L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

DEUXIÈME PARTIE — LA RÉPUBLIQUE

XI — SUITE DE LA GRÈCE A ROME DANS L’ART.

 

 

Jusqu’ici, je n’ai guère parlé que des types divins tels que l’art grec les a exprimés et qu’on les retrouve Comme exprimés d’après lui ; mais on y retrouve aussi les types héroïques, et c’est dans ces types que je vais chercher à Rome les créations du génie grec.

Euphranor, peintre et sculpteur, réalisa le premier les types héroïques de la Grèce dans toute leur grandeur[1]. Et cette grandeur, là où nous la rencontrerons, nous saurons qu’originairement elle vient de lui.

Je commencerai par Hercule, car Hercule fut un héros avant d’être un dieu. Nous allons voir sa vie tout entière se dérouler dans des bas-reliefs et des statues ; ce sera pour nous comme si nous lisions quelque Héracléide perdue.

Ce poème sculpté commence avec la vie du héros.

La naissance d’Hercule, reçu, comme le petit Bacchus, par Mercure, est figurée sur un bas-relief du Vatican[2].

Hercule au berceau faisait déjà des prodiges. Un jour, il étouffa deux serpents que lui envoyait la haine de Junon. C’était le sujet d’un tableau de Zeuxis[3]. Une idylle de Théocrite[4] a pu s’inspirer du tableau et une ode de Pindare[5] a pu l’inspirer ; car si les poètes traduisaient parfois les artistes, plus souvent les artistes traduisaient les poètes.

A Rome, le tableau de Zeuxis est reproduit par plusieurs statues d’Hercule étouffant les serpents, et par un bas-relief[6].

Agéladas, qui eut l’honneur d’être le maître de trois grands sculpteurs grecs, Phidias, Polyclète et Myron, avait fait une statue d’Hercule imberbe[7]. Cet ouvrage du maître de Phidias dut susciter en Grèce des imitations, d’où dérivent sans doute plusieurs des Hercules adolescents[8] qui existent à Rome, et dans lesquels s’est effacé complètement le caractère de la sculpture grecque ayant Phidias[9].

On voit au Capitole une statue d’Hercule très jeune, en basalte, qui frappe assez désagréablement, d’abord, par le contraste, habilement exprimé toutefois, des formes molles de l’enfance et de la vigueur caractéristique du héros[10]. L’imitation de la Grèce se montre même dans la matière que l’artiste a choisie : c’est un basalte verdâtre, de couleur sombre. Tisagoras et Alcon[11] avaient fait un Hercule en fer, pour exprimer la force[12], et, comme dit Pline, pour signifier l’énergie persévérante du dieu.

Les douze[13] travaux d’Hercule, représentés soit par des statues, soit surtout par des bas-reliefs[14], l’avaient été en Grèce dès avant Phidias[15], et le furent de son temps[16] et après lui[17] par Polyclète, par Praxitèle, par Lysippe.

A Rome, nous voyons encore ce sujet reproduit d’après des modèles grecs : Hercule attaque l’hydre, ainsi que l’avait représenté Polyclète[18]. L’hydre s’entortille autour de la jambe d’Hercule[19] ; elle a une tête de femme[20], et, sauf l’expression, qui est celle de la terreur, ressemble singulièrement au serpent à tête de femme que Michel-Ange et Raphaël ont enroulé autour de l’arbre du Paradis terrestre, figurant l’esprit tentateur, sans le savoir, d’après Polyclète.

Hercule perce les oiseaux de Stymphale, nettoie les étables d’Augias, deux travaux omis par Praxitèle[21]. Sa gracieuse imagination avait évité ces sujets, dont le dernier l’avait sans doute rebuté. L’art antique parvint cependant à le rendre sans qu’il offrit aux yeux rien de déplaisant, en l’indiquant seulement par la corbeille et la fourche qui avaient servi à l’exécuter, par l’eau courante d’un fleuve et par une figure de femme qui représente cette eau. Hercule traîne Cerbère[22] et le lion de Némée[23], tue le roi de Thrace Diomède[24] et Géryon[25] arrive au jardin des Hespérides[26], dont les fruits d’or étaient peut-être bien des oranges, car ils étaient parfumés. Ce fruit ne semble pas avoir été connu des Romains dans les temps historiques ; mais les Grecs paraissent en avoir eu une notion légendaire et mythologique dans la tradition des fruits d’or du jardin des Hespérides, situé, d’après les récits les plus anciens, aux extrémités occidentales de la Méditerranée, en Libye ou en Espagne, aux bornes de Neptune, dit Euripide[27].

Hercule et les Hespérides faisaient partie d’une composition très ancienne de Théoclès[28], où entrait aussi Atlas soutenant le ciel. Ce dernier sujet, figuré isolément, se voit à Rome, assez semblable à ce qu’il était dans les compositions des anciens artistes grecs. Atlas porte le ciel, où sont figurés les douze signes du zodiaque[29], représentation de cette partie du mythe d’Hercule, conçue à une époque scientifique et surtout astrologique.

Le tour de force d’Hercule avec les cinquante Thespiades n’avait pas été négligé par Praxitèle[30]. On avait placé leurs statues à Rome[31] devant le temple de la Félicité, sans doute en mémoire du bonheur d’Hercule. Ces figures devaient être charmantes, car l’une d’elles rendit amoureux un chevalier romain. On n’en a pas encore retrouvé une seule, mais on sait où était le temple de la Félicité[32], et elles mériteraient d’être cherchées.

Certaines aventures d’Hercule, représentées quelquefois sur des bas-reliefs avec celles qu’on y rencontre plus ordinairement, doivent, comme les autres, avoir eu leurs modèles dans des produits perdus de l’art grec dont ces bas-reliefs nous révèlent l’existence[33] ; c’est Hercule instruit à jouer de la lyre par Linus, que le violent écolier devait tuer dans un moment d’impatience ; c’est Hercule apprenant à tirer de l’arc ; c’est la guerre d’Hercule contre le roi des Myniens, Erginus, célébrée anciennement par les poètes grecs[34], et qui désignait sans doute d’antiques différents de Thèbes et d’Orchoméne.

Hercule furieux, ce sujet pathétique, fréquemment traité par la poésie, l’a été rarement par l’art. Je ne l’ai pas rencontré à Rome. Sans doute, il faut accuser de cette omission le même scrupule qui a fait passer sous silence la fureur d’Hercule à Pindare dans le chant qu’il lui a particulièrement consacré[35].

Enfin, Hercule apparaît divinisé sur un bas-relief où on lit, écrit en grec, Hercule qui se repose[36]. Au-dessous, une victoire qui verse à boire dans une coupe ; c’est la coupe de l’immortalité. L’Hercule du Vatican (le Torse) est un Hercule divinisé, à en juger par le calme de l’attitude et la tranquillité majestueuse de la sculpture.

De tous les hauts faits d’Hercule un des plus importants est Hercule délivrant Prométhée du vautour. Ce sujet d’une peinture de Panænus à Olympie[37] se retrouve à Rome sur un curieux bas-relief[38] et parmi de charmantes peintures du Columbarium de la villa Pamphili.

Un ancien sculpteur grec, Aristoclès, était auteur d’un groupe en bronze d’Hercule combattant la reine des Amazones à cheval[39]. Un groupe en marbre représente une Amazone à cheval, aux prises avec deux guerriers que l’on a crus Hercule et Thésée[40] ; mais de tels héros ne seraient pas renversés par une Amazone.

Je ne sache pas une sculpture célèbre de l’antiquité qui montrât Hercule ayant pris les habits d’Omphale et maniant le fuseau ; mais ce sujet avait été traité souvent par la peinture ; un des tableaux dont parle Lucien[41] nous est peut-être reproduit dans une mosaïque du Capitole. Cependant, Hercule devait avoir été représenté filant, par quelque sculpteur grec, car un tel Hercule se voit à Rome[42].

Un sujet bien grec et en Grèce bien anciennement traité, c’est le trépied d’Apollon enlevé par Hercule[43]. Aussi l’avons-nous à Rome exécuté en style archaïque[44] à l’imitation des antiques représentations de ce sujet sacré qui faisait sans doute allusion à une rivalité des deux cultes dont il ne reste pas d’autre mémoire. La dispute du trépied, c’est-à-dire de l’oracle, n’est-ce point à Delphes la guerre du nouveau culte hellénique représenté par Apollon et du vieux culte pélasge représenté encore cette fois par Hercule, comme elle le fut à Athènes par Athéné et Neptune !

Le trépied delphique se voit lui-même à Rome placé auprès de plusieurs statues d’Apollon[45]. On peut s’y luire une idée de sa forme comme si on avait visité le temple de Delphes. On reconnaît sa concavité et son couvercle sur lequel s’asseyait la Pythie.

Puisque j’ai prononcé ce mot trépied, je saisis cette occasion de parler des trépieds et de ces autres décorations du Vatican, les candélabres, les autels, les trônes, les vases, les coupes, qui sont aussi des imitations de l’art grec.

Car en Grèce ces objets usuels étaient des œuvres d’art. Ils sont mentionnés par les auteurs avec les autres chefs-d’œuvre. On vit alors ce qu’on a vu depuis à la Renaissance, l’art répandre sur chaque chose la beauté. Quand le sentiment du beau existe, il se mêle à tout.

Les trépieds figurent parmi les monuments des plus anciens temps[46] de la sculpture grecque. Ils étaient le prix des vainqueurs dans les jeux[47] et les concours dramatiques[48]. On les dédiait dans les temples ; ils ornaient les demeures opulentes déjà au siècle d’Homère ; ils sont souvent mentionnés parmi les dons[49]. Ils servaient à chauffer l’eau du bain[50] ; il y avait à Athènes une rue des trépieds. Après avoir rempli les temples[51], ils ont trouvé leur emploi dans le culte chrétien ; un des trépieds du Vatican vient d’une église où il servait de bénitier. Entre les jambages des trépieds ou sur leur base étaient placés, comme nous le voyons encore au Vatican[52], des personnages divins ou des scènes mythologiques. Les trépieds eurent, en général, des originaux en bronze, souvent anciens ; leur marbre, plus. récent, garde volontiers le double caractère du bronze et de l’antiquité.

Comme les trépieds, les candélabres étaient déposés dans les temples ; les chrétiens leur donnèrent une place dans les églises. Quatre beaux candélabres da Vatican[53] proviennent du tombeau de sainte Constance ; trois de ces candélabres avaient été transportés dans l’église voisine de Sainte-Agnès, où l’un d’eux est resté.

Les trônes des dieux avaient aussi leurs modèles dans la plus haute et la plus belle antiquité grecque. Le trône d’Apollon à Amyclée ; après lui, le trône de Jupiter à Olympie étaient couverts de sculptures. D’autres, de dimensions moindres, étaient conservés dans les temples[54]. On peut rapprocher d’eux un trône de Bacchus et un trône de Cérès au Vatican. Des trônes d’or et d’ivoire furent portés dans la pompe triomphale d’Antiochus Épiphane[55].

Les autels recevaient aussi des ornements de la main des sculpteurs les plus illustres. L’autel de Diane à Éphèse était, dit Strabon (X, 4, 23), tout rempli d’œuvres de Praxitèle. Peu de choses pouvaient être comparées à un autel de son fils Céphisodote[56]. A Parium, Hermocréon avait construit un autel d’Apollon et de Diane, dont les côtés avaient un stade de longueur[57].

Il n’y a, on le pense bien, rien de semblable à Rome. Mais on y voit des autels de plusieurs divinités, ornés de figures et de symboles en bas-reliefs[58].

Ceux même qui semblent consacrés à un culte national, si l’on en juge d’après les sujets romains qui les décorent, se rattachent à la mythologie grecque, comme s’y rattachaient ce culte lui-même et les origines du peuple romain[59].

Enfin ces belles coupes, ces cratères magnifiques, ces vases merveilleux, splendides ornements de la collection vaticane et des collections Albani et Borghèse, ou ont été enlevés par la conquête romaine, ou lui ont été dérobés en quelque sorte par l’art romain[60].

L’art de ciseler les coupes, de les entourer de figures en relief[61] est un art grec très ancien[62] qu’on faisait remonter aux temps héroïques[63], et que ne dédaignèrent ni Calamis[64], ni Myron[65], ni Euphranor[66].

L’un des plus célèbres artistes en ce genre fût Mentor[67]. Martial vante deux coupes de lui : dans l’une rampait un lézard, dans l’autre un serpent ; ce qui fait penser à certains ouvrages de Benvenuto Cellini et de B. de Palissy ; deux autres étaient d’une si grande perfection, que les possesseurs n’osaient s’en servir. Verrés, dans son goût pour les collections d’art à tout prix, volait, pour enrichir la sienne, un beau vase comme une belle statue[68].

Il est déjà parlé dans Homère de cratères, savant ouvrage des Sidoniens[69] ou de Vulcain, destinés aux dons de l’hospitalité[70] ; et de l’usage de déposer un cratère dans un temple par suite d’un vœu[71] ; chez Sophocle[72], de vases d’argent et de vases dorés proposés en prix ; et Théocrite (V, 105), qui en ce moment pensait plus au palais d’Alexandrie qu’aux pâturages de la Sicile, donne au chevrier Comatas un vase, ouvrage de Praxitèle.

Les coupes et les vases dont parlent les auteurs grecs sont généralement en métal. Comme pour les trépieds et les candélabres, le marbre a remplacé l’or, l’argent ou le bronze.

Quelquefois un produit de cet art permet de remonter à un très ancien produit de l’art grec dont il est une imitation comparativement récente.

Six cent quarante ans avant notre ère, des marchands de Samos faisaient fabriquer un cratère soutenu par trois figures colossales à genoux[73]. Visconti n’hésite pas à reconnaître dans un cratère du Vatican une composition qui dérive du cratère de Samos.

Comme les candélabres, les trépieds et les trônes : les vases, les coupes, les cratères, ou au moins leurs modèles, ont donc décoré les temples de la Grèce avant de décorer les temples de Rome ; ils faisaient ressembler les édifices sacrés à des musées et donnent aujourd’hui au musée du Vatican l’air d’un temple.

L’aspect de ces monuments retrace vivement aussi l’aspect des palais antiques, soit qu’on se promène à travers la galerie du Vatican dite des Candélabres, soit qu’on se place au milieu de cette salle de la villa Borghèse, où des vases et des coupes formés des matières les plus précieuses, sont distribués avec une magnificence pleine de goût. On peut se croire chez Périclès ou chez Néron.

Le trépied d’Apollon enlevé par Hercule nous a entraîné bien loin de ce héros qui aurait dû nous conduire à Thésée auquel on l’associe souvent[74]. Sur les murs du temple de Thésée à Athènes on retraça les exploits d’Hercule ; dix métopes lui furent consacrées et huit seulement à Thésée. Une trace de cette association des deux cousins subsiste dans deux beaux hermès de la villa Ludovisi : Thésée fait pendant à Hercule, il tient la massue[75] ; comme il a la peau de lion sur des médailles de Nicée. Un bas-relief de Rome nous conserve une preuve de l’amitié des deux héros : Thésée tiré des enfers par Hercule[76].

Parmi les bas-reliefs qui se trouvent à Rome, plusieurs se rapportent à divers hauts faits de ce héros, déjà figurés dans l’antiquité grecque : Thésée découvrant le glaive de son père sous la pierre qui devait le cacher jusqu’à ce que le fils d’Egée fût assez fort pour la soulever[77] ; Thésée vainqueur du Minotaure[78], du taureau de Marathon[79], ou combattant les Amazones[80] avaient été représentés par la sculpture grecque avant de l’être par des bas-reliefs ou des statues qu’on voit à Rome.

Il y avait à Delphes une statue de Thésée qu’on attribuait à Phidias[81], érigée aussi bien que d’autres statues héroïques, parmi lesquelles elle se trouvait, avec la dîme du butin qui provenait de la bataille de Marathon, ainsi que l’avait été la grande Minerve en bronze de l’Acropole[82]. A Rome, plusieurs statues et plusieurs temples, à commencer par celui du Capitole, ont été de même payés des glorieux deniers de la victoire.

Il faut placer parmi les Héros des personnages dont le nom ne rappelle rien d’héroïque, mais auxquels les Grecs avaient voué un culte que des héros seuls. pouvaient recevoir : Hyacinthe, Adonis, Narcisse[83]. A Rome on hésite entre les deux premiers, ne sachant auquel doivent se rapporter de gracieuses statues du Vatican[84] et du Capitole[85].

Les images d’Adonis avaient un type consacré dans les statues que portaient en pompe les femmes d’Alexandrie et de Byblos. Narcisse avait été sans doute représenté par l’art ; mais je n’ai trouvé nulle indication d’une statué d’Adonis ou de Narcisse attribuée à un artiste grec. Ces statues ont dei exister pourtant, car celles que nous voyons à Rome, et dont une surtout est fort belle, ont eu certainement un original grec, comme l’était le culte d’Adonis, et le mythe, peu ancien d’ailleurs, de Narcisse.

Il en est de même des bas-reliefs d’Adonis blessé par un sanglier et mourant dans les bras de Vénus[86]. Ils sont trop nombreux et la donnée en est trop gracieuse pour qu’ils ne fassent pas supposer un original grec célèbre, mais aujourd’hui inconnu[87].

Pour le jeune Hyacinthe tué involontairement par le disque d’Apollon, il faut renoncer à le trouver dans les collections romaines où il n’a jamais été indiqué avec certitude[88].

La Grèce n’est pas présente à Rome seulement par l’imitation de son art, mais encore, et déjà quelques indications ont pu le faire pressentir, par la reproduction de sa poésie. Les divers cycles épiques y vivent pour ainsi dire dans les représentations figurées des principaux événements et des principaux personnages que leurs auteurs ont célébrés, sans parler de la poésie lyrique des Grecs qui a fourni aussi sa part d’inspiration aux sculpteurs romains. Comme les premiers poètes latins transportèrent à Rome les légendes héroïques de la Grèce, la sculpture romaine les traduisit dans son langage, en marbre ou en airain.

Le plus ancien de ces cycles épiques par la date des personnages, est celui des Argonautes, peints par Cydias et sculptés par Lycius, fils de Myron[89]. Sauf l’épisode de Médée dont le bas-relief s’est emparé comme la tragédie, et, nous le verrons, d’après elle, ce cycle a inspiré à la sculpture antique peu de monuments ; de ces monuments un plus petit nombre encore a été conservé. A Rome on ne peut guère citer que l’admirable ciste du musée Kircherien[90], sur laquelle est tracée avec un art presque purement grec bien que l’auteur soit un Latin, le dénouement du combat au ceste de Pollux et d’Amycus ; un bas-relief représentant la fabrication du navire Argo à la villa Albani, enfin la statue de Jason, le prétendu Cincinnatus[91], qui est à Paris, et dont il existe à Rome une réplique en petit[92], fort inférieure en beauté, dont la disposition est tout à fait semblable.

Ces deux statues représentent un jeune héros grec et non un vieux patricien romain ; mais on a eu longtemps la manie de tout interpréter par des sujets tirés de l’histoire romaine[93]. Ces sujets sont rares, et au contraire les sujets empruntés à la mythologie ou à la poésie héroïque des Grecs sont très nombreux.

Jason chausse un de ses pieds, l’autre est nu ; ceci rappelle l’homme au seul soulier duquel l’oracle avait averti le roi Pélias de se défier. Cet homme était Jason qui, convoqué avec d’autres chefs pour un sacrifice, par Pélias, parut devant lui n’ayant un soulier qu’au pied droit[94].

Delà sortit l’expédition des Argonautes ; car Pélias, pour se débarrasser de Jason, l’envoya conquérir la toison d’or.

L’ai titude prêtée à Jason est à très peu de chose prés celle d’une figure du Parthénon[95], et la description que fait Christodore (Ekphr., 297) d’une statue de Mercure y correspond tout à fait ; exemple de plus d’une donnée semblable appliquée à des sujets différents ; ce qui ajoute à l’intérêt des objets d’art que nous avons sous les yeux, car ils sont pour nous des représentations indirectes même de compositions dont le sujet est sans analogie avec le leur.

Le bas-relief de la villa Albani, où l’on voit Minerve auprès d’Argo, tandis qu’il construit le fameux vaisseau qui doit porter son nom, s’accorde avec le poème grec des Argonautes, dans lequel Minerve est dite avoir dirigé la fabrication du vaisseau merveilleux et même y avoir mis la main[96].

Quant au bel Hylas, enlevé par les nymphes[97] pendant l’expédition des Argonautes, et qui fut si souvent célébré par la poésie ancienne, cui non notus Hylas ? on donne son nom avec assez de vraisemblance à des statues d’adolescent portant un vase sur l’épaule[98], mais je ne saurais indiquer un original grec d’où elles puissent dériver[99].

La Thébaïde de Stace n’est qu’un écho affaibli et une redite ampoulée des épopées grecques sur la guerre de Thèbes. Les collections de Rome contiennent comme les débris d’une Thébaïde grecque en marbre.

Disjecti membra poematis.

Un bas-relief de la villa Pamfili[100] offre aux yeux les plus fameux héros de l’expédition contre Thèbes ; elle en résume l’ensemble, elle en est l’argument. Les origines même de Thèbes sont rappelées par le bas-relief qui retrace les noces de Cadmus, son fondateur, et d’Hermione[101].

Adraste est le principal représentant de cette opiniâtre inimitié d’Argos contre Thèbes, qui produisit deux guerres tragiques. Plusieurs statues furent élevées en Grèce à ce héros[102]. Une statue du Vatican[103], attribuée d’abord, contre toute possibilité, à Phocion, puis à Adraste, ne saurait être la copie d’une de ces statues[104].

Un incident de cette guerre, souvent reproduit par l’art parce qu’il se liait à l’origine des jeux Néméens, la mort de l’enfant Archémore tué par un serpent, a fourni le sujet d’un bas-relief expressif du palais Spada.

Un marché de Rome portait le nom d’Archémore[105], et le devait sans doute à quelque couvre d’art qui représentait la mort de cet enfant comme le bas-relief du palais Spada.

Parmi les héros de cette terrible guerre de Thèbes, Capanée se distingue par le courage sacrilège qui lui fit défier la foudre de Jupiter. Des statues et des tableaux[106] consacrés en Grèce à immortaliser ce héros impie, on ne peut se faire à Rome quelque idée que par le bas-relief Pamfili, où il paraît avec son échelle, et par un autre bas-relief que Winckelmann et Zoega ont cru tous deux représenter Capanée foudroyé. Le guerrier éperdu est tombé sur un genou et porte sa main à sa tête, que la foudre a frappée[107]. L’événement central de la première expédition contre Thèbes est la mort ou plutôt la disparition d’Amphiaraüs, descendant vivant sur son char aux sombres bords ; aussi cet événement forme le centre du bas-relief Pamfili. Amphiaraüs, doué du don de prophétie, savait qu’il périrait dans la guerre et avait résolu de n’y point prendre part. Séduite par l’appât du collier d’Hermione, Eriphile, son épouse, le pousse à partir ; il cède, mais en recommandant à ses fils de le venger. Cette aventure, à laquelle fait allusion notre bas-relief, est déjà indiquée dans Homère par ce vers malin de l’Odyssée : Amphiaraüs périt à Thèbes, grâce aux dons des femmes[108].

Bien plus que dans le cycle thébain, l’art antique avait puisé dans le cycle célèbre de la guerre de Troie, dont font partie l’Iliade et l’Odyssée. On trouve à Rome de nombreux bas-reliefs qui mettent devant nos regards soit les portions de ce cycle que nous possédons dans les poèmes d’Homère et dans ceux de ses imitateurs, soit la portion plus considérable que nous avons perdue et que ces précieux documents restituent pour nous jusqu’à un certain point.

L’ensemble de la guerre contre Troie est contenu dans un abrégé figuré qu’on appelle la Table iliaque[109], petit bas-relief en stuc destiné à offrir un résumé visible de cette guerre aux jeunes Romains et à servir dans les écoles soit pour l’Iliade, soit pour les poèmes cycliques comme d’un Index parlant[110].

La Table iliaque est un ouvrage romain fait à Rome. Tout ce qui touche aux origines troyennes de cette ville, inconnues à Homère et célébrées surtout par Stésichore avant de l’être par Virgile, tient dans le bas-relief qui nous occupe une place importante et domine dans sa composition ; le petit sanctuaire renfermant les pénates destinés à devenir les dieux protecteurs de Rome et que porte Anchise, y est répété trois fois. Au-dessous du groupe d’Énée et des siens, on lit : La destruction de Troie, d’après Stésichore[111], et un peu plus loin : Énée partant pour l’Hespérie. La Table iliaque a donc été conçue, comme l’Énéide, avec l’intention de mettre en relief ce qui, dans le cycle de Troie, se rapportait aux origines de Rome ; et son auteur, comme Virgile, a voulu sans doute plaire à Auguste ou à l’un de ses premiers successeurs, dont la prétention était de se rattacher par César au sang d’Énée. Ce qui montre cette intention, en même temps que patriotique adulatrice, c’est que le bas-relief a été trouvé à Boville, où était la chapelle domestique de Jules.

Une suite de bas-reliefs nous rend les sujets traités par des poètes qu’on disait, bien que sans fondement, avoir devancé Homère, Mélisandre, par exemple, qui passait pour avoir chanté, dans l’époque antéhomérique, la guerre des Centaures et des Lapithes[112] ; ou nous présente les événements qui ont précédé, accompagné, suivi la guerre de Troie, et que font connaître, à défaut d’Homère, des poètes plus récents que lui ; rejetons affaiblis de l’antique tradition au sein de laquelle a poussé le chêne vigoureux d’Homère, mais dont le mérite est d’indiquer pour ainsi dire les contours effacés de cette tradition, à peu près comme de maigres taillis croissant là où une forêt a été incendiée en indiquent l’ancienne étendue.

La Table iliaque n’étant pas une œuvre d’art, — pas plus que le sommaire en vers des faits de la guerre de Troie par Tzetzés n’est de la poésie, — mais, étant un index[113] en relief, la Table iliaque doit avoir été exécutée d’après les sculptures et les peintures grecques qui embrassaient l’ensemble ou une partie de cette guerre.

Ces sculptures et ces peintures furent les sources grecques des monuments qui à Rome se rattachent au cycle troyen. Ce cycle y est figuré dans ses incidents principaux, depuis le jugement de Pâris[114] et l’enlèvement d’Hélène[115] jusqu’aux horreurs qui accompagnèrent la prise de Troie.

Entre les termes extrêmes du cycle de la guerre de Troie, qui, comme le cycle de la vie humaine, commence gracieusement et finit tristement, se placent    des scènes homériques que les bas-reliefs ont reproduites.

Pâris est ramené à Hélène par Vénus[116] ; dans le bas-relief, c’est l’Amour ou peut-être l’Hymen qui reconduit Pâris vers Hélène, assise près de Vénus ; au-dessus de leurs têtes est la statue de Peithô, la persuasion, une des grâces ; elle figure l’éloquence persuasive qu’Homère a prêtée à Pâris.

Une déesse qui descend d’un rocher[117] a été reconnue avec beaucoup de vraisemblance pour. Junon descendant de l’Olympe dans l’île de Lemnos[118], et on a cru apercevoir dans un fragment de bas-relief Vénus blessée par Diomède[119] ; dans un autre bas-relief, Ménélas consacrant à Apollon les armes[120] d’Euphorbe. Ce sont comme des débris d’Homère.

Sur le fond d’aventures héroïques contenues dans l’Iliade, et, pour celles qui précèdent la querelle d’Agamemnon et d’Achille, dans les poèmes perdus ou conservés qui ont raconté ses premières aventures, se détache la figure du héros par excellence, d’Achille, celui dont la sculpture nous a le plus souvent transmis les gestes épiques. Tantôt elle a réuni sur un seul monument les diverses parties de cette fameuse histoire[121], tantôt elle en a dispersé sur une foule de bas-reliefs les événements les plus mémorables.

On peut, au moyen des bas-reliefs qui sont à Rome, remonter plus haut que la naissance du héros ; jusqu’au moment où elle est préparée par Junon, qui engage Thétis à épouser Pélée[122] et à former cette union d’où Achille devait sortir. Ailleurs[123], les dieux et les déesses apportent des présents aux nouveaux époux ; par une ingénieuse allégorie dont l’idée appartient à un poète cyclique, un Amour chasse la Discorde, Éris, de leur demeure. Puis l’art avait représenté, d’après les poètes, Achille adolescent, Achille instruit dans l’art de la lyre par le centaure Chiron[124], Achille à Scyros confondu parmi les compagnes de Deïdamie jusqu’au jour où, redevenant homme à la vue d’un glaive, il s’arrachait des bras de la jeune fille trompée pour s’élancer vers la gloire et la mort[125].

C’était le sujet d’un tableau d’Athénion, mort jeune et qui, dit Pline, s’il eût vécu, n’eût été surpassé par personne[126]. Ce jeune artiste avait peint le jeune Achille, auquel sa destinée trop courte devait le faire ressembler.

Achille, l’Achille d’Isomère, assis à l’écart sur le rivage et qui rêve à l’injustice d’Agamemnon en regardant les flots, tel est, je n’en saurais douter, le vrai nom de la belle statue appelée ordinairement le Mars de la villa Ludovisi[127].

En effet, Mars est en général debout, barbu, le casque sur la tête, même lorsqu’il est surpris avec Vénus[128] ; tenant son épée et son bouclier, non son bouclier prés de lui et son épée sur ses genoux. Il y avait bien un Mars assis de Scopas, et ce Mars était à Rome[129] ; mais un dieu dans son temple devait être assis sur un trône et non sur un rocher, comme le prétendu Mars Ludovisi. On a donc eu raison, selon moi, de reconnaître dans cette belle statue un Achille[130], à l’expression pensive de son visage, et surtout à l’attitude caractéristique que le sculpteur lui a donnée, lui faisant embrasser son genou avec ses deux mains, attitude qui dans le langage de la sculpture antique, était le signe d’une méditation douloureuse. On citait comme très beau un Achille de Silanion, sculpteur grec habile à rendre les sentiments violents[131]. D’après cela, son Achille pouvait être un Achille indigné ; c’est de lui que viendrait l’Achille de la villa Ludovisi. L’expression de dépit, plus énergique dans l’original, eût été adoucie dans une admirable copie.

Tandis qu’Achille demeure assis sur son rocher, Hector tue Patrocle. La mort de Patrocle est le nœud de l’Iliade ; suite funeste de la colère d’Achille, elle cause le trépas d’Hector et c’est ainsi que toute l’Iliade sort de cette colère, le premier mot du poème et qu’on peut dire aussi, à l’appui de l’unité trop souvent méconnue de cette grande composition, en être le dernier.

Le sculpteur grec, premier auteur d’un groupe plus d’une fois répété, Ménélas[132] soutenant le cadavre de Patrocle qu’il emporte pour le soustraire aux Troyens, ce sculpteur inconnu mais excellent, en choisissant cet incident entre tous les incidents de l’Iliade, pour le reproduire dans un chef-d’œuvre, a montré qu’il pensait comme moi sur l’importance de la mort de Patrocle dans l’économie du poème.

La destinée de l’un des exemplaires de ce beau groupe a été singulière : Ménélas[133] est devenu Pasquin.

A l’angle que forment deux rues de Rome[134] se voit encore il Pasquino, nom donné par le peuple à un des plus beaux restes de la sculpture antique. Bernin qui exagérait, disait le plus beau ; cette assertion fut sur le point d’attirer un duel à celui qui se l’était permise. Tout homme qui s’avise d’avoir une opinion sur les monuments de Rome s’applaudira pour son compte, en le regrettant peut-être, qu’on ne prenne plus si à cœur les questions archéologiques.

La statue de Ménélas a reçu ce grotesque baptême parce qu’on y affichait les épigrammes attribuées à un tailleur du voisinage nommé Pasquino. On n’affiche plus dans cet endroit les réflexions suggérées à Pasquin par les circonstances, mais on lui prête encore les épigrammes que le gouvernement romain ou d’autres gouvernements peuvent s’attirer. Les derniers événements ont beaucoup fait parler Pasquin et pas seulement sur la politique romaine. Je citerais bien quelques-uns de ces quolibets, mais je craindrais que malgré sa force, le bras de Ménélas, lequel en est seul responsable, ne suffit pas à me protéger.

La sculpture antique avait aussi fait les frais du personnage qui se chargeait de répondre à Pasquin et qui s’appelle Marforio[135]. C’est une statue de l’Océan trouvée prés du Capitole où siégeaient les magistrats municipaux. Cette circonstance avait sans doute fait choisir Marforio pour être le défenseur officieux de l’autorité. La presse de l’opposition a-t-elle la vie plus dure que la presse officieuse ? L’opposition est-elle à Rome sans réplique, je l’ignore ; ce que je sais c’est que Marforio ne dit plus rien et que Pasquin parle toujours.

Revenons à Achille. Patrocle mort, Thétis va demander à Vulcain des armes pour son fils[136] qui venge Patrocle sur Hector dont il traîne les restes autour des murs de Troie[137]. L’art antique n’est pas demeuré étranger à ces farouches représailles de l’amitié. Il a étalé sur des bas-reliefs la pompe funèbre qui accompagne le cadavre d’Hector rapporté dans Troie et le désespoir d’Andromaque éperdue[138]. Enfin il n’a pas été indifférent à la scène la plus émouvante qui ait été offerte aux regards des hommes : Priam pleurant Hector aux pieds d’Achille, Achille pleurant Patrocle et rendant à Priam le corps d’Hector qui a tué Patrocle.

Sur ce même sarcophage du Capitole où paraît Achille s’élançant vers les armes, dans toute la beauté de la jeunesse et de l’amour, onde voit aussi qui se prépare à venger Patrocle ; puis, la vengeance accomplie, qui va accorder au malheureux vieillard le cadavre de son fils.

Le héros détourne la tête[139] avec un mouvement très pathétique. Cette scène qui a passé de la poésie grecque dans la sculpture était traduite aussi, mais assez librement, de la sculpture grecque. Sur un bas-relief de Thessalonique[140] Achille regarde Priam avec compassion et l’attire détaillant sur son genou.

Ici Homère nous abandonne. La suite des destinées de Troie a été racontée dans l’Æthiopis d’Arctinus, la Petite Iliade de Leschés, la Destruction de Troie, aussi d’Arctinus, poèmes dont nous n’avons que des fragments et des extraits, et par Coluthus, Tryphiodore et Quintus de Smyrne. Dans l’Æthiopis figurait Memnon, fils de l’Aurore, qui était venu du fond de l’Éthiopie tomber sous les coups d’Achille. Cet exploit, célébré par la poésie de Pindare[141], et très anciennement figuré sur des monuments grecs[142], ne l’est à Rome que sur un bas-relief de la villa Albani[143].

Dans ce poème l’Æthiopis était aussi racontée l’histoire des Amazones venues au secours de Priam avec leur reine Penthésilée. Le poème est perdu, mais d’assez nombreux bas-reliefs, dont plusieurs sont à Rome, réparent jusqu’à un certain point cette perte en faisant passer devant nous des scènes de l’Æthiopis.

Un bas-relief de la villa Borghèse[144], fort supérieur à tous ceux qui l’entourent, nous montre, d’après l’Æthiopis et Quinlus de Smyrne, les Amazones venant au secours des Troyens. La reine de ces femmes barbares, ce que n’eut point fait une grecque, touche la main à Priam. Alors, dit Quintus de Smyrne[145], l’âme de Priam qui était plongée dans l’affliction et gémissait beaucoup fut un peu soulagée ; tel un homme qui a longtemps souffert de la perte de ses yeux et qui désire revoir la douce lumière ou mourir ; si, par l’art d’un médecin habile, ou par le secours d’un dieu qui le délivre des ténèbres, il revoit la lumière de l’aurore, il en est réjoui, mais non comme auparavant ; cependant il respire un peu d’une longue calamité, bien qu’il sente encore sous ses paupières la cruelle souffrance de la maladie. Ainsi à l’aspect de la vaillante Penthésilée le fils de Laomédon éprouva quelque joie, mais moins grande que la douleur de la mort de ses fils.

Ces vers pathétiques complètent pour nous le sens du groupe de Priam et de Penthésilée qui les rappelle, comme Andromaque tenant dans le bas-relief l’urne funèbre d’Hector pourrait prononcer les plaintes désespérées que le poète met dans sa bouche[146] ; derrière elle, Hélène tourne le dos à Pâris ; tous deux, dans l’attitude de la réflexion, semblent contempler les maux qu’ils ont amenés sur Troie et ne plus vouloir de l’amour funeste qui les a causés. Pendant ce temps les Amazones avec une indifférence toute militaire préparent leurs chevaux et leurs armes.

Homère[147] fait mention d’une expédition plus ancienne des Amazones contre les Phrygiens et Priam leur allié. A cette expédition se rattachent les monuments où l’on voit des Phrygiens aux prises avec des Amazones et a été rapporté un guerrier phrygien[148] qu’on suppose tombé devant le cheval d’une Amazone.

Le plus célèbre et le plus touchant épisode de l’autre expédition des Amazones est la mort de Penthésilée, tuée par Achille. De nombreux bas-reliefs représentent Achille qui vient de frapper l’Amazone et la soutient dans ses bras[149], tandis que la beauté de la guerrière expirante remplit d’un amour soudain le cœur de son meurtrier, situation qui ressemble un peu à celle de Tancrède immolant, sans le savoir il est vrai, son adorée Clorinde et qui a pu inspirer de loin le Tasse.

Il est assez curieux de suivre à travers les diverses représentations d’un même fait les progrès de la sentimentalité. Dans le bas-relief du Vatican[150] qui appartient à une époque avancée, Achille lève les yeux au ciel et semble vouloir sauver de toute atteinte le corps expirant que son bras soutient ; cette expression conviendrait assez bien au templier de W. Scott enlevant Rebecca. Sur des vases qui ont mieux conservé la brutalité héroïque primitive, Achille a frappé Penthésilée et va redoubler, bien qu’elle tende vers lui une main suppliante. Sur un des côtés d’un bas-relief du Louvre, il l’a saisie par les cheveux et lui met le pied sur le ventre ; l’autre côté du même sarcophage présente Achille et Penthésilée sous un autre aspect : le guerrier tient l’Amazone nue sur son genou et la regarde avec un certain intérêt ; la beauté commence à émouvoir la férocité[151].

De même le poème de Quintus de Smyrne garde encore quelque chose du sauvage héroïsme que devaient respirer les anciennes épopées. Achille, qui d’un même coup a transpercé le corps de l’Amazone et son cheval, retire froidement sa lance, et, tandis que tous deux palpitent[152], il s’écrie : Sois gisante dans la poussière, la proie des oiseaux et des chiens ! C’est quand la beauté de la jeune fille a frappé toute l’armée et lui-même qu’il se reproche de ne l’avoir point prise pour femme au lieu de la tuer.

La barbarie héroïque se montre d’une autre manière : Thersite ayant raillé l’amour subit d’Achille pour sa belle ennemie, Achille assomme Thersite. Dans la poésie de Quintus de Smyrne[153], c’était d’un coup de poing tout homérique, dans le bas-relief de la Table iliaque, c’est d’un coup de bâton.

De la petite Iliade de Leschès, l’aventure de l’enlèvement du palladium par Ulysse et Diomède est venue à Virgile, lequel n’a eu garde d’oublier ce qui concernait le palladium de Troie devenu le palladium romain. Cette aventure a passé aussi dans un bas-relief du palais Spada, après avoir fourni le sujet d’un des tableaux qui ornaient la galerie de peintures des Propylées[154]. Le bas-relief parait provenir aussi d’une autre source, les Lacédémoniennes, tragédie perdue de Sophocle comme on verra plus loin.

C’est aussi aux récits contenus dans la petite Iliade que Virgile a emprunté l’histoire du Cheval de Troie. Cette histoire est racontée pour ainsi dire par un bas-relief de la villa Albani[155].

Au cheval de bois, se liait l’aventure tragique de Laocoon, inconnue à Homère et qui vit à Rome dans un groupe immortel. J’ai déjà dit que la composition de ce chef-d’œuvre n’avait point été inspirée par Virgile, elle ne pouvait, par conséquent, venir des cycliques grecs, ses modèles, et il faut plutôt demander son origine. à une tragédie perdue de Sophocle.

Du poème de la destruction de Troie dont l’auteur était Arctinus, et du poème auquel Tryphiodore a donné le même nom, viennent les bas-reliefs où cette destruction et les scènes qui la suivirent sont représentées.

On les voit très détaillées sur la Table iliaque, car la ruine d’Ilion se liait, par la fuite d’Enée, aux origines de Rome, principal objet de cette composition. A cela près les bas-reliefs romains qui se rapportent à la grande catastrophe finale du cycle de Troie, aux meurtres de Priam, d’Astyanax, de Polyxène ne sont pas très nombreux ; les vases grecs le sont, au contraire, beaucoup. Il semblé que les artistes romains se soient moins complu que les artistes grecs à reproduire les misères des Troyens qu’ils regardaient comme leurs aïeux.

Un de ces crimes de la victoire le plus souvent répété, c’est l’attentat d’Ajax contre Cassandre.

Cet attentat, du reste, dans l’ancienne tradition grec que, se bornait de la part d’Ajax à arracher Cassandre de l’autel de Minerve et à entraîner avec elle la statue de la déesse[156] qu’elle avait embrassée. C’est ainsi que le présente le bas-relief de la villa Borghèse qui porte tous les caractères de la belle époque. Il n’en est pas de même de la Table iliaque, monument très postérieur où Ajax se rue vers Cassandre. Dans un bas-relief qui ne doit pas non plus être ancien[157], Ajax porte la main sur le sein de la prêtresse, sans violence, mais avec une familiarité indécente qui est d’un autre temps.

Achille et Ulysse personnifient le caractère grec sous son double aspect ; mais Ulysse rusé, quelquefois menteur, toujours prudent, brave quand il le faut, est encore plus grec qu’Achille. Ulysse est le Grec de la mer, Achille le Grec des montagnes, Ulysse est le matelot des îles, Achille le Clephte du Pinde.

L’Odyssée n’a pas moins prêté à la sculpture que l’Iliade[158]. Dès une époque ancienne, Onatas avait fait une statue d’Ulysse[159] qui, transportée par Néron à Rome, y fit connaître le type grec du héros tel qu’il nous apparaît dans les statuettes et les bas-relief qu’on y a trouvés. Plus tard, Lycius, fils de Myron, en fit une autre[160]. Il n’y a pas à Rome une statue héroïque d’Ulysse qu’on puisse croire d’après Onatas ou Lycius, comme nous avons pu croire que l’Achille Ludovisi était d’après Silanion.

Un buste d’Ulysse, découvert en fouillant le quartier le plus fréquenté de Rome, la place d’Espagne[161], ne peut avoir pour original ni la statue d’Onatas, ni même celle de Lycius, car elle a le bonnet qui ne fut pas donné à Ulysse avant le siècle d’Alexandre[162]. Ce bonnet, qui désignait les voyages maritimes du fils de Laërte, est assez semblable à celui que portent aujourd’hui les marins de la Méditerranée.

Toutes les statues représentent Ulysse dans quelque action particulière et répondent à quelque scène de l’Odyssée ; Winckelmann a cru reconnaître dans une peinture tirée de la bibliothèque (M. in., 160) vaticane une allusion à l’une des plus touchantes ; il a cru y voir Hélène versant à Télémaque le népenthès, qui fait oublier tous les maux. Voici à quelle occasion :

Télémaque est allé chercher auprès de Ménélas des nouvelles de son père ; Ménélas rte peut lui en donner, mais parle d’Ulysse avec un souvenir affectueux et triste. Ce disant, il fit naître chez tous ceux qui étaient là le désir et le charme de pleurer. La fille de Jupiter, l’argienne Hélène pleurait ; pleuraient aussi Télémaque et Ménélas l’Atride, et les yeux du fils de Nestor n’étaient pas sans larmes, car il se souvenait dans son cœur du vaillant Archiloque tué par l’illustre fils de la brillante Aurore. Puis Ménélas dit : Laissons là les larmes et souvenons-nous du repas. Hélène alors mêle dans le vin qu’elle offre aux convives le népenthès, remède divin qui fait oublier toutes les douleurs[163].

L’attente de Pénélope nous est présente, et, pour ainsi dire, dure encore pour nous dans cette expressive Pénélope du Vatican, dont le torse nous a montré un spécimen de l’art grec sous la forme la plus ancienne[164]. Un bas-relief[165] nous fait voir Ulysse fermant la bouche à la vieille Euryclée qui vient de le reconnaître et pousse un cri, tandis qu’il se retourne avec inquiétude, craignant qu’on ait entendu ; c’est un vers d’Homère rendu vivement[166].

Ce sont les aventures d’Ulysse qu’on retrouve le plus fréquemment exprimées par la sculpture, et parmi ces aventures, celles surtout qui se rapportent à son séjour dans l’antre de Polyphème. L’intérêt populaire s’était particulièrement attaché à ce comique récit qui a tout l’intérêt des Mille et urge nuits auxquelles son souvenir ne fut pas étranger.

L’histoire d’Ulysse trompant le Cyclope, racontée plaisamment par Homère, avant d’être mise sur la scène par Euripide, a fourni le sujet de plusieurs sculptures qu’on voit à Rome : c’est Polyphème qui va dévorer un des compagnons d’Ulysse, statue grossière[167], dans les mains de laquelle on a placé une flûte de roseaux, la faisant passer ainsi du cyclope d’Homère au cyclope de Théocrite ; c’est Ulysse présentant la coupe à Polyphème[168] avec une inquiétude visible et paraissant lui dire comme dans l’Odyssée : Après avoir mangé de la chair humaine, bois du vin[169] ; c’est Ulysse, s’échappant de la caverne du cyclope en s’attachant au ventre d’un grand bélier[170].

La visite d’Ulysse chez les Lestrigons est le sujet de quelques peintures découvertes il y a peu d’années, sur le mont Esquilin. Les Lestrigons étaient des Anthropophages que l’imagination reléguait aux extrémités du monde connu et dont on a cru retrouver la fabuleuse patrie aux environs de Terracine[171].

Je regrette que la chose ne soit pas plus certaine ; il serait piquant que l’on eût placé dans une maison de l’Esquilin des peintures qui rappelaient une époque où le lieu qui devait voir s’élever la ville magnifique dont l’Esquilin faisait partie, était pour les Grecs ait delà des pays des fables.

Deux mosaïques du Vatican[172] présentent une partie des aventures maritimes d’Ulysse : Ulysse qui s’est fait attacher au mat de son vaisseau pour ne pas céder au chant des Sirènes ; l’affreuse Scylla qui a saisi un de ses compagnons ; Leucothoé avec l’écharpe qu’elle donna à Ulysse.

Les Sirènes ont des corps de femme et des pieds d’oiseau[173]. Quelquefois elles ont une tête humaine sur un corps d’oiseau, et alors, elles ressemblent tout à fait à l’hiéroglyphe qui désignait l’âme chez les Égyptiens. L’on a trouvé de ces oiseaux à tête humaine dans les tombes étrusques. Je crois que cette forme des Sirènes identique à la figure de l’âme dans l’écriture des Égyptiens, est la plus ancienne. Je crois aussi que les Sirènes représentées comme l’était l’âme en Égypte, furent primitivement des âmes considérées comme des puissances souterraines et mauvaises, ainsi que les larves malfaisantes. Le rapport que la mythologie établissait entre les Sirènes et Proserpine[174] dont elles étaient les compagnes, confirme cette origine infernale. Sophocle les appelait celles qui disent les lois de Pluton[175]. La fascination qu’à ce titre elles exerçaient sur les vivants a été le point de départ de la croyance au pouvoir séducteur et homicide de leur chant. Le génie de la Grèce, on le reconnaît bien là, a donné une forme gracieuse à un mythe sombre.

Ulysse consultant Tirésias chez les ombres[176] est aussi un sujet reproduit par les bas-reliefs[177], probablement d’après les peintures célèbres de Polygnote et de Nicias, elles-mêmes d’après Homère[178]. Dans le bas-relief de Rome, Tirésias tient le bâton prophétique qu’il a chez Homère, origine du bâton augural[179] que les Romains reçurent des Étrusques, que les Étrusques, comme les Grecs, avaient reçu des Pélasges.

Après avoir relu en partie Homère et ses continuateurs sur les bas-reliefs de Rome, et y avoir lu, pour la première fois, quelques fragments des poètes cycliques aujourd’hui perdus, nous pourrons, grâce à ces bas-reliefs, assister à des scènes de la tragédie antique, et ce sera réellement assister à une représentation de théâtre, car souvent ils sont animés d’un mouvement théâtral et d’une expression dramatique.

Presque tous les sujets dés bas-reliefs héroïques ont été traités par les tragiques grecs, et, ce qui achève d’expliquer la présence de ces bas-reliefs à Rome, presque toutes les tragédies grecques ont été transportées sur la scène latine[180] par les anciens poètes latins de la république, Livius Andronicus, Attius, Navius, Pacuvius, Ennius. La Clytemnestre d’Attius fut jouée sur le théâtre de Pompée, et nous savons quelle émotion produisait, dans l’Ipthigénie en Tauride, le moment où Oreste et Pylade se disputaient la joie de mourir l’un pour l’autre, chacun d’eux disant qu’il était Oreste. Sous l’empire, les tragiques grecs eurent d’autres imitateurs, parmi lesquels il suffit de citer, outre Sénèque, Varius, Ovide, auteur d’une Médée célèbre, Lucain, qui n’eut pas le temps de finir la sienne. Auguste composa une tragédie d’Achille ; il avait commencé un Ajax qu’il eut le bon goût, méritoire chez un empereur, de reconnaître mauvaise et d’abandonner. Peut-être, doublure en tout de César, voulut-il faire un Achille parce que César avait fait un Œdipe. Germanicus, le frère héroïque de Claude, laissa des tragédies grecques, et Claude, le frère souvent burlesque de Germanicus, composa en grec une comédie.

On cite bien quelques tragédies romaines sur des sujets romains, un Brutus, un Decius, un Marcellus, un Caton, mais, chose remarquable, les sujets de ces tragédies historiques ne se voient jamais sur les bas-reliefs romains : c’est que les sujets sont de la république et les bas-reliefs de l’empire. Le sujet d’une tragédie de Nævius, Romulus et Remus nourris par la louve, est retracé sur plusieurs bas-reliefs[181]. Ceci n’était point la république, c’était la royauté, à laquelle l’empire voulait se rattacher. Auguste avait songé à prendre le nom de Romulus, et personne ne voulait renoncer à la louve et à ses nourrissons ; elle et eux sont encore les armoiries de la Rome papale. C’est donc à l’art dramatique grec presque exclusivement qu’il faut demander l’origine des bas-reliefs dramatiques romains, comme de la littérature dramatique des Romains elle-même.

Le plus souvent, le théâtre a été l’intermédiaire à travers lequel la poésie épique est arrivée à la sculpture, qui a pu aussi recevoir directement l’inspiration de cette poésie. Homère était la grande source où les artistes puisaient comme les poètes. On sait que Sophocle puisait volontiers aussi dans les poètes cycliques. Agathon avait compris tous les événements de la prise de Troie dans une seule pièce qui en présentait le résumé à peu près comme la Table iliaque du Capitole.

On reconnaît que le passage s’est fait, de l’épopée à la sculpture par le théâtre, au caractère émouvant des bas-reliefs dont les sujets ont été traités et par l’épopée et par le théâtre. En voyant par exemple le meurtre d’Égisthe et de Clytemnestre, ou l’extermination des Niobides, on découvre dans le pathétique de la composition un souvenir et une imitation de l’effet dramatique. Mais le théâtre grec, sur lequel la tragédie se produisait toujours avec une majesté imposante, au milieu de ses plus grandes terreurs, n’a pu communiquer la véhémence, parfois l’exagération, que je signale dans ces œuvres tourmentées[182] ; je pense qu’elles la doivent surtout aux imitations latines de la tragédie grecque, dont la mise en scène, moins majestueuse, devant un public moins délicat, était nécessairement plus à l’effet ; surtout aux pantomimes qui envahirent la scène romaine sous l’empire, et dans lesquelles l’expression du geste devait être d’autant plus forcée qu’on était obligé de suppléer par elle à la parole.

La plupart des sujets grecs furent mis en pantomime, nous le savons pour plusieurs : Néron ne rougit pas de représenter l’accouchement de Canacé, et, meurtrier de sa mère, il osa jouer les fureurs et simuler les remords d’Oreste matricide[183]. Au quatrième siècle, la tragédie avait été, même en Grèce, à peu près entièrement remplacée par la pantomime, ce drame silencieux introduit à Rome sous Auguste, qui aimait le silence ; mais, si la pantomime a pu donner en partie aux bas-reliefs leur caractère, leur composition n’en remonte pas moins aux tragédies grecques, dont les pantomimes romaines n’étaient qu’une traduction dans un langage muet et violent : violent, parce qu’il était muet.

Ainsi les bas-reliefs romains nous offrent pour ainsi dire une illustration de la scène antique ; ils mettent sous nos yeux tantôt les événements qui se passaient sur le théâtre, tantôt ceux qu’on n’exposait pas aux yeux des spectateurs ; ils refont pour nous cette scène, la résument et la complètent.

Commençons par les tragédies grecques que le temps a conservées.

L’Orestéide d’Eschyle, cette magnifique trilogie qui s’ouvre par le meurtre d’Agamemnon[184], se continue par la vengeance qu’en tire Oreste[185] et l’apparition des furies qui le poursuivent jusque dans le temple d’Apollon, et se termine au sein de l’Aréopage par l’acquittement du meurtrier ; cette magnifique trilogie se joue encore pour nous, en quelque sorte, sur plusieurs bas-reliefs romains.

L’événement le plus terrible de la triple tragédie, l’immolation de Clytemnestre et d’Égisthe, qu’Eschyle avait soustraite aux regards des spectateurs, leur est montrée. L’acte accompli, on voyait les deux cadavres gisant sur la scène, comme on les voit dans les bas-reliefs. Le cadavre d’Égisthe, violemment renversé, rappelle ce vers de Livius :

Ipse se in terram saucius fligit cadens.

Le sein de Clytemnestre est nu, parce que dans Eschyle elle avait montré ses mamelles à son fils[186].

Les Furies sont bien ces êtres terribles, tenant des serpents, dont parle Eschyle. Cependant leur visage n’est pas hideux, comme le visage de ses Euménides qu’il dit semblables aux Gorgones[187]. Les Furies de Scopas devaient encore moins ressembler à celles-là, car Pausanias nous assure qu’elles n’avaient rien de terrible[188]. Les Furies apparaissent immédiatement après le meurtre sur les bas-reliefs romains, ainsi que dans la tragédie ; elles n’ont point d’ailes, comme Eschyle le mentionne expressément[189]. Euripide (Or., 276) leur en donne, et elles en ont sur les bas-reliefs des urnes étrusques. L’addition des ailes aux personnages mythologiques est une des modifications les plus ordinaires que l’art étrusque a introduit dans leurs représentations.

On voit sur les bas-reliefs romains les Furies dormir comme elles dormaient sur le théâtre d’Athènes, tandis qu’Oreste leur échappe, ainsi qu’une bête sauvage échappe aux chasseurs[190] ; il est là, touchant l’autel et tenant un glaive[191], comme dans les Euménides : et son jugement par l’Aréopage, représenté par l’art dans l’antiquité, l’est également sur des monuments dont Rome possède ou a possédé quelques-uns[192].

C’est donc l’Orestéide d’Eschyle qui a été suivie de préférence par les auteurs des bas-reliefs ; l’ancienne peinture grecque[193] s’était abstenue du matricide et n’avait osé tracer que le meurtre d’Égisthe.

Sophocle est celui des trois grands tragiques grecs qui a le moins fourni aux bas-reliefs romains ; son génie tranquille convenait moins à l’expression agitée, ordinaire à ces bas-reliefs, que la grande fougue d’Eschyle ou l’emportement passionné d’Euripide. Cependant, on y a trouvé quelques souvenirs du second Œdipe[194], d’Ajax[195] et de Philoctète[196] ; mais des statues aussi ont été inspirées par la scène grecque.

Un beau groupe de la villa Ludovisi, diversement interprété et dont l’auteur fut un sculpteur grec vivant à Rome[197], me paraît s’expliquer d’une manière très satisfaisante par Oreste et sa sœur ayant ensemble l’entretien qu’ils ont après s’être retrouvés dans l’Électre de Sophocle et dans l’Électre d’Euripide.

Électre tient enfin ce frère, qui lui est rendu ; elle le tient dans ses mains, comme le dit Sophocle (El., 1226) ; elle le ramène à la douce mémoire de l’amitié fraternelle[198], comme parle un poète de l’Anthologie.

Électre est plus grande qu’Oreste ; mais c’est qu’elle était le personnage principal de la tragédie et qu’elle lui donnait son nom. Il ne faut pas l’oublier, la taille des personnages est souvent dans la sculpture antique la mesure de leur importance. Et puis elle est plus âgée[199] ; elle a été pour Oreste enfant comme une mère secourable[200]. Les cheveux d’Électre sont courts, parce qu’elle les a coupés en signe de deuil, dans la tragédie de Sophocle, elle vient d’aller en déposer une partie sur la tombe de soit père ; dans celle d’Euripide, elle parle plusieurs lois de ses cheveux coupés comme ceux d’une esclave[201]. Nous avons devant les yeux une scène de l’Électre de Sophocle (El., 1226) et aussi une scène de l’Oreste d’Euripide (Or., 1051) ; il semble, en contemplant le frère et la sœur se retrouvant après leur infortune, qu’on leur entend prononcer ce vers d’une si touchante simplicité :

Ô sein d’une sœur, ô cher embrassement !

et dans l’Électre d’Euripide (578-80) :

ÉLECTRE.

Ô toi qui m’apparais après si longtemps, je t’ai donc contre toute espérance.

ORESTE.

Et moi je te tiens après un temps bien long.

ÉLECTRE.

Je ne l’ai jamais pensé.

ORESTE.

Je ne l’ai jamais espéré.

N’est-ce pas, dans le sentiment du bonheur inespéré comme dans le sentiment du malheur inattendu :

Rodrigue, qui l’eût cru ?

Chimène, qui l’eût dit ?

Des trois grands tragiques grecs, Euripide est le plus dramatique, dans le sens moderne du mot, celui, pour cette raison ; auquel la tragédie moderne a emprunté le plus grand nombre de sujets[202] et qui a fourni à la tragédie romaine plusieurs de ses œuvres les plus célèbres[203] ; aussi est-il celui dont les compositions théâtrales paraissent le plus souvent sur les bas-reliefs romains, qui affectionnent le dramatique. Nous y trouvons des scènes de l’Iphigénie en Aulide, de l’Hécube, et tout l’ensemble de l’Iphigénie en Tauride, de l’Hippolyte, de l’Alceste et de la Médée d’Euripide.

L’antiquité a beaucoup vanté le peintre Timanthe polir avoir éludé, en homme d’esprit, une difficulté qu’il désespérait de vaincre, et couvert d’un manteau le visage d’Agamemnon présent au sacrifice d’Iphigénie, pour faire comprendre la douleur d’un père par cet artifice mieux que par toute expression qu’il aurait pu lui donner. Timanthe avait pris cette idée à un autre homme d’esprit, Euripide[204]. Quatre écrivains, aussi très ingénieux, Cicéron, Quintilien, Lessing et Voltaire, l’en ont loué. Il y a dans tout cela beaucoup d’esprit, et peut-être trop dans l’appréciation de la conception de Timanthe : voiler sa tête est un signe de la douleur fort ordinaire chez les poètes[205] et qui se trouve ailleurs chez les artistes grecs[206]. Quoi qu’il en soit, on doit reconnaître dans les bas-reliefs et les peintures antiques où Agamemnon se voile la tête[207] des imitations de Timanthe peignant d’après Euripide.

Nous avons le personnage même d’Hécube dans la Pleureuse du Capitole[208]. Cette prétendue pleureuse est une Hécube furieuse et une Hécube en scène, car elle porte le costume, elle a le geste et la vivacité du théâtre, je dirais volontiers l’exagération de la pantomime.

Je crois même qu’on peut déterminer dans quelle scène de la tragédie d’Euripide Hécube paraît ici. La violence et la fureur de son geste ne peuvent convenir à l’abattement désespéré qui suit sa séparation d’avec sa fille, mais conviennent très bien, au contraire, aux imprécations que lance contre Polydore Hécube se justifiant devant Agamemnon d’avoir égorgé les enfants du meurtrier de son fils et de lui avoir arraché les yeux. C’est une mère qui plaide comme une furie.

Son regard est tourné vers le ciel, sa bouche lance des imprécations ; on voit qu’elle pourra faire entendre ces hurlements, ces aboiements de la douleur effrénée que l’antiquité voulut exprimer en supposant que la malheureuse Hécube avait été métamorphosée en chienne, une chienne à laquelle on a arraché ses petits.

Tous les principaux moments de l’Iphigénie en Tauride sont représentés sur plusieurs bas-reliefs[209] : la prêtresse de Diane conduisant les victimes à la mort et, comme dans la tragédie, n’étant là que pour répandre l’eau sacrée sur leur tête, tandis qu’un Scythe va les immoler[210] ; la lettre écrite par Iphigénie à son frère, et dont elle charge Oreste avant de l’avoir reconnu ; la reconnaissance du frère et de la sœur ; le départ des deux Grecs emmenant Iphigénie qui emporte la statue de Diane[211]. En voyant dans un de ces bas-reliefs Oreste et sa sœur en présence, M. Welcker croit les entendre, comme nous l’avons cru tout à l’heure pour Oreste retrouvant Électre, s’adresser les paroles qu’ils s’adressent dans Euripide. Winckelmann pensait que les bas-reliefs offrent une combinaison de deux tragédies d’Euripide, son Iphigénie en Tauride et son Oreste. Pylade, tenant dans ses bras Oreste, que ses fureurs ont repris[212], offre une expression visible de l’amitié touchante qui, dans cette dernière tragédie, lui fait soutenir le corps et le courage de son ami[213].

Les nombreux bas-reliefs consacrés à l’amour de Phèdre pour Hippolyte[214], contiennent toute la tragédie d’Euripide : Phèdre, en proie à sa passion, la nourrice qui va trouver le jeune chasseur, la mort d’Hippolyte.

Dans Euripide, Phèdre, emportée par l’amour, s’écrie (Hipp., 215-231), avec une impétuosité de passion et une convenance de détails que n’égalent pas les beaux vers de Racine, dont les deux derniers sont un peu étrangers à la situation :

Dieux, que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !

Quand pourrai-je, au travers d’une noble poussière,

Suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière !

Conduisez-moi dans la montagne ; je vais dans la forêt, parmi les pins... Dieux immortels, je veux exciter les chiens par mes cris ; je veux entourer d’un rameau tbessalien mes cheveux blonds et tenir dans ma main un javelot à la pointe aiguë... Ô Arthémis, reine du marais sacré et des gymnases où résonnent les pas des chevaux ; que ne suis-je sur le sol qui t’est consacré, domptant des coursiers !

Les chiens, les chevaux, l’appareil de la chasse, en présence desquels l’imagination de Phèdre, exaltée par l’amour, la transporte, tout cela est dans les bas-reliefs présent au spectateur ; ce que Phèdre rêve, il le voit.

La nourrice de Phèdre va trouver Hippolyte et lui révéler la passion qu’a conçue pour lui sa maîtresse. Dans le premier Hippolyte d’Euripide, aujourd’hui perdu, Phèdre, comme dans Sophocle, Sénèque[215] et Racine, déclarait elle-même sa passion. C’est donc le second Hippolyte, le seul conservé, qu’ont suivi de préférence les auteurs des bas-reliefs[216] ; ce n’est ni le premier Hippolyte d’Euripide, ni la Phèdre de Sophocle.

Dans la tragédie d’Euripide, Phèdre se pend, et Thésée trouve dans sa main la lettre qui accuse Hippolyte. Des peintures, découvertes à Rome, dans la Maison Dorée de Néron, montrent l’épouse de Thésée tenant la corde fatale. Déjà on la voyait pendue dans la Lesché de Delphes, peinte par Polygnote. L’art et la poésie grecque avaient adopté l’une et l’autre ce genre de mort honteux par lequel Phèdre vengeait sa honte suivant la tradition ; Racine l’a remplacé par le poison et par un genre de mort plus distingué.

Enfin, le dénouement tel qu’il est raconté par Euripide et par Sénèque dans des récits gui ont servi de modèle à celui de Théramène, — Hippolyte précipité de son char, — ce dénouement se voit retracé sur les bas-reliefs, d’après Euripide ; il se voyait dans un tableau qu’Antiphile avait composé d’après lui sans doute et qui était à Rome[217] ; Antiphile y avait représenté Hippolyte épouvanté par le monstre.

L’Alceste d’Euripide est aussi tout entière sur les sarcophages[218], où ce dévouement sublime de l’amour conjugal fait une allusion poétique aux vertus d’une morte et au regret d’un époux, plus tendre, je l’espère pour lui, que l’Admète d’Euripide, lequel cède si volontiers à Alceste sa place chez les Ombres. On y suit la marche de la tragédie grecque, avec les diversités que comporte la différence de la sculpture et de la poésie. L’oracle d’Apollon, annonçant qu’Admète sera sauvé si quelqu’un de sa famille veut mourir à sa place, est exprimé par la présence du dieu lui-même et par le trépied fatidique ; puis on voit Alceste qui s’est offerte à la mort pour son époux et qui, du lit où elle est couchée, lui tend la main, lui recommandant ses deux enfants, tandis que sa jeune fille, un genou en terre, étend les bras vers elle avec un mouvement très dramatique. Ceci est une scène, et une scène admirable d’Euripide (Alc., 280 et suiv.), admirable au moins de la part d’Alceste. Le poète a fait, ce qu’il a pu pour sauver, comme on dit, le triste rôle d’Admète ; mais sa situation est trop fausse pour intéresser, et on en a bien le sentiment en présence de la piteuse figure qu’il fait sur le bas-relief du Vatican. La tête d’Admète est un portrait dont le caractère ignoble ne va pas mal aux sentiments que ce personnage exprime dans une autre scène d’Euripide, celle où il reproche à son vieux père de n’avoir pas voulu mourir pour Alceste, que lui, Admète, a laissé mourir à sa place, et où le père indigné, traitant son fils comme il le mérite, témoigne brutalement de son amour pour la vie. Cette odieuse scène est indiquée aussi sur les bas-reliefs. Puis le sculpteur, ce que n’a pu faire le poète, suit dans la demeure de Pluton Hercule, qui va y chercher Alceste, puis la ramène, voilée comme l’on représente les Ombres, et rappelant l’imagination bizarre dont s’est avisé Euripide. Dans la pièce de celui-ci, où le bouffon et le pathétique s’allient ainsi que chez Shakspeare, Hercule présente à Admète son épouse voilée, comme une femme esclave qu’il le prie d’accepter. Il faut dire à l’honneur d’Admète qu’il n’accepte pas et mérite la joie de la surprise que lui fait Hercule en lui montrant Alceste. Sophocle, qui avait écrit aussi une Alceste, avait placé dans la bouche d’Admète ce vers, qui faisait plus d’honneur à sa franchise qu’à sa générosité : Si un autre meurt, je ne me soucie point de mourir avec lui[219].

Une mosaïque du Vatican (Salle des Muses), où sont figurées des scènes de tragédies, a paru en offrir une qui se passe entre Hercule et Alceste. Hercule, comme d’autres figures de la mosaïque, y paraît dans la longue robe tragique du théâtre.

Les bas-reliefs nous rendent également presque tout entière la Médée d’Euripide[220].

Jason va épouser Glaucé ; Médée, furieuse, envoie d’abord par ses enfants à sa rivale des ornements empoisonnés qui doivent la consumer, puis, pour punir l’infidèle, elle égorge ces pauvres enfants, monte sur un char attelé de dragons qui doit l’enlever à travers les airs ; et de là, implacable, elle insulte l’époux dont elle s’est vengée[221]. Ces diverses scènes de la Médée d’Euripide se déroulent tragiquement sur plusieurs bas-reliefs très semblables et qui paraissent tous avoir pour original commun la tragédie grecque.

En présence de ces bas-reliefs, on peut se donner à sa fantaisie le spectacle, soif de la totalité, soit d’un acte détaché de la Médée d’Euripide, c’est un libretto sculptural au moyen duquel on pourrait ; comme pour l’Iphigénie en Tauride, comme pour l’Hippolyte et l’Alceste, en recomposer l’ensemble ; si elle était perdue.

Médée est assise dans le vestibule de sa maison, lieu de la scène où se passe la tragédie d’Euripide, dont nous avons ainsi comme la décoration ; au-dessus d’elle plane un génie de la mort : c’est une expression de la Némésis qui planait sur la tragédie. Créon, père de Glaucé, et sa nourrice, sont des personnages d’Euripide.

Horace, dans son Art poétique, ne voulait pas que Médée tuât ses enfants sous les yeux des spectateurs. Euripide s’était soumis d’avance à cette loi du goût qu’avait violée sans doute quelques-uns de ses imitateurs latins. Les auteurs des bas-reliefs l’ont observée, ainsi que les auteurs des statues et des peintures qui représentaient Médée dans le moment le plus terrible et le plus troublé : elle ne frappe point ses enfants, mais, triste, elle les regarde qui jouent à ses pieds. Telle elle était dans le tableau de Timomaque, — qui avait dû s’inspirer d’Euripide pour sa Médée, aussi bien que pour son Oreste et son Iphigénie en Tauridevoulant tuer ses enfants et voulant les sauver, comme il est dit dans un vers de l’Anthologie[222] ; telle elle était dans deux statues qui montraient des larmes dans ses yeux irrités, et son âme, passant de la colère à la compassion et de la compassion à la colère[223], l’art, développant ainsi ce qui n’est qu’indiqué dans la tragédie[224]. Les bas-reliefs du reste suivent Euripide pas à pas et font passer devant nos regards son œuvre presque complète ; il est même des parties de l’action tragique que le public d’Athènes ne voyait pas et que nous voyons à Rome : ainsi la mort de la nouvelle épouse de Jason, qui n’est qu’en récit dans Euripide, est représentée pour nous sur les bas-reliefs.

Les Phéniciennes d’Euripide, dont le sujet est le même que celui des Sept Chefs devant Thèbes d’Eschyle, contiennent un récit du combat d’Étéocle et de Polynice[225] qui n’a pas été étranger aux bas-reliefs où est retracé ce dénouement de la guerre fratricide[226], et où l’on voit Polynice tombé sur un genou[227] comme le montrait ce récit[228].

Dans le Capanée de la villa Albani, je vois une réminiscence d’Eschyle, qui ne dit pas quand le sacrilège fut frappé par la foudre[229], ce qui permet de supposer que ce fut à terre ; plutôt qu’une réminiscence d’Euripide qui le montre tombant de l’échelle, déjà mort et embrasé. Capanée porte dans les Phéniciennes (1180, 1189-90) cette échelle qu’il porte dans le bas-relief de la villa Pantiti. Souvenons-nous aussi que Tauriscus, le peintre de Clytemnestre, et qui paraît avoir aimé les sujets tragiques, avait peint Capanée[230]. Le Capanée de la villa Albani a une attitude violente qui semble d’après un tableau plus que d’après une statue.

Un seul bas-relief à Rome (cour du palais Giustiniani) retrace Penthée mis à mort par sa mère Agavé et ses sœurs Ino et Autonoé, qui rendues furieuses et folles par Bacchus, dont Penthée avait méprisé le culte, le poursuivirent sur les montagnes comme une bête sauvage et le déchirèrent. A ce sujet terrible se rapportent trois figures de femmes en relief, d’un caractère tragique[231] ; mais on ne peut affirmer que les trois figures soient d’après  Euripide, car la mort de Penthée fut mise avant lui et après lui[232] sur la scène. Un sujet où était célébré le triomphe de Bacchus et où dominait l’emportement bachique, devait être en Grèce aussi ancien que le théâtre, dont l’origine tenait au culte de Bacchus ; aussi y avait-il un Penthée de son fondateur Thespis[233].

On voit que la tragédie grecque est vivante, pour ainsi dire, dans les tableaux dramatiques des bas-reliefs romains ; il y a plus, nous pouvons, à l’aide des bas-reliefs dont ils ont fourni le sujet, nous faire quelque idée de plusieurs tragédies perdues.

Par exemple, des deux parties perdues du Prométhée d’Eschyle ; le même bas-relief[234] réunit ce qu’on voyait le même jour sur le théâtre d’Athènes : Prométhée ignifère pétrissant l’homme ; et Prométhée délivré du vautour par Hercule.

Dans le Prométhée enchaîné, le Titan n’est dit nulle part avoir créé les hommes, mais bien avoir ravi en leur faveur le feu, principe des arts et de la civilisation. Cependant un vers du premier Prométhée[235] semble indiquer que le Titan avait formé la femme avec de l’argile, ainsi qu’on le voit sur les bas-reliefs, fabriquant par ce moyen des hommes et des femmes[236].

Outre le bas-relief capitolin, le Prométhée délivré d’Eschyle a fourni le sujet d’une peinture très fine qui décore le Columbarium de la villa Panfili.

Un événement indiqué dans un fragment du Prométhée délivré nous a été conservé, selon l’opinion de Zoega, par quelques figures en relief placées entre les jambes d’un trépied[237]. J’en parle d’autant plus volontiers que le passage du Prométhée délivré auquel cette sculpture peut faire allusion, contient la plus ancienne nation de la Gaule qui existe dans la poésie grecque. Prométhée annonçant à Hercule ses futurs exploits lui prédit qu’il viendra dans le pays des Ligures, qu’ils lui feront la guerre et qu’au moment où il sera près d’être accablé par eux, Jupiter fera pleuvoir une grêle de pierres pour qu’il puisse s’en servir contre ses ennemis. C’est évidemment l’origine mythologique de la Crau, plaine peu éloignée de Marseille, — par conséquent alors dans le pays des Ligures, — qui est, en effet, un champ de cailloux, laissés là par quelque diluvium géologique, et qu’une légende grecque, probablement d’origine massaliote, supposait avoir été lancés par Jupiter pour défendre son fils[238].

Le rachat du corps d’Hector par Priam formait le sujet des Phrygiens, tragédie d’Eschyle[239], et aussi d’une pièce perdue de Sophocle. Le bas-relief du Capitole et ceux où, comme dans celui-ci, Mercure ne paraît point, sont plutôt d’après Sophocle que d’après Eschyle, car nous savons que Mercure intervenait dans la pièce d’Eschyle[240], ainsi qu’il intervient dans l’Iliade, et rien ne fait supposer qu’il en fût de même dans la pièce de Sophocle. Dans toutes deux le héros gardait devant Priam un long silence. C’est l’obstination de ce silence qu’a voulu exprimer l’auteur du bas-relief capitolin. Le sculpteur a donné à Achille, qui se détourne, une attitude si expressive qu’elle paraît forcée ; il la doit sans doute, dans l’origine, à l’acteur qui jouait soit dans la tragédie d’Eschyle, soin dans celle de Sophocle, ou dans celles d’Ennius ou d’Attius, car tous ces poètes avaient traité ce pathétique sujet.

Parmi les tragédies perdues de Sophocle, il en est plusieurs dont les sujets se retrouvent sur les bas-reliefs romains, mais sans qu’on puisse, au moyen des maigres analyses des grammairiens et de quelques fragments échappés à la destruction, faire la part de leur influence, d’autant plus que très souvent les sujets de ces tragédies perdues de Sophocle ont été également traités par Eschyle, par Euripide et par d’autres ; mais, seul des trois grands tragiques, Sophocle avait mis sur le théâtre l’enlèvement du Palladium, dans ses Laconiennes. D’après le peu qu’on sait de cette tragédie, durant l’expédition il survint un sujet de querelle entre les deux héros qui s’en étaient chargés ; c’est ce que font entrevoir dans le bas-relief du palais Spada les regards irrités qu’ils se lancent, le geste violent d’Ulysse et l’air résolu et sombre de Diomède[241].

Le Dédale de Sophocle n’avait point pour sujet la fuite du père d’Icare, et les deux bas-reliefs de la villa Albani qui représentent celui-ci fabriquant des ailes, ne peuvent être inspirés par cette pièce qui parait avoir été un drame satirique[242] ; si on veut leur chercher une origine dans la tragédie grecque, il faut la demander aux Crétois d’Euripide dont la fuite de pédale était le sujet[243].

Achille à Scyros était encore un sujet traité par Sophocle et que traita aussi Euripide. Ce sujet, qui ne figure point dans les récits de la poésie Cyclique, dut donc arriver aux artistes par la tragédie de Sophocle, et par celle d’Euripide. Polygnote, il est vrai, lui avait donné place dans ses peintures de Delphes ; mais la scène a dans les bas-reliefs une animation, l’attitude d’Achille et celle de Déidamie une vivacité et une véhémence que ne pouvait leur avoir communiquées le maître austère dont la vaste composition renfermait un grand nombre de sujets et de personnages sans rapport entre eux et qui devaient ressembler, par leur ordonnance tranquille, aux fresques florentines du quinzième siècle à Santa-Maria-Novella. Il y a donc toute raison de retrouver la scène principale de l’Achille à Scyros de Sophocle ou d’Euripide dans les bas-reliefs qui montrent le jeune héros s’élançant au son de la trompette soudainement entendu. C’est un vrai coup de théâtre.

Si nous ne pouvons pas tirer grand’chose des bas-reliefs pour découvrir le contenu des tragédies perdues de Sophocle, nous pouvons, avec beaucoup de vraisemblance, dériver de l’une d’entre elles la composition d’un chef-d’œuvre du Vatican, le Laocoon.

L’opinion de Lessing, qui, dans un ouvrage, du reste, plein de vues ingénieuses, donnait pour original au groupe du Vatican le récit de Virgile, est aujourd’hui abandonnée. Dans Virgile, Laocoon accourt avec des armes pour secourir ses enfants attaqués par les serpents. Dans le groupe il en est autrement : Laocoon s’était assis sur l’autel pour s’en faire un refuge quand les serpents sont venus l’assaillir. Ses enfants épouvantés, se sont rapprochés de lui, et tous trois ont été enveloppés. Dans Virgile, les serpents dominent Laocoon de leurs cols élevés ; dans le groupe, rien de semblable, et le col des serpents domine si peu le malheureux père, qu’un d’eux lui mort le flanc. Dans Virgile ils entourent de deux replis le corps du père et de deux replis le corps des enfants, ce qui ne se voit point dans le groupe. De plus, la sculpture a encore trop de grandeur pour ne pas être antérieure à l’empire et, comme je l’ai dit, l’origine rhodienne des sculpteurs fait placer leur date avant la prise et la chute de Rhodes, qui tombent dans les dernières années de la république romaine. Il faut donc chercher à ces chefs-d’œuvre une source plus ancienne que la description de Virgile, et on a pensé[244], selon moi avec toute vraisemblance, que cette source pouvait être la tragédie perdue de Sophocle, devenue ainsi une tragédie retrouvée ; elle devait contenir un récit de la catastrophe où les auteurs du Laocoon ont pu puiser l’inspiration vraiment tragique[245] qui anime leur composition immortelle.

L’absence de tout sentiment d’indignation contre la destinée, qu’il faut, quoi qu’on en ait dit, reconnaître dans l’expression seulement douloureuse de Laocoon, et qui étonnerait, s’il était puni, comme chez Virgile, pour avoir donné un sage conseil à ses concitoyens, s’explique, au contraire, très naturellement, si Laocoon entraîné par l’amour a pris une épouse contre la volonté d’Apollon dont il était le prêtre[246], ou a manqué de respect au temple du dieu, tradition qu’avait suivie Sophocle dans sa tragédie. Un mortel puni pour avoir oublié la soumission aux dieux, c’était un sujet bien approprié au génie de la tragédie grecque.

A la mort de Laocoon se rattache l’épisode du cheval de Troie, qui l’amène. Nous avons rencontré cet épisode sur un bas-relief de la villa Albani ; il avait été mis sur le théâtre à Rome par Nœvius. La tragédie latine devait avoir pour original grec le Sinon de Sophocle et plus vraisemblablement encore l’Epeius d’Euripide. — Epeius était celui qui avait construit le cheval de Troie. — On voyait, sans doute, dans la pièce grecque les guerriers descendre de l’intérieur du cheval, comme on les voyait sortant du cheval conservé à l’Acropole d’Athènes en mémoire de celui de Troie, et comme on les voit encore sur le bas-relief Albani. Mais les trois mille cratères qui figuraient dans la pièce de Nævius[247], offraient un spectacle tout romain. Les Romains aimaient à donner à une représentation dramatique l’air d’une pompe triomphale. Là on le sentiment de l’art baisse, on attache à la mise en scène une importance exagérée.

Il est une œuvre mémorable de la sculpture antique dont on peut, je crois, trouver aussi l’origine dans une tragédie perdue de Sophocle, c’est la mort des Niobides.

Les statues qui se rapportent au grand ensemble de sculptures sorti de la main des Scopas, et les bas-reliefs plus ou moins beaux ou plus ou moins médiocres[248], qui reproduisent, à leur manière, la même catastrophe, ont un caractère tragique[249]. Dans les derniers, comme je l’ai dit, le pathétique est poussé jusqu’à l’excès. La violence des gestes et des attitudes est. extrême ; une tragédie, une représentation dramatique est au rond de tout cela[250].

Quant aux statues, je ne sais jusqu’à quel point Scopas, qui les conçut, avait devant les yeux la Niobé de Sophocle ou la Niobé d’Eschyle, — car les deux plus grands maîtres de la scène grecque s’étaient exercés sur cet émouvant sujet[251], lequel est déjà tout entier dans Homère[252] ; mais ce qui me semble visible, c’est que dans l’histoire de la sculpture grecque, Scopas occupe une place correspondante à celle qui appartient à Sophocle dans le développement de la tragédie grecque. Chez Scopas, ce n’est plus la majestueuse sévérité de Phidias exprimant plutôt l’idée que la passion, c’est la passion, c’est le sentiment qui dominent, mais la passion et la sentiment unis à la grandeur. On n’en est pas encore à l’époque où la passion sera remplacée par une sensualité exquise et où Praxitèle noiera tout clans la grâce. De même chez Sophocle on ne trouve plus le grandiose surhumain d’Eschyle, mais on n’en est pas encore au triomphe de la sensibilité et de l’esprit qui caractérisera les œuvres d’Euripide. Le groupe aux Niobides, à ceux du moins qui ont conservé l’empreinte du génie, de Scopas, le pathétique élevé mais tempéré de Sophocle avec une suavité que n’a point Eschyle et sans la mollesse d’Euripide ; c’est pourquoi je crois que l’artiste qui en a créé les modèles s’inspira plutôt de la Niobé de Sophocle que de celle d’Eschyle.

Quelques vers conservés de la tragédie de Sophocle s’appliquent assez bien aux statues d’après Scopas. La sœur qui cherche à protéger son frère en étendant sur lui son vêtement est celle qui aimait particulièrement l’aîné de ses frères[253].

Le Pédagogue, qu’on reconnaît à son costume barbare, courait ainsi tout effaré sur le théâtre en gémissant sur la beauté de ses élèves qui ne devait pas les sauver.

Les bas-reliefs des Niobides[254] rappellent aussi Sophocle. La nourrice, personnage qui paraît fréquemment dans la tragédie grecque est là, relevant de terre et soutenant dans ses bras une fille de Niobé, comme elle faisait sans doute dans la tragédie perdue, quand elle s’écriait : C’est moi qui les réchauffais, les ranimais dans des langes de laine finement tissue, échangeant sans relâche la fatigue du jour contre celle de la nuit[255].

M. Welcker dit avec raison que dans la tragédie les fils ne périssaient pas sous les yeux de leur mère : elle était dans son palais et eux dans l’hippodrome, occupés aux jeux de la palestre[256], ce qui a fait penser que les deux lutteurs de Florence étaient deux Niobides. Le Pédagogue venait sans doute raconter leur mort à cette mère muette et pétrifiée par avance ; il y a dans la profonde douleur de la Niobé de Florence une immobilité morne, qui semble préparer ce lugubre dénouement ; puis ses filles tombaient l’une après l’autre sous ses yeux, atteintes par les flèches invisibles de Diane. Les convenances du bas-relief, qui ne sont pas les convenances de l’art théâtral, ont forcé le sculpteur de présenter le spectacle autrement, en rapprochant les deux parties de la catastrophe ; mais il est à remarquer que dans les bas-reliefs, Niobé n’est mise en rapport qu’avec ses filles présentes sur le théâtre, et non avec ses fils absents.

L’inspiration, non plus de Sophocle, mais d’Eschyle, se manifeste sur un bas-relief où Niobé est assise près du tombeau de ses enfants[257], comme s’y asseyait la Niobé d’Eschyle[258], tandis que le chœur faisait entendre ses lamentations, silencieuse et désespérée.

Je l’ai dit, dans ces bas-reliefs, l’action théâtrale atteint ses dernières limites. Niobé n’a plus ce calme majestueux du désespoir dans une âme héroïque que nous montre la statue de Florence et qu’exprimait, d’une manière sublime, la Niobé de Sophocle, répondant au tonnerre souterrain qui annonçait la colère des dieux : Pourquoi m’appeler ? je viens. Elle est agitée par la douleur et comme furieuse ; tantôt serrant contre ses genoux un fils encore enfant, tantôt disputant au courroux des dieux une petite Niobide qui, se pressant contre sa mère, semble vouloir rentrer dans son sein, motif qui est. dans le groupe de Florence, mais rendu avec moins de violence. Ce n’est plus la poésie d’Eschyle ou de Sophocle, c’est celle d’Ovide que traduit cette sculpture éperdue[259].

Une dernière restait encore ; sa mère la couvrait de tout son corps, de tout son vêtement. Laisse-m’en une seule, la plus petite ; elles étaient beaucoup, je le demande la plus petite.

C’est que ces bas-reliefs ont été faits à Rome, où Ovide écrivait ; peut-être d’après une Niobé latine, celle d’un certain Bassus, ou d’après une pantomime de Niobé, que nous savons par Ausone avoir existé.

C’est dans Euripide, comme je l’ai dit, le plus dramatique des poètes tragiques grecs, que puisèrent surtout les auteurs des bas-reliefs dramatiques[260] ; aussi trouve-t-on dans leurs compositions la trace, en assez grand nombre, des tragédies perdues d’Euripide.

Protésilas, rendu pour un moment à l’amour de Laodamie, est un des sujets qu’on rencontre le plus fréquemment sur les sarcophages. Ce sujet attendrissant était emprunté à Euripide[261], car nous ne connaissons que lui parmi les Grecs qui l’ait traité. Protésilas était le premier qui eût touché le sol troyen, et en y mettant le pied il avait reçu la mort ; les bas-reliefs nous le montrent en effet sur le rivage, cadavre d’abord, puis ombre voilée conduite par Mercure. Ceci devait être mis en récit dans la tragédie. Plus loin, Laodamie apparaît couchée au pied du portrait de son époux, portrait célèbre dans la tradition, avec lequel, mariée à un autre époux, elle passait ses nuits ; la tradition ajoutait que forcée par son père de le brûler, elle se jeta avec lui dans les flammes. Elle devait dire, dans Euripide, des choses touchantes en présence de ce portrait ; en n’en a conservé que ce vers :

Combien ment l’espérance aux mortels insensés !

Puis Protésilas, rendu momentanément à la vie, converse avec Laodamie. Cette scène, que la sculpture ne fait qu’indiquer, devait aussi être bien touchante. Enfin, Protésilas redevenu Ombre, est reconduit par Mercure dans la demeure de Pluton, où le poète dramatique ne pouvait le suivre et où le sculpteur l’accompagne.

Euripide était l’auteur d’un Méléagre. La chasse au sanglier de Calydon, la tête ou la peau du sanglier donnée par Méléagre ù la belle Atalante, l’indignation de ses oncles maternels, la douleur d’Atalante privée par eux de cette offrande, la colère de Méléagre qui cause leur mort, la fureur d’Althée, mère de Méléagre, le tison auquel les jours du héros étaient attachés et que, pour venger ses frères, elle jette dans les flammes, la mort de Méléagre, l’affliction de sa femme Cléopâtre et d’Atalante qu’il aimait, tous ces incidents de la tragédie d’Euripide sont répétés sur de très nombreux sarcophages[262]. Ici, l’on ne peut affirmer que tout vienne d’Euripide, car Eschyle[263] avait composé une Atalante, Sophocle un Méléagre, et tous trois avaient été devancés par Phrynicus. Mais le côté pathétique du sujet qui prévaut dans les bas-reliefs n’avait pas dû être aussi développé par les deux grands prédécesseurs d’Euripide. Cléopâtre et Atalante éplorées près du lit de mort de Méléagre, Althée, saisie au cœur par une furie, qui élève devant elle un flambeau, et se renversant violemment en arrière, au moment de livrer aux flammes le tison fatal, toutes ces choses sont là comme elles devaient être sur le théâtre, alors que le théâtre admettait la vive expression d’une passion et d’une douleur de femme plus qu’il ne pouvait le faire au temps d’Eschyle et même de Sophocle. Phrynicus avait le premier donné pour motif à la mort de Méléagre le coup désespéré de sa mère[264] ; mais sans doute l’amour de Méléagre pour Atalante n’était point la cause de sa mort dans l’œuvre du vieil auteur grec, comme dans le Méléagre d’Euripide et dans les bas-reliefs qui en dérivent[265].

A l’une des extrémités d’un des bas-reliefs sur lesquels se déroule cette action tragique, est la Fortune, le pied sur sa roue, personnification du Destin, dont la puissance est souveraine et contre lequel la volonté humaine ne lutte guère dans la tragédie antique. Devant la Fortune est Némésis, cette équité aveugle du Destin, inflexible comme lui, qui maintient toute chose, bonne ou mauvaise, sons l’égalité de son niveau. Elle tient ici ce glaive destiné à frapper ce qui le dépassera. Le chœur de la tragédie antique est comme l’oracle de Némésis, et Némésis représente ici le chœur à côté du drame.

Je m’arrêterai moins à plusieurs pièces d’Euripide, dont l’influence sur les bas-reliefs est moins considérable et moins évidente. Cependant, il est parfois impossible de la méconnaître. Ainsi, ce n’est pas l’Œdipe s’aveuglant lui-même de Sophocle, mais l’Œdipe d’Euripide privé de la vue par les guerriers vengeurs de Laius que représentent des urnes étrusques[266]. Le bas-relief (Palais Spada) où l’on voit l’enfant Opheltès qu’Hypsipyle a abandonné, mort et entouré par les replis d’un serpent, tandis que les témoins de l’événement expriment avec vivacité leur surprise et leur douleur, ce bas-relief à tout l’air d’avoir été composé d’après une scène de l’Hypsipyle d’Euripide. La position singulière de l’enfant, placé verticalement la tête en bas dans le bas-relief, convenait à la scène et permettait de le mieux voir que s’il eût été couché.

Deux bas-reliefs à Rome[267] se rapportent à l’Andromède d’Euripide[268]. Dans le bas-relief du Capitole, Persée, qui a tué le monstre, aide à Andromède à descendre du rocher, le poing sur la hanche, avec une courtoisie un peu maniérée[269] : on dirait un galant chevalier donnant la main à une élégante châtelaine. De même, la pièce d’Euripide était animée d’un sentiment chevaleresque ; la beauté d’Andromède faisait naître dans le cœur de Persée un amour à première vue, comme il arrive si souvent dans les romans de chevalerie. Il exprimait une tendre compassion pour la jeune fille ; puis, en vrai chevalier, déclarait l’amour l’enseignement de la sagesse ; faisant vœu d’éviter ceux qui ne sont pas initiés aux hauts faits qu’il inspire, et de fuir les mœurs sauvages[270], enfin il s’écriait : Amour, tyran des hommes et des dieux, ou ne nous enseigne pas à trouver beau ce qui est beau, ou viens en aide à ceux que tu fais aimer.

Ai-je eu tort de dire que Persée se montrait dans la tragédie d’Euripide comme il se montre dans le bas-relief du Capitole, un parfait chevalier[271] ?

En passant à Rome, le sujet de Persée et Andromède devint un peu romain. Dans Ennius, Andromède disait qu’elle était pour Persée la mère de famille épousée afin d’avoir des enfants, et elle employait l’expression juridique : liberum quæsendum causa[272].

Dans le bas-relief du Capitole, la tête du monstre marin rappelle sa présence sur la scène, où il était placé devant les regards d’Andromède[273] ; mais Persée ne nous apparaît point dans l’accoutrement scénique que nous lui connaissons : armé de la harpé, pour couper la tête de Méduse, et portant la besace qui doit la recevoir. Ces détails de mœurs héroïques trop primitives ont été négligés, malgré leur importance, par l’auteur plus raffiné du bas-relief. Persée n’a point à la main la tête de Méduse, que tenait le héros dans la tragédie d’Euripide[274] et que devait tenir le Persée de la grande sculpture grecque, le Persée de Myron[275] ou de Pylhagoras[276]. Benvenuto Cellini, quoique sa sculpture diffère beaucoup de celle-là, en est moins loin par le caractère que l’auteur du bas-relief romain, et, à Florence Persée du moins tient à la main la tête de Méduse. Le Persée de Canova qui est air Vatican la tient également, mais le style est beaucoup plus maniéré que celui du bas-relief. Il fallait que l’art fût bien tombé en Italie pour que cet habile sculpteur pût y être considéré comme le restaurateur de l’art antique ; Canova est encore moins grec que notre peintre illustre David. Dans l’intention d’être élégant, sort Persée abuse de la permission d’être long et méritait peu d’occuper, comme il a osé le faire, la place de l’Apollon du Belvédère absent.

Bellérophon est un héros très semblable à Persée[277]. Il va combattre la Chimère comme Persée la Gorgone[278]. Ce qui distingue Bellérophon, c’est sa misanthropie et son impiété. C’est celle mélancolie, le mot est dans un scoliaste, dont parle Homère[279], qui le peint vivant seul et rongeant son cœur comme un Hamlet antique. Il y a aussi en lui de l’Alceste et du don Juan. Dans les fragments du Bellérophon d’Euripide se trouvent de lugubres réflexions sur la misère humaine, des mots comme ceux-ci : Il vaut mieux ne pas naître[280] ; la pensée de Dante, déjà exprimée par Euripide : La plus grande des tristesses est d’avoir été heureux et de se souvenir[281] ; puis des tirades satiriques contre les vices : Mourons, dit Bellérophon, pour ne pas voir les méchants injustement honorés[282] ; enfin cette conclusion, que les dieux ne sont pas[283].

Cependant Bellérophon veut s’en assurer en allant voir ce qui se passe là-haut ; mais il est renversé par Pégase[284].

Telle était la donnée hardie du Bellérophon d’Euripide ; le voyage du héros téméraire en faisait partie[285]. Je crois très vraisemblable qu’un bas-relief du Vatican le retrace[286].

Un homme à cheval, que rien ne l’ait reconnaître pour Persée, s’élance comme s’il voulait. monter au ciel. Il semble dire à sa monture, avec le Bellérophon d’Euripide[287] : Vole, ô chère aile de Pégase... Ô mon coursier, orné d’un frein d’or, déploie tes ailes. Et vous, bois ombreux (il y a un arbre dans le bas-relief), souffrez que je m’élève par delà les sommets où ruissellent les fontaines ; je voudrais voir le ciel qui est au-dessus de ma tête et l’habitation de la lune. Un autel, contre lequel ou au-dessus duquel Bellérophon paraît vouloir s’élancer, indique, ce me semble, le culte des dieux contre lequel il s’est révolté depuis que la sagesse des dieux est devenue pour lui un problème.

Une naissance mystérieuse, celle de Télèphe, fils d’Hercule et d’Augé, avait fourni à Euripide le sujet de la tragédie perdue d’Augé. Télèphe, exposé sur une montagne, fut nourri par une biche. Un bas-relief nous montre l’enfant d’Hercule remis par une femme debout à une femme assise. La présence d’une biche couchée annonce qu’elle sera la nourrice de Télèphe[288]. Une statue représente Hercule tenant le petit Télèphe, qu’il a recueilli[289].

La suite des aventures de Télèphe remplissait la tragédie de ce nom, aussi d’Euripide, et dont Aristophane s’est tant moqué.

La seule de ces aventures que nous offre un monument romain, c’est le combat d’Achille et de Télèphe[290], dans lequel celui-ci reçut de la lance d’Achille une blessure proverbiale que cette lance seule pouvait guérir. Comme ce combat est antérieur à la partie de l’histoire de Télèphe traitée par Euripide, il vaut mieux faire dériver notre bas-relief des poètes cycliques et d’une grande sculpture de Scopas[291] où il était représenté.

L’incident le plus dramatique de la tragédie d’Euripide ne se voit que sur des urnes étrusques[292]. Télèphe, pour obtenir sa guérison par la lance d’Achille, s’est introduit sous un déguisement et, réfugié près d’un autel, menace, si on le refuse, de tuer le petit Oreste.

Le dénouement d’une tragédie vantée d’Euripide, Antiope, a fourni le sujet du groupe colossal trop vanté lui-même sous le nom du taureau Farnèse. Les fils d’Antiope, Amphion et Zéthus, attachent à un taureau sauvage la reine Dircé pour la punir des mauvais traitements qu’elle a fait endurer à leur mère.

Certes, je ne crois pas qu’au temps d’Euripide on ait amené un taureau sur le théâtre pour y attacher devant des spectateurs athéniens la malheureuse Dircé ; mais un tel tableau a pu être présenté au public de Rome, qui aimait ce genre de spectacle, quand on y joua la pièce d’Euripide imitée par Pacuvius. Quelques vers conservés de la tragédie romaine pourraient même le faire penser.

Vite, allez, roulez-la par terre, saisissez-la ; tirez-la par les cheveux à travers les rochers, déchirez sa robe[293]...

L’ordre d’attacher Dircé au taureau sur la scène pouvait suivre ces paroles, ici interrompues.

Si le beau bas-relief d’Orphée et d’Eurydice représentait, comme on l’a cru, Amphion, Zéthus et leur mère Antiope, il se rapporterait à une scène perdue de la tragédie d’Euripide dans laquelle elle racontait ses malheurs à ses fils, qui ne la connaissaient pas, et avait quelque peine à ramener le farouche Zéthus. Mais je persiste à croire que l’admirable bas-relief se rapporte plutôt : à la séparation d’Orphée et d’Eurydice[294].

Hippodamie causant la mort de son père Œnomaüs, pour faire triompher dans une course de chars Pélops qu’elle aime ; ce sujet, traité par Sophocle et par Euripide, est celui d’un bas-relief[295] dans lequel la douleur visible d’Hippodamie semble un souvenir du remords que sans doute exprimait la tragédie.

Cette course d’Olympie est représentée comme une course du cirque à Rome. La sculpture transportait les usages romains dans un sujet grec, le traduisant ainsi, pour ainsi dire, comme le poète Attius avait traduit en latin l’œuvre grecque de Sophocle ou d’Euripide.

M. Welcker[296] croit qu’Attius avait suivi Sophocle plutôt qu’Euripide. En général, quand le même sujet a été traité par ces deux poètes, il est toujours probable que le bas-relief qui le reproduit a été inspiré par Euripide ou un de ses imitateurs ; son talent, moins élevé, fut par cela même plus populaire ; son génie pathétique avait plus de prise sur les sculpteurs des bas-reliefs, dans lesquels le pathétique domine.

Les Péliades formaient l’avant-scène de Médée. Cette pièce d’Euripide est perdue[297] ; elle avait pour sujet les filles de Pélias, trompées par la magicienne, et faisant bouillir un bélier auquel elle rendait la vie pour leur persuader de tuer leur père qu’elle rajeunirait de même ensuite. Un admirable bas-relief grec[298] fait de nous les spectateurs de cette scène étrange, et nous fait comprendre comment, si elle était montrée sur le théâtre, on pouvait y assister sans être rebuté. Les poses des trois jeunes filles auprès de la chaudière ont cette élégance et cette pureté qu’elles avaient sans doute sur la scène grecque, dont les spectacles offraient toujours à l’œil des groupes harmonieux. Pour mesurer de Sophocle ou d’Euripide à Shakspeare la distance du goût, il faut comparer les trois jeunes et belles Péliades qui entourent la chaudière de Médée et les trois affreuses sorcières de Macbeth autour de leur chaudron.

Un curieux bas-relief (Villa Panfili) résume toute une tragédie perdue d’Euripide, la tragédie d’Alopé ; car lui seul des trois grands tragiques avait mis ce sujet au théâtre[299]. Alopé était fille de Cercyon ; trompée par Neptune, elle avait fait exposer son enfant. Sa faute ayant été découverte, elle fut enfermée par son père dans une tour pour y mourir de faim. Après sa mort, elle fut changée en fontaine. Par ordre de Cercyon, l’enfant fut exposé de nouveau. Devenu grand, il alla demander le royaume de son grand-père é Thésée, qui avait rencontré celui-ci sur son chemin et l’avait tué. Thésée lui accorda sa demande par égard pour le sang de Neptune, duquel lui-même prétendait descendre.

Le bas-relief nous montre la révélation de la faute d’Alopé faite par sa nourrice au moment où elle allait se marier. Elle baisse et détourne la tête en présence de son père irrité et de son fiancé qui la tient embrassée. Ce moment, qui n’est point indiqué dans la tradition, avait sans doute été choisi par Euripide afin de rendre la déclaration encore plus accablante et par là de produire un effet de scène que le bas-relief nous a conservé. On voit ensuite Alopé dans la tour où elle doit mourir ; la jument qui a nourri l’enfant se dresse contre la tour et vient hennir à la fenêtre comme si elle voulait le nourrir encore. Ce détail singulier est également étranger à la tradition. Peut-être était-il dans Euripide ; je doute cependant qu’à la belle époque de l’art grec, on eût ainsi fait jouer sur le théâtre d’Athènes un rôle à une jument. Cela sent une époque de décadence, alors que tous les moyens sont bons pour frapper l’imagination des spectateurs et réveiller leur intérêt. J’imagine qu’on s’en sera avisé sur un théâtre romain, car Alopé dut être traduite ou imitée en latin, comme le furent la plupart des pièces d’Euripide. Ce genre de spectacle, ajouté à la tragédie grecque, était dans le goût un peu brutal d’un auditoire romain. Quand pour lui plaire on faisait, dans Clytemnestre, défiler sur la scène six cents mulets, on pouvait bien, dans Alopé, introduire sur le théâtre une jument.

La nourrice, personnage obligé de la tragédie antique, parait une seconde fois dans le bas-relief. Elle explique tout à Thésée, et une fontaine indique le dénouement auquel est venu aboutir la triste destinée ale l’héroïne infortunée de la tragédie et du bas-relief.

La sculpture nous a conservé beaucoup moins de vestiges de la comédie que de la tragédie grecque ; cependant on en peut retrouver quelques-uns, pas, que je sache, de la comédie ancienne, représentée surtout par Aristophane. Celle-là, toute locale, politique et, en grande partie, de circonstance, n’a pu fournir à la sculpture romaine des types étrangers qu’elle ignorait. Mais la comédie moyenne et la comédie nouvelle furent transportées à Rome par Plaute et par Térence ; avec elles ont pu l’être aussi des personnages et des scènes de théâtre grec.

Ainsi Visconti rapproche un acteur assis sur un autel[300] d’un esclave de la Mostellaria de Plaute, qui se réfugie sur un autel. L’anneau que cet acteur porte au doigt lui paraît indiquer un personnage d’une comédie perdue de Plaute[301], imitée d’une comédie également perdue de Ménandre, intitulée l’Anneau[302].

L’esclave s’est abrité sur l’autel contre toutes les poursuites, avec l’anneau volé. On a remarqué qu’il porte sur la tête une couronne de fleurs comme celle qui protège un autre esclave contre les coups dans le Plutus d’Aristophane[303].

Une statue plusieurs fois répétée[304], et dont on a voulu faire un Sénèque qui vient de s’ouvrir les veines dans le bain, en la plaçant au milieu d’un grand vase, — comme si un riche voluptueux tel que Sénèque se fût donné la mort debout dans une attitude si peu commode et dans une si inconfortable baignoire ; — cette statue en marbre noir et aux traits un peu africains est pour Visconti le vieux pêcheur cyrénaïque de la comédie de Ménandre, intitulée le Pécheur, auquel correspond le Gripus du Rudens de Plaute. Les hochets énumérés dans la même comédie[305] sont en grande partie identiques aux hochets attachés à une statue d’enfant[306]. Quatre statues d’acteurs grotesques[307] semblent former une scène comique : le père de famille, le Chrémès en colère, adresse de violents reproches à un esclave qui parait se justifier et désigner un autre coupable, tandis qu’un quatrième tire la langue et se moque à la fois de son maître et de son camarade[308].

Mais ce sont surtout les monuments sur lesquels sont travesties les aventures des dieux ou des héros, et souvent les tragédies de la Grèce, qui nous présentent un souvenir des drames satyriques, parodies mises en scène de ces dieux, de ces héros et de ces tragédies.

Jupiter n’était pas épargné, comme le fait bien voir la peinture d’un vase[309] grec sur lequel la visite de Jupiter à Alcmène est si plaisamment ridiculisée. L’original de cette caricature était sans doute quelque drame satyrique, parodie bouffonne soit de l’Alcmène d’Eschyle ou d’Euripide, soit de l’Amphitryon de Sophocle ; quelque aïeul inconnu de l’Amphitryon de Plaute, et, par lui, de l’Amphitryon de Molière.

Jupiter est accompagné d’un Mercure scandaleux, accoutré comme l’étaient sur le théâtre d’Athènes les chœurs de Satyres phalliques, et comme l’est encore leur dernier descendant, le Karagueuz des ombres chinoises de Constantinople. Mercure tient une lanterne, comme Sosie, et Jupiter passe une tête grotesque à travers les barreaux d’une échelle qu’il apporte pour monter chez la femme d’Amphitryon.

Là où les dieux étaient si peu ménagés, les héros ne pouvaient l’être[310]. Hercule surtout, auquel on prêtait la voracité et le penchant à boire sans mesure, convenables à un personnage qui représentait surtout la force physique, Hercule fournit en Grèce, plus qu’aucun autre, matière aux imaginations burlesques des poètes comiques, et c’est d’elles que proviennent les bas-reliefs assez nombreux où il est fait allusion à la gloutonnerie d’Hercule ou à sa bibacité[311]. (Hercule bibax.)

Ce repos d’Hercule après ses travaux, qu’avait exprimé si admirablement l’auteur du Torse, est devenu, sous l’influence des parodies de la scène grecque, le repos comique d’hercule atteint par l’ivresse et serrant contre son corps la coupe où il l’a puisée, tandis qu’un satyre lui présente un énorme pain[312].

Ailleurs Hercule tombe ivre-mort.

Dans la représentation de ses hauts faits, le comique vient se placer à côté de l’héroïque. A la vue du lion que rapporte Hercule, Eurysthée va se cacher dans un tonneau[313].

L’apothéose ne défendit pas mieux Hercule des jeux de la sculpture que des licences de la poésie. On en a la preuve dans un beau bas-relief de la villa Albani[314]. Tandis qu’Hercule se repose mollement, près de lui un satyre pétulant attaque vivement une nymphe, et un petit satyre, qui grimpe le long du cratère colossal d’Hercule, arrivé jusqu’au bord, y plonge sa tête penchée sur la liqueur, dont il se régale furtivement. L’alliance du grotesque et de l’héroïque se montre ici, comme dans l’Alceste d’Euripide. Ceux qui, au nom des anciens, foudroient le mélange des genres, feraient bien d’apprendre le grec ou au moins de lire Euripide dans une traduction.

Aux drames satyriques, ainsi nommés à cause des Satyres qui en étaient le chœur obligé, appartient le Cyclope d’Euripide, dont plusieurs détails se retrouvent dans des sculptures qu’on voit à Rome : Polyphème s’apprêtant à dévorer un des compagnons d’Ulysse, scène figurée par un groupe du Capitole ; Ulysse donnant à boire au cyclope tel qu’il est représenté dans la statuette du Vatican, avec un air à la fois inquiet et résolu qui correspond parfaitement à l’esprit de son rôle dans le Cyclope d’Euripide.

Laissons de côté les sources poétiques. On a déjà pu voir par ce qui précède que les sculptures qui sont à Rome[315] se rattachent à l’art grec par une triple origine ; elles proviennent soit d’un bas-relief, soit d’une statue ou de plusieurs statues, soit enfin d’une peinture grecques ; quelquefois tout ensemble d’une sculpture et d’un tableau.

Des bas-reliefs grecs très anciens offraient déjà les sujets les plus fréquemment répétés sur nos bas-reliefs de Rome[316], et des statues de toutes les époques de l’art grec ont fourni les types des principales statues que renferment les musées romains. On en a vu, je pense, des preuves assez nombreuses pour n’en plus douter.

Il est arrivé aussi qu’on a détaché d’un bas-relief une figure ou un groupe de figures pour les traiter à part[317], ou bien qu’une figure ou un groupe de figures ont été introduits dans une scène complexe de bas-relief.

Ainsi la pose de l’Ariane du Vatican se retrouve dans les Arianes des sarcophages bachiques, où cette figure de femme endormie l’ait partie d’un ensemble gour lequel elle a dû être primitivement inventée. Il en est de même de plusieurs groupes bachiques qui ont passé des bas-reliefs dont ils faisaient partie à urge existence distincte, soit comme groupes de statues, soit comme statues isolées[318].

D’autre part, le groupe de Bacchus, d’un Satyre et de l’Ivresse, création de Praxitèle, paraît dans les bas-reliefs bachiques, où il a été transporté, et sa Diane chasseresse se reconnaît facilement aussi dans les bas-reliefs, où elle combat les géants et punit Niobé dans ses enfants.

Quelquefois un ensemble de statues se rapportant à une même action a fourni le sujet d’un bas-relief ; c’est ce qui est arrivé souvent pour les Niobides de Scopas et pour sa grande composition qui représentait les divinités de la mer accompagnant Achille aux îles Fortunées.

Outre les statues et les bas-reliefs, les sculptures de Rome ont encore une origine grecque dont nous avons déjà rencontré quelques exemples et qu’on ne doit point négliger ; je veux parler des peintures grecques qui ont pu leur donner naissance.

Les bas-reliefs romains qui se rattachent à ces peintures nous offrent le même intérêt que ceux qui se rapportaient à des épopées ou à des tragédies perdues. Il nous reste peu de la peinture antique ; les chefs-d’œuvre de la peinture grecque, si nombreux à Rome, en ont disparu pour toujours ; mais il subside quelque chose de l’art de Polygnote, de Zeuxis, de Parrhasius, d’Apelles dans des marbres plus solides que les planches fragiles auxquelles ils confièrent leurs créations, hélas ! destinées à périr et à ne laisser d’elles à la postérité que ces copies imparfaites, mais durables.

Il en est de la peinture en Grèce comme de la statuaire : on peut voir à Rome des sculptures imitées de tableaux grecs aussi bien que de statues de toutes les époques ; seulement le regret est plus grand, parce que les reproductions des chefs-d’œuvre perdus sont en général moins dignes d’eux, et parce qu’elles ne nous en rendent point de même le caractère successif à travers les temps.

Mais du moins ces reproductions sculpturales de tableaux perdus nous en montrent les sujets, nous en font connaître les types plus ou moins modifiés, et quelquefois nous en révèlent la composition. A Rome, nulle imitation de la peinture grecque, par les statues ou les bas-reliefs, n’eut un modèle antérieur à Polygnote, qui touche au temps de Phidias.

Il ne semble pas que la peinture ait pris avant lui un essor pareil à l’essor de la sculpture avant Phidias. La sculpture était de tous les arts celui qui convenait le mieux au génie grec, qui lui était pour ainsi dire le plus naturel, et qui fut d’abord cultivé en Grèce avec le plus de succès ; la peinture ne vint qu’ensuite. De même Nicolas Pisan précède Giotto. La peinture rie paraît pas avoir été portée au même degré par Polygnote que la sculpture par Phidias.

Un peintre qui écrivait encore les noms à côte des personnages, et que Pline[319] loue de leur avoir ouvert la bouche et fait montrer les dents, ne pouvait être arrivé à la perfection absolue dans son art, comme Phidias dans le sien. C’est que les arts ne marchent point du même pas. L’architecture au moyen âge devança de beaucoup la sculpture, et la grande époque de la musique est venue à la fin du dix-huitième siècle, quand celle des autres arts était passée.

Cependant Polygnote fut un peintre éminent ; le témoignage des anciens l’atteste. Son style fier et simple devait correspondre à celui des statuaires devanciers de Phidias, de Phidias dont Polygnote fut presque le contemporain.

La peinture grecque avait rassemblé un grand nombre de types héroïques dans deux grandes compositions de Polygnote qui couvraient les murs de la Lesché de Delphes, espèce de club national des Sa miens. Dans l’une figuraient tous les personnages de la guerre de Troie ; l’autre avait pour sujet le voyage d’Ulysse dans le royaume des Ombres, et par là elle peut être, jusqu’à un certain point, comparée aux peintures des maîtres florentins qui, au Campo Santo de Pise ou à Santa Maria Novella de Florence, ont retracé d’après Dante les régions du monde infernal, dessinées avant eux par le grand poète ; avec cette différence que les maîtres florentins se sont attachés à des catégories de damnés et ont rarement représenté individuellement des personnages célèbres. Polygnote, au contraire, comme Dante, avait rempli son enfer de personnages célèbres dans la tradition, et y avait fait entrer en grand nombre les héros et les héroïnes de la Grèce.

Mais les peintures de Polygnote n’ont pu fournir à la sculpture grecque ou romaine que les types de ces héros ou de ces héroïnes, presque jamais la donnée de l’action particulière dans laquelle les bas-reliefs nous les montrent engagés ; car sur les murs de la Lesché ces personnages étaient placés les uns auprès des autres sans être, en général, liés par aucune action.

Ainsi Cassandre n’y était point représenté, comme dans le bas-relief de la villa Albani, embrassant le palladium d’une étreinte violente, mais assise à terre et le tenant tranquillement sur son sein[320].

Il est une statue dont la pose peut rappeler celle que Polygnote avait donnée au personnage qu’elle représente. C’est ce Méléagre du Vatican[321], qui respire une grâce tranquille, et qui, placé entre le sublime Torse et les merveilles du Belvédère, semble être là pour attendre et pour accueillir de son air aimable et un peu mélancolique, où l’on a cru voir le signe d’une destinée qui devait être courte, l’enthousiasme du voyageur[322]. Le Méléagre est-il d’après une sculpture grecque ou d’après un tableau ?

Scopas avait représenté Méléagre, non dans cette attitude reposée ; mais avec d’autres héros célèbres donnant la chasse au fameux sanglier de Calydon[323]. Là on doit chercher la principale origine des nombreux bas-reliefs dont cette chasse est le sujet ; mais là n’est point l’origine de cette douce statue, qui n’a rien du génie véhément de Scopas. J’y vois plutôt un souvenir du Méléagre que Polygnote avait peint sur les murs de la Lesché. Pausanias, après avoir parlé d’Ajax, dit[324] : Un peu plus haut se tient debout Méléagre, et il semble le regarder. N’est-ce pas l’attitude du Méléagre, qui, comme le dit Visconti, a l’air de regarder quelqu’un ? et j’ajouterai, comme un trait de plus de ressemblance avec la peinture de Polygnote, a, si je ne me trompe, l’air de regarder un peu au-dessous de lui.

Si l’attitude du Méléagre paraît être celle qu’avait consacrée le pinceau de Polygnote[325], sa grâce, assez moderne, ne saurait remonter si haut ; mais il ne faut pas oublier que le type de Méléagre avait été renouvelé par Parrhasius, qui donnait aux héros plus de grâce que de force, comme nous le verrons bientôt ô propos de son Thésée.

Le Méléagre du Vatican se rattacherait donc doublement à la peinture grecque par Polygnote et par Parrhasius.

D’autres peintures de Polygnote ont pu inspirer les auteurs de nos bas-reliefs ou les artistes qui les ont inspirés eux-mêmes, et plus que les peintures de Delphes, car celles dont je parle maintenant avaient pour sujet une action déterminée, et pouvaient, par conséquent, être rapprochées plus certainement des bas-reliefs.

Polygnote peignit à Athènes, sur le mur du portique appelé Pœcile, le combat des Athéniens conduits par Thésée contre les Amazones[326]. Les Amazones étaient à cheval ; elles sont souvent à cheval dans les bas-reliefs, et ce sont seulement ceux-là qui peuvent procéder de Polygnote ; il peignit dans le temple des Dioscures[327] les filles de Leucippe enlevées par Castor et Pollux. C’est un sujet qui se voit fréquemment sur les bas-reliefs des sarcophages.

Panænus, parent[328] de Phidias, peignit à Olympie, sur les traverses qui réunissaient les pieds du trône de Jupiter Olympien, Hercule combattant le lion de Némée, Atlas portant le ciel, les Hespérides avec les pommes d’or, Achille et Penthésilée, tous sujets que nous avons trouvés reproduits par des bas-reliefs romains.

Les personnages des cycles épiques ont pu, arriver au bas-relief par la peinture ; souvent, en effet, ces personnages ont le mouvement pittoresque plus que le calme épique.

C’est ce qu’on remarque sur la taule iliaque, résumé du cycle de la guerre de Troie, et ce qu’on devait remarquer dans les tableaux contenant l’ensemble de cette guerre. Si ces tableaux, qui étaient à Rome, où a été exécutée la table iliaque, et probablement d’après eux, si ces tableaux, dis-je, avaient, comme il semble, pour auteur Théon, qui affectionnait les sujets les plus violemment dramatiques, tels que le meurtre de Clytemnestre, les fureurs d’Oreste, le rapt de Cassandre, et dont le témoignage des anciens a autorisé l’historien des artistes grecs, M. Brunir, à dire[329] qu’il transporta dans son art l’effet théâtral, on verrait là se combiner, deux influences de la Grèce sur la sculpture romaine, l’influence par la peinture et l’influence par le théâtre.

J’ai dit que l’expression violente, qui nous frappe dans certains bas-reliefs dont les sujets sont empruntés à la tragédie grecque ; pouvait s’expliquer par des réminiscences de la scène ; elle pouvait tenir aussi au caractère propre à la peinture, plus expressive par son essence que la sculpture, quand ces sujets avaient été mis en tableaux avant de l’être en bas-relief.

Dans ce cas, la sculpture s’inspirait de deux arts dont le génie est plus violent que le sien.

En effet, les modèles de ces bas-reliefs, dramatiques par leur origine et souvent si dramatiques par leur expression, ont presque tous été des tableaux animés par leurs auteurs de la vie théâtrale qu’ils ont transmise aux bas-reliefs.

Dans les peintures de Panænus à Olympie, Hercule s’apprêtait à délivrer Prométhée du vautour[330], comme il le fait sur le bas-relief de Prométhée au Capitole, et dans la peinture du Columbarium de la villa Panfili, Parrhasius avait peint aussi un Prométhée en proie au vautour. L’expression devait en être bien vive ; car on racontait que, pour pouvoir mieux rendre la douleur du titan enchaîné, Parrhasius avait livré aux tourments un vieil esclave ; de même on a dit de Michel-Ange qu’il avait crucifié un pauvre diable pour mieux exécuter un crucifix, anecdote encore plus absurde que la première, dont elle est sans doute une répétition, et, pour parler le langage de l’art, une réplique.

Cette origine, à la fois théâtrale et pittoresque, a pu être celle des bas-reliefs qui représentent des sujets empruntés au théâtre grec, mais chue la peinture avait exprimés : le Capanée de Tauriseus, le Philoctète de Parrhasius, l’Agamemnon de Timanthe, l’Iphigénie en Tauride, l’Ajax et la Médée de Timomaque, l’Hippolyte d’Antiphile, et aussi des sujets de tragédies perdues : l’Achille à Scyros[331] de Polygnote et d’Athénion, l’Andromède d’Évanthès[332].

C’est d’un tableau que dérive très probablement un petit groupe du Vatican (M. Chiar., 655) où figure Andromède, et qui a été singulièrement altéré.

Une statuette de Persée montrait à Andromède l’image de la Gorgone réfléchie dans l’eau pour éviter qu’elle n’en ressentît la vertu pétrifiante ; je dis montrait, car on ne voit plus, de tout cela, que l’eau où se réfléchit l’image de Méduse. Malgré cette indication du sujet véritable, qu’on a naïvement laissé subsister, on a fait du Persée un Apollon tirant de l’arc. C’est ainsi qu’on restaure.

Cet incident, dont il n’est pas fait mention dans les fragments de l’Andromède d’Euripide, doit provenir de quelque peinture célèbre. La réflexion dans l’eau de la tête de Méduse convenait mieux à la peinture qu’à la sculpture, et la peinture a répété plusieurs fois ce sujet à Pompéi et à Herculanum. Lucien (De Dom., 25) parle d’un tableau dans lequel Persée triomphait de la Gorgone sans la voir, et, au moyen de l’image de son ennemie, réfléchie par son bouclier. C’était un effet de peinture analogue.

Des peintures grecques, dont les données n’appartiennent ni aux cycles épiques ni à la tragédie grecque, se retrouvent sur les bas-reliefs. Le tableau de Zeuxis, représentant Jupiter au milieu de l’assemblée des dieux[333], ou les Douze Dieux, peints par Euphranor[334], peuvent avoir inspiré la composition du bas-relief représentant Jupiter et les dieux assemblés qui couvre un des côtés de l’autel carré du Capitole, et dans lequel le style, assez différent des diverses figures qui le composent, semble trahir l’imitation combinée de plusieurs modèles.

Zeuxis[335], dans un tableau décrit par Lucien, avait placé des centauresses ; on en rencontre assez souvent dans les bas-reliefs Bachiques. Tout en attribuant avec la plus grande vraisemblance à une composition de Praxitèle la principale origine des nombreux bas-reliefs où est figuré l’enlèvement de Proserpine, il est impossible de ne pas tenir compte du tableau de Nicomaque, sur le même sujet[336], qui était au Capitole.

Tel détail inséré dans divers bas-reliefs nous fait remonter à une peinture grecque dont il est curieux de suivre l’histoire.

Un Enfant soufflant le feu est attribué à plusieurs artistes grecs, peintres et sculpteurs. On croirait que l’idée première d’une telle composition dût appartenir à un peintre, et que-le premier qui s’en avisa fut Antiphile[337], le rival d’Apelles. On concevrait qu’il n’eût pas dédaigné un sujet si modeste, parce qu’il présentait un vif effet de lumière dans le genre de ceux qu’aimait à rendre Gérard des nuits. Après Antiphile, Philiscus[338] peignit un atelier &peinture, dans lequel un enfant soufflait le feu. Mais la sculpture grecque s’était la première emparée d’un sujet qui semblait plus fait pour la peinture que pour elle ; car un fils et un élève de Myron, le sculpteur Lycius[339], l’avait déjà traité avant Antiphile et Philiscus.

La faveur dont ce sujet avait joui auprès de divers artistes célèbres, et sans doute l’excellence de l’exécution par laquelle ils avaient su en relever la simplicité, a porté les auteurs de bas-reliefs, assez nombreux, à l’y introduire[340].

L’Enfant soufflant le feu, glissé ainsi comme épisode dans les bas-reliefs Bachiques, a été parfois transformé en un jeune satyre[341], dans l’intention de mieux l’approprier à l’ensemble de la composition.

Les peintres grecs de la première époque ont donc pu concourir avec les sculpteurs grecs à fournir des modèles ou au moins à préparer les originaux qui leur ont servi de modèles.

Je ne vois à Rome qu’un bas-relief qu’on puisse rapporter à un original de Parrhasius : c’est l’Archigalle[342], c’est-à-dire le chef des prêtres de Cybèle, au Capitole. Le goût passionné de Tibère pour cette peinture dut la mettre à la mode, et porter les sculpteurs à en faire des imitations en marbre, dont une nous aura été conservée.

Mais la beauté efféminée de l’Archigalle, qui sans doute formait pour le vicieux empereur le principal mérite du tableau de Parrhasius, a disparu dans cette copie en marbre de son tableau.

Parrhasius, dont les types héroïques faisaient loi, dit Quintilien (XII, 10), avait peint, outre Méléagre, plusieurs héros : Hercule, Persée, Achille, Ulysse ; mais nous ne pouvons savoir si leurs images offrent quelque ressemblance avec les peintures de Parrhasius. Son Thésée surtout était célèbre ; c’est sur lui qu’Euphranor dit ce mot fameux : Mon Thésée est nourri de chair, celui de Parrhasius est nourri de roses.

Ce mot nous révèle la différence de deux types du même personnage héroïque dans la peinture grecque. Nous n’en connaissons pas de reproduction par la sculpture qui soit[343] ou qu’on sache avoir été à Rome ; mais il est difficile de croire qu’aucune de ces reproductions n’y ait existé, surtout quand l’art romain, toujours empressé à imiter des modèles grecs, avait sous les yeux le Thésée de Parrhasius au Capitole[344].

Je ne sortirai donc pas de mon sujet en cherchant à caractériser ce Thésée de Parrhasius et le Thésée d’Euphranor ; car l’un et l’autre, le premier surtout, ont dû influer sur les statues de Thésée qu’on peut supposer avoir existé à Rome et qu’on peul espérer d’y trouver. Essayons donc de déterminer le caractère que nous offrirait, s’il se rencontrait dans les musées romains, ce double type qui en est encore absent.

On peut se faire une idée, je crois assez juste, même sans les avoir vus et sans en avoir aucune reproduction sous les yeux, du Thésée d’Euphranor et du Thésée de Parrhasius. Euphranor était un artiste sérieux, visant au grand, à l’énergique[345] ; bien que contemporain de Lysippe, encore animé de l’esprit de Phidias et de Scopss, cherchant, comme le premier, son inspiration dans Homère, et donnant aux héros la dignité, comme Phidias avait donné la majesté aux dieux, imprimant, comme Scopas, à ses figures des mouvements impétueux, mettant dans un groupe de combattants à cheval, tant d’ardeur et une action si vive, qu’on croyait assister au combat[346].

Le Thésée de ce peintre-là devait ressembler, pour le style, à l’Hercule d’Alcamène ; pour le mouvement et l’expression, aux plus belles figures des Niobides.

Parrhasius, plus ancien qu’Euphranor, offre un de ces anachronismes que le génie individuel introduit exceptionnellement dans l’art, Parrhasius aurait dû être un contemporain de Lysippe, qu’il a précédé de plus de cinquante ans. C’était un peintre naturaliste[347], célèbre surtout par le charme de son coloris, les roses dont parlait Euphranor ; un peintre plus élégant[348] que fort, plus spirituel que simple. Il avait représenté, disait-on, le peuple athénien de manière à exprimer toutes ses qualités et tous ses défauts. On louait en lui la finesse des détails[349] poussée jusqu’à la recherche, la grâce des contours. Sa qualité dominante était le charme, venustas ; son Thésée devait ressembler au Méléagre, mais avec encore plus d’élégance.

Si nous n’avons pu retrouver que par l’imagination le Thésée de Parrhasius et celui d’Euphranor, nous pourrons retrouver avec plus de certitude d’autres peintures grecques au moyen de statues qui, elles, existent encore à Rome.

Le Satyre qui apprend à jouer de la flûte à un adolescent offre une reproduction souvent altérée[350] et quelquefois étrangement corrompue d’une peinture de Polygnote : Marsyas enseignant à jouer de la flûte au jeune Olympus[351].

Le Marsyas suspendu à un arbre en attendant qu’il soit écorché par l’ordre d’Apollon[352] a bien probablement pour type original le Marsyas lié de Zeuxis, qui était à Rome dans le temple de la Concorde[353].

Ce Marsyas, rival et victime d’Apollon, figure dans divers bas-reliefs, dont quelques-uns expliquent la statue de Florence appelée à tort le Rémouleur, comme si c’était là un sujet pour la sculpture antique, et font reconnaître dans le prétendu rémouleur un Scythe[354] aiguisant le couteau qui doit écorcher Marsyas.

Zeuxis avait peint un enfant tenant des raisins[355] ; on voit deux statuettes d’un tel enfant au Vatican[356]. C’est à l’occasion de cet enfant aux raisins que Zeuxis fit, dit-on, une ingénieuse critique de son tableau. Des oiseaux, trompés par l’illusion de la peinture, étaient venus becqueter les raisins, et, comme on l’en admirait : Cela prouve, dit Zeuxis, que j’ai mieux peint les raisins que l’enfant, car l’enfant aurait dû faire peur aux oiseaux. Cette anecdote, du reste, m’est très suspecte, comme un assez bon nombre d’autres du même genre que je suppose inventées par de beaux esprits étrangers au vrai sentiment de l’art, et pour lesquels le trompe-l’œil était le plus grand mérite d’un tableau.

Après avoir parlé des héros, il faut dire un mot des héroïnes, de celles du moins dont nous n’avons pas encore rencontré les noms parmi les personnages qui tint passé de l’art grec ou de la poésie grecque dans la sculpture romaine,

Ce n’était pas toujours leur vertu qui les avait rendues célèbres. On a trouvé dans une chambre antique et on a placé au Vatican les portraits peints de plusieurs héroïnes grecques fameuses par leurs coupables amours, parmi lesquelles Myrrha, qui aima son père ; Scylla, qui causa la mort du sien ; Canacé, qui aima son frère ; Phèdre, qui aima son beau-fils ; et Pasiphaé, qui aima un taureau. Quand la corruption des mœurs prévalut à Rome, on devint friand de ces scandaleuses passions qu’Ovide décrivait avec complaisance dans ses Métamorphoses et dans ses Héroïdes, et on multiplia les images qui les rappelaient.

De ces héroïnes, c’est Pasiphaé, après Phèdre, sa sœur, dont la monstrueuse aventure est retracée le plus souvent sur les bas-reliefs (Palais Spada), toujours, il est vrai, avec décence. Pasiphaé est triste, et semble s’écrier :

Ô haine de Vénus, ô fatale colère !

Dans quels égarements l’amour...

Pasiphaé a une majesté douloureuse que devait avoir la Pasiphaé de Bryaxis[357].

Le plus ancien bas-relief représentant l’amour de Pasiphaé, dont il soit fait mention ; est celui que Virgile suppose avoir orné les portes du temple d’Apollon à Cumes[358].

Hic crudelis amor tauri....

Sur un bas-relief, la vache de bois est portée sur des roulettes, comme dans Apollodore[359].

Pasiphaé[360], Scylla[361], Canacé[362], Myrrha, étaient des personnages de tragédie. On jouait une Myrrha à Ægium, en Macédoine, dans cette fête où fut tué le père d’Alexandre ; et à Rome, un mime dont l’amour de Myrrha était le sujet, le jour du meurtre de Caligula[363]. Si Alfieri avait pensé à cela, le goût de Caligula pour un tel sujet en eût peut-être dégoûté l’ennemi des tyrans. Du reste, un amour incestueux ne pouvait déplaire à Caligula, qui fut l’amant de ses trois sœurs.

Parmi les héroïnes de la mythologie, le premier rang appartient aux mortelles honorées de l’amour de Jupiter.

Celle dont la faiblesse a exercé le plus souvent les sculpteurs, parce que la fiction est gracieuse, c’est Léda. Un savant abbé romain[364] a traité à fond ce scabreux sujet, dont on a signalé cinquante-huit variantes. Plusieurs se voient dans les collections de Rome, plus une moderne sur la porte en bronze de Saint-Pierre.

Très souvent Léda reçoit le cygne poursuivi par l’aigle de Jupiter, selon Euripide, et l’abrite sous son manteau. Ces Lédas-là sont des Lédas pudiques[365]. Mais parfois le sujet a été conçu autrement. Une Léda de la villa Borghèse est déjà assez libre ; la Léda de Venise l’est beaucoup[366].

Ces deux manières de présenter l’aventure de Léda appartenaient à des artistes grecs, car on les a trouvées l’une et l’autre sur des monuments grecs[367].

Quant à Europe enlevée par Jupiter déguisé en taureau, c’était le sujet d’un groupe en bronze de Pythagoras[368]. On a cru à tort le reconnaître dans un groupe du Vatican[369] et dans un bas-relief du Capitole[370].

L’enlèvement d’Europe est bien au Capitole ; mais dans ce tableau, où Véronèse a su donner un air si amoureux à Jupiter, transformé en taureau et léchant le pied d’Europe ; comme la vraie Léda de Rome est celle du Corrége qu’enferme le palais Rospigliosi.

Les statues des cinquante Danaïdes ornaient le portique du temple d’Apollon Palatin[371]. C’était le chœur des Danaïdes d’Eschyle[372] en bronze ; elles étaient probablement une œuvre de l’art grec, puisque la plupart des sculptures qui décoraient le temple étaient grecques.

Plusieurs Danaïdes, peut-être d’après celles du Palatin, se voient à Rome, tenant dans les mains des cratères[373] en signe de leur châtiment. L’une d’elles exprime une profonde et gracieuse douleur[374].

Les héroïnes innocentes ont joui de moins de faveur dans l’antiquité que les héroïnes coupables ; cependant nous savons que, dans le portique d’Octavie, on voyait une Hésione d’Antiphile[375]. Hésione avait été délivrée par Hercule, comme Andromède par Persée[376].

L’innocence d’Hippodamie est douteuse ; car, suivant une version de sa fabuleuse histoire, elle causa la défaite et la mort de son père Œnomaus, pour faire vaincre, dans la course des chars, l’amant dont elle devait être le prix s’il triomphait, et qui devait être mis à mort s’il était vaincu.

Mais dans la tradition héroïque des Grecs, comme sur leur théâtre et souvent sur le nôtre, l’amour faisait tout passer[377].

J’ai remarqué ailleurs que, sur un bas-relief du Vatican, la course olympique a pris la tournure d’une course du cirque, ce que la passion des Romains pour cette sorte de jeux publics ne rend pas difficile à concevoir.

Parmi les mortelles objet de la passion des dieux, une des plus célèbres fut Daphné, aimée par Apollon et changée en laurier. En général, les métamorphoses n’appartiennent pas à un âge bien ancien de l’art grec ; ce sont des inventions ingénieuses d’une époque tardive dans lesquelles brille l’adresse des artistes, de même que l’habileté d’Ovide se montre dans les descriptions qu’il en a faites. Cependant c’était une idée grecque comme l’origine du mot qui l’exprimait, et les sujets devaient être puisés à des sources grecques, ainsi que le furent presque toujours ceux des Métamorphoses d’Ovide[378].

Nulle représentation des héroïnes grecques n’égale la belle statue d’Ariane endormie au Vatican. Cette Ariane s’est longtemps appelée Cléopâtre, à cause d’un petit serpent qui entoure son bras et qu’on prenait pour l’aspic, mais qui peut s’expliquer autrement[379].

La figure est certainement idéale et n’est point un portrait ; mais ce qui ne laisse aucun doute sur le nom à lui donner, c’est un bas-relief, un peu refait, il est vrai, qu’on a eu la très heureuse idée de placer auprès d’elle.

On y voit une femme endormie dont l’attitude est tout à fait pareille à celle de la statue, Thésée qui va s’embarquer pendant le sommeil d’Ariane, et Bacchus qui arrive pour la consoler. C’est exactement ce que l’on voyait peint dans le temple de Bacchus à Athènes[380]. De plus, le sujet dont le sommeil d’Ariane frit partie est figuré sur plusieurs monuments de l’art grec[381].

Cette statue, belle sans doute, mais peut-être trop vantée[382], doit être postérieure à l’époque d’Alexandre. Sa pose gracieuse est presque maniérée ; on dirait qu’elle se regarde dormir. La disposition de la draperie est compliquée et un peu embrouillée, à tel point que les uns prennent pour une couverture ce que d’autres regardent comme un manteau. L’art grec s’éloigne de la simplicité de ses origines ; il a déjà altéré le type de l’Ariane semblable à Bacchus, de l’Ariane aux beaux cheveux d’Homère[383]. Celle-là on la retrouve mieux dans plusieurs têtes du Vatican et du Capitole[384].

La statue, qui n’est point travaillée dans la partie que ne voir, pas le spectateur, était placée au fond d’une niche et servait vraisemblablement dans l’antiquité à l’ornement d’une fontaine, comme dans les temps modernes elle a servi à orner une fontaine du Belvédère. Son doux sommeil allait bien au doux bruit des eaux[385].

Dulci devinetam lumina somno.

On est tenté de dire, avec un aimable poète de l’Anthologie :

Amis, ne touchez pas à cette image en marbre d’Ariane, ou bien elle va s’éveiller et courir après Thésée qui s’enfuit.

Pour les aventures des héroïnes, comme pour celles des héros, la peinture grecque avait aussi devancé et avait pu inspirer les sculptures à les peintures que nous voyons.

Philostrate[386] décrit un tableau où figurait Pasiphaé et son taureau ; elle figure dans des peintures de Pompéi ; dans ces peintures est répétée plusieurs fois l’aventure de Léda, et l’on pense que les peintures de Pompéï et d’Herculanum ont été en général exécutées d’après des tableaux grecs jouissant de quelque célébrité.

Nicias, qui peignait surtout les femmes, avait peint Andromède, et Aristide, Canacé[387].

A Rome se trouvaient l’Europe et l’Hésione d’Antiphile[388]. Rome possédait aussi, avec le célèbre Bacchus d’Aristide, son Ariane[389]. La peinture, au temps de Lucien, avait reproduit fréquemment la Métamorphose de Daphné (Ver. Hist., 48).

L’art du portrait est très ancien en Grèce, et c’est ce qu’exprimait la tradition en disant son origine contemporaine de l’origine même de l’art grec et en supposant que Dédale avait fait sa propre statue. Un portrait exécuté en terre d’après une silhouette avait, suivant la tradition, donné naissance à la plastique. Théodore, qui, vers la 56e olympiade, inventa l’art de fondre le bronze, fit son propre portrait, fort ressemblant, dit Pline[390].

Vers la même époque, la coutume s’était établie d’ériger des statues aux athlètes vainqueurs dans les jeux olympiques[391]. Il y avait un nom particulier pour les statuaires grecs qui se vouaient au genre du portrait (Άγαλμπτοποιοί).

Les plus grands artistes s’y exercèrent. Phidias, pas plus qu’Apelles, ne dédaigna de faire le sien[392].

Aussi allons-nous trouver à Rome des images de presque tous les hommes célèbres de la Grèce, images qui peuvent être fidèles, car leurs originaux ont pu être exécutés d’après nature, et dont l’ensemble complétera en même temps ce portrait historique que nous avons déjà poursuivi dans les collections romaines, le portrait de l’art grec à Rome.

En effet, non seulement les images des dieux et des héros de la Grèce peuplaient l’ancienne Rome et s’offrent à nous à chaque pas que nous faisons dans les musées et les galeries de la Rome moderne ; nous y rencontrons aussi en foule les portraits des Grecs célèbres. Les Romains vivaient au milieu d’eux, et nous, voyageurs à Rome, il nous est donné de vivre aussi dans cette société illustre qui était venue prendre place au sein de la société romaine quand celle-ci devint elle-même grecque à demi ; c’est continuer de nous initier à la vie romaine par les monuments que de contempler ces portraits de philosophes, d’orateurs, de poètes, d’hommes d’État et d’hommes de guerre dont les demeures des Romains étaient remplies, comme elles étaient remplies de grammairiens, de rhéteurs, d’artistes grecs. L’invasion de la Grèce à Rome nous est représentée vivement par ces hôtes fameux qui y sont encore.

Un grand nombre d’entre eux portent des noms de contrebande. Le nom inscrit sur un buste n’est pas toujours une preuve de son authenticité, et même quand ces inscriptions sont antiques, elles peuvent être trompeuses, comme elles l’étaient déjà au temps de Cicéron (Ad Att., VI, 17).

Quelques-uns de ces portraits n’ont pu être faits d’après nature. Tel est celui d’Homère, figure idéale[393] et toujours à peu près la même[394], créée par un artiste de génie dont on ignore le nom, réalisation admirable de l’idée traditionnelle qu’on se formait du chantre aveugle et inspiré. Ce portrait imaginaire est pourtant ressemblant ; car, s’il n’offre pas l’image d’un poète, il offre l’image du poète. Il y a là de quoi adoucir le regret, déjà exprimé par Pline, de ne pas posséder les traits véritables d’Homère[395].

La statue d’Homère était placée parmi celles des dieux et des héros à Olympie[396] ; il eut un temple à Smyrne et un autre à Alexandrie[397] ; on l’y voyait entouré des sept villes qui se glorifiaient de lui avoir donné le jour ; ce temple avait été dédié par Ptolémée au grand poète divinisé, au sein de cette Alexandrie on il avait ses dévots commentateurs, et où Zoïle, qui osa le critiquer, fut considéré comme un impie. Le peintre Gélaton, aussi irrespectueux à sa manière que Zoïle à la sienne, avait fait une sorte de caricature d’Homère crachant ; mais cette caricature était encore à sa louange[398].

A Rome, Asinius Pollion, ne pouvant se procurer un portrait d’Homère pour sa bibliothèque de l’Aventin, en fit faire un de fantaisie, de ce portrait, qui était à Rome, proviennent assez vraisemblablement quelques-uns de ceux qu’on y voit aujourd’hui[399].

Les auteurs de ces nobles têtes d’Homère ont méprisé la tradition qui a travesti Homère en mendiant, tradition tardive, née à l’époque de la décadence des Homérides et de l’avilissement des Rapsodes, mais qui n’a rien à faire avec la tradition primitive des chanteurs (aédoi), tels que les représente Homère lui-même, en nous montrant l’un d’eux, Démodocus, assis à la table du roi Alcinoüs, et un autre laissé par Agamem non auprès de Clytemnestre, qui ne se livre à Égisthe qu’après avoir fait périr le chantre divin[400]. Homère, selon la vraie tradition antique, n’était pas un mendiant ; il était un demi-dieu, car il avait ses temples, et la sculpture a célébré son apothéose[401].

Une autre figure idéale aussi, sans qu’on puisse la citer précisément comme un exemple du beau idéal, c’est la figure d’Ésope. Tous ceux qui sont venus à Rome ont admiré l’Ésope de la villa Albani.

Cette statue est un chef-d’œuvre, et un chef-d’œuvre d’un genre particulier. L’art antique, qui fuyait la difformité, cette fois a osé l’aborder, et il est parvenu à la rendre aimable.

Ésope est un nain contrefait, et on le regarde avec plaisir ; sa physionomie, douce, fine, un peu triste, est une charmante physionomie de bossu.

Cette imitation spirituelle de la nature rie permet guère de douter que l’Ésope de la villa Albani n’ait été exécuté d’après le célèbre Ésope qu’on attribuait à Lysippe ou à un sculpteur son contemporain, Aristodème[402]. Cette reproduction si habile d’une difformité qu’on a presque du plaisir à regarder est un tour de force bien digne du naturalisme, encore tout empreint du sentiment de la beauté, tel que devait être le naturalisme de Lysippe ou d’un contemporain de Lysippe.

La statue d’Ésope avait été placée par Lysippe en face de celles des sept sages de la Grèce, personnages plus historiques, ce qui semble indiquer que leurs portraits existaient aussi à Athènes exécutés par Lysippe. Celui-ci pouvait avoir eu devant les yeux des modèles plus anciens[403].

Ces portraits de Lysippe, s’ils ont existé, furent probablement les originaux du Bias, du Thalès et du Périandre qui sont au Vatican[404]. La Salle des Muses nous y présente une réunion de portraits, tant de philosophes que de postes, pareille à celles qui ornaient les musées d’Alexandrie ou de Pergame, à Rome les collections de particuliers et la bibliothèque de Pollion.

La villa Borghèse possède une statue de Périandre assis sur un trône. Périandre était à la fois un philosophe et un tyran. On appelait tyran dans l’antiquité tout homme qui s’était emparé de l’autorité dans un pays libre. Mais Périandre fut tyran dans tous les sens du mot : cruel et détesté, il tua sa femme enceinte d’un coup de pied dans le ventre, comme Néron tua Poppée : on l’accusait d’un inceste avec sa mère. Singulier sage[405] ! Aussi quelques-uns refusaient de l’admettre au nombre des sept sages, et ils avaient bien pour cela quelques raisons. A la villa Borghèse, Périandre est assis sur un trône ; c’est donc le tyran qui se trouve chez les princes Borghèse, eux qu’une illustre alliance a rapproché d’un grand homme auquel le nom de tyran peut s’appliquer, dans le sens de l’antiquité.

Le buste du Vatican est celui du sage. On croit qu’il vient de la villa de Cassius, et ce n’est pas un tyran qu’avait voulu avoir chez soi un tyrannicide.

Un assez grand nombre de sculpteurs se vouèrent particulièrement aux effigies des philosophes ; ils furent les auteurs de celles qui remplissaient les demeures des anciens Romains et remplissent encore les palais et les villas de leurs descendants. Pline en a cité une douzaine.

Les autres personnages compris dans le nombre des sept sages de la Grèce furent Chilon[406], Pittacus, Épiménide et Solon.

On attribue à Épiménide un buste du Vatican qui a les yeux fermés[407], par allusion à une légende célèbre sur ce prêtre-poète dont la vie est légendaire. Épiménide avait dormi cinquante-sept ans, et à son réveil il avait trouvé beaucoup de changement dans le monde. Maintenant, il dort au Vatican ; ses yeux fermés n’ont rien vu depuis qu’on l’y a plané. Si on le réveillait aujourd’hui, il verrait bien aussi dans le monde, et à Rome même, malgré les apparences d’immuable uniformité, quelque changement.

Le Solon du Vatican n’est[408] pas absolument rejeté par Visconti ; sa physionomie est intelligente et semble moderne, chose remarquable chez un législateur qui a devancé l’institution moderne du cens, pris pour base des droits politiques.

Aux sept sages de la Grèce se rattache un Grec fondateur en Italie d’une philosophie et d’une association célèbres, Pythagore. Cette philosophie y fut presque une religion et l’association y devança, jusqu’à un certain point, deux choses qui y ont beaucoup fleuri depuis, les moines et les confréries politiques. Pythagore est au Vatican[409] qu’ont soutenu les uns et qu’ont ébranlé, les autres. Bien que sa vie ait été mêlée de légendes presque autant que celle d’Épiménide, tous deux sont des personnages réels. Il est possible, à la rigueur, que leurs portraits soient ressemblants et que leur individualité s’y conserve avec plus de vérité que dans leurs biographies : le portrait est une sorte de biopraphie où la légende n’entre point.

L’authenticité du portrait de Socrate[410] est incontestable. Nous y reconnaissons cette ressemblance avec Silène dont parlent les anciens. Quelquefois, elle semble avoir été exagérée par les sculpteurs ; ce pouvait être à dessein, car l’idée qu’on se faisait de Silène, personnage à figure vulgaire[411], mais rempli d’une sagesse divine, convenait à Socrate. Rabelais a fait le rapprochement. Les innombrables portraits de Socrate ont pour premier original la statue en bronze que les Athéniens repentants, après avoir condamné à mort le détestable Mélitus, élevèrent par la main de Lysippe au sage juridiquement assassiné. Il n’est pas probable que Socrate, de l’humeur dont il était, ait fait raire son portrait, et, s’il a été sculpteur, qu’il l’ait fait lui-même ; mais Lysippe dût consulter la tradition encore récente et celle-ci lui signaler cette ressemblance avec Silène qui avait frappé les contemporains du philosophe : ce fût une raison de plus pour que le grand artiste donnât à Socrate, peut-être encore plus qu’il ne les avait réellement, les traits de Silène.

Il n’y a pas à Rome une figure bien authentique de Platon[412] ; on a dû retirer ce nom à une foule de prétendus portraits du philosophe qui étaient des Hermès de Jupiter ou des Bacchus indiens. C’est à Florence qu’il faut aller chercher un Platon proclamé certain, ou a Naples[413], dans ce beau buste d’Herculanum sur le front duquel rayonne une si majestueuse sérénité et dont le regard semble plonger de si haut dans de si profonds abîmes.

Ce buste même a été rangé parmi les Bacchus indiens. Je ne saurais l’admettre : l’expression pensive et presque mélancolique[414] du visage me semble être individuelle et ne pas convenir à Bacchus ; j’y vois plutôt un Platon idéalisé. Du reste, Platon pouvait être rapproché de Bacchus révélateur dans les mystères de doctrines semblables aux siennes, comme Socrate fut assimilé à Silène, autre révélateur d’enseignements sublimes.

L’original des rares portraits de Platon doit avoir été celui dont Silanion[415] fut l’auteur et que, chose singulière, un Persan avait dédié aux muses dans le jardin de l’Académie : l’Orient se retrouvait lui-même un peu dans Platon et s’y reconnaissait.

Aristote est à Rome, nous pouvons l’aller voir au palais Spada[416], tel, que le peignent ses biographes et des vers de Christodore sur une statue qui était à Constantinople[417], les jambes grêles, les joues maigres, le bras hors du manteau, exserto bracchio[418], comme dit Sidoine Apollinaire d’une autre statue qui était à Rome. Le philosophe est ici sans barbe aussi bien que sur plusieurs pierres gravées ; on attribuait à Aristote l’habitude de se raser, rare parmi les philosophes et convenable à un sage qui vivait à la cour. Du reste, c’est bien là le maître de ceux qui savent, selon l’expression de Dante, corps usé par l’étude, tête petite mais qui enferme et comprend tout.

Les originaux grecs n’ont pas manqué à cette statue d’Aristote[419]. Il y en avait une à Olympie[420], ce rendez-vous de toutes les gloires de la Grèce. Philippe en avait consacré une autre à Delphes[421], où il avait placé le précepteur de son fils auprès des membres de sa famille. Alexandre en érige une à son glorieux maître[422], lequel avait prudemment décliné l’honneur de suivre en Asie le conquérant, ce qui lui épargna peut-être le sort de Callisthène[423]. Enfin Théophraste, par son testament, avait fait placer une image d’Aristote dans un temple[424].

L’authenticité du portrait de Théophraste[425], disciple d’Aristote, est admise par Visconti. Il a, du reste, une expression méditative et légèrement railleuse qui irait bien à l’auteur des Caractères.

La philosophie grecque qui fut naturalisée à Rome y figure encore aujourd’hui personnifiée dans ses plus illustres représentants ; leur présence évoque pour nous la sienne, grand fait dont les conséquences furent bien graves pour la société romaine et qui tient une grande place parmi les causes de sa dissolution.

Il ne s’agit pas de faire ici le procès à la philosophie. La plus sublime de toutes, celle de Platon, est hors de cause. Rome, qui ne possède pas un buste de Platon, la connut à peine, surtout sous la république, et ce qu’en a dit Cicéron, plus éloquent écrivain que métaphysicien profond, n’a pas suffi pour l’y populariser. Aristote lui-même, bien que ses ouvrages eussent été apportés à Rome par Sylla et qu’on y ait trouvé sa statue, ne paraît pas y avoir eu un véritable disciple.

Les deux sectes qui s’établirent les premières à Rome furent celle des nouveaux académiciens et celle d’Épicure, dont la doctrine y eut pour interprète un poète admirable, Lucrèce.

La nouvelle Académie était une secte de disputeurs plutôt que de philosophes. Chez elle, la dialectique prévalait sur la logique, et l’argumentation sur le raisonnement. Carnéade, qui fut son introducteur, enseignait à prouver le pour et le contre à volonté. Ces subtilités énervèrent l’esprit mâle et un peu grossier (les Romains ; ils se prirent à les admirer d’autant plus qu’elles leur étaient plus difficiles à comprendre, et s’y perdirent d’autant mieux qu’ils étaient moins capables de les démêler.

Il n’y a pas à Rome de portrait absolument certain de Carnéade, mais il en est qui offrent quelques probabilités de ressemblance. Celui du Vatican[426] a la bouche ouverte, comme il convient à un philosophe qui était un orateur ou plutôt un rhéteur, le rhéteur par excellence, car, venu à Rome, un jour il parla en faveur de la justice et le lendemain, réfutant tous les arguments de la veille, il s’efforça de démontrer qu’elle n’existait pas. Cette bouche entr’ouverte est celle d’où sortait la parole sophistique qui effrayait Caton ; c’est cette bouche qu’il voulait fermer à tout prix. Le nom de Carnéade écrit sur un Hermès eut suffi pour prouver que son portrait a existé à Rome. Une tête d’Antisthène, placée sur la base de cet hermès a fait que les bustes d’Antisthène, le précurseur du stoïcisme, ont passé pour des bustes du sceptique Carnéade : c’est comme si l’on eût pris pour des portraits de Voltaire taus les portraits de Rousseau. Carnéade ayant été renvoyé par le sénat avec un grand empressement, on conçoit qu’après cette disgrâce publique il ne soit pas resté à Rome beaucoup de portraits du philosophe congédié.

Il dut y exister, au contraire, un grand nombre de portraits d’Épicure, car la secte dont il fut le chef y était elle-même fort nombreuse, aussi ses images s’y multiplièrent beaucoup ; on les portait aux doigts sur des anneaux ; on les gravait sur la vaisselle, quelques-uns les plaçaient dans leur chambre à coucher et les emportaient en voyage. Le matérialisme d’Épicure, au fond si triste mais par lequel on croyait s’élever au-dessus du vulgaire, excitait une sorte de fanatisme, antireligieux qui éclate dans Lucrèce, et, fâcheux résultat des défauts inhérents au gouvernement. théocratique, n’est pas rare chez des Romains de nos jours.

La doctrine d’Épicure fut fatale à la république, non pas d’abord en amollissant les âmes par la volupté, Épicure était un voluptueux qui vivait d’oignons et de fromage et qui buvait l’eau de son jardin : personne ne fut moins épicurien que lui en prenant ce mot dans son acception vulgaire, bien qu’on ait fait d’Épicure dans les chansons bachiques une sorte de pendant d’Anacréon. Nous n’avons de ce joyeux philosophe qu’un fragment trouvé parmi les papyrus charbonnés d’Herculanum où il est surtout, parlé de la mort, ce qui va très bien du reste à la physionomie longue et sévère que lui donnent ses bustes[427].

Mais si Épicure plaçait la vertu dans la modération des désirs, il n’en faisait pas moins du bonheur le principe de la vertu. Cette doctrine, tempérée par le caractère du fondateur de la secte, devait amener bientôt ses conséquences naturelles et Métrodore prit soin de les tirer. Celui-ci disait crûment que toute volupté vient du ventre. L’école l’associa dans ses hommages à son maître Épicure ; on célébrait leur mémoire le même jour. Cette association est rendue sensible par un double Hermès[428] qui réunit à la tête d’Épicure celle de Métrodore ; il atteste en même temps l’étroite parenté de l’épicurisme sage et de l’épicurisme grossier, et montre qu’ils sont étroitement liés, qu’ils tiennent l’un à l’autre. C’est une grande leçon donnée par l’histoire de la philosophie et dont ce double hermès est une démonstration sensible.

Non ! Épicure ne prêcha jamais grossièrement la volupté ; il plaçait la sagesse dans le bonheur, le bonheur dans la modération des désirs ; il triomphait de la douleur physique par les jouissances de l’esprit. C’est autrement que ses doctrines furent funestes aux Romains. D’abord, par cet athéisme sérieux, aride, scientifique, qui substituait à l’action de la Providence divine la rencontre fortuite d’atomes errants dans l’espace où ils s’étaient accrochés un jour pour produire le monde. Quand on met le hasard à la place de Dieu, on est bien près de mettre à la place du culte de la vertu l’adoration de la force ; ensuite, par ce principe funeste que le sage doit se retirer de la vie active, ne pas laisser troubler son âme par les intérêts généraux et les passions publiques ; espèce de quiétisme égoïste qui détruit la vigueur civique ; rien ne fait mieux les affaires du despotisme que cette prétendue sagesse où Épicure, venu quand Athènes n’était plus libre, se réfugia, où beaucoup de Romains se réfugièrent sous l’empire, et qui est un des grands dangers de notre temps.

Heureusement Rome reçut aussi des Grecs le stoïcisme, qui semblait fait pour elle ; le stoïcisme, cette croyance, j’allais dire cette religion des âmes fortes. Mais le stoïcisme, noble excès de la vertu, noble inconséquence du fatalisme, ne pouvait être que la loi du petit nombre ; il défendit l’énergie individuelle contre l’influence énervante du régime impérial, et la moralité humaine contre la corruption que ce régime d’abaissement propageait. L’épicurisme avait dissous les âmes à la fin de la république, le stoïcisme les retrempa et les fortifia au commencement de l’empire.

Les bustes des philosophes stoïciens sont là pour montrer que le portique eut aussi ses dévots. C’est ce que prouvent les portraits d’Antisthène[429] qui sur plus d’un point devança Zénon, comme sur d’autres il devança Diogène.

On a aussi le buste du stoïcien Chrysippe[430] ; c’est un vieillard enveloppé dans un manteau. En effet, Chrysippe mourut à soixante-treize ans après avoir écrit sept cent cinq volumes.

Un stoïcien célèbre, Posidonius, qui compta parmi ses auditeurs Pompée, Cicéron, et plusieurs autres Romains illustres, devait avoir son portrait à Rome. On a cru, sans certitude, le reconnaître dans une admirable statue qui ne s’y trouve plus[431]. On ne peut se flatter d’y posséder un autre stoïcien qui y vint également, mais plus tard, sous l’empire, Sextus de Chéronée[432], neveu de Plutarque et l’un des maîtres de Marc-Aurèle ; mais la grave statue à laquelle on a donné son nom est dans tous les cas un type ressemblant du philosophe et du stoïcien.

Une très belle statue[433] du Capitole passe pour être celle de Zénon, elle convient admirablement au fondateur du Portique ; son manteau jeté sur le bras avec une négligence toute stoïque, il s’avance fort, résolu, carré. De plus, elle a été trouvée à Lanuvium[434], où Antonin avait une villa qu’a dû habiter Marc-Aurèle. Zénon cet ascète du paganisme était le patron naturel des deux stoïciens couronnés, et la maison des Antonins était le sanctuaire convenable pour ce saint de la philosophie, prédicateur de la vertu sublime dont leur âme fut le temple.

La physionomie sombre et austère[435] de cette statue va bien à ce que nous savons du stoïcien Zénon. Malheureusement elle n’a point le col penché, ce que nous savons aussi de lui[436], et cette particularité se retrouve dans un buste du Vatican[437] ; sur un autre, Zénon est écrit[438] ; ni l’un ni l’autre ne ressemble à la statue du Capitole.

Pour achever d’embrouiller la question, il y a eu deux autres Zénons. Zénon d’Élée, grand métaphysicien, le Spinosa ou plutôt l’Hégel de la philosophie ancienne, et "Zénon l’épicurien, moins célèbre que les deux autres, mais qui devait être connu à Rome ; Cicéron le cite plusieurs fois avec éloge[439].

Zénon d’Élée pourrait avoir été cher à Antonin le Pieux et à Mare Aurèle, non par sa doctrine, mais par son caractère, car il exposa sa vie et peut-être la sacrifia pour délivra sa patrie d’un tyran ; mais ce Zénon là était d’un aspect doux et gracieux[440], ce qui relève encore le mérite de son courage, et ceci ne se rapporte point à la statue du Capitole, ni à aucun des deux bustes du Vatican. Pour Zénon l’épicurien, il est probablement représenté dans l’un de ces bustes[441].

Reste toujours cette difficulté, pourquoi le Zénon du Capitole n’a-t-il pas le col penché comme le buste du Vatican, et pourquoi celui-ci n’a-t-il point la physionomie sévère attribuée au stoïcien ? A-t-on pu négliger dans une statue du Capitole un signe caractéristique, si vraiment elle est celle du stoïcien et le donner au buste du Vatican si ce buste n’est pas son portrait. Peut-être est-ce une confusion introduite par la ressemblance des noms ! Peut-être a-t-on transporté à un Zénon ce qui appartenait à l’autre, et supprimé chez l’un une particularité que l’autre n’offrait pas ; j’aime mieux le croire que de renoncer à voir Zénon le stoïcien dans l’énergique statue du Capitole, laquelle rappelle en partie ce que nous connaissons de la configuration physique de ce philosophe, et plus encore ce que nous savons de son âme. Je veux pouvoir aller au musée du Capitole contempler en même temps, par la fenêtre, Marc-Aurèle, le stoïcien empereur, sur son cheval après la victoire, et dans la salle du gladiateur, le fondateur du stoïcisme marchant droit sur la corruption qui envahit le monde, pour lui barrer le passage et la faire reculer.

Le cynisme primitif tel qu’il fut fondé par Antisthène était un stoïcisme anticipé. Selon la doctrine d’Antisthène puisée dans l’école de Socrate, le souverain bien c’est la vertu. Sa physionomie très particulière[442] est fine et n’a rien de rude, sa barbe sans être très soignée n’est pas cette barbe semblable à des cheveux, barba comans dont parle Sidoine Apollinaire à propos d’un portrait de Diogène et que nous remarquons en effet dans les portraits de ce philosophe.

Diogène qui outra le cynisme stoïque d’Antisthène fut la caricature de la vertu ; une statuette de Diogène[443], est elle-même une sorte de caricature qui du reste ressemble à son buste[444]. L’une et l’autre ont été faits probablement d’après les statues qui lui avaient été élevées à Sinope, sa patrie, et près de Corinthe[445].

Un petit bas-relief[446] perpétue le souvenir de son mémorable mais très douteux entretien avec Alexandre[447]. On y voit que le tonneau de Diogène n’était pas un tonneau, mais un de ces grands vases de terre appelés dolia dans lesquels on mettait le vin[448], et dont, par un hasard instructif, un assez grand nombre se rencontre dans le jardin de la villa Ludovisi ; ils semblent placés là tout exprès pour montrer en nature le tonneau de Diogène à ceux qui l’ont vu en bas-relief à la villa Albani[449].

Le hasard qui a laissé périr les images de tant d’hommes célèbres a sauvé le buste qui paraît authentique d’un philosophe platonicien comparativement obscur, Théon de Smyrne, qui vivait sous Adrien[450].

Hippocrate était bien digne de compter parmi les philosophes, et d’être rangé avec eux dans le musée du Capitole[451], car ses ouvrages contiennent la plus haute philosophie médicale qu’on ait jamais enseignée. Mais comment, quand on doute même de son existence pourrait-on avoir quelque confiance dans la ressemblance de ses portraits ; il y avait une figure idéale d’Hippocrate comme d’Homère, et celle-là nous pouvons la chercher à Rome.

Un buste sans authenticité porte le nom d’Asclépiade[452], qui a été celui de quatorze médecins grecs sans compter plusieurs poètes. Le premier qui exerça la médecine à Rome était grec, et la plupart de ceux qui l’y exercèrent après lui l’étaient également. Sous l’empire ils y apportèrent avec la tradition de la médecine hippocratique, ce qui valait beaucoup moins, des prescriptions astrologiques, on le voit par une mosaïque[453] où est représentée une assemblée de médecins, et près d’eux une sphère céleste, ce qui indique l’intervention de l’astrologie dans la médecine ; ils sont entourés de vases renfermant des drogues, car les médecins à Rome étaient en même temps pharmaciens.

En revanche, deux préparations anatomiques en marbre[454], l’ont plus d’honneur à la médecine romaine ; car elles attestent que la dissection des cadavres humains était pratiquée à l’époque où cette sculpture a été exécutée.

La tête d’Archiméde[455] est fausse ; il n’est pas sûr que la postérité ait eu un portrait d’Archimède, car sa patrie qui lui aurait sans doute élevé une statue est morte avec lui. Quand Cicéron eut la joie de découvrir son tombeau[456] sous les broussailles qui le couvraient ; il y trouva seulement la sphère et le cylindre qu’on y avait placés en mémoire d’une des plus belles découvertes du grand géomètre, portrait de sa pensée, son véritable portrait.

Les images des orateurs et des poètes fameux de la Grèce ornaient, tout aussi bien que les images des philosophes, les demeures des Romains, car les lettres grecques avaient pénétré dans Rome aussi bien que la philosophie grecque. La villa de Cassius[457] à Tivoli, offrait comme le fait la salle du Vatican où l’on a réuni les muses et plusieurs philosophes qui viennent de cette villa, un exemple frappant de l’association de la philosophie et des muses.

Les rhéteurs grecs entrèrent à Rome avec les philosophes ; parfois rhétorique et philosophie y furent confondues. Les portraits des rhéteurs étaient placés à côté des portraits des philosophes.

On peut voir au Vatican[458] la statue d’Ælius Aristide[459] celui dont on a donné à tort le nom à une belle statue du musée de Naples qu’on croit représenter plutôt l’orateur Eschine[460]. C’est ce rhéteur, du reste, un des plus sérieux, qui, comme il allait parler devant Marc-Aurèle pour invoquer sa bienfaisance en faveur de la ville de Smyrne renversée par un tremblement de terre, demanda à l’empereur de permettre les applaudissements : Il ne tiendra qu’à toi d’être applaudi, répondit finement Marc Aurèle.

Sur un petit buste de la villa Albani on lit le nom d’Isocrate. La physionomie a de la gravité[461] et de la fermeté, cela étonne d’abord chez l’élégant rhéteur, mais il ne faut pas oublier qu’on a pu supposer que ce rhéteur, toujours moraliste élevé, se donna la mort après la défaite de Chéronée pour ne pas survivre à la liberté de son pays.

Ce petit buste doit être une réduction faite sous l’empire[462] d’après la statue d’Isocrate qui était dans le prytanée d’Athènes[463], ou d’après celle dont l’auteur fut Léocharès[464] et qu’érigea Timothée dans le temple d’Éleusis. Isocrate montra, sinon par sa mort, au moins par ses patriotiques éloges d’Athènes, qu’il méritait ces deux hommages, offerts, je pense, autant au citoyen qu’au rhéteur : l’un, par un grand général dont il fut l’ami ; l’autre, par le peuple athénien lui plaça sa statue dans le prytanée, comme dans le lieu le plus honorable, dans le sanctuaire de l’Étal. Isocrate fut représenté sur son tombeau par une faible et harmonieuse sirène, éloge et peut-être en même temps critique gracieuse de son éloquence[465].

L’éloquence grecque devint la maîtresse de l’éloquence romaine qui ne l’avait pas attendue pour s’inspirer des puissantes passions du forum. Mais au temps de Cicéron, l’on étudiait, l’on imitait les orateurs grecs ; Cicéron écrivant en grec l’histoire de son consulat, modelait son style sur le style d’Isocrate, et, à Rhodes, il déclama en grec avec succès.

On ne s’étonnera donc pas de trouver à Rome des portraits de Lysias[466], d’Eschine, de Démosthène. Eschine, comme le prouve son buste du Vatican[467], était beau ; c’était une nature robuste et florissante ; on l’appelait la belle statue. En effet, ses traits sont réguliers et froids, on, reconnaît un homme toujours maître de lui-même, calculant avec art sa conduite ci ses discours.

Ce buste d’Eschine a été trouvé avec le buste de Démosthène dans la villa de Cassius. On en a trouvé ailleurs deux autres dans une même fouille, mais saris Démosthène. Le propriétaire de ces bustes aimait, à ce qu’il paraît, les orateurs vendus et n’aimait ni Démosthène ni la liberté ; en revanche, il y avait un Démosthène chez Cassius et, nous allons le voir, chez Cicéron.

Démosthène fut un autre personnage qu’Eschine. Ses traits étaient irréguliers, son corps chétif, sa personne sans grâce, sa bouche avait un défaut qu’on a eu soin de reproduire dans ses portraits et on a bien fait, car triompher du vice de prononciation que ce défaut entraînait, fut le plus glorieux effort de sa volonté. Mais quelle intensité d’énergie chez cet homme ! l’admirable statue du Vatican[468] nous transporte dans l’Agora et nous met en présence de Démosthène qui va parler. On peut dire de cette statue de l’orateur athénien ce qu’on disait de son éloquence, elle a vie empsuchon[469]. Démosthène tient un volume à la main[470], ce détail caractéristique nous rappelle que celui dont ses ennemis disaient que ses discours sentaient la lampe, n’improvisait pas.

Cette belle statue est bien probablement une répétition en marbre de la statue en bronze que les Athéniens honteux d’avoir abandonné leur plus grand citoyen à la haine d’Antipater, lui firent élever dans l’Agora, parle sculpteur Polyeucte[471].

Plutarque[472] raconte du Démosthène de Polyeucte ce qu’an racontait aussi d’un Apollon de Pythagoras appelé le Juste, parce qu’un Thébain fugitif, ayant déposé dans le giron du dieu son trésor, l’avait retrouvé intact ; marque de la confiance populaire revenu à celui qu’elle regardait comme le Juste, démenti touchant donné par elle aux calomnies qui avaient tenté de flétrir l’incorruptibilité de Démosthène, en l’accusant de s’être approprié une partie du trésor d’Harpalus.

Une circonstance ajoute encore à l’intérêt de la statue de Vatican, elle a été trouvée au-dessous de Tusculum, prés de la villa Aldobrandini[473], où d’autres raisons conduisent à placer la villa de Cicéron. On peut donc croire que ce portrait de Démosthène a appartenu à Cicéron qui, certainement, en avait un dans sa villa. Sans doute le grand orateur romain l’a contemplé plus d’une fois avec la généreuse ambition de surpasser son modèle grec qu’il s’était exercé à traduire.

J’arrive aux poètes, ou plutôt j’y reviens, puisque j’ai parlé d’Homère.

Je rencontre à la villa Borghèse, les statues de deux poètes, l’un du septième, l’autre du sixième siècle avant Jésus-Christ, Tyrtée[474] et Anacréon. Pour le premier, je n’objecte point à l’authenticité de son portrait que Tyrtée était boiteux, et que la statue de la villa Borghèse ne boite nullement ; un défaut physique aurait pu ne pas être reproduit ; le Vulcain d’Euphranor ne boitait point ; d’ailleurs la légende qui a transformé en un maître d’école boiteux d’Athènes, le vaillant poète de Sparte est aujourd’hui universellement rejetée ; mais sur les médailles, Tyrtée est armé, sa statue ne l’est point et devrait l’être ; Tyrtée était guerrier avant d’être poète ; on n’aurait pas oublié une de ces qualités pour l’autre. Eschyle, dans l’épitaphe qu’il a composée pour lui-même rappelle qu’il a combattu à Marathon et ne fait nulle mention de ses tragédies. Archiloque parlant par la bouche d’un poète de l’Anthologie, dit qu’il est le serviteur de Mars, avant de dire qu’il a reçu l’aimable don des Muses[475].

La statue d’Anacréon[476] est très remarquable, elle ressemble à la figure du poète sur une médaille de Téos. Le style est simple et grandiose, l’expression énergique plutôt que gracieuse, la draperie est rude, la statue respire l’enthousiasme ; ce n’est pas le faux Anacréon que nous connaissons et dont les poésies sont postérieures au moins en grande partie à la date du véritable ; c’est le vieil et primitif Anacréon ; cet Anacréon-là ne vit plus que dans cet énergique portrait seule image de son inspiration véritable, dont les produits authentiques ont presque entièrement disparu.

Plusieurs bustes, dans les collections de Rome, sont donnés pour des portraits de Sapho ; un seul de ces portraits ressemble tout à fait à une médaille de Mytilène, patrie de Sapho[477]. C’est le beau buste en marbre grec de la villa Albani[478], les autres Saphos de Rome ont en général l’air pincé, la bouche sèche ; celle-ci a le visage plein et arrondi comme sur la médaille, sa coiffure est la même ; la mâchoire est un peu massive, les lèvres fortes et sensuelles, l’expression est sérieuse, triste même, presque sombre ; Sapho a bien l’air de se recueillir dans une passion profonde.

Elle est belle dans ce buste, c’est une réponse à Ovide qui fait dire à la poétesse que la nature lui a refusé la beauté[479]. Mais Alcée, son contemporain, parle de son doux sourire, et Plutarque l’a dit belle[480]. La laideur de Sapho peut être une légende née des refus de Phaon, qui, aussi bien que le saut de Leucade, n’ont rien d’historique ; elle était petite et brune, noire est le mot dont on se sert en parlant d’elle ; mais rien n’empêche de croire en voyant son buste qu’elle ait pu dire comme l’héroïne du Cantique des Cantiques : Je suis noire, mais je suis belle. Tout porte à voir dans ce buste une copie grecque de la Sapho de Silanion, sculpteur expressif. Une statue de Sapho ornait le prytanée de Syracuse, d’où elle fut enlevée par Verrés[481]. On avait aussi d’elle un portrait peint, par Léon[482].

Visconti a reconnu le poète satyrique Archiloque, accolé à Homère dans un double Hermès. A cette occasion Visconti a mis en lumière de nombreux passages montrant l’estime extraordinaire que les anciens faisaient d’Archiloque[483], et la coutume où ils étaient de l’associer à Homère, dont on célébrait la fêle le même jour que celle d’Archiloque[484]. On ignorait en général l’assimilation fréquente de ces deux poètes si différents[485] ; le doublé Hermès qui les rapproche a donc fourni un enseignement sculptural d’où est sorti une page neuve de l’histoire littéraire de l’antiquité.

Rome ne possède point de portrait authentique de Pindare, et l’on ne voit pas qu’elle en ait jamais possédé un. Pindare dont le portrait n’existait point à Thèbes, sa patrie[486], avait une statue à Athènes[487]. Pindare, essentiellement Grec, remplissant ses poésies d’allusions locales aux mythes grecs qui se rattachent à la famille ou à la patrie des athlètes dont il célèbre les victoires, Pindare resta toujours, je pense, assez étranger aux Romains. La poésie lyrique d’Horace empreinte de l’imitation d’Alcée n’a nullement les allures de Pindare. Dans une très belle ode, Horace déclare qu’il ne suivra pas la même route que lui, et il en a parlé en manière de faire croire qu’il ne le comprenait peut-être pas aussi bien que M. Bœckh.

Aucun historien grec n’a de portrait authentique à Rome[488], où l’on ne tonnait non plus aucun buste de Tite-Live ou de Tacite. Évidemment les riches citoyens qui, à la fin de la république ou au commencement de l’empire, s’entouraient d’images d’hommes célèbres, préféraient parmi ceux-ci les poètes, les philosophes, les orateurs aux historiens.

Rome dont la littérature naissante commença par imiter les tragiques grecs qu’elle fut toujours si loin d’égaler, multiplia dans son sein leurs images, les modèles ne manquaient point ; à Athènes, les portraits de Sophocle et d’Euripide étaient placés dans le théâtre de Bacchus[489], comme à Paris on a placé les statues de Corneille et de Racine dans le péristyle du théâtre Français. L’image d’Eschyle n’y prit place qu’assez longtemps après sa mort, le moins populaire des trois, parce qu’il était le plus grand. Ce qui explique pourquoi ses portraits sont beaucoup plus rares[490] que ceux de ses deux illustres rivaux ; une peinture représentait Eschyle à Marathon, non le poète, mais le guerrier et le citoyen[491].

Si les portraits d’Eschyle sont rares, ceux d’Euripide sont assez nombreux[492] et parfaitement authentiques ; le plus remarquable est une belle statue au musée du Vatican[493]. Cette statue donne une haute idée de la sublimité de l’art tragique en Grèce. Voilà le poète que les Grecs jugeaient si inférieur à Eschyle, le poète qu’on accusait d’avoir fait descendre la tragédie aux émotions vulgaires du drame, aux déclamations du bel esprit. Eh bien ! regardez ce poète, combien toute sa personne a de gravité et de grandeur, rien n’avertit qu’on a devant les yeux celui qui aux yeux des juges sévères, affaiblissait l’art et le corrompait[494] ; l’attitude est simple, le visage sérieux, comme il convient à un poète philosophe[495]. Ce serait la plus belle statue de poète tragique si la statue de Sophocle n’existait pas.

Celle-ci[496] est une vraie merveille. Sophocle, dans une pose aisée et fière, un pied en avant, un bras enveloppé dans son manteau qu’il serre contre son corps, contemple avec une majestueuse sérénité la nature humaine et la domine d’un regard sûr et tranquille. Un buste du Vatican, très pareil à la statue, porte le nom du poète[497] ; mais il semble qu’on n’en aurait pas besoin pour reconnaître Sophocle : ce que cette statue a de triomphant et d’un peu théâtral convient à celui qu’on peut supposer entendant proclamer un de ses triomphes au théâtre[498].

C’est peut-être un souvenir du Sophocle qu’on voyait peint sur le mur du Pœcile tenant une lyre, parce que durant une représentation de sa tragédie de Thamyris il avait paru sur la scène une lyre à la main.

Une statue fut élevée à Sophocle par son fils[499], sans doute en réparation du scandaleux procès que lui avait intenté ce fils, comme d’un esprit trop faible pour administrer ses biens, n’accusant point de cette faiblesse l’âge avancé de Sophocle, ainsi qu’on l’a souvent répété, Sophocle vécut assez longtemps après l’accusation[500], mais voulant mettre obstacle à ses prodigalités envers un petit-fils. On sait que Sophocle répondit en lisant devant ses juges l’Œdipe à Colone, et que les juges le reconduisirent chez lui en triomphe. Peut-être la belle statue de Saint-Jean-de-Latran provient-elle de cette réparation ; peut-être, pour qu’elle fût complète, est-ce ce triomphe même que le repentir d’un fils avait voulu consacrer.

Après avoir contemplé Sophocle et Euripide, il v aurait plaisir à passer de la grande tragédie grecque à la grande comédie grecque en considérant les traits de leur contemporain et de leur égal Aristophane ; mais aucun buste que je connaisse à Rome ne nous peut offrir ses traits[501] avec quelque certitude. Nous serons plus heureux pour l’auteur de la comédie nouvelle, pour le peintre ingénieux des mœurs grecques, Ménandre.

Ménandre est assis[502] ; son air est tranquille, c’est celui d’un homme qui sait à quoi s’en tenir sur les choses, qu’elles ne trompent et n’irritent point. Il semble promener sur l’humanité un coup d’œil sérieux et calme, qui la scrute sans effort et la juge sans passion ; Ménandre montre une certaine insouciance dont il eut occasion de faire usage, car il fut rarement couronné. Son embonpoint et l’indolence de sa pose annoncent en lui l’ami et le sectateur d’Épicure. Le sculpteur lui a donné un costume assez romain[503] et lui a mis au doigt un anneau comme à un chevalier, traduisant ainsi à demi Ménandre en latin, comme faisait Térence. C’est pour cela qu’on l’avait cru un Marius, mais c’eût été un Marius bien débonnaire. Un médaillon, en forme de bouclier, sur lequel est inscrit le nom de Ménandre, ressemble trop à la statue du Vatican pour qu’on ne soit pas assuré d’avoir devant les yeux le peintre sans exagération des travers de l’antiquité.

Si les cent comédies de Ménandre nous avaient été conservées, elles nous offriraient un tableau complet de la vie familière des Grecs. De ces comédies, il ne reste qu’un petit nombre de fragments[504] et le portrait de l’auteur. Ce portrait supplée jusqu’à un certain point à ses ouvrages perdus, et nous révèle le caractère de sort génie observateur et mesuré.

En regard de Ménandre, on a placé dans la collection du Vatican, — ainsi qu’il l’était dans les thermes d’Olympias, belle-fille de Constantin[505], où se trouvait, comme d’ordinaire dans les thermes, une sorte de musée[506], — on a placé un autre poète comique grec, Posidippe[507]. Lui aussi fut imité par les comiques romains, ce qui était 1 Rome une raison de mettre en regard les deux statues. Pausanias dit. que, des poètes comiques dont les images décoraient le théâtre d’Athènes, Ménandre seul était célèbre[508]. Si Posidippe y figurait déjà, on voit qu’il n’était point rapproché de Ménandre, quant à son mérite, par Pausanias, rapprochement que semble indiquer la disposition des deux statues placées en pendant l’une de l’autre dans les thermes d’Olympias[509], et qu’a fait aussi Aulu-Gelle (Noct. att., II, 23) en citant ensemble Ménandre et Posidippe. Ce jugement, qui n’était point celui de Pausanias, mais qui pouvait être celui d’une princesse byzantine du quatrième siècle et d’un compilateur médiocre, me rappelle ces jugements d’école dans lesquels on compare sérieusement Bossuet et Fléchier, tandis que, selon l’expression de madame de Staël, on ne devrait pas les nommer le même jour. Sans faire ces distinctions, M. Schlegel trouvait dans les portraits de Ménandre et de Posidippe une fidèle et vive expression de la comédie grecque.

Enfin, les hommes d’action, les hommes de guerre et les hommes d’État qui ont illustré la Grèce, avaient aussi, et ont encore pour la plupart, leur portrait à Rome. Leur présence dans l’ancienne capitale du monde n’y représente point le souvenir de leur influence, comme je l’ai dit pour les philosophes, les orateurs et les poètes, car si les Romains demandaient aux Grecs des leçons de philosophie, d’éloquence et de poésie, ils ne demandaient à personne des leçons dans l’art de vaincre et de gouverner les hommes.

Le Lycurgue du Vatican[510] a un œil un peu différent de l’autre, espèce d’euphémisme de la sculpture, pour indiquer, sans choquer le regard du spectateur, qu’un des yeux de Lycurgue était crevé. Si cette statue est celle de Lycurgue, elle nous offre les traits du législateur, non sans doute d’après un portrait contemporain, car Lycurgue vivait dans le huitième ou neuvième siècle avant Jésus-Christ ; mais, d’après la tradition grecque, Lycurgue dut avoir une statue en Grèce, car il y eut un temple[511].

Les portraits de Miltiade[512], s’ils sont authentiques, peuvent provenir ou du Miltiade de Phidias, qui était dans le temple de Delphes[513], ou du portrait de ce général que Panœnus avait peint sur le mur du Pœcile[514] dirigeant le combat de Marathon.

Le Thémistocle du Vatican[515] ressemble à deux figures gravées ; mais il faut chercher la véritable image du chef athénien sur les médailles de Lampsaque, l’une des trois villes que lui avait donné le roi de Perse, chez lequel, banni d’Athènes, il eut le tort de chercher un asile ; ce qui m’a toujours inspiré quelque doute sur le conseil que Thémistocle, la veille de la bataille de Salamine, fit parvenir au grand roi de fermer toute issue à la flotte grecque, conseil dont il se vanta auprès de ses concitoyens comme ayant empêché les alliés de se retirer, mais dont il se vanta aussi plus tard auprès du roi de Perse comme ayant été donné dans l’intérêt de son prédécesseur, et qui pouvait bien l’avoir été par le politique de l’utile, par celui qui s’opposa toujours aux vertueuses résolutions d’Aristide, pour

i se ménager auprès .du vainqueur quel qu’il fut. J’avoue que ces soupçons tomberaient ici devant la figure de Thémistocle si simplement héroïque. Mais il faudrait être bien sûr de la ressemblance de cette figure avec celle de Thémistocle, et je me défie de ses bustes comme de ceux de Miltiade ; car ils ne présentent à nos regards, avides de connaître deux si remarquables mortels, qu’une physionomie peu caractérisée. Déjà Pausanias parle d’inscriptions fausses à propos de Miltiade et de Thémistocle (I, 18, 3). Du reste, quelles qu’aient pu être ses faiblesses, le patriotisme du vainqueur de Salamine, devenu satrape persan, devait noblement se réveiller : plutôt que de combattre son pays, Thémistocle se donna la mort, à Magnésie, ville dont les fanges entraînées par le Méandre couvrent aujourd’hui les débris, et l’une des trois cités d’Asie où furent élevées, en l’honneur de l’illustre banni, des statues d’après lesquelles ont pu être faits ses bustes ; s’ils ne l’ont été d’après un portrait peint de cet homme célèbre que ses fils dédièrent dans le Parthénon[516].

On retrouve à Rome, grâce à une image certainement fidèle, le plus grand  homme politique du plus grand siècle de la Grèce, et peut-être de tous les siècles, Périclès, qui, sans se mettre au-dessus des lois, sut gouverner l’indocile et spirituelle démocratie d’Athènes par le seul pouvoir du génie et de l’éloquence et lui inspirer sa propre grandeur. Dans le buste de Périclès[517], l’individualité du personnage historique est frappante ; quand son nom ne serait pas inscrit sur ce buste, on reconnaîtrait Périclès à la forme allongée de sa tête, qui la faisait comparer grotesquement à un oignon marin[518], par les poètes comiques dont il ne songea pas à interdire les railleries. Périclès les laissait dire, et pour le venger, l’admiration publique, faisant allusion tout ensemble à la hauteur de son front et à la hauteur de son intelligence, double rapport avec Jupiter, l’appelait l’Olympien, le plus magnifique surnom qui ait jamais été décerné à un mortel et qui était mérité ; Olympium Periclem dignum cognomine[519].

Le sculpteur Crésilas[520], contemporain de Phidias, et le peintre Aristolaüs[521], contemporain d’Apelles, avaient fait le portrait de Périclès[522]. Phidias avait donné les traits de son ami à un guerrier combattant les Amazones dans un bas-relief du bouclier de Minerve où il s’était représenté lui-même[523] ; mais, pour ne pas trop choquer les susceptibilités démocratiques d’Athènes, il avait caché à demi le visage de Périclès derrière la main qui tenait la lance. Dans ce bas-relief, où Périclès était représenté sous la figure d’un guerrier combattant les Amazones, il devait porter le casque, au moyen duquel il aimait à dissimuler la forme singulière de sa tête ; le Périclès du Vatican est casqué.

On a très justement placé près de Périclès Aspasie[524], dont le nom est à jamais lié au sien, cette femme à part, qu’il ne faut pas confondre avec les Phrynés et les Lais. Aspasie de Milet eut à Athènes un véritable salon on les Athéniens conduisaient leurs femmes et que fréquentait Socrate, qui se disait en badinant l’écolier d’Aspasie ; elle passait pour avoir aidé Périclès dans la composition de sa belle oraison funèbre des Athéniens morts dans la guerre du Péloponnèse. Périclès l’aima jusqu’à son dernier jour ; il ne put l’épouser parce qu’elle était étrangère, mais les Athéniens légitimèrent leur fils qui porta le nom de son père.

L’ascendant qu’Aspasie exerça sur un homme tel que Périclès est d’autant plus flatteur qu’on ne peut l’attribuer seulement à sa beauté ; sa beauté, à en juger par ce portrait, ne suffit pas pour expliquer son empire et confirme par là ce qu’on a dit de l’élévation de son âme et de la séduction de son esprit[525].

Alcibiade gagne aussi à ne pas offrir dans ses portraits cette beauté extraordinaire dont on parle souvent comme si elle eût été son unique mérite. Alcibiade n’est très beau dans aucun de ses portraits ; cependant le témoignage des anciens est unanime pour le proclamer l’homme beau par excellence, princiliern formæ, comme dit Pline. Je pense que par là on n’entendait pas seulement la beauté du visage. Les anciens, accoutumés au nu par leur costume et surtout par les spectacles de la palestre, donnaient plus de place que nous, dans l’appréciation de la beauté, à la perfection des formes de toute la personne, en cela d’accord avec lady Montague, laquelle pensait que si l’usage d’aller nu s’établissait, on ferait beaucoup moins d’attention au visage.

Alcibiade, doué des facultés les plus diverses, pouvait être dans le bien et dans le mal tout ce qu’il voulait. Son buste[526], dit ingénieusement Visconti, s’accorde assez bien avec le caractère connu d’Alcibiade par l’espèce d’hésitation où il nous laisse sur les qualités de l’homme qu’il représente. Une énigme grecque se lit sur le buste de cet homme qui, à quelques égards, fut une énigme. Alcibiade a sous le menton la barbe en collier, détail qui est historique, Alcibiade était un beau d’Athènes. Il pouvait être un héros sur le champ de bataille ; sa statue est une statue héroïque. Alcibiade, nu, combat le pied posé sur son casque qu’il ne s’est pas donné la peine de relever[527]. La vaillance de ce personnage singulier était aussi fougueuse et aussi brillante que ses vices.

Je terminerai par Alexandre cette revue des Grecs illustres dont les portraits sont à Rome[528].

Les divers bustes ou statues d’Alexandre doivent être comparés à l’Alexandre du Louvre, et selon qu’ils se rapprochent plus ou moins de ce type normal, être jugés plus ou moins ressemblants.

Alexandre ne permit, dit-on, qu’à Lysippe parmi les sculpteurs, et à Apelles parmi les peintres, de faire son portrait. N’a-t-on pas pris une préférence pour une exclusion ? En effet, nous savons que plusieurs autres sculpteurs et plusieurs autres peintres ont représenté Alexandre[529] ; la plupart, il est vrai, avant qu’il fût roi[530].

Apelles avait peint Alexandre la foudre à la main[531]. Lysippe, ami du vrai, ce semble, en tout aussi bien que dans l’art, ne fit point comme Apelles, comprenant la vraie grandeur du Macédonien : — être l’homme qu’il était et non le dieu qu’il n’était pas, — Lysippe avait mis dans la main d’Alexandre, au lieu de la foudre, une lance[532].

Arrêtons-nous devant une belle image de ce prodigieux Alexandre dont j’admire l’élan, l’impétuosité, la persévérance héroïque, mais dans lequel, pas plus que Callisthène, je ne saurais adorer un dieu.

L’auteur de la tête d’Alexandre qui est au Capitole[533] ne pensait ni comme moi, ni comme Callisthène : pour lui Alexandre était un dieu ; il lui avait donné les rayons du soleil[534] et la chevelure de Jupiter. Le soleil était le dieu de la Perse, sur laquelle régnait Alexandre dans Babylone, capitale de son empire, et l’oracle d’Ammon l’avait déclaré fils de Jupiter.

C’est ce qui explique comment cette tête a été prise par les uns pour la tête d’Alexandre et par les autres pour une tête du soleil[535]. C’est Alexandre-Soleil. Le roi de Perse était dieu, le dieu de la Perse était le soleil ; Alexandre, devenu roi de Perse, était le Soleil[536].

Le buste du Capitole lui ressemble, seulement c’est une ressemblance idéalisée ; mais, malgré l’intention évidente d’idéaliser et de diviniser Alexandre, le sculpteur lui a laissé assez de traits individuels pour le faire reconnaître. Sa tête est un peu penchée de côté, le visage a une expression humaine, et non la majestueuse sérénité d’un dieu.

On peut, d’après cela, penser que cette admirable tête est d’après Lysippe, et lui appliquer ce que les poètes de l’Anthologie ont dit de son Alexandre : Ô Lysippe ! main hardie, artiste brûlant, ce n’est pas du bronze mais du feu que tu répands sous la forme d’Alexandre[537]. Le marbre, comme faisait le bronze, semble crier : Ô Jupiter, donne-moi la terre et garde le ciel. Il est vivant et regarde.

La Grèce libre finit à Alexandre et par Alexandre. On a beaucoup dit qu’Alexandre avait conçu la grande pensée de porter l’hellénisme en Orient. Je ne crois pas qu’il y ait jamais songé ; la pensée d’Alexandre était d’aller devant lui, de conquérir, de faire ce que personne n’avait fait, comme la pensée de César était de s’élever toujours et, ainsi qu’il le disait, d’être le premier. Bien qu’Alexandre semât des villes grecques sur son passage, son but ne fut point de propager la civilisation grecque ; c’est une conception philosophique qu’on a prêtée après coup à Alexandre, comme on a prêté à César une vue de la transformation de la société romaine et de son avenir, dont pas un acte émané de lui, pas un mot sorti de sa bouche ne fait foi. César a voulu toujours monter plus haut, Alexandre toujours aller plus loin, c’est là le vrai. Tous deux ont voulu être grands, tous deux ont été très grands, mais ni l’un ni l’autre ne s’est soucié du genre humain.

César a fondé sans le vouloir une détestable institution, l’empire romain ; Alexandre n’a rien fondé qu’Alexandrie. Ce propagateur de la civilisation grecque est mort despote persan, et s’il avait vécu plus longtemps, le serait devenu toujours davantage. Je pense, comme M. Groote, le meilleur historien de la Grèce, que la civilisation implantée par Alexandre en Asie a été un hellénisme bâtard et infécond. S’il avait le dessein de rendre l’Orient grec, il a fait le contraire de ce qu’il voulait faire ; il a ouvert le monde grec à l’Orient. Ce fait a été immense, car le christianisme en est sorti ; mais Alexandre ne songeait pas au christianisme. De même, César en établissant l’empire destiné à tuer la vie romaine et à amener par là l’avènement des barbares, a préparé le monde moderne ; mais César ne s’en doutait pas.

Ces deux hommes n’en sont pas moins les deux plus étonnants mortels qui aient paru sur la terre, mais leur œuvre a été purement égoiste, et le bien qu’ils ont pu faire au monde, ils l’ont fait à leur insu.

A propos de ce jugement, porté en conscience et sans aucune arrière-pensée, je protesterai contre le reproche qui m’a été fait de déprécier les grands hommes, d’avoir par exemple manqué de respect à César. Ceux qui ont lu mon César ont pu voir que j’ai voulu peindre ce mortel extraordinaire tel que l’histoire me le présentait, admirable d’audace, de décision, d’habileté ; prodigieux de séduction, doué comme on ne le fut jamais ici-bas, mais indifférent au bien et au mat et n’ayant que deux buts, la puissance et la gloire. Je ne pense pas qu’Alexandre ait eu d’autres mobiles. En reconnaissant les facultés éminentes dont il a plu à Dieu de douer certains hommes, je crois que le jugement de l’historien doit garder vis-à-vis d’eux quelque indépendance : il y aurait trop de candeur à prêter des motifs désintéressés à leur immense égoisme. L’admiration ne saurait aller trop loin pour les grands hommes qui ont su gouverner leurs semblables sans attenter à leur liberté, comme Périclès ou Washington. La superstition envers les grands hommes qui ont asservi leurs contemporains, toujours par la faute de ceux-ci, accoutume l’àme à la servilité envers les personnages historiques, beaucoup plus nombreux, qui les ont asservis sans être aussi grands.

 

 

 



[1] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 4.

[2] M. P. Cl., 471.

[3] Pline, Hist. nat., XXXV, 56, 4. Anth. Plan., IV, 90. Deux statues d’Hercule enfant à Olympie. (Pausanias. V, 25, 4.)

[4] Théocrite, XXIV, 26-8

[5] Pindare, Nem., I, 45-7.

[6] Statues : Vatic., cour du Belv., gal. des Candélabres, 228, M. Chiar., 471, Capit., gal., 26. Bas-relief : M. P. Cl., 441. Ce bas-relief nous donne une idée assez exacte du tableau de Zeuxis, car on y soit Alcmène qui contemple avec effroi le premier exploit d’Hercule. Amphitrion tire son glaive, comme dans l’ode de Pindare et dans un tableau décrit par le second Philostrate (Phil. Jun., 6), qui était probablement d’après Zeuxis. L’attitude du héros enfant varie un peu dans les statues ; celle qu’il a dans le bas-relief doit être considérée comme la plus semblable au tableau de Zeuxis.

[7] Pausanias, VII, 24, 2.

[8] Une telle statue est mentionnée dans l’Anthologie. (Anth. gr., III, 188.)

[9] M. Chiar., 557 87. Deux à la villa Borghése (salle des Hercules) l’un d’eux plein de vivacité. Au Vatican (salle Lapidaire), un jeune Hercule est triste, comme s’il prévoyait les grandes épreuves qui l’attendent et dont la perspective le jeta dans une noire mélancolie.

[10] Quand les statues d’Hercule jeune portent comme celle-ci la peau de lion, il s’agit du lion de Cithéron dont la mort fut un des premiers exploits d’Hercule.

[11] Pausanias, X, 18, 5, Pline., XXXIV, 40, 1.

[12] La force physique : Amyeus a une chaire de fer (Théocrite, XXII, 47) et aussi la vigueur morale : Adraste est appelé au cœur de fer par Eschyle (Sept., 52). A Messène était le portrait d’Épaminondas en fer. (Pausanias, IV, 31, 8.)

[13] Le nombre de douze ne date pas seulement, comme on l’a dit, de l’époque alexandrine, mais a été fixé définitivement entre celle de Cimon et celle de Périclès. Il n’y avait que dix travaux d’Hercule sur le temple de Thésée ; il y en avait douze au temple de Jupiter à Olympie (Pausanias, v, 10, 2). Pausanias n’en indique que onze, mais comme il parle de métopes placées symétriquement, sur les deux faces du temple, leur nombre devait être le même de chaque côté.

[14] Les principaux sont : M. Capit., 1ere S. d’en bas ; villa Ludovisi, neuf travaux ; villa Borghèse (S. 2), sur deux sarcophages ; villa Albani, autour d’un grand cratère.

[15] Avant Phidias, sur le coffre de Cypsélus, quatre exploits d’Hercule ; douze sur le trône d’Apollon d’Amyelée ; mais là ne sont pas tous ceux qui formèrent depuis l’ensemble consacré des douze travaux. Plusieurs exploits d’Hercule à Sparte, dans le temple de Junon Chalciœcos (Pausanias, III, 17, 3). Homère suppose déjà des combats d’Hercule contre des sangliers, des lions, des ours — ceux-ci ne se retrouvent pas depuis, — ciselés sur le baudrier que l’ombre du héros porte aux enfers (Odysée, XI, 610). Dans les posthomerica de Quintus de Smyrne, tous les travaux d’Hercule sont représentés sur le bouclier d’Eurypylos (VI, 199). La tradition, en germe, dans Homère, s’est développée et complétée.

[16] Panænus, frère ou au moins parent de Phidias, peignit à Olympie Hercule et Atlas, Hercule et le lion de Némée, Hercule délivrant Prométhée, deux Hespérides tenant les fruits d’or dans la main, Hercule allant combattre les Amazones. (Pausanias, V, 11, 2.)

[17] Par Praxitèle à Thèbes (Pausanias, IX, 11, 4) ; par Lysippe à Alyzie en Acharnanie (Strabon, X, 2, 21), d’où ils furent transportés à Rome, et pour cette raison ont dû être la principale origine des représentations romaines des travaux d’Hercule.

[18] Cicéron, de Orat., II, 16 : même sujet sur le coffre de Cypsélus et au temple de Delphes. (Euripide, Ion., 191.)

[19] Au Capitole, sous le portique (à l’entrée), jambe d’Hercule appartenant au n° 30, et retrouvée après que celui-ci avait été complété par l’Algarde. Cet entortillement de l’hydre autour de la jambe d’Hercule, qui reparaît souvent, semble avoir été consacré par un exemple célèbre ; il est mentionné par Apollodore (II, 5, 2, 4). Au Capitole. Hercule est représenté brîdant les têtes de l’hydre, ce qu’il fit pour empêcher celle qui était immortelle de renaître.

[20] Sans doute par une confusion de l’hydre, serpent à plusieurs têtes, avec Echidna qui avait un corps de femme, car elle fut tout à fait femme avec Hercule, et des pieds de serpent. Cette association fait songer aux fréquentes attaques de la poésie grecque contre les femmes.

[21] Pausanias, IX, 11, 4.

[22] M. P. Cl., 213.

[23] M. P. Cl., 134. En général, sur les monuments grecs et dans la poésie grecque, Hercule étouffe le lion de Némée en le serrant contre sa poitrine ; temple de Thésée, bas-reliefs et pierres gravées, (Euripide, Herc. fur., 154 ; Théocrite, XXV, 266 suiv.). La peau de lion n’est devenue le costume d’Hercule et il n’a porté la massue que depuis Pisandre, d’après Strabon (XV, 1, 9), ou depuis Stésichore, selon Athénée (XII, p. 512) ; à Olympie, une statue en bronze (Pausanias, V, 25, 7) le représentait avec la massue.

[24] M. P. Cl., 157.

[25] M. P. Cl., 208. Géryon a ici trois têtes, comme dans Hésiode (Théog., 287) ; ailleurs il a trois corps, comme chez Eschyle (Ag., 879) et chez Euripide (Herc. fur., 423). Géryon est plus petit qu’Hercule ; les hommes sont plus petits que les divinités sur le bouclier d’Achille (Iliade, XVIII, 519) ; les sujets sont plus petits que les rois, et les vaincus que le Pharaon vainqueur, sur les bas-reliefs égyptiens.

[26] Villa Albani, salon.

[27] Là où Neptune termine le ciel que soutient Atlas. (Hipp., 742-7.)

[28] En bois. (Pausanias, VI, 19, 5.) Le dragon entourait l’arbre, de même qu’il l’entoure dans un bas-relief de la villa Albani ; nouvelle ressemblance avec Michel-Ange et Raphaël. On voit dans ce bas-relief Hercule, des Hespérides, l’arbre et le dragon comme dans le groupe de Théoclès.

[29] Villa Alb. Coffee House. Cet Atlas rappelle par plusieurs traits un tableau qu’a décrit Philostrate (II, 20), dans lequel Atlas était courbé sous son accablant fardeau et un genou en terre ; des constellations étaient de même indiquées sur le ciel qu’il portait. L’Atlas d’Homère (Odyssée, I, 33-4) est autre : il soutient les colonnes du ciel et de la terre. Chez Hésiode (Théorg., 517-20), Atlas ressemble déjà à celui que nous présentent les monuments d’une époque avancée ; il supporte le ciel de la tête et de ses mains infatigables ; il est au pays des Hespérides ; cet Atlas soutient donc le ciel avec sa tête et avec ses mains, comme celui de la villa Albani. Dans le Prométhée d’Eschyle, Atlas porte sur ses épaules la colonne du ciel et de la terre dans les régions hespériennes. (348-9.)

[30] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 20.

[31] Elles étaient déjà sculptées sur le trône de l’Apollon d’Amyclée. (Pausanias, III, 19, 4.)

[32] Entre le marché aux Bœufs et le grand Forum, près du Vélabre. Pline, en disant qu’une Vénus de Praxitèle, placée sans doute à l’intérieur du temple, a péri dans un incendie, ne dit pas que les Thespiades, qui étaient devant le temple, aient péri avec lui.

[33] Sur deux bas-reliefs d’un remarquable travail (M. P. Cl., 432-453) et dans lesquels sont placées les divinités en rapport avec Hercule, comme les dieux protecteurs des héros, figurent dans les épopées grecques.

[34] C’était, selon Welcker, le sujet de la Myniade, épopée perdue.

[35] Un troisième isthmique. (Diss., Pindare, II, p. 558.) Philostrate parle d’un tableau d’Hercule furieux. (II, 23.)

[36] Vill. Alb., salle de l’Ésope.

[37] Pausanias, V, 11, 2.

[38] Mus. Capit. Bas-relief de la formation de l’homme par Prométhée.

[39] Pausanias, V, Le type des Amazones dans la statuaire est donc antérieur à Phidias qui n’a pu que le fixer, c’est ce que prouvent encore les combats d’Amazones du temple de Thésée.

[40] Villa Borghèse, S. 2.

[41] Quodom. hist. conscrib., 10.

[42] Villa Borghèse, S. 1.

[43] Dans le temple de Delphes (Pausanias, X, 15, 4) Hercule et Apollon se disputant le trépied ; du côté d’Hercule Minerve, du côté d’Apollon Diane, ce qui autorise Müller (Arch., p. 511) à croire qu’un groupe très ancien dont les auteurs étaient Dipænus et Scyllis, et qui se composait des mêmes personnages, représentait la lutte d’Apollon et d’Hercule pour la possession du trépied, peut-être aussi leur réconciliation. Près de Mégalopolis, Hercule arrachait le trépied à Apollon. (Pausanias, VIII, 37, 1.)

[44] Vill. Alb., Zoeg., b. r., II, pl. 66. Sans intention d’archaïsme, M. P. Cl., 141. Gal. des Candél., 187. En Grèce, sur un bas-relief du Péloponèse publié par Paciaudi.

[45] M. Capit., villa Borghèse. Trépied dédié à Apollon, M. Chiar., M. Visconti pense qu’un trépied du Vatican fait connaître la forme des trépieds delphiques portés dans les pompes triomphales décrites par Athénée.

[46] Giliadas et l’Éginète Callou tirent des trépieds d’airain ornés de ligures de déesses. (Pausanias, III, 18, 5.)

[47] Dans l’Iliade (XXIII, 259), prix proposés : une femme, un trépied, des bœufs.

[48] Athénée, V, p. 198.

[49] Odyssée, IV, 129.

[50] Iliade, XXII, 443 ; XXIII, 11.

[51] Nombreux trépieds d’or dans le temple d’Apollon Isinénien. (Pindare, Pyth., XI, 4-5.)

[52] Hercule combattant les Ligures, près de la porte du Musée étrusque ; candélabres Barberini, M. P. Cl., 412, 415, plusieurs divinités ; Gal. des Candél., 55, supplice de Marsyas.

[53] Gal. des Candél., 95, 97, 157, 219.

[54] Les divinités étaient assises sur des trônes, dans les temples ; Diane sur le sien dans l’Agora de Thèbes (Sophocle, Œd. R., 161). Sur l’importance et le nombre des trônes, voy. Quatremère de Quincy, Jup. Ol., p. 314 et suiv.

[55] Athénée, V, p. 202.

[56] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 24,

[57] Strabon, X, 5, 7 ; XIII, 1, 13.

[58] Autel de Jupiter (Gal. des Candél., 271), d’Apollon (Vill. Alb.) ; au Capitole, autel des Vents, du Calme ; autel des douze grands dieux. Tous ces autels sont garnis de ligures comme les autels grecs dont parlent les anciens.

[59] Autel de Faventinus (M. P. Cl., 14), Mars et Vénus surpris par Vulcain, le jugement de Pâris, Hector traîné par Achille, y servaient d’introduclicn à la naissance et à l’enfance de Romulus et de son père.

[60] Six coupes d’or offertes à Delphes, par Gygès, roi de Lydie, pesaient trente talents (Hérodote, I, 14), ce qui, d’après une évaluation de Larcher, donne une valeur de deux millions. Parmi les cratères ornés de figures qu’on portait au triomphe de Paul-Émile, était une coupe d’or que lui-même avait fait fabriquer et qui valait le tiers de cette somme (Plutarque, Paul-Émile, 33.)

[61] Comme était une coupe d’argent placée sur un quadrige et traînée par six cents hommes. (Athénée, V, p. 199.)

[62] La coupe que les Lacédémoniens firent faire pour Crésus. (Hérodote, I, 90).

[63] Dans la Télégonie, épopée perdue, Ulysse recevait un cratère sur lequel étaient sculptées les aventures de Trophonius et d’Agamédès (Welck, Ep. Cycl, II, p. 301).

[64] Pline, Hist. nat., XXXIV, 18, 7.

[65] Martial, Épigrammes, VI, 92.

[66] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 4.

[67] Martial, Épigrammes, III, 41.

[68] Il vola une hydria de Boéthus, le gracieux auteur de l’Enfant à l’oie (Cicéron, Verrines, II, 4, 14), et fit tout ce qu’il pût pour s’approprier un vase de Mentor (ibid., 18).

[69] Iliade, XXIII, 742.

[70] Odyssée, XV, 102-4.

[71] Iliade, VI, 528, 741.

[72] Sophocle, Fragm., Didot, p. 353.

[73] Hérodot, IV, 152.

[74] Phidias les avait réunis dans un combat livré en commun aux Amazones (Pausanias, V, 11, 2).

[75] On disait que Thésée avait pris au géant Périphétès sa massue après lui avoir donné la mort. (Apollodore, III, 16, 1, 3.)

[76] Sur le grand cratère d’Hercule, de la villa Albani.

[77] Bas-relief de la villa Albani ; Thésée découvrant le glaive et les sandales que son père avait cachés sous une pierre, était dans l’Acropcle d’Athènes (Pausanias, I, 27, 8) ; c’est le plus ancien original que l’on connaisse de ce bas-relief.

[78] Vill. Alb., dans le jardin. Une tête de Minotaure (M. P. Cl., 252) a sans doute fait partie d’un groupe qui représentait la lutte de Thésée et du monstre. Sur le trône d’Amyclée, Thésée conduisait le Minotaure dompté. (Pausanias, III, 18, 7.) C’est une version un peu différente et peut-être plus ancienne de la tradition. Dans le remarquable groupe de la villa Albani, comme au temple de Thésée, Hercule tue le Minotaure.

[79] Zoeg., II, pl. 63. Métope du Théséum. Selon quelques-uns, le même que le Taureau de Crète dompté par Hercule, ce qui contribue encore à établir entre les deux héros le rapprochement dont les deux hermès de la villa Ludovisi nous ont fourni un indice.

[80] Dans le groupe en grande partie restauré de la villa Borghèse. (Salle II), si Thésée, ce que j’ai peine à croire pour lui comme pour Hercule, est un des deux guerriers foulés aux pieds par une Amazone à cheval ; je le verrais plutôt dans de beaux fragments du palais Farnèse et du Vatican (M. Chiar., 300-2). Selon Visconti, le prétendu Gladiateur du Louvre serait Thésée combattant une Amazone. Thésée est aux prises avec des Amazones et des Centaures dans la frise du temple de Phigalie. Ces deux combats étaient peints, le premier sur les murs du Pœcile (Pausanias, I, 15, 2), l’un et l’autre dans l’intérieur du Théséum (ibid., I, 17, 2). A Olympie, Thésée combattant les Centaures, sur le fronton postérieur du temple de Jupiter (ibid., V, 10, 2), et Thésée combattant les Amazones, sur la traverse de la base du trône de Jupiter. L’Amazone blessée de Rome, comme l’Amazone morte de Naples, peuvent avoir pour première origine ces combats de Thésée et d’Hercule contre les Amazones.

[81] Pausanias, X, 10, 1. Une autre statue de Silanion (Plutarque, Thésée, 4). Le Thésée du Parthénon n’est pas un Thésée ; selon M. Reulé, c’est un Hercule. (Acropole d’Athènes, II, p. 69.)

[82] Pausanias, I, 28, 2.

[83] Les fêtes d’Adonis à Alexandrie sont bien connues ; les fameux jardins d’Adonis (Pline, XIX, 19, 1) avaient été transplantés à Rome. Sur un fragment du plan antique de Rome on lit (a) donea. Hyacinthe était l’objet d’un culte national à Sparte et ses fêtes célébrées pendant trois jours à Amyclée. (Strabon, VI, 3, 2 ; Pausanias, III, 19, 3.)

[84] M. P. Cl., 443 et 396. Celui-ci a plutôt le mouvement de Narcisse, étonné du charme de son image, que d’Adonis effrayé de sa blessure, expression trop indigne d’un héros victime de son courage. On n’est pas d’accord sur l’existence de la blessure, qu’admettait Visconti. M. Gherard n’y voit qu’un éclat du marbre. Pour Visconti, d’abord un Narcisse, puis un Apollon ; pour Welcker, cette statue est un Narcisse.

[85] S. des Hercules, un jeune homme en style archaïque, pris pour un Ptolémée, cru par Winckelmann un Apollon. (S. du Gl., 13), celui qu’on appelle un Antinoüs ; mais il n’a point la figure un peu sombre et si individuelle d’Antinoüs, ni ses cheveux. Levezow dit un Antinoüs en Narcisse.

[86] M. Chiar., 455, Gal. Lapid., Vill. Borgh., sous le portique. L’Adonis du palais Spada, avec la tête de sanglier, me semble plutôt être un Méléagre.

Le roi d’Égypte Philopator avait composé une tragédie d’Adonis, et Philostrale décrit un tableau de Narcisse (Im., I, 22), Callistrate, une statue (5) ; ce sujet a dû être traité d’abord par la peinture, à laquelle l’image réfléchie de Narcisse convenait mieux.

[87] Une terre cuite, qu’on croit représenter Vénus et Adonis, a été trouvée dans un tombeau grec (Müller, Arch., p. 585).

[88] Rien n’autorise ces attributions. Un bas-relief de Saint-Jean-de-Latran, où l’on a cru veir Apollon soutenant Hyacinthe dans ses bras, représente plutôt Pylade secourant Oreste saisi par ses fureurs ; ce groupe se retrouve dans plusieurs bas-reliers d’Iphigénie en Tauride ; sans cela, on pourrait le rapprocher de deux tableaux décrits par les deux Philostrates (Im., 23 ; Jun., 15). Hyacinthe avait été peint par Nicias (Pausanias, III, 19, 4). Ce tableau, sans doute le même dont parle Martial (Ép., XIV, 173), fut apporté à Rome d’Alexandrie par Auguste. (Pline, XXXV, 40, 7.)

[89] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 6 ; XXXIV, 19, 29. Deux tableaux décrits par le second Philostrate. (Jun., 9, 12.)

[90] Amycus a été attaché à un arbre par Pollux d’après une des deux versions de ce récit ; d’après une autre version, Pollux tuait Amycus. (Heyne, Apollodore, II, p. 76.)

[91] Le soc de charrue à terre est moderne. Il se peut que cette restauration ait été déterminée par un reste de soc antique, car Apollodore nous apprend que Jason cultivait la terre. (I, 9, 16, 3.)

[92] Galerie des Candélabres, 6.

[93] Oreste et Électre étaient pris pour le jeune Papirius et sa mère. Piranesi a vu dans Priam implorant Achille le roi Acron, et dans Achille s’éloignant sur son char un Romulus.

[94] Pindare, Pyth., IV, 95. Apoll., Arg., II, 95. Philostrate, Ep., 18, f. Apollodore, I, 9, 16, 3. Tous ces auteurs, excepté Pindare, racontent que Jason parut ainsi devant Pélias parce qu’il avait perdu un soulier en passant le fleuve Anaurus ; Pindare n’en dit rien. Le pied nu de Jason peut s’expliquer alors parce que le héros ne l’a point chaussé. C’est dyne la donnée de Pindare que le sculpteur a suivie.

[95] Frise de la cella du Parthénon.

[96] Apollonios de Rhodes, Argonautiques, I, 19, 111.

[97] Bas-relief de Bonifatius, au Capitole.

[98] Musée du Capitole, sous le portique.

[99] Une peinture d’Herculanum représente Hylas qu’entrainent les nymphes.

[100] R. Rochette (Mon. in., pl. 67 A). Les statues des sept chefs étaient à Delphes (Pausanias, X, 10, 2). Onasias avait peint, à Platée, la première expédition contre Thèbes. (ibid., IX, 4, 1.)

[101] Déjà sculptées sur le trône d’Apollon Amycléen par Bathyclès. (Pausanias, III, 18, 7.)

[102] A Delphes par Hypatodore et Aristogiton (Pausanias, X, 10, 2).

[103] M. P. Cl., 616. Un buste (M. Chiar., 531 A).

[104] Euripide (Suppl., 165) montré Adraste comme déjà vieux : polios, en cheveux blancs ; la statue du Vatican n’est point celle d’un vieillard.

[105] On a cru reconnaître le nom, et par suite l’emplacement, du Forum Archemori, dans le nom d’une église de Rome, San Nicola degli Arcioni ; mais il n’y a à cela nulle vraisemblance. Arcioni désigne plutôt de grands arcs, quelques restes d’antiquité, peut-être ceux d’un aqueduc, qui se trouvaient là ; comme à Paris, d’autres arcs ont donné son nom à l’église de Saint-André-des-Arcs, et non pas des arts. C’est parce que l’on croyait que le forum Archemori était près de San Nicola degli Arcioni qu’on a donné le nom d’Adraste à la statue du Vatican qui a été trouvée dans le voisinage de cette église.

[106] Statue (Pausanias, X, 10, 2), tableau par Tauriseus (Pline, XXXV, 40, 10).

[107] Villa Albani. Overbeck n’est pas de leur avis ; cependant le geste de Capanée portant la main à sa tête lui convient bien. Dans un temple d’Ardée, Capanée était peint atteint à la tête selon Servius (Æn., I, 41). Stace imitateur des poètes cycliques, montre Capanée qui sent brûler son casque et sa chevelure (Thébaïde, X, 932), seulement Stace lui fait braver les dieux jusqu’à la fin en restant debout (X, 935).

[108] Odyssée, IV, 247.

[109] Musée du Capitole, salle des Colombes.

[110] On y lit ces mots : Μάθε τάξεν Όμήρου, apprends l’ordre (du poème) d’Homère.

[111] Presque tout dans la Table iliaque peut se rapporter aux fragments conservés de Stésichore, dit M. Welcher ; mais on y reconnaît aussi des scènes empruntées à l’Iliade et, pour ce qui concerne la prise de Troie, à Aretinus, auteur de l’Æthiopis et de la Petite Iliade, et à Leschès, auteur de la Destruction de Troie ; la Table iliaque serait donc, si elle n’était pas mutilée, un abrégé à peu près complet du cycle de la guerre de Troie. Il existe d’autres fragments analogues de bas-reliefs en stuc, qui, composés pour l’enseignement des écoles, ont dû être fort multipliés.

[112] Élien, Var, XI, 2. Deux de nos contemporains ont cherché, comme Mélisandre, à retrouver la poésie anté-homérique des Centaures et des Titans, Ballanche dans d’admirables pages de son Orphée, et un poète bien supérieur à sa renommée, M. Leconte Delisle.

[113] Cependant M. Welcker pensé qu’elle peut rappeler en quelques parties une des grandes compositions de Polygnote à Delphes, et de peintures de Cléanthe. Les événements de la guerre de Troie furent sculptés au-dessus des colonnes du temple de Junon près de Mycènes, c’est-à-dire sur le fronton de ce temple (Pausanias, II, 17, 3). Ils furent retracés à Rome par des peintures de Théon et non Théoros (Voyez Brunn, II, p. 215-6), dans l’intérieur du portique de Philippe. Mys les avait ciselés sur une coupe, selon son usage, d’après le dessin de Parrhasius (Brunn., II, p. 102). Il y avait à Rome de ces coupes homériques. (Suétone, Néron, 47.) Vitruve (VII, 5, 2) cite les combats iliaques et les aventures d’Ulysse comme formant une décoration habituelle des édifias, et Pétrone (29) nous montre en effet les sujets de l’Iliade et de l’Odyssée peints sous un portique, comme Virgile supposait les premiers peints dans le palais de Didon. Enfin, la mosaïque fut aussi employée à en retracer l’ensemble dans le fameux vaisseau d’Hiéron (Athénée, V, p. 207).

[114] L’Amour placé près de Pâris dans les bas-reliefs est une traduction allégorique de la promesse que lui fait Vénus de lui donner la plus belle des femmes, d’après les Cypria de Stasinus, dans les Posthomérica de Quintus de Smyrne. Cette présence des Amours dans les bas-reliefs est encore expliquée par un passage du poème de l’Enlèvement d’Hélène par Coluthus, dans lequel il est dit (84) que Vénus, se rendant au fameux jugement du mont Ida, se fit accompagner par les Amours.

[115] Le bas-relief du palais Spada ne représente point, comme on l’a cru, Hélène prête à partir avec Pâris, mais Pâris qui va quitter Œnone. Pâris, à demi nu, est en costume de berger, non de prince ; mais on ne peut mettre en doute le sujet d’un autre bas-relief dans lequel Pâris enlève Hélène sur un char.

[116] Iliade, III, 421-25.

[117] Villa Albani, Coffee house.

[118] Iliade, XIV, 225.

[119] Garacci, M. de Saint-Jean-de-Latran, XLVI, 2 ; Iliade, V, 335.

[120] M. P. Cl., 581. A cause de la petite figure d’Apollon, qui est celle de l’Apollon didyméen ; or, Diogène de Laërce raconte que Pythagore, dont l’âme avait habité le corps d’Euphorbe, étant entré dans le temple d’Apollon didyméen, y reconnut son propre bouclier que Ménélas, vainqueur d’Euphorbe, y avait suspendu jadis à son retour de Troie.

[121] Au Capitole, monument de forme ronde en porphyre, travail si grossier qu’on pourrait presque le croire du moyen âge et y voir une des Achilléides de cette époque. Toute la vie du héros grec est là condensée dans ses principaux moments, depuis sa naissance jusqu’à la vengeance exercée sur le cadavre d’Hector ; on y voit Achille plongé dans les eaux du Styx, ce qui est rare sur les monuments.

[122] M. Chiar., 641.

[123] Beau bas-relief de la villa Albani. Les dieux apportent des présents, en partie seulement d’après Homère. Un trait qui vient d’autre part, c’est Éris, la Discorde, chassée par l’Amour ; allusion aux résistances de Thétis, maintenant domptée, et à la rivalité de Jupiter et de Neptune au sujet de Thétis (Érisan, Heyne, Apollodore, II, p. 315, Pindare, Isth., VII, 28). Un Amour tient un flambeau renversé, signe prophétique de la mort précoce d’Achille que Thétis connaît d’avance dans Homère. (Iliade, XVIII, 459.) Le mème sujet, avec des différences dans la composition (deuxième cour du palais Mattei).

[124] Dans un columbarium près du tombeau des Scipions, Chiron enseigne au jeune Achille à jouer de la lyre. Sur le monument rond du Capitole Chiron porte son élève sur son dos ; il en était de même dans un tableau décrit par Philostrate (II, 2). Ces ressemblances de détail révèlent un même original pour la peinture grecque et le bas-relief romain.

[125] Bas-relief du sarcophage dit d’Alexandre Sévère (M. Capit., dernière salle d’en bas). Ce bas-relief ne représente point, comme on l’avait cru, la querelle d’Achille et d’Agamemnon. Pour s’en assurer, il faut le comparer à un bas-relief de la cour du Belvédère qui lui est fort semblable, et dont le sujet ne peut être douteux. Ici, il y a près d’Achille un Amour, ce qui, sans parler de la corbeille de femme à terre, du casque dont le héros s’empare en y posant le pied, tranche la question. Un tableau décrit par le second Philostrate (Jun., 1), était fort semblable aux bas-reliefs. Polygnote avait peint Achille à Scyros (Pausanias, I, 22, 6). Selon O. Müller (Arch., p. 697), le prétendu Clodius vêtu en femme de la villa Pamfili est un Achille à Scyros.

[126] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 9.

[127] Salle II, 1. Zoega à propos d’une autre statue hésite entre Mars et Achille ; même hésitation dans le musée des antiques, pour le Mars du Louvre.

[128] Winckelm, M. in., 27, 28.

[129] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 14.

[130] Cette opinion de Raoul Rochette est aussi celle à laquelle incline Welcker. O. Müller, qui la rejette, reconnaît (Arch., p. 574-5) que le personnage de la villa Ludovisi diffère du type ordinaire de Mars ; Overbeck, qui est d’un avis contraire au mien, cite lui-même une pierre gravée de Florence, qui montre Achille dans la même attitude que l’Achille Ludovisi (gal., p. 409 ; voyez Millin, Myth., CXLVI, 587, Méléagre soucieux), et reconnaît que Polygnote avait ainsi exprimé la tristesse d’Hector. (Pausanias, X, 1, 2.) Divers auteurs mentionnent la signification de cette attitude (Welck., Ep. Cycl., p. 332) ; cependant, je dois avouer qu’elle n’est pas exclusivement un signe d’affliction, car elle est celle d’un satyre sur le monument choragique de Lysicrate, et qu’elle a été donnée, dans la frise de la cella du Parthénon, peut-étre à un Mars (Beulé, Acrop., II, p. 149) ; mais un petit nombre d’exemples ne saurait prévaloir contre un plus grand ; d’ailleurs l’Achille Ludovisi, par l’expression de sa physionomie au moins pensive, offre plutôt le caractére d’un homme que d’un Dieu. Le petit Amour qui est près de lui conviendrait mieux à Mars, mais cet Amour peut avoir été mis là pour indiquer qu’Achille songe remplacer Briséis et faire allusion au genre de consolation que Thétis conseille à Achille affligé de la mort de Patrocle : il est bon de jouir de l’amour d’une femme (Iliade, XXIV, 130) ; c’est la même idée que semblent exprimer deux femmes esclaves dans une peinture de Pompéi, représentant les envoyés d’Agamemnon reçus par Achille.

[131] C’est ce qu’on devait attendre de celui qui, faisant le portrait d’un autre sculpteur d’humeur chagrine, avait fait, dit Pline (XXXIV, 19, 32), le portrait de la colère.

[132] Iliade, XVII, 718. Porte le corps (de Patrocle), dit Ajax à Ménélas, et nous le défendrons. Outre deux répétitions qui sont à Florence, et dont l’une sur le Ponte-Vecchio, passait pour une statue de Mars au temps du Dante, on a déposé au Musée du Vatican (M. P. Cl., 293) les débris d’une quatrième reproduction de ce groupe héroïque : la tête, les jambes, une cuisse de Ménélas, et une épaule de Patrocle, avec la marque de la blessure qu’il avait reçue d’Euphorbe, avant celle qui lui coûta la vie.

[133] Pour l’explication du groupe on a pensé aussi à Ajax enlevant le corps d’Achille (Ov., gal. p. 551), mais cette supposition est inadmissible à cause de la blessure à l’épaule qu’avait reçue Patrocle, et que ne pouvait avoir reçue l’invulnérable Achille. Dans la Table iliaque, le corps d’Achille, défendu par Ajax et Ulysse, est représenté tout différemment. Sur le fronton du temple d’Égine des guerriers entourent Patrocle tombé, comme dans l’Iliade ; c’est le commencement de l’action dont le groupe de Patrocle et Ménélas représente la fin. A moins qu’il ne s’agisse ici d’Achille et non de Patrocle, comme le soutient Overbeck (gal., p. 544), cette fois avec de meilleures raisons que pour Pasquin.

[134] Au-dessous du palais Braschi. Dans l’origine on affichait en ce lieu, dit-on, les bulles et les indulgences. On avait trouvé le groupe en démolissant l’ancien palais Orsini, bâti comme le palais moderne sur l’emplacement du théâtre de Marcellus, que cette belle œuvre d’art concourait sans doute à décorer.

[135] Maintenant au fond de la cour du Musée Capitolin, auparavant au pied du Capitole, dans nu endroit appelé au moyen-âge Martis forum, d’où Marforio, près de l’Église de S. Martina, qui doit peut-être elle-même son nom à un temple de Mars. Ce double indice ferait supposer que près de là était le petit temple de Mars ultor (Dion Cassius, LIV, 8) tel qu’on le voit sur les médailles et qu’il ne faut pas confondre avec le grand temple de Mars vengeur, dont il subsiste de si beaux restes. On ne peut penser à celui-ci pour l’origine du Martis forum ; il en était trop loin. L’autre temple dédié à Mars vainqueur est indiqué sur le Capitole, ce serait pour sur le penchant du Capitole ; cette détermination topographique entraînerait celle du petit temple de Jupiter Feretrius, situé dit Dion Cassius, du même côté.

[136] Musée Capitolin, galerie. Beau fragment de bas-relief au Vatican (M. P. Cl., 548), suivant Visconti, qui le rapproche doublement de l’Iliade, en admettant que la femme, bizarrement accoutrée, sur laquelle s’appuye Vulcain, est une de ces figures d’airain auxquelles il avait donné le mouvement. Déjà sur le coffre de Cypsélus, Tuétis recevait de Vulcain les armes d’Achille.

[137] A Rome, je ne puis citer qu’une mosaïque trouvée près de la porte Saint-Laurent, le monument rond en porphyre du Capitole et l’autel de Faventinus (M. P. Cl., 44).

[138] Vill. Alb., Winck., M. inéd., 134-5. Andromaque, le sein nu, soutient la tête du cadavre porté devant elle ; le jeune Astyanax la suit en pleurant. Sur un autre bas-relief (M. Chiar., 690), on lit ces mots : Antinoi Adr. Cæs, consecr., mais il semble s’être rapporté primitivement aux funérailles d’Hector.

[139] M. Capitolin, sur un des côtés du sarcophage dit d’Alexandre Sévère.

[140] Ce bas-relief trouvé en Grèce établit l’origine grecque de ceux de Rome.

[141] Pindare, Nem., III, 64, VI, 52.

[142] Sur le coffre de Cypselus, avec les mères des deux héros (Pausanias, V, 19, 1). Sur le trône de l’Apollon d’Amyclée (ibid., III, 18, 7) ; plus tard, par Lycius élève et peut-être fils de Lysippe. (ibid., V, 22, 2.)

[143] Façade du Casin. Sujet révoqué en doute par Overbeck (gal., p. 528-9), on n’y voit point les mères, c’est-à-dire l’Aurore et Thétis, comme on les voyait dans le groupe de Lycius, et comme on les trouve sur plusieurs vases peints ; tout au plus, l’une d’elles est-elle cette femme voilée qui sort de terre, et l’Orient et l’Occident sont-ils représentés par deux fleuves, dont, en ce cas, l’un pourrait être le Nil.

[144] Vill. Borgh., salle des Hercules.

[145] Posthom., I, 69 et suiv.

[146] Posthom., 100 et suiv. Il paraît qu’Andromaque est représentée deux fois dans le même bas-relief ; la veuve tenant l’urne qui contient les cendres de son époux, et la mère auprès d’Astyanax.

[147] Iliade, III, 189.

[148] Galerie des Candélabres, 269.

[149] Déjà du temps de Phidias dans les peintures de Panænus à Olympie. (Pausanias, V, 11, 2.)

[150] M. P. Cl., 49.

[151] Voyez Overb.. gal., pl. XXI, et le texte, p. 506-11.

[152] Posthom., I, 665. Comme dans le bas-relief du Louvre.

[153] Posthom., I, 742.

[154] Pausanias, I, 22, 6. Pline (XXXIII, 55, 3) parle d’une coupe d’argent sur laquelle était ciselé l’enlèvement du Palladium, par Ulysse et Diomède, qu’on a retrouvé, coïncidence curieuse ! figuré sur un des vases d’argent de Bernay.

[155] Winckelm., M. inéd., 140.

[156] Philostrate (Voyez Overb., Gal., p.636) dit positivement que l’outrage fait à Cassandre est un mensonge des poètes. Sur le coffre de Cypsélus (Pausanias, V, III, 1) Ajax arrachait seulement Cassandre de l’autel. A propos des peintures de Pananus à Olympie (V, XI, 2) et de celles de Polygnote à Delphes et à Athènes (X, 26, 1. I, 15, 3), Pausanias emploie des expressions qui peuvent s’appliquer à un acte sacrilège aussi bien qu’à un acte impudique : Παρανόμημα, Τοίμημα. La violence est clairement exprimée dans Quintus de Smyrne, poète peu ancien (Posthom., XIII, 422) ; mais Virgile (Æn., II, 403) ne dit rien qui puisse la faire supposer. Aretinus, son modèle, ne parlait que de Cassandre arrachée à l’autel avec la statue de Minerve ; il en est de même d’Euripide dans les Troyennes (70.)

[157] Winckelm., M. in., 141.

[158] L’Odyssée avait aussi sa table Odyssiaque dont il reste des fragments qui viennent du palais Rondanini, à Rome. L’ensemble des aventures d’Ulysse était peint sur les murs des demeures opulentes (Pétrone, Satyricon, 29) ; Polygnote avait peint dans le temple de Minerve à Tégée (Pausanias, IX, 4, 1) le massacre des prétendants qui forme le dénouement du poème.

[159] Pausanias, V, 25, 5.

[160] Pausanias, V, 22, 2. Ulysse fut peint par Parrhasius (Pline, XXXV, 36, 10) et Aristophon (Pline, XXXV, 40, 43). Une épigramme de l’Anthologie (Anth. Plan., IV, 125) badine agréablement sur une peinture effacée par la mer, et qui représentait Ulysse auquel la mer fut toujours fatale.

[161] M. Chiar., 418 A. Ces fouilles ont été interrompues trop tôt, contre le désir de M. Visconti qui les avait commencées et qui poursuit avec un zèle infatigable et une méthode habile les fouilles toujours fructueuses d’Ostie.

[162] Ce bonnet fut donné à Ulysse pour la première fois par Nicomaque (Pline, XXXV, 56, 44 ; Pausanias, X, 26, 1 ; Servius, Æn., II, 44) ; seul, un scholiaste d’Homére, dit par Apollodore.

[163] Odyssée, IV, 185-226.

[164] M. P. Cl., 261.

[165] Vill. Alb., Winck., M. in., 161. Il y avait à Éphèse une Pénélope et une Euryclée de Thraso (Strabon, X, 4, 23) ; les deux sujets sont réunis sur des terres cuites, l’une d’elles est au musée Campana, maintenant à Paris, la Pénélope ressemble exactement à la statue du Vatican ; l’association avec Euryclée réfute l’opinion de Raoul Rochette, qui dans cette statue voyait une Électre.

[166] Odyssée, XIX, 480, l’action d’Ulysse est encore plus énergique, il saisit Euryclée à la gorge.

[167] M. Capit., sous le portique. Le cyclope qui n’a qu’un œil chez Homère et chez Théocrite en a ici trois. Un Polyphème jouant de la lyre, à la villa Albani ; celui-ci est réellement le Polyphème de Théocrite.

[168] M. Chiar., 701.

[169] Odyssée, IX, 547.

[170] Vill. Alb. Sindbad le marin sort aussi de prison en crevant l’œil unique d’un géant, comme Ulysse sort de l’antre du cyclope. Dans les Voyages de Sindbad sont d’autres contes dont l’origine est évidemment grecque ; le renard au moyen duquel Sindbad parvient à sortir du gouffre où il doit mourir de faim, ressemble au renard que suit Aristomène pour échapper à un sort semblable. On sait que la littérature philosophique et scientifique des Arabes leur est venue des Grecs ; ceci prouve qu’ils leur ont emprunté quelque chose aussi de leur littérature populaire.

[171] Opinion mise en avant sans beaucoup de succès par l’abbé Matranga, à l’occasion des peintures de l’Esquilin. D’autres placent, et ceci semble mieux s’accorder avec le récit de l’Odyssée, les Lestrigons en Sicile.

[172] Nuov. bracc. et Salle ronde. Pamphile avait peint Ulysse sur son vaisseau in rate (Pline, XXXV, 38, 94). Dans la première de ces mosaïques, les Sirènes sont elles-mêmes sur de petits esquifs.

[173] Une sirène de la villa Albani. (Winkelm., M. in., 46.)

[174] Leur culte était en rapport avec la religion des tombeaux. (Gher., Gr. Myth., § 553.)

[175] Dans les Phéaciens, tragédie perdue de Sophocle. (Fragment, éd. Didot, p. 294.)

[176] Odyssée, X, 492.

[177] Vill. Alb. Selon Winckelmann (M. in., p. 211), ils sont dans l’attitude que leur avait donnée Polygnote (Pausanias, X, 29, 4) d’après la Myniade (ibid. 28, 1). Ulysse tenait son épée pour écarter les ombres ; mais, dans la peinture de Polygnote, il était agenouillé au bord de la fosse où elles venaient boire le sang ; suivant Homère (XI, 48), assis ; dans le bas-relief, il tient aussi son épée, mais il est debout.

[178] Necyomantia Homeri, dit Pline (XXXV, 40, 7) en parlant d’un tableau de Nicias. Une épigramme de l’Anthologie (Anth. pal., IX, 792) nous apprend aussi que le type de la composition de Nicias était emprunté à Homère.

[179] Cicéron (de Div., I, 40) range Tirésias parmi les augures.

[180] Voyez Welcker (Gr. tr., p. 1336-1408). On trouve dans l’énumération des tragédies grecques imitées par les Romains, les titres d’un grand nombre de celles que nous avons perdues, et quelquefois les preuves de l’existence d’originaux qui nous sont tout à fait inconnus. C’est par Euripide que cette imitation a commencé ; d’Euripide on s’est élevé ensuite à Sophocle et à Eschyle. Ces imitations du théâtre grec étaient encore représentées au commencement du quatrième siècle (Welck., Gr. tr., p. 1478). Cela est important à noter ici parce que les bas-reliefs romains à sujets dramatiques grecs sont souvent d’une époque avancée ; leurs auteurs n’en ont pas moins pu avoir devant les yeux le spectacle des tragédies antiques et s’en inspirer.

[181] Romuli et Remi alimoniæ. Autel de Faventinus. (M. P. Cl., 44 ; ibid., 446, 465.)

[182] Dans un bas-relief, Oreste à le pied sur la hanche de Clytemnestre qu’il tient par les cheveux. Le désordre impétueux des scènes bachiques, fréquemment répétées sur les sarcophages, a pu contribuer encore à donner aux bas-reliefs romains dont les sujets sont dramatiques, et qui presque tous sont destinés à orner des sarcophages, ce caractère tumultueux, qu’on y remarque si souvent et qui diffère tant de la tranquillité des bas-reliefs grecs.

[183] L’Agavé de Stace était une pantomime, car ce fut au même Pâris qu’il la vendit. Ausone dit : Saltare Niobeu (epigr. 84.)

[184] Sujet plus rare que le meurtre d’Égisthe et de Clytemnestre avec lequel on l’a quelquefois confondu.

[185] M. Chiar., 687, Galerie des Candélabres, 82. Musée de Saint-Jean-de-Latran. Villa Albani. M. Welcker pense (Ep. cycl., p. 286-7) qu’un poète plus ancien qu’Homère avait traité ce formidable sujet ; il le fut à Rome par Livius Andronicus, Attius, Ennius, par Sénèque et plus tard par un poète nommé Maternus. (Welck., Gr. tr., p. 1488.)

[186] Euripide, Or., 527. Clytemnestre était pour la même raison demi-nue dans un tableau décrit par Lucien (de Dom., 25).

[187] Choeph., 1048.

[188] Deux Furies de Scopas. (Cl. Al., Protrept, 30 ; Pausanias, I, 28, 6.)

[189] Eumen., 51.

[190] Eumen., 147.

[191] Eumen., 40-3.

[192] Zopyros, artiste grec, avait sculpté sur deux coupes d’argent (Pline, XXXIII, 55, 2) le jugement d’Oreste. Winckelmann parle d’une coupe d’argent représentant le même sujet, à Rome, palais Corsini.

[193] Dans la galerie de tableaux des Propylées, Polygnote n’avait peint que le meurtre d’Égisthe (Pausanias, I, 22, 6). Plus tard, Théodore peignit le matricide. (Pline, XXXV, 40, 19.)

[194] Selon Winckelmann, un bas-relief (Mon. in.. Pl., 104, p. 139) donne seul l’explication complète d’un passage d’Œdipe à Colone, et tout le détail de la cérémonie de l’expiation s’y trouve. Cette interprétation n’est pas certaine.

[195] Sur la Table iliaque ; mais l’auteur a suivi l’Æthiopis d’Arctinus et non la tragédie de Sophocle ; rien ne fait allusion à l’égorgement des animaux que le héros dans son délire prend pour ses ennemis. Ajax se tue de désespoir parce qu’on lui a refusé les armes d’Achille, et non de la honte que lui cause sa démence, comme dans Sophocle. C’était ainsi qu’il était conçu dans le fameux tableau de Timomaque, d’après ce vers d’Ovide qui se rapporte à ce tableau :

Utque sedet vultu fassus Telamonius iram.

(Tristes, II, 1, 525.)

et où il n’est parlé que de colère et point de démence.

[196] Les bas-reliefs des urnes étrusques suivent toujours la tragédie de Sophocle transportée dans la langue latine par Attius (Ov., Gal., p.515). Le Philoctète assis (vill. Alb., bas-relief dans l’escalier du Casino) ressemble beaucoup à une personnification du mont Palatin sur un bas-relief du Vatican (M. P. Cl., 465). Cependant je crois que c’est un Philoctète à Lemnos, qu’on a peut-être copié sur le bas-relief du Vatican en changeant, comme il arrive assez souvent, le sens de la figure. Il semble que l’auteur du bas-relief Albani ait voulu attirer l’attention sur la jambe mise en avant, qui serait la jambe blessée ; les cheveux sont dans un certain désordre comme ceux du Philoctète peint dont parle le second Philostrate (18), et du Philoctète en bonze mentionné dans une épigramme de l’Anthologie (Anth. Plan., IV, 113). Le Philoctète très expressif de Pythagoras peut avoir été pour quelque chose dans l’origine de ces bas-reliefs. Une tête qui exprime une vive douleur (M. Chiar., 535) peut être une tête de Philoctète souffrant, d’après Sophocle et Pythagoras, ou d’après une peinture d’Aristophon. (Plutarque, de Aud. poet, 3.)

[197] D’après l’inscription, Ménélas, élève de Stéphanos qu’une autre inscription de la villa Albani nous apprend avoir été élève de Pasitélès.

[198] Anth. gr., III, p. 216.

[199] Hélène, dans Euripide (Or., 72) lui reproche d’être une vieille fille.

[200] Le mot mère est appliqué à Électre par elle-même dans les Choéphores d’Eschyle (240). Oreste que j’ai laissé à la mamelle, dit Iphigénie. (Iph. In Taur., 231 .)

[201] El., 108, 148, 241, 336.

[202] La Phèdre et l’Iphigénie en Aulide de Racine, l’Iphigénie en Tauride de Gœthe, la Médée de M. Legouvé où le sujet antique est traité très dramatiquement.

[203] La Phèdre, l’Hécube, la Médée, l’Hercule furieux de Sénéque, la Médée perdue d’Ovide.

[204] Iphigénie en Aulide, 1550. Euripide avait supposé également qu’Oreste couvrait ses yeux de son manteau avant de frapper sa mère. (El., 1221.)

[205] Overbeck en cite huit exemples. (Gal., p. 316.)

[206] Une Hécube dont parle Christodore. (Elphr., 179.)

[207] Je ne connais point à Rome de composition semblable ; mais deux bas-reliefs de Florence et deux peintures antiques de Naples peuvent, en tenir lieu.

[208] Salle des Hercules, 28 ; c’est l’opinion de Winckelmann. Raoul Rochette (M. in., pl. 57, p. 315) a attribué à Hécube une tête de vieille femme de la villa Albani.

[209] Vill. Alb., salles d’en bas ; palais Mattei, seconde cour ; Musée de Saint-Jean-de-Latran.

[210] Iph. in Taur., 621-4.

[211] Sur quelques bas-reliefs le dénouement diffère de celui d’Euripide, le roi Thoas est tué par Oreste ; ce dénouement était celui du Doulorestès, tragédie latine de Pacuvius ; M. Welcker suppose que Pacuvius l’avait emprunté à une tragédie grecque portant le même titre (Gr. tr., p. 1161-5), mais on n’a pas besoin de cette supposition, car Thoas pouvait être tué par Oreste dans une tragédie d’Eschyle dont le sujet était, ce semble, le même que celui d’Iphigénie en Tauride et qui avait pour titre : Ίρεϊαι (Esch., Fr. Did., p. 234) ; Lucien (Toxaris, 5-6) en dit autant d’une suite de peintures qu’on voyait dans au temple de Scythie consacré à Oreste et Pylade, et parmi lesquelles était la mort de Thoas.

[212] Dans plusieurs bas-reliefs ; dans celui dont faisait partie un groupe détaché à Saint-Jean-de-Latran ; selon Winckelmann, ce groupe a pour origine un tableau de Théodore que Pline désigne ainsi : Orestis insania, les fureurs d’Oreste. (Pline, XXXV, 40, 19.)

[213] Or., 801. Dans l’Iphigénie en Tauride, Pylade prend soin d’Oreste au moment où celui-ci est ressaisi par son égarement. Iph. en Taur., 281-311.

[214] Zoega en connaissait une dizaine ; le plus complet est celui d’Agrigente. A Rome, villa Panfili et villa Albani. De plus, une peinture dans les Thermes de Titus (Pitture dei Thermi di Tito, pl. 43), dont M. Thiersch a dit qu’elle expliquait l’Hippolyte d’Euripide. (Dissert., vet. artific. opera vet. poet. carm. explicari, p. 21.)

[215] Dans la Phèdre de Sophocle également perdue, la reine devait déclarer son amour elle-même, car la nourrice l’en détournait. (Welck., Gr. tr., p. 398.)

[216] Dans le bas-relief Panfili, Phèdre semble être en présence d’Hippolyte, c’est une illusion. Deux parties du sujet sont rapprochées comme il arrive souvent par les conditions du bas-relief, mais elles sont censées distinctes.

[217] Pline, Hist. nat., XXXV, 57, 2 ; Philostrate, II, 4.

[218] M. Chiar., 179 ; villa Albani.

[219] Welcker, Gr. tr., p. 545. On pourrait mettre, il est vrai, ce vers dans la bouche du chœur ; mais il va trop bien à la bassesse naïve des sentiments d’Admète pour le lui enlever. Dans tous les cas ce serait de la part du chœur qui moralisait toujours une triste morale.

[220] Ils nous montrent même l’avant-scène du drame : Médée aidant Jason à vaincre le dragon, villa Ludovisi (II, 17). Le dragon s’élance contre Jason, et Médée se prépare à l’endormir au moyen d’un gâteau soporifique.

[221] M. P. C., 603.

[222] Anth. gr., III, p. 294, et à en juger par une peinture de Pompéi.

[223] Anth. gr., ibid., et II, p. 499 ; Anth. Plan., IV, 138.

[224] Callistrate (13) décrit une Médée hésitant entre le désir de la vengeance et l’amour maternel, statue qui, dit-il, semblait, exprimer ces sentiments d’après Euripide.

[225] Euripide, Phéniciens, 1399-1424 ; Eschyle, Sept Chefs devant Thèbes, 894.

[226] M. P. Cl., 454.

[227] Il était ainsi sur le coffre de Cypsélus (Pausanias, V, 19, 1). Pythagoras avait représenté le combat d’Étéocle et Polynice. (Tat., Or. Ad Gr., 54.)

[228] On y voit aussi d’ordinaire une Furie derrière chacun des deux frères ennemis, figurant à l’extérieur celle qui remplissait leurs âmes. Sur le coffre de Cypsélus, prés d’eux, était une femme horrible, aux longues dents, aux ongles crochus, à peu près comme la Mort d’Orcagna, au Campo Santo de Pise. En effet, c’était une déesse de la mort, une Kèr, qu’ont remplacée les furies.

[229] Le chœur prédit seulement qu’il sera foudroyé. (Sept, 441-6.)

[230] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 19.

[231] M. Chiar., 150.

[232] Par plusieurs de ces poètes tragiques d’imitation ; dont les couvees plus récentes ont dû exercer sur l’art de l’époque avancée une action que nous ne pouvons apprécier. Pour Penthée, on nomme Jophon, Héoplion, Xénoclès, Héraclide, Lycophron. Il faut citer aussi à Rome Penthée, tragédie d’Attius, et Agaté, pantomime de Stace.

[233] Et un Penthée d’Eschyle.

[234] Musée du Capitole, salle des Colombes.

[235] Esch., Fr. Didot, p. 189.

[236] Il y a une femme dans un bas-relief du musée Pio-Clémentin, 251, qui par là se rapproche tout à fait du vers d’Eschyle que j’ai cité. Dans Hésiode (Op., 65), une femme est formée d’argile ; mais c’est par Vulcain, et cette femme est Pandore, que Prométhée ne créa point puisqu’il la reçut de Jupiter.

[237] M. P. Cl., 601. Visconti, dont Ot. Müller partage l’opinion, croit plutôt que les adversaires d’Hercule sont les Hippocoontides. Rien ne désigne ceux-ci ; leur nombre était différent. Les massues dont les adversaires d’Hercule sont armés indiquent plutôt des barbares, comme les Ligures.

[238] Strabon (IV, 1, 7) et Pline (III, 5. 4) désignent avec précision le lieu. On ne peut douter que ce champ de pierres ne soit la Crau.

[239] Müller (Arch., p. 711) ne juge pas impossible que des statues de Phrygiens avec des cratères, dont l’une est au Vatican, aient appartenu à un groupe faisant partie du chœur de Phrygiens dont la pièce d’Eschyle portait le nom.

[240] Overb., Gal., 465-6. Fragm. Soph., éd. Did., p. 264.

[241] Welck., Gr. tr., p. 130. Braun a refait toute une scène des Laconiennes, à l’aide des bas-reliefs, mais cette restitution est un peu risquée.

[242] Welck., Gr. tr., p. 75.

[243] Ibid., p. 892. Statues d’Icare dans des bains à Constantinople. (Anth. gr., II, p. 408-9)

[244] Herder a eu le premier cette idée, comme le reconnaît M. Welcker qui la partage. (D. akad. K. Mus. in Bonn., p. 154,)

[245] Dans Arctinus, qui suivait l’ancienne tradition épique, les serpents ne tuaient qu’un des enfants avec son père ; les auteurs du Laocoon ont dû puiser à une autre source puisqu’ils ont supposé deux enfants, ce qui convenait mieux à la symétrie du groupe sculptural.

[246] Hyg., 155.

[247] Cicéron, ad Fam., VII, 1.

[248] En général, leur exécution est médiocre et évidemment romaine, sauf peut-être celui de la villa Albani (escalier). Un seul, transporté de la villa Borghèse à Paris, a mérité que Meyer y ait cru voir une imitation du style de Phidias, ce serait plutôt du style de Scopas. A Venise est un bas-relief des Niobides, venu de Grèce, qui montre que les bas-reliefs romains sur ce sujet ont été précédés par des bas-reliefs grecs.

[249] Pausanias, I, 23, 10. Ce caractère théâtral se montre aussi dans une peinture de Pompéi, une des Niobides semble déclamer en s’adressant aux spectateurs.

[250] En parlant d’une Niobide, Feuerbach (Vat. Apoll., p. 342) dit que son attitude tendue est manifestement calculée pour l’effet tragique. Il ajoute : Le mouvement des Niobides n’est pas autre chose qu’une danse tragique.

[251] Peut être aussi Euripide, mais Hermann rejette l’existence d’une Niobé d’Euripide. (Esch., Fragm., Did., p. 218.)

[252] Iliade, XXIV, 602. La tradition n’avait pas encore atteint le caractère tragique que le théâtre devait lui donner ; Homère dit, dans sa naïveté, que la douleur de Niobé ne l’empêchait pas de manger.

[253] Welck., Gr. tr., p. 291.

[254] Galerie des Candélabres, 204 ; M. Chiar., 457 ; M. de Saint-Jean-de-Latran.

[255] Fragm. Soph., éd. Did., p. 310.

[256] Ou chassant sur le Cithéron. (Apollodore, III, 5, 6, 3.)

[257] Sur un sarcophage au musée de Saint-Jean de Latran.

[258] Ov., Gal., p. 316 ; Esch., Fragm., Did., p. 219.

[259] Ovide a imité Sophocle selon M. Welcker.

[260] Dans le temple de Cyzique étaient sculptés des sujets tragiques empruntés surtout à Euripide. (Fragm. Eurip., Did., p. 773.)

[261] Galerie des Candélabres, 112. On a cru reconnaître sur un de ces bas-reliefs les trois portes du théâtre (Feuerbach, Ap. Vat., p. 331) ; ce serait une preuve bien manifeste que l’auteur du bas-relief pensait à une représentation dramatique. Il ne paraît pas que ce prît être une représentation donnée surun théâtre romain, car la Protesilaodamia, attribuée à Navius, n’était point une tragédie et n’était point de Navius (Welck., Gr. tr., p. 1368-1372). Les signes bachiques, masque, thyrse et cymbales, qu’on remarque sur un bas-relief, font-ils aussi allusion au théâtre ? Je crois que c’est plutôt une de ces allusions aux mystères de Bacchus que nous verrons être si fréquentes sur les bas-reliefs des monuments funèbres.

[262] Il en existe à peu près dans toutes les collections. M. Welcker pense, d’après les fragments de la tragédie d’Euripide, que les événements de la chasse étaient racontés, et l’incident du tison jeté dans le feu par Althée représenté sur la scène. (Gr. tr., p. 157-9.)

[263] Ce sujet fut souvent traité depuis, en Grèce, par Aristias, Sosiphanès, Antiphon ; à Rome, par Attius, qui avait traduit Euripide, par Ennius et Gracchus. Les tragédies de ceux-ci furent les sources immédiates des bas-reliefs romains.

[264] Pausanias, X, 57, 2. Il n’est pas encore question de cet amour chez Homère (Iliade, IX, 544). La dispute pour la peau et la tête du sanglier de Calydon amène une guerre entre les Étoliens et les Curètes dans laquelle survient le meurtre des frères d’Althée. Althée, dans son ressentiment, se décide à brûler le tison auquel les jours de son fils sont attachés. Le fond de la tragédie est donc déjà dans Homère, comme les bas-reliefs de la chasse de Calydon étaient en germe dans cette chasse sculptée par Scopas sur le fronton du temple de Minerve à Tégée (Pausanias, VIII, 45, 4) et dans laquelle figurait Atalante.

[265] Atalante paraissait dans la tragédie d’Eschyle, car elle lui donnait son nom.

[266] O. Müller a dit que les urnes étrusques étaient avec Hygin la meilleure source d’où pourrait sortir la reconstruction des tragédies grecques perdues ; ces caves avaient des modèles grecs.

[267] Palais Spada. M. Capitole, salle des empereurs.

[268] Andromède attachée par les bras au rocher, telle que l’a peinte Ovide (Met., IV, 58), telle que la montrent les peintures antiques et les planisphères célestes et telle qu’elle paraissait au commencement de la tragédie d’Euripide, selon M. Welck. (Gr. tr., p. 616), qui décrit avec beaucoup de vraisemblance toute la décoration, Andromède en cet état ne figure sur aucun bas-relief ; mais à Rome on peut retrouver cette première scène de la tragédie perdue d’Euripide dans l’Andromède du Guide au palais Farnèse. En présence de cette blanche figure de femme, Persée pourrait s’écrier encore : Quelle est cette image d’une belle vierge de marbre ? (Fragm. Eurip., p. 649) et nous prouvons dire avec Ovide (Met., IV, 61) : Marmoreum ratus esset opus.

[269] Lucien semble avoir tracé, d’après l’original de ce bas-relief, la description qu’il fait de Persée, tendant la main pour soutenir la jeune fille qui descend du rocher sur la pointe des pieds. (Luc., Dial. Mar., XIV, 3.)

[270] Fragm. Eurip., Did., p. 659. Welck., Gr. tr., p. 655.

[271] Sophocle, avant Euripide, avait aussi composé une tragédie d’Andromède, et, après lui, Lycophron ; à Rome, Livius Andronicus, Attius, Ennius.

[272] Welck., Gr. tr., p. 661.

[273] Welck., Gr. tr., p. 652. Comme dans un bas-relief d’Euripide. (Pausanias, II, 27, 2.)

[274] Welck., Gr. tr., p. 648.

[275] Pausanias, I, 23, 8.

[276] Dion Chrysosthome, Or., 37.

[277] Aussi leurs images étaient-elles réunies à Épidaure (Pausanias, II, 27, 2) dans un bas-relief où Bellérophon combattait la Chimère ; ce sujet n’est reproduit par aucun bas-relief romain, mais le Bellérophon faisant boire Pégase, du palais Spada, reproduit vraisemblablement l’action de quelque célébre statue de l’antiquité.

[278] La Chimère, comme tous les êtres monstrueux, est ancienne dans la mythologie et, dans l’art grec : elle était déjà figurée sur le trône d’Amyclée. Je ne vois guère à Rome que celle de la villa Albani, très refaite, bien inférieure à la Chimère en bronze de Florence.

[279] Iliade, VI, 200-2.

[280] Welck., Gr. tr., p. 787.

[281] Fragm. Eurip., Did., p. 683.

[282] Welck., Gr. tr., p. 792.

[283] Ils ne sont pas, ils ne sont pas. (ibid., p. 683.)

[284] Pindare, Isthm., VII, 44-7 ; Anth. Plan., VII, 683.

[285] Ce voyage aérien pouvait s’exécuter sur la scène, car Pollux nous parle des machines au moyen desquelles Persée et Bellérophon étaient suspendus dans les airs.

[286] M. Chiar., 186.

[287] Fr. Eurip., p. 687.

[288] Vill. Borgh., salle I. Winckelmann a remarqué que ce bas-relief n’était pas conforme à la tradition ordinairement reçue ; que l’on n’y voyait rien qui rappelât Télèphe né furtivement et exposé par sa mère sur une montagne ; car il est remis à une femme assise sur une chaise, et par conséquent dans une maison. La version d’Apollodore (II, 7, 4, 1) suivant laquelle le père d’Augé fait exposer l’enfant aussitôt après sa naissance ne s’accorde pas mieux avec le bas-relief. Quelques vers conservés (Welck., Gr. tr., p. 764) semblent prononcés par Augé demandant à qui elle peut confier son enfant ; ce qui se rapporterait à la donnée du bas-relief. Mais chez Euripide tout cela a dû se passer en plein air, car Télèphe, dans la tragédie de ce nom, disait positivement que sa mère était accouchée sur le mont Parthénius (Fragm. Eurip., Did., p. 788). La substitution du palais à la montagne serait du fait d’Attius, qui avait écrit un Télèphe, et c’est le tragique romain qu’aurait suivi en cela l’auteur du bas-relief.

[289] M. P. Cl., 540. Winckelmann pensait que cet enfant porté par Hercule pouvait être Ajax ; mais le bas-relief Borghèse, très semblable au groupe du Vatican, présente la biche, qui, quoi qu’on en ait pu dire, convient moins à Ajax qu’à Télèphe.

[290] Sur l’autel de Faventinus, M. P. Cl., 44, si c’est bien ce sujet qui y est figuré.

[291] Sur le fronton postérieur du temple de Minerve à Tégée (Pausanias, VII, 45, 4.)

[292] Overbeck, Gal., p. 501.

[293] Welck., Gr. tr., p. 823, 4.

[294] Il y avait du reste un Orphée dont l’auteur était Aristias, contemporain de Sophocle, et par conséquent du bas-relief Albani, qui date du plus beau temps de l’art grec.

[295] M. P. Cl., 621.

[296] Gr. tr., p. 352.

[297] Aussi bien que celle de Sophocle sur le même sujet et les Péliades de Gracchus.

[298] Musée de Saint-Jean-de-Latran.

[299] Il y avait bien une Alopé de Chérilus, poète antérieur à Eschyle (Pausanias, I, 14, 2), mais comme, avant Eschyle, la tragédie se composait d’un chœur et d’un seul personnage qui récitait une mélopée dans les intervalles des chœurs, les scènes à plusieurs personnages du bas-relief ne pouvaient se trouver dans l’Alopé de Chérilus.

[300] Galerie des Candélabres, 191.

[301] Plaute, Mostell., V, 1, 44. Interim hanc aram occupaho. Ce jeu de scène devait être fréquent, car on voit plusieurs auteurs comiques assis de la sorte sur des autels.

[302] Le Condylium de Plaute d’après le Dactylion de Ménandre.

[303] Gherard, St. r., II, 2, p. 265.

[304] Galerie des Candélabres, 177.

[305] Rud., IV, 4, 114 et suiv.

[306] Galerie des Candélabres, 99. On retrouve l’ensiculus, la scurricula ; on voit la lunula mentionnée dans l’Epidicus de Plaute, VII, 34.

[307] Villa Albani, avant l’entrée du Coffee-house.

[308] Antiphile et Calatès avaient peint des scènes comiques (Pline, XXXV, 37, 2) et Chalcostène était renommé pour ses statues d’acteurs (XXXIV, 19, 37).

[309] Musée étrusque du Vatican.

[310] Ainsi une peinture antique remplace Œdipe devant le Sphinx par un Satyre dans le costume de théâtre qui exprimait la villosité de ce genre de personnage, et faisant au Sphinx pour l’attendrir l’offrande d’un oiseau.

[311] Quand le grave Pindare lui-même peignait Hercule dévorant deux bœufs tout chauds et faisant croquer leurs os sous sa dent vorace (diss. Pindare, Fr. select., p. 245), comment l’auraient ménagé les auteurs de drames satyriques ? Pour guérir Hercule de cette fureur tragique dont l’égarement l’entraina au meurtre de sa femme et de ses fils, on poussa l’audace jusqu’à le faire traiter par Silène comme les apothicaires de Molière voulaient traiter M. de Pourceaugnac. C’est le sujet d’une épigramme de l’Anthologie. (Anth. gr., III, p. 319.)

[312] M. P. Cl., 564. Hercule ivre est soutenu par une femme et deux satyres. (Villa Albani.)

[313] Sur le bas-relief des exploits d’Hercule. (Villa Ludovisi.)

[314] Salle de l’Esope.

[315] Je ne parle que de celles qui sont à Rome, mais presque toutes celles qu’on voit ailleurs y ont été. L’étude que je fais dans les musées romains vaut pour tous les autres musées. Elle a à Rome cet intérêt particulier qu’elle est en même temps une étude d’histoire locale, car les monuments qu’elle considère ornaient l’ancienne Rome comme ils décorent la nouvelle, et, par ce qui est encore, nous montrent en partie ce qui a été.

[316] Les sujets de ces anciens bas-reliefs qu’on voit le plus souvent reproduits sont : parmi ceux du coffre de Cypselus (Pausanias, V, 19), plusieurs exploits d’Hercule, le jugement de Pâris, Thétis recevant de Vulcain les armes d’Achille, Ajax arrachant Cassandre de l’autel ; parmi ceux du trône d’Apollon à Amyclée, divers exploits d’Hercule, les funérailles d’Hector, la chasse du sanglier de Calydon, l’enlévement des Leucippides ; parmi ceux du temple de Minerve Chalciœcos à Sparte (Pausanias, III, 17, 3), bas-reliefs probablement en bronze, encore l’enlèvement des Leucippides, la plupart des hauts faits d’Hercule ; parmi ceux du trône de Jupiter à Olympie (Pausanias, V, 11, 2), les enfants de Niobé atteints par les flèches d’Apollon et de Diane, guerriers (Hercule, Thésée) combattant des Amazones.

[317] On se rend raison d’une figure isolée quand on la retrouve dans le bas-relief complet, dont elle a fait d’abord partie et où elle avait sa signification véritable ; on voit ainsi qu’un enfant qui boit dans une coupe (Gal. des Candélabres) est un petit Jupiter, en rapprochant cette figure isolée d’un bas-relief (musée de Saint-Jean-de-Latran, Garrucci, pl. 29) où la présence de la chèvre Amalthée, montre que l’enfant qui boit est Jupiter.

[318] Bacchus jouant avec un tigre, Silène tenant une coupe.

[319] Pline, Hist. nat., XXXV, 35, 1.

[320] Pausanias, X, 26, 1.

[321] M. P. Cl., 10. La chlamide sur le bras gauche désigne le chasseur. Il y a des traces de l’épieu. (Müller, Arch., § 419, 3.)

[322] A la villa Borghèse (salon, 8) est un autre Méléagre très inférieur à celui du Vatican, mais plus robuste et par cela plus semblable à l’ancien type héroïque. Un troisième, également plus fort, plus carré et, selon M. Feuerbach, plus beau que les deux autres, a été trouvé près de Santa-Severa, grâce aux fouilles de feue madame la duchesse de Sermoneta ; il n’est plus à Rome. D’un quatrième Méléagre (M. Chiar., 455 ) on a fait un empereur romain, métamorphose malheureuse, car, en général, les empereurs romains n’ont pas été des héros.

[323] Pausanias, VIII, 45, 4.

[324] Pausanias, X, 31, 1. Mais Polygnote, fidèle à l’ancien type héroïque, l’avait peint barbu.

[325] Pline, XXXV, 36, 9.

[326] Pausanias, I, 15, 2. Le combat de Thésée contre les Amazones avait été peint aussi dans l’intérieur du temple de Thésée par Polygnote et Micon (ibid., I, 17, 2), ainsi que le combat des Centaures et des Lapithes.

[327] Pausanias, I, 18, 1.

[328] Pausanias, V, 11, 2. Les uns disent son frère, les autres son cousin, probablement son cousin. Le mot de frère pour parent est encore employé à Rome dans l’usage populaire comme il l’était dans l’antiquité. C’est ainsi que ceux qui sont appelés dans l’Évangile les frères du Seigneur étaient plus vraisemblablement ses cousins.

[329] Gesch. d. gr. Künstl., II, p. 254-5. M. Brunn, établit très bien, ce me semble, qu’il faut lire dans Pline Théon le nom du peintre Théoros. Il rapporte à Théon les ouvrages mis sous le nom de ce prétendu Théoros et dont le caractère convient parfaitement à ce que nous savons de Théon.

[330] Pausanias, V, 11, 2.

[331] Peint par Polygnote (Pausanias, I, 22, 6.), plus tard par Athénion. (Pline, XXXV, 40, 9.)

[332] L’Andromède d’Évanthès, peintre d’Alexandrie (Brunn, II, p.288), avait une robe longue et fine (Ach. Tai., III, 6 suiv.) comme l’Andromède du musée Capitolin. Nicias avait peint aussi une Andromède (Pline, XXXV, 40, 8) et une Andromède délivrée, si, comme il est vraisemblable, la composition de ce tableau nous est rendue par une peinture que décrit Philostrate. (I, 28.)

[333] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 4.

[334] Valère Maxime, VIII, 11, ext. 5.

[335] Lucien, Zeuxis, 3-4. Philostrate, Im., II, 5. M. P. Cl., 75.

[336] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 44. Visconti a signalé quelques rapports entre des peintures de Polygnote et des bas-reliefs dans lesquels ont été transportés des scènes et des personnages qui figuraient dans son Évocation des morts (Nekuya), par exemple Ocnus tissant une corde de jonc qu’un âne dévore toujours.

[337] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 15.

[338] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 18.

[339] Pline, Hist. nat., XXXV, 19, 29.

[340] M. Chiar., 596. Quelquefois, au lieu d’un enfant, un homme, bas-relief représentant des funérailles. (M. Cap., salle des Philosophes.)

[341] M. P. Cl., 422. Il met du bois au feu. (M. Chiar., 134.)

[342] Pline, Hist. nat., XXXV, 56, 10. M. Cap., salle du tombeau dit d’Alexandre Sévère.

[343] Je parle d’une statue isolée de Thésée, comme étaient le Thésée de Parrhasius et celui d’Euphranor, non de Thésée faisant partie d’un groupe, combattant par exemple le Minotaure (villa Albani). Celui-là avait son modèle au Théséion d’Athènes.

[344] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 9.

[345] Les articulations de ses figures étaient fortement accusées, ses têtes grosses. (Pline, XXXV, 40, 4.)

[346] Les cavaliers d’Épaminondas (Pausanias, I, 3, 3) dans le combat des Thébains et des Athéniens à Mantinée. Un vrai tableau de bataille, chose rare dans l’antiquité.

[347] Et même sensualiste. Son Archigalle et son tableau de Méléagre et Atalante eurent la honte d’être agréables à la lasciveté de Tibère (Suétone, Tibère, 44). Parrhasius se vantait d’être un voluptueux, et quelques-unes de ses peintures le prouvaient trop. (Pline, XXXV. 36, 11.)

[348] Elegantiam capilli venustatem oris (Pline, XXXV, 36, 7). Lysippe aussi excellait à donner de l’élégance à la chevelure.

[349] Argutias vultus (ibid.). Pline se sert de ce mot argutiæ en parlant de Lysippe.

[350] Villa Ludovisi, première salle, très altérée. Villa Albani, au-dessous de la terrasse du jardin ; de même.

[351] Pausanias, X, 30, 5. Marsyas avait été remplacé, dans un groupe qu’on voyait à Rome dans les Septa (Pline, XXXVI, 5, 17), par Pan, qui le remplace également dans différents groupes.

[352] Villa Albani, Coffee-house ; M. Chiar.

[353] Pline, Hist, nat., XXXV, 56, 6.

[354] Dans un tableau décrit par le second Philostrate (5) il y avait aussi un Scythe aiguisant le fatal couteau, et des satyres affligés. L’affliction de ces satyres est remplacée dans un bas-relief (gal. des Candélabres, 55) par la tristesse d’Olympus.

[355] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 6.

[356] Galerie des Candélabres, 49, 115.

[357] Tat., Or. art Gr., 54, 24.

[358] Æn., VI, 24.

[359] III, 1, 4, 2.

[360] Les Crétois d’Euripide (Welck., Gr. tr., p. 801-3).

[361] Ovide, Tristes, II, 1, 395.

Impia nec tragicos tetigisset Scylla cothurnos.

[362] L’Æole d’Euripide.

[363] Suétone, Caligula, 57.

[364] Fea, Osserv. sulla Leda, 1802, 1821.

[365] M. Capit., cabinet réservé. Villa Albani. Celle-ci rêve les yeux au ciel et semble accuser la fatalité. Villa Borgh., salle VI, 10.

[366] Ibid., Salle I. Bibliothèque de Saint-Marc. Une composition analogue est reproduite sur un beau bas-relief que possède un sculpteur distingué, M. Wolf, établi à Rome.

[367] L’une sur un bas-relief de Thessalonique (Müller, Att., II, 44), l’autre sur un bas-relief d’Argos qui est au Musée britannique. (Müller, Arch., p. 520.)

[368] Varron, de Ling. lat., V, 31. Cicéron, Verrines, II, 4, 60. Tat., Or. ad Gr., 55.

[369] M. P. Cl., 130. La Restauration a accommodé en Europe et Jupiter une Victoire mettant un genou sur un taureau d’après le groupe de Ménechme.

[370] C’est une scène de centaures marins et de néréides.

[371] Properce, III, 29, 4.

[372] Les Danaïdes, troisième partie de la trilogie dont les Suppliantes formaient la première.

[373] Leur attitude est semblable à celle des nymphes qui ornaient les fontaines et tenaient devant elles un vase ou une coquille. C’est que les Danaïdes étaient en rapport avec les eaux ; elles avaient rendu fertile la plaine d’Argos en y découvrant des sources (Strabon, VIII, 6, 8) ; une Danaïde de Berlin a été trouvée dans les thermes d’Agrippa. On a appelé sans motif ces Danaïdes ou nymphes des Appiades, nom de statues qui décoraient le forum de César, parce qu’on en a trouvé plusieurs près de la basilique de Constantin, sur ce que l’on croyait à tort l’emplacement du forum de César.

[374] M. P. Cl., 405. Un autre, galerie des Candélabres, 89, en petit.

[375] Pline, Hist. nat., XXXVI, 31, 2.

[376] Le bonnet phrygien qu’elle porte a fait donner à une tête de la villa Ludovisi (II, 13) le nom d’Hésione. Ce peut être aussi Électre, femme de Dardanus, qui porte également le bonnet phrygien (Müller, Arch., p. 719).

[377] Hippodamie déjà sur le coffre de Cypsélus                (Pausanias, V, 17, 4) et peinte à Olympie par Panænus (ibid., V, 11, 2).

[378] Il est curieux de rapprocher une Daphné antique changée en laurier de la villa Borghèse (S. III) et celle du Bernin, qui est dans le même palais (salles d’en haut) ; la première, conçue plus simplement, est droite, rigide, et s’enracine comme un tronc d’arbre ; la seconde, jetée hardiment en avant, court encore, tandis que de ses mains poussent déjà des rameaux.

[379] M. P. Cl., 414. On s’accorde maintenant à y reconnaître un bracelet. En effet, des bracelets ayant la forme de serpents se voient à d’autres statues et ont été retrouvés dans des tombeaux. Cette sorte de bracelet s’appelait des serpents. Peut-être est-ce bien un serpent qui entoure le bras d’Ariane ; ce pourrait être alors la désignation d’une source, l’image du génie du lieu, ou bien, comme le serpent était le symbole de la vie et que l’Ariane du Vatican est fort semblable par l’attitude à l’Ariane figurée dans diverses représentations des Orgies sacrées de ce dieu, le serpent est-il ici ce qu’il est dans la ciste mystique, qui paraît aussi très fréquemment dans ces représentations, un signe de l’immortalité qu’enseignait les mystères ; les bacchantes y portent des serpents enroulés autour des bras ; on en voit un au bras d’une figure funèbre couchée sur un tombeau (M. P. Cl., 73).

[380] Pausanias, I, 20, 2.

[381] Sur une médaille de Périnthe qui ne permet guère de méconnaître Ariane dans la figure endormie du Vatican. Un groupe à Mégare (O. Müller, Arch., p. 601 ; Att., II, 417).

[382] Elle est imitée d’une ligure du Parthénon, mais moins simple et moins parfaite (Beulé, Acropole d’Athènes, II, p. 79).

[383] Calliplocamos. Iliade, XVIII, 592.

[384] M. Capit., salle du Gladiateur, si cette Ariane n’est pas un Bacchus ; salle du satyre ; Galerie.

[385] Philostrate, Im., I, 14.

[386] I, 15. Ce tableau ne devait pas être d’une époque bien ancienne, car le peintre avait fait intervenir des Amours dans cette scène fatale pour lui donner un air galant. Les Philostrates ont décrit aussi deux tableaux où paraissait Hippodamie. (Philostrate, Im., I, 16. Philostrate, Jun., 10.)

[387] Pline, Hist. nat., XXV, 40, 8. Brunn, II, p. 172.

[388] Pline, Hist. nat., XXXV, 37, 2. Europe dans le portique de Pompée, Hésione dans le portique d’Octavie. A la villa Albani (Coffee-house), Hésione délivrée par Hercule, mosaïque qu’on peut regarder comme une copie du tableau d’Antiphile.

[389] Pline, Hist. nat., XXXV, 35, 56. Philostrate (I, 14) décrit une Ariane endormie. Une partie du corps était nue comme dans les Arianes peintes de Pompéi.

[390] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 33, sous Crésus, entre la 55e et la 58e olympiade. C’est à cette époque qu’il faut placer ce Théodore. Voyez Smith, Dict. of Gr. and Rom. biogr. and mythol., III, p. 1060-1.

[391] Selon Pausanias (VI, 18, 5) à partir de la 59e olympiade.

[392] Phidias introduisit son image dans une œuvre de sa composition (un combat d’amazones), à la manière des artistes de la Renaissance, Apelles fit son propre portrait (Ant. gr., III, p. 218), comme presque tous ces artistes ont fait le leur, à moins qu’on ne l’ait confondu avec le sculpteur Apellas. (Brunn, Gesch. de gr. Künstl., I, p. 287.)

[393] Un au Vatican (M. P. Cl., 496), plusieurs au Capitole (Salle des Philosophes) Un seul Homère a les yeux fermés ; les autres ont, si l’on peut parler ainsi, le regard d’un aveugle. Trois prétendus Apollonius de Tyane, au musée Capitolin, sont des Homères.

[394] Visconti distingue trois types d’Homère, probablement d’après trois artistes qui avaient exprimé un peu différemment le thème idéal. Il dut en exister plus de trois : chacune des sept villes rivales dut produire le sien.

[395] Pariunt desideria non traditi voltus ut in Homero evenit. (Pline, XXXV, 2, 6.)

[396] Par Dionysius, antérieur à Phidias. C’est la plus ancienne image d’Homère dont il soit fait mention ; elle était avec celles d’Orphée et d’Hésiode. (Pausanias, V, 26, 2.)

[397] Strabon, XIV, 1, 37. Élien, Var., XIII, 22.

[398] Homère crachant et les autres poètes occupés à recueillir ce qui était sorti de sa bouche (Élien, Var., XIII, 22).

[399] J’attribuerais volontiers cette origine à l’Homère du Vatican (M. P. Cl., 496) qui me paraît s’éloigner quelque peu du type traditionnel et dont la physionomie à je ne sais quoi de plus moderne.

[400] Selon M. Raoul Rochette, un bas-relief relégué dans les magasins du Vatican fait allusion à cette belle conception homérique.

[401] L’Apothéose d’Homère, longtemps à Rome dans le palais Colomia aujourd’hui à Londres dans le British Museum.

[402] Tat., Adv. gr., 55. Anth. gr., III, p. 45. L’auteur de l’épigramme dit que ce portrait était placé en regard de celui des Sages (έμπρόσθεν). Ésope, qu’il ne faut point juger sur les fables que nous avons, et qui sont certainement apocryphes, avait composé, outre des apologues, des poésies qui sont louées par Himerius (Or., XX, 2 ) comme donnant des dieux une idée plus élevée que celles d’Homère et de ses imitateurs. L’expression de Phèdre :

Æsopo ingentem statuam posuere Attici.

Les Athéniens élevèrent une grande statue à Ésope, ne peut s’appliquer à celle-ci, qui est très petite ; mais rien n’empêche qu’elle ne soit une réduction d’aprés Lysippe ou Aristodème. Elle prouve, dans tous les cas, l’antiquité de la tradition d’après laquelle Ésope était contrefait, bien que Bentley ait avancé que cette tradition n’était pas antérieure à Planude.

[403] Je ne sais pourquoi O. Müller (Arch., p. 728), affirme que les portraits des Sept sages sont de pure invention. L’art du portrait pouvait exister de leur temps, car Théodore avait fait le sien, et l’époque où vécut cet artiste n’est pas éloignée de la 56e olympiade, et, par conséquent, de l’âge où vécurent les sept sages de la Grèce.

[404] Salle des Muses. Les noms de Bias (529), de Périandre (359), sont inscrits sur leurs bustes. Thalès (197) a été reconnu par Visconti au moyen d’un Hermès double dont l’autre tête est une tête de Bias.

[405] Diogène Laërte, Per.

[406] On l’a trouvé à Rome, sur l’Aventin, représenté en mosaïque. Sa devise : Connais-toi toi-même, l’a révélé. L’Aventin fait penser à une décoration de la bibliothèque de Pollion.

[407] M. P. Cl., 592. Selon Visconti, plutôt Homère ou Tirésias, mais, ce me semble, pas assez idéal pour être un Homère ou même un Tirésias. De plus, ses yeux fermés ne sont pas d’un aveugle, mais d’un endormi.

[408] M. Chiar., 733, avec le nom. Une statue fut élevée à Solon assez longtemps après sa mort (Diogène L., Sol.). Il y en avait une devant le Pœcile. (Pausanias, I, 16, 1.)

[409] Visconti trouve quelque ressemblance entre le buste du Vatican, III, buste nommé, et la tête de Pythagore sur les médailles de Samos ; il rejette le Pythagore du Capitole. M. P. Cl., VI, p. 39.

[410] M. P. Cl., 515. M. Capit., s. des Phil. Vill. Alb., s. d’Orphée.

[411] Socrate avait été (Pline, XXXV, 38, 12) peint par Nicophane, ami de l’élégance (XXXV, 36, 46) ; ce portrait plaisait à tous ; Nicophane avait sans doute adouci la laideur de Socrate, comme on a fait dans quelques bustes.

[412] Celui du Capitole (galerie) est faux ; l’on a estropié le nom du philosophe, au lieu de Platôn, on a écrit Platones !

[413] Musée de Naples, salle des grands bronzes.

[414] On a vu aussi dans ce buste Speusippe neveu de Platon et qui avait le col penché.

[415] Diogène Laërte, Plat. Silanion était contemporain de Lysippe, il pouvait avoir vu Platon.

[416] On lit sur la base de cette remarquable statues en caractéres grec : Arist....

[417] Christodore, Ekphr., 17.

[418] Sidoine Apollinaire, IX, ep., 9.

[419] Cicéron indique un portrait d’Aristote à Rome. (Ad Att., IV, 10.)

[420] Pausanias, VI, 4, 5. Diogène Laërte, V, 1, 2.

[421] Attribuée au sculpteur Ammonius. Élien, Var., 14, 1.

[422] On a trouvé à Athènes la base d’une statue élevée à Aristote par Alexandre (Welck., Syllog., 140).

[423] La menace adressée par Alexandre (Plutarque, Alexandre, 55) à ceux qui lui on envoyé Callisthène pourrait s’appliquer à Aristote.

[424] Diogène Laërte, V, 12, 14.

[425] Villa Albani, salle du bas-relief d’Orphée.

[426] M. Chiar., 719, 598. Les bustes de Carnéade doivent être comparés avec le buste nommé, de la collection farnésienne.

[427] Vat., M. P. Cl., 498, Musée Capitolin, salle des Philosophes, deux bustes ; on les a déterminés au moyen d’un buste en bronze trouvé à Herculanum, sur lequel on lit le nom d’Épicure.

[428] Avec le nom de tous deux. M. Capit., salle des Philosophes. C’est au moyen d’un Hermès double semblable à celui du Capitole que Visconti a déterminé le buste de Métrodore, M. P. Cl., 509.

[429] M. P. Cl., 507.

[430] Villa Albanie, hémicycle. Visconti l’a déterminé ingénieusement au moyen de l’une des deux têtes que présentent les médailles de la ville de Soles, qui n’était, dit-il, fameuse que pour avoir produit Chrysippe et Aratus ; l’autre tête serait celle d’Aratus ; Crantor était aussi de Soles (Diogène Laërte, IV, 5, 1) mais il n’atteignit pas la vieillesse. Une statue de Chrysippe était à Athènes dans le Céramique. (Diogène Laërte, XIII, 7, 4.)

[431] Le Posidonius, qui a passé de la villa Borghèse au Louvre. Ses mains sont dans la même position que celles de l’Aristote décrit par Christodore (Ekphr., 18). Le Posidonius du Capitole est très douteux.

[432] M. P. Cl., 620. Visconti a abandonné cette attribution, fondée sur une erreur de médailles. M. Gherard (St. R., II, 2. p. 243) la rejette. Dans tous les cas, la tête n’appartient pas au corps, car l’une est en marbre de Carrare, l’autre en marbre grec.

[433] M. Capit., salle dite du Gladiateur, 17. Bellori avait lu ZÉNON sur une statue qui ressemblait à celle du Capitole.

[434] Le premier original de cette statue en marbre était sans doute la statue de bronze que les habitants de Citium, patrie de Zénon, lui élevèrent (Diogène Laërte, Zénon).

[435] Στυγνόν xαί πιαρόν ; au visage contracté, renfrogné, selon Sidoine Apollinaire (IX, Ep., 9).

[436] De plus Zénon le stoïcien était mince, ίσχυές, et la statue du Capitole est trapue. Mais il ne faut pas attribuer trop d’importance à ce que dit Diogène de Laërte de la gracilité du stoïcien, car il dit aussi que Zénon avait les jambes grosses, ce qui s’accorde mieux avec notre statue. On a pu, à Rome, pour mieux exprimer l’idéal qu’on se formait du stoïcien par excellence, lui prêter une carrure qu’il n’avait point.

[437] M. P. Cl., 500.

[438] Id., 519. L’authenticité de l’inscription douteuse pour Visconti ne l’est point pour M. Gherard (St. r., II, 2, p. 219) qui cite trois busted parfaitement semblables entre eux sur lesquels elle se trouve.

[439] Pomponius Atticus et Cicéron furent ses auditeurs. Cicéron, de fin., I, 5, 16, V, 1.

[440] Εΰμήαη xαί χαρίεντα ίδεϊν. Platon, Parmen.

[441] Quant à celui qui porte le n° 519, M. Gherard penche pour Zénon l’épicurien parce que le buste en bronze d’Herculanum qui ressemble à celui-ci a été trouvé avec les bustes d’Épicure et de deux philosophes épicuriens ; de l’autre buste de la salle des Muses (500) on a fait, à cause de sa tête penchée, un Zénon, ce qui n’est nullement démontré.

[442] M. P. Cl. 507, Villa Albani. exhèdre, buste qui ressemble au premier. Antisthène a la bouche entr’ouverte comme Carnéade. Lui aussi avait commencé par la rhétorique qu’il avait étudiée sous Gorgias ; nous connaissons, sous son nom, deux déclamations d’école, l’une intitulée Ajax et l’autre Ulysse.

[443] Villa Albanie, salle de l’Ésope.

[444] Un buste de Diogéne dans l’exhèdre ressemble à la statuette. M. P. Cl., 490, avec Diogenos pour Diogenès. Ce nom a donc éte évidemment ajouté. D’ailleurs la base sur laquelle il est écrit est moderne.

[445] Diogène Laërte, Diog. Pauly, Real encycl., Diog. Anthol. gr., II, p. 291.

[446] Dans le bas-relief presque entièrement refait, le chien sur le tombeau est antique, tandis que celui qui accompagne la statuette est moderne. Quoique le chien soit devenu le symbole homonyme et populaire de la secte cynique, on a voulu donner à ce mot une autre origine et le dériver de celui du Cynesargès, portique où enseignait Antisthène. Mais Diogène était appelé un chien, acceptait ce nom et ses admirateurs l’appelaient chien céleste. On plaça un chien sur son tombeau avec sa statue. (Diogène Laërte, Diog.)

[447] Ce bas-relief ne peut offrir un portrait de Diogène, car la tête est moderne ; c’est un portrait de la tradition anecdotique dont Diogène fut le héros.

[448] Les anciens avaient aussi des tonneaux en bois, cerclés comme les nôtres, leur nom était Cupa. Le dolium était en terre ; on n’y mettait pas seulement le vin, mais l’huile, le gain.

[449] Winkelmann parle d’un de ces dolia dans la villa Albani contenant dix-huit amphores. L’amphore comme mesure équivalait à un pied cubique d’eau. Diogène trouverait donc à la villa Albani un tonneau capable de le loger, mais qu’il aurait peut-être quelque peine à rouler.

[450] M. Capit., salle des Philosophes. Ce buste qui porte le nom de Théon ne peut guère être que celui de Théon le philosophe, car il a été apporté à Rome de Smyrne, patrie de ce Théon-là.

[451] Id. Villa Albanie, salle de l’Orphée. Celui du Capitole qui ressemble à une médaille de Cos est admis par Visconti ; seulement il faut remarquer que, d’après l’auteur de sa Vie, Hippocrate était chauve, et que ce portrait a un peu de cheveux. Le plus beau buste du père de la médecine, suivant son savant traducteur M. Daremberg, est à Naples.

[452] M. Cap., salle des Philosophes.

[453] Villa Albani, Coffee house.

[454] M. P. Cl., 382, 384. Galien ne disséquait que des singes, mais avant lui, à Alexandrie, on avait disséqué des cadavres humains. Je dois ce renseignement à M. Daremberg qui, pour l’histoire de la médecine, fait autorité.

[455] En bas-relief (M. Capit., salle des Philosophes) ; c’est d’après elle qu’a été gravé le portrait placé en tête des œuvres d’Archimède traduites par Torelli. Les bustes attribués par Visconti à Archimède l’ont été d’après des médailles fausses. (St. r., III, 1, p. 216.)

[456] Cicéron, Tusculanes, V, 23.

[457] Le lieu où l’on suppose qu’a existé cette villa, s’appelle Pianello di Cussio.

[458] Bibliothèque vaticane avec le nom d’Aristide. Visconti a soutenu l’authenticité de ce nom. A Constantinople, on avait placé la statue d’Ælius Aristide près de celle d’Homère. (Anthr. gr., III, 273.)

[459] On l’appelait Aristide de Smyrne parce qu’il résida longtemps dans cette ville et y obtint le titre de citoyen, mais il était né à Adriani dans la Mycie.

[460] Millingen a remarqué à ce sujet que le prétendu Aristide de Naples tient ses mains sous son manteau, ce que Démosthène reprochait à Eschine.

[461] Villa Albani, Hémicycle. Isocrate avait aussi l’air grave et méditatif dans la statue que décrit Christodore. (Ekphr., 256 et Anth. gr., II, 465.)

[462] L’orthographe Είσοxράτης indique l’époque de l’empire. L’Isocrate du Capitole ne ressemble point à celui-là, il est faux.

[463] Pausanias, I, 18.

[464] Pseudo-Plutarque, X. Or., Isocr.

[465] Le faux Plutarque parle aussi d’une statue d’Isocrate enfant dans l’Acropole d’Athènes, et d’une autre en bronze à Olympie, qui lui fut érigée par son fils. (ibid.)

[466] L’un des trois Lysias du Capitole est admis par Visconti ; l’inscription du nom est moderne, mais le buste ressemble à celui de Naples dont l’inscription est antique.

[467] M. P. Cl., 503. Avec le nom, et ressemble, selon Visconti, à un buste qui faisait pendant à un Démosthène. Selon lui encore, un des deux prétendus Thucydides du Capitole est un Eschine. Une statue d’Eschine était placée sous le portique de Speusippe, à Constantinople. (Christod., Ekphr., 14.)

[468] Nuov. bracc., 62. Bustes, M. Chiar., 421. M. P. Cl., 505. Un buste nommé d’Herculanum, une terre cuite représentant Démosthène près de se donner la mort, et un médaillon de la villa Panfili, ont fourni les moyens de le reconnaître avec certitude dans sa statue et ses bustes.

[469] Lucien, Dem., 14.

[470] Dans la statue du Vatican, le volume est moderne, comme la main et l’avant-bras, mais Démosthène a près de lui une sorte de livre dans le bas-relief Panfili, à moins que ce ne soit la lettre qu’au moment, de mourir il feignit d’écrire aux siens, ou commença d’écrire à Antipater. (Plutarque, Démosthène, 29-30), et que Plutarque appelle biblion.

[471] Pausanias, I, 8, 4 ; Pseudo-Plutarque, X. Or., Dem. Un des bustes du Capitole est, selon Visconti, la copie négligée d’un original admirable ; cet original était la statue de Polyeucte.

[472] Plutarque, Démosthène, 51. Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 10.

[473] Ann. arch., 1836, p. 459.

[474] Statue un peu archaïque (Villa Borghèse, salle VI). M. Welcker incline à l’admettre.

[475] Anth. gr., I, p. 110.

[476] Villa Borghèse, salle III. Peut-être d’après la statue que Théocrite vit à Téos (Ep., 16, 3). Pausanias (I, 1) parle aussi d’une statue d’Anacréon à Athènes. M. Welcker (Kl. schr., i, 251-66) remarque plusieurs trait, indiqués dans celle que décrivent des poètes de l’Anthologie, dans celle de la villa Borghèse : la lourde chaussure et le manlean d’une laine épaisse. Tout cela convient à l’Anacréon primitif et véritable, non à l’Anacréon efféminé et imaginaire que lui a substitué une époque moins ancienne et moins forte.

[477] Cette médaille ressemble elle-même à plusieurs autres. On peut donc y voir un véritable portrait : et de qui serait-il s’il n’était de Sapho ? (Welck., Kl. schr., II, p. 139.)

[478] Salle de l’Orphée. Parmi les Saphos douteuses, celles qui se rapprochent le plus de celle-ci sont celles qui ont le plus de chance d’être des Saphos véritables. J’indiquerai deux autres Saphos de la villa Albani (Exhèdre et Billard), une à la villa Borghèse (V, 9), deux au Vatican (M. Chiar., 256 ; M. P. Cl., 524). Ici, celle qu’on appela la dixième muse est bien placée avec ses neuf sœurs. Une Sapho du Capitole a un peu l’air d’un garçon ; le sculpteur a-t-il voulu, comme Horace, par l’expression, mascula Sapho (Ep. I, 19, 28), faire à la fois allusion à la mâle poésie et aux amours trop viriles de la poètesse de Mytilène ? Les bustes attribués à Sapho peuvent être ceux d’autres poètesses grecques. Corinne, dont Silanion avait fait aussi le portrait (Tat., Or. ad Gr., 52 ) ; Praxilla, dont le portrait fut l’œuvre de Lysippe ; Erinna de Lesbos, par Naucyde.

[479] Si mihi difficilis formam natura negavit. Dans ce vers, formam ne se rapporte peut-être qu’à la petite taille de Sapho, car elle dit tout de suite après sum brevis et n’ajoute aucun autre détail sur ses imperfections. Forma se prend pour la taille dans cette phrase de Pline : Maxima forma statuam sibi ponere. Dans Pindare, βραχύς indique une stature peu élevée.

[480] Bergk., Alc. Plutarque, Erotic. Dans une statue de Sapho, il y avait de la Muse et de la Vénus. (Anth. gr., III, p. 70.)

[481] Cicéron, Verrines, II, 4, 57.

[482] Pline, Hist. nat., XXV, 40, 16. Il y avait une statue de Sapho dans le gymnase de Constantinople. (Christod., Ekphr., 69.)

[483] Sa gloire s’étend à l’Orient et à l’Occident. (Théocrite, Ep., 9.)

[484] M. Welcker a ajouté de nouveaux témoignages à ceux qu’avait cités Visconti, entre autres une épigramme de l’empereur Adrien. Velleius Paterculus (I, 5) nomme ensemble Homère et Archiloque comme les deux poètes les plus parfaits dans le genre qu’ils ont créé.

[485] La figure d’Archiloque, né dans le huitième siècle avant Jésus-Christ, est probablement idéale comme celle d’Homère ; mais cette figure idéale exprime si bien le caractère du satyrique que M. Welcker y avait reconnu les principaux traits de ce cararière d’après elle avant de savoir qu’elle était attribuée à Archiloque.

[486] Athen., I, p. 19.

[487] Pausanias, I, 8, 5. Un Sophocle du Capitole a été pris pour un Pindare.

[488] Les plus admissibles étaient un Hérodote et un Thucydide faisant partie d’une même hermès et qu’on avait séparés en sciant cet hermès ; maintenant ils sont à Naples. Hérodote a cette sérénité qui convient au tranquille narrateur des faits ; Thucydide a l’air plus soucieux : c’est que Thucydide est le penseur qui, pour les expliquer, les creuse avec effort. Les anciens avaient déjà remarqué cette expression du visage de Thucydide (Vit. Thucyd.). Le Xénophon admis par Visconti est bien douteux.

[489] Pausanias, I, 21, 1-2.

[490] Un buste du Capitole (Salle des Philosophes) n’est pas mentionné par Visconti mais ressemble assez à l’Eschyle de la pierre gravée qu’il cite.

[491] Pausanias, I, 21, 3.

[492] Tous ressemblent à l’hermès de Naples qui porte le nom d’Euripide.

[493] Nuov. bracc., 53. Un buste (M. P. Cl., 521). Près d’une statue sans tête. avec cette inscription : Euri... autrefois à la villa Albani, aujourd’hui au Louvre, ou lit les noms de trente-six tragédies d’Euripide. Une statue d’Euripide existait au cinquième siècle à Constantinople sous le portique décrit, par Chrisiodore. (32.)

[494] Ce n’était pas l’opinion de tout le monde. L’auteur du double hermès de Sophocle et d’Euripide trouvé près de la porte San-Lorenzo les avait associés dans un commun hommage. L’orateur Lycurgue éleva à Euripide, comme aux deux autres grands tragiques grecs, une statut, dans le théâtre d’Athènes (Pseudo-Plut., X oral., Lyc.). Ce ne pouvait être, au moins pour Sophocle et Euripide, celles dont parle Pausanias, car il les croit fort antérieures à celle d’Eschyle (I, 21, 3), quelques-uns même avaient une prédilection pour Euripide, on a trouvé à Athènes son portrait sculpté sur un vase.

[495] Visconti retrouve, ce qui me frappe moins, dans sa physionomie la finesse et la sensibilité, caractères de son talent.

[496] Musée de Saint-Jean-de-Latran. Trouvée prés de Terracine et donnée par le cardinal Antonelli. M. Beulé (Acr. d’Ath., III, p. 309) signale un bas-relief dans le voisinage des Propylées, où l’on voit un personnage drapé comme le Sophocle du palais de Latran au pied d’un trépied gigantesque. Le trépied indique une victoire dramatique et me confirme dans l’opinion que le Sophocle de Rome est un Sophocle triomphant.

[497] ... Oklès. (M. P. Cl., 492.) De plus, une statuette de Sophocle (Gal. Des Candélabres, 134).

[498] Sophocle a le diadème d’Homère. Une épigramme de l’Anthologie parle de la couronne placée sur la chevelure de Sophocle. (Anth. gr., II, p. 208.)

[499] Soph. Vit., Valère Maxime (VIII, 7, ext., 12) dit seulement une inscription.

[500] Pauly, Real Encycl., VI, p. 1299. Il me semble aussi que l’Œdipe de Colone a dû être composé vers le même temps que l’Œdipe roi, s’ils faisaient, comme il est vraisemblable, tous deux parties de la même trilogie. Or, l’Œdipe roi ne fut pas écrit par Sophocle dans un âge très avancé ; on le place eu 430 avant Jésus-Christ. Sophocle n’avait alors que cinquante-sept ans.

[501] Le buste du Vatican (M. P. Cl., 516) est reconnu faux, et celui du Capitole (salle des Philosophes) n’est point authentique. On a trouvé à Tusculum accolé à un buste de Ménandre très semblable à la statue dont je vais parler, un buste dans lequel M. Welcker n’hésite pas à reconnaître Aristophane, mais ce buste n’est plus à Rome. (Ann. Arch., 1853, p. 250.)

[502] M. P. Cl., 590.

[503] Selon Visconti, c’est le costume macédonien. M. Gherard, de son côté, pense que le travail de la statue indique l’époque macédonienne. Je crois plutôt que ce Ménandre est l’œuvre d’un Romain parce qu’il est lui-même à demi Romain.

[504] A l’aide de ces fragments, M. Guillaume Guizot a fort ingénieusement tenté de recomposer, autant que possible, l’œuvre de Ménandre, dans un travail qui a été son brillant début et ne sera pas, je l’espère, son dernier mot.

[505] Les thermes d’Olympias étaient sur le Viminal. L’église de Saint-laurent in Panis-perna, fut construite sur remplacement de ces thermes, dans lesquels saint Laurent, d’après les actes de son martyre, subit le supplice du gril.

[506] On voit par l’Anthologie (Anth. gr., III, p. 12) qu’à Constantinople des statues de poètes étaient placées dans les bains.

[507] M. P. Cl., 271.

[508] Pausanias, I, 21, 1.

[509] On a pensé que ces deux statues du Vatican pouvaient être celles du théâtre de Bacchus, parce qu’elles portent les traces de l’insertion des ménisques, plaques de cuivre placées au-dessus de leurs têtes pour les défendre dans un lieu découvert des insultes des oiseaux ; mais il y avait ailleurs des lieux découverts et des oiseaux.

[510] M. P. Cl., 530.

[511] Hérodote., I, 66. Plutarque, Lycurgue, 31. Pausanias, III, 16, 5.

[512] Villa Albanie, galerie d’en bas.

[513] Pausanias, X, 10, 1. Cette statue faisait partie d’un don sacré offert à Apollon après la bataille de Marathon.

[514] Pausanias, I, 15, 4. Pline (XXXV, 34, 4) dit que les figures des généraux étaient des portraits. Ce fut Polygnote qui dirigea la peinture du Pœcile, mais d’autres artistes, et parmi eux Panænus, y travaillèrent sous la direction de Polygnote (Brunn, G. d. gr. K., II, p. 20-1).

[515] M. P. Cl., 517. Le Thémistocle de la villa Albani a des traits moins grecs que romains.

[516] Pausanias, I, 1, 2.

[517] M. P. Cl., 525.

[518] On comparait aussi son crâne bombé à la coupole de l’Odéon d’Athènes.

[519] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 24.

[520] Auteur probablement de la statue de Périclès que Pausanias vit à l’Acropole (I, 28, 2).

[521] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 12.

[522] Si le premier original de notre buste remonte au temps de Phidias, ce buste lui-même, on le voit par la sécheresse du travail, a été exécuté à une époque bien postérieure.

[523] Plutarque, Périclès, 31.

[524] M. P. Cl., 523.

[525] Himerius (Or., I, 18) vantant une jeune mariée, la compare sous ce rapport à Aspasie.

[526] M. P. Cl., 510, avec cette inscription : ALKIB... Statue (M. P. Cl., 611) très refaite, mais dont la tête ressemble au buste qui a l’inscription. Autre buste (M. Ch., 441). Les deux bustes et la statue doivent avoir pour original sa statue par Nicirate (Pline, XXXIV, 19, ô8). Une statue de Polyclés l’ancien (Dion Chrys., Or., 57), une statue de Micion (Id., ibid.), ou une statue sur un char, de Pyromaque (Pline, XXXIV, 19, 31). Aglaophon (Athénée, p. 554 ; Plutarque, Alcibiade, 16) avait peint Alcibiade couronné par Pythias et Olympias, personnifications des jeux pythiques et olympiques, et Alcibiade assis sur les genoux de Némée, personnification des jeux néméens. Enfin, nous savons que dans le second siècle de la république, l’image d’Alcibiade avait été placée dans le comitium romain. Visconti pense que la statue du Vatican peut être une copie de cette statue. Il faut aussi se souvenir de celle que lui fit élever l’empereur Adrien (Ath., p.575). On ne saurait penser au sculpteur qui avait représenté Alcibiade sous les traits de l’Amour lançant la foudre (Pline, XXXVI, 5, 16).

[527] Le casque et la jambe sont modernes, mais l’attitude de la statue était la même avant la restauration.

[528] Petite statue au Capitole, salle du Satyre, 18. La tête est douteuse. La cuirasse est ornée de trompes d’éléphants. L’effigie du Macédonien est accompagnée d’une trompe d’éléphant sur une monnaie d’Apollonie en Carie (Müller, Arch., p. 164)

[529] Parmi les statuaires, Léocharès, Euphranor, Chæréas ; parmi les peintres, Nicias, Aristolaüs, Protogène, Antiphile. Il y avait dans le forum de César une statue d’Alexandre (Stat., Sylv., I, 1, 84 ; Suétone, César, 61). C’était une statue de bronze doré comme la statue équestre de Marc-Aurèle.

[530] Philippe vivait encore quand Chæréas faisait la statue d’Alexandre avec la sienne (Pline, XXXIV, 19, 25) ; quand Euphranor (ibid., 28) plaçait son fils prés de lui sur un char ; quand Antiphile réunissait Philippe et Alexandre dans une même peinture (XXXV, 37, 2) ; quand Léocharès (Pausanias, V, 20, 5) plaçait Alexandre dans un groupe où étaient Philippe, Olympias et plusieurs autres personnes de sa famille. Alexandre devenu roi n’eût pas souffert qu’on plaçât près de Philippe Olympias qui l’avait fait tuer. D’ailleurs, on sait que Philippe dédia dans Olympie l’ouvrage de Léocharès après la bataille de Chéronée. Léocharès exécuta aussi avec Lysippe une chasse d’Alexandre (Pline, XXXIV, 19, 15) imitée depuis sans doute sur les bas-reliefs qui représentent des chasses d’empereurs romains.

[531] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 29.

[532] Plutarque, Alexandre, 40.

[533] Salle du Gladiateur.

[534] On voit les sept trous qui étaient les rayons, comme sur les médailles radiées d’Alexandre.

[535] Winckelmann dit Alexandre, Visconti dit le Soleil.

[536] Alexandre, dieu formidable aux Persans. (Théocrite, Idyll., XVII,19.)

[537] Anth. plan., IV, 119. Ce n’est pas l’Alexandre à l’air terrible d’Élien (Var., XII, 14). Celui-là, nous ne l’avons point.