JULIEN L'APOSTAT

TOME TROISIÈME — JULIEN ET LES CHRÉTIENS : LA PERSÉCUTION ET LA POLÉMIQUE - LA GUERRE DE PERSE.

LIVRE VIII. — JULIEN ET LES CHRÉTIENS : LA PERSÉCUTION ET LA POLÉMIQUE.

CHAPITRE III. — LA POLÉMIQUE.

 

 

I. — Le livre contre les chrétiens.

Libanius, qui vécut familièrement à Antioche avec Julien, dit que, pendant son séjour dans cette ville, celui-ci jugea des milliers de procès, promulgua beaucoup de lois, et composa des livres pour venir au secours des dieux[1].

Nous l'avons vu dans l'exercice de ses fonctions de juge. Quant aux lois auxquelles fait allusion Libanius, celles que les Codes attribuent aux neuf mois du séjour de Julien dans la métropole de la Syrie ont presque toutes trait à des questions administratives ou juridiques d'importance secondaire, et ne touchent que de très loin aux réformes politiques et religieuses commencées auparavant[2]. La seule qui ait une portée de cette nature est la réglementation nouvelle de la police des funérailles, édictée à Antioche, le 12 février 363[3]. Mais probablement faut-il rapporter au temps où Julien résidait dans cette ville d'autres lois qui ne figurent pas dans les Codes. Lui-même, en un passage de sa lettre aux habitants de Bostra, fait allusion à la loi par laquelle il retira aux clercs, c'est-à-dire à l'évêque et à ses conseillers, les pouvoirs juridiques que leur avait accordés Constantin[4]. Sozomène cite des lois de même tendance, par lesquelles Julien enlève aux membres du clergé les exemptions et les subsides dont ils jouissaient en vertu d'ordonnances de ses prédécesseurs[5]. Le même historien rapporte une loi de Julien obligeant rétroactivement les femmes assistées par la charité de l'Église, les vierges et les veuves consacrées à Dieu, à restituer les traitements que Constantin leur avait accordés sur le produit des contributions municipales[6]. Nous avons déjà vu appliquer à Marc d'Aréthuse une ordonnance qui parait avoir été promulguée en termes généraux pour obliger tous ceux qui, sous les règnes précédents, avaient été auteurs ou complices de la démolition d'un temple païen à le rebâtir à leurs frais, ou à en payer la valeur[7]. L'historien Socrate rapporte une autre loi, d'une portée plus générale encore, et qui date manifestement de l'époque où Julien, à Antioche, préparait sa guerre de Perse. Quiconque s'abstient de sacrifier aux dieux doit racheter cette abstention par une taxe proportionnelle à ses facultés : les chrétiens constitueront ainsi, à eux seuls, au moyen d'une contribution levée sur leur capital ou leur revenu, le trésor de guerre qui subviendra aux frais de l'expédition future[8]. Enfin, si un contemporain, parlant à des contemporains, ne l'affirmait, on hésiterait à croire que Julien ait rendu une ordonnance attestée de la manière la plus formelle par saint Grégoire. Julien, dit-il, qui donnait toujours aux chrétiens le nom de Galiléens, en fit, par une loi, leur appellation officielle[9]. C'était évidemment, dans sa pensée, leur retirer tout caractère universel et catholique, pour ne leur laisser que celui d'une petite secte locale. Il est probable qu'il eut cette étrange idée pendant qu'il travaillait au livre destiné à venir au secours des dieux, c'est-à-dire à combattre et à rabaisser le christianisme.

L'hiver de 362-363 fut laborieux pour Julien. Outre quelques écrits de moindre importance[10], il y composa à la fois le discours sur le Roi Soleil[11] et ce livre contre les chrétiens. Il est vrai que le discours lui coûta peu de temps, puisque, de son propre aveu, Julien l'acheva en trois nuits. L'ouvrage contre les chrétiens demanda certainement un plus long effort. Libanius dit que Julien y consacra les longues veillées de l'hiver. Le sophiste, qui assista probablement à sa composition, ou en fut au moins l'un des premiers confidents, en définit le caractère en ces termes : L'empereur y attaquait, par une longue argumentation et par la force du raisonnement, les livres qui font Dieu et fils de Dieu un homme de Palestine, et montrait le ridicule et l'inanité de ce qu'on adore en lui[12]. Mais il ne nous dit point si l'ouvrage était depuis longtemps projeté par Julien, ou si quelque circonstance soit accidentelle, soit même locale, le détermina à l'entreprendre. Je crois volontiers que c'est à Antioche qu'il en eut la première pensée : vraisemblablement il y fut provoqué par les protestations courageuses dont ses tentatives de réforme païenne étaient l'objet de la part d'un prêtre érudit de cette ville, qui avait peut-être été son condisciple à l'université d'Athènes, Diodore, le futur évêque de Tarse. Dans une lettre dont j'ai déjà parlé, qu'il écrivit à l'hérésiarque Photin[13], Julien annonce son dessein d'écrire contre le nouveau dieu galiléen et couvre d'opprobres Diodore, le mage du Nazaréen, le sophiste subtil d'une religion grossière. Il accuse en même temps Diodore de détourner contre les dieux célestes la rhétorique apprise à Athènes, et raille la faible santé, les joues creuses, la pâleur du prêtre d'Antioche, signes, selon lui, de la vengeance des dieux et présage d'une mort prochaine[14]. Julien ne se doute pas que cette victime des dieux irrités survivra trente ans au restaurateur de leur culte. Cette lettre qui annonce l'intention d'écrire contre le Christ, et semble associer cette pensée à un ressentiment profond contre Diodore, parait contemporaine du séjour de Julien à Antioche, et probablement des premiers temps de ce séjour.

Divisé en trois parties[15], l'ouvrage de Julien ne nous est point parvenu tout entier. Presque tout ce qui en reste nous a été conservé par la réfutation que lui a consacrée, au cinquième siècle, saint Cyrille d'Alexandrie[16]. Malheureusement, du traité de Cyrille dix livres ne répondent qu'au premier livre[17] du Contra Christianos[18]. Un petit nombre de fragments des livres suivants de saint Cyrille[19] paraissent se rapporter au second livre de Julien[20] : de son troisième, rien ne subsiste[21]. On ne peut donc se faire une idée complète de l'ouvrage, et, avec les débris qui en restent[22], relever par la pensée l'ensemble du monument ruiné. Sur les deux dernières parties des conjectures seules sont possibles. Il semble que le second livre était dirigé spécialement contre les Évangiles[23], et que le troisième s'en prenait aux autres écrits du Nouveau Testament[24]. Quant au premier livre, il est presque complet et roule à la fois sur la comparaison des chrétiens avec les Juifs et les païens et sur l'Ancien Testament.

Julien en a indiqué lui-même le plan et les divisions.

Il nous faut, dit-il, reprendre d'abord, brièvement, d'où nous vient la notion de Dieu, et quelle elle doit être ; ensuite comparer ce qui a été dit chez les Hellènes et chez les Hébreux au sujet de la divinité ; après cela demander à ceux qui ne sont ni Hellènes ni Juifs, mais de la secte des Galiléens, pourquoi à notre opinion ils préfèrent l'opinion de ceux-ci (les Juifs), et pour quelles raisons cependant ils ne sont pas restés avec eux, mais s'en sont séparés poursuivre leur propre voie. Prétendant, en effet, qu'il n'y a rien de beau ni de bon, soit chez nous Hellènes, soit chez les Hébreux, sectateurs de Moïse, mais ayant emprunté, comme par une sorte de fatalité, les rebuts de ces deux nations, l'athéisme à la légèreté juive, une vie perverse et indolente à la grossièreté et à la nonchalance qui se rencontrent chez nous, ils ont voulu que cela fût nommé la meilleure des religions[25].

Il ne faudrait pas croire que Julien ait suivi rigoureusement ce plan, se soit interdit ces répétitions, ces digressions, ces échappées en tous sens, qui font si facilement perdre, dans ses livres, le fil du raisonnement. Saint Cyrille remarque que sa pensée ne cesse, en quelque sorte, de tourner sur elle même, que les mêmes idées reviennent souvent, et qu'il arrive de retrouver soit au milieu, soit à la fin du livre, l'argument rencontré au début. Cependant on doit reconnaître que, dans le traité contre les chrétiens, Julien s'est efforcé de mettre plus de méthode et de clarté que dans ses autres ouvrages. Lui-même a senti qu'il ne s'agissait plus, ici, d'exposer les rêves de son imagination, de raconter ses songeries mystiques ou d'improviser une théologie fantaisiste. Cette fois, il s'attaque tout ensemble à une histoire et à une doctrine. Il va heurter une foi qui a de savants et d'éloquents défenseurs. Il sait qu'à ses arguments on répondra par des arguments, à ses railleries par des railleries. S'il a le pouvoir de tout dire, il n'a pas encore eu les moyens de supprimer ses contradicteurs. Il n'aura pas seul la parole. Il écrit en présence d'adversaires, en homme qui se sent surveillé par eux, et qui s'attend à être discuté. De là, chez lui, une préoccupation nouvelle, qui explique comment, pour la première fois peut-être, il s'est donné la peine d'élaborer un plan, d'avoir de son œuvre une conception réfléchie, sauf à revenir souvent, dans l'exécution, à ses anciens errements, à son incurable subjectivisme.

Le paganisme que Julien compare à la religion des Juifs et à celle des chrétiens n'est pas le paganisme populaire, les fables incroyables et monstrueuses, les contes des Grecs[26]. C'est le platonisme étudié soit dans Platon lui-même, soit dans les commentaires des néoplatoniciens. Julien met en parallèle le récit de la création, tel que le présente la Genèse et tel que l'offre le Timée, et naturellement il donne la préférence au second. A Dieu créant ex nihilo, comme l'affirme le dogme juif et chrétien, il oppose le système platonicien de l'émanation et des dieux intermédiaires, chargés d'organiser le monde matériel[27]. Sa théologie du discours sur le Roi Soleil se retrouve ici, avec celle des dieux nationaux qui président aux destinées de chaque peuple et lui impriment son caractère particulier. Pour Julien, le Dieu des Juifs n'est qu'un de ceux-ci : il le dépouille de son caractère universel, pour en faire la divinité locale d'un petit peuple établi en Palestine. De là vient que, tout en raillant les récits de la Bible, la chute originelle, la tour de Babel, Julien ne condamne pas absolument le judaïsme. Celui-ci rentre, au contraire, dans son système, mais il le déclare inférieur à l'hellénisme.

Selon lui, les préceptes contenus dans le décalogue sont pratiqués par tous les peuples, à l'exception de ceux qui ont trait au monothéisme et à l'observation du sabbat. Mais à la dureté du Dieu hébraïque Julien oppose la douceur des mœurs chez les Grecs et les Romains. Il attribue ensuite aux uns et aux autres la supériorité intellectuelle sur les Hébreux. Seuls, ceux-là ont inventé les sciences, ont eu les philosophes, les chefs d'armée, les artistes, les législateurs, ont obtenu l'empire du monde. Julien, à qui le sens critique a toujours fait défaut, cite ici pêle-mêle les personnages historiques ou fabuleux, Persée, Minos, Éaque ou Dardanus à côté de Platon, de Socrate, d'Aristide, d'Alexandre ou de César, et s'étend sur le plus grand bienfait du Soleil et de Jupiter, c'est-à-dire Esculape, dont il raconte les voyages, et qui, dit-il, lui a souvent à lui-même révélé des remèdes[28].

Si les Hébreux sont inférieurs aux Hellènes, les chrétiens sont inférieurs aux Hébreux. Ils interprètent mal les livres de Moïse et des prophètes, et voient à tort dans les prédictions qui y sont contenues l'annonce de Jésus. Contrairement à l'unité divine, proclamée par ces livres, ils osent dire que le Christ est Dieu, ce que ni Matthieu, ni Marc, ni Luc eux-mêmes n'avaient dit, mais ce qui est de l'invention de saint Jean. Ils n'observent plus la loi des Juifs, bien qu'il ait été annoncé qu'elle durerait éternellement. Ils ne pratiquent point la circoncision, prétendant, avec Paul, que la circoncision du cœur a été prescrite, et non celle de la chair. Ils ne font pas, depuis une prétendue vision de Pierre, la distinction des aliments purs et impurs. Ils remplissent tout de tombeaux et de sépulcres, et se livrent au culte des morts, malgré les paroles de Jésus-Christ lui-même. Ils rejettent les sacrifices, commandés par Moïse, et pratiqués encore par les Juifs. Ils condamnent la divination, bien qu'Abraham ait pratiqué l'art augural et l'haruspicine. Sur cette dernière assertion se terminent les fragments du Contra Christianos[29].

Dans le passage final consacré à Abraham se trouvent des paroles curieuses, qui seraient mieux placées dans le paragraphe où Julien parle des dieux nationaux. Mais on se souvient de ce qu'a dit saint Cyrille des circuits fréquemment suivis par la pensée de Julien et de la manière imprévue dont la même idée reparaît parfois en divers endroits du livre. Le passage dont je parle marque clairement la situation prise, tant au point de vue doctrinal qu'au point de vue politique, par Julien dans ses rapports avec la religion des Juifs. Il vient de reprocher aux chrétiens de ne point manger des azymes et de ne point célébrer la pâque hébraïque. Il a reproduit la réponse faite par les chrétiens à ce reproche : Le Christ, qui s'est une fois immolé pour nous, est le véritable agneau pascal. Et il conclut : Certes, par les dieux ! je suis un de ceux qui détournent de prendre part aux fêtes des Juifs. Cependant j'adore toujours le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Ceux-ci, étant Chaldéens, la race sainte et théurgique, ont appris la circoncision en voyageant chez les Égyptiens. Ils honorèrent un Dieu, qui sera propice à moi et à tous ceux qui l'honorent, comme fit Abraham, un Dieu très grand et très puissant, mais qui n'a rien de commun avec vous. Car vous n'imitez pas Abraham en lui élevant des autels, en construisant des lieux de sacrifice, à l'exemple de celui-ci, et en le servant par des cérémonies saintes[30].

Julien n'est pas le premier qui ait écrit contre le christianisme : il serait intéressant de rechercher ce qu'il doit à ses devanciers. Rien peut-être à Hiéroclès, qui parait s'être toujours préoccupé d'opposer au Christ la figure à demi fabuleuse d'Apollonius de Tyane, dont ne parle jamais Julien. Probablement quelque chose au célèbre néoplatonicien du troisième siècle, Porphyre. Par malheur, les quinze livres de l'ouvrage de Porphyre contre les chrétiens sont perdus. On ne les connaît que par de rares citations d'Eusèbe, de saint Jérôme et de saint Augustin. Julien peut leur avoir emprunté quelques difficultés d'exégèse. Il leur doit peut-être aussi cette idée, qui parait avoir été exprimée en passant par Porphyre, mais dont Julien a fait une des thèses principales de son livre, que les Juifs honoraient Dieu mieux que les chrétiens[31]. L'objection tirée de l'époque tardive de la révélation chrétienne se trouve également dans Porphyre et dans Julien[32] : il est possible que celui-ci l'ait tirée de son devancier. Mais, par leur esprit général, les deux ouvrages devaient être très différents. Porphyre est plus philosophe que païen : son hardi spiritualisme déteste les sacrifices sanglants : il ne craint pas d'appeler les statues des dieux de grossières idoles[33]. Julien est plus païen que philosophe, et, ritualiste à l'excès, vivant pour ainsi dire les pieds dans le sang des bêtes immolées, un des plus grands griefs qu'il fasse aux chrétiens est précisément de ne pas offrir de sacrifices. Une autre différence très caractéristique est celle-ci : Julien ne parle jamais du Christ et des chrétiens que sur le ton du sarcasme : Porphyre attaque leur religion, mais rend hommage à la sainteté de Jésus-Christ[34]. Quand Libanius dit que Julien, dans la polémique contre le christianisme, surpassa le vieillard tyrien, c'est-à-dire Porphyre[35], peut-être, avec sa naïveté accoutumée, fait-il seulement entendre que Julien, outre les idées de celui-ci dans le sens partial et sectaire, en les dépouillant de ce qu'elles avaient d'idéaliste, de large et de généreux[36]. Si Julien se rattache par un lien étroit à l'un de ses devanciers, c'est plutôt à Celse, qui écrivit au deuxième siècle le Discours véritable[37]. Le ton sarcastique est le même : on pourrait citer plus d'une parole commune[38] : et peut-être des passages perdus du livre de Julien rassembleraient-ils, contre la personne de Jésus, des traits injurieux et blessants, pareils à ceux qui abondent dans le Discours de Celse[39]. Cependant, ici encore, en un point au moins, l'inspiration diffère. Après avoir fait pleuvoir sur les chrétiens ses flèches venimeuses, Celse termine son livre par des paroles conciliantes, et presque des propositions de paix. Il est prêt à leur donner la liberté, s'ils consentent à s'abstenir de propagande et à servir loyalement l'Empire[40]. Cet esprit n'est pas celui de Julien, qui juge les chrétiens impropres aux services publics, leur dispute jusqu'à leur nom, et voudrait les voir disparaître.

Julien déclare, au début de son livre, qu'il l'a écrit pour exposer à tous les hommes les raisons qui l'ont convaincu de la fourberie et de la fausseté de la secte galiléenne[41]. Comme il arrive souvent dans les confessions de cette nature, les raisons qu'il expose sont probablement des arguments de date récente, plutôt que des motifs intimes et personnels, les causes premières de son évolution. Il n'est pas probable qu'à l'époque de sa jeunesse où, lecteur de l'Église de Césarée, il fit connaissance avec les Livres saints, les difficultés d'exégèse sur lesquelles il insistera plus tard l'aient beaucoup frappé. En réalité, malgré la déclaration du commencement, aucun livre de Julien ne renferme aussi peu d'autobiographie que le Contra Christianos. Si le secret de son apostasie est quelque part, à coup sûr il n'est pas dans les raisonnements subtils[42], dans les théories visiblement créées après coup, on les objections plus empruntées peut-être qu'originales, qui font la trame de cet ouvrage. Le sarcasme et les paroles outrageantes sont d'un militant tout à fait engagé dans la lutte, non de l'homme qui décrit les chemins qu'il a suivis pour passer d'une religion à une autre. Une seule phrase, peut-être, trahit une sincère réminiscence. Des anciens Hébreux, dit-il aux chrétiens de son temps, vous n'imitez que la colère et les fureurs. Vous renversez les temples et les autels, et vous égorgez non seulement ceux de nous qui sont demeurés fidèles au culte des ancêtres, mais aussi bien ceux des vôtres qui sont appelés à tort hérétiques, parce qu'ils n'adorent pas le mort de la même manière que vous[43]. Il est certain que les agitations religieuses du règne de Constance, les violences commises alors par des sectes chrétiennes, avaient dû frapper l'âme déjà ulcérée de Julien enfant, et lui être un scandale peut-être irrémédiable Mais dans la phrase même que nous venons de citer, Julien, à la manière tortueuse qui lui est habituelle, trouve moyen de mêler la vérité et l'erreur. Des chrétiens trop ardents renversèrent, il est vrai, des temples et des autels ; cependant l'histoire n'a pas conservé, du temps de Constantin ou même de Constance, le souvenir. d'un seul païen égorgé pour cause de religion. Et quant aux chrétiens mis à mort comme hérétiques, l'histoire montre encore que les violences vinrent d'un seul côté, celui qui avait la faveur impériale et par elle la force matérielle, c'est-à-dire du côté des hérétiques eux-mêmes : le sang qui coula fut le sang des orthodoxes, immolés par des ariens. La phrase de Julien est fausse, en ce qui concerne les païens ; en ce qui concerne les chrétiens, elle fait jaillir sur tous l'odieux qui appartient seulement à quelques-uns, et confond volontairement bourreaux et victimes.

Si, malgré les exagérations et les inexactitudes, on peut démêler dans cette phrase le souvenir de fâcheuses impressions d'enfance, qui contribuèrent peut-être à détacher Julien du christianisme, l'ensemble de son livre ne donne donc pas, malgré sa promesse, les raisons qui confirmèrent et rendirent définitive cette impression. Ce que nous y pouvons voir plutôt, c'est l'état d'esprit de Julien au moment où il l'écrivit.

M. Jules Simon a sévèrement jugé ce livre, qu'il considère comme inférieur à la plupart des autres ouvrages de Julien[44]. Il est certain que ce qui en reste est peu intéressant. La partie philosophique n'a ni profondeur, ni vastes horizons, et n'offre rien qui ne se retrouve ailleurs. La partie historique est nulle. La partie exégétique ne présente d'intérêt que sur quelques points de détail. Surtout l'esprit général manque de grandeur, et peut-être de loyauté. Julien qui, dans ses lettres, se montre préoccupé de réorganiser le paganisme sur le modèle de l'Église, et recommande aux prêtres des dieux l'imitation des vertus chrétiennes, semble dans son livre refuser à la société chrétienne prise en masse, comme aux chrétiens individuellement, toute valeur intellectuelle et morale. Il parle d'une Église qui renferme maintenant plus de la moitié des habitants de l'Empire romain, et qui déborde sur les nations étrangères, — qui a doté le monde d'institutions charitables inconnues avant elle, — qui a produit en grand nombre des chefs-d'œuvre littéraires, qui, à l'heure même où il compose son livre, possède plus d'écrivains et d'orateurs, et autrement originaux et vivants, que n'en pourrait montrer la population païenne, — comme il parlerait d'une poignée de pêcheurs de Galilée ou d'un amas de cabaretiers, publicains, danseurs, gens de tous métiers[45]. Ce serait une inconséquence inexplicable, si ce n'était plutôt une tactique trop visible. Mais elle parait si grossière qu'elle ne devait, ce semble, tromper personne. Ou s'il y avait, dans ce langage de Julien, autre chose qu'une tactique, il dénoterait, avec un étrange oubli des situations véritables, une singulière irritation.

La cause de cette irritation est peut-être dans le dépit que lui fait éprouver le caractère historique de la religion chrétienne. Julien, nous dit Libanius, s'était surtout proposé de démontrer l'impossibilité d'adorer comme un Dieu un homme né en Palestine[46]. Lui-même explique, dans une lettre, qu'avec l'aide des dieux, des déesses, des Muses et de la Fortune, il a voulu dépouiller de sa divinité le nouveau dieu des Galiléens, et prouver par l'indignité de sa mort et de sa sépulture que son éternité n'est qu'une fable[47]. Mais il ne peut faire cette démonstration sans reconnaître la réalité de celui dont il poursuit la déchéance. Homme ou Dieu, c'est un personnage de l'histoire qui est devant lui. Plus il rabaisse le sujet de César, connu seulement depuis trois cents ans, qui n'a rien fait qui soit digne de mémoire, à moins qu'on ne regarde comme un grand exploit de guérir des boiteux et des aveugles et d'exorciser des possédés dans les villages de Bethsaïde et de Béthanie[48], plus, en quelque sorte, il rend sensible la personne de son adversaire. S'il parle avec tant d'aversion de ce mort[49], c'est parce que ce mort a vécu. S'il reproche amèrement au christianisme d'être la religion des tombeaux, le culte des adorateurs de sépulcres, ce n'est pas seulement par cette horreur toute païenne pour ce qui rappelle la mort et les funérailles, dont on retrouve la marque dans un de ses édits ; c'est surtout parce que le tombeau de Jésus, les tombeaux comme les reliques des martyrs, attestent l'existence du Sauveur et l'héroïsme de ses disciples. La vénération pour le bois de la croix[50], dont les parcelles furent répandues dans l'Empire dès le lendemain du voyage de sainte Hélène à Jérusalem[51], le fâche comme un nouveau rappel de la réalité du supplice infligé au fils de Marie. Tout lui montre l'impossibilité de rejeter la religion chrétienne dans le vague de la légende. A son pied, habitué aux nuages mouvants de la Fable, cette religion offre le terrain solide, le choc blessant de l'histoire.

Si la vie de Jésus avait ressemblé à celle de quelqu'un des dieux morts et ressuscités de la mythologie, un Attis, un Adonis, Julien tolérerait vraisemblablement ses adorateurs. Si Marie était un mythe, comme Cybèle, il ne protesterait probablement pas, ainsi qu'il le fait à plusieurs reprises, contre le titre de mère de Dieu que lui donnaient les chrétiens[52]. Mais une religion historique, fondée sur des livres dont les auteurs sont connus, ayant des témoins qui déclarent avoir vu de leurs yeux et touché de leurs mains, s'appuyant sur une tradition encore récente, puisqu'elle suppose un petit nombre de générations, contredit maintenant toutes ses habitudes de pensée.

Devenu hellène avec Homère ou Hésiode, et philosophe avec les docteurs du néoplatonisme, Julien voyait dans les dieux tantôt l'allégorie des phénomènes naturels, tantôt des émanations du Dieu suprême, peuplant d'essences intelligibles le ciel des idées, ou éclairant le ciel matériel de leurs rayons d'astres divinisés. Son esprit s'était, en quelque sorte, affaibli par ce dissolvant éclectisme : il restait désormais trop indécis ou trop flottant, trop habitué à fondre ensemble des théories contradictoires, pour comprendre la précision de la doctrine chrétienne, et pour admettre la légitimité d'un système religieux fondé sur l'indissoluble union dû dogme et du fait. L'adepte du panthéisme néoplatonicien, pour lequel l'homme, au lieu d'être le roi de la création, n'est qu'une partie insignifiante du grand tout, et aux yeux de qui la notion même de la personnalité humaine se perd dans la fuite perpétuelle des choses, n'a plus aucun point de contact avec les disciples du Dieu qui s'est incarné dans le seul but de racheter l'humanité pécheresse, qui est né d'une femme, a vécu en Judée, est mort sur le Calvaire, a ressuscité dans sa chair, et promet aux hommes une semblable résurrection. Les idées mêmes de péché, d'expiation, de rédemption, si sensibles en certaines religions de l'antiquité, si répandues, en particulier, parmi les païens du quatrième siècle, et qui rendent, partout où elles se rencontrent, ce son d'âme naturellement chrétienne dont parle Tertullien, sont devenues tout à fait étrangères à Julien. On ne les retrouve ni dans le livre que nous venons d'analyser, ni dans aucun de ses écrits. Il semble même qu'il y ait, en ceci, comme la trace d'un effort volontaire. Ce que Julien a demandé, de son propre aveu, aux tauroboles, aux mystères, ce n'a pas été, comme tant de ses contemporains, une purification analogue à celle que promettaient les chrétiens, mais au contraire le moyen d'effacer jusqu'à la dernière goutte de leur baptême. Son paganisme à lui s'est, de parti pris, fermé à tout souvenir de son ancienne foi. Il a expulsé les notions qui en restaient. Même ce parfum d'un vase vide, où d'autres trouvèrent un charme douloureux, lui a fait horreur. Aucun renégat, peut-être, n'est plus déchristianisé que Julien. Il a vidé son âme de tout, même du parfum.

 

II. — La fortune du livre contre les chrétiens.

Julien attendit probablement un grand effet de son livre contre les chrétiens. On ne saurait dire, aujourd'hui, si celui-ci eut beaucoup de lecteurs, et servit utilement la cause de la réaction païenne. Si ce résultat fut obtenu, il ne semble pas qu'il ait été très durable : la vogue du livre, en admettant qu'il en ait eu quelqu'une, ne survécut sans doute point aux quelques mois qui séparent sa publication de la fin du règne de Julien. Les événements incertains d'abord, puis tragiques, qui vont remplir ces derniers mois détourneront forcément l'attention publique d'un écrit dont la valeur intrinsèque n'était pas assez grande pour surmonter des circonstances aussi défavorables. Le succès des livres anciens s'usait vite. Les copistes n'en pouvaient fournir d'abord que peu d'exemplaires, et ne continuaient à les reproduire qu'au fur et à mesure des demandes. Dès que l'intérêt du public se lassait, on cessait de copier. De là vient que, dans la grande production littéraire de l'antiquité, la plupart des œuvres médiocres ont péri. Celles-là surtout qui n'avaient qu'une importance passagère, une valeur de circonstance, ont disparu sans laisser de trace. Le petit nombre des exemplaires d'abord copiés s'était vite perdu, et on n'avait pas cherché à les renouveler. Il en dut être surtout ainsi des écrits de polémique. Ceux-ci n'intéressent que pendant quelque temps, et parfois n'intéressent qu'une quantité restreinte de personnes. Il arrive souvent qu'ils intéressent ceux-là seuls contre qui ils sont dirigés. Selon toute vraisemblance, les païens lisaient peu les livres composés contre le christianisme. Les chrétiens les lisaient, pour connaître les objections ou pour les réfuter, mais ne se souciaient pas de multiplier par des copies les ouvrages de leurs adversaires. De là vient que la plupart de ces ouvrages, selon la remarque de saint Jean Chrysostome, eurent la vie courte. Les uns, dit-il, ont depuis longtemps péri ; les autres périrent en naissant[53]. Et il ajoute : Si quelqu'un d'entre eux subsiste, c'est qu'il est conservé chez les chrétiens[54]. Les bibliothèques des églises recueillaient avec soin, en effet, les écrits hétérodoxes. C'était une tradition remontant à l'époque même des persécutions[55], et qui se continua pendant plusieurs siècles[56]. Il est probable qu'à l'époque où saint Jean Chrysostome tenait le langage que nous venons de rapporter, c'est-à-dire vingt ans après la publication du livre de Julien[57], il ne restait de celui-ci que de rares exemplaires, pour la plupart gardés dans quelques bibliothèques chrétiennes.

Ce qui semble indiquer qu'au moment de son apparition le livre fit peu de bruit ou peu de mal, c'est que les chrétiens les plus considérables ne songèrent pas alors à le réfuter. Ni Basile, qui se renferma toujours à l'égard de Julien dans une réserve un peu dédaigneuse, ni Grégoire de Nazianze, n'écrivirent à ce sujet. Les deux discours prononcés par ce dernier après la mort de Julien, rappellent avec indignation beaucoup de ses actes : son livre contre les chrétiens n'y est même pas nommé. Le seul des hommes célèbres de cette génération qui semble s'en être ému est le fécond Apollinaire de Laodicée. Peut-être craignit-il que les idées soutenues dans l'ouvrage polémique de Julien ne devinssent le fond de l'enseignement officiel, depuis que les païens en avaient reçu le monopole. Il est difficile de ne pas entendre d'une réponse d'Apollinaire au Contra Christianos l'allusion de Sozomène à un livre remarquable écrit par celui-ci contre l'empereur et contre les philosophes hellènes et intitulé : De la vérité[58]. L'auteur, continue Sozomène, y montrait, sans invoquer aucun texte de l'Écriture sainte, que ceux-ci, entraînés par de vaines erreurs, pensent de Dieu autrement qu'il ne convient[59]. On se souvient que l'une des parties du livre de Julien était précisément consacrée à étudier la notion de Dieu et à comparer ce qui a été dit chez les Hellènes et chez les Hébreux à ce sujet. Si l'on n'a pas oublié la rapidité avec laquelle écrivait Apollinaire, on admettra qu'il ait pu composer sa réponse et la faire parvenir à Julien avant même que celui-ci ait quitté Antioche[60]. Julien, après l'avoir reçu, écrivit, dit-on, à plusieurs prélats ces seuls mots : J'ai lu, j'ai compris et j'ai condamné[61]. A quoi les évêques répondirent : Tu as lu, mais tu n'as pas compris ; car si tu avais compris, tu n'eusses pas condamné[62]. Si cet échange de propos[63], qui en français ont peu de saveur, mais que l'allitération rend piquants en grec, eut lieu en effet, on remarquera une fois de plus que même dans les choses les plus sérieuses, et aux heures les plus critiques, la préoccupation du bel esprit n'abandonnait jamais tout à fait les lettrés païens ou chrétiens du quatrième siècle.

On aperçoit avec surprise que les réfutations du livre de Julien devinrent plus nombreuses après sa mort, quand, semble-t-il, les polémiques soulevées par son écrit devaient être depuis longtemps assoupies et alors que, probablement, peu d'exemplaires de celui-ci restaient dans le commerce. Des circonstances locales donnèrent naissance à ces réponses. L'une des plus importantes, malheureusement perdue, fut composée vers la fin du siècle par Théodore de Mopsueste[64], à l'époque où il habitait encore Antioche, et, comme saint Jean Chrysostome, son condisciple et son ami, luttait contre les efforts de Libanius et des païens rangés autour de lui pour réhabiliter et glorifier la mémoire de Julien : le livre consacré par Théodore à réfuter l'écrit antichrétien de l'empereur doit être du même temps que le discours où Chrysostome, à propos de l'anniversaire du martyr Babylas, flétrit Julien et la réaction païenne. Probablement encore à l'influence de saint Jean Chrysostome fut due une autre réfutation du livre de Julien, celle qu'écrivit, au commencement du cinquième siècle, un de ses familiers, le prêtre Philippe de Side : on la conne seulement par la mention qu'en fait l'historien Socrate[65]. Mais la plus célèbre des réfutations est celle que publia, dans le premier quart du même siècle, le patriarche d'Alexandrie, saint Cyrille. Il déclare l'avoir écrite pour raffermir les faibles dans la foi, qui s'imaginaient que Julien était très versé dans la science des Livres Saints, et se laissaient prendre à ses pièges. Il ajoute que son livre a encore pour but de répondre aux défis des païens, qui déclaraient inattaquables les raisonnements de Julien, et sans valeur toutes les réponses que les docteurs chrétiens leur avaient déjà faites[66]. Ces paroles attestent l'existence d'un parti païen demeuré très puissant à Alexandrie, même après la destruction du Sérapéum et les lois de Théodose. Si l'on ajoute que l'un des plus célèbres parmi les docteurs qui répondirent à Julien était Théodore de Mopsueste, suspect de nestorianisme aux yeux de Cyrille, — et que dans les réfutations de Théodore de Mopsueste et de Philippe de Side se retrouvait probablement l'influence de saint Jean Chrysostome, dont la mémoire fut longtemps pour Cyrille l'objet de défiances injustifiées, — on s'expliquera les circonstances locales et personnelles qui amenèrent celui-ci à s'attaquer encore au livre de Julien, apparemment moins oublié à Alexandrie qu'ailleurs, et à essayer de remplacer par une nouvelle réfutation celles qui avaient eu cours jusque-là[67].

En Occident, ce livre ne suscita, de la part des écrivains chrétiens, ni protestation ni réponse. La tournure d'esprit de Julien, sa façon de raisonner et d'écrire, étaient si éloignées des habitudes intellectuelles de l'Occident, que même sur les païens de cette partie de l'Empire son influence demeurait à peu près nulle. Quand Symmaque prend officiellement devant les empereurs la défense du paganisme, il est facile de voir à son langage que les idées de Julien n'ont point eu de prise sur son esprit. Il traite en Romain les questions que Julien avait traitées en Grec ou plutôt en Asiatique. D'ailleurs, la tactique des représentants les plus distingués du paganisme latin, au quatrième siècle, était d'ignorer le christianisme, non de le combattre[68]. Aussi les païens ne se soucièrent probablement pas de répandre le livre de Julien, et l'opinion chrétienne, prise en masse, l'ignora. Seuls les exégètes de profession, comme saint Jérôme, eurent la pensée de le lire : et encore celui-ci ne le lut-il peut-être que pendant son séjour en Orient. Si j'essayais d'y répondre, tu ne me le permettrais pas, écrit-il de Palestine au rhéteur romain Magnus[69]. Ce mot d'un homme qui ne reculait devant aucune controverse, pour peu qu'il la jugeât utile, montre qu'aux yeux de Jérôme, comme à ceux de son correspondant, l'écrit de Julien paraissait peu redoutable.

 

 

 



[1] Libanius, Epitaph. Juliani ; Reiske, t. I, p. 513.

[2] Voir le tableau chronologique, à la suite du Code Théodosien de Haenel, p. 1651-1654.

[3] Code Théod., IX, XVII, 5.

[4] Julien, Ép. 52 ; Hertlein, p. 561. — Code Théod., I, XXVII, 1, et appendice de Sirmond, 1 et 17 ; voir Humbert, art. Episcopalis audientia, dans Dict. des antiquités, t. II, p. 697.

[5] Sozomène, V, 5.

[6] Sozomène, V, 5.— L'historien dit avoir vu des exemplaires des contraintes décernées à cette occasion contre les religieuses par les agents du fisc.

[7] Sozomène, V, 5.

[8] Socrate, III, 3. L'historien ajoute que cette taxe fat levée, non seulement dans les lieux où passait l'empereur, mais même dans ceux où il n'alla pas. Il semble cependant résulter de ces termes mêmes qu'une contribution de cette nature ne frappa que les contrées exposées à la guerre, et n'eut pas de répercussion hors de l'Orient. — Röde (Gesch. der Reaction Kaiser Julians g. die christl. Kirche, p. 86) suppose (à tort, selon moi) que Socrate fait seulement allusion ici au amendes prononcées contre les chrétiens qui refusaient de saluer les statues de Julien ornées d'emblèmes païens.

[9] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 76. — Cette attribution officielle, par loi ou par édit, d'un nom de mépris à une secte condamnée était dans les habitudes du quatrième siècle : un an après la condamnation d'Arius, Constantin ordonne que cet hérésiarque et ses sectateurs soient désormais appelés Porphyriens, du nom d'un des plus célèbres ennemis du christianisme. Socrate, I, 9.

[10] Libanius, Epitaph. Juliani ; Reiske, t. I, p. 581.

[11] Schwarz, De vita et scriptis, p. 13.

[12] Libanius, Epitaph. Juliani ; Reiske, t. I, p. 581. — Cf. Socrate, III, 23.

[13] Julien, Ép. 79 ; Hertlein, p. 606.

[14] Julien, Ép. 79.

[15] Saint Cyrille, Contra Julianum, præfatio. — Saint Jérôme (Ép. 60, ad Magnum) dit cependant : Julianus septem libros in expeditione Parthica contra Christianos evomuit ; dans son Commentaire sur le prophète Osée, III, 11, il répète : In septimo volumine Julianus Augustus quod adversus nos, id est Christianos, evomuit. — Comment expliquer ces contradictions entre les deux écrivains ? Faut-il supposer qu'au temps où Cyrille écrivait, quatre des sept livres de Julien étaient perdus ? Neumann (Juliani imperatoris librorum contra Christianos que supersunt, p. 100) émet une autre hypothèse : saint Jérôme n'aurait pas connu l'ouvrage de Julien directement, mais d'après une des réfutations faites de son temps, celle de Théodore de Mopsueste ou celle de Philippe de Side : cette réfutation aurait été divisée en sept livres : il aurait cru qu'elle correspondait à une division semblable de l'ouvrage de Julien. Socrate (Hist. ecclés., III, 23) a fait une confusion de même sorte, en attribuant au troisième livre de Julien un passage du premier livre, qui se trouvait cité dans le troisième de saint Cyrille.

[16] Le titre exact de la réfutation de saint Cyrille, que nous citons en abrégé sous celui de Contra Julianum, est Ύπέρ τής τών Χριστιανών εύαγοΰς θρησκείας πρός τά έν άθέοις Ίουλιανοΰ. Migne, Patr. græc., t. LXXVI.

[17] Neumann, p. 102 et suiv.

[18] Saint Cyrille ne dit pas quel était le titre exact de l'ouvrage de Julien : on peut conjecturer qu'il l'avait intitulé : Καπά Χριςτιανών λόγοι. Neumann, p. 101.

[19] A. Mai a donné (Bibl. nova Patrum, t. II, p. 488-492) des fragments des livres XI-XIX de saint Cyrille.

[20] Neumann, p. 125 et suiv. — Dans leurs Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien, MM. Bidez et Cumont ont publié, p. 135-138, un fragment de la réfutation composée au commencement du dixième siècle par Arétas, évêque de Césarée, fragment découvert dans une bibliothèque de Moscou. A l'aide de ce texte, Neumann a pu reconstituer (Theol. Liter. Zeitung, 1899) un passage du second livre, relatif à la doctrine du Logos, et tendant à mettre le quatrième évangile en contradiction avec les synoptiques.

[21] Neumann, p. 136.

[22] Quelques morceaux du texte de Julien, soit cités intégralement, soit résumés, se trouvent aussi dans Théodore de Mopsueste et dans saint Jérôme.

[23] Après une allusion aux divergences des généalogies contenues dans saint Matthieu et dans saint Luc, Julien dit : Comme nous devons rechercher avec soin la vérité sur ce fait dans le second livre, laissons-le pour le moment de côté. Dans saint Cyrille, Contra Julianum, VIII ; Neumann, p. 212. — Plus haut, après un mot sur les rapports de Jésus avec ses parents : Nous reviendrons sur cela plus tard, continue Julien, quand nous parlerons spécialement de la fausseté et de l'imposture des Évangiles (Saint Cyrille, VII ; Neumann, p. 202) : sujet dont il n'est pas question dans le premier livre que nous possédons.

[24] C'est une hypothèse vraisemblable de Neumann (p. 138), mais qui ne s'appuie pas sur des textes précis.

[25] Saint Cyrille, Contra Julianum, I ; Neumann, p. 161.

[26] Saint Cyrille, I ; Neumann, p. 164.

[27] Saint Cyrille, II ; Neumann, p. 165-167.

[28] Saint Cyrille, V, VI, VII ; Neumann, p. 188-207.

[29] Saint Cyrille, VII-X ; Neumann, p. 207-233.

[30] Saint Cyrille, X ; Neumann, p. 230. — Ailleurs, Julien reconnaît la réalité de l'Inspiration chez les prophètes hébreux : L'esprit prophétique, dit-il, a cessé chez les Hébreux, de même qu'il ne se conserve plus chez les Égyptiens. Saint Cyrille, VI ; Neumann, p. 197.

[31] Saint Augustin, De civitate Dei, XIX, 23.

[32] Porphyre, cité par saint Jérôme, Ép. 133, et saint Augustin, Ép. 102. Julien, dans saint Cyrille, III ; Neumann, p. 178.

[33] Porphyre, De abstinentia, II, 5, 11, 34, 35, 39, 43, 60, 61. — Saint Cyrille, IX, fait remarquer la différence de ces idées avec celles beaucoup plus grossières de Julien.

[34] Porphyre, cité par Eusèbe, Demonstr. évang., III, 8 ; saint Augustin, De consensu evang., I, 15, 34 ; De civitate Dei, XIX, 23.

[35] Libanius, Epitaphios Juliani ; Reiske, t. I, p. 581.

[36] Bien que Julien cite avec éloge Porphyre, en compagnie de Plotin et du divin Jamblique (Oratio VII ; Hertlein, p. 288), il avoue ailleurs (Oratio V ; Hertlein, p. 209) n'avoir pas lu l'un de ses traités les plus religieux et les plus spiritualistes, le De abstinentia.

[37] L'Άληθής λόγος de Celse, conservé en grande partie dans les huit livres du Contra Celsum d'Origène, a été reconstitué par Keim, Celsus wahres Wort, 1873, et par Aubé, la Polémique païenne à la fin du second siècle, 1878.

[38] Par exemple l'assertion répétée également par Celse (Origène, Contra Celsius, III, 43, 55) et par Julien (saint Cyrille, Contra Julianum, VI ; Neumann, p. 199), que le christianisme primitif fut propagé par des servantes et par des esclaves. Si l'on a vu, dit Julien, sous le règne de Tibère ou de Claude, un seul homme distingué se convertir à leurs idées, regardez-moi comme le plus grand des imposteurs. Lui-même, cependant, cite le centurion Corneille et le proconsul Sergius Paulus (Act. apost., X et XIII), et les découvertes de l'archéologie montrent le christianisme faisant de bonne heure des conquêtes dans l'aristocratie romaine.

[39] Saint Cyrille s'est abstenu de citer des paroles injurieuses de Julien contre le Christ, qu'on ne pourrait, dit-il, reproduire sans se souiller. Contra Jul., I.

[40] Voir Origène, Contra Celsum, VIII.

[41] Saint Cyrille, Contra Julianum, II ; Neumann, p. 163.

[42] Voir un curieux exemple de subtilité dans un passage de Julien (se rapportant vraisemblablement au second livre) qui est cité par Photius et ne se trouve pas dans Cyrille. Julien feint de considérer comme s'appliquant à tous le conseil de perfection évangélique (Matthieu, XIX, 21 ; Luc, XII, 33) : Vendez ce que vous possédez, et donnez-le aux pauvres ; vous vous ferez ainsi des trésors qui ne périront pas. Il omet le membre de phrase donné par saint Matthieu (XIX, 21) : Si vous voulez être parfaits, qui en marque le caractère exceptionnel, et il raisonne ainsi : Si tous te croyaient, qui serait acheteur ? Quelqu'un approuverait-il cet enseignement, dont le succès empêcherait toute ville, toute nation, toute maison de subsister ? Comment, si tout était vendu, pourrait-il y avoir lue maison ou une famille honorable ? Car il est évident que si dans une ville tous vendaient, il ne se trouverait personne pour acheter. Julien, dans Photius, Quæst. Amphil., 101 ; Migne, Patr. græc., t. CI, col. 617. — On trouve un semblable argument, exprimé en d'autres termes, dans la bouche du philosophe païen, réel ou imaginaire, auquel répond Macarius Magnés, écrivain chrétien de la fin du quatrième siècle. La question de savoir si les objections réfutées par Macarius dépendent en quelque chose du livre de Julien, ou viennent d'une source plus ancienne (Hiéroclès ?) à laquelle Julien aurait aussi puisé, est à peu près insoluble.

[43] Saint Cyrille, VI ; Neumann, p. 199.

[44] Jules Simon, Histoire de l'école d'Alexandrie, t. II, p. 358.

[45] Cf. saint Cyrille, VII ; Neumann, p. 208.

[46] Libanius, Epitaphios Juliani ; Reiske, t. I, p. 581.

[47] Julien, Ép. 79 ; Hertlein, p. 606.

[48] Saint Cyrille, IV ; Neumann, p. 199-201.

[49] Neumann, p. 199.

[50] Saint Cyrille, VI ; Neumann, p. 196. — Julien ajoute que les chrétiens font sur eux-meures le signe de la croix, ou le tracent sur leurs maisons ; voir de fréquents exemples de maisons antiques ornées de croix, dans Vogüé, Syrie centrale, architecture civile et religieuse du premier au septième siècle (Paris, 1865-1877).

[51] Dès 359, trente-deux ans après la découverte de la croix par sainte Hélène, on trouve vénéré à Sataf ; en Mauritanie, un fragment DE LIGNV CRVCIS. Voir une communication de Mgr. Duchesne à l'Académie des Inscriptions, 13 mai 1900.

[52] Saint Cyrille, VIII ; Neumann, p. 214.

[53] Saint Jean Chrysostome, In sanctum Babylam contra Julianum et Gentiles, p. 2.

[54] Saint Jean Chrysostome, In sanctum Babylam contra Julianum et Gentiles, p. 2.

[55] Saint Augustin, Brev. coll. cum Donat., III, 13. — Voir la Persécution de Dioclétien, 2e éd., t. I, p. 203.

[56] De Rossi, De origine, historia, indicibus scrinii et bibliothecæ sedia apostolicæ, p. LXX. — Cf. mes Études d'histoire et d'archéologie, p. 132.

[57] Les homélies In sanctum Babylam furent prononcées pendant le diaconat de Chrysostome, c'est-à-dire entre 381-386.

[58] Sozomène, V, 18.

[59] Sozomène, V, 18.

[60] Neumann ne pense pas qu'il faille voir dans l'ouvrage d'Apollinaire dont parle Sozomène une réfutation du livre de Julien contre les chrétiens. Ses raisons (p. 10-13) ne m'ont pas convaincu.

[61] Sozomène, V, 18.

[62] Sozomène, V, 18.

[63] Ils se trouvent répétés à la fin d'une lettre de Julien à Basile, et de la réponse de Basile à Julien (Ép. 40 et 41, dans la correspondance de saint Basile). Mais ces lettres sont très probablement apocryphes. Il semble, cependant, qu'elles existassent dès le temps de Sozomène, qui dit que plusieurs attribuaient à Basile l'épigramme envoyée en réponse à celle de Julien.

[64] Neumann, p. 23.

[65] Socrate, VII, 27. — Sur Philippe de Side, voir Tillemont, Histoire des empereurs, t. VI, p. 130 ; Mémoires, t. XII, p. 431.

[66] Saint Cyrille, Contra Julianum, épître dédicatoire à Théodose.

[67] Il se peut aussi que Cyrille qui défendit avec tant d'ardeur contre Nestorius le titre de θεοτόκος donné à Marie, ait voulu venger plus énergiquement que n'avaient fait ses devanciers la maternité divine contestée par Julien à la sainte Vierge.

[68] Cf. Beugnot, Histoire de la destruction du paganisme en Occident, t. I, p. 278 ; Boissier, La fin du paganisme, t. II, p. 242.

[69] Saint Jérôme, Ép. 70.