LES PERSÉCUTIONS ET LA CRITIQUE MODERNE

 

PAR PAUL ALLARD

PARIS - BLOUD ET Cie - 1904.

 

 

CHAPITRE PREMIER. — Exposé de la question.

CHAPITRE II. — Le nombre des martyrs.

CHAPITRE III. — La persécution de Néron.

CHAPITRE IV. — Le fondement juridique des persécutions aux deux premiers siècles.

CHAPITRE V. — Le régime légal de l'Eglise au IIIe siècle.

CHAPITRE VI. — Les récits de martyres. - Conclusion.

 

 

CHAPITRE PREMIER. — EXPOSÉ DE LA QUESTION.

 

En présence des variations, des brusques changements de front, de l'évolution continuelle de la critique, on se demande quelquefois avec inquiétude ce qu'il y a de solide dans l'histoire. A peine une conclusion a-t-elle été établie, et paraît--elle acceptée, de nouvelles découvertes ou de nouvelles hypothèses viennent la remettre en question. Personne n'a plus le droit de dire, comme l'abbé de Vertot : Mon siège est fait. Le siège est à recommencer chaque jour, ou plutôt l'édifice est à reconstruire sans cesse. S'il en est ainsi même de l'histoire moderne, dont il semble que tous les éléments se trouvent réunis sous nos yeux, à plus forte raison cette instabilité se fait-elle sentir dans le domaine plus lointain de l'histoire ancienne. A la longue, elle pourrait devenir décourageante, et conduire au scepticisme, si l'on n'arrivait à discerner des points fixés que la critique essaierait en vain de remuer, et qui suffisent à empêcher le sol historique de se dissoudre en sables mouvants.

J'en ai fait souvent l'expérience en étudiant l'histoire des persécutions antiques. Rien de plus simple, à première vue, que le récit des persécutions dont l'Empire romain a, pendant près de trois siècles, accablé les chrétiens. Ce récit, le croyant ne se lasse pas de le relire avec admiration : l'incroyant l'écoute avec surprise et respect. Très légitimement, à son tour, l'apologiste tire argument de la patience des martyrs, triomphant, contrairement aux vraisemblances et aux prévisions humaines, des forces réunies du inonde païen. Ce serait, en effet, le plus paradoxal des rêves, si ce n'était la réalité même de l'histoire. Quand on l'envisage dans son ensemble, cette histoire peut paraître inexplicable. Mais elle est si certaine que personne n'a essayé de la nier. Tout au plus, il y a deux cents ans, une tentative, dont nous parlerons tout à l'heure, a-t-elle été faite pour en diminuer l'importance. Mais le trait lancé alors est demeuré sans force, et à peine quelques mains ont-elles, de nos jours, essayé de le relever. En définitive, et de l'aveu de la critique la plus récente, le fait demeure, aussi incontestable qu'il est sans doute extraordinaire. Cependant, si elle ne trouve point ici à s'exercer sur l'ensemble, cette critique — et elle ne fait alors qu'user de ses droits — se rattrape sur les détails. Depuis une trentaine d'années surtout, les premières persécutions chrétiennes ont été l'un de ses champs de bataille, ou, si l'on aime mieux, l'un de ses champs d'expériences les plus suivis. Recherche des motifs qui les ont déchaînées, de leur fondement juridique initial, des variations de la jurisprudence invoquée contre les chrétiens, de la valeur des sources qui nous ont transmis les Gestes des martyrs, examen de chaque fait particulier, parfois aussi douteux que le fait d'ensemble est éclatant de vérité et de certitude, il y a eu là, pour d'ingénieux et patients esprits, matière aux travaux les plus intéressants.

Mais quelques-uns de ces travaux ont été, probablement, plus intéressants encore que solides, car, sur la plupart des points que je viens d'énumérer, les théories ont succédé aux théories, les hypothèses ont remplacé les hypothèses, ce qui semblait prouvé un jour a été contesté le lendemain, et l'observateur impartial a pu se donner le spectacle de cette instabilité dont je parlais. Essayer de dégager ce qui doit rester acquis après les efforts de cet immense labeur, dire quelles sont, dans l'histoire des persécutions éprouvées par les premiers chrétiens, les conclusions désormais sûres et les questions encore ouvertes,- faire, dans la limite du possible, le départ entre le certain et l'incertain, tel sera l'objet de la présente étude. Les critiques de presque toutes les nations savantes nous prêteront ici leur concours ; car à éclaircir ou parfois à embrouiller l'histoire des persécutions ont travaillé simultanément la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre : il n'est aucune d'elles qui, par la main de quelqu'un de ses érudits les plus éminents, n'ait apporté ou arraché une pierre a l'édifice.

J'indique tout de suite la conclusion rassurante à laquelle m'a conduit l'examen que je vais reproduire : c'est que la critique la plus hardie ou la plus minutieuse ne prévaudra jamais contre la vérité. Elle montrera les lacunes, les obscurités, les incertitudes, elle substituera quelquefois un peut-être à une affirmation prématurée, et nous devrons la suivre sans crainte et même avec reconnaissance sur ce terrain : mais, à travers la poussière qu'elle aura soulevée, toujours reparaîtra l'histoire. Pour nous en tenir au sujet qui nous occupe, la critique mettra un point d'interrogation à quelques légendes de martyrs : le grand et incomparable fait du martyre demeurera en dehors de ses atteintes. Et, en définitive, rien ne sera brisé dans les grandes lignes de l'histoire des persécutions.

 

 

CHAPITRE II. — LE NOMBRE DES MARTYRS

 

La première question qui ait été posée est une question générale, préjudicielle en quelque sorte, à laquelle j'ai plus haut fait allusion : celle du nombre des martyrs.

Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, tout le inonde s'accordait à le dire très considérable. On était ému à la pensée que toute la terre, selon le mot de saint Augustin, — c'est-à-dire non seulement les territoires soumis au joug de l'Empire, mais encore tout le inonde connu des Romains, — avait été empourprée de sang chrétien[1]. On ne doutait pas que les persécutions eussent eu une importance capitale dans la vie de l'Église comme dans les destinées de l'Empire romain. Un philologue anglais, d'un esprit pénétrant et paradoxal, Henri Dodwell, s'éleva le premier contre l'opinion commune.  Il publia à Oxford, en 1684, une série de dissertations sur saint Cyprien, son époque, ses écrits. L'une d'elles porte ce titre hardi : Du petit nombre des martyrs, de paucitate martyrum. Elle peut se résumer ainsi : l'on connaît par les anciens calendriers et par les écrivains ecclésiastiques un nombre relativement petit de martyrs : donc, il y eut peu de martyrs, et les persécutions furent dans la vie de l'Église un incident de moindre importance qu'on ne l'admet généralement. C'était méconnaître le témoignage de ceux mêmes auxquels en appelait le novateur, les Pères et les écrivains de l'Église primitive, qui parlent sans cesse de la multitude des martyrs ; c'était surtout se montrer sourd aux enseignements de l'histoire, qui par ses textes les plus assurés suppose cette multitude. C'est ce que, dès 1689, répondit le bénédictin dom Ruinart, qui réfuta la thèse de Dodwell avec beaucoup de clarté et de force dans la très belle préface générale mise en tête de son recueil des Acta sincera martyrum.

Dodwell n'était pas un adversaire du christianisme : et, probablement, eût-il été aussi mécontent que surpris, s'il avait connu le parti que la légèreté haineuse de Voltaire devait tirer de ses idées. Il eût plus volontiers reconnu un disciple dans un érudit français qui, à certains égards, leur a, il y a quelques années, rendu nouveauté et crédit. On retrouve, en effet, leur influence dans les livres de M. Aubé sur l'Histoire des persécutions jusqu'à la fin des Antonins (187) et sur Les chrétiens dans l'Empire romain (1881). Mais déjà, dans le dernier volume qu'il ait publié, L'Eglise et l'Etat dans la seconde partie du troisième siècle (1885), cet historien sincère[2], trop tôt enlevé à la science, et qui eut seulement le tort d'écrire sur les choses religieuses sans une préparation suffisante, se dégage de cette influence. Parmi les écrivains modernes de quelque renom, je ne rencontre guère que M. Ernest Hava qui l'ait subie jusqu'au bout : il voit dans un passage d'Origène, dont il exagère singulièrement la portée[3], le texte décisif et ineffaçable qui suffirait à établir la thèse célèbre de Dodwell[4] ; mais, en matière de critique religieuse, M. Ernest Havet, aussi partial que superficiellement informé, à vrai dire ne compte pas.

Tout autre se montre, sur cette question, un écrivain rationaliste d'une compétence historique bien supérieure. Je n'ai pas à juger ici, dans son ensemble, l'œuvre de M. Renan : qu'il me suffise de dire que je repousse, de toute la force de mes convictions les plus réfléchies, le point de départ et les conclusions générales de son histoire des Origines chrétiennes. Mais j'ajoute tout de suite que, sur un grand nombre de sujets, le sens de l'histoire, qui était très vif chez M. Renan, le conduisait à des jugements conformes, dans le détail, à ceux d'une philosophie toute différente de la sienne. C'est ainsi qu'il reconnaît, aussi nettement que possible, l'importance des persécutions et le grand nombre des martyrs. Il se rattache, sur ce point, à l'histoire traditionnelle. On peut être tenté de croire, dit-il, que les persécutions furent en réalité peu de chose, que le nombre des martyrs ne fut pas considérable, et que tout le système ecclésiastique sur ce point n'est qu'une construction artificielle. Peu à peu, la lumière s'est faite. Même dégagées des exagérations de la légende, les persécutions restent une des pages les plus sombres de l'histoire et la honte de l'ancienne civilisation[5]. Prenant alors la vraie méthode, M. Renan passe en revue tout ce qui est resté de la littérature chrétienne des deux premiers siècles, et déclare que ces écrits, quelle que soit leur forme, révèlent un état violent qui pèse sur la pensée de l'écrivain, l'obsède en quelque sorte... De Néron à Commode, sauf de courts intervalles, on dirait que le chrétien vit toujours en ayant sous les yeux la perspective du supplice. Le martyre est la base de l'apologétique chrétienne[6]. Et il conclut ainsi : On s'est souvent fait de trompeuses images de cette lutte terrible qui a entouré les origines chrétiennes d'une brillante auréole, et imprimé aux plus beaux siècles de l'Empire une hideuse tache de sang ;.on n'en a pas exagéré la gravité[7]. Il faut remarquer que M. Renan s'occupe seulement ici des deux premiers siècles, puisque son ouvrage se termine avec le règne de Commode : si son plan l'eût mené plus avant et conduit jusqu'aux premières années du IVe siècle, sa conclusion eût, de toute évidence, été plus affirmative encore.

Dans un appendice du premier volume de son savant et curieux livre sur la Fin du paganisme, M. Boissier pose à son tour la question du nombre des martyrs. Personne ne saurait mettre en doute son impartialité. M. Boissier porte, dans les études de cette nature, un absolu désintéressement d'esprit. D'âme trop haute et de jugement trop sûr pour partager les préjugés vulgaires contre le christianisme, il ne montre, cependant, aucune ardeur particulière à le défendre. Ce n'est, à aucun degré, un apologiste : c'est un historien très maître de lui-même et très libre de pensée. Mais c'est en même temps un des hommes qui connaissent le mieux l'antiquité. Rien, dans la science qu'il en a, ne sent le pédant. Avec une bonhomie merveilleuse et une finesse qui se cache sous les apparences de la plus parfaite simplicité, M. Boissier nous fait vivre dans la compagnie des anciens, et parle d'eux comme s'il était leur contemporain. On peut dire, en toute vérité, que personne ne fait moins montre des documents, et ne se les est plus complètement assimilés. Aussi, ayant à donner son avis sur le problème qui nous occupe, le résout-il avec une précision d'idées, à laquelle il semble bien difficile de résister. Comme M. Renan, il se place en face de la littérature chrétienne : Je suis frappé, dit-il, de voir qu'il n'y a pas un seul écrit ecclésiastique, quelque sujet qu'il traite, depuis le 1er siècle jusqu'au IIIe, où il ne soit question de quelque violence contre les chrétiens[8]. Il regarde ensuite la littérature païenne : il remarque qu'elle ne parle guère des chrétiens ; mais il constate en même temps que toutes les fois que les écrivains profanes en disent un mot, c'est pour faire allusion aux châtiments qu'on leur inflige[9]. Et il conclut ainsi : Qu'on se remette devant l'esprit cette suite non interrompue de témoignages ; qu'on songe qu'en réalité la persécution, avec plus ou moins d'intensité, a duré deux siècles et demi, et qu'elle s'est étendue à l'Empire entier, c'est-à-dire à tout le monde connu, que jamais la loi contre les chrétiens n'a été complètement abrogée jusqu'à la victoire de l'Eglise, et que, même dans les temps de trêve et de répit, lorsque la communauté respirait, le juge ne pouvait se dispenser de l'appliquer tous les fois qu'on amenait un coupable à son tribunal, et l'on sera, je crois, persuadé qu'il ne faut pas pousser trop loin l'opinion de Dodwell, et qu'en supposant même qu'à chaque fois et dans chaque lieu particulier il ait péri peu de victimes, réunies elles doivent former un nombre considérable[10].

J'ai recueilli seulement, ici, l'opinion d'érudits français. Mais le jugement des savants étrangers n'est pas différent. Les découvertes et les écrits de M. de Rossi[11] ont précisément supprimé l'argument principal de Dodwell, en montrant que beaucoup de martyrs, et des plus illustres[12], manquent dans les calendriers. Aucun de ceux qui, en Allemagne ou en Angleterre, ont étudié avec compétence l'histoire des premiers chrétiens ou celle des persécutions, comme Lightfoot[13], Mommsen, Harnack[14], Neumann[15], Hardy[16], Ramsay[17], ne songe à réduire le nombre des martyrs. Il est maintenant admis de tous que ce nombre fut très grand. On ne prend même plus la peine de le dire : la conclusion découle naturellement des faits, à mesure qu'ils sont mieux connus. Il n'est pas besoin, pour l'établir, de recourir à des textes contestés : ceux dont l'authenticité ne fait doute pour personne suffisent à la démonstration, sans que la légende soit jamais appelée zi prêter son aide à l'histoire.

Voilà donc un point désormais acquis : la critique négative, en appelant sur lui l'attention, est arrivée à ce résultat, de mettre plus clairement en lumière ce qu'avait dit, d'instinct, l'histoire traditionnelle. Mais on ne saurait aller plus loin, et atteindre à une précision que les documents ne donnent pas. Chercher à calculer, même approximativement, le nombre des martyrs serait une entreprise vaine. Tout élément de statistique se dérobe. On entrevoit que la population chrétienne fut de bonne heure très considérable, à Rome du vivant même des apôtres[18], en Asie romaine dès le commencement du IIe siècle[19], dans l'Afrique romaine dès les premières années du IIIe[20]. En Orient, vers le commencement du IVe siècle, elle forme probablement déjà, en certaines provinces, la majorité des habitants[21]. Mais si cette population serait malaisément énumérée, à plus forte raison ne saurait-on compter les victimes qu'y firent les persécutions. Celles-ci, on le sait, furent intermittentes, souvent locales, procédant tantôt par accusations individuelles, tantôt par proscriptions générales : glaive toujours suspendu sur la tête des chrétiens, mais non pas toujours en mouvement. La densité promptement acquise par lamasse des fidèles rend évident le grand nombre des martyrs. Mais il est impossible de l'exprimer par des chiffres. Il y aurait imprudence ou puérilité à le tenter. Qu'il nie soit permis d'exprimer ici un regret. On entend souvent des prédicateurs, offrant A notre admiration l'héroïsme des premiers chrétiens, parler de onze millions de martyrs. J'ai vainement cherché à connaître l'inventeur de cette statistique. Il serait vraiment temps de laisser un vieux cliché, qui n'a déjà que trop servi, et qui finirait par devenir compromettant, comme tout ce qui môle des inventions humaines aux paroles de l'éternelle vérité.

 

 

CHAPITRE III. — LA PERSÉCUTION DE NÉRON

 

De l'aveu de tous, le premier empereur qui ait inquiété les chrétiens fut Néron : Orientem fidem Romaæ primus Nero cruentavit, dit Tertullien, qui ajoute : Nous nous glorifions d'avoir un tel monstre pour notre premier ennemi[22].

Jusqu'à ces dernières années, l'origine de la persécution de Néron paraissait très claire. Tacite l'indique dans un passage célèbre des Annales. Il vient de raconter — avec une vigueur et une précision qui laissent bien loin derrière elles toutes les fictions romanesques l'incendie qui dévora plus de la moitié de Rome au mois de juillet 64, et de dire que les soupçons du peuple se portèrent sur Néron. Il ajoute que Néron essaya de rejeter ces soupçons sur les chrétiens. Ceux-ci étaient haïs de la foule, qui les croyait capables de tous les crimes. Les premiers qui s'avouèrent chrétiens furent arrêtés, puis, sur les indications qu'on obtint d'eux, on s'empara d'une grande multitude de fidèles. Mais bientôt l'accusation d'incendie fut oubliée, et la seule chose dont tous furent convaincus, ce fut de haïr le genre humain, c'est-à-dire apparemment de mener une existence à part, de vivre en dehors de la civilisation païenne. Alors on les condamna aux supplices divers dont Tacite, en quelques mots, nous fait sentir la théâtrale horreur : Des hommes enveloppés de peaux de bêtes moururent déchirés par des chiens, ou furent attachés à des croix, ou furent destinés à être enflammés, et, quand le jour tombait, allumés en guise de flambeaux nocturnes. Néron avait prêté ses jardins pour ce spectacle, et y donnait des courses, mêlé à la foule en habit de cocher, ou monté sur un char. Tacite ajoute que, malgré son horreur des chrétiens, la foule romaine ne put s'empêcher d'avoir pitié d'eux, parce qu'elle sentait que la cruauté de Néron avait été dictée par l'intérêt personnel, non par la justice et le bien public[23].

Avant la seconde moitié du XIXe siècle, ce récit du plus grand des historiens de Home avait été considéré de tous comme un témoignage incontestable. On y voyait à bon droit le premier des Actes des martyrs. Mais il semble que l'atmosphère scientifique un peu surchauffée des universités allemandes ait fait éclore des critiques dont le raffinement va parfois jusqu'au paradoxe, et qui, par peur des solutions simples, ont une tendance à se jeter dans les hypothèses les plus compliquées. Tel me parait s'être montré M. Hermann Schiller, dans un mémoire publié en 1877. Ce mémoire a pour titre : Un problème d'explication de Tacite, et fait partie d'un gros volume composé par soixante-dix-huit érudits de divers pays en l'honneur du soixantième anniversaire de Mommsen[24]. M. Schiller y déclare erroné ce que Tacite écrit des martyrs chrétiens.

D'après lui les chrétiens ne pouvaient être connus à l'époque de Néron. On ne les distinguait pas encore des Juifs. Cette distinction ne commence à se faire jour que sous Trajan. En parlant, à propos d'un fait de 64, comme on parlera cinquante ans plus tard, et en transportant dans la narration d'un épisode du règne de Néron les idées et le langage d'un contemporain de Trajan, Tacite commet donc un anachronisme. Il nous montre les chrétiens poursuivis et châtiés comme tels, à une époque où personne, à Rome, ne savait encore qu'il existât des chrétiens. Donc, tout le passage que nous venons de résumer porte à faux, et ne mérite aucune créance.

On pensera sans doute que cette critique est peu vraisemblable. Car elle suppose d'abord que Tacite était un bien médiocre historien. Il aurait eu tout juste l'intelligence de celui qui, chez nous, peindrait les institutions et les mœurs du commencement du second Empire d'après les institutions et les mœurs que nous ont faites trente-deux ans de République. La supposition se réfute d'elle-même. Non seulement Tacite était incapable d'une telle naïveté, mais encore il eut, certes, au moment où il écrivait le XVe livre de ses Annales, les moyens d'être bien renseigné sur le règne de Néron. D'abord, il connut les contemporains des événements de 64, on peut dire qu'il grandit et vécut avec eux, puisque lui-même avait dix ans à cette époque. Mais, de plus, sa situation personnelle lui rendit facile l'accès des documents les plus précis et les plus sûrs. Tacite, ne l'oublions pas, n'était pas seulement un écrivain : c'était un personnage officiel, l'ami et le collègue des hommes les plus considérables de Rome. Quoiqu'il fût d'une noblesse récente, il avait parcouru toute la carrière des honneurs : questeur, édile, préteur, consul, peut-être gouverneur de province. Quand il composa les Annales, sous les règnes réparateurs de Nerva et de Trajan, il jouissait des loisirs d'une opulente et glorieuse vieillesse. C'était l'époque où être loué par Tacite paraissait, pour les morts illustres, la suprême récompense[25]. Prêter à un tel homme, soucieux de la vérité historique, nanti de souvenirs et de documents, et naturellement soucieux de sa renommée, des ignorances ou des anachronismes que l'on admettrait difficilement d'un débutant, n'est-ce pas le comble du paradoxe[26] ?

Un mot, d'ailleurs, suffit à ruiner toute l'argumentation de M. Schiller. Les Actes des apôtres montrent saint Paul prêchant à Césarée, en 60, devant le roi Agrippa, et celui-ci lui disant : Peu s'en faut que tu ne me persuades de me faire chrétien[27]. Les chrétiens étaient donc connus comme tels avant 64. Il est vrai que M. Schiller accuse (p. 17) l'auteur des Actes des apôtres de faire ici un anachronisme semblable à celui dont Tacite se serait rendu coupable. Mais on me permettra de dire que cela n'est pas très sérieux.

Bien moins sérieuses encore sont d'autres critiques du célèbre passage de Tacite. On a vu, chose rare, des Français, que le bon sens natif retient ordinairement sur les pentes trop glissantes, se montrer, pour une fois, plus démolisseurs que les Allemands. Dans un article publié en 1884 par les Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, M. Hochart a prétendu que le paragraphe relatif aux chrétiens était une interpolation du moyen âge. Cette thèse insoutenable a été réfutée par d'excellentes raisons historiques et philologiques[28] ; et, vraiment, peine méritait-elle une réfutation. Mais M. Hochart a été plus loin encore : poussant à bout son paradoxe, il a, plus récemment, contesté l'authenticité du texte entier des Annales et des Histoires, audacieuse falsification, selon lui, d'un humaniste du XVe siècle[29]. Comme le plus ancien manuscrit que l'on possède de Tacite paraît appartenir au Xe siècle, l'hypothèse se renverse d'elle-même ; d'ailleurs, le faussaire eût dû joindre à un génie tout à fait unique d'écrivain une science prophétique, car, ainsi que l'a fait remarquer l'un des plus savants épigraphistes de Rome, M. Gatti, beaucoup des personnes, des institutions publiques, des magistratures dont il est question dans Tacite, ne nous sont connues, en dehors de son texte, que par des inscriptions qui étaient totalement ignorées des humanistes du XVe siècle, et que nous ont révélées seulement des découvertes récentes[30].

En avons-nous fini avec les hypothèses bizarres auxquelles a donné lieu le court témoignage rendu par Tacite à l'existence et aux souffrances des chrétiens sous Néron ? Pas encore, et voici la plus inattendue. Le succès du célèbre roman Quo vadis ? a rappelé l'attention de tous sur cet épisode de l'histoire romaine, et particulièrement sur l'incendie de juillet 64. En 1900, un professeur de l'Université de Catane, M. Carlo Pascal, a publié une brochure qui a fait beaucoup de bruit[31]. Il y soutient cette double thèse : 1° Néron n'est pas l'auteur de l'incendie de Rome ; les vrais auteurs, ce sont les chrétiens, ou du moins quelques chrétiens fanatiques. Cette idée nouvelle, a peine jetée dans le public, a fait éclore une nuée d'écrits : la polémique dure encore. Quand on l'examine de près, avec une complète impartialité, on reconnaît d'abord glue la thèse du professeur de Catane n'a pas dans le texte de Tacite l'appui qu'il a cru y trouver. Puis on remarque qu'aucun des écrivains de l'antiquité qui ont parlé de l'incendie de Rome, ni Pline, écrivant moins de dix ans après, ni Suétone, avant le milieu du IIe siècle, ni Dion Cassius, dans la première moitié du IIIe, ne l'attribuent aux chrétiens, ce qu'ils eussent évidemment fait si ceux-ci en avaient été les auteurs. On remarque encore que les pamphlétaires qui attaquèrent le plus violemment les croyances et les mœurs des premiers chrétiens, comme Celse ou comme Julien l'Apostat, n'ont jamais porté contre eux cette accusation, et que les apologistes qui, à tant de reprises, ont défendu leurs coreligionnaires contre les préjugés et les calomnies de la société païenne, m'ont pas eu besoin de plaider leur innocence sur ce point. Enfin, il paraîtra moralement impossible que les chrétiens, qui, pendant trois siècles, même après être devenus nombreux et forts, étonnèrent le inonde par leur inaltérable patience, se soient d'abord fait connaître par un acte d'hostilité et par un crime, qui n'eût même pas eu le prétexte de représailles, puisqu'ils n'avaient pas encore été persécutés.

La question doit donc se ramener seulement à deux termes, que pose ainsi Tacite : l'incendie fut-il fortuit ou fut-il commandé par Néron. ? Et il convient d'ajouter que les contemporains accusèrent Néron, non seulement sous le coup de l'épouvante et de la douleur, à l'heure même ou au lendemain du fléau, mais encore plusieurs années après, quand la première émotion avait eu le temps de se calmer. On pourrait écarter, comme étant d'un ennemi, cette parole de Subrius Flavius, comparaissant en 65 devant Néron comme accusé de complot : J'ai commencé de te haïr quand tu es devenu parricide, meurtrier de ton épouse, histrion et incendiaire[32]. Mais on récusera plus difficilement le mot prononcé, en dehors de toute passion, par Pline l'Ancien, écrivant, quelque temps après 71, dans son Histoire naturelle, à propos de la longévité de certains arbres : Ils durèrent cent quatre-vingts ans, jusqu'à l'incendie par lequel l'empereur Néron brûla Rome, ad Neronis principis incendia, quibus cremavit urbem[33].

Il y a un demi-siècle, une autre question aurait probablement été soulevée à propos de la persécution de Néron. La presque unanimité de la critique protestante contestait encore, à cette époque, la venue de saint Pierre â Rome, par conséquent son martyre dans cette ville. Bien que cette négation, présentée pour la première fois par Ulric Volsène en 1520, n'ait pas reçu l'approbation de Luther, elle avait fini, grâce surtout aux travaux des centuriateurs de Magdeboug, de Saumaise, de Spanheim, par devenir classique dans l'école protestante. Au XIXe siècle, elle forma l'une des parties constitutives du système historique de Baur ; dans la seconde moitié de ce siècle, Lipsius la soutenait encore par des arguments apparentés à ceux des critiques de Tubingue[34]. Depuis lors, une heureuse évolution s'est faite. Les préoccupations confessionnelles, les tendances controversistes, qui avaient obscurci, en cette matière, le point de vue purement scientifique, ont perdu leur vivacité ; l'ensemble des historiens protestants, et parmi eux les plus considérables, reconnaît la valeur des témoignages anciens et l'importance des données archéologiques qui établissent la présence indéniable de saint Pierre sur le sol de Rome[35]. Les seules questions qui demeurent controversées, sans que nulle vue confessionnelle se mêle ici à la controverse, sont celle de la durée du séjour de saint Pierre à Rome et celle de la date de son martyre : beaucoup d'érudits, catholiques aussi bien que protestants, le font mourir dans le grand massacre de 61, parmi les crucifiés dont parle Tacite ; d'autres retardent son martyre et le placent, avec celui de saint Paul, à la fin du règne de Néron[36].

Cette dernière opinion se rattache à un point également controversé. Pour les uns, la persécution de Néron fut un fait purement local, étroitement lié à l'incendie : elle ne dépassa, par conséquent, ni la ville de Rome, ni l'année 64, lieu et date de cet incendie. Pour les autres, la répression qui suivit l'incendie ne fut au contraire que le premier incident d'une persécution générale. Elle s'étendit aux provinces, et dura pendant les trois dernières années du règne de Néron[37]. C'est contre elle que saint Pierre, échappé à la tuerie. de 64, prémunit, dans sa première épître, les chrétientés d'Asie. C'est au cours de cette persécution qu'il mourra. Cette persécution suppose un édit, l'institutum neronianum, dont parle Tertullien. Ceci nous amène à l'une des plus intéressantes questions débattues entre les critiques au sujet de l'histoire des persécutions. Quel fut, pendant le Ier et le IIe siècles, leur fondement juridique ?

 

 

CHAPITRE IV. — LE FONDEMENT JURIDIQUE DES PERSÉCUTIONS AUX DEUX PREMIERS SIÉCLES

 

Il y a sur ce point plusieurs systèmes. Je les indiquerai brièvement.

L'un des systèmes peut se résumer ainsi :

A1'origine, quand les chrétiens commencèrent à être distingués des Juifs, et à être considérés comme réfractaires à la civilisation romaine, un édit de proscription fut porté contre eux. On en pourrait rendre sinon les termes, au moins le sens, par ce mot, qui se retrouve dans beaucoup de documents contemporains des persécutions : Qu'il n'y ait pas de chrétiens, christiani non sint[38]. Cet édit primitif est généralement attribué à Néron, et paraît, dans ce cas, avoir eu pour prétexte ou pour point de départ l'incendie de Rome. D'autres critiques, qui ne pensent pas que Néron ait étendu la répression hors de Rome, seraient portés à faire descendre jusqu'à Domitien, sous le règne de qui l'aristocratie elle-même eut des martyrs incontestés, ce que Mgr Duchesne appelle les origines si obscures de la législation persécutrice[39]. Plus jeune ou plus vieille de trente ans, celle-ci serait née, de toute façon, avant la fin du Ier siècle.

Au siècle suivant, cette législation se précise et, en un certain sens, se modère. On sait que, sauf dans quelques cas exceptionnels, le droit pénal n'était appliqué, chez les Romains, que si un accusateur déférait, à ses risques et périls, le prévenu devant le tribunal compétent. C'est ce que, dans un rescrit célèbre, Trajan, vers l'an 112, rappelle à Pline, qui l'interrogeait au sujet des chrétiens. H lui trace cette règle : ne pas les poursuivre d'office ; condamner ceux qui, accusés régulièrement, se reconnaissent chrétiens ; acquitter ceux qui déclarent ne point professer ou cesser de professer le christianisme. Cette jurisprudence fut l'objet d'un second rappel par Hadrien, dans un rescrit à Minicius Fundanus. Enfin, un rescrit de Marc-Aurèle au légat de la Lyonnaise la confirma de nouveau. De cet apparent illogisme, que fait ressortir avec force Tertullien : ne pas rechercher les chrétiens, punir seulement ceux qui, déférés au magistrat par un accusateur, confessent leur religion, absoudre ceux qui la nient ou l'abjurent, — on conclut que les chrétiens étaient proscrits pour cette religion seule, sans que la profession de celle-ci impliquât l'inculpation d'aucun crime de droit commun, et que, par conséquent, avant les rescrits de Marc-Aurèle, d'Hadrien, de Trajan, existait une loi initiale, qui défendait simplement d'être chrétien.

Par sa clarté et, la rigueur de ses déductions logiques, ce système était de nature à plaire l'esprit français : aussi a-t-il parmi nous de nombreux partisans. Un autre, cependant, élaboré successivement par divers érudits, mais auquel l'esprit puissant de M. Mommsen a donné sa forme définitive[40], semble jouir, depuis une dizaine d'années, des faveurs de l'opinion, je dirais volontiers de la mode, car il y a une mode aussi dans les choses de l'érudition. En voici le rapide résumé :

Les chrétiens ne tombèrent point, durant les deux premiers siècles, sous le coup d'une loi spéciale. Ce que l'on poursuivit en eux, ce ne fut ras le délit de religion, ce ne fut même pas le crime de sacrilège, qui en droit romain suppose toujours la violation matérielle d'un lieu saint, non un acte immatériel comme un refus de culte ou de serment ; ce fut le crime de lèse-majesté. Le fait de professer le christianisme, et par conséquent de refuser à l'empereur les honneurs religieux, entraînait pour eux des poursuites de ce chef, en vertu du droit commun, — bien que, de l'aveu de M. Mommsen — et cet aveu paraît découvrir le point faible de sa thèse —, il y eût là une application nouvelle et comme une extension de la lex majestatis.

Mais je n'ai encore énoncé qu'une partie du système. La plus importante reste à montrer. Dans le monde romain, où n'existait point le dogme moderne de la séparation des pouvoirs, les magistrats de l'ordre administratif, préfets, gouverneurs de provinces, avaient le droit de prononcer des condamnations conformément aux textes de la loi pénale : mais ils jouissaient en plus, dans l'intérêt public, de pouvoirs de police indéterminés et presque sans limites, qu'on appelait la coercitio. En vertu de ces pouvoirs, dès qu'une personne paraissait dangereuse, soit par ses actes, soit par ses paroles, soit même par ses opinions, le représentant de l'Etat était armé contre elle d'une autorité absolue. Aucune règle ne lui était imposée : c'était, au fond, l'arbitraire. Le magistrat, agissant en vertu de la coercitio, cessait d'être astreint aux règles de la procédure criminelle régulière, il pouvait même infliger des châtiments inconnus à la loi pénale proprement dite. Or, c'est par l'exercice de la coercitio, plutôt que par application du droit commun, que furent arrêtés et condamnés la plupart des accusés chrétiens. Et par là s'explique comment on ne leur voit, ordinairement, imputer d'autre crime que celui d'être chrétiens ; par là s'explique aussi ce qu'il y a de capricieux, d'incorrect en apparence, dans beaucoup de procès de martyrs, comme ce qu'il y a d'horriblement raffiné dans leurs supplices.

Je n'ai pas à prendre parti entre les deux systèmes, à rechercher, par exemple, comment ce que M. Mommsen dit de la coercitio, pouvoir de police laissé à l'initiative des gouverneurs, s'accorde avec la défense faite à ceux-ci par Trajan de poursuivre les chrétiens et de les condamner sans une accusation régulière. Ici, je suis seulement rapporteur, et j'expose deux théories différentes sur le fondement juridique des premières persécutions[41]. Quelle que soit celle qui est destinée à prévaloir, l'histoire des persécutions restera la même, aussi héroïque et aussi sanglante. Immolés en vertu d'une loi de Néron ou de Domitien, immolés en vertu de la coercitio des magistrats, les martyrs demeurent des hommes qui, placés entre l'abjuration, qui eût été pour eux le salut en ce monde, et la mort, qui leur assurait le salut dans l'autre, ont préféré la mort et vraiment mérité le nom de témoins de Jésus-Christ.

 

 

CHAPITRE V. — LE RÉGIME LÉGAL DE L'ÉGLISE AU IIIe SIÈCLE

 

Le problème juridique que je viens d'indiquer ne se pose que pour les deux premiers siècles. Au cours du IIIe, le mode de procéder contre les chrétiens change tout à fait. Chaque persécution va désormais être annoncée par un édit. Loin que les magistrats doivent attendre une accusation régulière pour juger des chrétiens, il leur est enjoint de les rechercher. Ceux-ci, le plus souvent, sont mis en demeure de faire une abjuration publique, et ceux qui s'y refusent doivent être poursuivis d'office. Tel devient, surtout depuis Dèce, le caractère des persécutions. Mais, par cela même qu'elles sont plus systématiques et plus violentes, il arrive qu'elles durent moins. L'édit ne survit pas, le plus souvent, ail prince qui l'a porté : quelquefois il est révoqué officiellement par un acte qui ressemble à un véritable traité de paix. D'où cette conséquence que les Eglises qui, aux deux premiers siècles, moins violemment attaquées, vivaient cependant sous le coup d'une menace continuelle, se trouvent, au IIIe, traverser de longs intervalles de paix : dans cette nouvelle période des rapports de l'État romain avec le christianisme, les années tranquilles l'emportent notablement en nombre sur les années troublées.

C'est alors qu'une autre question se pose : sous quel régime légal vit désormais l'Eglise ? La question est d'autant plus intéressante que le IIIe siècle voit précisément l'Eglise devenir propriétaire, et posséder, avec un titre légitime, non par la personne interposée de tel ou tel individu chrétien, mais ouvertement, comme corporation, des immeubles tels que ses lieux de culte et ses cimetières. La constitution de la propriété ecclésiastique est l'un des faits les plus saillants du IIIe siècle. A part quelques exceptionnelles violations du droit, celle-ci paraît presque aussi respectée pendant les années de persécution et pendant les années d'accalmie. Comment expliquer ce qui, à première vue, paraît inexplicable ?

Par le respect des Romains pour les associations soit de droit, soit de fait. Mais, ici encore, deux systèmes ont été proposés.

L'un est celui de M. de Rossi. L'illustre explorateur des catacombes a remarqué, d'abord, que le commencement du IIIe siècle vit une extension considérable du droit d'association. L'empereur Septime Sévère permit partout aux petites gens (tenuioribus) de s'associer, même sans aucune autorisation de l'État, en vue d'assurer leur sépulture commune. C'est ce que l'on appela le collège funéraire, société de secours mutuel limitée aux funérailles et à la sépulture. Celui-ci, pour atteindre le but de sa fondation, dut naturellement avoir la faculté de posséder des immeubles. Il dut aussi avoir celle de se procurer des ressources régulières, et par le paiement d'une cotisation mensuelle demandée à ses participants, et par les souscriptions de patroni — ce que nous appelons aujourd'hui des membres honoraires. Les textes juridiques et les inscriptions nous

4GLES PERSÉCUTIONS

montrent de nombreux collèges funéraires constitués sur ce modèle. Mais M. de Rossi a remarqué, en même temps, la similitude presque absolue des passages des écrits de Tertullien où estreprésentée la constitutionenquelque sorte extérieure et économique de la commun auté chrétienne, et des textes épigraphiques ou juridiques relatifs aux collèges funéraires, D'où cette conclusion : les Eglises chrétiennes, composées en majorité de petites gens, ont pris vis-à-vis de l'Etat la forme légale d'associations funéraires, ce qui leur a permis de posséder leurs cimetières, leurs chapelles, d'avoir leurs réunions corporatives, leur caisse, leurs administrateurs, et, même quand leurs membres individuellement étaient frappés, de r ester debout en tant que corps et que collectivité[42].

Résumée comme je viens de le faire, cette théorie paraît probablement intéressante ; mais si on l'appuie de tous les textes qui semblent la corroborer, et que je ne saurais indiquer ici, elle prend un relief tout à fait frappant. Aussi avait-elle été acceptée â peu près de tous les érudits, jusqu'au jour où Mgr Duchesne, avec l'autorité de son grand savoir, lui a opposé des objections.

La plus considérable est celle-ci : les associations funéraires étaient très nombreuses dans chaque ville, et chacune comprenait, le plus souvent, un nombre relativement petit d'adhérents. Dans chaque ville, au contraire, l'Eglise était unique et comptait des centaines, quelquefois des milliers de fidèles. Entre des associations aussi différentes il n'y avait pas, pour ainsi dire, de commune mesure. Aussi, malgré l'apparente similitude des textes, bien que chaque Eglise possédât, comme les collèges, des lieux consacrés à la sépulture commune, et fût, extérieurement, administrée d'une manière à peu près analogue, une Eglise ressemblait trop peu à un collège funéraire pour que personne, et l'autorité romaine moins que tout autre, fût capable de les confondre. Je n'examine pas si cette objection est absolument irréfutable, mais j'ajoute tout de suite que, aux yeux de Mgr Duchesne[43], si les communautés chrétiennes ne formèrent pas des associations de droit, comme celles que prévoient, en vue de la sépulture, les jurisconsultes Ulpien et Marcien, cependant elles formèrent des associations de fait qui furent tolérées généralement des autorités romaines, et, en dehors des crises trop violentes de persécution, restèrent libres de posséder et d'administrer leur patrimoine comme l'eussent fait des associations tout à fait légales. Ainsi s'explique Alexandre Sévère jugeant, en faveur des chrétiens, un procès qu'une corporation romaine leur intentait au sujet de la propriété d'un terrain ; ainsi s'explique, quand la persécution a cessé, la restitution à l'Eglise d'immeubles ayant appartenu non à des particuliers, mais au corps des chrétiens, selon les expressions très remarquables de l'édit de Milan.

Encore une fois, je suis ici un simple rapporteur, et j'indique les théories en présence sans vouloir prendre parti[44]. Mais j'ai le devoir de rappeler que, si le choix à faire entre l'une et l'autre est intéressant au point de vue de l'érudition pure, cependant il ne saurait modifier en rien l'histoire générale des persécutions : et le fait demeure, le fait extraordinaire de la propriété ecclésiastique grandissant parmi les alternatives d'orage et de calme, comme une plante dont tour à tour la racine est baignée dans le sang et la tête réchauffée par un clair soleil, selon que la persécution sévit ou que s'établit une trêve momentanée, précurseur de la paix définitive.

 

 

CHAPITRE VI. — LES RÉCITS DE MARTYRES. - CONCLUSION

 

La critique s'est surtout exercée sur les récits de martyres. Il y a là des problèmes de diverse sorte, dont je dois parler rapidement.

Les chrétiens persécutés écrivirent la relation des procès et des supplices de leurs frères morts pour la foi. Quand ces relations reproduisent les pièces mêmes du procès, elles méritent vraiment le nom d'Actes des martyrs. Ce même nom peut être donné, par extension, aux récits contemporains, même s'ils contiennent simplement les souvenirs des narrateurs, sans emprunter au greffe des tribunaux le texte officiel de l'interrogatoire des martyrs. Exemples, pour le ne siècle, de ces deux sortes d'Actes, différents dans la forme, mais également authentiques : les Actes des martyrs de Scillium, qui offrent le texte même de l'interrogatoire et de la sentence[45] ; la lettre sur les martyrs de Lyon, qui est un récit de témoins oculaires[46]. Je n'ai pas besoin de dire qu'un petit nombre seulement de documents de cette valeur nous est parvenu. Nous en connaissons assez, cependant, pour nous faire une idée exacte des procès intentés aux chrétiens. Et ce qui nous reste de cette littérature contemporaine des persécutions et inspirée par elles forme un des plus précieux monuments de l'histoire.

Dans un rang très inférieur aux Actes viennent les Passions. On appelle de ce nom les récits de martyres écrits d'après des traditions ou des documents plus ou moins sûrs, à une époque quelquefois rapprochée, souvent au contraire très éloignée des faits qu'ils racontent[47]. Il serait téméraire de rejeter a priori tous les écrits de cette nature. Il en est d'excellents, parce que leurs rédacteurs ont puisé à de bonnes sources. Il en est de très mauvais, parce que leurs rédacteurs ont écrit à une basse époque, et ont tiré de leur imagination la totalité ou la plus grande partie des détails qu'ils racontent. De toute évidence, les pièces de cette nature doivent être examinées de près : l'examen révélera quelquefois qu'il n'y a rien ou presque rien à en tirer, d'autres fois il montrera, au contraire, que sous les broderies les plus légendaires se cache quelque débris de canevas antique, autrement dit que le rédacteur de basse époque a connu des écrits meilleurs ou de sûres traditions, dont il est encore possible de discerner la trace.

Un exemple récent a montré que des fragments d'une valeur inestimable peuvent quelquefois se cacher dans les pièces les plus mauvaises. La Vie d'Abercius est une composition des plus légendaires qui soient venues jusqu'à nous. Elle est si remplie d'inventions invraisemblables qu'un critique aussi sagace que Tillemont l'a rejetée tout entière[48], sans examiner si elle ne renfermait point, mêlé à des fables, quelque détail de bon aloi. Celui-ci existait cependant : le biographe cite, à la fin de sa narration, une épitaphe en vers composée par Abercius pour son propre tombeau ; en en comparant le style symbolique à celui d'une inscription qui venait d'être trouvée à Autun, dom Pitra, en 1855, affirma que cette épitaphe était authentique, et avait dû être copiée sur le monument original par l'auteur de la Vie d'Abercius. Ce qui n'était qu'une belle conjecture s'est transformé en certitude par la découverte que l'explorateur anglais Ramsay a faite, une trentaine d'années après, à Hiérapolis en Phrygie, de la stèle même d'Abercius, portant, encore lisibles, les vers qu'avait copiés le biographe légendaire. Cette perle des inscriptions chrétiennes, comme on l'a nommée, est aujourd'hui le plus précieux ornement du musée chrétien du Vatican[49] ; mais avant d'en retrouver l'original, on en possédait la copie : et cette copie se trouvait enfouie en un lieu fort suspect, c'est-et-dire dans une composition légendaire de la plus basse époque.

Je ne prétends pas, assurément, que tontes les Passions de martyrs tardivement rédigées réservent de pareilles surprises : mais plusieurs, d'entre elles laissent entrevoir quelque fond de tradition antique, qui ne permet pas de les condamner sans réserve. C'est ce qu'a déclaré souvent M. de Rossi c'est ce que M. Edmond Le Blant a tenté de montrer dans un livre où il semble parfois vouloir trop prouver, mais dont l'idée générale reste aussi solide qu'ingénieuse[50]. Cependant la valeur relative des Passions de martyrs a été récemment contestée pour toute une série d'entre elles : je dois rapidement, pour finir, rappeler cette controverse.

C'est de Rome qu'on a gardé le moins d'Actes authentiques. A peine en pourrait-on citer deux ou trois, pour l'Eglise qui cependant fut probablement la plus ravagée par les persécutions, et possédait, au témoignage d'un pèlerin du IVe siècle, d'innombrables tombes de martyrs[51]. En revanche, les Passions d'époque tardive y abondent. Sur la valeur de celles-ci, les opinions sont aujourd'hui très divisées. L'homme de génie qui a découvert et décrit Rome souterraine, M. de Rossi, proclame, en cent endroits de ses livres et avec l'autorité de son expérience, que les Passions même les plus tardives contiennent ordinairement quelque lambeau de vérité, et qu'il importe, par conséquent, d'examiner scrupuleusement chacune d'elles, avant de se croire en droit de la rejeter[52]. Au contraire, un bollandiste d'un profond savoir, le P. Delehaye[53], un critique distingué, M. Dufourcq[54], soutiennent aujourd'hui que les Passions romaines, ayant été rédigées pour la plupart au VIe siècle, ne contiennent à peu près aucun élément historique, et doivent être rejetées en bloc. Ici encore, je ne puis être qu'un simple rapporteur : mais je veux faire une remarque, qui sera la dernière.

C'est que les savants qui contestent absolument la valeur des Passions romaines sont d'accord sur un point avec ceux qui leur reconnaissent une valeur relative. Ces derniers supposent que, dans bien des cas, les rédacteurs de ces Passions ont pu s'inspirer de documents anciens, qui sont aujourd'hui perdus ; les autres pensent que ces rédacteurs ont inventé de toutes pièces les aventures des saints dont les traditions urbaines leur avaient fait connaître seulement les noms et les sépultures. Mais les uns et les autres nous montrent la ville de Rome encore pleine, l'époque où ces Passions furent rédigées, de sanctuaires de martyrs, d'inscriptions gardant leurs noms et parfois quelque vague récit de leur mort, des tombes mêmes où les couchèrent des contemporains de leur supplice. Si bien que, ici encore, la controverse intéresse l'érudition, mais ne dérange pas les ligues -générales de l'histoire des persécutions, et laisse subsister toute la grandeur, toute la richesse de cette histoire.

Loin de la diminuer, cette richesse, l'effort de la critique moderne l'a, au contraire, notablement accrue. Elle a appris aux historiens des premiers siècles chrétiens à être plus sévères dans le choix des documents, dans l'étude de chacun d'eux, et quand même elle aurait mis dans cette sévérité quelque excès, elle aurait cependant rendu par là à la vérité le plus grand des services. Mais, de plus, la critique a étendu le domaine où se meut l'historien. Elle l'a augmenté de provinces nouvelles. J'ai nommé tout à l'heure M. de Rossi : quelle conquête a été pour l'histoire des siècles de persécution, et des siècles de paix qui ont suivi, la mise en lumière des plus importantes catacombes romaines l Ici, ce n'est pas seulement l'archéologue de génie qu'on a vu à l'œuvre, mais c'est tout autant le critique ; car il ne suffisait pas de découvrir, il fallait encore identifier les catacombes retrouvées, reconnaître à l'aide des documents leurs cryptes et leurs tombes historiques, découvrir ces documents eux-mêmes et leur faire rendre tous les renseignements qu'ils contenaient. Et en même temps qu'il ouvrait à la science l'immense perspective des catacombes, M. de Rossi créait pour ainsi dire l'épigraphie chrétienne, tout à la fois en découvrant ses plus beaux textes et en lui donnant une chronologie, des règles, une méthode. La connaissance des siècles de persécution a été renouvelée par ces acquisitions d'une critique supérieure. Des découvertes moindres, mais d'une grande importance encore, ont accru ses trésors. Si la critique biffait impitoyablement des textes douteux, elle rendait plus sûre l'autorité des textes authentiques, en retrouvait des versions meilleures, parfois même découvrait des textes nouveaux, comme cet incomparable procès d'Apollonius, qu'on avait perdu avec le recueil de Passions formé par Eusèbe, et que nous a rendu un manuscrit arménien[55]. Si la critique effaçait des traits qui avaient longtemps faussé l'image vraie des siècles antiques, elle mettait en lumière des découvertes qui font toucher du doigt, en quelque sorte, les temps où sévit la persécution, comme ces certificats de sacrifice donnés à des renégats de celle de Dèce qui ont été récemment déchiffrés en Egypte[56].

Je résume d'un mot les pages qu'on vient de lire. L'histoire des persécutions, telle que la tradition nous l'avait transmise, s'est trouvée aux prises avec la critique moderne : celle-ci l'a examinée de près, et, si l'on peut dire, retournée dans tous les sens : elle a, sur plias d'un point, émondé une végétation parasite, arraché le lierre qui cachait les lignes simples et la belle nudité de l'arbre : mais, en définitive, ce qu'elle a enlevé à celui-ci de fausse et d'inutile parure, elle le lui a rendu en sève nouvelle, qui a garni le tronc de rameaux plus jeunes et plus forts. Il y a deux cents ans, le sévère Tillemont avait commencé l'œuvre de critique scrupuleuse et sagement destructive le siècle qui vient de finir a continué cette œuvre, mais il l'a complétée, en remplaçant chaque destruction par une acquisition nouvelle. Tillemont, Jean-Baptiste de Rossi, ces deux noms si dissemblables symbolisent, à mes veux, le double travail de la critique sur l'histoire des persécutions, et, en général, sur toute l'histoire des premiers siècles chrétiens.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Saint Augustin, Sermo 300.

[2] L'Aubé non aveva aniino ostinato contra la verita, dit très bien le P. Semeria, Il primo sangue cristinno, p. 25.

[3] Voir Boissier, La fin da paganisme, t. I, p. 151.

[4] Ernest Havet, Le Christianisme et ses origines, t. IV, p. 463.

[5] Renan, L'Eglise chrétienne, p. 314.

[6] Renan, L'Eglise chrétienne, p. 316.

[7] Renan, L'Eglise chrétienne, p. 317.

[8] Boissier, La fin du paganisme, t. I, p. 156.

[9] Boissier, La fin du paganisme, t. I, p. 156.

[10] Boissier, La fin du paganisme, t. I, p. 157.

[11] Roma sotterranea cristiana, t. I-III, Rome, 1864-1877 ; Inscriptiones christianæ urbis Romæ, t. I-II, Rome, 1861-1888 : Bullettino di archeologia cristiana, 1863-1891.

[12] Par exemple le consul Clemens, Flavia Domicilia, le consul Acilius Glabrio, le consul Liberalis, etc.

[13] Apostolie Fathers, Part. I, S. Clement of Rome, t. I-II, ed., Londres, 1890. Part. II, S. Ignatius and S. Polycarp,, t. I-III, Londres, 1889.

[14] Geschichte der altchrisdichen Litteratur bis Eusebius, t. I-II, 1893-1897 ; Die Mission und Ausbreitang des Christentums in den ersten drei Jahrhanderten, Leipzig, 1902 ; Der Prozess des christen Apollonius, dans Comptes rendus de l'Académie de Berlin. 1893, etc.

[15] Der römische Staat und die altgemeine Kirche bis aaf Diocletian, t. I, Leipzig, 1890.

[16] Christionity and the roman Government, Londres, 1891.

[17] The Church and the roman Empire before 170, Londres, 1891.

[18] Tacite, Annales, XV, 11.

[19] Pline le Jeune, Lettres, X, 97.

[20] Tertullien, Apologétique, 27.

[21] Voir mon livre sur la Persécution Dioclétien, 2e édit., t. I, p. 51,

[22] Tertullien, Apologétique, 5 ; Scorpiace, 15.

[23] Tacite, Annales, XV, 14.

[24] Ein Problem des Tacituseklarung, dans Commentationes philologie in honorem T. Mommsenii, Berlin, 1877, p. 41-49.

[25] Pline le Jeune, Lettres, II, 1 ; VI, 16.

[26] Sur la valeur de Tacite comme historien, consulter le récent livre de M. Boissier, Tacite, Paris, 1903.

[27] Actes des apôtres, XXVI, 28.

[28] Douais, dans Revue des Questions historiques, t. 38, octobre 1885, p. 337-397 ; Boissier, dans Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions, 26 mars 1886.

[29] Hochart, De l'authenticité des Annales et des Histoires de Tacite, Paris, 1890.

[30] Gatti, dans Studi e Documenti di storia e diritto, 1890, 1. 431. Cf. Borghesi, Œuvres, t. V, p. 287 et suiv.

[31] L'incendio di Roma e i primi Cristiani. La quatrième édition de cet opuscule a été réimprimée dans un volume publié en 1903 par M. Pascal : Fatti e Leggende di Roma antica.

[32] Tacite, Annales, XV, 67.

[33] Pline, Nat. Hist., XVII, 1. — J'ai étudié avec détail le problème de l'incendie de Rome, dans la Revue des Questions historiques, avril 1903, p. 341-378.

[34] Lipsius (Justus Hermann), Chronoloqie des römischen Bischöfe bis zur Mitte der vierten Jahrunderts (1869). Die Quellen der römischen Petrussage (1872).

[35] Une exception récente est M. Erbes, qui, dans un écrit intitulé : Petrus nicht in Rom, sondern in Jerusalem gestoröen (dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, t. XXII, p. I 49, 161-221, Gotha, 190), soutient que saint Pierre a été martyrisé non à Rome, mais à Jérusalem. Voir la critique de son mémoire dans Revue d'histoire ecclésiastique, t. IV, p. 251-261, Louvain, 1903.

[36] Voir mon Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 3e éd., p. 74.

[37] Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 3e éd., p. 60-80.

[38] Voir Boissier, La lettre de Pline au sujet des chrétiens, dans Revue archéologique, t. XXXI, 1876, p. 119-120.

[39] Duchesne, Les origines chrétiennes, p. 115.

[40] Voir Mommsen, Der Religionsfrecel nach römischen Recht, dans Historische Zeitschrift, 1890, t. LXIV, p. 389-429 ; Christianity in the roman Empire, dans The Expositor, 1883, t. VIII ; Rômischen Strafrecht, Leipzig, 1899.

[41] Voir sur cette controverse mon Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 3e éd., p. 172-173. — Contre la théorie de M. Mommsen, voir Guérin, Etude sur le fondement juridique des persécutions dirigées contre les chrétiens pendant les deux premiers siècles, dans Nouvelle Revue historique de Droit français et étranger, sept-déc. 1895 : Callewaert, Les premiers chrétiens furent-ils persécutés par édits généraux ou par mesures de police ? dans Revue d'histoire ecclésiastique, Louvain, 1901, t. II, n° 4 ; 1902, t. III, n° 1-3 : Le délit de christianisme dans les deux premiers siècles, dans Revue des Questions historiques, juillet 1903.

[42] De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 101-108 ; t. II, p. VI-IX, 371 : t. III, p 178, 507-514 ; Bullettino di archeologia cristiana, 1861, p.. 29, 59, 63, 91 ; 1863, p. 89, 97-98 ; 1866, p. 11, 22 ; 1870, p. 36.

[43] Duchesne, Les origines chrétiennes (leçons d'histoire ecclésiastique professées à l'Ecole supérieure de théologie de Paris, 1878-1881), p. 386-396 ; et Compte rendu du 3e Congres scientifique international des catholiques, Bruxelles, 195, Sciences historiques, p. 188.

[44] J'ai exposé longuement les deux théories dans Le Christianisme et l'Empire romain, 5e édit., p. 76-89.

[45] Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 3e édition, p. 458-463.

[46] Eusèbe, Hist. eccl., V, 1 ; cf. Hist. des persécutions pendant les deux premiers siècles, p. 409-411.

[47] Voir Delehaye, les Légendes hagiographiques, § IV, classification des textes hagiographiques, dans Revue des questions historiques, juillet 1903, p. 117-120.

[48] Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. II, art. et note III sur saint Papius.

[49] Voir une reproduction photographique de la stèle d'Abercius dans Nuovo Bullettino di archeologia cristiana, 1895, pl. III-VI, VII. — Indications bibliographiques sur la question d'Abercius dans Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, p. 387, note 2, et Le Christianisme et l'Empire romain, p. 53, note 3. Cf. Congrès bibliographique international de 1898. Paris, 1900, p-129-130.

[50] Les Actes des martyrs, supplément aux Acta sincera de Dom Ruinart, Paris, 1882.

[51] Prudence, Peri Stephanôn, II, 541-551 ; XI, 1-16.

[52] Voir, entre autres exemples, Roma sotterranea, t. III, p. 666 ; Bullettino di archeologia cristiana, 1869, p. 15.

[53] Analecta Bollandiana, t. XVI, 1897, p. 235-248.

[54] Etude sur les Gesta martyrum romains, Paris, 1900.

[55] Voir Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, p. 466-470.

[56] On trouvera la photographie d'un de ces papyrus dans Nuovo Bullettino di archeologla cristiana, 1895, pl. VIII. Voir Le Christianisme et l'Empire romain, p. 97, 296-297.