JULIEN L'APOSTAT

TOME TROISIÈME — JULIEN ET LES CHRÉTIENS : LA PERSÉCUTION ET LA POLÉMIQUE - LA GUERRE DE PERSE.

APPENDICES.

APPENDICE A. — LES SOURCES DE L'HISTOIRE DE JULIEN.

 

 

De nombreux documents existent sur Julien. On peut dire, d'une manière générale, que peu de biographies anciennes en possèdent davantage. Les sources de celle de Julien se divisent, d'après leurs origines et leurs tendances, en païennes et chrétiennes. Plusieurs sont contemporaines. Il en est aussi d'une époque plus basse. Nous devons examiner successivement ces diverses catégories de documents.

 

PREMIÈRE PARTIE. — SOURCES PAIENNES.

I. — Julien.

Comme j'ai eu souvent l'occasion de le faire remarquer, les écrits de Julien sont pleins de renseignements sur son caractère et sur sa vie. Il est peu d'entre eux où il ne se peigne soit volontairement, soit à son insu. Une lecture attentive et, comme on dit, entre les lignes met souvent en présence d'une figure vivante et laisse deviner une &me. Il en est ainsi même des morceaux de pure rhétorique, comme les deux Éloges de Constance, ou d'une satire historique, comme. le pamphlet sur les Césars, ou des essais de théologie païenne, comme les Discours sur le Roi Soleil et sur la Mère des dieux, ou de la polémique contre Héraclius et contre les mauvais cyniques, à plus forte raison des fragments de la polémique contre les chrétiens. Mais, de plus, quelques écrits, et non des moins importants, ont proprement le caractère autobiographique.

Ce sont, dans l'ordre des dates : l'Éloge de l'impératrice Eusébie (356), dans lequel Julien rappelle les bienfaits dont celle-ci l'a comblé ; la Consolation à Salluste (358), où un épisode pénible du séjour de Julien en Gaule est malheureusement noyé dans les flots d'une insipide rhétorique ; l'Épître aux Athéniens (361), seul reste d'une série de lettres aux villes, dans lesquelles Julien racontait, en manière d'apologie, son éducation, sa jeunesse, les événements qui précédèrent et amenèrent l'usurpation par lui du titre d'Auguste ; l'Épître à Thémistius (361), où Julien trace l'idéal du souverain qu'il se propose d'être ; le Misopogon (363), qui rappelle d'abord des épisodes de sa vie à Paris, puis raconte les divers incidents de son séjour à Antioche ; le Fragment d'une lettre pastorale (363), qui contient une partie de son plan de réorganisation et de réforme du paganisme[1].

A ces écrits déjà révélateurs vient se joindre ce qui, ordinairement, fait le mieux connaître un homme, à savoir sa correspondance. Mais ici l'on éprouve un vif désappointement. La correspondance de Julien ne peut se comparer, pour l'étendue, à celle d'autres écrivains célèbres du quatrième siècle, comme Libanius, dont on possède près de seize cents lettres ; Symmaque, qui en a laissé près de neuf cent cinquante ; ou même saint Basile, dont on en connaît plus de trois cents. En y comprenant la lettre sur l'évêque renégat Pégase, découverte en 1875, et en rangeant sous la rubrique lettres beaucoup de pièces qui n'en sont pas, comme plusieurs édits ou rescrits, l'édition donnée en 1876 par Hertlein compte 80 numéros. Si l'on y joint les six nouvelles lettres découvertes en 1883 par M. Papadopoulos Kerameus, dans un manuscrit de la Correspondance de Julien conservé à Chalcé[2], on possède en tout quatre-vingt-six lettres ou pièces analogues attribuées à cet empereur. Encore de ces quatre-vingt-six pièces en est-il environ vingt-cinq qui ont été contestées[3], et l'on peut admettre que pour dix-huit ou dix-neuf d'entre elles le reproche a lieu d'être fondé : non probablement que des faussaires se soient donné souvent la tâche ingrate de composer des lettres sous le nom de l'empereur Julien, mais vraisemblablement parce que des épîtres ayant un autre auteur ont été attribuées à Julien par d'anciens éditeurs de sa Correspondance. Ce qui reste d'authentique est donc peu nombreux : et encore cette authenticité est-elle, pour certaines pièces, une authenticité de second ordre, car si tel ou tel édit ou rescrit inséré dans la correspondance est manifestement l'œuvre personnelle de Julien, d'autres paraissent avoir été rédigés par des secrétaires[4], et avoir été revêtus de son approbation sans porter la marque de son style.

Il reste donc un très faible débris de l'œuvre épistolaire de Julien. Celle-ci fut certainement considérable. Quand on regarde l'activité incessante et presque fébrile de Julien, on se rend compte qu'il écrivit ou dicta beaucoup de lettres. Un des témoins de sa vie nous dit qu'il y fatiguait ses secrétaires. Libanius le montre envoyant, dans une même journée, des lettres aux villes, aux commandants d'armée, aux amis qui partaient, aux amis qui arrivaient, lassant par la rapidité de sa langue la main des scribes, qui étaient obligés souvent de demander du repos, alors que lui passait sans fatigue d'une occupation à une autre[5]. Ces divers types de lettres sont maigrement représentés dans le recueil que nous possédons. Il en est même qui manquent tout à fait : on n'y voit pas de lettres aux généraux[6]. On peut admettre que le recueil existant aujourd'hui renferme, au point de vue du nombre, à peu près l'équivalent des épîtres sorties du cabinet de Julien en cinq ou six jours. C'est dire que l'immense majorité de ses lettres est perdue. Quelle qu'en soit la cause, cette perte est infiniment regrettable. Au dire des anciens, les lettres de Julien sont ce qu'il a écrit de mieux et ce qui donnait le plus de lumière sur son règne. Ammien Marcellin estime qu'elles sont, par la gravité et l'agrément, les égales des Discours du prince[7] ; mais Libanius, qui parait montrer en ceci un sentiment littéraire plus délicat, déclare que les lettres de Julien l'emportent sur ses autres écrits, et qu'il s'y est surpassé lui-même[8]. Un siècle plus tard, Zosime y voit une source de renseignements plus abondante que toute les autres[9]. On ne saurait donc trop déplorer les hasards qui ont tari pour nous presque toute cette source, et en ont laissé à peine un mince filet d'eau.

Les lettres de Julien avaient cependant été recueillies aussi soigneusement que ses autres ouvrages. On vient de les voir connues et jugées par des écrivains du quatrième et du cinquième siècle. Pour en parler comme il le fait, Ammien eut certainement sous les yeux une collection de ces lettres. Dans ses Fragments historiques et dans les Vies des philosophes et des sophistes, un autre écrivain de la seconde moitié du quatrième siècle, Eunape, fait allusion à diverses lettres, cite même quelques mots de plusieurs d'entre elles. Il semble avoir puisé dans un recueil général, contenant des pièces de diverses époques, car si quelques-unes des épîtres qu'il cite sont adressées à des sophistes, d'autres sont relatives aux guerres de Julien. L'auteur du recueil peut avoir été Libanius. Le célèbre sophiste d'Antioche avait été en relations épistolaires avec Julien depuis le jour de son élévation au rang de César. Ces relations se poursuivirent jusqu'à la fin de la vie du prince, car il correspondait encore avec celui-ci pendant la guerre de Perse. Libanius possédait donc un très grand nombre de lettres du restaurateur de l'hellénisme. Ses rapports avec les amis et les coreligionnaires de celui-ci, son ascendant sur les autres sophistes qui avaient été en correspondance avec l'empereur, lui rendaient facile de rassembler de toutes parts beaucoup d'épîtres.. Dès le lendemain de la mort de Julien, on le voit préoccupé de faire connaître des lettres[10] qui étaient, dit-il, sa seule consolation[11]. Voir en lui le compilateur du recueil que connurent Ammien et Eunape n'est sans doute qu'une hypothèse, mais cette hypothèse ne paraîtra pas téméraire.

Cependant il semble qu'au Ve siècle une autre collection de lettres et d'actes de Julien, indépendante de la première, ait aussi eu cours. MM. Bidez et Cumont, qui ont jeté sur toutes les questions relatives à la correspondance de Julien de si vives lumières, ont remarqué que Socrate et surtout Sozomène font mention, dans leurs histoires, de nombreuses ordonnances de Julien, et les citent avec une grande précision. Mais ils ont remarqué, en même temps, que ces historiens ecclésiastiques ne font pas une seule allusion aux lettres adressées à des sophistes, et que, d'autre part, ni Libanius, ni Ammien, ni Eunape ne mentionnent aucun des textes officiels cités par Sozomène. La conclusion qu'ils ont cru pouvoir tirer de cette double constatation, c'est que, primitivement, il a existé au moins deux collections distinctes des épîtres de Julien, l'une contenant des lettres purement privées, l'autre composée de rescrits envoyés à des fonctionnaires ou à des prêtres, d'édits promulgués en certaines villes. La première collection a, de toute évidence, une origine païenne, puisqu'elle parait avoir été formée par Libanius ou quelque autre ami de Julien ; comme les pièces composant la seconde ont, pour la plupart, trait aux Galiléens, elle semble avoir été rassemblée par un chrétien, peut-être d'Alexandrie[12], désireux de conserver les documents relatifs à la persécution[13].

Les deux érudits belges, poursuivant le cours de leurs hypothèses, supposent, non sans vraisemblance, que les deux collections parallèles dont il vient d'être question, et probablement encore d'autres recueils partiels, se fondirent, dans le cours du v siècle, en une vaste compilation. De celle-ci aurait parlé et se serait servi Zosime. A la fin du Ve siècle, l'édition des Discours et des épîtres de Julien dont use cet historien semble très répandue, et d'un accès facile : quiconque les désire peut se les procurer, dit Zosime[14], en insistant surtout sur la valeur documentaire des lettres. Il est certain qu'une collection de lettres plus considérable que celle qui est venue jusqu'à nous exista au Vie siècle : deux écrivains de ce temps, Lydus et Facundus, y copient des épîtres que les manuscrits aujourd'hui conservés ne contiennent pas. A la fin du Ve siècle encore, Suidas commit des lettres que nous ne possédons plus, et qui peuvent venir de la même tradition.

Cependant le recueil qui, d'après une hypothèse vraisemblable sans être absolument certaine[15], aurait été depuis la fin du Ve siècle l'instrument de cette tradition ne serait point, dans tous les cas, le seul qui aurait eu cours au moyen âge. L'étude des manuscrits aujourd'hui existants oblige à conclure que la plupart des épîtres de Julien nous ont été transmises par une autre voie[16]. Elles paraissent avoir été répandues et conservées surtout, à travers le monde byzantin, dans des livrets qui les continrent avec celles d'autres épistolographes grecs, comme modèles de style pour les gens de cour qui avaient à rédiger une requête ou à tourner un compliment. C'est dire qu'on fit un choix parmi les lettres, prenant celles qui offraient des formules de politesse raffinée et fleurie de préférence à celles qui traitaient d'affaires. A cette anthologie se rattachent beaucoup des manuscrits qui nous ont transmis des lettres de Julien. Une autre classe de manuscrits, dont le plus important est le Vossianus de la bibliothèque de Leyde, copie du XIIIe siècle, contenant les Discours et les épîtres, a emprunté ces dernières à des collections plus complètes, mais cependant ne permet point de remonter à un archétype primitif. Fût-il donné de retrouver la trace de la collection que connut probablement Zosime, et qui parait avoir été consultée encore au VIIe siècle, peut-être même plus tard, il est probable qu'on y trouverait, avec un nombre de lettres beaucoup plus considérable que celui que nous possédons, une confusion déjà très grande, et le mélange dès lors formé de pièces authentiques et de morceaux apocryphes.

Les divers éditeurs des lettres de Julien, depuis l'édition de Musurus, imprimée à Venise par Aide en 1499, jusqu'à celle de Hertlein en 1876, n'ont pas cherché à donner des lettres qu'ils mettaient au jour un classement plus rationnel que n'avaient fait les copistes du moyen fige et de la renaissance. Ils se sont contentés d'ajouter celles que l'on découvrait : l'édition de Musurus avait quarante-huit lettres, celle d'Hertlein en contient quatre-vingts, auxquelles il faut ajouter les six de Chalcé : trente-huit lettres seulement découvertes en quatre siècles[17] ! Mais, quelle que soit la date des éditions, c'est -toujours le même désordre : les pièces formant une série, comme celles qui ont trait aux affaires d'Égypte, sont réparties çà et là : nul effort n'est tenté pour mettre chaque lettre à sa date : quelquefois deux morceaux d'une même épître sont imprimés comme deux lettres différentes, ainsi qu'on l'a récemment démontré pour le n° 14 d'Hertlein, qui est la conclusion du n° 74, et pour le n° 63, qui fait partie de l'encyclique incomplète publiée à part sous le nom de Fragment de lettre. Une édition nouvelle de ce qui notas reste de l'œuvre épistolaire de Julien est devenue nécessaire : les travaux de Schwarz, de Cumont, de Bidez, ont prouvé cette nécessité ; et la collaboration de ces deux derniers érudits nous promet, dans un avenir plus ou moins prochain, cette édition faite enfin par eux avec toute la compétence qu'elle demande.

L'exemple des lettres prouve que, si considérables que soient les renseignements fournis sur Julien par ses propres œuvres, cependant celles-ci ne nous sont parvenues qu'avec d'immenses lacunes. On peut trouver, dans les auteurs qui y font allusion ou qui les citent, l'indication de ceux de ses écrits qui ont péri, soit partiellement, soit en totalité. Dans le chapitre sur la polémique de Julien j'ai amplement parlé de son ouvrage contre les chrétiens : de cet ouvrage, qui était en trois livres, un seul, le premier, a pu être approximativement reconstitué, grâce aux citations textuelles qu'en fait saint Cyrille d'Alexandrie dans la réfutation qu'il lui consacre. On connaît le second livre seulement par huit fragments de quelques lignes fournis par saint Cyrille, par saint Jérôme, par Théodore de Mopsueste, et un fragment plus étendu tiré d'Arétas ; du troisième livre on a deux fragments d'un petit nombre de lignes, provenant de saint Cyrille et de Suidas[18]. Pour d'autres écrits, nous sommes moins heureux encore, car on n'en connaît guère que le titre, ou quelques mots à peine avec le titre.

Telles sont l'épître aux Lacédémoniens et l'épître aux Corinthiens, écrites en octobre ou novembre 361, en même temps que l'épître aux Athéniens, seule conservée. De ces deux pièces fait mention Zosime (III, 10) : à l'une ou à l'autre appartient vraisemblablement une phrase citée par lui un peu plus haut (III, 3) ; de l'épître aux Corinthiens est une antre phrase reproduite par Libanius (Pro Aristophane ; Reiske, t. I, p. 434). Tel est le traité des Saturnales ou Κρόνια, dont Julien lui-même fait mention (Oratio IV ; Hertlein, p. 204), et dont Suidas a conservé un fragment (v° Έπεδότιμος). Tels sont enfin ses Mémoires sur les guerres de Germanie.

L'existence d'un ou plusieurs écrits de Julien, aujourd'hui perdus, sur ce sujet n'est pas douteuse : mais il se peut que les critiques aient exagéré l'importance ou l'étendue de cette partie de son œuvre. Hecker, le premier, en a reconnu l'existence, et y a montré, avec un excès évident, la source de tout ce que les contemporains ont écrit sur la vie militaire de Julien[19]. Schwarz parle de Commentaires de Julien sur les guerres de Germanie[20], ce qui évoque l'idée d'un ouvrage considérable, à l'instar des Commentaires de Jules César. Koch a étudié cette question avec une précision plus grande et dans un esprit plus modéré que ses devanciers, mais en accordant cependant un peu trop, selon moi, à l'hypothèse[21]. Voilà ce qui me parait devoir être retenu.

Julien publia un récit, probablement de courte étendue, sur la bataille livrée par lui aux Alemans près de Strasbourg. Cela résulte d'un des Fragments historiques (9) d'Eunape :

Voulant raconter sa grande expédition, illustre entre toutes, je n'imiterai pas ceux qui allument un flambeau en plein jour, afin de rechercher les choses cachées. Car Julien lui-même, le premier de tous les écrivains, épris d'admiration pour ses propres exploits, a écrit sur ce combat un petit livre tout entier. Je ne lutterai pas avec lui, et je ne composerai pas une autre histoire du même sujet, mais je renverrai à ce livre ceux qui veulent contempler à la fois la grandeur des actes et celle des paroles : je lui signalerai la splendeur de la narration, qui emprunte à la valeur des exploits les rayons d'une lumière dont est illuminée l'éloquence du discours. Moi donc, sans me piquer d'une puérile et sophistique émulation, mais conformant mon récit à la vérité de l'histoire et le dirigeant d'après elle, je parcourrai les faits passés, et les rapporterai d'après ce qui a été dit avant moi[22].

Ce qui se dégage de toute cette rhétorique, c'est que Julien composa sur sa grande expédition contre les Alemans et sur le combat célèbre qui la termina, un livre de dimensions restreintes (βιβλιδίον), dans lequel il faisait son propre éloge. Un second fragment d'Eunape (14) fait encore allusion à un écrit du même genre :

Sur son expédition militaire contre les Nardini, Julien a parlé dans ses lettres à diverses personnes. Écrivant à un certain Cyllenius qui avait traité ce sujet, il lui reproche d'abord de s'être écarté de la vérité ; ensuite il expose l'affaire telle qu'elle fut. De tels événements, dit-il, n'ont pas besoin d'écrivains ; le commentaire de Palamède n'ajouta rien à la gloire d'Homère. Donc, rejetant avec hauteur les histoires que d'autres ont écrites de ses actes, il est poussé par la grandeur des événements à les raconter lui-même. Il n'en composa pas la simple relation, mais il fit spontanément et avec éclat son éloge, chantant ses propres louanges dans des épîtres adressées à beaucoup[23].

Qui sont les Nardini, dont il est question en tête de ce passage ? On a vainement cherché à identifier cette peuplade inconnue, dont le nom est peut-être défiguré par une erreur de copiste. L'important est le fond même du morceau. On y voit d'abord que Julien raconta ses propres exploits en diverses épîtres : allusion probable à la lettre aux Athéniens, aux lettres aux Lacédémoniens, aux Corinthiens et peut-être à d'autres villes ou collectivités. On y voit encore que Julien fit ces récits sous forme de panégyrique, ne craignant pas d'y chanter ses louanges : cela s'applique bien à la lettre aux Athéniens, la seule qui nous soit parvenue. Mais on y voit quelque chose de plus : c'est qu'un écrivain inconnu, du nom de Cyllenius, avait écrit sur l'expédition contre les Nardini (?) ; que Julien fut mécontent de ce récit, et en témoigna son déplaisir à l'auteur ; qu'il rétablit à sa manière, c'est-à-dire en se louant lui-même, la vérité des faits. Voici donc encore un témoignage précis sur une relation composée par Julien, soit de l'expédition de 357, soit de quelque autre épisode de ses campagnes contre les Germains. Il est peu probable que cette relation se confonde avec le petit livre, βιβλιδίον, dont parle le fragment d'Eunape précédemment cité.

Une autre attestation, plus générale, d'écrits de Julien sur ses guerres de Germanie se trouve dans l'épître 33 de Libanius, qui est vraisemblablement de l'été de 358, c'est-à-dire de l'année qui suivit la victoire de Strasbourg[24]. Écrivant à Julien, alors en Gaule, Libanius lui dit : Il me semble beau de te voir, comme je l'ai entendu raconter, vaincre les Barbares et mettre en récit tes victoires, à la fois rhéteur et général. Achille eut besoin d'un Homère : tes trophées seront transmis à la postérité par la voix même de celui qui les a érigés. Ici, c'est probablement du βιβλιδίον cité dans le fragment d'Eunape que parle Libanius.

Libanius a fait une autre allusion encore aux écrits composés par Julien sur ses victoires : c'est dans le Prosphoneticus, discours prononcé par le sophiste devant Julien en juillet 362, quelques jours après l'entrée de celui-ci à Antioche. J'aimerais, s'écrie Libanius, à te demander comment tu as accompli tes exploits. Mais il ne sera pas utile que tu répondes : il suffira que tu donnes l'écrit où tu as raconté les hauts faits dont tu es deux fois l'auteur, et comme écrivain et comme général. Je m'en servirai un peu plus tard pour un plus long discours, si les dieux m'accordent de pouvoir lancer ma barque en plein océan[25]. La date du Prosphoneticus peut laisser en doute s'il s'agit encore ici de la relation de la victoire de Strasbourg, ou s'il s'agirait de quelque autre écrit dans lequel Julien aurait raconté ses expéditions postérieures, peut-être même celle qui le conduisit de Gaule à Constantinople ; mais cette seconde hypothèse, en l'absence de toute attestation précise, me parait bien douteuse. Quand, le f" janvier 363, Libanius prononça le discours en l'honneur du consulat de Julien, il n'avait sous les yeux que le βιβλιδίον, car, ainsi que le reconnaît Koch, après la bataille de Strasbourg il s'arrête brusquement dans son récit, et, en dehors de ce qu'il emprunte à l'Épître aux Athéniens, il ne dit plus que des généralités, évidemment parce qu'il ne savait rien de plus[26].

En résumé, je ne distingue avec certitude, parmi les écrits perdus de Julien, que deux opuscules ayant trait à ses guerres : le petit livre sur l'expédition de 357, attesté clairement par Eunape, et objet d'une allusion non moins claire dans la lettre 33 de Libanius, écrite en 358 ; la lettre à Cyllenius, au sujet d'une des expéditions germaniques de Julien, renfermant à la fois un blâme de cet écrivain et un récit fait en guise de correctif par Julien lui-même.

L'œuvre littéraire de Julien, telle que nous la connaissons, peut donc se reconstituer ainsi : 1° ses compositions de longue haleine, que les anciens englobaient toutes, quels qu'en fussent la forme et le sujet, sous le nom de Discours, λόγοι ; 2° ses épîtres, έπιστολαι, recueil mutilé de lettres privées et de pièces officielles ; 3° un écrit en partie conservé par les citations d'autres auteurs, le livre contre les chrétiens ; 4° les écrits entièrement perdus, comme quelques lettres apologétiques aux villes, les Κρόνια, et probablement deux relations distinctes sur les guerres faites par Julien pendant son gouvernement des Gaules, c'est-à-dire le βιβλιδίον sur la bataille de Strasbourg et le récit contenu dans l'ép1tre à Cyllenius[27].

Une question se pose : dans quelle mesure les écrits de Julien, pris comme source historique, méritent-ils la confiance ? jusqu'à quel point doit être accepté son témoignage sur lui-même, sur ses adversaires, sur ses amis, sur les événements de sa courte et orageuse existence ?

Il est certain que toute autobiographie — et beaucoup des écrits de Julien ont ce caractère — doit être lue avec précaution. Tout homme se racontant lui-même et jugeant ceux avec qui il s'est trouvé en rapport est sujet à d'étranges illusions. Une raison générale de prudence s'impose donc à quiconque interroge des mémoires personnels. Cette prudence devra être plus attentive et plus particulière si leur auteur écrivit sous la dictée de la passion ou de l'intérêt. Tel fut, à n'en pas douter, le cas de Julien.

Passionné, il le fut, certes, dans sa haine contre Constance, en qui il voyait le persécuteur de sa jeunesse ; passionné, il le fut aussi dans sa haine contre les chrétiens, comme dans son ardent amour pour la civilisation païenne. Cette couleur de passion est répandue sur tous ses écrits. Mais les principaux d'entre eux, ceux-là précisément où il se raconte, portent non moins visible la marque de l'intérêt. Ce sont des apologies ou des actes d'accusation, dans l'un ou l'autre cas des plaidoyers. Telle est la lettre aux Athéniens, dans laquelle Julien s'efforce par le récit de sa vie de justifier son usurpation. Tel est le Misopogon, diatribe virulente contre les habitants d'Antioche. C'est l'avocat, c'est l'accusateur public, ce n'est pas l'historien qui écrit de telles œuvres. Même quand il ne songeait ni à se défendre ni à attaquer, Julien demeurait jaloux de se présenter lui-même à la postérité sous le jour le plus favorable. On l'a vu plus haut, par des remarques naïves d'Eunape et la polémique malheureusement perdue avec Cyllenius. S'il raconta lui-même ses guerres, c'est parce qu'on n'est bien loué que par soi-même, et qu'il tenait à être loué. On a donc le droit de se défier de l'impartialité et même, dans une certaine mesure, de la sincérité de Julien : et, à ce propos, il sera permis de rappeler que, pendant sa jeunesse, se sentant ou se croyant entouré d'ennemis, il avait pris des habitudes de dissimulation dont ses amis païens lui firent parfois un mérite[28], dont jamais il n'éprouva la moindre honte[29], et dont tout son être moral parait avoir gardé le pli. Sans vouloir exagérer la portée de ces réflexions, nous conclurons que, toutes les fois qu'il est impossible de contrôler par un autre témoignage contemporain et absolument indépendant une assertion de Julien, il est prudent de ne point accepter celle-ci sans réserve. Là où le contrôle est possible, on trouve plus d'une fois Julien en défaut. Il se dégage sans doute de l'immense travail littéraire de Julien un nombre très considérable de faits ; mais ce qu'on voit s'y peindre surtout, c'est un portrait moral de l'homme, où les défauts mêmes qui doivent mettre son historien en défiance sont autant de traits de caractère.

Il est une partie de l'œuvre de Julien à laquelle son caractère officiel donne une place à part. C'est son œuvre législative. Nous sommes loin de la connaître tout entière. A cause, probablement, des tendances antichrétiennes de beaucoup de lois promulguées par Julien, les compilateurs des Codes ne voulurent pas les recueillir. Quelques-unes, cependant, inspirées par cet esprit, mais moins dures dans les termes, y eurent entrée. Mais la plupart de celles qui ont une portée hostile aux chrétiens nous sont venues par d'autres voies.

En tout, les deux recueils juridiques formés au Ve et au VIe siècle, le Code Théodosien et le Code Justinien, rapportent quarante-deux constitutions de Julien. Beaucoup ont trait à des questions d'intérêt secondaire et courant, et ne touchent pas aux réformes d'ordre politique, administratif ou religieux qui furent la préoccupation dominante de Julien. Celles qui s'y rapportent, relatives aux biens des proscrits, à l'or coronaire, aux propriétés des villes, aux curies, aux transports publics, à la nomination des professeurs, au règlement des funérailles, se rencontrent au Code Théodosien, VIII, V, 12, 13, 15 ; IX, XVII, 5 ; XII, I, 50, 51, 52, 53, 54, 56 ; XIII, 1 ; XIII, I, 4 ; III, 4, 5.

D'autres lois, édits ou rescrits de Julien ont été publiés dans le recueil de sa correspondance : pièces officielles relatives aux Alexandrins (Ép. 6, 9, 10, 26, 51, 58) ; édits aux Thraces, aux Juifs, au peuple d'Antioche (Ép. 11, 25, 47, 54) ; édit sur les professeurs chrétiens (Ép. 42) ; rescrit au peuple de Bostra (Ép. 52) ; texte plus développé de l'édit sur les funérailles (Ép. 77).

Enfin, les écrivains chrétiens, surtout Grégoire de Nazianze, les historiens Socrate et Sozomène, font allusion à de nombreuses lois spécialement dirigées contre leurs coreligionnaires ; on trouve même dans saint Grégoire et dans Socrate la citation textuelle de deux passages d'une loi sur l'enseignement, qui parait différente de celle que fait connaître l'Épître 42.

Il resterait, pour être complet, à indiquer ici, auprès de l'œuvre de Julien, d'autres sources qui font, pour ainsi dire, corps avec elle, et se rapportent directement à sa personne : sources épigraphiques et-iconographiques. Mais les unes sont très minces, et les autres assez peu sûres. Quelques mots, pour finir, suffiront.

L'épigraphie de Julien, c'est-à-dire les inscriptions où son nom se rencontre, offre peu de particularités intéressantes. La courte durée de son règne n'a point permis l'érection de beaucoup de monuments nouveaux ; ceux qui avaient été commencés, comme les temples, ont été promptement interrompus, avant que leur dédicace ait pu avoir lieu : de là sans doute le petit nombre des tituli officiels commémorant son nom et ses titres. Peut-être même, si l'on y regardait de très près, l'épigraphie contredirait-elle l'idée que Julien et ses amis ont essayé de donner de sa position vis-à-vis de Constance. Clinton a publié, dans ses Fastus romani (t. II, p. 98), une inscription commémorant la reconstruction des thermes de Spolète par Constance Auguste et Julien, encore César : dans ce texte, officiel, par conséquent rédigé avec l'approbation de Constance, Julien est qualifié de victoriosissimus Cæsar, ce qui semble indiquer peu de jalousie de la part du suzerain, qui ne prend lui-même aucune épithète de ce genre, et se contente de l'appellation banale de semper Augustus. Mais ce qui est plus remarquable encore, c'est le nombre insignifiant des textes épigraphiques faisant allusion à la révolution religieuse tentée par Julien : une inscription d'une petite ville de Numidie, qui l'appelle restitutor libertatis et romana religionis (Corpus inscriptionum latinarum, t. VIII, 4328) ; une inscription orientale qui le qualifie de filosofiæ magister (Ephemeris epigraphica, t. IV, 1388) : voilà à ma connaissance du moins, tout ce que l'on peut citer.

Quant à l'iconographie, elle a peu de choses précises à nous apprendre de Julien. Le temps est loin, oh l'on demandait aux médailles, aux bustes et aux statues des révélations sur le caractère des empereurs. L'Histoire romaine à Rome, de J.-J. Ampère, paraîtrait aujourd'hui un agréable et spirituel ouvrage, mais serait prise malaisément pour une œuvre scientifique. Relativement aux médailles, l'auteur du plus récent traité d'iconographie romaine, M. Bernoulli, prétend que celles de Julien n'offrent aucune garantie de ressemblance. La seule chose que ses monnaies puissent nous apprendre avec quelque certitude, c'est l'histoire de sa barbe : le César est imberbe, l'Auguste porte à Constantinople une barbe ronde et encore modérée, les pièces frappées pendant sa résidence d'Antioche lui donnent une barbe longue et pointue, celle du Misopogon. La question de savoir si Julien, même avant son apostasie officielle, est représenté en Sérapis et Hélène en Isis sur les monnaies d'Alexandrie, reste douteuse : le P. Eckhel, qui demeure le maitre sur toutes ces questions de numismatique, penche pour l'affirmative, en ce qui concerne Julien ; pour la négative, en ce qui concerne Hélène. Mais ce qui surprend, c'est de voir que jamais la numismatique de Julien ne reflète exactement la position religieuse prise par lui aux diverses époques de sa vie. Pendant son règne en Gaule, alors qu'il professait ouvertement le christianisme, on n'y voit pas paraître de symboles chrétiens : les pièces le représentant qui sortent de l'atelier d'Alexandrie portent même des images païennes. Au contraire, quand il est devenu Auguste, et le champion déclaré du paganisme, on ne voit guère au revers de ses médailles (en dehors d'Alexandrie) d'autre marque (bien vague) de cette religion que le taureau entre deux étoiles signalé par les historiens Socrate (III, 17) et Sozomène (V, 19). La courte durée du règne de Julien explique-t-elle cette pénurie de symboles ? Faut-il y voir (ce qui serait peu croyable) l'intention de ménager les sentiments de ses sujets chrétiens ? ou doit-on admettre (ce qui n'est guère plus vraisemblable) que ses successeurs ont, par esprit de réaction, fait refondre ses monnaies ? Autant de questions jusqu'à présent demeurées insolubles[30].

Restent les bustes et les statues. L'attention publique a été appelée, en 1901, sur les représentations sculptées de Julien par une communication de M. Salomon Reinach à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres[31]. Ayant pu se procurer d'excellentes photographies d'un buste colossal, qui décore le fronton de la cathédrale d'Acerenza, dans l'ancien royaume de Naples, et que François Lenormant avait déjà signalé en 1882[32], M. Reinach a reconnu dans cette tête barbue, énergique, fièrement posée, le seul portrait authentique de Julien[33]. Il n'a point eu de peine à démontrer que les deux statues en pied, où l'on avait vu jusqu'à ce jour le prince apostat, toutes deux conservées à Paris, l'une au musée des Thermes, l'autre au Louvre, sont de provenance incertaine, et ne le représentent point. Mais il ne parait pas avoir aussi complètement prouvé que le buste d'Acerenza soit un portrait de Julien. De deux inscriptions trouvées dans cette petite ville, l'une est véritablement dédiée à Julien, mais rien n'établit un rapport entre elle et le buste ; l'autre semble porter quelques lettres du nom de Julien, mais l'identification peut être contestée. Les conclusions de M. Reinach ont été examinées avec beaucoup de soin par M. Étienne Michon[34], qui conclut à la vraisemblance, mais non à la certitude de l'attribution proposée : par ses qualités d'art, le buste d'Acerenza semble en effet appartenir à une époque meilleure que le quatrième siècle. Même l'enthousiaste M. Negri, après avoir reproduit le buste d'Acerenza au frontispice de sa biographie de Julien, a eu des doutes sur l'identité[35]. La question reste donc ouverte, mais non résolue : nous avons trois portraits de Julien, qui ne concordent pas absolument entre eux, celui qu'a tracé Grégoire de Nazianze dans l'Oratio V, celui qu'a tracé Ammien Marcellin au livre XXV, celui qu'a esquissé en caricature Julien lui-même dans le Misopogon ; mais nous ignorons s'il reste de lui une médaille ressemblante ou un buste authentique.

 

II. — Libanius.

Au premier rang des contemporains qui ont parlé de Julien est Libanius. De tous les écrivains du quatrième siècle aucun ne s'est plus assimilé à Julien, n'a plus étroitement épousé ses idées et ses passions, et, ajoutons-le, ne l'a plus sincèrement aimé. Les renseignements qu'il nous donne sur la vie de son prince sont comme la suite naturelle de ceux qu'a laissés Julien lui-même : ils ne forment, pour ainsi dire, qu'un tout avec ceux-ci. Libanius se présente à nous comme l'homme qui fut peut-être le moins capable de juger Julien, mais aussi comme le seul de son intimité dont les écrits nous soient parvenus. Les discours et les épîtres de Libanius sont, en quelque sorte, inséparables des discours et des épîtres de Julien.

Une partie considérable de son œuvre est, en effet, consacrée à celui-ci. Libanius entra, nous l'ayons dit plus haut, en relations épistolaires avec Julien dès que le cousin de Constance fut devenu César. Il demeura son correspondant jusqu'à la mort tragique du prince. On a quelques lettres de Julien à Libanius (Hertlein, 3, 14-74, 27)[36]. Mais on a beaucoup plus de lettres de Libanius à Julien, depuis celle de 358, citée plus haut, oh il fait allusion au livre sur la guerre de Germanie, jusqu'à celles qu'il lui écrivait encore d'Antioche pendant la guerre de Perse. On a surtout de très nombreuses lettres de Libanius relatives aux événements du règne de Julien, quelques-unes par lesquelles il intervient près de magistrats en faveur de chrétiens persécutés, dans des circonstances qui lui font honneur. On a enfin des lettres émues où se peignent sa douleur de la mort du prince, son indignation contre d'infidèles amis de Julien, la crainte que lui inspire la réaction dont il s'attend à être victime. On peut dire que la plupart des lettres écrites par Libanius en 361, 362 et 363 aident à connaître l'époque de Julien et sont, directement ou indirectement, des documents sur son règne[37].

Au témoignage des lettres, plus vivant que tout autre, mais, malgré l'abondance qu'il offre ici, nécessairement court, et fragmentaire, se joint celui, en apparence plus considérable, d'ouvrages de longue haleine. Dans une autobiographie, Βίος ή λόγος περί τής έαυτοΰ τύχης (Reiske, t. I, p. 1-117), Libanius raconte avec détails, malheureusement dans un style plein d'allusions et d'obscurités, ses rapports avec Julien. Quatre discours ont directement la vie de Julien pour sujet. Quatre autres se rapportent à des événements de son règne. Quinze ans après la mort de Julien, un discours est encore consacré à celle-ci ; un autre discours, moins tardif, est sur la mort de sa femme Hélène.

Dans le premier groupe de discours se présente d'abord le Λόγος προσφωνητικός (Reiske, t. I, p. 405-423), prononcé devant Julien, en juillet 362, après son entrée à Antioche. Le discours Είς Ίουλιανόν ΰπατον (Reiske, t. I, p. 366-405) fut prononcé dans cette ville au commencement de janvier 363, pour le quatrième consulat de Julien 3. La Μονωδία έπί Ίουλιανώ (Reiske, t. I, p. 507-521) fut écrite, vers la fin de juillet de la même année, pour pleurer la mort de l'empereur. L'Έπιτάφιος έπί Ίουλιανώ (Reiske, t. I, p. 521-626) est une longue oraison funèbre, ou plutôt une biographie de Julien, publiée en 368 ou 369.

Le second groupe de discours est composé de la Μονωδία έπί τώ έν Δαφνη ναώ (Reiske, t. I, p. 332-336), lamentation sur l'incendie du temple d'Apollon à Daphné, près d'Antioche, écrite en juillet 362 ; du plaidoyer Ύπερ Άριστοφάνους (Reiske, t. I, p. 424-451), composé vers la même date ; du Πρεσβευτικός πρός Ίουλιανόν (Reiske, t. I, p. 451-483), supplique en faveur des habitants d'Antioche, effrayés de la colère de Julien, écrite vers mars 363, mais qui ne fut probablement pas remise à l'empereur ; du Πρός τούς Άντιοχέας περί τής τοΰ βασιλέως όργής (Reiske, t. I, p. 484-506), exhortation adressée en même temps aux Antiochiens pour les engager à désarmer par leur obéissance l'irritation du prince.

Le troisième groupe de discours consacrés à Julien comprend d'abord un écrit de 365, Πρός Πολυκλέα (Reiske, t. II, p. 316-327), qui a pour but de réfuter les bruits calomnieux répandus par Polyclès sur la mort de la princesse Hélène ; puis une requête beaucoup plus tardive, Περί τής τιμωρίας Ίουλιανοΰ (Reiske, t. II, p. 27-62), adressée à l'empereur Théodose pour lui demander la recherche et le châtiment des meurtriers de Julien, et attribuer à sa mort demeurée impunie les malheurs de l'Empire.

Il est encore question de Julien, de sa prétendue tolérance, des circonstances de sa mort, de l'issue différente de la campagne de Perse s'il avait survécu, dans un autre discours de Libanius, Περί τών ίερών, écrit aussi sous Théodose (Reiske, t. II, p. 163, 188, 203). Dans un écrit de 387, Πρός τόν Θρασυδαΐον (Reiske, t. II, p. 235), Libanius exprime encore l'opinion que si Julien n'avait point si tragiquement péri, il eût triomphé des Perses. Il le redit dans une lettre de 390 à Priscus (Ép. 866). On voit que, jusqu'à la fin de sa vie, Libanius est rempli de la pensée de Julien et qu'elle occupe une place considérable d'oison œuvre. Nous avons dit la valeur historique des lettres oh il est question de ce prince : il reste à dire celle des discours qui lui sont consacrés.

Elle est, naturellement, tort inégale. Certains aspects de la vie de Julien ont été vus directement par Libanius : pour d'autres, il n'a pu avoir que des renseignements de seconde main. On s'en rendra compte en jetant un rapide coup d'œil sur les diverses époques de la carrière du prince.

Sur la jeunesse de Julien, nous avons seulement à recueillir, dans le Προσφωνητικός, un détail, que Libanius a certainement observé, bien que, selon toute apparence, il l'ait exagéré : les païens d'Antioche et de toute l'Asie avaient deviné, dans l'étudiant de Pergame ou d'Athènes, l'homme qui mettrait fin à la domination de Constance et rétablirait le culte des dieux.

Sur la période qui va depuis l'élévation de Julien au rang de César jusqu'à l'usurpation par lui du titre d'Auguste, Libanius est beaucoup plus abondant. Il parle, dans le Προσφωνητικός, de Julien passant les Alpes pour entrer en Gaule. Dans l'Έπιτάφιος il raconte cette même entrée, peint l'aspect désolé de la province ravagée par les Barbares, énumère les villes ruinées, rapporte un épisode du siège d'Autun par les Francs, fait allusion à un traité conclu par Julien avec un chef franc en 356, narre en détail la campagne de 337 et la bataille de Strasbourg, célèbre l'allégresse des Gaules après la rentrée des captifs délivrés par les victoires de Julien sur le Rhin, raconte l'usurpation de Julien proclamé Auguste à Paris par ses soldats. Dans l'Ύπέρ Άριστοφάνους, il parle de la joie éprouvée par le parti païen d'Asie à la nouvelle des succès de Julien en Occident. Sauf ce dernier détail, Libanius, pour toute la partie du règne qui vient d'être résumée, n'est pas un témoin. Il dépend de la tradition orale et de sources écrites. Celles-ci se ramènent vraisemblablement aux suivantes : la lettre conservée de Julien au sénat et au peuple d'Athènes, les lettres perdues aux Lacédémoniens, aux Corinthiens et à diverses villes de la Grèce ; la relation par Julien de la campagne de 357. Comme nous l'avons déjà remarqué après M. Koch, pour les événements de Gaule et de Germanie postérieurs à cette campagne Libanius est beaucoup plus vague, probablement parce que la source écrite s'arrêtait là

Pour la période qui va des premiers démêlés avec Constance jusqu'an séjour de Julien à Antioche, Libanius n'est guère davantage un témoin direct. On trouve à celle-ci de nombreuses allusions dans l'Έπιτάφιος : soit que Libanius, répétant une assertion de l'Épître aux Athéniens, accuse Constance d'avoir armé des Barbares contre Julien ; soit qu'il peigne l'attitude de Julien quand la mort de Constance lui fut annoncée, qu'il approuve les condamnations prononcées par le tribunal de Chalcédoine, qu'il décrive l'épuration du palais débarrassé des serviteurs inutiles, qu'il parle des rapports de Julien avec le sénat de Constantinople, qu'il raconte la réception enthousiaste faite à Maxime. Il est difficile de savoir à quelles sources, pour ces détails, Libanius a puisé : les faits, ici, étaient pour la plupart connus de tous, et probablement faut-il faire la plus grande place à la tradition orale. Mais Libanius eut sans doute sous les yeux des textes officiels, quand il parle d'autres faits du même temps, tels que les réductions opérées par Julien dans le personnel administratif, les modifications apportées à l'usage des voitures publiques, la restitution aux villes de terrains qui leur avaient été enlevés, la suppression de l'immunité du décurionat dont avait joui le clergé chrétien. Enfin, Libanius devient tout à fait un témoin, lorsqu'il montre Julien rouvrant les temples et célèbre la renaissance du paganisme.

Son témoignage prend une valeur de premier ordre pour les huit mois du séjour de Julien à Antioche. Ce qu'il dit, surtout dans le discours Είς Ίολιανόν ΰπατον et dans l'Έπιτάφιος, des habitudes de Julien, de sa sobriété, de ses jeûnes, de ses pratiques religieuses, de son ardeur à offrir des sacrifices, de son activité législative, de son zèle à juger, de ses tentatives économiques, de ses travaux littéraires, est observé sur le vif. La Μονωδία sur le temple de Daphné a trait à l'un des événements les plus importants du séjour de Julien à Antioche. Quelques incidents de la fin de ce séjour, comme les oracles promettant l'heureux succès de la guerre de Perse, les sacrifices offerts pour neutraliser des présages défavorables, une ambassade envoyée à Sapor par Julien, une conspiration militaire, sont relatés dans le Πρεσβευτικός, dans le Πρός τούς Άντιοχέας dans la Μονωδία έπί Ίουλιανώ, dans l'Έπιτάφιος.

C'est surtout dans l'Έπιτάφιος que se rencontre, par Libanius, le récit de la guerre de Perse. Beaucoup de détails de cette funeste expédition y sont relatés : la sobriété de Julien en campagne, le renvoi par lui d'un convoi de vins, le siège d'Anathan, les épreuves causées à l'armée romaine par les bourrasques et les inondations, la découverte du canal de l'Euphrate au Tigre, la traversée du Tigre, une nouvelle ambassade envoyée par Sapor devant Ctésiphon, l'incendie de la flotte, la mort de Julien, etc. Quelles furent les sources de cette narration ? Libanius mit plusieurs années à composer l'Έπιτάφιος, qui est moins encore, nous l'avons dit, une oraison funèbre qu'une biographie de Julien : évidemment, il recueillit avec soin les souvenirs des compagnons d'armes de l'empereur, et surtout des philosophes qui l'avaient suivi. Lui-même raconte qu'il ne négligeait pas les récits des simples soldats, qui le renseignèrent sur les détails de l'armement et sur des noms de localités[38]. Cependant il reconnaît que les hommes plus considérables sur lesquels il comptait surtout pour le renseigner mirent peu de bonne volonté à le faire, et que bien des points qu'il eût voulu éclaircir demeurèrent obscurs[39]. Il est impossible de faire, dans ses récits, le départ entre les sources écrites qui purent être mises à sa disposition et les renseignements oraux qu'il obtint. Son récit de la guerre de Perse représente, en définitive, la version païenne, partiale, remplie d'illusions, refusant d'admettre aucune faute de la part de Julien, refusant même de voir dans sa mort le résultat des tragiques hasards d'un combat, et, comme les enfants ou les gens du peuple, l'attribuant sans preuves à la trahison. Libanius, ici, est intéressant, non seulement par les faits qu'il rapporte, mais encore par la disposition d'esprit dont il se montre le représentant.

C'est là du reste, le caractère général de son témoignage historique. Par lui-même, Libanius n'a rien d'un penseur original. On reconnaît en lui le pur rhéteur, tout de surface et de reflet. Ne lui demandons en aucune circonstance un jugement personnel. S'il parle, par exemple, de la religion de Julien, il décrira les pratiques minutieuses auxquelles celui-ci se complaît : aucun mot n'indiquera qu'il ait compris le caractère mixte des réformes tentées par l'empereur, la formation complexe du système religieux que Julien s'est fait à lui-même. S'il s'occupe de la guerre civile menée par Julien contre Constance, il n'apercevra même pas l'impasse où Julien paraissait acculé au moment où la mort de son adversaire le tira subitement d'embarras : pour Libanius, la victoire de Julien, dans le cas où les deux. armées se seraient trouvées aux prises, n'était pas douteuse. S'il raconte la guerre de Perse, c'est pour conclure que, sans le trépas imprévu de Julien, Sapor eût été nécessairement battu : il ne distingue pas les faits qui rendent la conclusion contraire à peu près évidente. C'est partout le même optimisme, béat, imperturbable, produit à la fois d'affection et d'illusion, mais dénotant surtout le manque le plus complet d'esprit critique. Pour ce qu'il n'a pas vu, Libanius est un écho, qui vaut seulement ce que valent les bruits qu'il répète ; pour ce qu'il a vu, il est le plus superficiel des témoins, dupe des apparences ou trompé par ses sentiments personnels, mais incapable de pénétrer le fond des choses, soit pour discuter les faits, soit pour discerner les caractères[40].

 

III. — Ammien Marcellin.

Né à Antioche comme Libanius, mais devenu tout latin de langue et d'esprit, Ammien Marcellin se montre très supérieur à son compatriote[41]. Historien de profession, il est accoutumé à consulter les sources ; soldat, il a le regard clair et l'intelligence rapide de l'homme d'action. Il sait se rendre compte des événements, discerner le fort et le faible d'un caractère. Au lieu de se laisser entraîner, comme le sophiste, par ses affections et ses préférences, il est capable de réagir contre elles, et de se hausser jusqu'au vrai jugement de l'histoire. Pour toutes les parties extérieures du règne de Julien, on ne saurait trouver de guide plus sûr et de meilleur témoin.

On sait que l'ouvrage d'Ammien nous est venu incomplet. Les treize premiers livres sont malheureusement perdus. Mais dès le XIVe, il est question de Gallus, frère de Julien. L'histoire de ce dernier commence au XVe, pour se continuer jusqu'au XXVe, interrompue seulement par le XIXe, consacré à d'autres sujets. C'est toute la vie politique et militaire du prince, depuis son élévation au rang de César jusqu'à sa mort en Perse. Pour mesurer le degré d'autorité que présente cet ample récit d'Ammien, il faut rechercher comment et dans quelle mesure il a pu être renseigné.

Par lui-même d'abord, pour le commencement du règne. Ammien Marcellin avait été attaché, en qualité de protector domesticus, à la personne du maître de la cavalerie Ursicin. Il demeura avec celui-ci en Gaule jusqu'au milieu de 357. Il fut donc bien placé pour connaître les premières campagnes de Julien. Cependant il ne parait pas y avoir pris part. Quand Julien se mit en route pour marcher à l'ennemi, Ursicin venait d'être remplacé par Marcel, avec l'ordre de rester en Gaule à la tête des troupes de réserve jusqu'à la fin de l'expédition. Mais comme Ursicin ne fut rappelé définitivement en Orient qu'au milieu de 357, Ammien put recueillir les échos de la campagne de 356, qui se termina par la délivrance de Cologne, et des combats de 357, siège soutenu par Julien dans Sens, défaite par le César des Lètes indépendants qui avaient attaqué Lyon. Ammien ne quitta la Gaule, accompagnant Ursicin, qu'au milieu de 357, c'est-à-dire au moment où Julien marchait pour la seconde fois vers l'est, et se préparait à vaincre l'invasion germanique à Strasbourg.

Pour la dernière partie du règne, Ammien est un témoin encore plus direct. Il était à Constantinople quand Julien fit son entrée, en décembre 361, dans cette seconde capitale de l'Empire. Depuis ce moment, il ne parait pas s'être éloigné du prince. Il l'accompagna en 363 dans l'expédition contre les Perses. Il avait dès lors un grade élevé et une importance véritable à l'armée, puisqu'il est probablement l'honoratior miles qui, dans le conseil tenu par les chefs militaires après la mort de Julien, proposa d'ajourner l'élection de son successeur.

C'est donc pour la partie intermédiaire du règne, c'est-à-dire pour les guerres de 357-360 et pour la guerre civile de 361, qu'Ammien cesse d'être renseigné par lui-même et dépend nécessairement de témoignages étrangers.

Il convient de rechercher ceux-ci. Malheureusement Ammien ne nous les fait pas connaître. A l'exemple des historiens de l'antiquité, il néglige d'indiquer ses sources. Il affirme seulement que celles qu'il consulta étaient bonnes. Pour les grandes choses accomplies par Julien en Gaule, dit-il, il ne racontera que des faits exacts, appuyés sur des documents authentiques[42]. On peut l'en croire sur parole : mais cela ne suffit pas à contenter notre curiosité. Il est probable qu'elle ne sera jamais qu'à demi satisfaite. Nous demeurerons toujours réduits aux conjectures. L'une des plus plausibles est que, pour la partie de la campagne de Gaule qui se termine par la victoire de Strasbourg, Ammien se servit de la relation qu'en avait faite Julien dans le βιβλιδίον dont parle Eunape. On admettra volontiers que pour les autres campagnes contre les Germains il eut pour guide la lettre également perdue à Cyllenius, à laquelle fait allusion le même historien. Mais on sera plus embarrassé pour découvrir la source du récit qu'Ammien nous donne du pronunciamiento de Paris. Il semble bien n'avoir pas connu les Mémoires que rédigea probablement Oribase, le médecin de Julien et l'un des principaux instigateurs du mouvement. Ammien s'inspira-t-il d'une relation de Julien lui-même, plus détaillée que celle que contient la lettre aux Athéniens ? On l'a supposé, mais rien n'établit l'existence d'une telle relation. Nous sommes dans le même embarras pour déterminer la source à laquelle fut emprunté le récit, d'ailleurs assez confus, fait par Ammien de l'expédition de 361 contre Constance. Le panégyrique de Mamertin, qui la raconte, est tout oratoire, et ne concorde pas complètement avec Ammien. Faut-il faire intervenir encore ici une relation de Julien ? Peut-être : mais ce n'est toujours qu'une hypothèse.

Il en est une autre, sur laquelle il me semble qu'on n'a pas assez insisté. Ammien passa la fin de sa vie à Rome. Il y composa son Histoire après 385, et se plut à en faire des lectures publiques. Il connut certainement alors, s'il ne l'avait rencontré auparavant, l'ancien chambellan de Julien, l'eunuque Euthère, qui s'était retiré aussi dans la ville éternelle, et y voyait le meilleur monde. La manière dont Ammien parle de lui (XVI, 7) fait croire qu'ils étaient liés d'amitié. Euthère avait été l'un des plus fidèles serviteurs et des plus sûrs confidents de Julien. On doit supposer qu'Ammien, qui aimait à interroger (XV, 1), eut de lui beaucoup de détail s sur les mœurs du prince, particulièrement sur ce qu'il n'avait pu observer lui-même, sa manière de vivre à Paris. Par Euthère aussi, et dans un sens certainement favorable, il put être renseigné sur la révolution de Paris. Euthère avait été très avant dans les intrigues et les négociations de cette époque : on se souvient qu'il fut l'un des députés envoyés alors par Julien à Constance. Peut-être encore est-ce lui qui donna des renseignements à Ammien sur l'expédition vers la Thrace à travers les provinces danubiennes. Du portrait que l'historien trace de Julien au livre XVI de son ouvrage, et qu'il complète au livre XXV, bien des couleurs peuvent avoir été fournies par Euthère. Même les ombres discrètes qui se rencontrent çà et là peuvent venir de la même main, car nous savons par Ammien encore que la fidélité d'Euthère ne l'aveuglait pas sur les défauts de son maitre.

Ammien fait allusion à six lettres, messages ou discours de Julien, qui n'ont pas été recueillis dans les œuvres de ce prince : 1° une lettre à Constance, pour lui expliquer ses démêlés en matière fiscale avec le préfet Florentius (XVII, 3) ; 2° une lettre au même Florentins pour mander ce magistrat à Paris (XX, 4) ; 3° une lettre à Constance pour inviter celui-ci à lui reconnaître le titre d'Auguste conféré par les soldats (XX, 8) ; 4° une autre lettre à Constance (ibid.) ; 5° un message au sénat romain, relatif à ses démêlés avec cet empereur (XXI, 10) ; 6° un discours sur Constantin (ibid.).

A l'exception du n° 4, Ammien eut tous ces textes sous les yeux. Mais il résume très brièvement la plupart d'entre eux. D'un seul, le n° 3, il donne une reproduction in extenso. Bien que précédée d'une phrase un peu amphibologique : Erat autem litterarum sensus hujusmodi, cette reproduction est très vraisemblablement autre chose qu'une restitution approximative du sens de la lettre. Il faut y reconnaître le texte lui-même. Le fait que la lettre donnée par Ammien ne figure dans aucun des recueils de la correspondance de Julien ne va pas contre cette opinion : on vient de voir qu'il cite un nombre relativement considérable de pièces de même importance qui n'ont point été insérées. Quant à la source à laquelle Ammien a emprunté la lettre, elle est difficile à déterminer. M. Koch pense que l'historien a copié ici les Commentaires de Julien[43]. Mais l'existence de Commentaires où seraient relatés les événements de 360 est, je le répète, bien hypothétique. Même en dehors d'eux, Ammien. peut avoir eu le moyen de se procurer une pièce qui, de sa nature, n'était pas destinée à rester secrète. Il en est autrement du n° 4. Cette pièce, elle, n'était point faite pour être divulguée. Elle ne faisait honneur ni au prince qui l'écrivit, ni au prince qui la reçut. Il ne m'a pas été permis de la connaître, dit Ammien, et, l'eussé-je connue, il n'eût pas été convenable de la publier. Nous verrons bientôt que Zonaras, plus heureux qu'Ammien, a connu la lettre injurieuse, peut-être d'après les Mémoires de l'indiscret Oribase , et en a donné le résumé.

Comme beaucoup d'historiens antiques, Ammien met de fréquents discours dans la bouche de ses héros. Pour la période qui nous occupe, il y a un discours de Constance proposant à son conseil de faire Julien César (XV, 8) ; un discours de Constance à l'armée et au peuple, annonçant cette promotion (ibid.) ; un discours de Constance à l'armée d'Orient, pendant la guerre civile (XXI, 13) ; des discours de Julien à ses troupes avant la bataille de Strasbourg (XVI, 2), à Paris (XX, 8), à Bâle (XXI, 3), en Perse (XXIII, 5 ; XXIV, 3) ; un discours de Julien mourant à ses amis (XXV, 3). Bien que les anciens pratiquassent la sténographie, on ne saurait, assurément, garantir l'authenticité de toutes ces ; paroles. Le style des discours prêtés à Julien et à Constance se ressemble, ce qui parait indiquer un même auteur. Cependant les uns et les autres sont ordinairement si bien en situation, et offrent presque toujours des nuances si exactes, qu'on hésite à les croire tout à fait imaginaires, et qu'un historien moderne aurait tort, selon nous, de ne pas s'en servir, en marquant les réserves nécessaires. H y a, d'ailleurs, des distinctions à faire entre ces discours. Le texte donné par Ammien du discours de Bâle a grande chance d'être, en partie au moins, l'œuvre de l'historien, car il ne concorde pas avec le résumé que Julien lui-même fait de ses paroles dans la lettre aux Athéniens. Mais une harangue d'apparat, comme celle que Constance prononça à Milan, en revêtant Julien de la chlamyde empourprée du César, fut probablement rédigée d'avance, et insérée ensuite dans les actes officiels : vraisemblablement Ammien en donne un texte exact. Même une allocution aussi intime que l'adieu prononcé par Julien mourant peut avoir été recueillie. Le lit où gisait l'empereur était entouré d'intellectuels, philosophes, sophistes, qui ont dû mettre par écrit leurs impressions : au sujet du choix d'un successeur et de la certitude d'être admis parmi les bienheureux, Ammien et Libanius rapportent des paroles semblables, ce qui parait indiquer une source commune.

En général, l'opinion d'Ammien est favorable à Julien. Mais, malgré une partialité que les circonstances rendaient inévitable, Ammien sait reprendre, quand cela devient nécessaire, la liberté de son jugement[44]. On le voit à la façon dont il parle de certains épisodes, tels que la vengeance cruelle exercée contre les serviteurs de Constance, l'édit rendu contre l'enseignement chrétien, la faute capitale commise en Perse par l'incendie de la flotte, à la façon aussi dont il apprécie la recherche excessive de popularité ou les excentricités dévotes de Julien. Je ne sais si M. Camille Jullian n'exagère pas en appelant Ammien le dernier et le plus grand peut-être des historiens de Rome, mais je crois qu'il est dans le vrai, quand il ajoute[45] : Il y a, dans son œuvre, un sens de la franchise, une sûreté de droiture, un amour de la justice, une tension vers la vérité qu'aucun écrivain de l'antiquité, sans exception, n'a possédés au même degré. Le païen qui a écrit de si belles paroles sur la vertu des évêques, rami de Julien qui a jugé ses actes avec une finesse à laquelle la postérité n'ajoutera rien, ce simple officier qui a apprécié les guerres et les révolutions de l'Empire avec le bon sens d'un vieux politique, est !bien près d'avoir un peu plus que du talent. Je ne connais peut-être pas au monde d'historien écrivant sur son propre temps qui l'ait apprécié avec une telle justesse, comme dans le recul du passé[46].

 

IV. — Mamertin, Himère, Magnus, Eutychien, Eutrope, Rufus, Aurelius Victor, Eunape, Zosime.

Chez les autres contemporains païens de Julien, latins ou grecs, on ne trouve guère qu'à glaner.

Le rhéteur Mamertin, — peut-être originaire de Trèves et fils d'un rhéteur du même nom, qui prononça un panégyrique de Maximien Hercule, — avait franchi en un an tous les degrés de la hiérarchie administrative : nommé successivement par Julien intendant du trésor, préfet du prétoire d'Illyrie, consul, il fit, en 362, à cette occasion, un long discours de remerciement : Gratiarum actio pro consulatu[47]. C'est un morceau de bonne latinité, bien supérieur pour le style au livre d'Ammien Marcellin. Mais on y rencontre peu de choses qui ne soient dans cet historien. Ce n'est pas qu'Ammien, qui écrit plus de vingt ans après, ait imité Mamertin : on a vu, au contraire, que pour ce qui est le sujet principal !du panégyrique, l'expédition contre Constance à travers les provinces danubiennes, il s'écarte du récit de Mamertin, et, bien qu'optimiste lui-même, laisse deviner une chanceuse aventure là où Mamertin avait montré un continuel triomphe. Les points de ressemblance, provenant d'une tradition commune, sont dans ce qu'ils disent l'un et l'autre des armées gallo-romaines frustrées de leur solde sous Constance, de la jalousie de celui-ci excitée par les insinuations des courtisans, de la sobriété et de la vertu de Julien. Ce qu'il y a de personnel à Mamertin, c'est le tableau déclamatoire, et sans précision, de la navigation de Julien sur le Danube, les détails sur les bienfaits octroyés par lui aux villes et aux provinces environnantes, les ordres donnés par Julien pour l'alimentation de Rome pendant son séjour sur la frontière de la Thrace, l'envoi à Constantinople de la flotte frumentaire africaine, le rappel des exilés, la remise en honneur de la divination, les égards prodigués aux nouveaux consuls.

Le sophiste Himère est encore moins intéressant. Comme talent, comme sens historique, il se place au-dessous de Libanius. C'est un pur déclamateur. Bien qu'il ait été appelé par Julien à Constantinople, et attaché dès lors à sa cour, on ne trouve guère, dans les divers discours de fastidieuse rhétorique prononcés par lui, à retenir, pour le sujet qui nous occupe, que le début de l'Oratio VII[48].

Les historiens contemporains de Julien ont peu d'importance, comparés à Ammien Marcellin.

De deux d'entre eux on n'a que de très courts fragments : de Magnus de Carrhes, qui prit part à l'expédition de Perse, quelques lignes concises et précises sur cette expédition[49] ; d'un des officiers de Julien, qui l'y suivit aussi, Eutychien de Cappadoce, un passage plus mutilé encore, où se trouve, cependant, un détail intéressant sur la mort du prince[50].

Eutrope, qui devint en 380 préfet du prétoire, consacre à Julien quelques lignes, au livre X de son Abrégé (Breviarium) d'histoire romaine[51]. Elles sont remarquables par la sobriété et l'impartialité du jugement. Le portrait de Julien par Eutrope ressemble à un médaillon où la ressemblance serait obtenue par quelques traits essentiels, dont le fort relief fait saillir à la fois les ombres et les lumières. Eutrope prit part aussi à l'expédition contre les Perses : cui expeditioni ego quoque interfui. C'est dire la valeur de ce témoin, si brièvement qu'il dépose : sa déposition est particulièrement importante en ce qui concerne la mort de Julien.

Sextus Rufus, qui fut gouverneur de Syrie en 368, et proconsul d'Asie en 372, a laissé aussi un Breviarium d'histoire romaine[52]. Il y parle de Julien avec l'impartialité qui semblait de règle dans le monde des hauts fonctionnaires auxquels il appartient. Mais il n'a pas le style lapidaire d'Eutrope. On ne sait s'il assista à la guerre de Perse, sur laquelle il donne quelques détails qui doivent être retenus .

Un autre historien du quatrième siècle fut en rapports directs avec Julien, qui le vit à son passage à Sirmium, le fit mander à Naisse, lui éleva même une statue, et le nomma consulaire de la Seconde Pannonie. C'est Aurelius Victor[53]. Celui-ci venait, en 361, de terminer son livre De Cæsaribus. Il y parle en termes très brefs de Julien : ce qu'il en dit s'arrête naturellement avant cette date. Il n'y est pas question de l'usurpation du titre d'Auguste. L'Épitomé va plus loin, jusqu'à Théodose, et donne des détails sur Julien, particulièrement intéressants pour la guerre de Perse ; mais, bien que publié sous le nom d'Aurelius Victor, ce second écrit, très probablement, n'est pas de l'auteur du De Cæsaribus, et n'a pas été composé par un contemporain de Julien.

Le sophiste Eunape de Sardes n'a pu être admis dans l'intimité de Julien, puisqu'il avait seize ou dix-sept ans lorsque celui-ci mourut ; mais il a recueilli, dans deux ouvrages, plusieurs faits qui se rapportent à sa biographie.

Le premier de ces ouvrages est une Histoire romaine en quatorze livres, connue sous le nom de Continuation de l'Histoire de Dexippe. Malheureusement il ne nous en reste que des fragments[54], dont quelques-uns seulement (8-27) se rapportent à Julien. Ces fragments n'offrent pas, par eux-mêmes, un très grand intérêt. Mais ils ont cet avantage de nous faire connaître les sources qu'Eunape eut sous les yeux. On en peut indiquer trois. D'abord, les deux relations de Julien sur ses guerres contre les Germains (fr. 9 et fr. 14) : nous en avons parlé plus haut. En second lieu, un recueil de lettres de Julien plus étendu que celui que nous possédons : Eunape parle de lettres du prince à de nombreux correspondants et cite deux passages (fr. 22 et 24) d'épîtres aujourd'hui perdues. En troisième lieu, les Mémoires d'Oribase. Comme on rencontre chez Eunape la seule attestation de ce livre, dont l'influence parait avoir été considérable pour l'établissement de l'histoire de Julien, il importe de citer le passage où il en parle. Après avoir (fr. 8) fait l'éloge d'Oribase de Pergame, l'intime ami de Julien et le grand médecin ; il déclare être redevable de ce qu'il écrit au soin extrême avec lequel celui-ci a recueilli les faits où il fut témoin et acteur. Rapportant, dans son autre ouvrage, les Vies des sophistes, un épisode évidemment emprunté aux Mémoires d'Oribase (les cérémonies mystérieuses accomplies à Paris par l'hiérophante, avec Oribase seulement et Évhémère pour témoins), il ajoute : cela a été dit avec plus de détails dans les livres qui traitent de Julien[55]. Les livres qui traitent de Julien, auxquels Eunape renvoie pour cette anecdote secrète, ne semblent pas autre chose que l'écrit d'Oribase.

Le second ouvrage d'Eunape, les Vies des philosophes et des sophistes, a été intégralement conservé[56]. Il comprend vingt-trois notices. Eunape a souvent l'occasion d'y parler de Julien. Il est question de ce prince dans les Vies d'Edesius, de Priscus, de Chrysanthe, d'Oribase, de Prohæresius, de Nymphidianus, et surtout dans celle de Maxime. Trois autres lettres de Julien, qui ne nous sont point parvenues, sont indiquées dans les Vies de Chrysanthe et de Priscus. On vient de voir dans la Vie de Maxime un emprunt aux Mémoires d'Oribase. Bien qu'Eunape soit d'une crédulité au merveilleux qui touche à la naïveté, et que, sophiste dans l'âme autant que Libanius, il ait encore moins d'esprit critique, son témoignage, en dehors même des sources que nous venons d'indiquer, a sur certains points de la valeur. Eunape était parent de la femme de Chrysanthe, et avait été, dans sa jeunesse, l'élève de ce philosophe. Cela lui permit de puiser à une source tout à fait directe les traditions relatives au séjour de Julien près des néoplatoniciens de l'Asie Mineure. D avait aussi des rapports religieux avec le dernier eumolpide qui ait rempli les fonctions d'hiérophante à Éleusis : par celui-ci, en même temps que par les livres qui traitent de Julien, c'est-à-dire les Mémoires d'Oribase, il put avoir des détails sur la révolution de Paris : peut-être est-il l'écho de l'hiérophante autant que du médecin quand il loue ce dernier d'avoir fait un empereur, c'est-à-dire d'avoir été le véritable instigateur de la révolte des soldats.

D'Eunape à Zosime le saut est brusque, puisque celui-ci ne parait pas avoir écrit avant le milieu du cinquième siècle. Il consacre au règne de Julien le livre III de son Histoire. Zosime est un païen ardent et un historien crédule. Gibbon parle avec mépris de sa passion et de ses préjugés, de ses ignorantes et malicieuses suggestions, de ses insinuations malveillantes[57]. On ne peut se servir de lui qu'avec de grandes précautions. Il est aussi partial que Libanius, sans avoir, comme celui-ci, l'autorité au moins relative d'un contemporain et d'un témoin.

Cependant il parait avoir eu sous les yeux des documents précis. Lui-même indique, comme sources dont il se servit, de nombreux livres d'historiens et de poètes, qui ont raconté les actions de Julien jusqu'à la fin de sa vie. On se souvient qu'il indique aussi, comme une source préférable à toutes les autres, un recueil des λόγοι et des έπιστολαι de Julien, qui, pour celles-ci au moins, était certainement plus ample que ce que nous possédons. Malheureusement Zosime ne nomme pas les historiens et les poètes. Un seul de ces derniers nous est connu par Socrate (III, 21), le garde du corps Calliste , qui suivit Julien en Perse, et consacra à ses exploits tout un poème épique, dont rien n'est resté.

Zosime ajoute qu'il s'est efforcé, dans ses récits, de suppléer à ce qui avait été omis par ses devanciers. On croira difficilement que, écrivant si longtemps après eux, il e n ait eu les moyens. Cependant, pour le récit de la guerre de Perse, on remarque, chez lui, des noms de localités omis par Ammien, et même quelques détails qui ne sont point chez ce contemporain et témoin oculaire. On a conjecturé que Zosime avait eu sous les yeux un Journal de l'expédition, écrit par quelqu'un des hauts officiers de Julien, ou même des Commentaires de Julien lui-même, continués après sa mort. L'hypothèse ne parait pas solide : si Zosime avait possédé une source aussi précieuse, il n'eût point manqué de le dire. Il reste néanmoins que, dans les pages qu'il consacre à Julien, remplies d'erreurs et de fables, et empreintes d'une évidente partialité, se rencontrent aussi un certain nombre de renseignements utiles, que l'on ne trouve pas ailleurs[58].

 

 

 



[1] Ce dernier écrit a été l'objet d'un long commentaire d'Asmus, Ein Encyklika Julians des Abtrünnigen und ihre Verlaufer, formant deux articles du Zeitschrift für Kirchengeschichte, 1895.

[2] Publiées dans Ό έν Κονσταντινουπολει Έλληνικός φιλολογικός σύλλογος, t. XVI, 1885, supplément, p. 22 et suiv. ; dans le Rheinisches Museum, t. XLII, 1887, p. 15 et suiv. ; dans la Revista di Filologia, 1889, p. 291 et suiv.

[3] Voir Schwarz, De vita et scriptis Juliani imperatoris, Bonn, 1888 ; Cumont, Sur l'authenticité de quelques lettres da Julien, Gand, 1889 ; Schwarz, dans le Philologus, t. LI, 1892 ; Bidez et Cumont, Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien, dans Mémoires couronnés et autres Mémoires publiés par l'Académie royale de Belgique, t. LVII, 1898.

[4] On a le nom d'un de ces secrétaires, Nymphidianus.

[5] Libanius, Epitaphios Juliani ; Reiske, t. I, p. 580.

[6] On n'y voit pas non plus les lettres, du reste peu nombreuses et renfermant seulement des salutations, qu'il écrivit au César Gallus (Hertlein, p. 530). — Dans le paragraphe relatif à Ammien Marcellin, nous indiquerons d'autres lettres de Julien, beaucoup plus importantes, que le recueil de sa correspondance ne contient pas. Il sera encore question de plusieurs lettres, également perdues, dans le paragraphe relatif à Eunape. — Parmi les lettres perdues, il y a aussi un court billet à Denys, cité par Julien (Hertlein, p. 577) dans la longue diatribe (Ép. 59) adressée à ce sénateur. Je dirai à ce propos que l'Épître 59, d'une irritation qui touche au comique, est tellement incompréhensible, que je n'ai pu démêler les événements auxquels elle fait allusion, et lui trouver une place dans le récit du règne de Julien.

[7] Ammien Marcellin, XVI, 5.

[8] Libanius, Epitaphios Juliani ; Reiske, I. I, p. 624.

[9] Zosime, III, 2.

[10] Libanius, Ép. 1350.

[11] Epitaphios Juliani ; Reiske, t. I, p. 624.

[12] Le nombre est relativement considérable des documents relatifs aux affaires d'Alexandrie (éd. Hertlein, Ép. 6, 9, 10, 23, 26, 36, 45, 50, 51, 56, 58).

[13] Bidez et Cumont, Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien, p. 14-22.

[14] Zosime, III, 2.

[15] Nos recherches ne nous autorisent même pas à affirmer avec certitude que toutes les épîtres qui nous sont parvenues aient été rassemblées dans une édition complète. Bidez et Cumont, Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien, p. 101.

[16] Bidez et Cumont, Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien, p. 27.

[17] Tillemont, qui avait sous les yeux l'édition de 1630, ne connaît encore, en 1697, que soixante-quatre lettres. Histoire des Empereurs, t. IV, p. 564.

[18] Voir Neumann, Juliani imperatoris librorum contra Christianos quæ supersunt, p. 133-238 ; Bidez et Cumont, Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien, p. 135-138.

[19] Hecker, Zur Geschichte des Kaisers Julianus. Eine Quellenstudie. Wissenschaftlige Beilage zum Programm des Königl. Gymnasiums su Kreusnach, 1886. L'exagération de la thèse de Hecker a été montrée par Mendelssohn, dans la préface de son édition de Zosime (Leipzig, 1887), p. XLV.

[20] Schwarz, De vita et scriptis Juliani imperatoris, p. 11.

[21] Je dois à l'obligeance de M. le docteur Koch la communication de sa thèse, aujourd'hui introuvable, De Juliano imperatore scriptorum, qui res in Gallia ab eo gestas enarrarunt, auctore disputatio, Araheim, 1890. L'auteur l'a complétée et sur certains points corrigée dans l'introduction de son livre Kaiser Julian der Abtrünnige, seine Jugend und Kriegsthaten bis zum Tode des Kaisers Constantius (tirage à part du Jahrbuch fur classiche Philologie, Leipzig, 1899).

[22] Eunape, Continuation de l'Histoire de Dexippe, fragm. 9 ; dans Müller, Fragm. historicorum græcorum, t. IV, p. 16.

[23] Eunape, Continuation de l'Histoire de Dexippe, fr. 14 ; Müller, t. IV, p. 20.

[24] Voir Sieverts, Das Leben des Libanius, p. 246.

[25] Libanius, Prosphoneticus ; Reiske, t. I, p. 413.

[26] Koch, Kaiser Julian der Abtrünnige, p. 342.

[27] Éditions complètes de Julien : Martinius et Cantoclarus, Paris, 1583 ; Petau, Paris, 1630 ; Spanheim, Leipzig, 1698 ; Hertlein, Leipzig, 1875-1876.

Éditions partielles : Misopogon et Épîtres, Martinius, Paris, 1566 ; — Césars, Hensiger, Gotha, 1736 ; — Épîtres, Heyler, Mayence, 1828 ; — Contra Christianos, Neumann, Leipzig, 1880.

Traductions françaises : Œuvres complètes, Tourlet, Paris, 1821 ; — Talbot, Paris, 1863 ; — les Césars de l'empereur Julien, avec des remarques et des preuves enrichies de plus de 300 médailles, Spanheim, Paris, 1683 ; Amsterdam, 1728.

[28] Libanius, Epitaphios Juliani ; Reiske, t. I, p. 528.

[29] Julien, Ép. 42 ; Hertlein, p. 546.

[30] Sur la numismatique de Julien, voir Eckhel, Doctrina nommorum veteruni, Vienne, 1792-1798, t. VIII ; Cohen, Médailles impériales, t. VI, Paris, 1862 ; le paragraphe Coins, rédigé en partie d'après les médailles de Julien conservées au British Museum, dans le Julianus de Wordsworth, Dictionary of christian biography, t. III, p. 523-525.

[31] Salomon Reinach, Un portrait authentique de l'empereur Julien, dans Revue archéologique, t. XXXVIII, 1901, p. 337-359.

[32] F. Lenormant, A travers l'Apulie et la Lucanie, t. I, p. 271.

[33] Comme exemple de l'à peu près où les meilleurs esprits en sont restés, en France, quand il s'agit de Julien, je dirai que dans cette note, très érudite, M. Salomon Reinach appelle Constance l'oncle de Julien, et cite les écrits de celui-ci d'après la traduction française de Talbot.

[34] Revue archéologique, t. XXXII, 1901, p. 259.

[35] Negri, l'Imperatore Giuliano l'Apostata, 2e édit., p. XVIII-XIX.

[36] La lettre 44, qui porte en divers manuscrits le nom de Libanius, parait adressée à Priscus ; la lettre 72, adressée réellement à Libanius, est d'Eustathe, et non de Julien. Voir Hertlein, p. 548, 594.

[37] On trouvera des renvois aux plus importantes dans les chapitres X, XI et XII du livre de Sievers.

[38] Libanius, Ép. 1078, 1186.

[39] Ép. 1186.

[40] Éditions de Libanius : les lettres ont été publiées par Wolf, Amsterdam, 1738, 1 vol. in-folio ; le reste des Œuvres par Morell, Paris, 1606, 2 vol. in-folio ; Reiske, Altenburg, 1791-1797, 4 vol. in-8. — Sur Libanius, consulter Sievers, Das Leben des Libanius, Berlin, 1868.

[41] Sur les relations d'Ammien avec Libanius, voir Sievers, Appendice BB, p. 271.

[42] Ammien Marcellin, XVI, 1.

[43] Koch, Kaiser Julian der Abtrünnige, p. 463.

[44] Même appréciation dans Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 562.

[45] Revue historique, t. LXXVI, 1901, p. 106.

[46] Éditions d'Ammien Marcellin : H. et A. de Valois, Paris, 1681 ; — Eyssenhardt, Berlin, 1871 ; — Gardthausen, Leipzig, 1874-1875. — Consulter deux thèses françaises sur Ammien : celle de M. l'abbé Gimazane, Toulouse, 1889, et celle de M. Dautremer, Lille, 1899.

[47] Publié avec les autres Panegyrici veteres à la suite du Pline le Jeune de Casaubon, 1604, et dans l'édition des Panegyrici de Behrens, Leipzig, 1874.

[48] Édit. Dübner, Paris, 1849, dans la Collection des auteurs grecs de Didot.

[49] Dans Müller, Fragm. historicorum græcorum, t. IV, p. 4-6.

[50] Dans Müller, Fragm. historicorum græcorum, t. IV, p. 6.

[51] Éd. Zell, Stuttgart, 1829 ; éd. Panckoucke, Paris, 1843.

[52] Éd. Panckoucke, Paris, 1843.

[53] Éd. Panckoucke, Paris, 1843.

[54] Müller, Fragmenta historicorum græcorum, t. IV, p. 7-56.

[55] Vitæ soph., p. 476.

[56] Éd. Boissonade, 1849, dans la Collection des auteurs grecs de Didot.

[57] Gibbon, Decline and Fall, c. XVII, XX.

[58] Éd. Mendelssohn, Leipzig, 1887.