dont on s’est servi souvent sans le bien comprendre ; les anciens n’ont jamais donné aux Danaïdes un tonneau, mais un de ces grands vases de terre que les Latins nommaient dolium.

[137] Virgile dit en parlant de Thésée :

Sedet æternumque sedebit.

Au Vatican, Ocnus et les Danaïdes sont sur un putéal que rien ne prouve avoir été un monument funèbre (S. des Candélabres, 179) ; mais ça les a trouvés avec l’âne d’Ocnus dans de véritables tombeaux, dans le tombeau des Nasons et dans un columbarium prés de la porte Latine. Polygnote avait. placé aussi les Danaïdes et Ocnus dans sa grande peinture de la Lesché de Delphes. (Pausanias, X, 29, 2.)

[138] De même, les supplices auxquels sont livrés les morts dans les peintures funéraires de l’Égypte n’étaient pas supposés, je pense, devoir atteindre celui auquel était élevé le tombeau dont elles couvraient les parois intérieures, et quand on représentait par exemple, après le jugement d’Osiris, un homme changé en pourceau, on n’entendait point indiquer par là qu’un tel changement avait été subi par le défunt.

[139] M. P. Cl., 411. Quelquefois le cheval ligure seulement la monture du mort, qui, dès le temps d’Achille, l’accompagnait à sa dernière demeure, mais on est bien certain qu’il fait allusion au voyage de F âme quand il figure sur le tombeau d’une femme. (Winckelmann, M. in., 19-20.) Sur un bas-relief de la galerie des Candélabres (198), un guerrier s’élance sur un cheval qu’une figure placée derrière lui semble vouloir retenir par la queue ; le personnage qui précède est peut-être Mercure avec le caducée.

[140] M. P. Cl., 61, Néréides portant des armes. Ibid., 91 ; semblables, mais ne portant point d’armes. Il fallait traverser l’Océan, de là le masque de l’Océan sur les sarcophages. (Villa Borghèse, Péristyle, 16.)

[141] C’est encore nue allusion à une destinée héroïque, sur la cuirasse d’un guerrier (Villa Borghèse, péristyle, 25).

[142] On voit ce cortége héroïque sur une tombe de femme (Vill. Borghèse, S. VI, 93). On ne peut supposer ici qu’il s agisse de porter aux !les Fortunées l’âme ou les armes d’un héros. L’épitaphe d’une femme (Welck., Syll., 60) en offre un autre exemple.

[143] Sur le tombeau d’une petite fille morte à quatorze mois et sept jours (M. P. Cl., 52).

[144] M. Chiar., 308.

[145] Tritons et néréides ; sur le couvercle du sarcophage, les Saisons et des masques (Villa Borghèse, 11, 10). M. Chiar., 24, une Diane-lune, divinité nocturne ayant auprès d’elle des néréides et, dit M. Gerhard (St. R., II, 2, 41), trois figures qui se rapportent à la conduite des âmes à travers l’Océan.

[146] L’Océan et la Terre sur nu sarcophage (péristyle du Capitole) ; la Terre couronnée d’épis avec un taureau à ses pieds, tout en faisant le pendant de l’Océan, exprime mie idée de fécondité, de vie dans la mort. Sur le sarcophage chrétien de Bassus (souterrains de Saint-Pierre) on a figuré le ciel.

[147] Des tritons, par exemple, soutiennent l’inscription d’une urne funéraire.

[148] M. P. Cl., 52. M. Chiar., 45.

[149] Exemple : Un enfant à cheval sur un dauphin et tenant à la main un parasol ; sans doute pour passer la zone ardente dont on supposait entouré le monde connu. Bas-relief sur un côté du sarcophage des noces de Pélée et de 1’lélis, elle-même en rapport avec la mer (V. Alb.). Sur le couvercle, monstres marins, au milieu, masque d’un dieu marin, allusion abrégée aux tritons et aux néréides, qui accompagnent les âmes des morts aux îles Bienheureuses. Vase funéraire dont les anses sont formées adroitement avec des dauphins. (S. Lap.)

[150] L’image du mort dans une coquille, bas-relief où figurent des néréides portant des armes, la coquille peut se rapporter aussi à Vénus Anadyomène. Ténus est quelquefois assise sur un triton, comme une néréide. Vénus a sa place sur les sarcophages comme déesse de la vie, dont les bas-reliefs expriment l’idée de, diverses manières, et comme déesse de la mort (Vénus libitine).

[151] Exemple : Une figure de nymphe couchée sur un tombeau avec un vase (Jardin de la Pigna). Ce vase fait penser aux Loutrophores qu’à Athènes on plaçait sur les tombeaux des jeunes filles.

[152] Une néréide portée sur un triton ; près d’elle un petit génie (une âme) dans un bateau (M. Chiar., 291). Barques et mariniers sur un sarcophage à néréides. Deux enfants (deux âmes) dans un bateau, entre deux fleuves (Jard. de la Pigna, au Vatican). Qui sont ces deux fleuves que l’âme devait passer dans son mystérieux voyage ?

[153] M. Chiar., 673, Bas-relief qui a fait partie d’un sarcophage. Un port, des barques que conduisent des génies ou des âmes ; d’autres jouent dans l’eau avec des dauphins, et il y a une tête de Méduse ; tout cela est funèbre. Ces enfants et ces dauphins se voient aussi dans le port de Carthage, représenté sur un sarcophage (M. P. Cl., 20). Le port d’Ostie, avec un théâtre, a peut-être été choisi par celui qui y avait donné les jeux que rappelait ce théâtre (Vill. Borghèse, péristyle, 92). Le bateau, les dauphins déterminent le caractère funèbre de ce bas-relief qui est aussi sur un sarcophage.

[154] Lorsqu’une couronne avait été décernée à un citoyen à titre d’honneur, l’usage était de placer une couronne sur son tombeau.

[155] L’aigle qui figure sur un cippe funèbre élevé à la mémoire d’un philosophe stoïcien (S. des Candélabres, 232).

[156] Quand, par exemple, des Victoires ouvrent la porte de l’autre monde à un enfant de cinq ans et demi (M. P. Cl., 80), quand quatre Victoires décorent les coins du tombeau d’un Euporus qui est qualifié d’esclave de César (M. P. Cl., 91).

[157] Pindare, Ol., II. 72-5. Diss., II, p. 57.

[158] M. Chiar., 6

[159] Urnes funéraires, avec des têtes de bélier.

[160] Cnae traîné par des boucs sur un couvercle de Sarcophage où sont d’autres représentations funèbres (M. Chiar., 69).

[161] Têtes de lion sur des sarcophages. Un bouc et un lion attelés ensemble sur un bas-relief funèbre (Zoega, B. rit., 80), rappellent un fait de l’histoire d’Admète (Apollodore, I, 9, 13, 1), retracée elle-même si souvent sur les tombeaux.

[162] Gerh., Gr. Myth., § 41, 4. Ce qu’il v a de certain, c’est que le coq était un oiseau consacré à Mercure (Ibid., § 277, 3) guide des âmes, dont le caducée endort et réveille, à la nuit ; aux dieux lares, confondus avec les mânes, qui sont les âmes après la mort.

[163] Virgile, Æn., VI, 657.

... Lætumque choro pæana canentes...

[164] L’Espérance et Némésis sur le case Chigi, où est aussi le papillon brûlé par l’Amour.

[165] Seul, le Sommeil de la villa Albani n’a pas des ailes de papillon, mais des ailes d’oiseau de proie et semble un sommeil dévorant.

[166] La vie de l’âme sous la forme d’un papillon est exprimée d’une manière frappante sur une pierre gravée (Müller, Att., II, 333). D’une urne sort une figure d’homme que Mercure vient de ranimer et qui tend les bras vers un papillon. c’est-à-dire va se réunir à son âme.

[167] Gehr., St. it. p., II, 2, p. 100 et suiv. A l’occasion d’un bas-relief de Nuovo Braccio qui ne s’y trouve plus.

[168] Villa Borghèse, péristyle, 26.

[169] Sur un bas-relief d’Endymion.

[170] Dans un bas-relief bachique.

[171] Gal. des Candélabres, 203.

[172] M. Chiar., 85.

[173] Æn., VI, 613, 651. Pindare cite la chasse, fréquemment indiquée sur les tombeaux, comme une occupation des âmes heureuses.

[174] Il est chrétien sur un sarcophage où est le Bon Pasteur (Garr., pl. 49), mais avait peut-être déjà, sur les sarcophages païens où il se trouve aussi, un sens symbolique tiré de la moisson, qui se renouvelle chaque année, en rapport avec l’idée qu’exprimait certainement dans les mystères, comme nous le verrons, la fille de Cérès reparaissant après les mois stériles. J’y reviendrai en parlant de mystères.

[175] Villa Borghèse, S. 11, 12.

[176] Gal. des Candélabres, 146.

[177] Salle Lapidaire.

[178] Palais Colonna.

[179] Selon Visconti (M. P. Cl., V, pl. 420, p. 73).

[180] Sur un joli bas-relief funèbre de Saint-Jean de Latran, deux enfants tiennent sous leur bras leurs coqs ; l’un est mort, le maître de l’autre va recevoir le prix.

[181] Selon la remarque de M. Gerhard (St. R., I, p. 516.11). On n’y voit presque point de divinités latines.

[182] La mort des femmes était attribuée aux flèches de Diane.

[183] Vénus aussi brûle le papillon symbole de l’âme (Müller, Handb., p. 578). La vie au sein de la mort est encore plus énergiquement exprimée par des hermès qu’il n’est. pas commode de décrire exactement et que les savants nomment ithyphalliques.

[184] Pal. Sciarr. Vil. Alb. Winckelmann, M. in., pl. 27, 28.

[185] Custos sepulcri... Deus Priapus ego sum mortis et vitaï locus. (Henzen, Inscript., 5756 a.)

[186] Villa Panfili. Le serpent autour de l’arbre n’est pas plus Python que celui de l’Apollon du Belvédère ; il est, comme sur d’autres bas-reliefs du même genre, un symbole de vie et d’immortalité.

[187] M. P. Cl., 414.

[188] Ce sujet est sur les tombeaux. Je ne le connais point à Rome ; le bas-relief que cite Winckelmann à la villa Borghèse n’y est plus. Il y en a un à Florence. On y voit la Terre élever les mains comme pour recevoir Phaéton, ce qui est une pensée funèbre.

[189] Ganymède près de l’aigle, dans le ciel (M. P. Cl., 97). La nymphe de l’Ida, qui est assise à terre et lève tristement les yeux vers Ganymède, figure-t-elle, par opposition à la vie d’en haut, la vie du ciel, la vie terrestre, la vie d’ici-bas ? Aux pieds d’un Ganymède enlevé est un lézard, symbole de vie (Müller, Att., II, 52).

[190] Gal. des Candélabres, 253. Des génies sont placés à chaque coin du sarcophage, tenant une couronne et un flambeau renversé. Deux bas-reliefs d’Endymion au Capitole, l’un d’eux sur le tombeau d’une lemme, ce qui éloigne l’idée de toute allusion personnelle et montre que le sujet d’Endymion était choisi pour donner une certaine idée générale des rapports de l’âme avec la divinité après la mort. Dans le bas-relief de la villa Panfili, Endymion et Diane sont des portraits ; il était donc destiné à deux époux.

[191] Ces ailes manquent quelquefois. Sur un sarcophage romain, maintenant en Angleterre, le Sommeil est remplacé par la Nuit. (Gerh., Alt. Denck., pl. 36, p. 278). Dans ce bas-relief et dans celui de la villa Panfili, les plus complets, d’un côté le Soleil est sur son char, de l’autre la Nuit sur le sien ; mais le plus souvent on ne croit que le char de la Nuit, ce qui empoche de saisir le sens d’un symbole funèbre indiqué plus haut : la succession du jour et de la nuit ; symbole qui est ajouté ici à celui d Endymion.

[192] Diane eut d’Endymion cinquante enfants (Pausanias, V, I, 2).

[193] Apollodore, I, 7, 5.

[194] C’est cette lune souterraine visitant les morts que M. Gerhard retrouve dans un bas-relief du musée Chiaramonti, 24. Selon lui, Proserpine est une déesse-lune (Gr. Myth., I, p. 465).

[195] Scène pastorale sur un sarcophage d’Endymion. Une jolie figure de berger endormi au milieu de ses chèvres (M. P. Cl., 159), et le berger endormi du Capitole (S. des Empereurs), sont peut-être des Endymion.

[196] M. de Saint-Jean-de-Latran. On a de même placé en regard des amours de Psyché les amours de Mars et de Rhéa Sylvia. (St. R., III, 3, p. 529). (Raoul Rochette, M. in., pl. VII, 2.)

[197] Garracci, Saint-Jean-de-Latran, pl. XXXIII, p. 57.

[198] Hésiode, Thelog., 126. Cette tradition se conserva parmi les Orphiques, dont les idées paraissent avoir influé sur les bas-reliefs.

[199] Endliche beseeligung (Müller, Arch., p. 641). Au Vatican, S. Lapid., sur un sarcophage. (M. Chiar., 95.) Sur le couvercle d’une urne funèbre (ibid., 514), avec des oiseaux qui becquettent des fruits : la mort et l’immortalité.

[200] Ce groupe est charmant ; l’Amour et Psyché sont deux enfants qui vont se donner un baiser : il ne méritait nullement d’être mis dans le cabinet réserve.

[201] Magasins du Vatican. L’Amour foule aux pieds Psyché. Ce sujet fut emprunté probablement à une version de la fable milésienne qu’en ce point Apulée n’a pas suivi.

[202] Vase du palais Chigi ; le flambeau est incliné. L’Amour divin s’afflige d’imposer à l’âme la mort, mais l’âme ne peut s’élever à Dieu qu’à travers la flamme du bûcher. Même idée que dans l’apothéose d’Hercule et dans celle des empereurs romains.

[203] Peut-être une statue portant un vase fermé (M. Cap., s. du Gl.) est une Psyché tenant la pyxis qu’elle ne devait pas ouvrir. L’Amour avec Psyché suppliante n’est plus à Rome.

[204] Elle est dans Ovide (Met., 1, 83) ; on pourrait, je crois, en attribuer l’origine aux Juifs, déjà si nombreux de son temps à Rome. Peu après lui Tacite connaît l’existence de Moïse. Ovide dit, comme la Genèse, que l’homme a été fait à l’image de la divinité :

Finxit in effigiem moderantum cuncta Deorum.

Les idées juives étaient bien plus répandues à l’époque où furent exécutés nos bas-reliefs. Dans celui du Capitole, un homme et une femme sous un arbre ressemblent beaucoup à Adam et Ève. Cependant l’auteur du bas-relief du Vatican s’écarte de la tradition mosaïque en un point, car la femme est animée la première. L’horoscope que tire la Parque est une idée chaldéenne, ce qui montre encore la diversité des traditions de tout genre qui viennent se rencontrer sur ce curieux bas-relief.

[205] M. P. Cl., 351. Fragment.

[206] M. Gerhard (St. R., II, 2, p. 989-90) incline à croire que le Mercure placé près de l’âme va l’emmener, et voit une indication de la mort dans ce qui semble plutôt un commencement de la vie.

[207] M. Capit. Salle des Colombes.

[208] Selon Hygin (442), Minerve donna l’âme à Pandore, couvre de Vulcain. C’est sans doute en souvenir de cette tradition que Vulcain est représenté sur ce sarcophage.

[209] La chasse du sanglier de Calydon, la mort et les funérailles de Méléagre sont figurées parfois sur le même sarcophage. Un jeune chasseur blessé mortellement forme le sujet de ce joli bas-relief de la voie Appienne dans lequel Canina a vu gratuitement un fils de Crésus tué, à la chasse, et, par un incroyable rapprochement entre Solon chez Crésus et Sénèque auprès de Néron, l’indication du tombeau de Sénèque.

[210] M. Chiar., 455. S. Lap. Vill. Borghèse, Péristyle, S. VIII, 10. Une peinture dans la Maison-Dorée de Néron (terme di Tito, 43). Adonis est représenté partant pour la chasse, blessé par le sanglier, expirant dans les bras de Vénus. C’est la vie, la mort, l’immortalité au sein des dieux, car, selon Hygin (251), Adonis était revenu à la vie par la volonté de Vénus. Selon les Orphiques, il passait une partie de sa vie avec Proserpine, l’autre dans le monde supérieur avec Vénus. Adonis, on l’a reconnu, était un symbole de la vie qui s’éteint et qui renaît.

[211] M. Chiar., 329, 407, fragment douteux. Idée de la mort : on ne peut voir les dieux sans mourir. Actéon est un favori d’Apollon, dieu du jour, et une victime de Diane, déesse de la nuit. Diane, ou une de ses nymphes, qui se voile (M. Chiar., 329), marque peut-être ce caractère de la déesse.

[212] L’amour d’Achille, sur les sarcophages, rappelle l’amour des époux, qui lui aussi survit à la mort. Ce qui montre l’intention de représenter la défunte par ce personnage de Penthésilée, c’est qu’on a donné à celle-ci une tête qui est évidemment un portrait (M. P. Cl., 49). Il en est de même de l’Alceste du musée Chiaramonti (179).

[213] Ce sujet, traité très anciennement par la sculpture, par la peinture et par la tragédie grecques, parait fréquemment sur les sarcophages ; les uns représentent l’enlèvement (S. des Candélabres, 265) : c’est l’idée de la mort ; les autres le festin de mariage (M. Chiar., 129) : c’est l’idée des noces célestes. Il ne faut pas oublier que les Dioscures sont des dieux sauveurs, des personnages à demi infernaux et à demi olympiens.

[214] Sur le côté d’un sarcophage (M. Saint-Jean-de-Latran, Garr., pl. 11, 3) les deux âmes passent l’Achéron ; elles vont recevoir la punition de leur crime. Une femme avec un serpent est une Euménide, le remords au delà du tombeau.

[215] La présence d’Orphée aux enfers apporte un adoucissement momentané aux tourments des enfers. Winckelmann (M. in., 50) parle d’un bas-relief de la villa Panfili où l’on voyait aux chants d’Orphée les Danaïdes oubliant de puiser l’eau et de la verser dans le vase d’où elle s’échappe toujours.

[216] Galerie des Candélabres, 112.

[217] C’est ce qui a eu lieu par exemple pour Énée et Didon (M. P. Cl., 20), dont les têtes n’ont pas été dégrossies et qui devait servir pour le sarcophage de deux époux ; mais peut-être nul mari n’a voulu être représenté par un séducteur infidèle comme Énée, et le sarcophage est resté chez le fabricant.

[218] Villa Albani, première salle.

[219] Beau sarcophage de la villa Albani (salle d’en bas). Ce qui pourrait rendre cette supposition moins invraisemblable, c’est qu’une des figures. du bas-relief tient à la main une couronne qui a été reconnue semblable à celle qui si souvent figure sur les monuments funèbres (St. r., III, 2, p. 488) : on voit sur les côtés d’autres symboles funèbres.

[220] L’ivresse était prise pour un symbole de l’enthousiasme, de l’extase, l’ivresse de l’éternité, Μέθη άίωνος. Ceci donne le sens mystique du personnage féminin qu’on voit souvent prés de Bacchus et qui est l’ivresse, Méthé.

[221] Je ne partage ni l’opinion de Sainte-Croix, selon laquelle on révélait aux initiés un ensemble de hautes vérités philosophiques en opposition avec la religion nationale, ni l’opinion extrême qui soutient, contrairement au témoignage de l’antiquité, qu’on n’y enseignait rien.

[222] Bacchus est désigné par Claudien (Rapt. Proserp., 1, 16) comme faisant partie de la grande procession éleusinienne.

[223] Elle est représentée sur un autel de la villa Albani (derrière le Casin), selon Zoega. Signe de l’alliance de Bacchus et de Cérès dans les mystères : une bacchante couronnée d’apis. (Jard. de la Pigna.)

[224] Les mystères bachiques avaient la même vertu purifiante que les autres mystères. Par eux on sanctifie sa vie et on consacre son âme, dit Euripide. (Bacch., 74-5.)

[225] Cicéron (de Legib., II, 14) parle de l’espérance d’une vie meilleure que donnent les mystères de Cérès. A propos de l’immortalité de l’âme, il renvoie son interlocuteur à ce qu’il a appris dans les mystères (Tusculanes, I, 13). Plutarque, voulant consoler sa femme de la perte de leur enfant, allègue de même les mystères de Bacchus, auxquels ils étaient initiés. On sait par eux, lui dit-il, que l’âme renaît après la mort (Consol. ad Ux.,10). Isocrate (Panégyrique, p. 46, éd. H. Est.) attribue aux initiés une meilleure espérance pour la fin de la vie et pour toute l’éternité.

[226] Ce rapport dans les idées égyptiennes, était l’union, l’identification absolue. Le mort n’est pas seulement avec Osiris, il est Osiris, comme la morte est Isis. On sait qu’Hérodote fut frappé de la ressemblance de Bacchus et d’Osiris au point de les confondre. Chez les Romains aussi le mort était Liber, la morte Libera. Saturnini in habitum dei Liberi. (Gerh., Denck., V, 273.) Cette union avec une autre divinité de la. triade mystique est, énergiquement exprimée par l’inscription qu’on lit sur un sarcophage de femme dont j’ai parlé : Persephone pacata Diti decumbit. La Romaine morte est donc devenue Proserpine, épouse de Pluton, comme une Égyptienne en mourant devenait Isis.

[227] A eux seuls (les initiés) il appartient de vivre heureux dans les enfers, les autres y éprouvent toutes sortes de maux, dit Sophocle. (Fragm., Did., p. 316.)

[228] Pindare le dit positivement. (Fragm., Diss., II, p. 260.)

[229] Étienne de Byzance, s. voc. Άγρα.

[230] Diodore Sic., V, 4.

[231] Drama mysticon, dit saint Clément d’Alexandrie (Protrept., p. 12), en parlant d’une imitation des mystères d’Éleusis.

[232] Quam (Proserpinam) quia facibus quæsisse Ceres dicitur idcirco sacra ejus ardentium tædarum jaclatione celebrantur. (Lactance, Instit., V, 29.)

Votivam taciti quassamus lampadæ mystæ.

Stace, Sylves, IV, 8, 51.

[233] On attribuait à Orphée un poème sur ce sujet qui est touché dans la Théogonie mise sous son nom. (Lob., Aglaoph., p. 591.)

[234] C’est le sujet d’un bas-relief du palais Colonna, selon M. Welcker. Dans le même palais, un petit bas-relief parait faire allusion à l’établissement des lois par l’agriculture célébré dans les thesmophories. (St. r., III, 3, p. 164.)

[235] Diodore Sic., V, 4.

[236] Gerh., Gr. Myth., I, p. 450. Pausanias, III, 13, 2.

[237] M. P. Cl., 528. M. Capit., Gal., 28. Vill. Albani. Deux au palais Barberini. Peintures du tombeau des Nasons, pl. 12.

[238] On observe aussi un certain air d’inquiétude dans la Psyché (l’âme) emportée par Mercure : bas-relief de Prométhée. M. Welcker a remarqué que Proserpine a rarement l’air satisfait. Une corbeille renversée d’on s’échappent des fleurs exprime gracieusement et la lin des fleurs et la fin de la vie.

[239] Même idée : une nymphe semble supplier Pluton. Sur un autre bas-relief, Proserpine (l’âme) paraît effrayée ; un Amour la pousse en avant et semble lui dire d’espérer.

[240] Visconti suppose que c’est Cyané, nymphe de Sicile, l’une des jeunes compagnes de Proserpine, qui, après l’enlèvement de la fille de Cérès, à force (le pleurer sans doute, lut changée en fontaine ; mais cette opinion a été rejetée sans être remplacée. En effet, pourquoi Cyané aurait-elle demandé le silence ? elle eût plutôt crié après le ravisseur. Le mauvais état du bas-relief a permis de prendre cette figure pour celle d’un homme (St. r., III, 1, p. 166-7), ce qui importe peu si l’on admet mon explication. On voit ailleurs un petit génie faire le même geste, et on en peut donner la même raison.

En enfant qui serre une grenade sur son sein (M. Chiar., 344) est dans un rapport évident avec les mystères, par le fruit de Proserpine.

[241] Sur un bas-relief du Louvre, la triple Hécate, à peu prés comme on la voit au Capitole mais en hermès, figure au milieu des divinités éleusiniennes. Selon MM. Lenormant père et fils, elle y figure comme un de ces mannequins qui avaient aussi leur rôle dans les représentations dramatiques des mystères (Fr. Lenormant, Rech. arch. à Éleusis, p. 187). Hécate, du reste, avait ses propres mystères, dont on attribuait la fondation à Orphée, ce qui semble indiquer une communauté d’origine entre ces mystères et ceux de Bacchus, dont la fondation est également attribuée, à Orphée. Un bas-relief, où M. Gerhard (St. r., II, 2, p. 253), voit le, chien d’Hécate dans un chien voulant saisir des raisins que tient une âme (Psyché), est la seule trace qu’on ait signalé à Rome des mystères d’Hécate. Hécate, du reste, pour les Orphiques, se confondait avec Proserpine.

[242] Palais Rospigtiosi. Bartoli, Admiranda Romæ. (Pl. 53-4. Müller, Att., II, 108.)

[243] Selon les Orphiques, Mercure et les fleures étaient parmi les divinités qui escortèrent le retour de Proserpine. (Orphiques, hymne XLIII, 7. Gerh., Gr. Myth., I, p. 467.)

[244] Bas-relief à Saint-Jean-de-Latran (Garracci, pl. 29). Ce bas-relief se retrouve pour ainsi dire décomposé : au Vatican d’une part, l’arbre, le serpent, l’aigle et le lièvre (M. P. Cl., 211), et de l’autre l’enfant qui boit, dont on a fait un petit satyre. (Gal. des Candélabres, 245.)

[245] Sur un autel du Capitole qui n’a rien de funèbre sont représentées la naissance et l’enfance de Jupiter selon le mythe crétois. Sur un bas-relief du palais Albani, avec Cybèle sont aussi le pin et la ciste mystique ; ceci montre le rapport des mystères crétois avec les mystères de Bacchus, comme le bas-relief de Saint-Jean-de-Latran où paraissent un satyre, être bachique, et une nymphe dont la tête est couronnée de lierre.

[246] Cap., Gr. salle. M. P. Cl. 489. Ceux-ci n’ont pas de glaives pour frapper sur leurs boucliers et par ce bruit empêcher qu’on entende les vagissements du petit Jupiter. On peut donc les rapporter au culte de Cybèle.

[247] Sur deux cippes (M. P. Cl., 442). Un satyre qui tient dans une main une couronne de lierre et dans l’autre un thyrse, deux symboles bachiques, dansant entre deux Corybantes, atteste aussi les rapports des mystères de Bacchus avec ceux de Cybèle (Gal. des Candélabres, 231). Les mystères de Samothrace auraient, selon M. Gerhard, fourni le sujet d’un bas-relief dont j’ai parlé. (St. r., II, 2, p. 259.)

[248] Hérodote (II, 71) nomme les mystères d’Orphée avec ceux de Pythagore. Il y avait aussi quelques rapports entre les premiers et les mystères d’Éleusis.

[249] Dans un fragment de bas relief, à la villa Panfili, une panthère, animal bachique, est près d’Orphée jouant de la lyre.

[250] Les aventures de Psyché pouvaient aussi être célébrées dans les mystères de l’Amour, à Thespies. Οί Έρωτος όργεασταί xαί μύοται. (Plut., Erotic.)

[251] Doctrine égyptienne, enseignée par d’innombrables peintures qui couvrent les murs et les plafonds des tombeaux égyptiens et dont quelques indices seulement se montrent sur les sarcophages romains, par exemple dans le zodiaque enveloppant le portrait du mort, dans le voisinage du Cancer et de la Lune. Visconti, M. P. Cl., IV, pl. 16, p. 32. M. Chiar., 130, bas-relief mystérieux, dit l’explication italienne, qui du reste l’interprète très mal. Selon M. Gerhard (St. r., II, 2, p. 47), c’est la Lune qui, d’après une doctrine orphique et conservée par Plutarque, confie au Soleil une des âmes errantes dans l’espace. Le Soleil tient un fouet à la main, pour montrer qu’il est leur guide. Bacchus, identifié dans les mystères au Soleil, était appelé celui qui conduit le chœur des astres. (Sophocle, Antigone, 1147.)

[252] Gal. des Candélabres, 117. M. Gerhard (St. r., II, 2, p. 254), rejette cette explication. L’idée de l’âme humaine passant dans un corps d’animal était plus certainement indiquée par une peinture du tombeau des Nasons, où l’on voyait un porc en compagnie d’un âne et d’un mulet buvant l’eau du Léthé. L’âme en tombant dans la vie animale perd le souvenir de son origine céleste.

[253] Villa Albani. Zoega, B. ril., pl. 81, p. 170-3.

[254] Erneung ünd Wiedergeburt. (Gerh., Gr. Myth., I, p. 28.)

... Iterum patrio nascentem sanguine Bacchum

dit Manilius en s’en référant à Hésiode.

[255] En grec Έλευτερεύς, Libérateur, (Gerh., Gr. Myth., I, p. 400.)

[256] Servius, Æn., IV, 58.

[257] A Rome, bas-relief Casali, selon Visconti. M. P. Cl. V, Tav. d’Agg. c. St. r., III, 1, p. 680. Peut-être est-ce le sujet véritable de plusieurs bas-reliefs où l’on crut voir le triomphe de Bacchus et d’Ariane.

[258] Villa Borghèse, VIII, 20.

[259] M. Chiar., 110. Gal. des Candélabres, 218.

[260] M. Capit., S. du Gladiateur, 16.

[261] Offrande d’une colombe à Vénus (M. Chiar., 272. Gerh., Gr. Myth., I, p. 165).

[262] Dans les rituels égyptiens, le mort porte ainsi son âme, figurée par l’oiseau à tête humaine ; sur la main d’une statue (Villa Borghèse, péristyle) on aperçoit des traces d’un papillon, d’une âme, que le mort tenait ainsi.

[263] Comme le papillon, certainement l’âme, est menacé par le serpent sur le bas-relief d’Endymion.

[264] Gal. des Candélabres, 209, 213.

[265] M. Chiar., 651.

[266] Gal. des Candélabres, 226. Dans la salle Lapidaire, sur un sarcophage, un enfant tient un oiseau à la main, l’autre est à ses pieds.

[267] M. Chiar., 13.

[268] Ovide, Fastes, III, 773.

[269] Bas-relief d’un sarcophage du Capitole (galerie), très semblable à un autre bas-relief où la naissance de Bacchus est. figurée sur la tombe d’une petite fille morte à l’âge de quatre ans (Müller, Att., II, 402). Une bacchanale d’enfants (M. P. Cl., 73), dans laquelle l’un d’eux représente grotesquement l’ivresse du Bacchus des sarcophages, était destiné à orner la tombe d’un enfant, car le visage du petit Bacchus n’est que dégrossi, ce qui fait voir qu’il devait offrir le portrait du mort. Le bas-relief de la naissance de Bacchus (M. P. Cl., 493) nie semble pas avoir fait partie d’un sarcophage, mais la présence de Proserpine et de Cérès me porte à penser qu’il a eu une destination funéraire ; il ornait sans doute l’intérieur ou l’extérieur d’un tombeau.

[270] Au Louvre ; au Vatican (M. P Cl., 397) est un Bacchus couché et à peu près dans la même attitude, mais il est seul.

[271] La peinture que fait Strabon (VIII, p. 468) du cortége bachique composé de silènes, de satyres, de bacchantes, de nymphes, etc., semble la description d’un de nos bas-reliefs ; la fête des Ascolies, où l’on dansait sur des outres, est souvent répétée sur les sarcophages ; à Rome, elle remontait à Romulus.

[272] Images de ces fêtes athéniennes où, à l’imitation des cérémonies du culte bachique, on se déguisait en Silènes et en Bacchus (Lob., Aglaoph., p. 173-4).

[273] Cortile du Belvédère. La danse faisait partie de l’institution des mystères (Luc., Salt., 15) ; les chants et la musique en faisaient aussi partie. Parmi les instruments dont on joue dans les bacchanales est la musette des ptiferari.

[274] Chars traînés par des panthères, des tigres, des lions, animaux bachiques, comme le bouc, la chèvre, lasciva capella : quatre têtes de chèvres aux anales d’un cippe orné de lierre, plante bachique (Gal. des Candélabres, 11). La ciste des mystères est placée sur une peau de chèvre près d’une statue de Bacchus (Ibid., 1 A).

[275] Le lion est l’animal consacré surtout à Cybèle, mais on découvre souvent entre Bacchus et. Cybèle une alliance de culte et de mystères. Bacchus s’était changé en lion pour combattre les géants (Horace, Carmina, II, 19, 23).

[276] Le rapport de cet animal bachique avec les idées funéraires est manifeste là où il est associé au génie de la mort qui tient renversé son flambeau éteint.

[277] C’est toujours un coq qui est immolé sur les bas-reliefs bachiques.

[278] M. Cap., salle des Empereurs. Une bacchante est assise sur un bouc. Des génies bachiques sont traînés par des boucs.

[279] Dans les bas-reliefs et les groupes qui montrent Bacchus, un génie bachique (Vill. Albani, S. du b. rel. grec), ou Silène jouant arec une panthère apprivoisée, qu’ils semblent quelquefois menacer.

[280] M. Chiar, 46. Il est traîné par un centaure et une centauresse (Sal. des Candélabres, 173.)

[281] Les centaures participent au symbolisme des tombeaux ; Virgile les a placés à la garde du royaume des morts (Æn., VI, 286) Sur un bas-relief du Vatican (Gal. des Candélabres,173), ils conduisent Bacchus à ses noces mystiques avec Ariane et sont entourés de symboles bachiques. Ailleurs, deux génies attristés brillent un papillon entre un centaure et une centauresse. Celle-ci qui tient le thyrse bachique fléchit un genou, signe de la mort. Une centauresse allaite son enfant, expression de la vie.

[282] Les centaures sont bachiques ; ils portent le thyrse (Gal. des Candélabres, 173). Leur fameux combat contre les Lapithes avait été amené par l’ivresse. Dans un des deux bas-reliefs du Vatican (M. P. Cl., 513), les Lapithes sont remplacés par des satyres suivants de Bacchus.

[283] M. P. Cl., 172.

[284] Ibid., 28. St. R., II, 2, p. 133.

[285] Lob., Agl., p. 657. Bacchus lui-même s’était appelé Kissos, ce qui veut dire lierre.

[286] Lyd., de Mens., V.

[287] Servius, Géorgiques, II, 389. La purification se faisait aussi par l’eau (Servius, Æn., VI, 740), mais celle-ci n’est indiquée sur les bas-reliefs que par quelques figures tenant un vase qu’on peut comparer aux Loutrophores. En revanche, les Œnophores y paraissent souvent portant le vin dans une outre ou un vase qui en a été rempli. Plusieurs statues d’Œnophore, celles surtout qui semblent marcher avec vivacité, peuvent avoir été détachées pour ainsi dire des bas-reliefs bachiques, ou plutôt ceux-ci peuvent les avoir empruntés au type célèbre de Praxitèle.

[288] Bacchus portait un flambeau dans les mystères (Claud., Rapt. pros.).

[289] Sur un bas-relief du Vatican, par exception, l’idée de la mort a prévalu, et Silène tient son flambeau renversé. C’est ainsi que le pavot, symbole du sommeil, était consacré à Bacchus, tant l’immortalité avait peine à se faire jour dans les idées des anciens sur la mort.

[290] Le feu désigne aussi la purification qui s’opérait par lui dans les mystères. Virgile dit dans le sixième livre de l’Énéide (742), où il y a beaucoup de la doctrine des mystères (740-51) :

Infectum eluitur scelus aut exuritur igni.

Dans ce passage l’enfer est un purgatoire.

[291] Pausanias, I, 30, 2.

[292] M. P. Cl., 37. Gerh., St. R., II, 2. p. 137.

[293] Par le vin, la coupe, le cratère, le canthare que tiennent Bacchus, Silène ou des satyres placés près d’un mort, ils peuvent indiquer l’initiation.

[294] M. P. Cl., 27. Ce beau bas-relief n’est pas funèbre, mais il est bachique. Des satyres et une satyresse cueillant le raisin et le pressant (Sall. Lap.) ; même opération exécutée par des satyres (M. Chiar., 180). Sur une urne funèbre, avec Bacchus et Ariane. Vases bachiques ; un grand vase de la villa Albani (premier étage, première salle) offre des sujets analogues à ceux des sarcophages et en confirme le sens sacré ; il était probablement employé aux lustrations dans un temple de Bacchus.

[295] M. Chiar., 7, 292. Avec une demi-figure de Bacchus (Gal. des Candélabres, 271).

[296] On les voit aussi avec le Bon Pasteur (M. de Saint-Jean-de-Latran) (Gar., pl. 49), et sur un sarcophage chrétien avec la croix (Saint-Laurent).

[297] Escalier du palais Mattei. Le raisin dévoré, cet emblème de la mort, est mis en rapport avec Bacchus par un tigre, animal qui lui est consacré, décorant des raisins (M. Chiar., 180), ce qui n’est pas plus naturel, et par conséquent est aussi évidemment symbolique pour le tigre que pour le lapin.

[298] Visconti, M. P. Cl., IV, pl. 25. Müller, Arch. Att., II, 671.

[299] M. Chiar., 173.

[300] Façade du palais Rospigliosi.

[301] M. P. Cl., 1173. Les données bachiques des bas-reliefs ont été reproduites par des statues ; nous l’ayons vil pour l’Ariane du Vatican, pour les Centaures du Capitole. Il en est je crois de même du charmant groupe de l’Amour et Psyché. Ces statues sont, antérieures à nos bas-reliefs, mais ceux-ci ont pu avoir pour originaux des bas-reliefs plus anciens, et ce serait même une preuve qu’ils en ont eus ; d’autre part des statues et des groupes célèbres ont été transportés dans les bas-reliefs funèbres comme ici le Bacchus de Praxitèle s’appuyant sur un satyre.

[302] M. Cap., s. des Empereurs, Bacchanale. S. des Candélabres, 154, et dans une foule de bas-reliefs. Le serpent au bras d’une figure funèbre couchée sur un tombeau (M. P. Cl., 73) est un signe d’immortalité et en même temps un signe d’initiation ; c’est la raison du serpent ou du bracelet en forme de serpent placé autour du bras d’Ariane endormie.

[303] Bas-relief du triomphe de Bacchus. (Cortile du Belvédère.) Deux hermès de Pan à Saint-Jean-de-Latran.

[304] Un génie dévoilant Silène ivre indique les révélations de l’ivresse sacrée (Müller, Arch., p. 610).

[305] Comme celui du Vatican (M. P. Cl., 73). On voit, par exemple deux enfants sur un char traîné par des boucs et figurant Bacchus et Ariane (M. Chiar., 60).

[306] M. Cap., galerie.

[307] Bacchus s’appelait Lamptèr, lanterne. Une lanterne est aussi tenue par un des petits génies qui escortent un Bacchus enfant atteint par l’ivresse (M. P. Cl., 73) et dans lesquels M. Gerhard (St. R., II, 2, p. 946) voit des âmes d’initiés ramenées à leur demeure céleste, ce qui me semble une interprétation d’un orphisme un peu outré.

[308] M. P. Cl., 76. M. Cap. (S. des Empereurs). Ici Bacchus est enfant ; un autre enfant, un thyrse à la main, est sur un char dont les chevaux sont abattus ; un vieillard l’empêche de tomber : n’est-ce pas une âme d’initié que la mort va précipiter dans, la foule des ombres et dont une puissance supérieure arrête la chute.

[309] M. P. Cl., 75.

[310] Euripide, Bach., 15 et suiv.

[311] Dans un temple de Bacchus d’Athènes était représenté le châtiment de Lycurgue (Pausanias, I, 20, 5).

[312] M. P. Cl., 514. M. Chiar., 180. Sur le premier de ces bas-reliefs est le génie de la mort tenant le pavot du sommeil et la coupe de l’oubli ; menace d’anéantissement qu’Ariane et Bacchus semblent conjurer.

[313] Salle Lapidaire, cippe funèbre.

[314] Cortile du Belvédère.

[315] Couvercle du sarcophage de la villa Casati. (St. R., III, 1, p. 683.)

[316] Combat symbolique de Pan et de l’Amour qui se voit ailleurs.

[317] M. P. Cl., 261.

[318] Gal. des Candélabres, 173. Avec un sérieux sombre, dit M. Gerhard p. 262. D’autres détails, mais secondaires, ont au contraire un caractère lascif. Ce mélange de sérieux et de sensuel se montre chez les anciens dans tout ce qui est mythologique. Relief de la villa Albani où Zoega a vu, du reste sans raison suffisante, dans l’Ariane que les satyres dévoilent un hermaphrodite. (St. R., III, 2, p. 484.)

[319] Deux bas-reliefs au palais Mattei, l’un dans la seconde cour, l’autre dans l’escalier.

[320] Musée de Saint-Jean-de-Latran, Gar., 33. Ce qui fait bien voir l’analogie des deux sujets, c’est que le sommeil d’Endymion a été aussi placé en regard de celui de Thétis (St. R., n, 2, p. 6-7. Winckelmann, M. in., II, p. 135.)

[321] Ce qui achève de démontrer qu’Ariane est bien l’âme, c’est que sur un bas-relief en ivoire (Müller, Att., II, 700) elle est remplacée par Psyché et Bacchus par l’Amour, dans une composition à cela prés exactement semblable à celle des bas-reliefs où Bacchus dévoile Ariane. Une femme morte couchée (Vill. Borghèse, VI, 6) est supposée transformée en Ariane, car elle semble dormir sur un rocher.

[322] M. P. Cl., 37.

[323] M. P. Cl., 514.

[324] Sur le sarcophage de la cour du Belvédère, cour du palais Mattei, un fragment de bas-relief (M. Chiar., 501) laisse voir Bacchus qui fait monter avec lui Ariane sur son char de triomphe, si cette Ariane n’est pas une Bacchante de son escorte, comme le veut M. Gerhard. (St. R., II, 2, p. 70.)

[325] Pausanias, n, 31, 2 ; 37, 5. Apollodore, III, 5, 3. Sujet traité plusieurs fois sur les vases ; cité à Rome, mais douteux. Peut-être Sémélé derrière le char de Bacchus (M. P. Cl., 76) et dans son char (bas-relief de la cour du belvédère (St. R., II, 2, p. 130). Visconti explique par le retour de Sémélé le bas-relief de la villa Casali. (St. R., III, 2, p. 680.)

[326] M. Chiar., 596 et ailleurs. Le fragment (ibid., 131) n’a nul rapport avec ce sujet. (Gerh., St. R., II, 2, p. 48.)

[327] Le rideau dans le fond semble indiquer les mystères. Avant Visconti, on donnait ridiculement à ces bas-reliefs le nom de Festin de Trimalcion. Ce n’est pas dans Pétrone que les anciens allaient chercher des sujets de bas-relief pour les tombeaux.

[328] M. Chiar., 180 et ailleurs.

[329] Sabasius est le nom d’une divinité orientale assimilée à Bacchus et au Soleil. On le disait déchiré par les Titans, comme Zagreus, avec lequel il paraît avoir été confondu. Il était un fils de Cabiros (Gerh., Gr. Myth., p. 475) élevé par Cybèle et que Strabon (X, p. 470) appelle son enfant ; or l’idole des sarcophages n’a rien d’un enfant. Le sacrifice fait à cette idole est de la part des sectateurs de Bacchus un hommage aux cultes de Samothrace et de Cybèle. Elle porte à la main le tympanon phrygien avec des clochettes, origine évidente du tambour de basque.

[330] Vénus Libitina conduisant devant Pluton le génie d’une morte (M, P. Cl., 6) et non pas Psyché, qui n’a rien à faire ici, selon Gerhard (St. R., II, 2, p, 122). Selon lui aussi, Vénus Libitina a toujours des attributs bachiques. (Gerh., A. Denckm., p. 242.)

[331] Gerh., Gr. Myth., I, p. 501.

[332] Cortile du Belvédère. Bacchus avec son épouse Libera, au milieu des quatre Saisons. L’Été et l’Automne, deux masques bachiques (M. Chiar., 96). Le génie de l’automne avec un lièvre (saison de la chasse) et des fruits ; à ses pieds le tigre de Bacchus. (M. Chiar., 215.)

[333] Vill. Albani, dans le jardin.

[334] Vill. Albani. L’Amour et Psyché sur un fragment de bas-relief où est représenté le triomphe de Bacchus et qui est orné de masques bachiques (St. R., III, 2, p. 462). Sur un même sarcophage, l’Amour et Psyché, Silène qui porte le petit Bacchus. (Gal. Lap.)

[335] Buste du Vatican (S. Géogr.). Selon Müller, un buste de Bacchus (Müller, Att., II, 386), selon Visconti un dieu du Sommeil.

[336] Tritons à forme de satyres marins, de centaures marins, animaux bachiques devenus des animaux de la mer, lions marins, boucs marins, panthères marines (pal. Corsini 1ère salle), taureaux marins (palais Colonna), Bacchus Hébou avait la forme d’un taureau à tête humaine ; les néréides, bacchantes des flots, dans la poésie orphique. (Müller, Arch., p. 653.)

[337] Euripide, Ion., 1080 et suiv.

[338] M. P. Cl., 455. Hercule et Bacchus réunis sur un même bas-relief (ibid., 79). Vill. Albani. Grand vase qu’on croit avoir été placé dans un temple de Bacchus (St. R., III, 2, p. 559) ; tout autour sont des personnages bachiques, parmi lesquels se trouve Hercule.

[339] M. P. Cl., 471. Naissance d’Hercule sur un tombeau.

[340] Sur un cippe (M. Chiar., 750), Hercule avec la coupe, des deux côtés un satyre et un Pan qui joue des cymbales, personnages bachiques ; ce sont des satyres qui soutiennent Hercule atteint par l’ivresse (Vill. Albani), comme ils soutiennent Bacchus dans la même circonstance.

[341] Le grand vase de la villa Albani on sont figurés les travaux d’Hercule peut avoir été destiné à contenir l’eau lustrale.

[342] Héraclidès Ponticus, Alleg. (Visconti, M. P. Cl., IV, p. 88.) Villa Borghèse, salle des Hercules.

[343] Villa Borghèse, salle des Hercules.

[344] Selon un poète de l’Anthologie, l’âme de Platon avait été portée au ciel par un aigle, comme celles des empereurs, qui, en général, méritaient, moins que Platon d’aller au ciel.

[345] Vill. Borghèse, II, 5. 12. Les trois divinités du Capitole représentées sur un des deux sarcophages montrent qu’il s’agit d’un personnage romain ; elles ont près d’elles les Dioscures, dieux sauveurs qui paraissent ailleurs près des divinités du Capitole avec la Fortune et Minerve Pacifère, de manière à former un olympe romain ; l’on y voit le char du Soleil (M P. Cl., 428-150) ; à la villa Borghèse (S. II, 12), on voit aussi le char de la Lune, ce qui, comme nous le savons par les bas-reliefs d’Endymion, indique la vie nocturne des âmes après la vie au soleil, la vie actuelle. La même forme d’apothéose (M. Cap., s. des Phil.) ; on a voulu que le personnage qui apporte l’âme fût Mercure ; mais Mercure se trouve déjà dans le bas-relief ; le monument de la villa Borghèse prouve que ce personnage est Hercule.

[346] Escalier du palais des Conservateurs au Capitole.

[347] Nuovo Bracc., 59.

[348] Vers d’Orphée cités par Macrobe. (Saturnales, I, 18. Lob., Aglaoph., p. 460-98,1097-8).

[349] M. Chiar., 250. Un Apollon au pied d’un pin autour duquel s’enroule un serpent et pendent des cymbales, ce qui se rapporte au culte de Bacchus. Sur le rapport d’Apollon et de Bacchus, à propos d’une inscription en l’honneur d’un prêtre d’Apollon trouvée à Éleusis, voyez Fr. Lenormant, Recherches à Éleusis, p. 254 et suiv.

[350] Par exemple (M. P. Cl., 27) où un sujet bachique est accompagné de thyrses et de griphons.

[351] Masques d’Ammon sur plusieurs sarcophages et cippes funèbres ; hermès double d’Ammon et de Bacchus(M. Chiar., 523). Dans une sculpture gréco-égyptienne, au-dessous d’une figure d’Ammon, sont deux centaures, êtres inconnus à la mythologie de l’Égypte et toujours en rapport avec Bacchus sur les monuments funèbres romains. (Jardin du palais Barberini.)

[352] Amour couronnant un hermès de Bacchus. (Pal. Colonna). L’Amour embrassant Silène (Vill. Albani).

[353] Gal. des Candélabres, III. Un pin, arbre consacré à Bacchus, s’élève près d’un édicule devant lequel on offre un sacrifice à l’Amour (Villa Borghèse, I. 8).

[354] Le dualisme d’Éros et Anteros se rattachait encore aux mystères par son origine orphique et par leur association avec Cérès. (Gerh., Gr. Myth., I, p. 463-9.)

[355] Gr. Myth., I, p. 500. Pan intervient souvent dans les bas-reliefs des sarcophages et me semble y jouer un rôle plus élevé : il dévoile Ariane aux regards de Bacchus. M. Gerhard (Gr. Myth., I, p. 532) convient qu’il s’élève parfois au rôle de maître du tout. C’est ce rôle supérieur qu’indique le pedum, signe d’autorité, et la flûte aux sept tuyaux, emblème de l’harmonie des sept planètes, de l’harmonie des mondes.

[356] Bas-relief où est écrit en grec : teletè, le nom de l’initiation (Ann. 1837, 2e part., p. 117, I, p. 131 et suiv.). Scènes d’initiation. (Müller, Att., II, 605-11.)

[357] Orgies hideuses, mais où l’on retrouve quelques traits des mystères grecs qu’importèrent alors en les travestissant une femme grecque de Campanie et un prêtre étrusque : par exemple, les flambeaux plongés dans l’eau sans s’éteindre.

[358] Cérès Thermophoros. (Gerh., Gr. Myth., II, p. 289.)

[359] Deux sarcophages de la villa Aldobrandini ; dans l’un un homme vêtu de la nébride, dans l’autre un enfant qui porte sur la tête une pomme de pin. Les enfants étaient initiés aux mystères ; il en était de même des femmes, témoin l’épouse de Plutarque ; dans un columbarium, une femme est assise près de la ciste mystique et tient un serpent.

[360] M. Capit., S. des Phil. Deux figures nues qu’un satyre conduit vers une chapelle, un hermès de Priape avec un thyrse, l’Amour et Psyché, une femme qui contemple un masque, forment en effet un ensemble étrange, certainement symbolique, et qui peut désigner une initiation. mais rien ne le prouve. On en doit dire autant d’un autre bas-relief (pal. Matt., 2e cour). Un homme est assis au bas d’une espèce de théâtre, deux génies tenant des flambeaux, soulèvent un rideau ; aux deux côtés sont Némésis et Bacchus.