L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

DEUXIÈME PARTIE — LA RÉPUBLIQUE

XIII — L’ART CHEZ LES ROMAINS.

 

 

En nous transportant par la pensée dans la Rome antique, nous nous sommes vus environnés des marbres, des bronzes, des peintures de la Grèce. Pour ma part, après avoir retrouvé le lieu d’exposition de tous les chefs-d’œuvre et les avoir mis à leur véritable place, je me sens ébloui en présence de tant de merveilles. Si, en traversant les salles du Vatican, on est comme fasciné par l’antiquité, que devaient éprouver les Romains quand Rome était devenue elle-même un grand musée où l’on rencontrait à chaque pas les prodiges de l’art grec ? Aussi le peuple romain, tout grossier qu’il était naturellement, ce peuple barbare à l’endroit des arts, ainsi que nous autres visiteurs de Rome le sommes d’abord, fit comme nous : il subit le charme, il apprit à voir, à admirer ; il finit par s’initier à l’intelligence du beau ; ses artistes copièrent les produits de l’art grec qu’ils avaient devant les yeux, ou s’essayèrent à en imiter l’esprit. Dès qu’il eût été mis, par la conquête, en contact avec la Grèce, l’art romain fut presque entièrement grec.

Mais l’art à Rome fut-il purement grec ? L’imitation de l’Étrurie et l’originalité du génie national y revendiquent-elles une certaine part qu’il s’agit de déterminer ? Les monuments vont répondre, et la foule de ceux qui ont disparu de Rome, mais qu’elle a possédés, et ceux trop rares, quoique bien nombreux, qu’elle possède encore.

J’ai tenté de refaire par les monuments l’histoire de cette ville extraordinaire ; à plus forte raison dois-je chercher dans les monuments l’histoire de l’art chez les Romains qui est une partie de l’histoire romaine.

Avant que la Grèce vint à Rome, l’Étrurie y était venue. Rome n’avait pas attendu la Grèce pour avoir des murs, des maisons, des temples, des peintures, des statues ; elle avait appris des Étrusques, nous le savons déjà, à bâtir ses murailles, à disposer l’intérieur de ses maisons[1] ; à construire ses temples, à en peindre les murailles[2], à sculpter le bois[3], à mouler l’argile[4], à fondre le bronze[5]. Sur le Capitole, édifices et statues étaient étrusques. A Rome, tout fut étrusque dans les édifices, selon Varron[6], jusqu’au jour où deux Grecs vinrent décorer d’ornements en terre cuite et de peintures le temple de Cérès. Ce temple était de la seconde moitié du troisième siècle de Rome ; mais, et c’est ce qu’on n’a pas assez remarqué, bien que Vitruve le dise positivement, ce temple était construit dans le style étrusque[7], et rien ne prouve que les ornements fussent contemporains de la fondation du temple. Je crois donc pouvoir transporter à une date plus récente l’introduction de l’art grec à Rome. Cette date ne doit pas être antérieure à l’époque où, après avoir soumis les Samnites, les Romains commencèrent à se trouver en rapport avec les villes grecques de l’Italie méridionale, c’est-à-dire à la fin du cinquième siècle ; jusque-là, tout ce qui se fit à Rome dut être fait d’après les Étrusques. Les statues en bronze dont parlent les anciens, celles des rois, celles de Clélie, d’Horatius Coclès, de Camille, si elles dataient du temps où vécurent les personnages qu’elles représentaient, ce qui est peu vraisemblable[8], durent être de style étrusque. On en a une preuve encore aujourd’hui visible dans le bas-relief de Curtius[9], qui semble copié d’un vase étrusque d’ancien style et dans la louve de bronze du Capitole, le premier monument où l’on puisse reconnaître à la fois et l’influence d’un art étranger, et l’empreinte du caractère romain.

C’est d’après le style de l’Étrurie que nous devons nous figurer les peintures dont un Fabius, auquel l’exercice de cet art fit donner le surnom de pictor et qui appartenait à la race Sabine, très anciennement en relation avec les Étrusques, décora sur le Quirinal le temple de la déesse Sabine Salus[10].

‘fous les temples qui furent élevés avant la prise de Syracuse devaient être également de style étrusque et l’on peut supposer que le style grec se montra pour la première Ibis dans le double temple érigé à l’Honneur et à la Vertu par Marcellus et qu’il avait rempli des dépouilles de la première grande ville grecque tombée au pouvoir des Romains[11].

L’art de peintre exercé par un Fabius fait voir que l’art n’était pas alors à Rome plus qu’en Grèce, une chose servile[12] ; il ne le devint que plus tard, quand il y eût été exercé par des affranchis et des esclaves, et ne le fut même jamais complètement. Lorsque Paul-Émile perdit ses fils, il faisait venir de Grèce un peintre qui était en même temps un philosophe, Métrodore, pour leur enseigner son art. Plus tard, le jeune Pédius, cohéritier de César, et qui était muet, fut destiné à la peinture, ce qu’Octave approuva beaucoup[13]. Pline parle d’un chevalier romain, artiste habile et qui peignait de la main gauche. Sous l’empire, un vieil amateur, ancien proconsul des Gaules, faisait de mauvais petits tableaux qui le rendaient ridicule[14], mais seulement parce qu’ils étaient mauvais.

La construction des murs de Rome, qui datent du temps des rois, est étrusque, et ce mode de construction, on le voit par le Tabularium[15], le tombeau de Cæcilia Metella et l’aqueduc de Claude, a été encore employé à la fin de la république et sous les empereurs. L’emploi de la brique lui-même peut très bien provenir d’un peuple qui excellait dans le maniement de l’argile. Vitruve, parmi les plus anciennes murailles de briques, cite celle d’Arezzo, en Étrurie[16] ; les tours qui défendaient les murs de Rome, et dont quelques-unes subsistent encore, pouvaient être, ainsi que les murs, d’origine étrusque[17] ; mais les Étrusques n’avaient pas plus inventé les tours que les murailles des villes ; les unes et les autres, comme le montrent les ruines des cités pélasgiques[18], remontaient aux Pélasges.

Durant les derniers siècles de la république, tous les monuments de Rome furent grecs ; aussi le petit nombre de débris qui en restent sont-ils remarquables par leur pureté. Alors l’architecture à Rome était aux mains d’artistes grecs ou disciples des Grecs : les Romains n’en savaient pas encore assez pour la gâter.

Si nous voulons nous figurer ce qu’était Rome pendant les trois derniers siècles de la république, il nous faut la couvrir par l’imagination de petits temples dont chacun est daté par une victoire, dont la matière est rude, c’est le grossier pépérin, et l’architecture très fine ; ce contraste, qui nous a frappés en présence du sarcophage de Scipion Barbatus, frappe aussi dans les fines moulures des tombeaux en pépérin de la voie Appienne. Quand on connaît la place qu’occupaient ces temples et qu’on s’est formé une idée de leur architecture par ce qui subsiste encore de plusieurs, on arrive à se représenter vivement l’aspect monumental de Rome libre ; une fois qu’on l’a ainsi retrouvée, on s’y transporte volontiers, on s’y réfugie avec plaisir contre le spectacle ; moins satisfaisant pour les yeux, bien qu’admirable encore mais triste au cœur, de Rome esclave. Un pilastre du Tabularium, du tombeau de Bibulus, un morceau de l’entablement d’un des trois petits temples du marché aux Herbes[19], suffisent pour donner le sentiment de cette architecture imprégnée d’élégance grecque et de simplicité républicaine. Ces qualités se montrent encore dans les monuments de l’âge d’Auguste[20] avec quelque dureté[21] et une élégance un peu recherchée[22] qui va bientôt s’effaçant sous la roideur et la surcharge dans la magnificence de plus en plus ornée et de moins en moins correcte de l’architecture impériale.

Il y a un style romain, mais on ne peut pas dire qu’il a existé un art romain. Quand ils ont eu une architecture à eux, les Romains n’en ont point créé les éléments, qu’ils empruntaient à l’architecture grecque, ils les ont seulement modifiés, altérés trop souvent, combinés quelquefois d’une manière nouvelle pour satisfaire des besoins qui leur étaient propres. Ils n’ont créé que deux genres d’architecture : l’amphithéâtre, qui suppose les gladiateurs, et l’arc de triomphe, qui suppose le triomphe. Or, le triomphe, comme le gladiateur, est exclusivement romain. Mais ils ont imprimé aux divers genres de monuments adoptés par eux le caractère de leur génie et le sceau de leur grandeur.

Le cirque fut construit par les rois étrusques ; il ne différait de l’hippodrome grec que par quelques particularités. Peut-être moins vaste d’abord que celui d’Olympie, il finit par le surpasser en étendue et en magnificence ; sa longueur était d’un tiers plus considérable[23]. Cependant l’hippodrome d’Olympie était pour toute la Grèce, le grand cirque pour Rome seule ; mais Rome c’était le monde.

Dans l’hippodrome d’Olympie, Pausanias ne mentionne que quelques autels, et encore sont-ils placés en dehors de l’enceinte destinée aux courses[24]. Le cirque avait un autre aspect avec ses temples, son Euripe, sa statue de Cybèle assise sur un lion, sa statue de la Victoire placée sur une poutre[25] qu’Auguste remplaça par l’obélisque, aujourd’hui ornement de la place du Peuple, en regard duquel devait venir se placer, au temps de l’empereur chrétien Constance, celui de saint Jean de Latran, le plus grand et le plus beau des obélisques connus. On ne voit pas non plus que l’hippodrome d’Olympie eût à son entrée ces tours qui donnaient au cirque romain un aspect guerrier et qu’on appelait le fort, oppidum. Du reste, la disposition générale de l’hippodrome d’Olympie et du grand cirque de Rome étaient fort semblables ; l’hippodrome, comme le cirque, était partagé dans sa longueur ; à l’extrémité de cette division qui correspondait à la Spina, du côté de l’entrée était un dauphin en bronze qu’on abaissait quand la course commençait. Dans les bas-reliefs romains qui représentent les courses du cirque, on voit sur une édicule sept dauphins ; on en faisait disparaître un au commencement de chaque tour des chars.

Il ne subsiste presque rien du grand cirque. Un autre cirque, moins ancien et beaucoup moins considérable, niais très conservé, celui de Maxence, nous rend l’aspect du grand cirque, qui lui était fort semblable, aux dimensions près. La disposition des carceres s’y reconnaît aisément[26], et elle est curieuse[27] : on nommait ainsi les écuries placées é l’entrée du cirque d’où les chars s’élançaient pour disputer le prix[28]. Une corde placée en avant des carceres retenait les chars jusqu’au moment où le signal du départ était donné, exactement pareille, à la corde qui retient les chevaux prêts à partir de la place du Peuple durant les courses du carnaval. ceux des chars faisaient sans doute les mêmes efforts pour se précipiter avant l’heure marquée. Sur une mosaïque de Lyon, on voit un char renversé au moment du départ, ce qui arrive souvent aujourd’hui aux chevaux trop pressés qu’on s’efforce en vain de contenir. Il y avait aussi dans l’ancienne Rome, comme à Olympie, des courses de chevaux les uns montés par des cavaliers, les autres libres comme les barberi du Corso. Quelquefois les cavaliers, en courant, sautaient d’un cheval sur l’autre. Ce genre de course, qui figure sur des bas-reliefs, est déjà dans Homère[29].

La passion des Romains était surtout pour les courses des chars. De cette passion semble vraiment provenir celle de leurs descendants, dont le plus grand plaisir est de se faire traîner dans une caratelle avec toute la rapidité possible.

Une foule de bas-reliefs, dont plusieurs au Vatican, nous montrent les courses du cirque dans tous leurs détails et avec tous leurs accidents. On y voit la Spina, les édicules portant les dauphins, les œufs, en même nombre que les dauphins, et qui étaient destinés à indiquer par leur disparition la fin de chaque tour de char[30]. Les œufs ne paraissent point à Olympie. La forme conique des metæ, qui rappelle le monument étrusque d’Albano et ce que dit Pline de la tombe de Porsena, doit avoir une origine étrusque[31]. On remarque aussi des objets semés sous les pas des chevaux et qui sont bien vraisemblablement des obstacles. Sur ces bas-reliefs sont indiqués aussi des temples, ornements du cirque à Rome, les statues de Cybèle et de la Victoire ; un magistrat donne, avec le linge appelé mappa, le signal des courses. Souvent ce sont de petits génies, des Amours qui se livrent aux jeux du cirque[32] ou qui sont traînés par des animaux, des cerfs, des boucs, des sangliers, espèce de parodie des courses[33] qui rappelle certains caprices de la Rome impériale.

A Olympie, près de l’hippodrome destiné aux courses de chevaux et de chars, était le stade destiné aux courses à pied ; il avait en longueur six cents pieds grecs, mesure qui passait pour être celle du pied d’Hercule, comme notre pied de roi celle du pied de Charlemagne. Dans cet espace, réduit d’un sixième, les jeunes filles se disputaient le prix de la vitesse. Elles couraient les cheveux tombants, en courte tunique, l’épaule droite découverte[34]. C’est à peu près le costume d’une statue du Vatican déjà citée. Les courses de char sont dans Homère ; l’hippodromos est une plaine ; au terme de la course est un tronc d’arbre, et à ses deux côtés sont deux pierres blanches[35]. Ces pierres, auxquelles on conserva leur nom, qui voulait dire terme, furent l’origine des metæ (terme, extrémité), quoique dans les cirques elles ne fussent plus le but de la course qui se terminait là où elle avait commencé.

Bien que les théâtres romains aient surpassé les théâtres grecs en éclat et en grandeur, comme le reconnaît Pausanias[36], le théâtre est grec ; il n’y eut de théâtre à Rome que lorsque la Grèce y eut pénétré. Mummius, qui y apporta les chefs-d’œuvre de Corinthe, y aurait introduit les jeux de la scène grecque selon Tacite[37] ; mais une plus ancienne représentation donnée dans le cirque est décrite par Polybe comme très ridicule[38]. On ne connut pas d’abord de théâtre en pierre avec des gradins en pierre pour s’asseoir[39] ; quand cette innovation voulut se produire[40], elle échoua contre la résistance du sénat qui tenait à ce que les spectateurs fussent debout, dans la crainte qu’ils ne donnassent tout leur temps à la scène[41]. Caton appelait le théâtre une volupté grecque. Le premier théâtre en pierre fut celui de Pompée, et, pour cette raison, fut nommé Lapideum[42].

Un contemporain de Pompée devait dépenser, pour l’érection d’un théâtre, des sommes énormes et y étaler un luxe prodigieux. M. Emilius Scaurus, de cette famille Æmilia qui fit tant pour l’embellissement de Rome, construisit un théâtre temporaire d’une extrême magnificence ; il avait trois étages, comme le théâtre de Marcellus, comme le grand cirque et comme le Colisée. Le premier était en marbre, le second de verre, c’est-à-dire revêtu d’une mosaïque vitreuse, le troisième, où se trouvaient, comme chez nous, les places les moins recherchées, en bois doré. Ce théâtre, qui pouvait contenir quatre-vingt mille spectateurs, était orné de trois cent soixante colonnes, de trois mille statues[43] ; et tout cela ne devait durer qu’un mois ! Cette prodigalité est un signe éclatant de la décadence des mœurs romaines, au moment où, par suite de cette décadence, la république s’acheminait vers l’empire. Scaurus était beau-fils de Sylla, Sylla était dictateur perpétuel, c’est-à-dire souverain absolu de Rome. Son beau-fils tranchait du prince ; pour construire son théâtre, Scaurus s’était rendu coupable de malversations et de violences ; il en fut plusieurs fois accusé, mais toujours scandaleusement acquitté, et, c’est là le plus grand scandale, Cicéron le défendit. Le théâtre était à Rome un grand moyen de séduction électorale, d’autres que Scaurus l’employèrent. Murena couvrit la scène d’argent[44] : on en faisait contre lui un motif d’accusation. Cicéron essaya de le justifier en disant que le théâtre était les comices de la multitude[45] ; c’était trop vrai.

On voit que l’histoire du théâtre est liée à l’histoire politique de Rome : le peuple y exerçait une sorte de censure ; il applaudissait ou sifflait les acteurs politiques, qui, au sein de la curie ou à la tribune, avaient parlé dans un sens ou dans un autre ; nous le savons par les lettres de Cicéron ; il raconte à Atticus que les spectateurs faisaient répéter aux acteurs les allusions contre Pompée ; les plus modérés, dit-il, ont appris à siffler[46].

La distribution des places aux théâtres marque, par les changements qu’elle subit, des changements plus essentiels survenus dans l’État. Scipion l’Africain voulut qu’une place à part fût réservée aux sénateurs[47] ; le grand aristocrate réclamait, comme on devait l’attendre de lui, cette marque d’honneur pour les représentants de l’aristocratie patricienne qui déclinait. Quand une aristocratie nouvelle se fut formée, celle de la richesse, celle des financiers, qu’on appela les chevaliers, une loi pareille fut portée par un tribun pour les chevaliers[48], et Cicéron, qui eut toujours fort à cœur les intérêts de l’ordre d’où il était sorti, exalta les mérites de cette loi (Pro Mur., 16).

Un détail des mœurs théâtrales nous est conservé par un bas-relief[49] ; on y voit ceux qui apportent des rafraîchissements aux spectateurs, comme on le faisait à Athènes où, dans les intervalles entre les représentations dramatiques, circulaient du vin et des gâteaux[50].

S’il ne reste pas assez du théâtre de Marcellus, construit par Auguste et le seul des trois théâtres de Home dont elle conserve un grand débris, pour nous former par lui une idée de la scène, nous pouvons, sans aller bien loin, le compléter par le petit théâtre de Tusculum, dont la scène est presque intacte[51].

Quant aux personnages dramatiques, nous pouvons les replacer sur cette scène qu’il nous est loisible d’agrandir par la pensée. Les personnages tragiques sont rares ; cependant on en voit quelques-uns en scène avec le costume majestueux de la tragédie dans la mosaïque de la salle des Muses, au Vatican ; le cothurne, leur chaussure, nous est montré au pied de Melpomène, et des masques tragiques nous donnent l’idée de cette tragédie antique, si différente de la nôtre, qui remplaçait la mobilité expressive du visage par la beauté immobile des traits ; leur bouche toujours ouverte, en renflant le son, permettait à la mélopée dramatique d’arriver aux oreilles de quatre-vingt mille spectateurs.

Mais si les personnages et les masques tragiques sont en petit nombre[52], les personnages et les masques comiques sont très nombreux, et cela nous apprend combien sous l’empire, époque à laquelle appartiennent ces vestiges de la scène, le sérieux à Rome était devenu rare et peu goûté au théâtre comme dans la vie.

On a cru reconnaître cependant sur un bas-relief un acteur auquel un poète tragique fait répéter son rôle[53], mais les nombreux acteurs dont on rencontre les statues sont toujours des acteurs comiques et souvent des acteurs grotesques. Par là nous avons une idée de quelques-uns des types de la comédie latine et de la comédie gréco-romaine, du Maccus des farces osques, tout à fait semblable au polichinelle napolitain[54], du satyre faisant des contorsions[55] et du Papposilène au corps velu.

Les acteurs comiques sont souvent représentés[56], et comme nous l’avons vu dans tel ou tel rôle, quelquefois tenant à la main le rouleau rotulus, d’où est venu ce mot rôle, dont ils offrent aux yeux l’étymologie pour ainsi dire visible[57], ou ayant un masque sur le visage[58].

Des statues de femmes[59] nous révèlent la grâce de ces danses de théâtre si voluptueusement variées dans les peintures de Pompéi[60].

Des tragédies et des comédies furent jouées à Rome bien avant qu’il y existât un théâtre en pierre[61] ; car, sans parler des atellanes, les représentations dramatiques faisaient partie des jeux mégalésiens établis avant la fin du sixième siècle[62]. Ces jeux se célébraient sur le Palatin, près du temple de Cybèle[63]. Plusieurs pièces de Térence, l’Andrienne, l’Eunuque, l’Heautontimorumenos, furent représentées pendant ces jeux, et nous savons d’une pièce de Plaute qu’elle le fut pendant les jeux plébéiens (Le Stichus). Ceux-ci avaient lieu dans le cirque plébéien, le cirque Flaminien. Térence, l’ami des Scipions et de Lélius, était joué sur le mont aristocratique, le Palatin, aux fêtes de Cybèle, la déesse étrangère, la déesse du beau monde ami de tout ce qui venait de Grèce et d’Orient. Plaute, le comique populaire, était joué dans les fêtes plébéiennes, prés du cirque plébéien.

Si le théâtre est grec, l’amphithéâtre est romain, comme les jeux sanglants qu’il était destiné à offrir aux regards furent romains. Ce n’est pas que les combats d’hommes armés aient été entièrement étrangers au monde grec : un duel de deux héros, mais seulement jusqu’au premier sang, figure parmi les divertissements funèbres qui accompagnent dans l’Iliade les funérailles de Patrocle[64]. Les Étrusques de Campanie, qui donnèrent à. Rome les gladiateurs, pouvaient devoir cette coutume, comme beaucoup d’autres choses, à la Grèce antique[65] ; mais dans les temps historiques on ne les trouve établis chez aucun peuple grec, et quand les Romains en introduisirent et quelquefois en imposèrent l’usage, des protestations s’élevèrent et l’on s’écria dans Athènes que si une telle barbarie était tolérée, il faudrait renverser les autels élevés à la Miséricorde. Antiochus Épiphane donne des combats de gladiateurs en Sicile pour célébrer le triomphe de Paul-Émile et faire sa cour aux Romains[66].

L’amphithéâtre est romain, mais c’est dans un monument d’origine grecque qu’il faut chercher la sienne. En effet, l’amphithéâtre se compose de deux théâtres, les deux demi-cercles formant le cercle ou plutôt l’ovale entier, et nous savons positivement que c’est ainsi que fut fabriqué le premier amphithéâtre[67]. Curion, celui qu’achetèrent les millions de César, voulut réunir dans le même lieu les plaisirs de l’art et les plaisirs du sang ; il imagina de faire construire deux théâtres en bois tournant sur des pivots. Quand ces deux théâtres étaient dos à dos, on pouvait donner à la fois deux représentations différentes, une pour chaque moitié du public ; en les retournant et les disposant face à face, on formait par leur réunion ce qu’on appela un théâtre circulaire, un amphithéâtre : après avoir vu jouer des acteurs, on voyait des gladiateurs s’égorger. L’un de ces deux plaisirs était préféré de beaucoup par les Romains[68] ; Térence se plaint, dans le prologue de l’Hécyre, que le public ait cessé d’écouler sa pièce après le premier acte, parce que l’on avait annoncé des gladiateurs[69] ; aussitôt le peuple se précipite en foule, on se dispute les places...

J’ai dit que les combats de gladiateurs précédèrent à Rome l’établissement des amphithéâtres. Ces combats eurent lieu d’abord dans le marché aux Bœufs et dans le grand marché, le forum. Selon l’usage des villes d’Italie, pour célébrer des funérailles illustres[70] ; au-dessus des boutiques du Forum étaient des balcons (mæniana), d’où l’on pouvait voir les jeux. On dressait aussi à cet effet des échafaudages en planches pareils à ceux qu’on établit le long du Corso pendant le carnaval. César donna aux Romains un amphithéâtre, mais il était encore en bois[71], et couvert d’un velarium. Le premier amphithéâtre en pierre date du règne d’Auguste[72] ; il n’y eut jamais à Rome que cet amphithéâtre et le grand amphithéâtre des Flaviens, le Colisée[73].

L’amphithéâtre n’étant qu’un théâtre doublé n’introduisit nul élément nouveau dans l’architecture. Romain par sa destination, il resta grec sous le rapport de l’art par son plan et sa décoration. O. Müller fait remarquer que les amphithéâtres, bien que sans modèles en Grèce, ont été construits dans le goût simple et grandiose de l’architecture grecque.

L’idée de faire combattre des hommes contre des animaux[74] ou de les leur livrer pour les voir déchirer par des bêtes féroces était sans précédent dans l’histoire de l’Occident, quand les Romains s’en avisèrent. Pour trouver quelque chose de pareil, il faudrait l’aller chercher dans les annales de la cruauté des despotes d’Orient et jusqu’en Cochinchine. Mais cet usage abominable n’atteignit toute son horreur que sous l’empire. Dans l’origine, ce furent des exhibitions d’animaux étrangers qu’on montrait aux Romains comme un trophée de plus des conquêtes lointaines. Puis on eut l’idée de leur faire donner la chasse devant lui, de là le nom de chasses (venationes) donné à ces combats qui finirent par être ces repas d’hommes servis à des bêtes féroces, si dégoûtants dans l’histoire des empereurs et rendus si sublimes par l’intrépidité des martyrs.

Dès la fin de la république, qui, il faut le reconnaître, annonce trop par ses corruptions la dépravation de l’empire, les combats contre les animaux avaient un caractère d’atrocité qui révoltait l’âme humaine de Cicéron. Cicéron, malgré son humanité, était Romain, et il approuvait les combats de gladiateurs comme une énergique discipline qui fortifiait contre la douleur et la mort ; mais quel plaisir peut-on trouver, s’écriait-il, à voir un homme faible déchiré par une bête très forte, ou un noble animal transpercé par un javelot[75] ?

Les chasses commencèrent à Rome après la guerre contre les Étoliens[76]. Sylla, qui faisait aussi la chasse aux proscrits, montra aux Romains des lions qui furent tués à coups de flèches par des Numides[77], et Claudius Pulcher[78] des éléphants. Scaurus[79] fit voir cent cinquante panthères d’Afrique, peut-être fut-ce une simple exhibition dans son théâtre, car on ne dit pas qu’elles aient été mises à mort. Pompée, le premier, fit écraser des criminels par des éléphants[80]. Pompée n’était pas naturellement sanguinaire, mais il avait été à l’école de Sylla.

Pompée et César, qui se disputaient le peuple romain, rivalisèrent pour lui complaire en luxe de carnage. Pompée, pour la dédicace du temple de Vénus victorieuse, qui couronnait les gradins de son théâtre, fit paraître, probablement dans ce théâtre même, six cents lions[81], et César quatre cents, mais il ne voulut pas être surpassé : le premier en tout ; c’était sa devise. Il fit combattre des hommes et des animaux dans son amphithéâtre[82] ; il donna cinq jours de combat contre les animaux[83] dans le grand cirque, autour duquel, toujours humain et soigneux de la multitude, il fit creuser l’Euripe, nom d’un canal qui mettait les spectateurs à l’abri de tout danger. On vit pour la première fois des girafes à Rome : pour charmer le peuple romain d’alors et le préparer à livrer sa liberté, lui montrer des girafes n’était pas un mauvais moyen.

Heureusement on n’a plus la chance de voir à Rome les hommes et les bêtes s’égorger, et les massacres de l’amphithéâtre ont été réduits à d’innocentes luttes contre des taureaux très inoffensifs, et qui même n’ont plus lieu, dans le mausolée d’Auguste ; mais les statues, les bas-reliefs et les mosaïques nous rendent, sans autre horreur que celle du souvenir, le spectacle de ces plaisirs sauvages. Des groupes sculptés montrent des animaux qui se déchirent entre eux, et un d’eux nous fait voir un gladiateur renversé sous un tigre qu’il poignarde[84]. Nous avons sous les yeux des scènes choisies dans ces tragédies de l’amphithéâtre : ici, c’est un lion qui dévore un cheval[85], le lion mord bien et pour un amateur de ces représentations sanguinaires l’agonie du cheval devait avoir de l’intérêt. Le tigre en mosaïque conservé dans l’église de Saint-Antoine, patron des animaux, est, selon toute apparente, le portrait d’un acteur renommé. Pourquoi les tigres n’auraient-ils pas eu leurs portraits à Rome, les gladiateurs, qui n’étaient pas beaucoup moins féroces que les tigres, nous l’allons voir, gavaient bien les leurs.

Sur un bas-relief provenant du palais Orsini[86] est représenté vivement un combat d’hommes et d’animaux. Le palais Orsini est bâti sur le théâtre de Marcellus ; ce bas-relief, trouvé probablement dans les ruines du théâtre, en rappelait la dédicace célébrée par le meurtre de six cents animaux[87] égorgés pour l’avènement du despotisme, avec une plus noble victime, la liberté. Pour la première fois, on y vit un tigre apprivoisé[88] ; était-ce un emblème du peuple romain, choisi par Auguste ?

Du reste, le bas-relief était à sa place dans un théâtre, car les théâtres romains, où l’on jouait des traductions de Sophocle et d’Euripide, voyaient aussi jouer ces drames brutaux[89] ; les gladiateurs, dont ceux qui conspirèrent la mort de César s’étaient assurés le concours, ne pouvaient, sans donner d’ombrage se rassembler au théâtre de Pompée, voisin de la curie de Pompée, où le sénat tenait séance, que parce qu’ils devaient paraître dans les jeux célébrés alors sur ce théâtre.

D’autres représentations figurées nous font connaître les différents personnages de ces horribles scènes, qui avaient chacun leur costume et leur rôle : le rétiaire, avec son trident et son filet, le secutor, qui suivait le rétiaire pour achever son ennemi quand le trident ne l’avait pas dépêché, le mirmillon avec son poignard, l’hoplomaque avec son armure, et qu’en dérision des guerriers du Samnium, à l’armure desquels elle ressemblait sans doute, on appelait le Samnite, le cavalier[90], qui combattait à cheval comme le picador, sauf que le picador n’a pas le droit de se défendre, n’est là que pour être renversé de cheval et quelquefois, je l’ai vu, écrasé.

Une mosaïque fort curieuse nous offre et les combats des gladiateurs entre eux et leurs luttes avec les animaux féroces[91]. Cette mosaïque est d’un dessin aussi barbare que les scènes représentées ; tout est en harmonie, le sujet et le tableau. Le sentiment de répulsion qu’inspire la cruauté romaine n’en est que plus complet ; celle-ci n’est point adoucie par l’art et parait dans toute sa laideur.

On voit les gladiateurs se poursuivre, s’attaquer, se massacrer, couverts d’armures qui ressemblent à celle des chevaliers : vous diriez une odieuse parodie du moyen âge. Dans le corps de l’un des combattants un glaive est enfoncé. Des cadavres sont gisants parmi des flaques de sang ; à côté d’eux est le θ fatal, initiale du mot grec θάνxτος, la mort, à laquelle leur juge impitoyable, le peuple, les a condamnés ; du grec partout. Le maître excite ses élèves en leur montrant le fouet et la palme ; les vainqueurs élèvent leurs épées, et sans doute la foule applaudit. Ils ont un air de triomphe ; ce sont des acteurs renommés. Auprès de chacun son nom est écrit ; ces noms sont barbares ou étranges : l’un s’appelle Buccibus, un autre Cupidon, un autre Licentiosus, avis effronté aux dames romaines. Les bustes de gladiateurs qui figurent dans une mosaïque de Saint-Jean-de-Latran sont aussi des portraits. On avait soin, quand on devait donner une représentation, d’indiquer les noms des sujets qui devaient y figurer dans le libellus publié à l’avance, comme on met ceux des acteurs sur l’affiche. Là se voient aussi des combats d’hommes et de bêles féroces ; enfin quelques-uns de ces animaux rares qui paraissant dans le cirque, amusaient la curiosité romaine entre deux égorgements. Parmi eux on remarque une autruche[92], qui rappelle un des plus mémorables exploits de Commode dans l’amphithéâtre. Un taureau furieux ou une vache furieuse, comme celle à laquelle fut livrée sainte Félicité, complètent le spectacle des divertissements de l’arène. Les combats de l’amphithéâtre espagnol viennent en droite ligne de l’amphithéâtre romain. Des cavaliers thessaliens poursuivaient le taureau, et le mot course désigne en Espagne les combats de taureaux. Sur une tombe de Pompéi[93], un homme présente un morceau d’étoffe à une bête féroce qui s’élance sur lui. Ce moyen de tromper le taureau, sans lequel le matador serait infailliblement tué, fut donc connu à Rome. Un autre homme sans armes n’a pour éviter deux bêtes furieuses que son agilité à la course, comme les chulos quand, dans leur élégant costume à la Figaro, ils fuient avec tant de grâce devant le taureau qui les poursuit.

Les mosaïques de la villa Borghèse peuvent avoir eu pour origine des peintures plus anciennes, car de telles peintures existaient à Rome. C. Terentius Lucanus, qui avait fait combattre trente paires de gladiateurs dans le Forum, fit peindre ce combat et exposa le tableau dans le bois sacré du temple de Diane[94], probablement la Diane Nemorensis d’Aricie, qui était la Diane sanguinaire de la Tauride.

Des portraits de gladiateurs nous ont été conservés par d’autres mosaïques tirées des thermes de Caracalla, d’où je les ai vu sortir de terre il y a trente-huit ans et qu’on a placés dans le musée de Saint-Jean-de-Latran ; celles-ci, mieux exécutées, achèvent dans notre esprit l’idée de ces êtres abjects et féroces : toutes les ligures sont épaisses, vulgaires, bestiales ; des épaules énormes, des bras massifs, un regard de brute, une face d’animal stupide et méchant, tels étaient les monstres qu’il l’allait former avec soin et en grand nombre, car la consommation était considérable, pour amuser les Romains ; on les formait dans des écoles qui s’appelaient des jeux, ludi[95], comme toutes les autres, tarit l’étude était chose peu sérieuse aux yeux des premiers Romains. Une école considérable de gladiateurs[96] était sur le mont Cælius. Dans une inscription trouvée prés du Colisée, est mentionné le nom d’un médecin de l’établissement. L’aimable Atticus achetait usa jeu de gladiateurs, et Cicéron lui faisait compliment de leur succès[97].

Les gladiateurs de la mosaïque de Saint-Jean de Latran ont reçu la forte alimentation qu’on donnait à leurs pareils[98] ; ils ont bien cet air de résolution brutale que devaient avoir ceux qui prononçaient ce féroce serment que nous a conservé Pétrone[99] : Nous jurons d’obéir à notre maître Eumolpe, qu’il nous ordonne de nous laisser brûler, enchaîner, frapper, tuer par le fer ou autrement ; et comme vrais gladiateurs, nous dévouons à notre maître nos corps et nos vies.

Après le gladiateur romain voulez-vous voir l’athlète grec[100] ? Allez au Vatican le contempler d’après Lysippe. Oui, c’est bien un athlète dans la plénitude de la force et de la beauté ; mais en même temps c’est une créature intelligente et libre : les athlètes n’étaient point des esclaves, des condamnés ou des mercenaires vendant leur vie à l’amusement de la foule ; c’étaient des citoyens libres, quelquefois des guerriers illustres[101] : leurs exercices n’avaient d’autre but que de développer la force du corps et d’en déployer la grâce[102] ; leur gloire, qui intéressait toute la Grèce, était chantée par Pindare. On a pris des athlètes pour des Apollons ou des Ptolémées ; on n’aurait certes pas pris les gladiateurs des mosaïques pour des dieux ou pour des rois. Une extrême élégance caractérise un bas-relief de travail grec où paraissent trois athlètes dont les noms sont grecs[103]. Sur un autre, deux athlètes se heurtent de front, tandis qu’un vase rempli de poussière gît à leurs pieds ; c’est la lutte. Ailleurs c’est le pancratium, dont faisaient partie la lutte et le pugilat[104]. Ces deux exercices sont en effet combinés dans un bas-relief un athlète dirige vers son adversaire un coup de poing savant, en poussant le bras en avant selon les règles du pugilat anglais, tandis que son rival, en lutteur exercé, s’apprête à le jeter à terre par un croc eu jambe.

Deux petits pugilistes qui se menacent très gracieusement du ceste[105], font penser aux combats d’enfants usités en Grèce[106] ; de là vient, en partie du moins, la substitution de génies enfants à des personnages adultes sur plusieurs bas-reliefs qui représentent des courses de chars ou de chevaux et d’autres jeux athlétiques.

Les statues et les bas-reliefs qui se rapportent aux athlètes ont, en général, une origine grecque. Que ne trouvons-nous aussi à Rome avec certitude quelques-unes des nombreuses statues élevées en Grèce à des athlètes vainqueurs, et les athlètes de deux peintres grecs, Protogène et Antidotus[107], qui aimaient à les représenter, comme le faisait aussi une classe de sculpteurs grecs dont plusieurs sont cités par Pline.

Au sixième siècle de Rome, les athlètes, que sous les rois on allait chercher en Étrurie, furent amenés de Grèce à Rome par Fulvius Nobilior, qui aimait la Grèce[108]. Sylla[109] apporta comme un butin, pour orner son triomphe, des coureurs d’Olympie. Scaurus fil figurer des athlètes sur son théâtre, dont il inaugurait la magnificence passagère par toutes sortes de divertissements[110]. César, qui ne voulait rien laisser faire aux autres qu’il ne le fit lui-même, célébra, dans un stade construit en bois au milieu du Champ de Mars, des jeux athlétiques durant trois jours[111].

A Rome, le pugilat participa de la férocité romaine et devint un combat à mort ; il s’en faut de peu que la boxe anglaise, féroce elle aussi, n’aille jusque-là.

L’amphithéâtre, monument bien romain par sa destination romaine, étant formé de deux théâtres juxtaposés, l’architecture n’eut pas à innover beaucoup dans sa construction ; aussi se composa-t-il des mêmes éléments. Les trois ordres grecs, dorien, ionique, corinthien, qui décoraient le théâtre de Marcellus, et dont deux sont encore visibles, décorent également le Colisée.

Il en fut de même d’un autre genre de monument qui appartient bien aussi aux Romains et qu’il leur est plus glorieux de revendiquer, l’arc de triomphe.

L’arc de triomphe n’est pas grec, d’abord parce que c’est un arc, c’est-à-dire une voûte, et que la voûte n’est point venue aux Romains des Grecs qui en firent peu d’usage, mais des Étrusques qui l’inventèrent avant les Grecs et l’employèrent souvent. De plus, le triomphe était une pompe, et je dirai presque une institution romaine.

Tous les arcs conservés à Rome sont du temps de l’empire, ce qui, pour moi, leur ôte beaucoup de leur intérêt ; mais cette classe de monuments existait déjà sous la république ; on les voit commencer avec Scipion l’Africain, grand homme et médiocre citoyen dont, nous l’avons dit, la superbe toujours révoltée contre les lois présageait de loin le pouvoir légalement supérieur aux lois des empereurs. Au dernier siècle de la république (634), un arc de triomphe fut élevé dans le Forum, là où l’on y entrait de la voie Sacrée, à un Fabius, vainqueur des Allobroges, les aïeux de nos concitoyens de Savoie.

Nous pouvons juger des arcs de triomphe de la république par ceux de l’empire ; dans ces monuments, sauf la voûte, tout est emprunté à l’architecture grecque, les colonnes, l’entablement, mais traité à la romaine ; on ménage sur celui-ci une large place à l’inscription qui va toujours prenant plus de développement et occupant un plus grand espace à mesure qu’elle s’éloigne de la simplicité républicaine remplacée par l’emphase impériale.

La pompe du triomphe elle-même est reproduite

j sur les arcs de triomphe, comme on peut le voir à l’arc de Titus et par les bas-reliefs détachés des arcs de Claude et de Marc-Aurèle[112] ; divers autres bas-reliefs[113] nous offrent le spectacle des pompes triomphales. A ceux qui représentent le triomphe mythologique de Bacchus sur les Indiens, parfois on a donné avec une intention évidente le caractère du triomphe romain[114].

Les arcs de triomphe avaient pour décoration des trophées semblables à ceux qui ornent la place du Capitole ; on en voit sur les bas-reliefs. Au Vatican se voit, ce qui est plus rare, un trophée maritime prés d’une Victoire, qui est peut-être le portrait de la victoire d’Actium[115].

La basilique, bien que son nom soit grec[116], est un monument romain. C’était un tribunal dans l’origine, surtout un tribunal de commerce et un peu une Bourse. Le commerce n’était pas assez estimé pour que les procès commerciaux fussent jugés par le préteur dont le siège domina longtemps le Comitium patricien, où les gens d’affaires ne pouvaient avoir accès. Au sixième siècle cependant, leur importance était devenue assez grande pour que l’on érigeât un monument spécial destiné à les recevoir et à prononcer sur leurs différents, et ce fut un Romain de la vieille roche, mais d’un caractère très positif, très pratique, très ami du gain, ce fut Caton le Censeur qui fit construire la première basilique.

La basilique qui a donné son nom aux églises chrétiennes bâties sur son modèle, se composait de trois ou de cinq nefs divisées par des rangs de colonnes et aboutissant au tribunal, placé dans un hémicycle ou abside. Pour cette raison, la partie correspondante des basiliques chrétiennes où était le siège de l’évêque s’est appelée la tribune.

Des deux côtés de la basilique s’élevaient, au-dessus des portiques latéraux, des portiques supérieurs dont les colonnes avaient une moindre hauteur. Cette disposition ne peut s’étudier dans aucune des trois basiliques païennes[117] dont Rome présente les débris ou les vestiges, mais seulement dans quelques basiliques chrétiennes où elle a été reproduite[118]. Du reste, déjà dans la religion païenne le temple était fort analogue à la basilique, sauf le portique supérieur, qui en général n’y existait point. Pourtant, dans le temple de Minerve, à Tégée, dont Scopas avait été l’architecte, au-dessus des colonnes doriques s’élevaient des colonnes corinthiennes[119]. On voit que si les basiliques ont fourni un modèle à des églises, elles ont pu avoir un temple pour modèle. Les temples servaient quelquefois au même usage que les basiliques[120].

Les anciennes curies romaines furent dans l’origine analogues au prytanée grec, un lieu de sacrifices et de festins en commun. La curie Hostilia[121] fut ce qu’était pour les Grecs le Bouletèrion, salle du conseil[122].

Aux basiliques et aux curies était joint parfois un portique qu’on appelait d’un nom grec chalcidicum[123] ; il y en avait un près de la curia Julia, bâtie par Auguste[124].

Ces diverses classes de monuments, théâtres, amphithéâtres, arcs de triomphe, basiliques, curies, les uns grecs, les autres romains d’origine, étaient composés d’éléments empruntés primitivement à la Grèce ; on y employait les ordres grecs, le dorique, l’ionique, le corinthien, mais ces ordres y furent plus ou moins modifiés ou altérés par le génie et le goût romains.

Cette altération n’est pas très sensible dans le petit nombre des monuments de la république dont il reste quelque chose[125] ; ceux-là étaient presque purement grecs. Les architectes étaient des Grecs ou des disciples dociles des Grecs ; les Romains n’en savaient pas encore assez pour oser être eux-mêmes, et à cette ignorance timide les monuments gagnaient sinon en originalité, en pureté. Cette pureté alla se corrompant à mesure que la brutalité romaine l’emporta sur la délicatesse grecque ; mais alors les Romains, en mettant leurs défauts dans l’architecture, y mirent leurs qualités propres ; ils remplacèrent l’élégance par la grandeur et la pureté. parla force.

Les ordres sont d’invention grecque. On attribuait à Chersiphron la création de l’ordre ionique, et celle de l’ordre corinthien à Callimaque. L’ordre dorique, le premier en date, tel que le montrent sous sa forme la plus ancienne le temple de Corinthe et les temples grecs de Pœstum, l’ordre dorique, qui existait en Égypte deux mille ans avant Périclès[126], semble avoir été le premier employé à Rome[127]. Il y paraît dans les premiers siècles de la république ; il ne se continue sous l’empire qu’associé à l’ionique et au corinthien ; à Rome, il se transforme un peu : le chapiteau perd sa simplicité primitive[128], la colonne a une base[129] que dans son principe la colonne dorique grecque n’avait point.

Si je voulais donner une définition visible de la grâce je dirais : Regardez la volute grecque, celle par exemple des colonnes ioniques de l’Érechthéum d’Athènes. Les volutes romaines sont moins gracieuses et moins développées. Presque toujours les Grecs infléchissaient la ligne horizontale qui les réunit ; cela n’a jamais lieu dans l’ionique romain ; à cette charmante ondulation, les Romains substituent constamment la ligne droite, leur ligne.

L’ordre corinthien, le plus riche, le plus fleuri des trois, nous est connu surtout par sa transformation romaine ; dans les spécimens grecs assez rares qui en ont été conservés, il a plus de sobriété et de naturel[130], les feuilles du chapiteau imitent plus naïvement la nature. A Rome, elles sont d’une exubérance splendide, mais le convenu dans la disposition générale et la sécheresse dans les détails s’y font souvent sentir.

L’ordre corinthien envahit surtout l’architecture de l’empire, mais il ne fut pas étranger à la république[131] ; dans quelques monuments romains de cette époque, il se montre à nous plus prés du goût grec. Les conditions imposées à l’ornementation par l’origine même de l’architecture, la construction en bois, furent méconnues par les Romains, qui faussèrent ainsi le sens de ces ornements en les détournant de leur étymologie[132].

Les Romains confondirent[133] les trois ordres d’architecture que les Grecs en général séparaient soigneusement, mais qu’ils mêlèrent[134] aussi parfois. Ce que les Romains inventèrent ne fut ni très original ni très heureux ; l’ordre toscan ne fut qu’un dorique imparfait et le composite un mélange bâtard de l’ionique et du corinthien. Sauf ces différences et quelques autres, l’architecture romaine n’offre bien souvent qu’une reproduction de l’architecture grecque ; même les colonnes surmontées par des statues, comme les colonnes Trajane et Antonine, existaient en Grèce[135], et Varron construisit dans sa villa, pour loger ses oiseaux, un édifice semblable à la tour des Vents, monument d’Athènes que le temps a épargné[136] et que surmontait un triton tournant sur un pivot[137], la plus ancienne girouette connue.

Mais la vraie gloire de l’architecture romaine frit dans les constructions utiles, telles qu’égouts, aqueducs, voies, ponts et marchés.

Quant aux égouts, cette architecture fut originale, non par l’idée première de ce genre de construction, il y eut de bonne heure des égouts en pays grec — on cite ceux de Syracuse et d’Agrigente — mais par la grandeur, la solidité, l’étendue qu’elle sut leur donner.

La république ne fit rien de pareil à la Cloaca Maxima, mais elle répara cet égout gigantesque, comme le prouve l’emploi du travertin qu’on y a remarqué[138].

Depuis la réédification précipitée de Rome après le départ des Gaulois, on avait bâti au-dessus des égouts, ce qui avait empêché de les entretenir et de les nettoyer. Sous la censure de Caton et de Valerius Flaccus, ils furent mis en bon état. C’était un travail considérable, car il coûta cinq millions[139]. En même temps, les censeurs affermèrent la construction de nouveaux égouts parmi lesquels Tite-Live (XXXIX, 41) nomme les égouts de l’Aventin. On avait cru les retrouver, il y a peu d’années, dans des fouilles poursuivies avec beaucoup d’activité par les PP. dominicains de Sainte-Sabine, sous la direction du P. Besson, ancien élève de l’Académie de France et qui unissait à une sainteté exemplaire ce don de la peinture naïve, si admirable chez le dominicain de Fiesole. On a constaté dans l’intérieur du mont Aventin l’existence de plusieurs étages de conduits souterrains[140] communiquant entre eux par des puits et dans lesquels ont été trouvés un vase qui contenait de l’eau antique et un robinet[141]. Mais il paraît qu’il faut renoncer à reconnaître dans les conduits de l’Aventin l’œuvre de Caton[142].

Les aqueducs, dont le nom éveille soudain l’idée de la grandeur romaine, dont les majestueux débris ravivent si puissamment l’image de cette grandeur et de sa ruine, les aqueducs nous intéressent surtout, ainsi que les autres monuments de Rome, par leur rapport avec l’histoire de Rome, par les événements auxquels se rattachent leur construction ou leurs réparations[143].

Le plus ancien des aqueducs romains, qui porta le nom du grand patricien Appius, date du milieu du cinquième siècle, quand le patricial, déjà dépouillé en grande partie de ses prérogatives, sentait le besoin de défendre par des entreprises utiles sa popularité menacée ; quand Rome, sûre de triompher de ses deux plus redoutables voisins, les Étrusques et les Samnites, sans inquiétude pour son existence, commençait à s’occuper de ce qui pouvait la rendre meilleure ; quand la république victorieuse reprenait la tradition des travaux interrompus par une lutte politique nécessaire, depuis les rois. L’aqueduc et la voie d’Appius marquent un moment d’une grande importance dans la destinée de Rome, ils sont comme une magnifique vignette entre le premier alinéa de l’histoire de la république et les suivants.

Cet aqueduc était presque tout entier souterrain, disposition qui présentait moins de difficultés et ne permettait pas à l’ennemi d’intercepter les eaux ; mais lorsque Rome ne sentit plus ses ennemis si près d’elle, elle étala ses aqueducs à la surface du sol, comme pour les défier, défi qu’acceptèrent les barbares le jour où ils vinrent couper les aqueducs.

Le second aqueduc romain, qu’on appelait l’Anio ancien, fut, comme la plupart des temples érigés sous la république, un monument de victoire. La victoire en fit les frais.

C’était le temps où Rome commençait à s’enrichir par la guerre, où Sp. Carvilius, vainqueur du Samnium, déposa dans le trésor public trois cent quatre vingt mille livres d’airain, consacra le reste du butin à ériger un temple du Hasard fortuné[144], et, avec les armures des Samnites, éleva sur le Capitole cette statue colossale de Jupiter qu’on pouvait apercevoir du mont Albain.

Celui qui amena dans la ville les eaux de l’Anio fut Manius Curius Dentatus, un vieux plébéien sabin[145] dont Pyrrhus ne put tenter l’incorruptible pauvreté, qui vainquit Pyrrhus et avec le butin fait dans cette guerre paya le prix de son aqueduc. Curius était un plébéien comme Carvilius, car le temps des. plébéiens arrivait, et, chose remarquable, l’auteur du second aqueduc[146] avait été l’adversaire politique de l’auteur du premier. Appius Claudius ayant refusé d’admettre les votes qui désignaient au consulat un plébéien, Curius obtint du sénat un décret qui ratifiait d’avance le choix du peuple quel que fut celui sur lequel il pourrait tomber[147]. Ainsi l’origine de l’aqueduc de l’Anio ancien est liée à la fois aux victoires que Rome remportait sur ses ennemis et aux grandes luttes qui mettaient aux prises ses citoyens.

La mort empêcha Curius Dentatus de voir l’achèvement de son aqueduc[148]. Il fut terminé par un Fulvius Flaccus, de race sabine[149] comme lui.

La suite de l’histoire des aqueducs caractérise les changements survenus dans la république ; à la fin du siècle suivant (le sixième), deux hommes, dont les familles jouent un grand rôle à cette époque dans la construction des monuments d’utilité publique, les £miles et les Fulvius, M. Ælius Lepidus et M. Fulvius Nobilior, pendant leur censure, qui fut elle-même si féconde en travaux de ce genre, voulurent introduire une eau nouvelle dans la ville et la l’aire passer sur des arcades, mais ils échouèrent contre l’égoïsme de M. Licinius Crassus ; celui-ci ne voulut point que l’aqueduc passât sur son terrain[150], donnant déjà un exemple de cet amour excessif de la propriété qui rendit un autre Crassus célèbre par son avarice, et les censeurs durent renoncer à leur projet. L’intérêt privé résistant à l’intérêt général et la richesse plus puissante que la censure... On est déjà bien loin des temps de Curius Dentatus.

Les abus allaient se multipliant. A une époque où les terrains consacrés au culte publie, les bois sacrés qui entouraient les temples, étaient impunément envahis par l’avidité des particuliers, il n’est pas surprenant que les particuliers se permissent de détourner à leur profit l’eau des aqueducs ; c’est ce qu’ils faisaient en effet, et de plus on laissait dépérir les aqueducs eux-mêmes[151]. Le sénat finit par s’en émouvoir et chargea le préteur Q. Martius Rex[152] de prononcer sur les usurpations qui avaient été commises, de réparer les aqueducs et d’amener de nouvelles eaux dans la ville. Martius fit en effet rentrer l’État dans ses droits, rétablit les conduits de l’eau Appia et de l’Anio, enfin en construisit lui-même un troisième qui porta son nom (Aqua Marcia)[153]. On avait pris Carthage et Corinthe, l’argent ne manquait pas à Rome, on dorait pour la première fois les lambris du Capitole[154], et le sénat accorda à Marcius une somme d’environ deux millions. Les gardiens des livres sibyllins déclarèrent que c’était l’eau de l’Anio qu’il fallait conduire au Capitole. peut-être y avaient-ils quelque intérêt ; le soupçon d’un intérêt particulier dans les décisions d’un tribunal ecclésiastique est un soupçon qui vient fatalement à Rome. Quoi qu’il en soit, la question fut débattue à deux reprises dans le sénat, mais Marcius l’emporta. Sa statue[155] fut placée sur son aqueduc, derrière le temple de Jupiter, à l’endroit où cet aqueduc atteignait le sommet du Capitole.

Marcius était allé chercher l’eau à trente-six milles de Rome, beaucoup plus loin qu’on ne l’avait fait jusqu’alors[156]. La longueur de l’aqueduc, avec les détours, était d’environ vingt lieues, dont deux et demie seulement sur des arcades, le reste sous terre. L’eau arrivait sur le Capitole, ce qui me fait croire qu’elle suivait la crête de la colline détruite depuis par Trajan et qui unissait alors le Capitole au Quirinal[157].

Quelques années après, on construisit un aqueduc de peu d’étendue, trois lieues seulement ; l’eau qu’il apportait s’appela Tepula[158]. Ce fut le dernier aqueduc de la république ; bien que la construction de l’eau Julia soit antérieure de trois ans au combat naval d’Actium, je ne puis séparer l’œuvre d’Agrippa des œuvres de l’empire et attribuer à la république ce qui s’est fait après la bataille de Philippe, car dans cette bataille la république était morte.

Rien ne donne une plus haute idée de la grandeur de Rome que les voies romaines ; ces voies, disent Strabon et Plutarque, et nous pouvons le dire aujourd’hui en contemplant leurs restes, pavent les plaines, fendent les montagnes, passent sur les torrents franchis et les vallées comblées.

Les voies étrusques servirent sans doute de modèles aux voies romaines. Ces modèles ne purent leur venir ni de Carthage, qu’à l’époque d’Appius ils ne connaissaient pas encore[159], ni de la Grèce[160], qu’alors ils ne connaissaient guère mieux et où la nature du pays, comme en ont un sentiment très vif tous ceux qui l’ont traversé, a toujours présenté et présentera toujours aux communications tant d’obstacles, étant coupé en tous sens de montagnes très rapprochées et très escarpées ; ce qui est la clef de son histoire et a produit ce morcellement d’où sont sorties une vie individuelle très féconde et des divisions perpétuelles, des guerres incessantes et longues entre des villes extrêmement voisines, comme Sparte et Messène, divisions et guerres qu’on a peine à s’expliquer quand on n’a pas éprouvé par soi-même combien il est difficile en Grèce de franchir les plus petites distances.

L’histoire des routes romaines sous la république est liée encore plus que celle des aqueducs à toutes les phases de l’histoire romaine ; l’intervention et la prédominance de tous les partis politiques y est représentée ; celle du vieux patriciat sabin par Appius, celle du plébéianisme nouveau par Flaminius. L’établissement des routes fut un moyen de popularité honnête entre les mains de Caïus Gracchus, qui voulait mériter les suffrages populaires par de vrais services[161], et un moyen de popularité coupable entre les mains de Curion, qui voulait couvrir par là l’opprobre de sa défection de la liberté et gagner la faveur de la démocratie pour la livrer à César auquel il s’était vendu.

La solidité, ce cachet du caractère et des œuvres du peuple romain, n’est nulle part plus remarquable que dans leurs voies. Nous pouvons étudier par nous-mêmes la construction de ces voies et vérifier l’exactitude des renseignements que les anciens nous ont transmis à ce sujet. Ces renseignements sont peu nombreux et ont grand besoin d’être éclaircis et complétés par ce que nous voyons. Vitruve parle peu des voies ; ce que nous avons de mieux à cet égard sont quelques vers d’un poète médiocre, Stace. Heureusement, non pas pour lui mais pour nous, Stace était un plat courtisan qui célébrait toujours avec beaucoup d’empressement tout ce que faisait de bon ou de mauvais son cher empereur Domitien. Or, Domitien ayant réparé un morceau de la voie Appienne, Stace se hâta d’emboucher la trompette. Il se répand, il est vrai, en exclamations hyperboliques qui ne nous apprennent rien : Oh ! combien de mains travaillent ensemble ! ceux-ci coupent les forêts et dépouillent les montagnes, ceux-ci avec le fer soulèvent les rochers et les poutres, ceux-ci unissent les pierres et forment le tissu de l’ouvrage au moyen du tuf et de la pouzzolane[162].

Pulvere cocto sordidoque tupho,

Mais heureusement, encore cette fois pour nous plus que pour lui, Stace avait le défaut des portes de son temps : ce goût excessif de la description minutieuse qui est le caractère de toute littérature en décadence, et dans les vers qui suivent il énumère avec beaucoup d’exactitude les procédés employés pour construire une route[163], ce qui en latin s’appelait munire viam et qui se faisait sous la république de la même manière que sous l’empire.

Le premier travail est de faire la tranchée et d’en niveler les parois, en creusant profondément la terre ; puis, après avoir rempli le fossé évidé, de placer sur le dos d’âne (fondement de la route) le gremium (c’est-à-dire un amas de cailloux brisés et mêlés de chaux), de peur que le sol ne chancelle, et ne cède quelque part, oscillant sous le poids des pavés qui seront pressés sur lui.

Stace n’oublie pas les trottoirs (umbones) qui subsistent encore en plusieurs endroits sur la voie Appienne aux portes de Rome et les pierres qui les relient et qu’il appelle des clous (gomphi).

Tunc umbonibus hinc atque hinc coactis

Et crebris iter alligare bgmpbis.

Nous savons par d’autres témoignages que ces trottoirs n’étaient point pavés comme le milieu de la route mais couverts d’un sable battu[164] qui s’appelait glarea et s’appelle encore dans le nord de l’Italie ghiarra. L’établissement des rues considérables dans l’intérieur de Rome[165] était le même que celui des voies publiques, des grandes routes ; les censeurs en affermaient de même la construction[166].

Chaque mille était marqué par une pierre. La première pierre miliaire de la voie Appienne a été trouvée en place et a montré que les milles se comptaient à partir des portes de Rome, et non du Milliarium aureum, encore debout au pied du Capitole. En Grèce, des amas de pierres, consacrés à Hermès sur les routes, indiquaient les distances[167].

Si j’écrivais l’histoire de Rome hors de Rome, beau sujet que je laisse à un plus jeune qui puisse faire pour tout l’État romain ce que j’ai fait pour une ville, je suivrais le progrès des voies romaines s’avançant avec la conquête et s’allongeant à mesure qu’elle s’étend sur le monde, on verrait la voie Appienne[168], qui s’arrêtait d’abord à Capoue, traverser ensuite toute l’Italie méridionale quand celle-ci devint romaine et conduire les légions où elle devait plus tard conduire Virgile, à Brindes, c’est-à-dire aux portes de la Grèce. La voie Valéria[169], ouverte pendant les guerres samnites pour prendre en flanc le Samnium ; la voie Flaminienne[170], tournant l’Étrurie soumise à travers l’Ombrie et se dirigeant vers le pays des Gaulois, toujours menaçants, puis partant de Rimini, sa dernière étape, pour aller, perçant-le pays gaulois, jusqu’au pied des Alpes[171] : la voie Aurélia[172], longeant l’Étrurie à l’ouest et plus tard poussée à travers toute la Ligurie durant les longues guerres liguriennes, tandis qu’entre la voie Flaminienne du côté de l’Adriatique et la voie Aurélia sur la mer tyrrhénienne, la voie Cassia[173] allait au cœur du pays étrusque, ainsi embrassé de partout et troué de part en part à son centre ; enfin la voie Domitia, œuvre d’un aïeul de Néron, ouvrant la Gaule aux conquêtes de César[174]. Écrivant l’histoire de Rome à Rome, je n’ai le droit de m’occuper que de l’origine des voies conduisant à des points assez rapprochés pour que leur but soit à ma portée, comme les voies d’Ostie, de Tibur, de la Sabine. Or, leur origine est inconnue ; ces voies existaient de tout temps, l’histoire ne dit rien de leurs commencements[175].

A Rome, on tonnait moins l’histoire des rues que des routes ; cependant nous savons qu’à la fin du sixième siècle de Rome, après une maladie contagieuse, les censeurs ordonnèrent de paver les rues[176], mesure d’assainissement sans doute, analogue à celles qu’on a prises chez nous après le choléra.

Plusieurs rues de la Rome moderne suivent bien certainement la direction d’une rue antique que nous-mêmes suivons encore aujourd’hui ; on peut se donner le plaisir de marcher le long de la voie Sacrée en compagnie d’Horace, de la quitter avec lui pour la rue Neuve, à leur embranchement, de flâner dans la rue des Étrusques, de gravir avec Martial la montée de la Subure, de gagner le sommet de l’Oppius par la rue Scélérate, auparavant la Bonne-Rue ; en longeant la rue Pie on est bien sûr d’être dans le Haut Sentier. Mais l’histoire nous apprend rarement qui a ouvert ou pavé ces rues ; elle nous l’apprend cependant quelquefois. Nous savons que deux frères, qui étaient édiles en même temps, deux Publicius, pavèrent la montée à laquelle ils donnèrent leur nom et qui sert encore à ceux qui gravissent l’Aventin pour visiter l’église de Sainte-Sabine ; nous savons qu’une rue, mise à l’entreprise par les censeurs M. Livius et C. Claudius, allait du marché aux Bœufs au temple de Vénus, en passant sur la pente de l’Aventin, le long du Cirque[177], là où maintenant il n’y a plus de rue.

Les ponts, on le pense bien, ne sont point une invention propre aux Romains : il y en avait un à Babylone[178], il y en eut en Égypte[179] et en Grèce ; mais les Romains ne paraissent pas avoir appris de la Grèce l’art de les construire[180], car leurs ponts reposaient sur des arcs voûtés, ce dont l’histoire grecque ne cite aucun exemple. Or, la voûte ne leur vient pas, je crois, des Grecs, chez lesquels elle remonte tout au plus à l’âge de Périclès[181], postérieur lui-même à la cloaca Maxima des Tarquins, et qui n’en firent pas un grand usage[182] avant l’époque alexandrine, tandis qu’elle joue un rôle. considérable dans les monuments romains depuis les premiers temps[183]. La voûte qui constitue la plus grande différence de l’architecture grecque et de, l’architecture romaine, la voûte, comme je l’ai dit, est venue aux Romains des Étrusques.

L’histoire des ponts de Rome m’appartient à double titre : ils sont dans la ville, et tous les ponts actuels, sauf peut-être une seule exception, remplacent un pont antique ou le conservent. Cette histoire est souvent curieuse. Le plus ancien de tous, le pont Sublicius, fut refait constamment toujours en bois, comme au temps où il fut coupé par Horatius Coclès, et pour l’être au besoin. Nous le retrouverons quand nous raconterons la mort de T. Gracchus. Sous l’empire, il était devenu le rendez-vous des pauvres, qui y tendaient la main aux aumônes, dit Sénèque[184], comme Juvénal, qui connaît aussi les pauvres du pont, nous peint les mendiants accompagnant les voitures à la montée de Laricia et envoyant des baisers aux voyageurs[185] ; aussi Martial, dans ses imprécations contre un poète famélique, souhaite qu’il soit exilé du pont et de la montée.

Erret in Urbem pontis exsul et clivi.

(Martial, X, 5, 3.)

Les mendiants sont encore à Rome assis sur les trottoirs des ponts et accompagnent encore les voitures aux montées avec une pantomime aussi expressive qu’au temps de Juvénat. A Rome, où ne mendie-t-on pas ? Sénèque nous apprend aussi qu’on payait[186] pour le passage des ponts.

A côté du pont Sublicius était celui que, dans leurs mémorables censures de 575, firent construire M. Fulvius Nobilior et Æmilius Lepidus, et qui, du nom de ce dernier, s’appela Æmilien[187]. Il fut achevé dans les premières années du septième siècle par Scipion Æmilien et L. Mummius, censeurs, l’un vainqueur de Carthage, l’autre de Corinthe. Scipion Æmilien continuait l’œuvre commencée par un membre de la famille Æmilia, comme s’il voulait montrer par là qu’il se souvenait d’en être sorti. Pour Mummius, il avait beaucoup à faire s’il voulait autant bâtir à home qu’il avait détruit à Corinthe.

Les abords de ce pont étaient encore plus mal famés que ceux du pont Sublicius[188]. On place le pont Æmilius là où est aujourd’hui le ponte Rotto[189], rompu et réparé souvent, mais qui avait été brisé une dernière fois quand on a eu l’idée de réunir ses deux extrémités par un pont de fer dont l’aspect sur ces débris d’un pont, qui avait succédé à celui de Scipion Æmilien, produit un singulier effet[190].

Il ne parait pas que l’île Tibérine ait été mise en communication par des ponts avec l’une et l’autre rive avant la fin du septième siècle[191] de Rome. Le premier construit l’ut, comme il était naturel, celui de la rive gauche, le plus près de Rome. Il reçut le nom de Fabricius de son auteur, L. Fabricius, curateur routes, qui en approuva la construction ou la reconstruction ; c’est ce que nous apprend une inscription qu’on lit encore sur une des arches du pont. Sur une autre arche est mentionnée une restauration faite par Q. Lepidus et M. Lollius, consuls. Q. Lepidus était peut-être le fils du triumvir[192]. Pour M. Lollius, Horace parle de son consulat avec Lepidus et dit que lui-même avait alors quarante-quatre ans. M. Lollius était célèbre par une défaite en Germanie et par son avidité selon Pline[193] et Velleius Paterculus (II, 97), celui-ci suspect, il est vrai, dans cette circonstance, à cause de son dénouement à Tibère, dont Lollius fut l’ennemi ; mais Pline mérite plus de créance. Les faits ont cruellement démenti la belle ode qu’Horace a fait à Lollius l’honneur de lui adresser[194], et où Lollius est loué peut-être avec un peu de complaisance ; car, au futur vaincu de la Germanie, le poète dit qu’à travers les cohortes ennemies il a déployé ses forces victorieuses ; à celui qui devait extorquer aux rois de l’Orient ce à quoi les Anglais donnent le nom de bribe et nous en France un nom plus vulgaire, Horace rend ce témoignage bien hardi : Tu t’abstiens de l’argent, qui attire tout à lui. Il est vrai que, lorsque Horace écrirait son ode, Lollius n’avait pas encore mérité les reproches de Pline et de Velleius Paterculus ; mais il faut avouer que le panégyriste a eu du malheur.

Terminons l’histoire de ce pont, assez piquante comme on voit, puisqu’une vieille inscription sur une vieille arche nous a conduit à surprendre, hélas ! un aimable et grand poète donnant, dans les plus beaux vers du monde, la preuve d’une assez fâcheuse illusion. Le pont Fabricius nous ramène encore à Horace, mais cette fois sans avoir lieu de l’accuser, à propos de l’allusion qu’il fait à la singulière préférence accordée au pont Fabricius par les gens qui voulaient se noyer[195].

Dans l’autre pont de l’île, celui qui communique avec la rive droite, on croit reconnaître le pont Cestius, mais sans qu’on puisse en donner de très bonnes raisons[196], à cause d’un L. Cestius qu’on suppose être le frère de ce M. Cestius dont le tombeau porte le nom de pyramide de Cestius. Laissé à Rome par César durant sa dernière expédition en Espagne, comme préfet de la ville[197], L. Cestius eut construit le pont qui s’est appelé pont de Cestius[198]. Ce serait le dernier monument de Rome libre[199].

Ce ne sont point des censeurs qui ordonnèrent l’établissement des deux derniers ponts dont je viens de parler, et par là leur construction se lie à l’histoire politique de Rome ; la censure en effet était presque entièrement abolie à la fin de la république, signe fâcheux des temps. On voulait la liberté du vice et par là on préparait la chute de la vraie liberté.

L’histoire des ponts qui avoisinent Rome est liée aussi à l’histoire romaine. Le ponte Salaro a vu le combat de Manlius Torquatus et du Gaulois ; le pont Molvius (aujourd’hui ponte Mole) date probablement du temps de l’invasion d’Annibal et doit être contemporain de la voie Flaminienne, dont il faisait partie. Il fut refait par M. Æmilius Scaurus[200], père de celui qui éleva le magnifique théâtre dont j’ai parlé et à peu près aussi corrompu que lui. Les Æmilii, après Paul-Émile, sont une race avide d’argent comme le montrent ces deux Scaurus, Lépide le triumvir et Æmilius Paulus, acheté par César, mais on trouve sans cesse leur nom attaché à des œuvres d’utilité publique.

C’est certainement à la plus belle époque de l’architecture républicaine qu’appartient le ponte di Nona[201], sur la voie Prénestine, probablement à l’époque du Tabularium, c’est-à-dire au temps de Sylla. Il est bâti en pépérin dont les blocs ont quelquefois dix ou douze pieds de longueur ; au-dessous des arches, qui ont de dix-huit à vingt-quatre pieds de hauteur, est un pont beaucoup plus petit, qui a précédé l’autre. Ce petit pont primitif était sans doute l’œuvre des habitants du lieu et leur suffisait ; mais Rome est venue ; elle a élevé le niveau du pont jusqu’au niveau de la route, à laquelle il était lié, et a laissé subsister à ses pieds son humble prédécesseur comme pour servir à mesurer sa grandeur par le contraste[202].

Le pont magnifique et intact de Cori, avec son arche de vingt-cinq pieds, jeté sur un ravin au pied duquel roule un torrent, arche a triple cintre comme celle de la Cloaca Maxima, rappelle encore ce grand travail étrusque par ses blocs énormes de tuf. Un pont romain ne peut pas être en ce lieu plus ancien que le cinquième siècle, il montre qu’au moins jusqu’à cette époque les Romains bâtissaient à la mode étrusque. Je crois qu’il faut rapporter aux Étrusques eux-mêmes les ponts taillés dans le roc, comme on en voit deux près de Véies, ville étrusque[203] et deux ponts voisins aussi de Véies qui semblent contemporains de son état primitif[204]. C’est une confirmation de l’origine étrusque que j’ai donnée au pont romain.

Le forum, le lieu romain par excellence, procède certainement de l’agora grecque, comme la piazza italienne du moyen âge procède du forum romain. Ce que désignent ces trois noms est un carré long entouré de portiques[205] soutenus par des colonnes et sous lesquels sont des boutiques servant à la fois de marché, de place publique pour les assemblées et de promenade. L’agora était, ainsi que le forum, un marché. A Athènes, il y avait un marché pour chaque chose, le poisson, les fleurs, les parfums, les oignons, les poteries, les habits neufs et vieux, les livres et les esclaves. Il y avait aussi des marchés spéciaux à Rome, et il y en a encore, c’était un progrès sur le marché commun, où les objets les plus disparates sont vendus dans le même lieu. Tel est encore le caractère du bazar oriental ; on l’observe partout où le commerce n’a pas atteint de grands développements, je l’ai rencontré dans la nouvelle Athènes et dans les villes naissantes des États-Unis ; on en trouve, sans sortir de Rome, un spécimen assez piquant sur la place Navonne, où sont exposés en vente des herbages, des vases de terre, de la ferraille et des livres. Les prêteurs et changeurs, qu’on appelait en latin argentarii et en grec trapezitai, ce qui revient à peu près à notre mot banquier[206], avaient en Grèce leur établissement dans l’agora comme dans le forum.

Mais l’agora, à la différence du forum, primitivement un marché, fut d’abord le lieu des jugements et des délibérations publiques[207], qui avaient lieu, dès le temps d’Homère[208], dans une enceinte entourée d’un mur de grosses pierres, comme le forum d’Auguste. Dès lors l’agora était ce qu’elle devint à Athènes et ce que fut le forum romain, un rendez-vous d’oisifs, que, par allusion aux statues dont elle était peuplée, autre trait de ressemblance avec le forum, l’on appela les statues de l’agora.

Ces deux emplois de l’agora furent parfois séparés, comme le voulait Aristote[209]. A Athènes, le Pnyx servit de forum politique et l’agora plus spécialement de marché. Le forum de César devait être consacré uniquement, je ne dirai pas aux délibérations politiques de l’ancien forum, César entendait bien que leur temps fût passé, mais aux jugements ; on ne devait y rien vendre et y rien acheter, sauf peut-être la ,justice.

Dans le forum romain, comme au milieu des places publiques de la Grèce, s’élevaient des colonnes honorifiques et des statues. On y plaça sur une colonne, prés des rostres, un cadran solaire[210], invention grecque, puis une horloge à eau, découverte que Ctésibius venait de faire à Alexandrie.

Les Romains n’avaient pas su approprier les cadrans grecs[211], faits pour une autre latitude, à celle de leur climat. Scipion Nasica les remplaça par une horloge à eau ; c’était la fameuse clepsydre qui limitait sagement la prolixité des avocats. Le même usage existait à Athènes, puisque nous savons qu’on y arrêtait la clepsydre pendant la lecture des pièces du procès, afin que l’orateur eût tout le bénéfice du temps qui lui était concédé. A Rome, sous la république, la loi, ce qui était humain, accordait deux heures à l’accusation et trois à la défense ; mais cela ne parut point suffisant aux orateurs de l’empire, qui se dédommageaient du silence de la tribune par la longueur des plaidoiries ; il fallut accorder davantage, et Pline le jeune nous apprend (Lettres, IV, 9) que de son temps la loi donnait six heures de parole à l’accusation et neuf à la défense.

On doit signaler aussi de grands travaux entrepris vers la fin du sixième siècle. M. Æmilius Lepidus et M. Fulvius Nobilior, ennemis politiques mais qui donnèrent une grande joie à leurs concitoyens en se réconciliant, et ne disputèrent plus que de zèle pour l’embellissement de Rome ; ils établirent un théâtre temporaire[212], bâtirent un pont et une basilique auxquels Æmilius donna son nom, et construisirent plusieurs marchés. On fit beaucoup aussi pour l’approvisionnement de la ville ; deux frères de cette gens Æmilia qui a attaché son nom à tant de monuments d’utilité publique, avaient créé un emporium[213], lieu destiné au débarquement des marchandises et où on les débarque encore aujourd’hui. Fulvius Flaccus et Aulus Posthumius élevèrent des portiques en manière de docks, les pavèrent ainsi que l’emporium lui-même et établirent un escalier allant de l’emporium au Tibre[214]. Des restes de ces constructions se voient encore adossés à l’Aventin.

De ce côté, entre l’Aventin et le Tibre, hors de la porte Trigemina, étaient divers marchés, notamment le marché aux bois[215], le marché à la farine et au pain[216], les horrea, magasins de blés. Le voisinage de ces marchés, de ces magasins et de l’emporium produisait un grand mouvement de transport et fournissait de l’occupation à beaucoup de portefaix. Plaute (Capt., I, 1, 22) fait allusion à ces porteurs de sacs de la porte Trigemina. On peut en voir encore tous les jours remplir le même office au même lieu.

Nous connaissons l’emplacement des principaux marchés de Rome et la forme de l’un d’eux, le grand marché à la viande, Macellum magnum[217], sur le Cœlius ; c’était un bâtiment surmonté d’une coupole ; nous savons aussi où était le marché aux bœufs[218] ; le marché aux légumes[219], le marché aux poissons[220], le marché des friandises[221]. Si, devenus un moment par la pensée citoyens de l’ancienne Rome, nous supposons que nous avons quelque chose à acheter, nous saurons où le trouver.

L’architecture est un art essentiellement romain bâtir allait par dessus tout au génie d’un peuple qui avait en toute chose l’instinct de la durée. Cependant, dés qu’il connut les Grecs, il voulut se faire Grec aussi par cet endroit ; les temples bâtis sous la république, dont il reste quelques débris nous ont montré la prédominance du goût grec à Rome ; mais les noms des architectes, quand nous les connaissons, sont presque tous des noms romains. On ne cite guère qu’un architecte grec venu à Rome sous la république, Hermodore, de Salamine, auteur du temple de Jupiter dans le portique de Metellus, et du temple de Mars[222], situés tous deux dans la région du cirque Flaminien. Ces temples, du second âge de la république, furent donc tous grecs par l’architecture et presque tous romains par les architectes ; mais ceux-ci étaient disciples des Grecs. Nous en connaissons plusieurs, outre le plus fameux de tous, Vitruve. Mutius construisit le temple élevé à l’Honneur et à la Vertu par Marius[223], après sa victoire sur les Cimbres ; Valérius, d’Ostie, couvrit le théâtre temporaire de Libon[224]. Ce qui est plus remarquable, Antiochus Épiphane, tandis qu’il imitait à Antioche avec une grande magnificence le temple de Jupiter Capitolin[225], fit venir dans Athènes un architecte romain[226], Cossutius, pour achever le temple de Jupiter Olympien dont la construction avait été interrompue depuis Pisistrate. Les rois d’Asie, pour disputer la Grèce à l’influence de Rome, étaient obligés d’employer des artistes romains[227]. Ariobarzane II, roi de Cappadoce, fit venir également à Athènes des architectes romains[228] qu’il chargea de rebâtir l’Odéon de Périclès, détruit pendant le siège de Sylla.

Appeler des architectes étrangers dans la patrie d’Ictinus n’était-ce pas, selon le proverbe antique, porter des chouettes à Athènes ? Ce double fait n’en est que plus honorable pour les architectes romains. Vitruve, suspect, il est vrai, déclare qu’ils ont égalé les architectes de la Grèce[229].

Cicéron demanda à un artiste romain nommé Cluatius le plan du temple qu’il voulait élever à la mémoire de sa fille Tullie[230]. Des noms d’architectes romains ont été trouvés à Terracine, Pouzzoles, en Espagne et sur les bords du Rhin[231].

Si l’architecture est un art essentiellement romain, la sculpture est l’art grec par excellence ; aussi, quand nous passons des architectes romains aux sculpteurs grecs qui ont travaillé à Rome, la proportion change et ce sont les derniers qui l’emportent de beaucoup. A peine si, parmi les sculpteurs, on trouve quelques noms romains, et encore faut-il en déduire les affranchis grecs qui, selon l’usage, portaient le nom de leur patron[232], comme ce Lollius Alcamenès[233] qu’un bas-relief de la villa Albani nous montre tenant un buste qu’il vient d’exécuter, tandis que sa femme brûle de l’encens devant lui pour rendre grâces aux dieux de l’œuvre terminée[234]. Ce Lollius Alcamenès était Grec, comme le prouve son nom, auquel il avait joint celui de la famille Lollia parce qu’un Lollius l’avait affranchi ; c’est ainsi qu’Horace, fils ou petit-fils d’affranchi, pouvait porter le nom de l’antique et illustre famille Horatia.

Les artistes qui ont un nom ou un prénom romain l’écrivaient quelquefois en lettres grecques et avec une forme grecque[235], tant le grec était à Rome la langue de l’art. Cependant c’était un Romain ce Coponius qui avait représenté les quatorze nations soumises par Pompée et dont, avec sa vanité ordinaire, il avait orné l’entrée de son portique[236]. Pour cette sculpture de la conquête on avait choisi un artiste romain.

Les sculpteurs romains qui tentèrent de rivaliser avec les sculpteurs grecs, leurs modèles, échouèrent parfois dans cette tentative : une tête colossale dont l’auteur se nommait Décius, mise, dans le temple de Jupiter, en regard d’une tête pareille œuvre de Charès, auteur du colosse de Rhodes, ne servit, on l’a vu, qu’à faire ressortir l’infériorité du Romain[237].

Quelques noms latins de sculpteurs nous ont été conservés[238], mais plusieurs sont douteux[239], entre autres le nom d’une femme sculpteur, fait presque inouï dans les temps modernes[240]. L’Anthologie nous a conservé le nom d’une Lesbia, femme grecque qui avait donné, dit le poète, à une statue en or de Vénus sa propre beauté[241].

Enfin, l’art italiote, soit pur, soit modifié par l’influence du goût grec, a été reconnu dans deux figures de bronze qu’on voit à Rome[242].

Les sculpteurs grecs qui travaillèrent à Rome sont en assez grand nombre, surtout dans le siècle qui précède l’empire. A mesure que le luxe devenait plus recherché, on s’adressait à la Grèce élégante et ingénieuse pour le satisfaire. Les artistes grecs fuyaient en foule[243] leur patrie asservie pour Rome encore libre. Varron[244] avait connu un Grec nommé Posis qui savait si bien imiter les fruits qu’on ne pouvait distinguer les siens des véritables. Ce genre de trompe-l’œil est encore aujourd’hui exécuté avec succès à Rome.

Mais d’autres sculpteurs grecs s’y illustraient par des ouvrages plus sérieux. Ophelion, fils d’Aristonidas[245], faisait le portrait de Sextus Pompée, qu’on appela un pirate et qui le fut en effet dans l’occasion, mais qui eut la gloire de lutter le dernier contre l’exécrable triumvirat. Si, comme il est possible, Ophelion était un affranchi de la famille Pompéia, il put être l’auteur de la statue historique de Pompée, qui, selon doute vraisemblance, est celle au pied de laquelle César fut immolé.

Vers ce temps vivait à Rome un sculpteur grec nommé Arcésilas qu’employèrent Lucullus et César. Il fut chargé par Lucullus, dont il était l’ami, d’une statue de la Félicité destinée au temple qu’élevait à cette déesse le voluptueux patricien, de la part duquel une semblable dévotion n’étonne point[246]. Le sculpteur grec fit pour le forum de César la statue de Vénus Génitrix[247]. Les nombreuses répétitions toutes semblables de cette Vénus, d’ailleurs essentiellement romaine, qu’on a trouvées à Rome, proviennent sans doute de la Vénus d’Arcésilas. Lié avec les grands personnages du temps, choisi par des hommes d’un goût délicat, comme Lucullus et César, pour décorer leurs monuments, Arcésilas était très à la mode, comme l’étaient les artistes italiens en France au seizième siècle, et il faisait payer fort cher la vogue dont il jouissait, puisqu’un chevalier romain lui donna, pour la reproduction en plâtre d’une coupes un talent (environ cinq mille francs). Ce sculpteur, qui paraît avoir eu le goût des sujets légers, par exemple, des satyres emportant des nymphes[248], avait composé un groupe gracieux propre à orner le boudoir de quelque grande dame romaine et que reproduit dans son ensemble une mosaïque du Capitole ; il représentait une lionne entourée par des amours ailés[249] ; les uns la tenaient en laisse, les autres la forçaient à boire dans une coupe, d’autres lui chaussaient des souliers, sculpture enjouée et un peu bizarre qui semble appartenir à l’école fantasque du Bernin.

On sait les noms de plusieurs sculpteurs et ciseleurs grecs établis à Rome à la fin de la république[250], et dans le premier siècle de l’empire[251] ; l’un des plus renommés fut Pasitelès de la grande Grèce, qui reçut le droit de cité romaine, peintre aussi et qui moulait en terre toutes ses figures avant de les peindre[252], ce qu’on dit également de Michel-Ange. De Pasitelès était une statue de Jupiter en ivoire dans le temple de ce Dieu qu’entourait le portique de Metellus, depuis portique d’Octavie, statue qui rivalisait avec les chefs-d’œuvre de la Grèce. Il fit le premier des miroirs d’argent, sans doute ornés de figures comme les miroirs étrusques. Il avait aussi représenté en argent Roscius enfant enveloppé par un serpent dans son berceau[253].

Presque tous les graveurs sur pierres fines ont des noms grecs ; un très petit nombre ont des noms latins[254].

Quelle qu’ait été la quantité de sculpteurs grecs qui ont exercé leur art dans Rome, on y trouve cependant beaucoup d’échantillons d’une sculpture qu’on peut appeler romaine, œuvre des disciples de ces Grecs en général fort au-dessous de leurs maîtres. Les défauts de cette sculpture sont la lourdeur, la roideur, la sécheresse, la manière et une routine de ciseau produite par l’habitude de l’imitation, mais elles offrent aussi des qualités qui leur sont propres : une certaine majesté, une certaine gravité qu’on remarque dans des statues de divinités exclusivement ou spécialement romaines, comme l’Abondance, la Clémence, la Fortune[255] ; dans des portraits romains de magistrats[256], d’empereurs, d’impératrices ; dans les scènes triomphales et dans les pompes religieuses[257].

Du reste les procédés sont semblables, même ceux dont l’emploi a prédominé a Rome dans les œuvres de la décadence remontent à la belle époque grecque, et l’invention du trépan, dont la sculpture romaine a tant abusé, date au moins de Callimaque[258], que les anciens regardaient comme l’inventeur de cet instrument. L’usage des points, destinés à guider le travail du praticien qui prépare mécaniquement l’œuvre de l’artiste, l’usage des points n’était probablement pas inconnu aux Grecs, car il était certainement connu des Romains[259]. On a trouvé prés du forum, dans un lieu où fut probablement l’atelier d’un sculpteur, plusieurs figures ébauchées parmi lesquelles se trouvait une tête mise au point.

Les Romains avaient appris des Grecs l’art de mouler en plâtre[260] les statues, dont on pouvait ainsi, comme nous le faisons aujourd’hui, avoir chez soi à peu de frais une reproduction exacte.

L’usage où étaient les Grecs de peindre leur sculpture, comme ils peignaient leur architecture[261], est un fait maintenant avéré. Des traces de peinture ont été trouvées à Rome et sur des sculptures qu’on peut croire d’origine grecque et sur des sculptures purement romaines[262]. On connaît le mot célèbre de Praxitèle à qui l’on demandait quelle était la plus belle de ses statues et qui répondit : Celle qu’a peinte Nicias. Ce mot prouve l’importance du rôle que jouait la couleur dans la statuaire antique et montre qu’il ne s’agissait pas d’un simple vernis, mais d’un emploi réel de la peinture dont il est assez difficile de se faire une idée. On sait même que cette peinture était à la cire par ces vers du poète Chérémon, qui décrit ainsi la beauté d’une jeune fille : Ses cheveux, couleur de cire, comme les blonds cheveux d’une statue, flottaient aux vents[263]. Les anciens peignaient donc leurs statues, mais comment les peignaient-ils ? Dans l’art, comme en chaque chose, pour le succès tout dépend de la manière dont on s’y prend. Les curieux de l’antiquité doivent savoir gré des efforts tentés pour retrouver les procédés des artistes anciens. En ce moment un sculpteur habile, M. Gibson, essaye à Rome avec une ferme conviction d’appliquer la peinture à la statuaire. Tout le monde n’est pas d’accord sur la préférence à donner aux statues peintes de M. Gibson sur celles qui ne le sont pas, mais tout le monde est d’accord sur le talent qui a produit les unes et les autres.

Quelquefois, plusieurs détails d’une statue étaient en métal ; on voit la trace d’un pareil agencement dans une tête de Minerve au Vatican[264].

Les statues en métaux précieux sont rares à Rome, parce que le prix de ces métaux a empêché qu’elles fussent épargnées. C’est pourquoi on ne trouve à Rome ni statues d’or, ni statues d’argent, bien que les premières surtout y aient existé en grand nombre[265]. Quelquefois une couche d’or revêtait une statue d’argent. Il en était ainsi dès le temps d’Homère[266]. On a affirmé que les bas-reliefs de la colonne Trajane étaient au moins en partie dorés, mais ce fait ne s’est pas confirmé, et il ne reste d’or à Rome que sur quelques statues en bronze, comme le Marc-Aurèle et l’Hercule du Capitole. L’ivoire, très employé aussi par les anciens, mais trop employé aussi au moyen âge pour être conservé, est absent, sauf les diptyques des collections d’antiquités que Rome renferme.

Les statues grecques étant pour les Romains, aussi bien que pour nous, des objets d’art dont ils faisaient des collections, et les ornements de leurs demeures ; ils eurent quelquefois, comme on l’a vu beaucoup trop depuis, l’idée de les restaurer[267], ce qui est presque toujours les altérer et les détériorer. On les raccommodait à la manière moderne, leur donnant des jambes, des bras tels quels et des têtes de fantaisie, espèce de mutilation par voie de supplément qui change si souvent le caractère et la signification véritable d’une œuvre antique, bien souvent aussi la dépare grossièrement pour la rendre plus belle à l’œil ignorant et la dénature pour la faire mieux comprendre ; barbarie qui passera de mode et dont au moins on a épargné l’affront au torse du Vatican et à notre Vénus de Milo.

A Rome, un affranchi romain, Aulanius Évander[268], se permit de remplacer par une tête de sa façon la tête qui manquait à une Diane de Timothée. On fut plus respectueux pour les tableaux, personne n’osa restaurer, la Vénus Anadyomène[269]. Mais Pline semble indiquer une autre barbarie plus grande, des peintures palimpsestes recouvrant les tableaux d’Apelles[270].

L’emploi de marbres de couleurs différentes, l’alliance du marbre et du bronze dans la même statue ou le même buste que présentent à Rome les ouvrages datant de l’empire, et qui est un signe de décadence, avait son principe dans la sculpture grecque, laquelle, aux meilleurs temps, faisait entrer dans la composition de ses chefs-d’œuvre l’or et l’ivoire ; c’était une altération mais un résultat de ce principe.

La coutume antique chez les Grecs d’habiller et de parer les statues sacrées[271] s’était conservé à Rome et s’y conserve encore. Tout le monde a vu la statue de saint Pierre revêtir dans les grandes solennités ses magnifiques habits de pape. On lavait les statues des dieux, on les frottait, on les frisait comme des poupées[272]. Les divinités du Capitole avaient un nombreux domestique attaché à leur personne et qui était chargé de ce soin. L’usage romain a subsisté chez les populations latines de l’Espagne et elles l’ont porté jusqu’au Mexique où j’ai vu, à Puebla, la veille d’une fête, une femme de chambre faire une toilette en règle à une statue de la Vierge.

Enfin, un autre usage romain, celui de consacrer à l’érection des statues, comme à celle des temples, outre le butin fait sur l’ennemi le produit des amendes levées sur les citoyens, était aussi un usage grec.

La sculpture à Rome fut donc presque exclusivement grecque, par l’imitation, par les artistes, par les procédés, par les usages, comme nous avons vu qu’elle l’était en général parles types et par les sujets ; cependant, sans parler des portraits, dont il sera question tout à l’heure, un certain nombre des sujets que représentent les statues et les bas-reliefs de Rome sont romains. D’abord, ceux qui se rapportent aux dieux et au culte de Rome. Quelques divinités, bien que pélasges ou grecques d’origine, avaient pris à Rome un caractère essentiellement romain ; tel était l’antique dieu du Latium, Saturne, dont j’ai mentionné les images en expliquant leur rareté ; telle était Vesta, l’Hestia des Grecs, dans la main de laquelle Rome avait placé le palladium, symbole de sa nationalité[273], et dont elle couvrait la tête du voile des vestales[274] ; Hermès, devenu Mercure, et, comme son nom latin l’indiquait, devenu spécialement le dieu de la marchandise et des marchands[275], ayant toujours la bourse qui figure à peine sur les monuments et chez les poètes de la Grèce. Vertumne est un dieu romain et Priape un dieu grec d’origine[276], mais devenu très populaire à Rome ; leurs images sont romaines.

Hercule, dieu chez les Pélasges, héros chez les Hellènes, a pris à Rome un caractère champêtre ; en lui se fondent alors les deux principes dominants de la société romaine, la force guerrière et le génie agricole. Il est l’Hercule rustique[277] et se confond avec le vieux Pan, transformé dans les forêts latines en dieu Sylvain[278].

A Rome appartient encore tout ce qui, dans les sculptures romaines, se rapporte aux origines mythologiques de la ville de Romulus. Les bas-reliefs où l’on voit Mars qui s’approche de Rhéa Sylvia[279] endormie, ou les enfants du dieu et de la louve leur nourrice[280]. Ces bas-reliefs sont en général assez grossiers et conformes à la rudesse romaine par l’exécution autant que par le sujet. On doit considérer aussi comme romaine toute sculpture qui se rapporte aux amours de Didon et d’Énée[281], invention de Virgile. Quant aux événements de l’histoire romaine antérieurs à l’empire, ils sont très rares sur les bas-reliefs, parce que, comme je l’ai dit, les bas-reliefs sont en général du temps de l’empire. Cependant Coriolan désarmé par sa mère et sa femme a été trouvé parmi les peintures de la Maison-Dorée de Néron[282], singulier refuge d’un souvenir républicain !

Mais si les faits de l’histoire romaine proprement dite sont rares sur les bas-reliefs, ceux-ci nous présentent en abondance une autre portion de cette histoire, car ils nous offrent un tableau assez complet de la vie religieuse, guerrière, domestique et champêtre des Romains. Grâce à eux, on assiste aux pompes religieuses et aux sacrifices[283]. Ici encore les modèles grecs, ne manquaient pas aux Romains. Pline indique plusieurs sculpteurs grecs qui s’étaient voués spécialement aux sacrifiants[284]. Même la contemplation des entrailles des victimes n’était pas plus dans l’art que dans la religion, exclusivement romaine[285] ; mais les sacrifices figurés sur les bas-reliefs n’en sont pas moins marqués d’un caractère très romain ; le jeune Camille ou Assistant du Capitole est romain, et on n’a pu représenter qu’à Rome les suovitaurilia[286], qui consistaient dans l’immolation d’un porc, d’une brebis et d’un taureau, cérémonie exclusivement romaine et qui accompagnait le recensement des citoyens.

Divers bas-reliefs se rapportent à la religion populaire dont ils expriment la naïveté. Le plus remarquable à cet égard est celui où l’on voit une vache devant une chapelle[287] et une espèce de goupillon près d’un grand vase lustral ; la vache est accompagnée d’un paysan qui porte suspendus à sa houlette deux canards, sa modeste offrande, destinée au prêtre qui doit faire la lustration et qui n’est pas encore sorti de la chapelle ; en attendant, un veau tête la vache qui boit l’eau sacrée. Une scène semblable a dit se passer maintes fois près de la fontaine de Sainte-Marie-Majeure, aux environs de l’église de Saint-Antoine, où l’on bénit les animaux. Sur un autre bas-relief, un personnage, dans lequel on hésite à voir un prêtre ou un villageois et que je crois un prêtre de campagne, trait une vache pour faire de son lait une offrande champêtre[288].

Quant aux différentes phases de la vie domestique des Romains, les deux principales, le mariage et les funérailles se rencontrent sur les bas-reliefs. On voit un jeune homme vêtu à la romaine et une jeune fille à demi voilée[289] ; derrière l’un est un homme, derrière l’autre une femme, probablement le père et la mère du marié et de la mariée ; l’homme tient un rouleau qui doit être l’acte de mariage, le contrat ; près du jeune homme est Minerve, et Junon Pronuba étend les mains sur le couple qui s’unit comme pour le bénir. Junon représente le caractère religieux et l’homme au rouleau le caractère civil des noces romaines. La cérémonie sacrée, ce qui correspondait à notre messe de mariage, consistait dans une immolation qu’indique un taureau conduit par deux sacrificateurs et dans des libations et des offrandes indiquées par une femme tenant une cruche et une autre portant sur un plat des fruits. L’Hymen, ou peut-être le paranymphe — notre garçon de noces — est figuré avec un flambeau, ce flambeau de l’hymen de classique mémoire, remplacé aujourd’hui par les cierges qu’on place aux mains des conjoints.

Dix enfants tapis gracieusement dans deux nids[290], comme de petits oiseaux, font très vraisemblablement allusion à quelque exemple extraordinaire de fécondité.

Pour les pompes funèbres, on en possède une représentation très détaillée dans divers bas-reliefs, et particulièrement dans plusieurs fragments conservés à Saint-Jean de Latran. Le cadavre est entouré de pleureuses, præficœ[291], payées pour gémir et s’arracher les cheveux, et la roule que suivra la procession funèbre est marquée par des simulacres en bois des principaux monuments publics devant lesquels elle doit passer. J’y reviendrai en parlant des tombeaux.

Un curieux bas-relief[292] nous montre un Romain faisant son testament. Dans sa main est le volumen déroulé qui contient ses dernières volontés. Il est assis sur un lit ; une femme, sans doute la sienne, est assise à côté de lui, le bras passé autour de son col, peut-être en vue du testament ; un homme est là portant sur une tablette des pièces de monnaies pour exprimer la vente simulée qui était à Rome une manière de tester, per æs et libram. On a donc sous les yeux non seulement un acte légal, mais une formalité de la jurisprudence romaine.

Êtes-vous curieux d’assister, sans y être invité, à un repas de famille[293] ? Vous n’aurez que l’embarras du choix ; vous pouvez même surprendre une Romaine dans sa vie privée, jouant de la Ivre pour apprendre à danser à un chat qui se dresse sur ses pattes de derrière en cherchant à happer deux canards[294], et voir jusqu’à ses pantoufles sous le lit où elle est couchée[295].

Mais ce sont surtout les scènes de la vie agricole et champêtre, si chère aux Romains, que représentent les bas-reliefs. On peut suivre tous les détails de la vie rurale dans ces Géorgiques d’un nouveau genre et qui complètent les illustrations de l’agriculture antique fournies par les peintures du manuscrit de Virgile, un des plus précieux trésors de la bibliothèque vaticane. Sur ces bas-reliefs, on voit exécuter les travaux de la moisson[296] et ceux de la vendange[297], les épis coupés et mis en gerbes, apportés sur un char à roues pleines, comme sont encore quelquefois les chars rustiques usités dans la campagne de Rome, le moulin à bras, le four et jusqu’à la fabrication du pain[298], le raisin amené au pressoir et foulé[299], sujet bien souvent reproduit.

En passant des travaux de l’agriculture au soin des troupeaux, nous passons des Géorgiques aux Bucoliques[300] sans quitter les bas-reliefs. Voici un berger avec son chien et deux bœufs[301] ; en voilà un autre gracieusement endormi au milieu de ses chèvres[302], celui-là est le bouvier, celui-ci est le chevrier des églogues ; un relief de la villa Albani est toute une idylle et tout un paysage. Trois bergers regardent dans une coquille, où ils ont aperçu une perle ; une colline sur le penchant de laquelle des chèvres reposent s’élève au bord de la mer ou d’une rivière qui porte des barques[303]. La plupart de ces scènes rustiques et pastorales ont dû être copiées à Rome d’après nature, mais elles étaient familières à l’art grec ; on les rencontre déjà dans Homère sur le bouclier d’Achille[304] et dans Hésiode sur le bouclier d’Hercule[305], où elles sont placées en opposition aux scènes guerrières.

En Grèce, certains sculpteurs se consacrèrent spécialement à représenter des chasseurs, comme d’autres à représenter des sacrificateurs, des athlètes et des philosophes[306]. Les Romains imitèrent encore l’art grec en ceci ; de là sans doute, et peut-être d’après Aristide qui peignait les chasseurs avec le gibier[307], le chasseur debout montrant un lièvre qu’il a pris à la course[308], de là le beau bas-relief du chasseur endormi[309]. J’ai dit que les chasses au lion, souvent imaginaires, des empereurs, imitées de celles de Babylone et d’Égypte, pouvaient avoir pour modèle la chasse au lion d’Alexandre par Lysippe.

La pèche, cette occupation tranquille qui contraste avec l’exercice violent de la chasse, a inspiré aussi, mais plus rarement, l’art[310] et la poésie antiques. Cependant Théocrite a peint avec un grand charme la condition paisible de ses vieux pêcheurs[311]. Le vieux pécheur africain[312], dont j’ai parlé, n’a rien en lui de cette poésie ; c’est un esclave, et on le voit bien à son air pileux et misérable ; mais la poésie des pêcheurs d’idylle se retrouve dans la gracieuse figure d’un petit pécheur qui dort la tête appuyée à son genou[313] et aient encore, malgré le sommeil qui est venu le surprendre, son panier rempli de poissons.

Les Grecs ont excellé dans le portrait ; mais, bien que leurs disciples en ceci comme en toute chose, les Romains ont eu le mérite de créer le portrait romain ; et je ne parle pas des images qui reproduisent les traits des hommes célèbres et sur lesquelles le rôle que ces hommes ont joué dans l’histoire me force à m’arrêter, je parle de cette foule de personnages inconnus, de mortels sans nom dont, quand on traverse les galeries du Vatican, les visages vous regardent passer. Combien l’on est assuré que ces visages sont ressemblants ! quelle vérité, quelle individualité[314] ! Il en est beaucoup que la statuaire grecque, amoureuse du beau, n’eût pas daigné reproduire. Comme l’originalité du modèle est vivante dans ces bustes parfois disgracieux[315], mais toujours vigoureusement caractérisée, et en même temps comme ces individus si divers ont tous le cachet du sérieux et de la force ! Comme, pris dans leur ensemble, ils offrent le portrait fidèle d’un personnage aussi célèbre qu’ils sont obscurs, le portrait du peuple romain !

Les têtes de deux époux, représentés au-devant de leur tombeau d’où ils semblent sortir à mi-corps et se tenant par la main[316], sont surtout d’une simplicité et d’une vérité inexprimable. La femme est assez jeune et assez belle, l’époux est vieux et très laid ; mais ce groupe a un air honnête et digne qui répond pour tous deux d’une vie de sérénité et de vertu. Nul récit ne pourrait aussi bien que ces deux figures transporter au sein des mœurs domestiques de Rome ; en leur présence on se sent pénétré soi-même d’honnêteté, de pudeur et de respect, comme si on était assis au chaste foyer de Lucrèce.

Il est une autre sorte de portraits : les personnifications allégoriques des lieux, des provinces, des villes, des montagnes, des fleuves, des routes mêmes et, ce qui est encore plus singulier, des corps politiques, comme le sénat[317]. De telles personnifications ne furent point inconnues à l’art grec et lui furent quelquefois empruntées par l’art romain ; mais celui-ci s’y complut particulièrement et les multiplia davantage à mesure que le goût de l’allégorie, aussi ancien que la poésie et la sculpture grecques, prévalut au sein de la décadence toujours croissante de la littérature et de la sculpture romaines.

Dès les plus beaux temps, Euphranor[318] avait personnifié la Grèce et Areté, la vertu dans le sens de vaillance ; devançant ainsi les sculpteurs romains qui devaient donner sur les bas-reliefs à Rome pour compagne Virtus, la même qu’Aretè[319]. Panœnus avait peint à Olympie la Grèce et près d’elle Salamine tenant un rostre de vaisseau[320] semblable à ceux qui, en mémoire d’un autre triomphe naval, décorèrent la tribune romaine et lui donnèrent son nom.

Les villes grecques furent représentées aussi par les artistes grecs. Sparte, victorieuse à Ægos-Potamos par Aristander[321]. Quand Épaminondas éleva Thèbes au premier rang, un sculpteur, enfant de Messène, son ancienne rivale, fit la statue de Thèbes[322], qu’on plaça dans un temple prés de celle d’Épaminondas. A peine Mégalopolis fut-elle fondée qu’elle consacra dans un temple son image, œuvre de Céphisodote[323].

Ces personnifications glorieuses des cités grecques au temps de leur liberté, quand elles l’ont perdue font place à l’apothéose que décernent à leur maître l’Europe et l’Asie subjuguées par Alexandre[324]. Nous sommes sur la voie des apothéoses, moins excusables, que l’art romain prodiguera aux plus vils empereurs quand sera venu le jour de la servitude[325].

J’ai déjà parlé d’un beau symbole de la ville d’Antioche[326], imité selon toute vraisemblance d’une statue d’Eutychidès, élève de Lysippe, qui remontait au temps où Antioche ne faisait point encore partie d’une province romaine, mais était une ville indépendante et superbe ; en effet, elle n’a point l’air humilié des cités vaincues[327]. Antioche, ou selon d’autres la Fortune d’Antioche, est assise fièrement, dominant le fleuve Oronte, qui coulait à ses pieds et qui est personnifié ici par un jeune homme en demi-figure, car on étendait l’anthropomorphisme aux fleuves et aux montagnes, c’est-à-dire aux dieux des fleuves et aux démons des montagnes. Il suffit de rappeler l’Ilissus du Parthénon, l’Alphée du temple de Jupiter à Olympie et le mont Latmus des bas-reliefs où est représenté le sommeil d’Endymion. Il en était de même des pays, Némée est figurée par une femme tenant une palme dans un bas-relief de la villa Albani[328] ; on se souvient qu’un sculpteur grec avait figuré la victoire de Némée, car les Grecs personnifiaient non seulement la Victoire en général, mais telle ou telle victoire en particulier[329], ce qu’à ma connaissance n’ont jamais fait les Romains.

Ces portraits symboliques de pays, de villes, des fleuves, des montagnes, se retrouvent dans les produits de la sculpture romaine. Les provinces ont souvent l’attitude moine de la défaite, debout ou assises à terre comme des femmes en deuil[330], ou même, sous l’empire, agenouillées devant un soldat, aux pieds duquel c’est Rome qui devrait être à genoux[331].

Les colonies romaines étaient de petites Romes, aussi elles sont faites à la ressemblance de Rome, et costumées parfois en amazone[332] comme elle, mais jamais que je sache, en Minerve.

Rome qui, après Adrien, a revêtu le long manteau royal de l’Orient[333], est représentée à côté de la Fortune[334] ou accompagnée de provinces et de villes célèbres ; la Sicile et Palerme[335] dans un bas-relief du Vatican ; l’Afrique sur un bas-relief de la villa Albani a une figure de négresse.

Claude, qui consacra beaucoup de temps à l’étude des antiquités étrusques, avait droit à un hommage particulier des villes d’Étrurie ; aussi ces douze villes[336], représentées par leurs divinités locales[337], étaient-elles figurées sur un trône dédié à cet empereur.

Tarquinii, ancienne patrie de la divination étrusque, a un livre où elle lit l’avenir.

Tout le monde sait par deux vers de Mithridate que Rome avait coutume de promener dans ses triomphes des statues (quelquefois aussi des tableaux) qui représentaient les pays subjugués ; c’est ce que veut dire :

Et gravant en airain ses frêles avantages

De mes États conquis enchaîner les images.

Des femmes, personnifiant des régions barbares, suivaient la procession triomphale d’Antiochus Épiphane[338].

Dans les triomphes figuraient aussi des images de fleuves ; les bas-reliefs de l’arc de Titus en offrent un exemple intéressant : la statue du Jourdain est portée par des soldats[339].

Cet usage de personnifier les villes, les montagnes, les fleuves, s’est prolongé très tard et a même survécu au paganisme, comme on en trouve la preuve à la bibliothèque vaticane dans les vignettes du manuscrit de l’Histoire de Josué, où paraissent Jéricho sous la forme d’une femme, et, sous la figure d’un vieillard, le mont Hébal et le Jourdain. Enfin le paganisme, en rentrant dans l’art à l’époque de la Renaissance, a représenté dans les loges de Raphaël le Jourdain tout à fait à l’antique, comme un fleuve-dieu. Le goût des personnifications alla si loin à Rome qu’on y peut voir le champ de Mars figuré par un jeune homme[340], la voie Appienne par une femme couchée près d’une roue[341], ou tenant d’une main un fouet et de l’autre un roseau qui fait allusion aux marais Pontins[342], et je crois aussi le port de Carthage[343], enfin, comme nous l’avons vu, un personnage, qu’on n’est pas moins étonné de voir représenté par un type individuel, le sénat romain. Parrhasius avait peint le démos attique[344].

Je vais parler de deux arts dont il n’existe à Rome qu’un petit nombre de monuments, la peinture et la mosaïque. Mais auparavant je dois mentionner une classe d’objets qui se rapporte aux arts du dessin ; ce sont les cistes, vases de bronze d’une forme particulière ornés de figures en relief et de figures tracées au trait, ce qu’on appelle des graphiti.

La plus remarquable pour la beauté, et un des plus admirables spécimens de l’art antique que renferme Rome, est la ciste Ficoroni[345].

Tout autour de la ciste sont tracés à la pointe quelques incidents de l’expédition des Argonautes qui se rapportent au combat du ceste, dans lequel Pollux vainquit Amycus, roi des Bebryces[346]. Ces dessins sont du plus beau style grec, et cependant ils ont été exécutés à Rome vers le cinquième siècle par Novius Plautius[347]. Rien ne prouve mieux à quel point dès cette époque l’art grec avait pénétré chez les Romains. Les figures placées sur le couvercle et les pieds de la ciste sont très inférieurs aux dessins et fournissent un type de l’ancien style italiote sur lequel on voit pour ainsi dire le style grec ; peut-être légèrement modifié dans l’exécution par le faire étrusque[348], venir se greffer.

La peinture eut sous la république un emploi bien romain : elle fut employée souvent à embellir le triomphe et à décorer la victoire. La peinture était une partie nécessaire des splendeurs du triomphe. Paul-Émile envoyait chercher Métrodore pour orner le sien en même temps que pour instruire ses fils.

Plusieurs généraux romains commandèrent des tableaux de bataille qui représentaient leurs exploits et qu’ils exposaient dans le forum. Valerius Messala, Scipion l’Asiatique et Hostilius Mancinus firent ainsi une exhibition triomphale, le premier au moyen d’une peinture qu’il avait placée sur un des côtés de la curie, celui sans doute qui regardait le forum ; le sujet de ce tableau était la victoire qu’il avait remportée en Sicile sur le roi Hiéron. Hostilius Mancinus exposa dans le forum un tableau de la prise de Carthage, on il était entré le premier. Scipion l’Asiatique, plus superbe, avait placé le sien dans le temple du Capitole, son sanctuaire de famille ; il représentait la défaite d’Antiochus. Mancinus, qui n’était pas un aussi grand seigneur que Scipion et qui avait besoin des suffrages populaires pour être consul, fit ce que du reste n’avait pas dédaigné de faire un Valerius, il exposa dans le forum le tableau de ses prouesses, puis, en candidat complaisant, se chargea d’en faire la démonstration, expliquant au peuple comment tout s’était passé, ce qui déplut fort à celui qui avait pris Carthage, Scipion Æmilien. Aujourd’hui on voit è Rome des charlatans de diverses sortes exposer sur la place publique des peintures qui retracent soit une guérison merveilleuse, soit quelque miracle apocryphe et en relater emphatiquement toutes les circonstances. Je ne compare point, mais Mancinus n’était-il pas aussi un peu charlatan ? Rienzi, qui tenta au quatorzième siècle de refaire la république romaine et qui en toute chose voulait imiter les anciens Romains, étalait aussi sur les murs de l’église d’Araceli, au Capitole, des peintures de circonstance pour émouvoir en sa faveur ce peuple, que, depuis la figure placée près du corps de César et représentant le dictateur tout sanglant de ses blessures, jusqu’aux crucifix qui semblent saignants et que mettent parfois prés d’eux des prédicateurs en plein vent, on a toujours pris par les yeux.

Deux généraux romains se firent peindre en triomphateurs dans deux temples[349], enfin deux membres de la famille Sempronia, illustrée par les Gracques, placèrent, comme Scipion l’Asiatique, dans un temple une peinture qui rappelait leurs victoires.

Le premier, pendant la guerre contre Annibal, commandait prés de Bénévent un corps d’armée dans lequel se trouvaient un grand nombre de Volons, c’est-à-dire d’esclaves auxquels on avait promis la liberté au bout d’un certain temps de service. Ces esclaves, qui servaient depuis deux ans, attendaient avec impatience leur affranchissement. La veille d’une bataille, Sempronius leur déclara que celui qui le lendemain apporterait la tête d’un ennemi serait libre, que celui qui abandonnerait son rang serait puni comme un esclave, c’est-à-dire crucifié. Animés par l’espoir de la liberté, les Volons se battirent très bien, seulement on s’aperçut que le temps qu’ils mettaient à couper les têtes des ennemis et le soin qu’ils apportaient à conserver ce trophée libérateur nuisaient au succès de la bataille ; Sempronius leur fit dire de jeter les têtes, de ne songer qu’à attaquer, et que le don de la liberté était assuré à tous ceux qui se conduiraient bravement. Après la victoire, il les déclara tous libres, même quatre mille d’entre eux qui avaient donné mollement durant l’action. Cette armée d’affranchis triomphants revint à Bénévent dans un délire de joie qui ressemblait à l’ivresse. Les habitants de la ville sortirent à leur rencontre, les embrassèrent, les fêtèrent, leur offrirent avec empressement l’hospitalité ; des tables étaient placées en plein air devant les maisons. Les nouveaux hommes libres, invités par les Bénéventins, s’y assirent et festinèrent joyeusement avec leurs hôtes, portant sur la tête le bonnet signe d’affranchissement, ou debout ils se servaient les uns les autres et mangeaient en même temps. Sempronius fit faire et plaça dans le temple de la Liberté, érigé par son père sur le mont Aventin[350], un tableau de cette fête singulière, tableau que Tite-Live semble avoir vu et nous faire voir par sa narration aussi pleine de vivacité qu’une kermesse de Téniers.

Quant à l’autre Sempronius, après avoir triomphé de la Sardaigne il plaça dans le temple de Matuta un tableau qui représentait la figure de cette île et les combats qu’il y avait livrés[351]. C’était une carte géographique avec des sujets grossièrement indiqués de même que sur certaines cartes du seizième siècle. Les cartes du P. Danti, qui tapissent une galerie du Vatican, peuvent aussi en donner une idée. Celle-ci, comme le sont souvent les cartes du seizième siècle, était accompagnée d’une inscription ; on y lisait que la Sardaigne avait été soumise par l’armée romaine, sous le commandement et les auspices de Sempronius et que 80.000 Sardes avaient été tués ou faits esclaves. Ici l’accessoire était le principal ; l’inscription en disait plus que le tableau, lequel avait seulement pour but d’être le signe mnémonique d’une grande victoire. Un autre exemple d’une peinture destinée à agir sur le peuple, mais en produisant un effet tout différent, fut l’exhibition d’un tableau, montré par Gabinius à la multitude pour exciter sa haine jalouse contre les richesses de Lucullus, et où était représentée la somptueuse villa de l’opulent Romain, villa immense et qui couvrait tout l’espace qu’occupe aujourd’hui la ville de Frascati.

Enfin, on portait à Rome des tableaux dans les triomphes ; Pompée en fit porter un devant lui où se voyaient la vie et la mort de Mithridate[352] ; César, des peintures qui représentaient tous les ennemis qu’il avait vaincus, sauf Pompée[353], car l’on ne triomphait pas dans les guerres civiles. Bel usage romain !

Mais si, le plus souvent, à Rome, la peinture figurait comme subordonnée à l’art véritablement romain, la conquête, elle, n’avait certainement alors que des modèles grecs. Les modèles étrusques étaient tombés en discrédit depuis que la passion de l’hellénisme s’était emparée de toutes les âmes. Si, au temps de la seconde guerre punique, on voit encore des peintres étrusques employés décorer des vaisseaux, c’est une application inférieure de l’art.

Rome emprunta à la Grèce les procédés de la peinture avec l’art dont ils faisaient partie. L’usage de la peinture murale[354], de la peinture à la détrempe[355] et de l’encaustique[356] passa d’un pays dans l’autre, transporté comme le furent les tableaux sur bois[357] et même quelquefois les superficies des murailles peintes.

Elle lui emprunta aussi les tableaux généalogiques, bien que de telles peintures fussent très appropriées à l’orgueil de race du patriciat romain, mais leur nom (stemmata) montre que l’invention était grecque[358]. Les stemmata devaient se continuer au moyen âge et à Rome conserver, grâce à la vanité de son patricial moderne, quelques-uns des noms qui figuraient dans les stemmala antiques, par exemple sur l’arbre généalogique des Muti le nom de Mutius Scævola !

Il est un art inconnu aux Grecs que les Romains ont peut-être inventé ; c’est la gravure. Quelque surprenant qu’un tel fait puisse paraître, Pline semble le dire bien positivement[359] en nous apprenant que Varron, inventeur d’un bienfait à rendre les dieux jaloux, avait trouvé un moyen d’insérer dans ses livres les images de sept cents hommes illustres et de les envoyer par toute la terre. S’il eût fallu copier pour chaque exemplaire sept cents figures, la diffusion en eût-elle été aussi grande que Pline parait l’indiquer ? Un bas-relief romain[360] représente une femme offrant à Varron un pinceau, ce qui semble plutôt contraire que favorable à la supposition que Varron ait découvert la gravure ; cependant, comme les figures avant d’être gravées ont pu être peintes, c’est peut-être une allusion à sa publication biographique.

La peinture décorative, qui était d’origine grecque[361], a laissé peu de traces à Rome de ces peintures, beaucoup se sont effacées depuis qu’elles ont été découvertes[362], d’autres s’effacent tous les jours[363] ; mais il en reste assez pour se faire une idée de leur exquise élégance. Les plus célèbres sont celles de la Maison-Dorée[364]. Quelquefois les anciens ont peint sur un fond d’or, à la manière des peintres italiens du moyen âge et de la Renaissance[365].

On ne peignait pas seulement l’intérieur des édifices, la peinture décorait aussi l’extérieur des monuments publics et privés. On ornait de peintures les frontons des temples, la façade des tombeaux[366] ; on plaçait des portraits sur les portes des maisons. Il en a été de même très tard en Italie, et on peut voir encore à Rome des restes de cet antique usage[367].

Les peintres grecs devancèrent à Rome les architectes et les sculpteurs grecs. On a vu qu’ils y parurent dès le troisième siècle de Rome. Un grec[368], nommé Marcus Plautius Clétas[369], est cité par Pline comme auteur de peintures qu’on voyait de son temps dans un temple d’Ardée avec une inscription en vers que Pline rapporte. Nævius, dans une de ses comédies, parle d’un autre Grec, nommé Théodotos[370], qui brossait avec une queue de bœuf des images des dieux Lares dans les chapelles des carrefours. Ces peintures devaient être très grossières et Théodotos ressembler aux barbouilleurs qui peignent des madones aux coins des rues. Un artiste plus distingué sans doute, car il eut une école, fut Sopolis[371]. Ses portraits, ainsi que ceux d’un autre peintre grec, Dyonisius, remplissaient les galeries de Rome[372]. Il faut leur adjoindre Sérapion, peintre de paysages, qui ne savait pas représenter la figure humaine. Ils trouvèrent au contraire une rivale dans une femme de Cyzique nommée Laia, dont les portraits se vendaient plus cher que les leurs. Elle peignait très vite, en cela semblable à Luca Giordano dit Fà presto, et surtout des femmes. Elle s’était peinte elle-même[373] au moyen d’un miroir, ce qui, pour le dire en passant, montre que les dames romaines ne se servaient pas seulement de ces petits miroirs de métal qu’on voit dans les collections ; on sait du reste que les Romains avaient aussi de véritables glaces en verre étamé où l’on pouvait voir la personne tout entière[374]. Les peintures antiques du musée de Naples nous montrent une femme faisant ainsi son portrait.

Parmi lés tableaux modernes, il en est peu dans les collections romaines qui soient d’une femme. En Grèce, au contraire, les femmes peintres sont assez nombreuses. C’est à la fille de Dibutade que ce fut attribuée cette fameuse silhouette de son fiancé sur une muraille, qu’on disait avoir été l’origine de la plastique[375] ; on vantait Timarète, Irène, fille de Cratinus, qui, comme Laia, semble avoir fait surtout des portraits de femme ; Hélène, qui avait peint, ce qui est plus extraordinaire pour son sexe, le combat d’Issus, un tableau de bataille, peut-être l’original de la grande mosaïque de Pompéi[376] ; Anaxandra, qui fut élève de son père Néalcès, Olympias, qui eut pour élève le peintre Antobulus. D’autres encore : Callo, Calypso, Aristarète[377].

Ce fut un homme à nom romain, Ludius, qui introduisit à Rome l’arabesque[378], c’est-à-dire la fantaisie dans la peinture, ou au moins qui en propagea la mode et l’excès. Mais l’arabesque n’a pu naître chez le sérieux peuple romain ; la fantaisie était chose moins romaine que grecque. Pausias, le peintre des fleurs et le premier ornementiste des plafonds, dut y semer quelque gracieux caprices, et on voit un homme à nom grec, Aputurius, dans une ville grecque d’Asie, Alabanda, soulever de la part d’un certain Licinius, il est vrai que c’était un mathématicien, une indignation pareille à la colère un peu excessive que les arabesques de Rome provoquent chez Vitruve. Celui-ci condamne rigoureusement ces compositions qu’il trouve incohérentes et désordonnées. Vitruve s’écrie : Que Licinius ne revient-il au monde pour corriger ce délire ! D’Alembert eût grondé comme Licinius en lisant les Contes d’Espagne d’Alfred de Musset ou les Orientales de Victor Hugo, et c’est ainsi que certains classiques chagrins de nos jours évoqueraient volontiers contre ces poésies l’ombre de Boileau, mais les louanges de Pline font voir que les anathèmes du classique Vitruve ne changèrent point à Rome le goût du public et heureusement ils n’ont point arrêté Raphaël.

On prétend que Raphaël a trouvé le modèle des arabesques de ses loges dans les peintures de la Maison-Dorée de Néron, dont les chambres n’étaient pas déblayées de son temps mais où il a pu pénétrer par en haut. Le nom italien des arabesques, grotteschi, d’où est venu, en en changeant un peu l’acception, notre mot grotesque, semble en effet indiquer qu’on nommait ainsi un genre de composition découvert d’abord dans des grottes. On appelait grotte les souterrains de la nature de ceux dans lesquels se trouvaient les peintures antiques dont je parle ; mais il faut reconnaître que Raphaël avait d’autres modèles dans les arabesques sculptées[379] qu’il pouvait contempler au grand jour parmi les ruines, dont la ressemblance avec les siens est très frappante et qu’avant lui avaient connues et reproduites dans leurs élégantes compositions les sculpteurs du quinzième siècle.

Il est vrai que, dans les paysages décoratifs des anciens, la nature est plus souvent traitée de manière à amuser l’imagination qu’à reproduire sévèrement la réalité. Cependant on peut voir de vrais et gracieux paysages à Rome et près de Rome, et des marines, invention romaine de Ludius.

La perspective fait souvent défaut dans les paysages antiques ; cependant les Grecs la connaissaient ; il en est de même des raccourcis. La caricature, qui est bien ancienne, car on l’a trouvée en Égypte[380], naquit en Grèce d’une création d’Antiphile ; son Gryllus, personnage burlesque qui donna son nom aux figures du même genre appelées grylli[381].

Un peintre grec, nommé Pirœicos, créa un genre de peinture familière qu’on appela ryparhographie, représentation des objets bas, et particulièrement des comestibles[382], genre, comme son nom l’indique, méprisé en Grèce, mais qui put être estimé à Rome, on le goût était moins délicat et où il fut imité. Deux mosaïques du Vatican[383] fournissent la preuve de cette imitation.

Le seul tableau véritable trouvé à Rome[384] est celui qu’on connaît sous le nom de Noces aldobrandines[385]. S’il fait allusion à un sujet mythologique, le réel y est à côté de l’idéal, et la mythologie y est appliquée à la représentation d’un mariage ordinaire. Poussin, qui l’admirait beaucoup, en a lait une copie conservée au palais Doria. Aujourd’hui que l’on tonnait les peinturés de Pompéi et d’Herculanum, cet échantillon de la peinture des anciens n’est plus à peu près unique et a perdu de son prix ; il n’en est pas moins fort remarquable : tout porte à y voir une peinture romaine[386], mais l’auteur s’était inspiré des Grecs, comme on s’en inspirait presque toujours à Rome. La nouvelle mariée, assise sur le lit nuptial et attendant son époux, a cette expression de pudeur virginale, d’embarras modeste, qui avait rendu célèbre un tableau dont le sujet était le mariage de Roxane[387] et l’auteur Ætion[388], peintre grec.

Lucien a décrit ce tableau avec beaucoup de grâce[389] : Roxane est assise sur son lit et baisse les yeux en présence d’Alexandre ; elle est entourée de petits Amours : l’un écarte son voile pour la montrer à son époux ; un autre, dans l’attitude d’une femme esclave, est occupée à lui ôter sa chaussure ; un troisième a saisi Alexandre par son vêtement et l’entraîne de toute sa force vers Roxane. Le roi présente une couronne à la jeune tille. A côté de lui Éphestion ; qui sert au roi de paranymphe, tient à la main un flambeau allumé et s’appuie sur un adolescent d’une merveilleuse beauté qui représente probablement le dieu de l’hymen. De l’autre côté du tableau, plusieurs amours jouent avec les armes d’Alexandre ; deux d’entre eux traînent sa lance et paraissent épuisés par cet effort ; deux antres en portent un. troisième sur un bouclier ; un Amour s’est glissé dans la cuirasse d’Alexandre, où il semble s’être mis aux aguets pour effrayer ceux qui passeront prés de lui[390]. J’ai traduit cette charmante description du tableau d’Ætion parce que ce tableau est à Rome, non pas de la main il est vrai du peintre grec, mais restitué d’après Lucien par le Sodoma[391], dont c’est peut-être le chef-d’œuvre. Rafaël aussi a fait d’après la composition Ætion, si bien décrite par Lucien, une esquisse maintenant dans la galerie Borghèse ; comme dans un dessin qui est au Louvre, il a refait le fameux tableau d’Apelles la Calomnie, de même d’après Lucien.

Le complément de la peinture c’est la mosaïque ; la mosaïque est une peinture durable, aussi durable que la sculpture. Grâce à elle, on a pu placer dans l’église de Saint-Pierre une copie indestructible de la Transfiguration qui périra.

La mosaïque est de plusieurs sortes : tantôt formée de petits cubes de verre[392], tantôt de petites pierres taillées[393]. La mosaïque s’appliquait et sur le sol des appartements et aussi sur les parois et les plafonds, tant celle qui était en verre que celle qui était en pierre[394] ; aujourd’hui on ne la trouve guère que formant plancher, si ce n’est dans les chaires et les ambons du moyen âge, époque où s’était conservé l’ancienne coutume de l’appliquer à des surfaces verticales. Les mots qui désignaient les mosaïques en petites pierres taillées[395] s’employaient aussi pour tout pavement en pierres variées.

Des morceaux de marbres de diverses couleurs, joints artistement, ressemblaient à la mosaïque en pierre dure. C’est dans ce système qu’a été imaginé ce qu’on appelle l’opus alexandrinum[396], si usité pour couvrir le sol des anciennes églises, et qui, en se perfectionnant, est devenu la mosaïque en pierre dure de Florence[397]. Appliqué à des bois colorés, le même principe a produit ces beaux ouvrages qui portent le nom de tarsia.

Il y avait aussi le pavé gravé (sculpturatum), dont nous pouvons nous faire une idée par les figures tracées sur les dalles de marbre blanc de la cathédrale de Sienne, dans lesquelles Beccafumi a indiqué, par des fragments de marbre gris et des placards de mastics noirs, les demi-teintes et les ombres.

Peut-être originaire d’Orient[398], la mosaïque fut introduite à Rome au temps de Sylla[399]. Les Grecs la connaissaient depuis prias de cinq siècles avant notre ère, car des lors existait dans le temple de Jupiter Olympien une mosaïque faite avec de petits cailloux de l’Alphée[400] qui existe encore. Elle représentait des divinités marines comme la plupart de celles qu’on trouve partout où ont été les Romains. L’antiquité de la mosaïque en Grèce[401] est prouvée également par cette anecdote sur Diogène, qui, se trouvant dans une maison où tout était très soigné sauf le maître du logis, cracha sur cet homme en disant qu’il n’avait vu que lui de négligé, tandis que tous les murs étaient ornés de peintures remarquables et le pavé composé de cailloux précieux qui, par leur arrangement, représentaient des images de divinités’.

La première mosaïque qu’aient vu les Romains est la mosaïque en pierre que Sylla plaça dans son temple de la Fortune à Préneste. Par une coïncidence fortuite, c’est à Préneste qu’on a trouvé la fameuse mosaïque de Palestrine, mais elle n’était point dans le temple et ne peut être celle de Sylla[402].

Aucun monument n’a donné naissance à tant d’interprétations diverses que la mosaïque de Palestrine. On y a vu la rencontre d’Hélène et de Ménélas en Égypte, le pèlerinage d’Alexandre au temple d’Ammon, celui d’Adrien à file Éléphantine, un embarquement de blé destiné aux Romains, la conquête de ]’Égypte par Auguste, une carte géographique, un tableau des vicissitudes de la fortune. Mais l’explication la plus curieuse est celle de Volpi : un fait de l’histoire de Sylla qui nous est inconnu.

C’est je crois tout simplement un paysage de fantaisie, avec personnages grecs et égyptiens, représentant une inondation du Nil. A Rome, l’Égypte fut de bonne heure à la mode ; on aimait du paysage égyptien comme nous aimons le paysage chinois[403]. L’auteur de la mosaïque de Palestrine était grec, car les noms des animaux sont écrits en grec. Il a travaillé probablement à Rome et connaissait peu l’Égypte ; il semble n’avoir jamais vu un hippopotame — il y en avait alors dans le bas Nil — ni un crocodile. Cela me ferait penser que la mosaïque dont il s’agit est antérieure à l’empire, car plus tard on voyait dans l’amphithéâtre assez de crocodiles et d’hippopotames pour les représenter plus exactement.

Le hasard a voulu que deux des mosaïques les plus célèbres de, l’antiquité se soient retrouvées à Rome, ou au moins deux copies des originaux dont parle Pline et qui étaient l’un et l’autre d’un mosaïciste fameux, Sosos de Pergame[404]. L’une de ces mosaïques de Sosos représentait, selon Pline , une colombe qui boit et dont la tête projette son ombre sur l’eau, d’autres s’épluchant au soleil sur le bord d’une grande coupe, cantharus, c’est à très peu de chose près, le gracieux tableau qu’offrent les Colombes du Capitole trouvées dans la villa d’Adrien. Le travail de cette charmante mosaïque est très fin. Quelques légères différences ne permettent pas d’y reconnaître l’original de Sosos, mais c’en est certainement une imitation. Sosos lui-même avait trouvé la première idée de son œuvre dans Homère, qui décrit une coupe ornée de colombes[405].

L’autre mosaïque du même Sosos s’appelait le Plancher non balayé[406]. Une copie de celle-là, dont l’auteur était aussi un Grec qui se nommait Héraclite[407], se voit dans le musée de Saint-Jean de Latran, elle figure un plancher sur lequel sont demeurés les débris d’un festin, des feuilles de salade, des os de poulet, des arêtes de poisson.

Cette mosaïque, dont le travail est très soigné et très fin[408], a été trouvée dans les jardins des Servilius[409], qu’embellissaient tant de chefs-d’œuvre ; elle ornait probablement une salle à manger où César a pu souper avec Servilie, la sœur de Caton et la mère de Brutus. Je ne crois pas qu’un pareil tableau représentât le plancher de cette salle à manger, pas plus que les Teniers, que Louis XIV fit enlever de son palais, ne représentaient des scènes de la cour à Versailles : c’était la copie d’un original célèbre mise là pour produire, avec l’élégance de la demeure des Servilius, un piquant contraste.

Je pense que le plancher de Servilie était soigneusement balayé et que la mosaïque amusait les yeux des grands personnages qui la foulaient, en leur montrant l’intérieur d’une hôtellerie du voisinage, dans le quartier marchand, entre l’Aventin et le Tibre, où l’on trouverait facilement aujourd’hui une imitation au naturel de la mosaïque d’Héraclite, faite sans intention par les habitués des cabarets du monte Testaccio, qui ont aussi, dit-on, l’habitude de jeter les os à terre.

L’usage du pavé en mosaïque fut universel à Rome, partout où ont été des édifices publics ou privés, on trouve des mosaïques : c’était un plancher en pierre pour les pieds, ce qu’on recherche encore en Italie, et un tapis en pierre pour les yeux. Un magnifique spécimen de l’effet que produisait ces planchers colorés nous est fourni aujourd’hui par celles qu’on a placées sous les pas des visiteurs du Vatican[410]. C’est une heureuse idée d’avoir donné un pavé antique à ces salles remplies de chefs-d’œuvre de l’antiquité. Ce pavé pittoresque complète l’illusion et le charme qui vous saisissent, quand vous errez parmi ces chefs-d’œuvre, et vous emportent soudainement au sein de la civilisation qui les a produits.

Une mosaïque du Vatican (S. alla cr. gr.) donne une haute idée de l’habileté des anciens à peindre les fleurs ; un bouquet, dont la composition est élégante et la couleur harmonieuse, fait penser d’abord au peintre le plus célèbre et le seul célèbre en ce genre de l’antiquité, ce Pausias aime, disait-on, d’une jeune fille qui luttait avec lui dans l’art d’assortir les fleurs ; talent naturel chez cette jeune fille et naturel aussi chez les paysans de Gensano, prias de Rome, qui avaient coutume, il y a encore peu d’années, de composer avec des fleurs un tapis improvisé pour tare foulé aux pieds pendant une procession et détruit après qu’elle avait passé : c’est ce qu’on appelait l’infiorata.

Les mosaïques qui sont à Rome complètent pour nous l’idée que nous avons cherché à nous faire par les monuments de la vie romaine, et la notion que ces monuments nous ont si largement donnée des influences de la Grèce.

Les plus communes, formées de petits cubes blancs et noirs, se voient partout où il y a eu des villes romaines au des bains, par exemple dans les thermes d’Ostie. Par cette convenance de la décoration avec le lieu décoré, que les anciens manquaient rarement d’observer, celle-ci représente des habitants de l’onde, la ville d’Ostie et son phare à divers étages, comme était le modèle de tous les phares, celui d’Alexandrie.

D’autres mosaïques colorées nous offrent, ainsi que le Plancher non balayé, des détails qui se rapportent aux repas, poulet, poisson, artichaut, asperge, et doivent provenir d’une salle à manger[411] ; un tableau d’intérieur, l’assemblée des médecins de la villa Albani ; un gracieux paysage au Vatican ; des scènes ou des personnages de l’amphithéâtre ; des masques tragiques et comiques ; divers sujets qui se rapportent à des scènes de la vie domestique ou religieuse des Romains, voilà ce qui leur appartient en propre dans les mosaïques de home.

De la poésie et de l’art grecs proviennent les sujets héroïques, tels que le combat dès Centaures et des Lapithes, Ulysse au milieu des Sirènes, Hercule délivrant Hésione, Hercule filant et près de lui des Amours qui domptent un lion, d’après le sculpteur grec Arcésilas ; double expression de la même idée.

Pour terminer ce que je dois dire des monuments envisagés par rapport à l’histoire de l’art romain et à l’histoire des mœurs romaines, deux parties essentielles de l’Histoire romaine à Rome, il me reste à parler des tombeaux ; classe nombreuse et curieuse de monuments dont l’étude va résumer, et confirmer ce qui précède en nous présentant sous un jour nouveau cette combinaison du génie de la Grèce et du génie de Rome, qui est le caractère de tout le développement artistique, comme de tout le développement philosophique et littéraire des Romains ; en même temps elle nous révélera quelque chose de leur croyance touchant le grand problème, la destinée de l’homme après là mort :

To be or not to be.

 

 

 



[1] La première idée de l’atrium avait été empruntée aux Étrusques. L’atrium sans colonnes, le plus simple, s’appela toujours tuscanicum. (Vitruve, VI, 3, 1.)

[2] On peut le conclure des peintures plus anciennes que Rome dont parle Pline (XXXV, 6) et que de son temps on voyait encore à Ardée : Ces peintures, mentionnées avec celles de Cære, ville étrusque ; étaient probablement étrusques. J’ai dit que les Étrusques avaient très anciennement passé le Tibre ; cette assertion est confirmée par les tombes d’Ardée. J’ai remarqué dans une de ces tombes la forme du linteau des portes semblable à celui de la porte égyptienne, mais avec crochet aux extrémités, tel qu’on le trouve en Étrurie et tel qu’on ne le trouve, je crois, nulle part ailleurs. Une pareille ressemblance ne saurait être fortuite. Quant à l’Atalante et à l’Hélène de Lanuvium, que Pline disait être d’un même artiste, sans toutefois le nommer, et quant aux peintures dont un Grec à nom et prénoms romains, Marcus Ludius Clétas, orna le temple de Junon dans la ville d’Ardée (Pline, XXXV, 37, 4), elles étaient beaucoup plus modernes et, selon M. Letronne (Lettre d’un antiquaire à un artiste, p. 39), du septième siècle.

[3] La Junon de Véies était en bois.

[4] Præterea elaboratam hanc artem et maxime Etruriæ. (Pline, XXXV, 45, 3.)

[5] Ilos primum Thusci in Etruria invenisse referuntur (Cassiodore, VIII, 15). Dans cet endroit, Cassiodore parle des statues en bronze.

[6] Pline, Hist. nat., XXXV, 45, 1.

[7] Ainsi que le Capitole, le temple dit de Pompée (Vitruve, III, 3, 5) : celui d’Hercule au forum Boarium. On imitait donc encore les Étrusques lorsqu’on imitait déjà la Grèce. J’ai montré combien le goût des vases et des statues étrusques a duré longtemps à Rome.

[8] Parce que plusieurs de ces statues, par exemple celle de Romulus et de Tatius (Pline, XXXV, 11, 3), étaient nues, c’est-à-dire dans le style héroïque grec, lequel pouvait difficilement avoir pénétré à Rome au temps de Romulus et même de Camille. La nudité, qui était dans les mœurs grecques, n’était point dans les mœurs romaines.

[9] Escalier du palais des Conservateurs.

[10] Dans la guerre contre les Latins, des Étrusques furent employés à peindre les vaisseaux. (Müller, Etr., II, p. 258-9.)

[11] Quand, à la fin du sixième siècle, après les guerres de Grèce, le poète Pacuvius, né à Brindes, en pays grec, peignit dans le marché aux Bœufs le temple d’Hercule (Pline, XXXV, 7, 1), il suivit certainement des modèles grecs pour ses peintures, comme il imitait les poètes grecs dans ses tragédies.

[12] En Grèce, les enfants des citoyens apprenaient tous le dessin ; la peinture et la sculpture étaient interdites aux esclaves. (Pline, XXXV, 36, 15.) Socrate, un fils de Xénophon, un des fils d’Aristote furent sculpteurs, un autre peintre. (Diogène Laërte.)

[13] Pline, Hist. nat., XXXV, 7, 3. Il annonçait un grand talent, quand il mourut.

[14] Pline, Hist. nat., XXXV, 7, 2.

[15] Des blocs de tuf ou de pépérin disposés alternativement dans le sens de leur largeur et dans le sens de leur longueur. (Nibby, R. Ant., I, p. 274.)

[16] Vitruve, II, 8, 9. Pline, Hist. nat., XXXV, 49, 4.

[17] Selon Tzetzès (Müller, Etr., 1, 251), tursis voulait dire mur d’enceinte, et les Tyrrhéniens auraient inventé les murailles, c’est-à-dire les remparts des villes ; mais les Étrusques ne les ont pas même introduites les premiers en Italie, où les murs pélasgiques ont, précédé les murs étrusques. S’il existe vraiment quelques rapports avec un mot qui voulait dire mur et le nom des Tyrrhéniens, qui signifierait bâtisseur de murs et de tours, il faut se souvenir que les Tyrrhéniens étaient des Pélasges.

[18] La base d’une tour à Norba (Dodwell, Cycl. or Pel. remains, pl. LXXVIII), toute l’enceinte pélasgique d’Aléa en Arcadie bordée de tours. (Rangabé, Mém. des sav. étr., t. V, pl. 11.)

[19] Dans l’église de S. Nicola in Carcere.

[20] Plus dans le temple de Mars Vengeur et le temple de Castor et Pollux que dans Panthéon.

[21] Théâtre de Marcellus, portique d’Octavie.

[22] Théâtre de la Concorde : débris sous le péristyle du musée Capitolin.

[23] On pense que l’hippodrome d’Olympie avait environ deux stades de long. (Leake, Tr. in Mor., I, p. 40.) Denys d’Halicarnasse (III, 68) et Pline (XXXVI, 24, 2) donnent à peu prés trois stades de longueur au grand cirque. Pour la largeur, ils varient de quatre cents à six cents pieds. Mêmes différences dans l’évaluation de la largeur de l’hippodrome. (Pauly, R. encycl., III, p. 1375.) A Rome, le spectacle des lieux confirme au premier abord et, étudié avec soin, pourrait préciser les assertions des auteurs.

[24] Pausanias, V, 14, 6. Voyez la carte de Leake.

[25] Nibby, R. Ant., I, p. 626-7.

[26] On la voit encore mieux dans les carceres du petit cirque de Boville, près d’Albano, qui sont à peu prés intactes, et sur deux bas-reliefs, l’un au musée Britannique, l’autre tiré du musée Borgia, à Velletri, (Smith, Dict. of Gr. and Rom. antiquities, p. 285.)

[27] Pour établir une chance égale entre les concurrents, il fallait que, partant de points différents, ils eussent le même espace à parcourir. A Rome, pour résoudre ce problème, on donnait aux carceres la forme d’un segment de cercle dont tous les rayons étaient égaux ; de sorte que le point de départ de celui qui se trouvait le plus loin de la Spina fût le moins éloigné du but. A Olympie, on arrivait au même résultat, par une disposition différente : les carceres, άφεσες, étaient comme une proue, tournée vers l’hippodrome, ce qui semble donner un double désavantage aux chars, placés le plus loin de l’entrée ; on y remédiait en abaissant plus tôt la corde devant eux (Pausanias, VI, 20, 7.) Au temps d’Homère, les concurrents tiraient leurs places au sort. (Iliade, XXIII, 552.)

[28] Les portes des carceres et les deux tours qui s’élevaient à leurs extrémités, comme on le voit encore dans le cirque de Maxence, leur avaient fait donner le nom d’oppidum.

[29] Iliade, XV, 679 (Vatican S. Lapid., M. Chiar., 609-617.)

[30] La fin, parce que les dauphins devaient annoncer le commencement, comme le dauphin d’Olympie. (Varron, de R. rust., I, 2, 11.)

[31] Une meta de cirque se voit dans le jardin de la villa Albani, et un œuf a été placé sur une colonne dans le parterre de la villa Panfili.

[32] M. Chiar., 321, 325. Canachus avait représenté celetizontas pueros. (Pline, XXXIV, 19, 25.)

[33] M. Chiar., 239, 406.

[34] Pausanias, V, 16, 2.

[35] Iliade, XXIII, 327-50.

[36] Pausanias, II, 27, 5. Les premiers théâtres en Grèce étaient adossés à une colline, ce qui dispensait de l’emploi de la voûte sous les gradins, comme dans les théâtres de Rome.

[37] Tacite, Ann., XIV, 21.

[38] Polybe, XXX, 15 ; Athénée, XIV, p.615. Cette représentation ayant été donnée par L. Anicius à l’occasion de son triomphe sur Genlius, roi d’Illyrie (586), elle précéda de vingt-deux ans la prise de Corinthe (608).

[39] On trouvait moyen de s’asseoir en apportant son siége. (Mommsen, R. Gesch, I, p. 864.) Quand il y eut des gradins, on apporta des coussins pour être mieux assis comme on faisait en Grèce. (Ovide, de Art. am., I, 159 ; Theophr., Car., 2. )

[40] Le censeur Cassius avait ordonné l’érection du théâtre, qui était en voie d’exécution ; à la requête du consul, le Sénat le fit démolir (Tite-Live, Épitomé, 48.) Velleius Paterculus (I, 15) admire beaucoup cet acte de sévérité patricienne.

[41] Tacite, Ann., XIV, 20.

[42] Bien qu’un architecte soit cité à propos du théâtre de Libon comme en avant fait le toit (Pline, XXXVI, 24, 2) ; cela ne prouve pas que ce théâtre fût en pierre ; au contraire, en ce cas on n’eût pas parlé seulement du toit, mais mentionné l’auteur de tout l’édifice.

[43] Pline, Hist. nat., XXXVI, 2, 1 ; 21, 10-11.

[44] Pline, Hist. nat., VIII, 7 ; XXXV, 4.

[45] Pro Mur., 19.

[46] Ad Att., II, 19, 2-3.

[47] Les sénateurs se plaçaient dans l’orchestre. Le nom lieu des danses venait des évolutions qu’en Grèce le chœur y exécutait, ce qu’il ne fit jamais à Rome. M. Hirt pense, contre l’opinion commune, qu’une partie de l’orchestre, lequel est toujours plus considérable dans le théâtre grec, y était réservée aux prêtres et aux magistrats. J’en trouve une preuve de plus dans un passage de l’Apologie de Socrate par Platon ; Platon fait dire à son maître que ceux qui veulent connaître la philosophie d’Anaxagore ri ont qu’à aller, pour un drachme, l’entendre à l’orchestre, c’est-à-dire aller assister aux représentations des tragédies d’Euripide, qui semait ses pièces de maximes empruntées à la philosophie d’Anaxagore. Cette malice de Platon montre qu’à Athènes il y avait des spectateurs, même dos spectateurs payants, dans l’orchestre, et nous apprend le prix des places.

[48] L. Roscius tribunus legem tulit, ut equitibus romanis in theatro quatuordecim grades proximii assignarenlur. (Tite-Live, Épitomé, 99.)

[49] Villa Borghèse, péristyle 16. Le théâtre paraît ici dressé au bord de la mer, vraisemblablement à Ostie, et les spectateurs semblent occupés à contempler une régate.

[50] Athénée, XI, p. 461. Quelques-uns, pendant la représentation, mangeaient des noix. (Arist., Éthic. ad Nic., X, 5.)

[51] Encore mieux par le théâtre de Pompéi, surtout par celui de Fermo ; un des mieux conservés de l’Italie ; en France par les théâtres romains d’Arles et d’Orange.

[52] Un masque tragique avec la disposition des cheveux qu’on donnait à Melpomène (Villa Albanie, au bas de l’escalier) ; deux masques tragiques (M. Chiar., 106), l’un menaçant, l’autre plaintif, correspondant aux deux sentiments qui étaient l’âme de la tragédie antique, la terreur et la pitié ; un très beau masque comique, villa Ludovisi (I, 31 ) ; masques tragiques et masques comiques en regard (beau vase noir du Nuovo Braccio) ; musée de Saint-Jean de Latran (s. VIII) ; mosaïque du cabinet des Masques au Vatican. Chaque genre de personnage comique avait son masque approprié. Pollux en énumère une quarantaine ; à Rome, on en peut voir un certain nombre dans le Térence du Vatican.

[53] Villa Albanie, mur du jardin. Cette explication est douteuse.

[54] Figurine dans la collection Campana, maintenant à Paris.

[55] Vatican, g. des Candélabres, 176, 178.

[56] Vatican, g. des Candélabres, 191, 197, 231. Ces statues, assez nombreuses, rappellent qu’un sculpteur grec, Chalchosthène (Pline, XXXIV, 19, 37) et un peintre grec Calatès (Pline, XXXV, 37, 2) s’étaient fait un nom en représentant des acteurs comiques.

[57] Villa Albanie, Coffee house.

[58] Un Acteur, M. Chiar., 75 ; une Chanteuse, M. P. Cl., 313.

[59] M. P. Cl., 254, 427.

[60] On peut en avoir idée par des danseuses qui font partie des peintures du Vatican, gal. des Candélabres.

[61] Il est fait mention d’un théâtre près du temple d’Apollon, vers 575. (Tite-Live, XL, 51.) Ce devait être un théâtre en bois voisin du cirque Flaminien, et par suite il devait être destiné aux jeux plébéiens.

[62] En 560 (Tite-Live, XXXIV, 54). Selon Ovide (de Art. am., I, 103), la décoration de cette première scène du Palatin n’eût été formée que de feuillage.

[63] Cicéron, de Harusp. resp., 11.

[64] Iliade, XXIII, 802-6.

[65] Le casque des gladiateurs ressemble assez au casque de Patrocle dans les statues d’Égine ; il a une visière et des trous pour les yeux (Müller, Att., VI, 29, E) ; il est pareil aussi à ceux qu’on a trouvés dans les tombes étrusques.

[66] Dès l’âge d’Alexandre, Ménandre connaît déjà les gladiateurs. (Egger, Mém., p. 29.) Dion Chrysostome place des gladiateurs dans le théâtre de Bacchus à Athènes, mais Athènes était alors une ville de l’empire romain. On parle cependant de combats de taureaux dans les mystères d’Éleusis. (Gerh., Gr. Myth., I, p. 459.)

[67] Pline, Hist. nat., XXXVI, 24, 14.

[68] On l’a vu, M. Ginain a constaté que le théâtre de Taormine était construit de telle sorte qu’on pouvait au besoin en changer l’usage et le rendre propre à recevoir des combats d’hommes ou d’animaux. Ainsi le stade de Laodicée fut transformé en amphithéâtre (Hirt, L. d. Geb., p. 124), et l’orchestre finit par s’appeler conistra, arène. (Ibid., p. 91.)

[69] Horace, Épîtres, II, 1, 155.

... Media inter carmina poscunt

Ant ursum aut pugiles...

[70] Donnés par deux frères du nom de Brutus. (Tite-Live, Épitomé, XVI. Valère Maxime, II, 4, 7.) Scipion l’Africain donna en Espagne, à l’occasion de la mort de son père et de son oncle, un spectacle dans lequel combattirent volontairement, non des esclaves, mais des personnages distingués ; pour quelques-uns ce fut une manière de terminer un procès douteux. (Tite-Live, XXVIII, 21. ) On cite encore les deux Levinus qui mirent aux prises cinquante gladiateurs (id., XXXI, 50) ; on en vit cent vingt aux funérailles d’un Licinius (id., XXXIX, 46), et soixante-quatorze combattirent pendant trois jours pour honorer la mémoire d’un Flamininus. (id., XLI, 28.) Il faut noter aussi la terrible représaille de Spartacus qui fit combattre devant lui comme des gladiateurs trois cents soldats romains.

[71] Dion Cassius, XLIII, 22.

[72] Construit par Statilius Taurus. (Suétone, Octavius, 29.)

[73] Les combats d’hommes et d’animaux eurent encore lieu dans le Forum et dans le cirque, même après qu’on eût construit des amphithéâtres.

[74] Après le repas donné aux bêtes, on repaissait aussi les spectateurs par des festins servis dans le Forum, où le sang des animaux et des hommes venait de couler, post ludos epulum. (Tite-Live, XXXIX, 46.)

[75] Cicéron, ad Fam., VII, 1. Cicéron plaint les pauvres éléphants massacrés. Il aurait dû plaindre aussi les pauvres gladiateurs, bien que pour le plus grand nombre ce fut un métier embrassé volontairement et qu’on soit peu disposé à s’apitoyer sur cette canaille armée qui se mettait au service de tous les ambitieux. Je lui sais gré pourtant de s’attendrir ici sur les hommes faibles tués par les bêtes et même sur les bêtes tuées par les hommes. Je ne suis point de ceux qu’ont charmés les taureaux égorgés et les chevaux éventrés de l’amphithéâtre espagnol, où, pour mon début, j’ai eu le malheur de voir tuer deux hommes, et je rends grâce au ciel de n’avoir jamais regardé par la fenêtre d’un palais une curée aux flambeaux.

[76] Tite-Live, XXXIX, 22 ; XLIV 18. On avait, avant cette époque, tué dans le cirque des éléphants pris en Sicile, parce qu’on ne savait pas s’en servir. (Pline, VIII, 6.)

[77] Sénèque, de brev. Vitæ, XIII.

[78] Cicéron, de Off., II, 16 ; in Ver., II, 4, 3, 59.

[79] Pline, Hist. nat., VIII, 24.

[80] Sénèque, de Brev. Vit., XIII.

[81] Pline, Hist. nat., VIII, 20. Appien, B. civ., II, 102. Plutarque, Pompée, 52.

[82] Suétone, César, 39, Velleius Paterculus, II, 56. Pline, VIII, 7, combat de lions et d’éléphants contre des hommes armés. (M. Cap., s. des Emp. ; Vatican, S. à croix gr.)

[83] Dion Cassius, LXIII, 23.

[84] M. Chiar., 312.

[85] Cour du palais des Conservateurs, derrière la grille, et M. P. Cl., 195 ; deux lions ainsi occupés (Vatican, s. lap.), avec les gardiens du cirque ; un taureau attaqué par un ours (M. P. Cl., 108), divers animaux combattants, des tigres, des éléphants, un aurochs. (M. P. Cl., 199.)

[86] Maintenant au palais Toulonia. Rien de semblable en Grèce ; on avait bien figuré sur le tombeau de Lais, à Corinthe, une lionne tenant un bélier entre ses pattes (Pausanias, II, 2, 4), mais il s’agissait d’autres victimes et d’une tout autre lionne que celles de l’amphithéâtre.

[87] Dion Cassius, LIV, 26.

[88] Pline, Hist. nat., VIII, 25.

[89] J’ai dit que les combats d’hommes et d’animaux avaient lieu également dans le grand cirque ; quand nous ne le saurions pas autrement, une tête de tigre trouvée parmi des ossements humains dans le voisinage du cirque ne laisserait aucun doute à cet égard.

[90] M. Chiar., 92. Les fonctions et les armures des diverses sortes le gladiateurs sont représentées en détail sur le tombeau d’un Scaurus à Pompéi (Mazois, Pompéi, I ; Pl. 52). C’est sans doute l’image de jeux funèbres célébrés en l’honneur de Scaurus.

[91] Villa Borghèse, grand salon.

[92] J’ai cru y reconnaître aussi l’oryx d’Égypte et l’élan, si rare aujourd’hui.

[93] Mazois, Pompéi, I, p. 32, 5.

[94] Pline, Hist. nat., XXXV, 33, 1.

[95] Le résumé du Curiosum urbis en compte quatre : ludi IIII.

[96] Ludus magnus reg. III. Le Ludus magnus est figuré sur le plan de Rome antique. Il contenait une arène de forme ovale comme le Colisée destinée aux exercices des gladiateurs ; des chambres étaient disposées à l’entour, ainsi que le sont autour du camp des prétoriens les chambres de soldats. Selon Canina, les ruines qui vont, de ce qu’il appelle le Nymphée et le portique de Claude à la rue S. Giovanni sont des restes du Ludus magnus. (Canin., R. Ant., p. 108-9.)

[97] Cicéron, ad Att., IV, 4.

[98] Gladiatoria sagina (Tac., Hist. nat., II, 88).

[99] Pétrone, Satiricon, 117.

[100] Le nom du gladiateur est latin et celui de l’athlète est grec comme lui ; ce nom se trouve déjà dans Euripide (Fragm. Euripide, Didot, 681). L’usage du strigile était grec.

[101] Doricus, descendant d’Aristomène, qui vainquit sur mer les Athéniens. (Pausanias, VI, 7, 2) Phayllus, qui combattit les Perses. (id., X, 9, 1.)

[102] J’ai vu à Paris des lutteurs français qui rappelaient un peu les lutteurs grecs ; les attitudes de quelques-uns eussent offert aux sculpteurs de parfaits modèles. Rien ne manquait aux souvenirs de l’antique, même la poussière qu’ils répandaient sur leur corps. On distribuait des vers composés en leur honneur par leur Pindare.

[103] M. P. C., 425. 595, une palestre. Athlètes, M. Cap., salles des Hercules, 7, 17 ; l’un beaucoup moins beau. Vatican, br. nuov., 97, 99, 101. M. Chiar., 154, 297. Pal. Mattei, 2e cour, athlète se préparant aux jeux de la palestre. S. des Candélabres, 119.

[104] De plus la course et deux jeux qui sont restés bien chers aux Romains de nos jours, le ballon, où ils excellent, et le disque, qu’on ne lance plus dans la palestre, mais souvent dans les rues de Rome, au péril des jambes du passant. Tous les exercices du pancratium ou pentathlon (les cinq combats) sont déjà dans Homère.

Les pugilistes se reconnaissent à leurs oreilles écrasées par les coups de poing. M. Chiar., 159. On donne de telles oreilles à Hercule comme présidant au pugilat (M. Chiar., 367) et à Pollux comme étant le type héroïque des pugilistes. (Escalier du Capitole.)

[105] M. Chiar., 572.

[106] Philostrate (Im., II, 32) parle de ces combats enfantins de la palestre, et Pindare les a plusieurs fois célébrés. La dixième et la onzième olympique sont consacrées à des enfants vainqueurs au pugilat.

[107] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 40 ; XXXV, 40, 6.

[108] Tite-Live, XXXIX, 22. En 568, et non, comme dit Valère Maxime (II, 4, 7), par M. Scaurus en 696.

[109] Appien, B. Civ., I, 99.

[110] Valère Maxime, II, 4, 7.

[111] Suétone, César, 59.

[112] Villa Borghèse, péristyle. M. P. Cl., 81, 88.

On ne trouve nulle part hors de l’empire romain un monument analogue à l’arc de triomphe, si ce n’est à la Chine où on élève des arcs honorifiques, non à la gloire des guerriers, mais à la mémoire des fils pieux, des veuves vertueuses et des lettrés illustres.

[113] Triomphe proconsulaire. (M. P. Cl., 39. M. P. Cl., 75.)

[114] On y a mis des chefs les mains liées, des vases précieux, des images de pays soumis (Villa Albani), une Victoire tenant une couronne, des barbares suppliant le vainqueur. (M. Chiar., 595.)

[115] Gal. des Candélabres, 162.

[116] Ce nom, qui n’a rien à faire avec les idées d’empire, vient de celui d’un portique d’Athènes qui s’appelait stoa basilikè, le portique royal, parce que l’archonte roi y avait son tribunat. De là l’emprunt du nom, de là aussi une confusion qui en est parfois résultée. Ce que Dion Cassius (XIII, 21) appelle le portique est la même chose que la basilique de Neptune de Spartien (Hadrien,19). Hirt (L. der Geb., p. 179) fait remarquer que le triple portique de l’agora d’Élis (Pausanias, VI, 34) avait la forme d’une basilique. Canina (R. ant., p. 406) s’est donc trompé en faisant de la basilique ou portique de Neptune, un temple de Neptune dont rien n’établit l’existence et que par conséquent rien n’autorise à retrouver comme on l’a fait dans le temple où est la douane. Le Ποσειδώνετον de Dion Cassius (LXVI, 24) n’est pas nécessairement un temple de Neptune, ce mot peut vouloir dire simplement le monument de Neptune et s’entendre de la basilique où l’on avait représenté les Argonautes et qu’on appelait aussi le portique des argonautes, parce que le mot grec stoa, portique, s’appliquait aux basiliques à cause de L’origine de leur nom, stoa basilikè, portique royal, et de leur ressemblance avec les portiques.

[117] La basilique Julia au Forum ; la basilique Trajane ; la basilique de Maxence, appelée improprement temple de la Paix.

[118] Surtout dans la basilique de Sainte-Agnès et dans une partie de la basilique de Saint-Laurent où l’on voit les deux étages de portiques.

[119] Pausanias, VIII, 45, 4.

[120] Hirt (Lehre v. d. Geb., p. 36) cite comme remplissant l’office judiciaire des basiliques : le temple de fars vengeur, élevé à Rome par Auguste ; le temple d’Auguste à Fano ; le monument de Nîmes, dédié à Plotine par Adrien, que Spartien (Hadrien, 12) appelle une basilique et Dion Cassius (CXIX, 10) un temple, ce qui fait voir quelle était la ressemblance de ces deux sortes d’édifices. Le temple d’Éleusis (Vitruve, Præf., VII) est comparé, d’après ses restes, par Hirt (Gesch. d. brick., II, p. 21) à une basilique à cinq nefs ; la seule différence qu’il indique, l’entrée sur le côté, n’est pas réelle, car l’entrée était placée de même sur le côté dans les basiliques de Rome, et en particulier dans la basilique Trajane.

[121] Les vieilles curies situées à l’est du Palatin étaient distinctes de la curie Hostilia, placée au nord-ouest du Forum.

[122] De même, selon Thucydide (II, 15), Thésée supprima les Prytaneia de l’Attique et les remplaça par le bouleutèrion d’Athènes.

[123] Selon Festus, s. voce ; parce que ce genre de constructions provenait de la ville de Chalcis. Ce nom était assez obscur jusqu’à ce que son sens eût été mis hors de doute grâce à la découverte faite à Pompéi d’un monument élevé par la prêtresse Eumachia, en avant duquel se trouve une sorte de portique dont le nom, écrit sur une table de marbre, est chalcidicum. (Rich., Dict. d’Ant., p. 142-3.) Vitruve (V, 1, 4) veut qu’on ajoute des chalcidica, lorsque l’espace le permet, aux extrémités des basiliques.

[124] Curiam ei (basilicæ Juliæ) continens et chalcidicum. (Inscription d’Ancyre.)

[125] A Rome, le tombeau d’un Scipion, le tombeau du boulanger, le tombeau de Bibulus, le tombeau de Cecilia Metella et tous les tombeaux en pépérin de la voie appienne, le Tabularium, les trois temples dans l’église de San Nicola in Carcere, le temple appelé d’Hercule Custos, le temple appelé de la Fortune Virile (celui-là refait) ; à Palestrine, le temple de la Fortune ; à Tivoli, le temple appelé de la Sybille ; le tombeau des Plautii (près de Tivoli) ; les deux temples de Cori ; et encore l’exécution n’est pas toujours aussi pure que le style ; on remarque une certaine grossièreté de travail dans le temple de Palestrine et dans celui de la Sybille. Le temple de Vesta est analogue au monument de Lysicrate, à Athènes, sauf la perfection ; les colonnes, trop longues (onze diamètres au lieu de neuf), ressemblent à celles de l’époque macédonienne. Jamais, dans les monuments romains, les colonnes ne vont diminuant de diamètre vers leur extrémité supérieure, ce qui est d’un art plus délicat et plus difficile. Dans le tombeau des Scipions, si grec d’ensemble, les denticules sont trop allongés : tout cela c’est du grec, mais du grec romain.

[126] Tombes de Beni-Hassan, antérieures à l’invasion des pasteurs.

[127] Le temple de Quirinus, cinquième siècle de Rome. (Vitruve, III, 2, 7.)

[128] Le chapiteau dorique des Romains est plus compliqué et plus varié dans ses parties. Au simple abacus ils substituèrent un cymetium à moulures et un filet ; à l’echinus, un ove souvent sculpté ; aux annelets un astragale ou un chapelet et un filet. (Rich., Dict. des Ant., p. 101.)

[129] Tombeaux des Bibulus et de Plautii. (Hirt., Gesch. d. bauk. Pline, XIII, 6 et 10.)

[130] Le plus ancien chapiteau corinthien connu a été trouvé à Éleusis. (Hirt., G. d. bauk., p. 116. Pline, IX, 28.)

[131] Les colonnes du portique de Metellus étaient corinthiennes.

[132] La place véritable des denticules est sous le filet de la corniche, car ils sont destinés à représenter extérieurement les têtes des chevrons dans la charpente d’un toit. Dans quelques édifices romains, les denticules sont placés sous les modillons ; mais cela était contraire à l’habitude des Grecs, car leur sens et leurs destinations sont par là détruits. (Rich., Dict., p. 225.)

[133] Ils introduisirent dans l’ordre dorique les denticules (Rich., Dict., p. 226), qui appartiennent à l’ordre ionique (Vitruve, I, 2, 6). Enfin Vitruve se déclara pour le placement du triglyphe au-dessus du milieu de la dernière colonne, contre l’usage dominant en Grèce qui le plaçait à l’extrémité de la frise. (Vitruve, IV, 3, 2, 4.)

[134] Les colonnes doriques se rapprochent des règles de l’ionique dans le temple de Némée, que l’on croit du temps de Pindare. (Clark., Pel., p. 64.) Le dorique et l’ionique sont mêlés dans le tombeau de Théron, à Agrigente, qui est de la 90’ olympiade. (Hirt., G. d. bauk., II, p. 94.) Les colonnes doriques du temple des Dioscures, dans la même ville, se rapprochent de l’ionique par leur cannelure. (Ibid., p. 90.) Les Grecs à Sélinunte employèrent les denticules dans l’ordre dorique. (Ibid., p : 97.) Le monument de Lysicrate hésite entre l’ionien et le corinthien. (Ibid., 117.)

[135] Et celles qui portaient les statues de Nicolas au Panthéon.

[136] Varron, de R. rust., III, 5. Les noms grecs et latins des vents sur un débris antique. (M. P. Cl., salle du Méléagre.) on a reproduit cette disposition en écrivant les noms latins et italiens des vents autour de l’obélisque de la place Saint-Pierre.

[137] Vitruve, V, 6, 4.

[138] Abek., Mittel. it., p. 175. Dans le prolongement souterrain qui passait sous le Forum. Abeken nie formellement la présence du travertin à l’embouchure de la Cloaca vers le Tibre, au moins dans les assises inférieures (ibid., p. 171), où Canina l’avait signalée.

[139] 1.000 talents. (Denys d’Halicarnasse, III, 67.)

[140] L’intérieur du Capitole offre la même disposition de conduits souterrains et de puits.

[141] On a trouvé aussi un robinet antique à Pompéi et un tuyau de pompe contenant de l’eau. (Murray, S. it., p. 178.) Les tuyaux de plomb indiquent que les conduits de Sainte-Sabine servaient d’aqueduc pour amener l’eau des sources de l’Aventin dans le quartier marchand, situé au pied de cette colline, et dans lequel débouchait, vers l’entrée du marché aux Bœufs, le conduit de l’eau Appia. Les tuyaux de plomb et les puits sont mentionnés par Vitruve dans ses prescriptions au sujet des aqueducs. (Vitruve, VIII, VI, 1.)

[142] Descemet, Mém. sur les fouilles exécutées à Sainte-Sabine, p. 21.

[143] Les aqueducs grecs, même si crènè veut dire aqueduc, n’avaient aucune ressemblance extérieure avec les aqueducs romains ; on ne saurait leur comparer la source aux neuf canaux d’Athènes. (Pausanias, I, 14.) L’aqueduc de Mégare, admiré par Pausanias (I, 40, 1), était orné de colonnes ; je crois que c’était plutôt une fontaine.

[144] Fors fortuna. Probablement il ne fit que réparer ou relever l’ancien temple dont on attribuait la fondation à Servius Tullius.

[145] Le nom de Curius est dérivé de celui du peuple sabin lui-même ; Manius vient de manus, bon, en sabin.

[146] L’eau de l’Anio fut prise au-dessus de Tibur, à vingt milles de Rome. A cause des détours, l’aqueduc avait une longueur plus que double de la distance, quarante-trois milles. Un quart de mille seulement était tiers de terre. On en voit des restes dans les environs de Tivoli et prés de la Vieille-Espérance (non loin de la Porte-Majeure). L’Anio ancien se rapprochait de l’eau Appia, mais, suivant une autre direction, entrait par la porte Esquiline, d’où il était conduit dans la ville. (Front., 6 et 21, Canina, Descr. del luogo denom. ant. la Speranza Vecchia,1839.)

[147] Cicéron, Brutus, 14. Aurelius Victor, de Vir. ill., 38.

[148] Frontin, de Aquæd., I, 6.

[149] Outre les raisons que j’en ai données, je remarque que le nom de Flaccus, si ordinaire dans la gens Fulvia, appartient à une branche de la gens Valeria que l’on sait avoir été sabine.

[150] Tite-Live, XL, 51. Hirt (G. de bauk, II, p. 185) suppose qu’il s’agit, ici d’une nouvelle direction donnée à l’Anio ancien, mais Tite-Live ne le dit point. Dans trous les cas, l’aqueduc projeté devait passer très vraisemblablement par les jardins Liciniens qu’on trouve plus tard possédés par les Crassus, branche de la famille Licinia. Si l’aqueduc avait été exécuté, il serait donc entré dans la ville du côté de Sainte-Marie-Majeure.

[151] Frontin, de Aquœd., I, 7.

[152] Ce n’est pas ma faute si je trouve partout des Sabins. Marcius ou Martius était un nom sabin depuis le roi Ancus Martius jusqu’à la tante de César Marcia, qui prétendait descendre de ce roi dont on voit l’effigie sur les médailles de la famille Marcia. Pour Q. Marcius Rex, il devait son surnom à une prétention semblable, laquelle ne prouve rien, du reste, que l’extraction sabine des Marcius. Pline (XXXI, 24), trompé par le nom de Marcius Rex, a cru que le roi Ancus Martius était le premier auteur de l’aqueduc, mais il n’est nulle part question d’aqueducs au temps des rois.

[153] Pline, Hist. nat., XXXV, 21, 17. L’Aqua Tepula est nommé par Pline comme existant déjà ; mais Frontin (8) nous apprend qu’elle ne fut amenée à Rome que dix-sept ans plus tard, en 627.

[154] Un demi-siècle auparavant on avait placé des boucliers d’or sur le faite du temple de Jupiter Capitolin. (Tite-Live, XXXV, 10.)

[155] Canina, Rom. ant., p. 615.

[156] A trois milles sur la droite du trente-sixième mille de la Via Yale. ria, aujourd’hui route d’Ascoli, on voit les sources très abondantes de l’eau Marcia (Nibby, R. Ant., I, p. 361). L’eau Marcia était encore meilleure à boire que l’eau Virgo. Il a été question de l’amener de nouveau à Rome.

[157] Parvenue aux jardins de Pallas (dans les environs de la Porte-Majeure), une portion de l’eau Marcia s’en détachait pour aller gagner le Gelius par le ruisseau Herculeus, ainsi nommé sans doute parce qu’il passait près du temple d’Hercule. (Frontin, 19.)

[158] L’eau Tepula commençait au dixième mille, à deux milles à droite de la voie Latine. (Frontin, 8.)

[159] Un compilateur peu ancien (Isid., Étym., XVI, 7) donne une origine carthaginoise au pavage des routes, et cette assertion invraisemblable a été répétée trop légèrement après lui (Nibby, Dint., III, p. 495.)

[160] On trouve çà et là, en Grèce, des vestiges de route, peu considérables, mais nulle part la disposition propre aux routes romaines.

[161] Plutarque, 6, 7. Appien, B. civ., I, 23.

[162] Stace, Sylves, IV, 3, 49 et suiv.

[163] Ibid., 40-5.

[164] Tibulle disait à Messala, qui avait restauré une partie de la voie Latine :

Quique opibus congesta tuis hic glarea dura,

Sternitur, hic apta jungitur arte silex.

Eleg., 1, 7, 59-60.

Tite-Live (XII, 27) dit : Vias... glarea marginandas.

Plutarque (Gr., 7) distingue également la route pavée de lave et les trottoirs formés d’une couche de gravier.

[165] On emploie, quand on en parle, le même mot munire. Publicius Clivus apellatur, quem duo fratres. L. M. Publicii... munierunt. (Festus, p. 238.)

[166] Censores... Viam a foro boario ad Veneris et cirea foras publicos... (le long du Cirque) faciendam locaverunt. (Tite-Live, XXIX, 37.)

[167] Anthologie gr., III, p. 497. Mercure et Hercule placés dans un trivium pour marquer la route. (Bas-relief, M. Cap., S. des Empereurs.)

[168] Appius l’établit : Viam munivit (Tite-Live, IX, 29), mais elle ne fut pavée qu’après lui, d’abord en dalles de tuf, saxo quadrato, jusqu’au temple de Mars (id., X, 23) ; puis en lave, silice (id., X, 47), du temple de Mars jusqu’à Boville. Enfin, au temps de Scipion l’Africain seulement (id., XXXVIII, 28), on remplaça les dalles de tuf par de la lave, de la porte Capène jusqu’au temple de Mars. A cette époque, la voie Appienne n’était donc pavée en lave que sur un espace de cinq lieues ; saxum quadratum se prend pour toute pierre, tuf ou travertin, taillée en rectangle, par opposition à silex, la lave qui était taillée en polygones irréguliers. Pour une voie, l’emploi du tuf volcanique est plus naturel à supposer que celui du travertin. A l’établissement de la voie Appienne, qui traversait les marais Pontins, se liait nécessairement l’entreprise de dessécher ces marais, entreprise que reprit au sixième siècle Cornélius Cethegus (id., Épitomé, XLVI), que devaient reprendre à leur tour César et Napoléon et que nul d’entre eux ne devait achever.

[169] L’un des chemins ouverts en 447 par M. Valérius Maximus et son collègue M. Junius Bubulcus. (Tite-Live., IX, 43.)

[170] Tite-Live, Épitomé, XX.

[171] En se continuant vers Aquilée (Strabon, V, 1, 11). Strabon, dans ce passage, a confondu Flaminius qui fut battu au lac Trasimène et son fils qui conduisit la voie paternelle de Bologne à Arezzo ; une autre alla de Plaisance à Rimini.

[172] Il devait exister très anciennement une voie entre Rome et Cœré. Elle fut pavée et prolongée jusqu’à Forum Aurelii, au delà de la Marta, par un Aurelius. Selon Nibby (Dint., III, p. 564), par C. Aurelius Cotta en 512 ; puis, jusqu’au Vada Sabatiana, dans le Genovesin, en 644, par M. Æmilius, vainqueur des Ligures.

[173] Nibby (Dint., III, p. 570) attribue l’établissement de cette voie à L. Cassius Longinus Ravina, qui amena l’eau Tepula à Rome et fit une route en Thessalie.

[174] Drumann., Gesch. Roms., III, p. 14. Cicéron, Pro Font. fragm.

[175] La voie Latine n’a point d’auteur connu ; elle devait donc exister avant la voie Appienne, dans laquelle elle allait tomber à Casilinum. On peut croire que l’intention d’Appius en conduisant la sienne prés de la mer fut d’éviter les montagnes.

[176] Tite-Live, XLI, 21-27.

[177] Tite-Live, XXXIX, 37.

[178] Hérodote, I, 186. Le pont de Babylone était soutenu par des piliers droits qui portaient des planches, xίονας (Diodore Sic., II, 8). On n’a trouvé en Égypte que quelques voûtes en briques. L’invention de la voûte est attribuée par Posidonius (Sénèque, Lettres, 90) à Démocrite, né vers l’an 460 avant Jésus-Christ. Les très anciens monuments : le trésor d’Atrée, le trésor d’Orchomène, montrent cette approximation à la voûte que présentent d’autres monuments de l’époque pélasgique plutôt que la voûte véritable, la voûte à clef ; cependant on a cru l’y reconnaître (Mure, Ann. arch., 1838, p. 142-3). Le tombeau de Théron à Agrigente, que l’on cite comme le plus ancien exemple de la voûte, fut endommagé par la foudre (Diodore Sic., XIII, 86), ce qu’on oublie.

[179] On en voit dans les peintures des monuments égyptiens.

[180] Le mot pons est latin et ne ressemble point au mot grec géphura, qui veut dire aussi chaussée. Toutes les rivières en Grèce sont , guéables ; il n’y a aujourd’hui d’autre pont dans ce pays que celui de Chalcis, sur un petit bras de mer, l’Euripe.

[181] Contemporain de Théron. Le pont de deux cents pieds jeté sur l’Euripe entre Aulis et Chalcis était un pont en bois (pfahlbrücke). Voyez Hirt, die Lehre der Geb., p. 413. On a trouvé quelques arches de pont en Grèce, mais rien ne prouve qu’elles soient antérieures à Démocrite, sauf peut-être le pont de Xero-Campo, formé de polyèdres irréguliers et qui, à cause de cela, doit être attribué aux Pélasges. (Clark, Péloponnèse, p. 179.)

[182] L’Odéon d’Athènes était surmonté d’un tholus ; mais nous savons que ce tholus n’avait point la forme d’une voûte, mais d’une tente (Pausanias, I, 26, 3), ce qui peut faire douter que le tholus de Scopas à Épidaure (Pausanias, II, 27, 3) en fut une. Le dôme qui surmonte le monument de Lysicrate est une voûte plate formée d’un seul morceau de marbre.

[183] La Cloaca Maxima, l’émissaire du lac Albano. La voûte paraît dans le Tabulurium, monument de la république et à tous les autres égards d’un goût si grec. La voûte est partout dans les monuments de l’empire.

[184] Sénèque, de Vit., beat., 25.

[185] Juvénal, Satires, IV, 116.

[186] Dial., II, 14, 2.

[187] Il existait auparavant d’autres ponts que le pont Sublicius, car en partant d’une inondation du Tibre survenue en 562, Tite-Live (XXXV, 21) dit qu’elle emporta deux ponts. Celui-ci s’appela dans les bas temps pons Lapideus, par corruption de pons Lepidi, et par un de ces jeux de mots involontaires qui allèrent une dénomination dont on a oublié le sens pour lui donner un sens qu’elle n’a pas ; ou bien ce pont fut-il appelé dès l’antiquité pont de pierre parce qu’il était le premier pont (comme le théâtre de Pompée appelé aussi lapideus) qui fût en pierre.

[188] Un scholiaste de Juvénal dit qu’il y avait là des lupanaria. Il y en avait à Rome dès le temps de Caton ; ils durent, beaucoup se multiplier dans la Rome impériale. Le Breviarium en indique quarante-six.

[189] Le pons Æmilius était près du théâtre de Marcellus : Portuno ad pontem Æmilium ad theatrum Marcelli (Cal. Capr. : Can., R. Ant., p. 561). Cette proximité conviendrait encore mieux au ponte Quattro-Capi qu’au ponte Boito. Celui-ci se serait appelé d’abord Æmilius, et le Fabricius qui lui a donné son nom, au lieu de le construire, n’aurait t’ait que le réparer. On pourrait peut-être entendre ainsi le faciundum curavit de l’inscription. D’autre part, le sacrifice au dieu des ports l’orlunus tend à reporter le pont Æmilien, qui en est dit voisin, du côté de l’Emporium, et par conséquent du ponte Rotto.

[190] Il n’est pas sûr que le ponte Sisto remplace un pont antique ; les uns disent : le pons Probi, les autres le pons Aurelius ; du premier on ne sait rien, le second est celui qui, d’après les antiquaires seulement, s’est appelé pons Triumphalis et dont on voit les restes au-dessous du pont Saint-Ange. C’est ce pont-là qui a dû s’appeler Aurelius, car la voie Aurelia était de ce côté. Cependant il a dû exister un pont pour communiquer directement du champ de Mars avec le quartier Transteverin, seulement nous n’en connaissons avec certitude ni le nom primitif, ni l’emplacement précis. Nibby (R. Ant., I, 178) croit que le pont Aurelius (le même pour lui que le pont Antonini) fut bâti par Caracalla, qui aurait usurpé le nom de Marc-Aurèle ; mais le nom qu’usurpait Caracalla était Antoninus et non Aurelius. Je crois, comme Nibby, que Caracalla avait fait un pont pour aller au delà du Tibre, dans ses jardins qui avaient été ceux de son frère Geta, mais je pense que ce pont ne s’est jamais appelé, pas plus que Caracalla, Aurelius ; c’était bien plutôt le pons Antonini, du vrai surnom emprunté par Caracalla à Marc-Aurèle. Or, le pons Antonini dont parlent les Actes des martyrs était un de ceux qui portaient dans l’île Tiberine, appelée alors Lycaonia, car les corps des martyrs mis à mort sur le pons Antonini sont jetés dans le Tibre prés de l’ile Lycaonia. (Actes des martyrs saint Hippolyte et saint Adrien et Actes de saint Calepode, cités par Canina. R. Ant., p. 584.)

[191] Dion Cassius, XXXVII, 45.

[192] Drumann, Gesch. R., I, 24.

[193] Pline, Hist. nat., IX, 58, 11-2.

[194] Carmina, IV, 9.

[195] Horace, Satires, II, 3, 36. Ce pont, appelé aujourd’hui Quattro Capi, a été bâti en pépérin avec un revêtement de travertin qui a en grande partie disparu et a été remplacé par un revêtement en briques. A cela près, il est presque intact.

[196] La seule qu’on puisse alléguer c’est que dans la Notitia et dans le Curiosum il est nommé après le pont Fabricius, mais l’ordre topographique n’est pas toujours observé dans ces nomenclatures.

[197] Dion Cassius, XLIII. 28.

[198] Nibby, R. Ant., I, p. 69.

[199] D’autres le font bâtir sous Tibère, mais Tibère n’eût pas souffert qu’on donnât à un particulier le nom d’un pont élevé sous son règne.

[200] Ammien Marcellin, 27, 3, 9. Aurelius Victor (de Vir. Ill., 61), dit Pontem Mulvium fecit. Mais ce mot facere s’applique souvent à la réédification de monuments plus anciens. L’inscription d’Ancyre en fournit des exemples. On a vu que le pont Mulvius existait au temps de la seconde guerre punique. (Tite-Live, XXVII, 51.)

[201] Ainsi nommé au moyen âge parce qu’il est situé aux environs du neuvième mille antique, à partir de la porte Esquiline. Il n’est qu’à huit milles un quart de la porte Majeure (Nibby, Dint., II, p. 591), mais la porte antique était plus loin du pont : ceci montre que les pierres miliaires antiques étaient encore debout quand le nom moderne de ce pont lui a été donné.

[202] D’autres ponts moins considérables conservent l’aspect de l’architecture républicaine, le ponte Mammolo, sur la voie Tiburtine, dont une partie est des derniers temps de la république, car, bâties en tuf volcanique, deux de ses arches ont des archivoltes de travertin (Nibby, Dint., II, p. 578) ; le ponte Fratto, sur la route d’Ostie, etc.

[203] Le ponte Sodo et l’Arco del Pino (Nibby, Dint., III, p. 427, 433).

[204] Abeken (Mittel. it., p. 184) l’affirme pour le ponte dell’ Isola, entièrement construit en tuf et en pépérin. Selon lui, le ponte di Formello n’est qu’en partie antique.

[205] L’Agora des villes grecques, aussi bien que le Forum romain était entouré d’un portique à deux étages. (Vitruve, V, 1, 1.)

[206] Trapeza table, comme banco. De là le mot banqueroute, table brisée. A Rome, on voit encore sur les places publiques de petites tables pour les changeurs.

[207] Aqoré était le nom même de l’assemblée. (Iliade, VII, 545-6.)

[208] Iliade, XVIII, 497-506. Odyssée, VI, 266-7, VIII, 109 ; XVI, 361.

[209] Aristote, Politique, VII, 11.

[210] On voit dans les collections de Rome plusieurs cadrans solaires antiques.

[211] Ils étaient placés à côté de la tribune. Le peuple, tourné vers l’orateur, voyait ainsi l’heure comme on la voit dans la plupart des théâtres d’Italie, sur un cadran placé au-dessus du rideau.

[212] Tite-Live, XI, 51.

[213] Ibid., XXXV, 10.

[214] Ibid., XLI, 27.

[215] Ibid., XXXV, 41.

[216] Le Forum Pistorium reg., XIII. frument..., sur la base capitoline, même région. Marchés en dehors de la porte Trigemina. (Tite-Live, XI, 51.)

[217] Il est représenté sur une médaille de Néron. Canina croit que sa forme circulaire a été conservée dans l’église de Saint-Étienne le Rond (R. ant., p. 83), l’église aux rebutantes peintures d’affreux martyrs, vraie boucherie, macellum magnum.

[218] Place de la Bocca della Veritâ, entre le Tibre et l’entrée du Cirque. (Ovide, Fastes, VI, 8-9.)

[219] Prés du théâtre de Marcellus (via Montanara), car la Colonna Lætaria, au pied de laquelle on exposait les enfants, était dans le marché aux herbes, et cette colonne s’élevait devant le temple de la Piété, que remplaça le théâtre de Marcellus.

[220] Derrière la basilique Porcia (Plaute, Capt., IV, 2, 34), près de Lautumies et près des Boutiques neuves, derrière l’église de Saint-Adrien.

[221] Forum Cupedinis. Cuppes et Cuppedia antiqui lautiores cibos nominabant. Festus (p. 48), sur la Vélia, séparé de la voie Sacrée par un bois de cornouillers, là où fut depuis le temple de Vénus et de Rome. Inter sacram viam et macellum editum corneta (Varron, Ling. lat., V, 152). On voit prés de la basilique de Constantin des ruines qui peuvent provenir des boutiques du forum Cupedinis.

[222] Il faut joindre à ce nom ceux de deux artistes grecs Sauros et Batrachos, qu’un tour d’adresse imaginé par eux et raconté par Pline nous a conservés : ils avaient construit les deux temples que renferma depuis le portique d’Octavie (Pline, XXXVI, 5, 8) ; comme on ne leur permit pas d’y inscrire leur noms, ils sculptèrent sur la base des colonnes un lézard et une grenouille (en grec sauros et batrachos). Un lézard et une grenouille ornent les chapiteaux de colonnes antiques dans l’église de Saint-Laurent-hors-des-Murs, mais des chapiteaux ne sont pas des bases. L’ornement des colonies de Saint-Laurent ne peut donc être qu’une imitation de celui que Sauros et Batrachos avaient ajouté à dessein aux colonnes de leur temple, à moins que spira base n’ait été pris pour volute par Pline. Un autre architecte grec, Sostrate, usa d’une ruse encore plus ingénieuse : Après avoir construit le célèbre phare d’Alexandrie, il traça une inscription en l’honneur du roi régnant sur la chaux dont le monument était recouvert, la chaux tomba et alors on en put lire une autre gravée sur la pierre où il était dit que le phare était l’œuvre de Sostrate. (Luc., Quom. Hist. Constr., 62.)

[223] Vitruve, III, 2, 5. Vitruve cite encore Fufitius et P. Septimius, architectes romains. (VIII, Præf., 14.)

[224] Pline, Hist. nat., XXXVI, 4, 2.

[225] Tite-Live, XLI, 20.

[226] Vitruve, VII, Præfat., 15. On a trouvé à Athènes, prés du temple de Jupiter Olympien, une inscription (Bœck., Corp. Inscript., 363-5) où se lisent ces mots : Δεxμός (Decimus) Κοτσουτιος Ποπλίου Ρωμαιος. (Ann. Arch., 1839, p. 303.)

[227] Les rois de Pergame, Attale et Eumène, avaient dans ce dessein beaucoup fait pour Athènes. Attale y avait construit à ses frais un portique qui reçut son nom. (Athénée, V, p. 212.)

[228] Vitruve (V, 9, 1), Caïus et Marcus Stallius qui étaient Romains ; Ménalipus, que leur adjoint une inscription, pouvait être un Grec. (Bellay, Mém. de l’ac. des inscript., XXIII, p. 196.)

[229] Cum ergo et antiqui nostri inveniantur non minus quam Græci fuisse magni architecti. (VII, Præf. 18.)

[230] Cicéron, ad Att., XII, 118. L’architecte que Clodius employa à embellir sa maison au moment de sa mort (Cicéron, pr. Mil., 17), d’après son nom, Cyrus, devait être Grec.

[231] A Terracine, un C. Posthumius Pollio ; à Pouzzoles, un Cocceius ; en Espagne un Apuleius ; à Bonn, sur les bords du Rhin, un Opponius Justus.

[232] Ainsi l’on pourrait croire que le Marcus Cossutius Cerdo dont on a trouvé à Lanuviam le nom écrit sur la base d’une statue (Br., G. de Gr. K., I, p. 609) était un Romain, si une autre inscription qu’on lit sur une statue du British museum ne nous apprenait que ce Marcus Cossutius Cerdôn était l’affranchi de Marcus Cossutius. (Dilettanti, I, 71.)

[233] Descendait-il, comme on l’a cru, du grand sculpteur grec Alcamène ? Pas plus que moi, je pense, qui dans l’académie pastorale des Arcades ai aussi reçu pour mon nom de berger celui d’Alcamène. Ce qu’il y a de certain c’est que ce Grec, dont le nom prouve l’origine, était revêtu, l’inscription le dit, de charges municipales, décurion et duumvir, et en conséquence avait adopté la toge romaine. Peut-être exerçait-il la sculpture en amateur. Une statue qu’on voit au palais Barberini a prés d’elle deux bustes et représente aussi un sculpteur ; on la donne assez ridiculement pour Brutus avec les têtes de ses deux fils.

[234] Cette explication de Zoega est la plus probable. On a supposé aussi un apothéose en quelque sorte domestique, ce qui l’est beaucoup moins.

[235] Γναίος pour Cnæus, pâte de verre citée par Winckelmann.

[236] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 27.

[237] Pline, Hist. nat., XXXIV, 18, 5. On a pensé, mais, ce me semble, sans motif suffisant, que ce pourrait être la tête de bronze du prétendu Commode, dans la cour du palais des Conservateurs.

[238] Autour de la pigna, maintenant dans le jardin du Vatican, trouvée non loin du mausolée d’Adrien, on a lu : Publius Cincius Salvius. Des inscriptions nous apprennent l’existence de Flavius Largonius qui faisait des statuettes en bronze : faber flaturarius Sigillarius. (Orelli, Inscript., n° 4280.)

[239] Un Titius Gemellus avait fait son propre buste (Osann. Syll., sect. II, 5), dit une inscription grecque, peut-être ne l’avait-il que dédié à sa propre mémoire. Le nom propre Ingenuus qu’on lit au bas d’un Mercure du Vatican (Ingenui) est plutôt celui du possesseur que de l’auteur de la statue.

[240] Sur un bas-relief on lit : Cassia Mani filia Mantilla Priscilla fecit (Brunn, Gesch. d. Gr. K., I, p. 614-15). Ici encore le mot fecit indique peut-être seulement qu’une dame de la famille Cassia — ce devait être une personne considérable, car elle avait trois noms — avait fait faire le bas-relief. M. Mommsen tient d’ailleurs l’inscription pour suspecte.

[241] Anthologie palatine, IX, 332.

[242] Un jeune homme imberbe et une tête de Méduse, avec le nom de leurs auteurs, C. Pomponius et C. Ovius, au musée Kircherien (Voyez Brunn, Gesch. d. Gr. K., I, p. 533-4.)

[243] Des artistes grecs avaient été amenés d’Asie par le frère de Scipion l’Africain. (Tite-Live, XXXIX, 22.)

[244] Pline, Hist. nat., XXXV, 45, 2.

[245] Ce nom est écrit sur une statue du Louvre ; l’on a cru y reconnaître les traits du fils de Pompée.

[246] Celui qui avait commandé la statue et celui qui devait l’exécuter moururent avant qu’elle fût achevée (Pline, XXXV, 45, 2) : la Félicité ne leur porta point bonheur.

[247] Pline, Hist. nat., XXXV, 45, 3.

[248] Pline, Hist. nat., XXVI, 5, 21.

[249] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 27.

[250] Pasitelès, Stephanos, Ménélas, et probablement plusieurs de ceux que Pline dit avoir vécu vers le temps de Pompée ; Posidonius d’Éphèse, Lædus Stratiatès, Pythéas, Zopyrus, Teucer.

[251] Diogène, qui décora le Panthéon, Thaletio, affranchi de Mécènes fondeur de statuettes en bronze. Les artistes à nom grec que Pline dit avoir travaillé pour le palais des Césars.

[252] Pline, Hist. nat., XXXV, 45, 3.

[253] Cicéron, de Div., I, 56. C’est par erreur que le nom de Pasitelès a été confondu avec celui de Praxitèle.

[254] Les plus certains sont Cneus et Aulus. Ces artistes devaient être célèbres, car leurs noms ont été bien souvent usurpés. Brunn (Gesch. der gr. Künslt., II, p. 546-551, 560-6) ; on cite encore un Saturninus Secerus. (ibid., p. 578-9.)

[255] Vatican, nuov. bracc., 59, 74, 86.

[256] Une des plus belles statues de magistrat romain (villa Lud.), est d’un Grec de l’empire, Zénon d’Aphrodise.

[257] M. P. Cl., 81. Le sacrifice de Marc-Aurèle, dans le bas-relief de l’escalier du palais des Conservateurs, au Capitole.

[258] Selon Wagner, il remonterait encore plus haut et aurait été employé avant Phidias dans les sculptures d’Égine. (Müller, Arch., p. 430.)

[259] On les a remarqués sur une tête d’Alcibiade qui est au Louvre. Sur les colosses de Monte Cavallo, sur le discobole. (Müller, Arch., p. 431.)

[260] On multipliait ainsi les portraits des hommes célèbres.

... Quamquam plena omnia gypse

Chrysippi...

Juvénal, Satires, II, 4.

Jupiter avait fabriqué une image du Bacchus entant déchiré par les Titans : ex gypse plastico. (Lobeck, Aglaoph., p. 571.)

On appelait cet art gypsoplasia (Osann., Auct. lexic. gr., p. 188).

On se servait de la poix pour cette opération. Lucien (Jup. trag., 33) parle d’une statue de Mercure, dans le voisinage du Pæcile, toujours couverte de poix parce qu’elle était moulée constamment par les statuaires ; plaisanterie qui est une fine louange de la beauté de ce Mercure.

[261] Les témoignages des anciens sont positifs (Quatremère de Quincy, Jup. Ol., p. 49 et suiv.). On a constaté l’existence de l’architecture peinte à Selinonte, à Égine, au temple de Thésée, au temple de Phigalie, etc. La peinture de la pierre dont parle Pline (XXXV, 1, 3) a été mise hors de doute, mais elle était plus ancienne que Pline ne le croyait. Il y avait à Athènes un tribunal rouge et un tribunal vert (Pausanias, I, 28, 8). On recouvrait aussi les colonnes d’un stuc blanc. Colonnæ dealbatæ. (Cicéron, In Ver., II, 1, 55.)

[262] Parmi les statues sur lesquelles on a signalé des traces de coloration (Voelckel, Arch. Nachl., p. 80-1), je citerai les frises du Parthénon et de Phigalie ; à Paris, la Pallas de Velletri, la Vénus d’Arles ; à Florence, la Vénus de Médicis ; à Naples, un Drusus ; à Rome, le Nil, le prétendu Antinoüs du Capitole, les colosses de Monte Cavallo, l’Oreste et l’Électre de la villa Ludovisi, un Mercure (M. Chiar., 579), une Domitia, bien certainement romaine, aussi bien que le bas-relief proconsulaire (M. P. Cl., 59). Le vernis d’une tête d’Apollon (M. P. Cl., 283) est encore visible.

[263] Athénée, XIII, p. 608. Plutarque parle de ceux qui peignaient les statues à l’encaustique, άγαλμάτων έγxαυσταί. (de Gl. Athen., 6.)

[264] M. Chiar., 197. La chaux, qu’ont recouverte les sourcils modernes, a montré qu’ils étaient primitivement en métal (St. R., II, 2, p. 52-3.)

[265] D’après un relevé des statues de Rome qu’on croit rédigé sur des catalogues du quatrième siècle, il y aurait eu à Rome : 80 statues d’or ou dorées, 3.810 statues de bronze, 46 statues d’ivoire. (Canina, Rom. ant., p. 627.)

[266] Comme un homme qui étend l’or autour de l’argent. (Odyssée, VI, 232.)

[267] Un atelier de restauration a été découvert à Rome près du forum. On a cru découvrir des traces d’une restauration antique dans la tête dite d’Hésione de la villa Ludovisi. Selon Visconti, les bras de la Junon Barberine (M. P. Cl., 550), dans l’antiquité, étaient déjà rapportés.

[268] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 20. Cet Évander avait aussi de la réputation comme mouleur en argile, si c’est lui dont parle Horace à propos d’un plat de grand prix. (Horace, Satires, V, 3, 90.)

[269] Pline, XXXV, 36, 28. De même, Canova refusa de refaire une jambe de la Vénus Callipyge, mal remplacée par Albacini. Sous Néron, un peintre osa refaire la Vénus Anadyomène. (Pline, XXXV, 36, 28.)

[270] Autrefois, dit-il, Nulla in Apellis tectoriis pictura erat. (XXXV, 37, 6.) On gâta plusieurs fois des tableaux en voulant les nettoyer ou les restaurer. Avis aux conservateurs des musées romains et autres.

[271] Müller, Arch., p. 48, 49. Des préceptes pour le vêtement des dieux sont donnés dans les poèmes orphiques. (Lob., Agl., p. 727.)

[272] St Augustin, Civ. Dei, VI, 10. Passage tiré d’un traité contre les superstitions que saint Augustin attribue à Sénèque mais qu’on ne peut croire avoir été de lui.

[273] Müller, Arch. att., II, 339. Méd. de l’impératrice Sabine.

[274] Ibid., 340. Médaille de Q. Cassius. La Vesta Giustiniani (Ibid., 328) avec le voile est la Vesta romaine ; la Vesta sur le putéal du Capitole, qui n’a rien de romain, est l’Hestia grecque.

[275] Divinités prises dans un sens romain sur un bas-relief (M. P. Cl., 430. Ger., St. R., II, 2, p. 205-6).

[276] Priape était une transformation du Pan pélasge, dieu de la nature et de la vie. Priape ou Vertumne (M. P. C., 56).

[277] La tradition grecque, suivant laquelle la corne arrachée par Hercule au fleuve Achéloüs devint la corne d’abondance, conduisait naturellement à considérer le vainqueur d’Achéloüs comme dispensant l’abondance des biens et en particulier des fruits ; pour cela, il suffisait de placer cette corne dans la main d’Hercule ; c’est ce que l’on fit et c’est ce que l’on voit dans plusieurs représentations romaines de l’Hercule rustique, de l’Hercule sylvain. (M. P. Cl., 565 ; Villa Borghèse, S. des Hercules, Hercule portant des fruits.)

[278] J’ai établi l’identité et la synonymie de Pan dieu pélasge et de Sylvain dieu latin. C’est à cause de son origine pélasge que Sylvain avait un temple en commun avec Hercule (Beck., August., II, 97), et a cause de sa provenance latine qu’une statue de Sylvain s’élevait devant le temple de Saturne (Pline, XV, 20, 4). Hercule et Sylvain souvent confondus, étaient cependant deux personnages distincts. Ils figurent tous les deux sur un même bas-relief. (M. Chiar., 636.)

[279] Mars venant à travers les airs (M. P. Cl., 452), dans lesquels il est comme suspendu, pendens, expression de Juvénal (Satires, XI, 117), qui dit ce sujet ; les deux Enfants et la Louve étaient une décoration ordinaire des casques romains. Mars conduisant Rhéa Sylvia comme sa fiancée, vêtu (M. P. Cl., 465), bas-relief plus chaste que le premier, est par cela même plus romain. Ce sujet est rattaché aux origines troyennes sur l’autel de Faventinus (M. P. Cl., 44). On l’avait figuré sur le fronton du temple de Vénus, et Rome, dont le nom où entraient Vénus, mère d’Énée, et Rome fondée par Romulus, contenait une double allusion aux mêmes origines. Le cavalier debout prés de son cheval devant un temple (bas-relief de la villa Albani, grand salon), pourrait bien être un des Dioscures apparaissant dans le forum après le combat du lac Régille, et le temple celui de Castor et Pollux, qui fut élevé au lieu de l’apparition.

[280] M. P. Cl., 452. 446. Les auteurs de ces bas-reliefs ont eu devant les yeux la fameuse louve du Capitole, ouvrage étrusco-romain.

[281] Statue de Didon qui va se donner la mort (M. P. Cl., 393) ; bas-relief d’Énée et Didon à Carthage (ibid., 20). La statue de Didon a été restaurée d’après une autre Didon qui tient un poignard et n’a, comme celle-ci, de chaussure qu’à un pied. (Visconti, M. P. Cl., p. 80.)

[282] S. Bartoli, Adm. rom., 83.

[283] Instruments du culte, frise d’un temple de Neptune, M. Cap., salle des Philosophes ; sur la frise du temple de Vespasien ; sur l’arc des Argentarii.

[284] M. Chiar., 5.9, 560. Sacrifice de jeunes filles à Minerve, parmi lesquelles semble figurer Minerve (M. P. Cl., 614). Un homme faisant une libation, une femme, la tête voilée, brûlant de l’encens (M. Capil., grand salon.)

[285] Pausanias le dit expressément (VI, 2, 2). Aristolaus avait peint une immolation de bœufs (Pline, XXXV, 40, 12) : Sthénis, sculpté (Pline, XXXV, 56, 17), et Apelles peint des Vierges sacrifiant (ibid., 35, 33). Visconti pense qu’un bas-relief du Vatican (M. P. Cl., 94), ois l’on voit des jeunes filles et un taureau, peut venir de là. Je fais remarquer que ce bas-relief rappelle une sculpture du Parthénon (Müller, Att., I, pl. XXIV ; 116), ce qui exclut l’interprétation par un Bacchus tauriforme et montre qu’il s’agit d’un taureau qu’on va sacrifier. Un mouton égorgé sur un autel et dont les entrailles sont mises à nu (M. P. Cl., 151) ; tel devait être à Olympie le chien dont le corps ouvert laissait voir le foie. (Pausanias, VI, 2, 2.)

[286] Villa Borghèse, I, 17.

[287] M. P. Cl., 157.

[288] M. P. Cl., 235.

[289] M. P. Cl., 522.

[290] Vatican, gal. des Candélabres, 2.

[291] Il faut renoncer, je crois, à voir une præfica dans l’Hécube du Capitole ; mais on peut en reconnaître une dans la figure de femme du Musée Chiar., 580.

[292] M. Capit., galerie.

[293] Les repas sont fréquemment représentés sur les monuments funèbres. (Voyez chap. XIV.)

[294] M. Capit., salle des philosophes.

[295] Villa Borghèse, salon, 7.

[296] M. Capit., salle des philosophes.

[297] M. Chiar., 610-12. Le labourage et le sarclage (M. de Saint-Jean-de-Latran).

[298] M. de Saint-Jean-de-Latran. Garaccci, pl. XXXII, p. 52. Dans ces divers travaux champêtres, le bufle ne paraît jamais, les anciens Romains ne l’employaient point. On croit qu’il est venu avec les Lombards.

[299] J’aurai occasion d’y revenir à propos des représentations bachiques sur les monuments funèbres. L’action de deux hommes qui, pied contre pied, tirent à eux chacun de son côté, se rapporte à la foulure du vin : on a cru la trouver décrite par Hésiode. (Se. Herc., 201-2.)

[300] Les deux sont représentées dans un bas relief (M. Chiar., 127) par un berger et par un char qui emporte la moisson.

[301] M. Chiar., 269.

[302] M. P. Cl., 153. Autre berger dormant. (M. Chiar., 340.)

[303] Villa Borghèse, III, 3. Autre paysage en bas-relief (M. Capit., salle des Philosophes), avec la vue d’une rivière, d’un pont et d’un temple.

[304] Iliade, XVIII, 542-87.

[305] Sc. Herc., 236.

[306] Pline en cite plusieurs.

[307] Cum captura. (Pline, XXXV, 36, 36.)

[308] Il y a des chasseurs qui poursuivent le lièvre sur le bouclier d’Hercule. (Hésiode, Se. Herc., 304.)

[309] M. Capit., salle des Hercules, 33. Ce chasseur est Romain, car sur un côté de la plinthe on lit : Polytimus libertus.

[310] Philostrate, Im., 1, 13.

[311] Théocrite, Idylle, XXI.

[312] M. Vatican, gal. des Candélabres, 177.

[313] M. Chiar., 287. Pécheur dans une barque jetant son filet, fragment de bas-relief (M. Capit., salle des Philosophes) cité plus haut.

[314] Voyez la figure brutale (M. P. Cl., 248) trouvée dit-on dans le tombeau des Scipions ; sans doute un de leurs affranchis, bon type de la canaille énergique de Rome.

[315] L’usage grec de mouler sur le vif dut passer à Rome, où l’on moulait en cire sur le visage des morts. Ces masques étaient conservés dans les familles et portés aux funérailles.

[316] M. P. Cl., 388. On les a appelés sans aucune raison Caton et Porcie.

[317] Le personnage en toge et assis dans l’apothéose de Faustine la jeune (pal. des Cons.) est le sénat, selon Visconti.

[318] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 28.

[319] Sur un bas-relief (villa Panfili), un sculpteur, qui a singulièrement romanisé le sujet d’Hippolyte partant pour la chasse, a placé prés de lui Virtus, tandis que Rome tient les chevaux, parce que ces figues allégoriques paraissent ainsi dans les Chasses des empereurs. (Bas-relief au palais Mattei, dans l’escalier.)

[320] Pausanias, V, 11, 2.

[321] Pausanias, III, 18, 5.

[322] Pausanias, IV, 31, 8.

[323] Pausanias, VIII, 30, 5.

[324] Bas-relief Chigi.

[325] Déjà Lysandre avait été honoré comme un dieu (Plutarque, Lys., 18). Damias avait représenté Lysandre couronné par Neptune. (Pausanias, X, 9, 4.)

[326] M. Vatican, S. des Candélabres, 181. Un petit bronze très semblable au musée Kircherien.

[327] Antioche est encore représentée ainsi sur les monnaies coloniales du temps de Caracalla. A cette époque on l’eût faite plus humble, mais on continuait à reproduire l’ancienne image qui avait cessé d’être vraie.

[328] Sur le grand cratère des travaux d’Hercule.

[329] A Sparte, deux Victoires portées sur des aigles en mémoire de deux défaites des Athéniens. (Pausanias, III, 17, 4.)

[330] Deux provinces vaincues (cour du palais des Conservateurs). Deux figures (M. Chiar., 71 et 561) données pour des provinces n’en sont pas. Une province barbare au pied de laquelle on a écrit le nom moderne d’Ungaria (M. Capit., sous le péristyle). Un jeune homme à la longue chevelure, vêtu d’un sagum (M. P. Cl., 600), peut représenter un peuple ou un pays barbare.

[331] Villa Médicis, façade du Casino.

[332] Surtout les villes d’Asie, pays où l’on croyait qu’avaient habité les Amazones ; par exemple, Éphèse (Müller, Att., 1, 376).

[333] Statue dans le jardin de la villa Médicis.

[334] M. P. Cl., 401. Ou bien c’est Virtus et Concordia (St. r., II, 2, p. 173).

[335] S. des Candélabres, 210. Palerme ? à cause de sa couronne murale de ville et du gouvernail qu’elle tient et qui indique un port de mer. Elle tient aussi un volumen. Sont-ce les droits municipaux de Palerme ou le compte de ses impôts ? M. Gérhard voit dans cette figure douteuse de ville une Fortune.

[336] Bas-relief du musée de Saint-Jean-de-Latran, dans lequel on croit reconnaître Vetulonia, Tarquinii, Vulci et une indication de Laurentum. (Garrucci, pl. X, p. 19.)

[337] Le Génie ou la Fortune de la ville.

[338] Athénée, V, p. 201.

[339] L’idée de glorifier la conquête de l’Égypte n’était peut-être pas étrangère aux auteurs des statues du Nil. On faisait au Tigre, à cause de sa grande célébrité, l’honneur de le placer en pendant du Tibre, si, comme le dit Visconti (M. P. Cl., I, p. 72), le Nil du Capitole a été un Tigre, d’après lequel un autre fleuve (M. P. Cl., 600) aurait été si hardiment restauré en Tigre par Michel-Ange.

[340] Sur la base de la vraie colonne Antonine, dans le jardin du Vatican, et peut-être aussi dans le bas-relief de l’apothéose de Faustine la jeune. (Palais des Conservateurs.)

[341] Arc de Constantin ; bas-relief du temps de Trajan qui avait restauré la voie Appienne.

[342] Bas-relief d’un autel votif (péristyle du musée Capitolin). Prés de la figure couchée s’élève une pierre miliaire avec ces mots : Salvos venire.

[343] Bas-relief d’Énée et Didon (M. P. Cl., 20), J’interprète ainsi une grande figure qui ne peut être l’ombre d’Anchise ni un pilote troyen, comme le veut Visconti et que Zoega déclare ressembler à un fleuve.

[344] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 8-9.

[345] Au musée Kircherien. On en a trouvé d’autres à Palestrine, dont plusieurs sont aussi très belles (bibliothèque du palais Barberini). Quelques-unes ont été acquises par la France avec le musée Campana. Les cistes contiennent souvent des ornements de femme et avaient aussi un sens mystique. Müller (Arch., p. 989) pense que celles de Préneste étaient offertes par des femmes à la Fortune.

[346] Cette lutte, célébrée par la poésie épique (Argonotiques, II, 99-97) avait été mise en comédie par Épicharme.

[347] L’inscription, en vieux latin, porte : Novios Plautois (pour Plautios) med Romai fecit Dindia Macolnia filea dedit. On a retrouvé à Palestrine le tombeau d’un L. Magulnius, fils de Plautius, ce qui fait penser que la famille de l’artiste, alliée à celle de la donataire, était établie à Préneste. Un autre Novius, beaucoup moins ancien, à en juger par le latin de son épitaphe, Novius Blesamus, était sculpteur à Rome (Brunn, Gesch. d. Gr. K., I, p, 614.)

[348] C’est le jugement de M. Gerhard. Quelques détails aussi ont paru rappeler l’Étrurie, entre autres le Génie de la Mort. Mais, quoi qu’il en soit de l’exécution et des détails ; le style des dessins est grec.

[349] M. Fulvius Flaccus dans le temple de Vertumne et L. Papirius Cursor dans le temple de Consus (Festus, p. 209). Comme on sacrifiait Vertumne et à Consus au mois d’août sur l’Aventin, Becker (R. Alterth., p. 489) incline à placer leurs temples sur cette colline. Vertumne et Consus étaient deux vieilles divinités sabines, les Fulvii et les Papirii deux familles sabines ou au moins sabelliques. J’ai dit pourquoi.

[350] Tite-Live, XXIV, 16. Les noms de temple de la Liberté et d’atrium de la Liberté ont produit dans la topographie romaine une confusion que je crois pouvoir éclaircir. Il n’y eut jamais à Rome qu’un temple de la Liberté, celui que le père de ce Sempronius avait élevé sur le mont Aventin. Mais il y eut à Rome deux atria Libertatis qui ne doivent point être confondus avec le temple de la Liberté ; atrium n’est synonyme de templum qu’en poésie, en prose un templum est un lieu saint, un atrium n’est pas un lieu saint : ce mot désigne la cour intérieure d’une maison et plus généralement un espace entouré de portiques ou enfin un lieu vaste comme le dit Servius (Æn., I, 526), qui cite à cette occasion l’atrium de la Liberté. Un atrium libertatis était un édifice où l’on affranchissait les esclaves, où devait se faire tout ce qui concernait leur condition (Tite-Live, XLV, 15), et, par une extension singulière de ce principe, qui ressemblait à une dérision, où on les torturait (Cicéron, Mil., 22). J’ai déjà parlé d’un atrium de la Liberté où les censeurs se réunissaient ; celui-là était au nord-ouest du forum romain, assez prés du forum de César pour figurer dans le plan de ce forum tel qu’il est indiqué par Cicéron (ad Att., IV, 16) ; nommé par Tite-Live (XXXIV, 44) avec la villa Publica, qui touchait aux Septa, cet atrium Libertatis devait être dans cette direction, et, nomme il est dit aussi, sur un lien élevé (Tite-Live, XLIII, 10) ; il ne pouvait par conséquent se trouver que sur le sommet de la colline qui jusqu’à Trajan, réunit le Quirinal au Capitole ; quand Trajan eut détruit la colline pour faire place à son forum et à sa basilique, on transporta dans cette basilique ou près de cette basilique le lieu des affranchissements, ce dont fout foi un passage de Sidoine Apollinaire et un fragment de l’ancien plan de Rome où l’on voit près de la basilique Ulpienne le mot Libertatis. Sous Auguste, Asinius Pollion construisit un autre atrium Libertatis sur l’Aventin, où étaient ses bâtiments, dans lequel il plaça la première bibliothèque dont l’entrée fut libre ; cet atrium de Pollion n’avait rien de commun, si ce n’est peut-être le voisinage avec un temple de la Liberté qui donnait son nom au temple du Jupiter de la liberté. Pollion a bien pu bâtir un édifice pour les affranchissements d’esclaves, mais il n’eut pus élevé un temple à la Liberté sous Auguste qui l’abolissait et il n’eût pas établi sa bibliothèque dans un temple.

[351] Tite-Live, XLI, 28.

[352] Appien, Bell. Mithridate, 117.

[353] Appien, Bell. civ., II, 101.

[354] Cette peinture n’était point la fresque proprement dite, car les couleurs employées par les anciens ne pénètrent pas le fond. Plusieurs d’entre elles ne peuvent avoir été employées dans ce genre de peinture. C’est ce qu’a établi M. Letronne (Lettre d’un antiquaire à un artiste, p. 564-76). Les peintures antiques, dit M. Letronne, mit été appliquées sur un stuc revêtu d’une couche étendue à frais. M. Hittorf admet une sorte de fresque d’un genre particulier (p. 678).

[355] L’usage de la peinture sur bois à la détrempe vernie s’est conservé à Constantinople et en Italie jusqu’à la Renaissance. Pline dit que les peintres de tableaux (tabulæ) étaient seuls estimés. Il ne faut point voir là une preuve que la peinture murale ait toujours été méprisée ; à l’époque de Pline, elle pouvait être tombée comme elle l’est trop aujourd’hui. Pline d’ailleurs oppose dans ce passage la peinture historique à la peinture purement décorative. (Letronne, Lettre d’un Antiquaire, p. 210 et suiv.) Les tableaux sur mur de Panamas et de Polygnote étaient au nombre des œuvres les plus célèbres. A Rome, de même qu’en Grèce, on peignit l’intérieur des temples (Hirt., Lehre der Ceb., p. 41). Cette décoration intérieure put être quelquefois produite au moyen de tableaux encastrés dans les murs, comme le veut M. Welcker, mais le plus souvent, et on peut le croire, généralement, par une peinture appliquée sur les murailles elles-mêmes, ainsi que me semble l’avoir démontré M. Letronne.

[356] Peinture à la cire avec l’emploi du feu, exécutée par divers procédés qu’il est bien difficile aujourd’hui de préciser. L’encaustique fut certainement pratiqué par les peintres grecs ; Pline (XXXV, 39, 1. 40, 1) en cite plusieurs, entre autres Polygnote, un Élasippus d’Égine qu’on a pris pour Lysippe, Pamphile et Nicias. La Médée de Timonaque, qui était à Rome, fut peinte à la cire, αηρώ, comme celle dont parle un poète de l’Anthologie (Anthol. Plan., IV, 141). L’enfant qui soufflait le feu dans l’atelier d’un peintre, par Philiscus, travaillait, selon M. Letronne, à la préparation d’une peinture qui avait besoin du feu. (Lettre à un Antiquaire, p. 493.)

[357] La peinture sur toile, in Sipario, beaucoup plus rare, était cependant connue des anciens. On voit à Pompéi une toile sur un châssis. (Rich., Dict. des Ant., p. 482.) Ce genre de peinture est mentionné pour la première fois à propos d’un portrait gigantesque de Néron. (Pline, XXXV, 33, 4). Cicéron oppose, il est vrai, les peintures in textili aux peintures sur bois, in tabula (in Ver., II, 4, 1), mais M. Letronne (Lettre d’un Antiquaire, p. 182, 195) pense qu’il s’agit dans ce passage de broderies. On voit aussi que les anciens connaissaient l’usage du chevalet (peint. de Pompéi). Leurs tableaux avaient des cadres de bois, quelquefois des volets pour les protéger comme on lit dans les premiers temps de la peinture moderne.

[358] Pline, Hist. nat., XXXV. 2. Stemmatum multis nomina... illigata figuris, dit Sénèque en parlant des arbres généalogiques.

[359] Pline, XXVI, 2, 7. Ot. Müller croit (Arch., p. 462) qu’on ne peut guère entendre autrement ce curieux passage de Pline. M. Didot (Histoire de la gravure en bois, p. 9-10) est du même avis ; selon lui, il s’agit de la gravure en relief que les toiles peintes de l’Orient montrent avoir été très anciennement connue. Il pense que le peu de solidité du papier qui rendait l’impression difficile à exécuter a fait abandonner un procédé dont la disparition semble encore plus extraordinaire que la découverte.

[360] Bas-relief cité comme romain par Rich. (Dict., p. 469.)

[361] Zeuxis peignit la maison d’Archelaüs (Élien, Var., XIV, 17) pour une somme de 400 mines (36.000 francs environ), ce qui représente une valeur à peu près triple de ce qu’elle serait aujourd’hui. Alcibiade fit peindre la sienne par Agatarchus, qu’il y enferma jusqu’à ce que son travail fût terminé. Pausias le premier peignit les plafonds, selon Pline (Pline, XXXV, XI, 1) ; ce genre de peinture était connu depuis Eschyle. (Letr., p. 324.)

[362] Peintures du tombeau des Nasons, publiées par S. Bartoli.

[363] Les peintures de la pyramide funèbre de Cestius.

[364] Souvent on les rapporte par erreur aux thermes de Titus. Il faut y joindre les fragments trouvés sur le mont Aventin et déposés au musée Kircherien, d’une grande finesse ; les peintures du columbarium de la villa Panfili, d’une facilité et d’un bonheur extrêmes ; celles d’un tombeau sur la voie Latine qui ont apparu, il y a peu d’années avec toute la vivacité de leur coloris après dix-huit siècles. On vient d’en découvrir d’admirables dans une villa de Livie.

[365] Six fragments de peinture murale à fond d’or ont été trouvés prés de la basilique de Constantin. Ils sont maintenant au Louvre. (Lettre d’un Antiquaire, p. 414.)

[366] Pour les frontons des temples, voyez Letronne (Lettre d’un Antiquaire, p. 340) ; pour les tombeaux ; je discuterai ce que l’auteur dit de ceux dont Pausanias a vu les peintures, peintures, selon lui, nécessairement placées à l’extérieur, car autrement Pausanias n’eût pu les voir, protégées qu’elles étaient par la religion des sépultures. Pour les portraits sur les portes des maisons, Ausone (Ep. 26) en parle encore au quatrième siècle.

[367] La façade postérieure du palais Massimi, peinte à l’extérieur par Daniel de Volterre ; d’autres palais sont encore ornés au dehors de peintures ; le portrait, aujourd’hui presque disparu, de Rafaël par Charles Maratte, s’entrevoit au-dessus de la porte d’une maison de la rue des Coronari, qui appartenait au grand peintre, et que, par son testament, il laissa à l’église du Panthéon, à la condition d’y être enterré.

[368] Natif de la colonie phocéenne d’Alalia en Corse d’après un texte de Pline adopté par Sillig ; selon M. Letronne d’Eolie ou de Préneste (Lettre d’un Ant., p. 421.)

[369] Par conséquent, un affranchi de la famille Plautia, famille de Préneste. (Pline, Hist. nat., XXXV, 37, 4) ; l’inscription en vers que cite Pline est, comme le remarque très bien M. Brunn (Gesch. de dr. K., II, p. 303), postérieure a la seconde guerre punique, car elle est en vers hexamètres, et l’hexamètre a été introduit par Ennius ; Mais le tableau pouvait être plus ancien que l’inscription. M. Letronne place Clétas au septième siècle de Rome. (Lettre d’un Antiquaire, p. 39 et 413.)

[370] Festus, p. 230.

[371] Cicéron, ad Att., IV, 16. Cicéron nomme un de ses élèves, Antiochus Gabinius, affranchi.

[372] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 23, 57, 2.

[373] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 22. Apelles (Anth. gr., III, p. 218) avait aussi fait son portrait.

[374] Specula totis paria Corporibus (Sénèque, Natur. quæst., I, 17). Dans ce curieux passage, Sénèque oppose aux miroirs en métal, qu’il dit les plus anciens, ceux dont l’éclat est argenté, ce qui semble désigner l’étamage, dont la matière est fragile et sans valeur, ce qui désigne certainement le serre. C’est seulement devant un grand miroir de cette sorte que pourrait s’exercer Démosthène.

[375] Dibutade de Sicyone avait, disait-on, rempli avec de l’argile le contour de l’ombre projetée sur un mur. Il passait aussi pour avoir inventé les antefixes en terre cuite (Pline, XXXV, 43 1). La tradition donnait donc une origine grecque à cet art de la plastique que les Romains avaient reçu des Étrusques et qui a produit ces admirables bas-reliefs empreints du plus pur style grec, dont le musée Campana (maintenant à Paris) offre une collection unique au monde.

[376] On veut croire aussi que l’original de cette mosaïque a été le tableau très vanté par Pline de Philoxéne, qui avait représenté une bataille d’Alexandre et de Darius. (Pline, XXXV, 56, 45.)

[377] Brunn, Gesch, d. gr. G., II, p. 261-2, 291-99, 500.

[378] Pline, XXXV, 37, 7. Vitruve, VII, 5, 1, 2-8. Vitruve ne nomme pas Ludius.

[379] M. P. Cl., 102. M. Chiar., 87, 149, 474, 578, 425, 427, 430, 613.

[380] Sur un papyrus du musée égyptien de Turin.

[381] Pline, Hist. nat., XXXV, 37, 3.

[382] Obsonia ac similis (Pline, XXXV, 37, 1). On appelait aussi les représentations de la nature morte xenia (Vitruve, VI, 7, 4). Plusieurs des sujets décrits, sous ce nom, par Philostrate (Imag., I, 30, 11, 26), des fruits, des oies, des canards suspendus se retrouvent dans des mosaïques ou des peintures à Rome et surtout à Pompéi.

[383] L’une dans la salle des Animaux, l’autre dans la salle des Candélabres (131).

[384] Près de l’arc de Gallien. Il devait orner la villa de cet empereur, dans les jardins Liciniens qui étaient de ce côté.

[385] Winckelmann (Mon. ined., p. 60, 152) pensait y reconnaître les noces de Thétis et de Pelée en le comparant au bas-relief de la villa Albani que Zoega (I, 253) croyait de son côté composé d’après un tableau, comme les noces aldobrandines. Bötttiger (Nozz. ald., p. 66 et suiv.) y voit un simple mariage avec une allusion aux noces de Bacchus et de Cora ; d’autres, ce qui est moins vraisemblable, l’hymen même de Liber et de Proserpine. (Ann. arch., 1842, p. 27. Gerhard, St. R., II, 2, p. 11.)

[386] Plusieurs détails sont romains, par exemple le voile jaune, appelé flammeum, propre aux jeunes mariées romaines.

[387] Nova nupta verecundia notabilis. (Pline, Hist. nat., XXXV, 56, 16.)

[388] Et non Échion. (Brunn., II, p. 245.)

[389] Lucien, Herodot., 5 ; de Imag., 7. Lucien nomme Ætion avec Apelles.

[390] Un motif analogue se retrouve dans une statuette d’enfant qui est au Capitole et à la villa Albani. Cet enfant, caché tout entier derrière un grand masque tragique, passe la main par la bouche du masque pour effrayer un autre enfant.

[391] A la Farnésine, premier étage, sans doute très semblable à la description de Lucien. Dans une peinture de Pompéi, Alexandre et Roxane sont remplacés par Mars et Vénus. Les Amours s’y livrent aux mêmes espiègleries : l’un d’eux poile le casque de Mars et le met sur sa tête ; un autre ceint son épée.

[392] Vitreæ Cameræ (Pline, XXXVI, 69). Cameræ veut dire voûtes. (Letronne, lettre, p. 319.)

Effulgent camera vario fastigia vitro.

Stace, Sylves, I, 5, 42.

Pline nous apprend qu’à Rome les mosaïques en pierre ont précédé les mosaïques en verre.

[393] Quelquefois des cadres à figures en mosaïque sont placés au milieu de dessins et d’ornements, comme était la mosaïque du vaisseau d’Hiéron. (Letronne, Lettre d’un Ant., p. 312).

[394] M. Visconti a découvert dans le mithreum d’Ostie une figure appliquée contre le mur, en mosaïque.

[395] Sectilia, lithostrata, ceux-ci différents des musiva pâtes de verre teintes de diverses couleurs. Quant aux pierres employées,. c’étaient des marbres rares et même des pierres précieuses. L’expression de Sénèque n’est pas hyperbolique : Nisi gemmas calcare nolumus (Ep., 86). Au dix-septième siècle, on a trouvé sur l’Aventin une chambre dont le pavé était d’agathe et de cornaline (Fl. Vacca, Mem., 901-2-18), un passage malheureusement corrompu d’Athénée semble indiquer l’existence de mosaïques à fond d’or (Letronne, Lettre d’un Ant., p. 312) ; ce serait l’origine des fonds d’or si souvent employés dans les mosaïques byzantines et dans les anciennes mosaïques italiennes, imitées encore par Léonard de Vinci dans sa madone de Saint-Onuphre.

[396] Ainsi nommé parce qu’on en attribuait l’invention à Alexandre Sévère. En tout cas, ce n’était qu’une nouvelle application d’un art plus ancien.

[397] M. Letronne (Lettre à un Antiq., p. 200) rapporte particulièrement à ce genre de mosaïque ce passage de Pline (XXXV, 1, 2) : Interraso marmore vermiculatisque ad effigies rerum et animalium crustis.

[398] Esther, I, 6. Tobie, XIII, 22. Cantique des Cantiques, III, 10. Ces passages ne semblent pas décisifs à M. Letronne (Lettre à un Antiq., p. 312-13.)

[399] Pline, Hist. nat., XXXVI, 64, 1.

[400] Letronne, Lettre d’un Antiquaire, p. 313-1. Expédition de Morée, Archit., I, pl., 63-1.

[401] Athénée, V, p. 207. Une mosaïque représentant la guerre de Troie ornait, on l’a vu, le fameux vaisseau d’Hiéron.

[402] Anecdote racontée par Galien. (Letronne, Lettre d’un Antiq., p. 307.) Elle formait le pavé d’un édifice placé au-dessous du grand temple. (Nibby, Dint., II, p. 504.)

[403] D’autres mosaïques représentent en petit des scènes d’Égypte. (Au Vatican, Gabinetio delle Masch. et V. Albanie.)

[404] Pline, Hist. nat., XXXVI, 60, 1.

[405] Iliade, XI, 631-4.

[406] Asarotos. Ce bas-relief était très célèbre. On en a trouvé une répétition en Afrique. Stace y fait allusion dans ce vers :

... Varias niai picta per aptes

Gaudet humus superare novis asarota figuris.

Stace, Sylves, I, 3, 55.

Une épigramme de l’Anthologie parle d’un Ophélion qui peignait les restes des repas. (Anth. Pal., VI, 316.)

[407] Nibby (Att. Bell. Arad. Arch., VI, 118) pense que la forme des lettres indique le temps de César.

[408] Les morceaux de marbre et d’émail mêlés sont si petits qu’on en a compté 7.500 dans une palme romaine carrée, un tiers de plus que dans la mosaïque de Pompéi. (Ann. Arch., 1833. Bullet., p. 82.)

[409] Ces magnifiques jardins étaient certainement entre le Palatin et la porta Ostiensis (porte Saint-Paul), car Néron s’y rendit quand il eut résolu de fuir vers Ostie. lis n’étaient pas éloignés du Tibre, car c’est là qu’il eut la pensée d’aller s’y précipiter (Suétone, Néron, 47). Nibby en a reconnu l’emplacement au-dessous du bastion de San-Gallo (Rom. ant., II, p. 350). César, en soupant chez Sercilio, me disait un jour M. Visconti, a regardé cette mosaïque.

[410] Dans le Nuovo Braccio, dans la salle Ronde, dans les chambres de Raphaël.

[411] Une des meilleures mosaïques de Rome est, chose assez singulière, dans l’église de Santa-Maria in Transtevere. Je ne vois pas ce que font là deux canards.