JULIEN L'APOSTAT

TOME PREMIER. — LA SOCIÉTÉ AU IVe SIÈCLE. - LA JEUNESSE DE JULIEN - JULIEN CÉSAR.

LIVRE III. — LA JEUNESSE DE JULIEN.

CHAPITRE II. — LA SECONDE ÉDUCATION.

 

 

I. — Julien à Constantinople.

Quatre ans après la visite de Constance cessa pour Gallus et Julien le séjour de Macellum.

Constance, entré en possession de tout l'héritage de Constantin par la mort de son frère Constant, n'avait pas tardé à s'apercevoir que le fardeau de l'Empire était trop lourd pour un seul homme. A l'intérieur, Magnence, Vétranion, Népotien, prennent la pourpre : sur la frontière orientale, les Perses, rompant la trêve longtemps observée, font irruption en Mésopotamie : sans l'énergie de l'évêque Jacques de Nisibe, cette ville, boulevard de l'Empire romain à l'est, eût été emportée par les soldats de Sapor, qui vinrent, au contraire, briser contre elle pendant trois mois leur élan. Constance comprit à ce moment la faiblesse où le laissait la disparition de tous les membres de la famille impériale. Il eut un amer regret des meurtres qui, ensanglantant les premiers jours de son règne, l'avaient privé moins de compétiteurs que de soutiens. Jetant ses regards autour de lui, il ne vit qu'un prince de son sang en état de l'aider à défendre l'Empire : c'était Gallus qui, en 351, avait vingt-six ans. Le tirer de l'exil de Macellum, l'élever à la dignité de César, en faire à la fois son collègue et son beau-frère, lui confier le gouvernement et la défense de l'Orient, fut pour Constance l'effet d'une soudaine résolution, qui ne surprit personne plus que celui même qui en était l'objet.

On eût difficilement laissé Julien plus longtemps séquestré, quand la carrière impériale s'ouvrait ainsi brusquement devant son frère aîné. Cependant il semble que des instances furent nécessaires pour lui obtenir la liberté de quitter Macellum. Constance l'autorisa à compléter ses études en suivant les écoles publiques. A travers les témoignages un peu contradictoires des historiens, on démêle assez aisément qu'il fut d'abord conduit à Constantinople[1]. Là, il fréquenta les cours du grammairien Nicoclès et du rhéteur Écébole. Mardonius, qui avait eu jusqu'à ce moment la direction principale de ses études, se renfermera probablement désormais dans le rôle de pédagogue, chargé de conduire l'élève aux leçons des professeurs plutôt que de lui en donner lui-même. Mais chez un homme tel que Mardonius un tel rôle ne pouvait être subalterne qu'en apparence : dans les fonctions même les plus serviles, il restait encore le véritable éducateur. C'est à Constantinople que Mardonius accoutuma Julien à garder cette attitude réservée, qui plus tard excitera les railleries des habitants d'Antioche. Allant aux écoles, il devait traverser les rues les yeux baissés, comme insensible aux spectacles du dehors et à, ce mouvement d'une grande capitale qui eût dû, semble-t-il, le réjouir au sortir de la longue réclusion de Macellum[2]. Mais ce sont sans doute ces distractions que redoutait Mardonius. Il craignait que Julien, s'il regardait trop autour de lui, n'apprit vite un autre chemin que celui de l'école[3]. Julien semble, à ce moment, y avoir été assez porté. Il laisse même entendre qu'il n'accueillait pas sans quelque humeur les conseils de son pédagogue[4].

Si l'anecdote que nous allons raconter se rapporte aussi à Mardonius, elle montre que la sévérité de celui-ci, malgré quelques singularités d'apparence, s'éloignait cependant de tout excès. Je me rappelle, dit Julien, avoir entendu mon gouverneur[5] me dire un jour, en voyant un de mes compagnons, Iphiclès, la chevelure négligée, la poitrine débraillée, avec un manteau sordide au cœur de l'hiver : Quel mauvais génie l'a conduit à une pareille détresse pour son malheur et encore plus pour celui de ses parents, qui l'ont élevé avec le plus grand soin et qui lui ont donné l'éducation la plus parfaite ? Comment, après avoir tout abandonné, mène-t-il une vie errante comme les mendiants ? Ce sage gouverneur s'efforçait de prémunir son élève tout ensemble contre la dissipation extérieure où se plaisaient la plupart des jeunes gens, et contre les austérités indiscrètes où d'autres mettaient leur orgueil. Je lui répondis, ajoute Julien, par je ne sais quelle pointe ironique[6]. Il semble qu'alors Julien se sentit porté vers la philosophie des cyniques, pour laquelle il montrera plus tard des sentiments mélangés, sympathie très vive parfois, dépit en voyant les austérités des moines chrétiens préférées par le peuple à celles des imitateurs de Diogène[7]. Mais il parait ainsi avoir, sur cette philosophie, pensé plus librement que ne l'aurait voulu son précepteur. Julien commençait peut-être dès lors à secouer le joug. Le moment approche où une autre influence se substituera dans son âme à celle de Mardonius, sans effacer cependant le tendre souvenir qu'il conserva toujours de ce premier éducateur.

Parmi les conseils pratiques que lui avait donnés Mardonius, il en est un que Julien, accoutumé par les vicissitudes de sa vie à une grande prudence, suivit fidèlement. Durant tout son séjour à Constantinople, il s'appliqua à ne se distinguer en rien des autres étudiants, et, si entiché qu'il fût du rang et de la naissance[8], à ne paraître que comme un simple particulier[9]. En même temps, il veillait à ménager les susceptibilités religieuses de l'empereur, en choisissant des maîtres dont les sentiments ne donneraient pas d'ombrage à celui-ci. J'ai déjà nommé ces maîtres : pour la grammaire, Nicoclès ; pour la rhétorique, Écébole. Le premier était probablement païen, à en juger du moins par l'éloge que fait de lui Libanius, qui le prêtre de la justice, le maître de l'éducation, le révélateur des secrets d'Homère[10]. Bien que l'enseignement de ce qu'on nommait alors la grammaire, c'est-à-dire, en réalité, de toute la littérature antique, fût un des plus sûrs moyens par lesquels l'ancienne religion gardait prise sur les intelligences[11], cependant Constance parait avoir vu sans inquiétude son jeune parent fréquenter l'école de Nicoclès. Mais il n'eût pas souffert que Julien reçût d'un païen l'éducation supérieure que dispensait alors le professeur de rhétorique, et qui était considérée comme la formation définitive de l'homme destiné à la vie publique. Aussi Julien dut-il s'inscrire parmi les auditeurs d'Écébole, homme versatile et faux, destiné à changer plusieurs fois de religion[12], mais qui alors montrait pour le christianisme un zèle intempérant[13]. D'une valeur littéraire médiocre, s'il faut en croire Libanius[14], ce rhéteur rachetait les défauts de son enseignement en déclamant à tout propos contre les dieux. Julien suivit ses leçons, non peut-être sans une secrète impatience. Plus tard, cependant, on le verra entretenir avec Écébole des relations amicales, que traduit une lettre écrite par Julien dans un style d'une complication et d'une afféterie insupportables[15] : mais alors l'ondoyant sophiste aura suivi le vent, et sera devenu aussi dévot aux dieux, pour plaire à son ancien élève, qu'il s'était montré leur adversaire pour faire sa cour à Constance.

Cependant, bien qu'il s'efforçât de se perdre dans la foule des étudiants, un écolier tel que Julien ne pouvait, dans une ville oisive et curieuse comme était Constantinople, passer longtemps inaperçu. Il avait beau se rendre à la basilique où étaient les écoles, en habits modestes, sans autre escorte que son pédagogue Mardonius, ou causant familièrement avec des camarades[16], l'attention publique s'attachait à lui. On le savait intelligent, on se tenait au courant des progrès rapides que, aidé par la forte éducation reçue dans son enfance, il faisait maintenant dans l'art de la rhétorique et de la déclamation : bientôt on en vint à le considérer comme une sorte d'héritier présomptif de l'empereur, ou au moins comme une des réserves que la fortune avait préparées. pour le jour où disparaîtrait celui-ci. Ces sentiments de la foule ne pouvaient manquer de parvenir aux oreilles soupçonneuses de Constance. Il n'était pas homme à s'entendre volontiers désigner un successeur. Aussi, brusquement, envoya-t-il à Julien l'ordre de quitter Constantinople pour aller achever ses études à Nicomédie[17].

 

II. — Julien en Asie.

C'est à Nicomédie que Julien fit le premier pas vers le paganisme. Deux influences païennes s'emparèrent promptement de son esprit,-déjà peut-être préparé à se livrer à elles.

L'une est celle du célèbre rhéteur Libanius. Celui-ci était, à cette époque, le représentant par excellence de l'hellénisme. Nulle intelligence ne parut mieux faite pour attirer celle de Julien. Tout Grec, Libanius ne savait même pas le latin[18]. Bien plus, il ne prenait pas la peine de cacher son dédain pour la langue parlée par les maîtres du monde. Hors de l'horizon hellénique, rien n'existait pour lui. La pensée que d'autres dieux, une autre éloquence, d'autres mœurs, pussent avoir quelque vérité ou être de quelque prix, l'eût frappé comme un blasphème. Il détestait l'Église chrétienne, qui était venue déranger l'harmonie du monde grec ; il détestait à peine moins l'Empire romain, en qui il voyait un demi-barbare, posé en conquérant sur une civilisation plus ancienne et plus parfaite. En même temps, son attachement au paganisme avait une Duveté rare à cette époque, et telle qu'on n'en rencontrait plus que chez les gens trop ignorants ou trop lettrés. Au lieu de chercher à dépouiller l'ancienne religion de ces détails pittoresques qui la rendaient si charmante et si absurde, il en gardait tout, ne comprenant les dieux que tels que l'imagination des poètes les avait proposés à la croyance du vulgaire. Un tel homme avait ce qu'il fallait pour séduire Julien. Tous deux étaient surtout des littérateurs, et si Julien demandera bientôt autre chose au paganisme, cependant, par les traditions de sa jeunesse et par la forme acquise de son intelligence, il demeure avant tout, comme ne cessera jamais d'être Libanius, l'élève et le dévot d'Homère.

Quand Julien vint en Bithynie, Libanius, qui avait été, en 346, chassé de Constantinople, à la suite d'événements demeurés obscurs[19], professait à Nicomédie avec un éclatant succès. II était jeune, adoré des habitants, unanimement applaudi. Les cinq années qu'il passa dans cette ville furent parmi les meilleures de sa vie. Je me sentais, dit-il, comme un homme assis au bord d'une fontaine cachée, d'où coulait une eau limpide, et qu'ombrageaient de grands arbres. Il me semblait avoir des fleurs sur la tête, et être en fête continuelle. Ce qui causait ma joie, ce n'étaient ni les boissons ni les festins : c'était la pensée qu'Athènes enviait la Bithynie. La modestie ne fut jamais la vertu dominante du sophiste, non plus, d'ailleurs, que de la plupart de ses confrères : mais il faut avouer qu'il avait le cœur droit, l'esprit tolérant, et l'histoire de ses relations avec Julien le montrera fidèle dans ses amitiés. Ces relations ne commencèrent pas lors du séjour du jeune prince à Nicomédie. La jalousie des professeurs de Constantinople, qui avait sans doute été pour quelque chose dans le départ forcé de Libanius[20], veillait pour empêcher Julien de se mettre sous la tutelle de ce maitre trop éloquent. A ce sentiment se joignit sans doute une prévoyance plus haute. On connaissait le caractère de l'étudiant. On avait pu deviner les affinités existant entre son intelligence et celle du sophiste qui occupait maintenant la chaire de Nicomédie. Aussi Constance défendit-il à Julien d'assister aux cours et aux déclamations de Libanius[21]. Celui-ci désigne Écébole comme l'instigateur de la défense : ce maitre fit même, dit-il, jurer à Julien de ne devenir jamais l'élève de Libanius[22]. Julien parait avoir observé la lettre de ce serment, et probablement eût-il été dangereux à lui de s'y montrer infidèle. Mais il ne se crut pas obligé d'en garder l'esprit. S'il n'entendit pas alors Libanius (qui, du reste, fut bientôt appelé à Constantinople)[23], il lut avec soin tous ses ouvrages, fréquenta ses auditeurs, s'appropria son style et sa manière, et parvint à l'imiter si facilement, qu'on le considéra plus tard comme ayant été à son école[24]. Il y avait été, en effet, mais par le désir, par la volonté, par l'étude solitaire, et se trouva plus véritablement son disciple que beaucoup de ceux qui s'étaient assis devant sa chaire.

Cependant une influence païenne, différente de celle de Libanius, et appartenant à un autre ordre d'idées, fit bientôt sur l'esprit de Julien une impression très nouvelle et très vive.

Autant qu'on peut l'apercevoir, l'état religieux du jeune prince, à cette époque, était digne de pitié. Le christianisme, étudié dans une demi-captivité, sous la direction de catéchistes ariens ou semi-ariens, avait pu produire en lui une conviction sèche, mais n'était pas entré réellement dans sa vie. Les pratiques de piété plus ou moins forcées auxquelles il avait dû se livrer ne lui avaient laissé probablement que fatigue et dégoût. Cependant la mythologie, malgré les couleurs brillantes dont la parait l'imagination des poètes antiques ou l'éloquence des modernes sophistes, ne s'était pas encore emparée tout à fait de lui. Mardonius, inconsciemment peut-être, Libanius par sa renommée et par ses livres, lui avaient fait comme un fond d'esprit tout hellénique. C'est ainsi qu'Ammien Marcellin a pu dire que depuis sa première enfance Julien avait un penchant pour le culte des dieux[25]. Mais ce penchant était encore plus instinctif que raisonné. Quelque chose dans son éducation chrétienne, si incomplète ou si mutilée qu'elle eût été, empêchait Julien de se livrer complètement à lui. Libanius nous dit qu'il avait encore, en arrivant à Nicomédie, une grande aversion pour les idoles[26]. La multiplicité des dieux, la matérialisme de leur religion, lui répugnaient. De là un état d'anxiété, d'attente, fort douloureux. Privé des intimes consolations du christianisme, attiré vers les religions païennes par des instincts littéraires qui étaient devenus en lui comme une seconde nature, retenu encore sur la pente par une défiance instinctive provenant de son éducation chrétienne, trop sérieux en même temps pour demander aux distractions vulgaires ou aux plaisirs de son âge une diversion à ce tourment intérieur, Julien, manquant en quelque sorte d'équilibre moral, se trouvait à ce point d'incertitude où soit une impulsion soudaine, soit une intrigue habilement ourdie, pouvaient donner à sa pensée le branle définitif et changer tout l'équilibre de sa vie.

Pour une âme ainsi disposée, en quête d'une foi, plus en quête peut-être d'émotions qui fixeraient cette foi, le grand péril était l'attrait du merveilleux ou, comme on dit maintenant, de l'occultisme. Précisément, à cette époque, et sur le coin de la terre d'Asie où les circonstances avaient porté Julien, l'occultisme était très puissant. Vers lui avait en partie dévié le courant de la philosophie néo-platonicienne, si pure avec Plotin, noble encore avec Porphyre, grossie d'affluents bizarres et malsains sous l'inspiration de Jamblique et de ses disciples. Beaucoup de philosophes se doublent, désormais, d'un médium ou d'un spirite, et se plaisent à étonner leurs élèves par les manifestations les plus étranges. Ce ne sont pas seulement les âmes des morts, c'est la personne même des dieux qui vient à leur appel, forcée, en quelque sorte, de se mettre en communication avec eux. La théurgie est l'art de contraindre les dieux à se montrer aux hommes, et ses formules évocatoires font maintenant partie de la philosophie. Vers cet abîme étaient naturellement attirés les curieux de sensations nouvelles, et aussi les âmes troublées, obscures, douloureuses. Le vertige y poussait vite ceux dont l'équilibre intellectuel ou moral n'était plus entier. Ce fut le cas de Julien.

Depuis la mort de Jamblique, l'école néo-platonicienne, qui n'était plus alexandrine que de nom, avait eu pour chef Sopater, d'abord admis à la cour de Constantin, puis mis à mort dans des circonstances encore mal expliquées. A Sopater succéda Édésius, qui finit par se fixer à Pergame, alors l'un des principaux foyers intellectuels de l'Asie. Édésius fut l'un des philosophes les plus populaires du milieu du IVe siècle. Il semble avoir représenté dans l'école la fraction relativement raisonnable. Tout en lui attribuant des prestiges, Eunape dit qu'il n'avait pas autant que Jamblique commerce avec les dieux. Il pratiquait moins la théurgie. Mais à Pergame, près de lui, et comme à l'ombre de sa chaire, s'était retirée la veuve du néo-platonicien Eustathe, qui était une vraie sorcière, vivant dans une atmosphère de prodiges, de prophéties et d'apparitions. Elle recevait beaucoup, et ses réceptions n'étaient pas moins suivies que les leçons d'Édésius. Peut-être cette circonstance fut-elle pour quelque chose dans le désir que Julien eut de connaître le célèbre sophiste. Frère du César auquel avait été confiée l'administration de l'Orient, Julien à Nicomédie jouissait d'une assez grande liberté. Ce n'était plus l'hôte de Macellum, toujours accompagné d'esclaves choisis par Constance, ou l'écolier de Constantinople, qui ne pouvait faire un pas sans être suivi de son pédagogue. Pourvu qu'il ne fût plus exposé à une popularité dangereuse, et qu'il demeurât circonspect dans le choix de ses relations, Constance ne lui refusait pas le droit de se mouvoir à sa guise, et même de faire sentir son crédit. On le voit, pendant son séjour en Asie Mineure, voyager pour rendre service à des amis[27], solliciter pour Cantérius, prendre contre un homme à qui il était uni par le sang et plus encore par l'amitié, c'est-à-dire peut-être contre Gallus lui-même, la défense d'un sophiste qu'il connaissait à peine, aller deux fois en deux mois en Phrygie dans l'intérêt d'une dame, la vertueuse Arété, dont les propriétés avaient besoin de protection[28]. Aussi ne s'étonnera-t-on pas que Julien ait pu se rendre de Nicomédie à Pergame, où l'attirait la réputation d'Édésius. Mais Édésius était vieux et infirme. La pensée d'enseigner un royal disciple ne le flattait plus. Il renvoya courtoisement l'enfant aimable de la sagesse aux leçons et aux conseils de ses disciples Chrysanthe et Eusèbe de Myndes, lui promettant que s'il obtenait le suprême bonheur d'être initié à leurs mystères, il rougirait d'avoir été un homme, et ne pourrait même en supporter le nom[29].

Malgré l'emphase de ces paroles, qui, sans faire aucune distinction entre Eusèbe et Chrysanthe, paraissent montrer en l'un et l'autre des adeptes d'une science plus ou moins occulte et troublante, on ne se trompera pas, croyons-nous, en voyant dans ces deux hommes la personnification des tendances opposées qui divisaient l'école. Eusèbe rappelait la modération relative d'Édésius. Comme son maitre, il croyait à la théurgie, mais il ne la pratiquait guère. Selon lui, mieux valait s'attacher aux essences, c'est-à-dire aux idées perceptibles par la raison, que de parler aux sens par le moyen de la magie. Aussi terminait-il volontiers ses leçons en mettant ses auditeurs en garde contre les illusions et les prestiges. Particulièrement, il les avertissait de se défier des pratiques suivies par un autre disciple d'Édésius, le philosophe Maxime, maintenant retiré à Éphèse. Celui-ci renouvelait tous les prodiges attribués à Jamblique et à Eustathe. De tels avertissements étaient moins propres à refréner qu'à piquer au contraire la curiosité de Julien. Le jeune prince demanda des explications à Chrysanthe. Au rapport d'Eunape, son gendre et son disciple, Chrysanthe s'était surtout attaché à cette partie de la philosophie que cultivèrent Pythagore et son école, Archytas, Apollonius de Tyane et ses sectateurs, c'est-à-dire à la théurgie et aux sciences occultes. Mais, très prudent, comme le montrera la suite de ses rapports avec Julien, il évitait avec soin les occasions de se compromettre. Aussi renvoya-t-il Julien à Eusèbe. Contraint de s'expliquer et de donner les raisons de ses avertissements, Eusèbe raconta les derniers prodiges opérés en sa présence par Maxime.

Il y a quelque temps, dit-il, je fus avec quelques amis convoqué par Maxime dans un temple d'Hécate. Quand nous eûmes salué la déesse, Maxime s'écria : Asseyez-vous, amis, considérez ce qui va se produire, et voyez si je suis supérieur aux autres hommes. Nous nous assîmes : alors Maxime brilla un grain d'encens et fit entendre un chant doux, comme s'il se chantait à lui-même ; soudain l'image d'Hécate sembla sourire, puis rit tout haut. Comme nous paraissions émus, Maxime nous dit : Qu'aucun de vous ne se trouble ; dans un instant les torches que la déesse tient dans ses mains vont s'allumer. Il n'avait pas fini de parler qu'un feu brillait au bout des torches. Nous nous retirâmes stupéfaits et nous demandant si nous avions vraiment vu ces merveilles. Mais ne vous étonnez d'avance d'aucune chose de cette sorte ; croyez, comme moi, en suivant l'influence purifiante de la raison, que cela n'est pas de grande importance. Julien n'était pas capable de raisonner ainsi. Il se leva, pris d'un transport subit. Adieu, s'écria-t-il, gardez vos livres, si vous voulez ; vous venez de me révéler l'homme que je cherchais[30].

On s'est demandé si cette scène n'était pas habilement préparée, et si un complot n'avait pas été ourdi entre Édésius, Chrysanthe, Eusèbe, Maxime, pour s'emparer de l'esprit de Julien sans exciter sa méfiance[31]. J'ai peine à le croire. Il semble bien qu'Édésius et Eusèbe, d'une part, Chrysanthe et Maxime, de l'autre, représentent des tendances divergentes dans l'école alexandrine. Rien ne montre qu'en mettant ses élèves ou Julien lui-même en garde contre une foi trop crédule au merveilleux, Eusèbe ait manqué de sincérité. Eunape, qui rapporte avec tant de soin tous les traits extraordinaires des sophistes dont il écrit l'histoire, ne donne pas un grand rôle à Eusèbe. Il loue son érudition, son éloquence, sa dialectique, mais le sacrifie volontiers à de plus exaltés et à de moins raisonnables. Julien, devenu empereur, comblera d'honneurs Maxime et essaiera à plusieurs reprises d'attirer près de lui Chrysanthe : on ne le verra faire aucune tentative pour s'attacher Eusèbe. Les paroles de celui-ci à Julien doivent donc être prises au sérieux : l'avertissement qui les termine est comme le dernier effort de la raison pour retenir une âme dévoyée, prête à s'élancer dans le mystérieux et l'inconnu, de même que la réponse de Julien est l'élan définitif qui emporte sa vie vers l'abîme.

Cependant on se tromperait en voyant dans le néoplatonicien Maxime un simple médium, uniquement occupé de divination et de théurgie. Malgré le penchant que Julien montrera désormais pour l'occultisme, il ne se serait probablement pas donné tout entier à un guide qui n'aurait pas joint à ces dons malsains des mérites plus solides. Maxime était un lettré et un philosophe. Deux de ses frères professèrent avec éclat, l'un à Smyrne, l'autre à Alexandrie ; lui-même, à l'exemple de Plotin et de Porphyre, composa un commentaire des Catégories d'Aristote. Si c'est lui que Julien, dans le discours contre Héraclius, appelle le plus éminent philosophe de ce temps, Maxime se préoccupait du perfectionnement moral de ses disciples : Julien le remercie d'avoir corrigé les aspérités de son caractère, de l'avoir rendu moins brusque, moins emporté, de lui avoir appris la modération[32]. On sait qu'il fut sincèrement aimé : à ses derniers moments, sa femme lui donnera un témoignage héroïque de tendresse. La science, de réelles qualités d'esprit et même de cœur, furent donc, probablement, parmi les motifs qui lui gagnèrent la confiance de Julien. Tel qu'on nous représente Maxime[33], à la fois majestueux et séduisant, avec un regard perçant qui semblait pénétrer jusqu'à l'âme, il dut lui être facile d'acquérir une grande influence sur un jeune homme qui avait eu, jusqu'à ce jour, des clartés de tout sans rien approfondir. Sous sa direction, — soit à Nicomédie, s'il est vrai que Maxime vint l'y trouver[34], soit plus probablement à Éphèse[35], — Julien compléta les notions de philosophie néo-platonicienne reçues d'abord, à Pergame, d'Édésius, d'Eusèbe et de Chrysanthe. Les historiens Socrate et Sozomène disent formellement que Maxime fut son maitre de philosophie[36].

Chose étrange ! c'est la doctrine de Platon qui ouvrira les yeux de saint Augustin et le préparera à devenir chrétien ; c'est elle que nous allons voir acheminer Julien au paganisme. Rien ne montre mieux la différence des deux esprits, et ne fait mesurer plus exactement ce qui sépare le génie droit du docteur africain de l'intelligence tortueuse et compliquée de Julien. Mais il faut reconnaître que saint Augustin, quand — soit directement, soit par l'intermédiaire de Plotin[37] — il prit contact avec le platonisme, était dans la pleine maturité de l'âge, professeur depuis de longues années, accoutumé à discerner les doctrines et à faire un choix entre les idées ; Julien, au contraire, n'avait pas beaucoup plus de vingt ans lorsqu'il tomba sous la domination intellectuelle de Maxime, et avait été disciple toute sa vie. Aussi, en admirant la sûreté avec laquelle l'un sut choisir dans la doctrine platonicienne ce qu'elle offre d'élevé, d'instinctivement chrétien, et repousser les rêveries périlleuses, devra-t-on avoir quelque indulgence ou quelque pitié pour l'esprit de beaucoup moindre portée qui des mains des disciples dégénérés de Platon reçut tout sans discernement, et qui se livra à eux tout entier.

L'évolution de Julien se fit, nous dit-on, quand il eut rencontré des hommes imbus des doctrines de Platon, qu'il eut entendu parler des dieux et des démons, des êtres qui en réalité ont fait cet univers et qui le conservent, qu'il eut appris ce que c'est que l'âme, d'où elle vient, où elle va, par quoi elle est abaissée et déprimée, par quoi elle est élevée et exaltée, ce que c'est pour elle que la captivité et la liberté, comment elle peut éviter l'une et atteindre l'autre[38]. Ces mots de Libanius font allusion à plusieurs des principaux dogmes du néo-platonisme. Le monde à la fois éternel et créé ; la multitude des démiurges, des dieux, des génies, des démons intermédiaires entre le Dieu unique et ce monde ; l'éternité de l'âme, sa chute dans la matière, ses réminiscences d'une vie supérieure, le sort qui l'attend, soit que, tout à fait purifiée, elle remonte à Dieu, soit qu'elle prenne place parmi les dieux et les héros, soit qu'entraînée par le poids de la matière, elle tombe au lieu d'expiation et de supplices, soit que, moins coupable ou ayant déjà expié, elle soit renvoyée dans quelque autre corps ; l'identité de toutes les âmes entre elles et avec l'âme du monde : ces rêveries, ou brillantes, ou profondes, ou absurdes, qui de Pythagore à Platon, à Plotin, à Porphyre, à Jamblique, se sont transmises en s'augmentant et en se modifiant, séduisirent, commentées avec art, l'esprit de Julien.

Mais il ne pouvait accepter tout entière cette explication philosophique de Dieu, de l'âme et du monde sans rompre avec le christianisme. Les doctrines néo-platoniciennes contredisent le christianisme moins encore par la lettre que par l'esprit. Ni sur Dieu, ni sur l'âme, ni sur le monde, aucune conciliation n'est possible. Nul rapport entre les hypostases alexandrines et la Trinité chrétienne. Le monde coéternel à Dieu est séparé par un abîme du monde tiré du néant en vertu d'un libre décret de la volonté divine. L'âme créée individuellement par Dieu pour le corps auquel elle est unie sans déchéance, et qui est destiné à ressusciter un jour pour participer à l'immortalité dont elle est investie, ne ressemble pas à l'âme préexistante des platoniciens, étincelle divine dont l'union avec le corps est une chute, et qui, si elle parvient à se dégager suffisamment de la matière, remontera vers Dieu pour s'absorber en lui par l'anéantissement de la personnalité humaine.

C'est sur ce point que saint Augustin, corrigeant les doctrines platoniciennes par Aristote et par l'Évangile, se sépare d'elles avec le plus d'énergie[39]. Tout porte à croire, au contraire, que c'est précisément ce qu'il y a de plus aventureux dans la psychologie platonicienne, particulièrement dans ses théories sur les rapports de l'âme et du corps, qui fit surtout impression sur l'esprit de Julien. Sous la parole séduisante et impérieuse de Maxime il oublia que jadis son premier instituteur, Mardonius, avec un ferme bon sens et un intelligent éclectisme, lui avait fait goûter Aristote en même temps que Platon. La pente de sa nature le portait vers ces doctrines excessives, vers cette sorte de nirvâna platonicien. Bien que destiné à mener la vie la plus active, il était plutôt, d'instinct, un contemplatif et un rêveur. On avait pu le juger ainsi dès son enfance. Tout jeune, il lui arrivait de passer de longues heures à contempler le soleil ; la nuit, il se levait pour regarder les astres, insensible alors à tout ce qui se passait autour de lui, et ne sachant, racontera-t-il plus tard, ni ce qu'on lui disait ni ce qu'il faisait[40]. Le roman de l'âme tombée du ciel, et appelée à se perdre de nouveau en Dieu, après avoir abandonné derrière elle les débris de la personnalité détruite, devait plaire à la passivité de son imagination. Celle-ci trouvait sans doute moins d'attrait dans l'affirmation par le christianisme de l'indestructible personnalité humaine, et de la nécessité de conquérir la béatitude future au moyen d'un effort énergique et libre de tout l'être, violenti rapiunt illud. Il semble, en tout cas, résulter du texte cité plus haut de Libanius que c'est surtout après avoir reçu les enseignements du néo-platonisme sur l'âme que Julien lava par une doctrine désaltérante la saumure de ses anciennes opinions, et reconnut les dieux qui existent véritablement à la place de celui qui n'a que l'apparence[41].

Mais ce passage au paganisme eût été sans doute moins facile, si aux lumières ostensibles de la philosophie ne s'était jointe, en même temps, l'étincelle cachée de l'art divinatoire[42]. Libanius atteste que ce furent les réponses des oracles qui adoucirent la haine violente de Julien contre les dieux, c'est-à-dire qui firent taire les dernières protestations de sa conscience chrétienne[43]. Il est difficile de ne pas croire, ici, à quelque astuce des païens. On dut ourdir habilement une intrigue. En dépit de ses fréquentes dénégations, Julien était ambitieux. Il avait goûté à Constantinople les premières joies de la popularité. Des rêves de puissance et de grandeur avaient passé devant ses yeux. La vision du trône auquel il semblait destiné par sa naissance les avait souvent frappés. Maxime sut donner un corps à cette vision. Versé dans tontes les pratiques de la divination, il interpréta la volonté des dieux d'une manière qui à la fois flattait l'ambition de Julien et rassurait ses craintes. Toutes les vagues espérances du peuple de Constantinople furent ratifiées par les oracles d'Éphèse[44]. En même temps, pour donner confiance à Julien et pour satisfaire son amour du merveilleux, on multiplia devant lui les prestiges. Le récit d'Eusèbe de Myndes a montré quelle était, en ceci, l'habileté de Maxime. Saint Grégoire de Nazianze a laissé, d'une de ces scènes d'occultisme, un récit curieux, où tous les détails probablement ne sont pas exacts, car il n'était pas témoin. oculaire, mais qui montre au moins ce que l'imagination plus ou moins grossissante du public racontera plus tard des aventures traversées par Julien dans cette crise de sa vie.

Julien descendait dans un sanctuaire souterrain, inaccessible au vulgaire. Il avait pour guide un homme très habile en ces sortes de choses, sophiste ou plutôt imposteur. Le genre de divination auquel on allait se livrer a pour théâtre habituel quelque caverne, dans laquelle se réunissent les démons infernaux pour annoncer l'avenir. Cependant, à mesure qu'il avançait, la terreur s'emparait de lui ; bientôt elle fut au comble. On entendait, dit-on, des bruits insolites, on respirait d'étranges odeurs, on apercevait des spectres de feu, et d'autres absurdités. Frappé de la nouveauté du spectacle, car il débutait alors dans les sciences occultes, Julien eut recours au vieux remède, la croix, et en traça le signe sur sa personne, tout en appelant son compagnon au secours. Subissant la force de la croix, les démons s'évanouirent ; mais avec eux s'évanouit aussi la terreur. Julien reprit courage, et recommença la tentative ; puis de nouveau la peur le saisit, de nouveau il fit le signe de la croix, et les démons disparurent. Il s'arrête alors, incertain du parti qu'il prendra. Mais le pontife païen, debout à son côté, interpréta malignement ce qui venait de se produire. Nous leur avons fait horreur, et non pas peur, dit-il ; ce qui est plus mauvais a vaincu. Par ces paroles, il persuada son disciple, et l'entraîna vers sa perte. Qu'a-t-il fait et dit ensuite, de quelles impostures Julien a-t-il été le jouet avant de remonter sur la terre, ceux-là seuls le savent qui ont été initiés ou qui ont initié à ces mystères. Saint Grégoire ajoute qu'en revoyant la lumière Julien avait le regard d'un furieux ou d'un fou, et semblait vraiment possédé du démon[45].

Si de tels récits se répétaient encore dix ans plus tard, époque où saint Grégoire composa ses invectives contre Julien, on croira sans peine que dès le moment où celui-ci eut des colloques suspects avec Maxime, des bruits du même genre, plus ou moins précis, coururent dans le public. Ils vinrent aux oreilles de Gallus. Ce jeune César résidait alors à Antioche. Malgré ses défauts et ses vices, imputables en partie soit à sa femme, l'altière Constantine[46], soit à l'éducation contrainte et solitaire qu'il avait reçue en Cappadoce[47], Gallus était sincèrement chrétien. Il avait montré récemment son zèle contre le paganisme en transférant les reliques du martyr Babillas d'Antioche à Daphné, afin de purifier ce lieu de superstition et de débauche[48]. Sans doute sa religion n'était ni très éclairée, ni très pure. Mal vu de lui d'abord, le chef de la secte des eunoméens, Aetius, dont l'esprit logique[49] devait tirer des principes de l'arianisme des conséquences qui épouvantèrent les ariens eux-mêmes, avait réussi à s'insinuer dans sa faveur[50]. Mais on ne peut nier que, si mal entouré qu'il fût, Gallus n'ait eu en matière religieuse une réelle bonne volonté. Aussi, dès qu'il entendit parler du penchant de Julien vers le culte des dieux, essaya-t-il de l'en détourner. Il lui députa plusieurs fois Aetius[51]. Julien connaissait peut-être déjà celui-ci[52]. Il n'eut pas de peine à le tromper sur ses vrais sentiments, car, devenu tout païen par le cœur, et secrètement adonné aux pratiques les plus superstitieuses, Julien s'appliquait à ce moment même à cacher sa conversion sous les dehors d'une dévotion outrée.

Les pampa, en effet, n'avaient pas su garder complètement le secret d'un transfuge dont ils se glorifiaient. Son assiduité auprès de Maxime avait trahi pour eux le changement de religion de Julien. De là, dans tous leurs groupes, un tressaillement trop visible d'allégresse et d'espérance. Libanius, précieux témoin de cet état d'esprit de ses coreligionnaires, dit que tout ce qui avait de la sagacité, tant sur le continent que dans les îles[53], levait les yeux vers Julien. On affluait auprès de lui. Les autels et les oracles étaient secrètement interrogés à son sujet. Tout l'art divinatoire était mis en mouvement pour apprendre ce que nos yeux voient maintenant. Il parait que les réponses étaient favorables : les dieux bienveillants manifestaient leur contentement. Aussi tous les cœurs païens, tous ceux qui attendaient la revanche de l'ancien culte, reconnaissaient-ils d'avance Julien pour leur roi. Tu as régné longtemps avant de porter la chlamyde de pourpre, lui dit Libanius ; tu as possédé la souveraineté avant d'en avoir les insignes[54]. Mais il était à craindre que ce qui était si connu des païens ne le devint bientôt aussi de Constance. Heureusement pour Julien, l'empereur était alors en Occident, occupé à combattre la redoutable rébellion de Magnence. La distance, des soins plus pressants, l'empêchèrent probablement de surveiller son jeune parent. Cependant Socrate et Sozomène disent qu'il finit par être prévenu de ce qui se passait. Ils ajoutent que Julien, pour se disculper, se hâta de reprendre dans l'église de Nicomédie ses anciennes fonctions de lecteur. Il se fit même tonsurer, dit-on, et se mit à vivre comme un moine[55]. Après avoir été jadis chrétien véritable, il se fit faux chrétien, écrit Socrate[56]. Aux yeux de Julien, cette conduite était naturelle. Il excusera plus tard, dans un édit public, les païens qui, sous Constance, dissimulaient ainsi leurs opinions religieuses[57]. Plus indulgent encore, Libanius voit dans la prudence de son héros un bon tour joué à Constance et aux chrétiens. Ésope, dit-il, aurait à ce sujet fait une fable, non pas l'âne caché dans la peau du lion, mais le lion caché dans la peau de l'âne[58].

On s'accorde généralement à considérer comme apocryphe une lettre de Gallus, insérée dans toutes les éditions à la suite de la correspondance de Julien[59]. Le César y exprime son contentement des nouvelles qu'Aetius lui a apportées. Il avait entendu dire que Julien avait abjuré la religion paternelle. Mais, rentré à Antioche, Aetius venait de lui raconter ce qu'il avait vu : Julien fréquentant les maisons de prière, dévot aux martyrs, fermement attaché à la religion de Constantin. Aussi Gallus mandait-il à son frère sa joie, d'autant plus vive que ses craintes avaient été d'abord plus grandes : il l'exhorte à s'écarter toujours du polythéisme, et à demeurer fidèle au vrai Dieu. Cette lettre parait si bien en situation, elle est si conforme à ce que nous ont appris tous les historiens, chrétiens comme Socrate ou Sozomène, païens comme Libanius, qu'il paraîtra, croyons-nous, plus imprudent de la rejeter sans preuves que de l'admettre[60].

 

III. — Julien à Athènes.

Julien manqua d'être enveloppé dans la disgrâce de son frère Gallus, et, à la mort de celui-ci, se trouva en grand péril.

Gallus avait gouverné l'Orient comme on pouvait raisonnablement l'attendre d'un jeune prince porté, sans préparation, de l'isolement d'une demi-captivité jusqu'à un pouvoir presque absolu, passé soudain des champs au palais, selon l'expression de Julien[61]. On ne peut nier, cependant, qu'il n'ait montré quelques qualités royales[62]. Mais la légèreté, l'amour des plaisirs, en particulier un goût immodéré pour les spectacles, enfin une cruauté soit naturelle, soit suggérée, avaient promptement gâté ces heureux dons[63]. On le voit, en 352, réprimer avec énergie un soulèvement des Juifs de Palestine[64] ; en 354, ordonner contre les Isaures une expédition victorieuse[65]. Mais, cette même année, il fait preuve à la fois d'impéritie, de violence et de lâcheté. Voulant — comme le tentera plus tard Julien — taxer à Antioche le prix des denrées, il réprime cruellement la résistance des magistrats de cette ville, puis livre lui même à la colère du peuple le gouverneur de Syrie[66]. Bientôt il résiste ouvertement à Constance, qui le mandait près de lui à Milan, et fait emprisonner, puis mettre à mort le préfet du prétoire et d'autres hauts fonctionnaires[67]. Cependant, effrayée, la princesse Constantine, femme de Gallus, se décide à se rendre en Italie ; mais elle meurt subitement en traversant la Bithynie[68]. Atterré de cette mort, qui le privait de son meilleur appui, gardant cependant l'espoir de fléchir la colère de Constance, Gallus part à son tour : son terrible beau-frère ne le laisse pas parvenir jusqu'à lui : en route il est contraint à l'abdication, jugé, condamné et exécuté[69].

Il eût été surprenant que Julien ne ressentit pas le contrecoup de ces tragiques péripéties. Si Constance avait frappé Gallus, c'était moins pour punir ses crimes ou ses excès que pour abattre un commencement de rébellion[70]. On croira aisément qu'après avoir consacré tant de laborieuses années à rétablir l'unité du gouvernement, compromise par l'audacieuse et d'abord heureuse révolte de Magnence, le fils de Constantin n'était pas d'humeur à tolérer dans sa propre famille un compétiteur et un rival. A en croire même le témoignage toujours un peu suspect de Julien, Constance n'avait cessé de haïr Gallus depuis le jour où il l'avait revêtu de la pourpre[71]. Cela n'est point tout à fait incompatible avec ce que nous savons de son caractère[72]. Aussi ne s'étonnera-t-on pas que l'amitié fraternelle qui avait sincèrement uni Gallus et Julien laissât planer quelque soupçon sur celui-ci.

Constance était entouré de délateurs, dont les accusations perfides avaient peut-être contribué à exaspérer Gallus[73], et qui s'acharnaient maintenant à perdre tous ceux qui l'avaient approché[74]. Ils firent un crime à Julien d'avoir quitté Macellum, d'avoir séjourné en Asie, sous prétexte d'études, et d'avoir vu Gallus lorsque celui-ci traversa la Bithynie pour aller prendre à Antioche possession du pouvoir[75]. Julien fut mandé par Constance en Italie pour répondre à ces accusations. Libanius assure que, dans cette phase difficile de sa vie, il montra autant de dignité que de prudence. Il s'abstint de porter aucune accusation contre la mémoire de son frère, tout en se gardant de le plaindre ouvertement[76]. Il fit seulement remarquer que son départ de Macellum et son séjour en Asie avaient été autorisés par Constance[77] ; que, durant les quatre années du règne de Gallus, il l'avait vu une seule fois, tout au début[78], et n'avait ensuite échangé avec lui que des lettres insignifiantes[79]. Pendant qu'on instruisait ainsi son procès, Julien fut, s'il faut l'en croire, traîné, sept mois durant, de prison en prison[80]. Cependant, un autre mot de lui laisse voir que, cette fois encore, la captivité n'était pas très rigoureuse. Il était, dit-il, à l'armée[81], exposé aux plus grands dangers, c'est-à-dire, apparemment, qu'il suivait Constance et son escorte dans leurs divers déplacements. Et pendant ce moment même, il n'était pas privé de correspondre avec ses amis. Rappelle-toi, dit-il à Thémistius, quelles lettres je t'écrivais alors : étaient-elles remplies de larmes ? y trouvait-on quelque petitesse, un ton bas et indigne d'un homme de cœur ?[82] Cependant il semble avoir couru un vrai péril. Peu s'en fallut, rapporte Ammien Marcellin, que ses ennemis ne fissent prononcer contre lui une condamnation capitale[83].

L'intervention de l'impératrice Eusébie le sauva.

Cette Macédonienne, que Constance épousa en secondes ou en troisièmes noces vers 352[84], nous est surtout connue par les éloges des contemporains. Elle était, dit Ammien Marcellin, belle, honnête, humaine[85] ; le même historien, cependant, lui attribue une très vilaine action[86]. Julien loue l'illustration de sa famille, et particulièrement les vertus de sa mère[87]. Constance parait avoir été très épris d'elle, car les fêtes de son mariage furent célébrées avec une magnificence extraordinaire[88]. Eusébie se servit de son crédit sur l'empereur pour faire avancer sa famille, en procurant à tous les siens, vieux ou jeunes, soit les postes les plus élevés, soit au moins de bonnes places[89]. Mais elle parait avoir aussi exercé son influence d'une manière noble et désintéressée : nombreux sont les coupables dont elle obtint la grâce, les accusés au profit desquels elle fit tourner les doutes qui s'élevaient dans l'esprit des juges[90] ; Julien ajoute que personne ne fut jamais molesté à cause d'elle[91]. Plus que tout autre, il eut à se louer de sa mansuétude. L'isolement de Julien, accablé par ses accusateurs, avait excité la pitié de la jeune femme. Elle demanda à l'empereur de faire une enquête avant d'admettre l'accusation[92]. Elle prit même sa défense et réfuta, dit Julien, des calomnies perfides et grossières, en y opposant le témoignage de ma vie privée[93]. Enfin, elle lui ménagea une audience du prince. Julien n'avait pas vu celui-ci depuis l'âge de seize ans, lors du voyage de Constance en Cappadoce, l'an 347. Maintenant, tout en le freinant partout à sa suite, l'empereur refusait de le recevoir. Six mois durant, Julien demeura à Milan en même temps que Constance, et ne parvint pas à le voir une seule fois[94]. Il attribue cette rigueur aux intrigues du chambellan favori, l'eunuque Eusèbe[95]. Enfin, la bonté d'Eusébie triompha. Elle obtint que son mari reçût Julien[96]. Ce fut le salut de celui-ci. Il se lava sans peine des soupçons dont il était l'objet. L'empereur lui assigna Côme pour résidence[97].

Cependant Julien désirait toujours revoir l'Asie. Là étaient les biens de sa mère : il songeait à se retirer dans une maison ayant appartenu à celle-ci, soit en Bithynie, soit en Ionie. Il espérait trouver en ce lieu une retraite sûre, loin des intrigues de la cour : probablement se réjouissait-il aussi à la pensée de se rapprocher de ses chers maîtres néo-platoniciens. Il pria Eusébie de mettre le comble à ses bienfaits, en obtenant pour lui de Constance l'autorisation de quitter Côme pour se rendre en Asie. Non seulement l'impératrice se prêta à ce désir, mais, après avoir eu l'agrément de l'empereur, elle veilla elle-même aux préparatifs du voyage de Julien[98]. A peine, cependant, était-il installé dans sa maison, que la fortune adverse le chassa de nouveau. Lui-même raconte la cause de ce nouvel exil. Aussitôt que je fus revenu près de mon foyer, heureux de me sentir sauvé, quoique avec peine, un imposteur répand à Sirmium le bruit qu'il se trame de ce côté des projets de révolte. Vous avez sans doute entendu parler d'Africanus et de Marinas : vous n'ignorez pas non plus le nom de Félix, ni tout ce qui se rapporte à ces différents personnages. A peine leur projet eut-il été révélé à l'empereur, que Dynamius, autre calomniateur, lui annonce une guerre en Gaule aussi sûrement qu'une crue du Nil. Frappé de terreur, craignant pour sa vie, il m'envoie l'ordre de me retirer quelque temps en Grèce[99]. C'est donc entre la prétendue conspiration d'Africanus en Pannonie, vers mai 355[100], et les commencements de la courte révolte de Silvanus en Gaule, en juillet de la même année[101], que Constance, sentant réveillés les soupçons qu'avaient excités les incidents du premier séjour de Julien en Asie, lui donna l'ordre de se rendre en Grèce. Eusébie semble encore n'avoir pas été étrangère au choix du lieu assigné pour le nouvel exil. Elle connaissait mon goût pour les études littéraires, et elle savait cette contrée favorable à l'instruction[102], raconte Julien. Voyant que Julien ne pouvait rester plus longtemps en Asie, elle obtint de l'empereur qu'il serait envoyé dans le pays où l'exil lui serait le plus profitable et le moins amer.

Si l'on s'en rapporte à sa Lettre aux Athéniens, c'est bien avec les sentiments d'un exilé que Julien quitta l'Asie. Si l'on en croit, au contraire, son Éloge d'Eusébie, c'est le cœur plein de joie et de reconnaissance qu'il se dirigea vers son nouveau séjour. Je priai le ciel, comme cela devait être, de répandre ses biens sur elle et sur son époux, auxquels j'allais devoir le bonheur de voir ma véritable et chère patrie. Car nous, habitants de la Thrace et de l'Ionie, nous sommes tout à fait Grecs d'origine, et ceux d'entre nous qui ne sont point trop ingrats désirent embrasser leurs pères et saluer leur pays. Je soupirais depuis longtemps après ce bonheur, et j'eusse donné pour en jouir beaucoup d'or et d'argent[103]. Il est probable qu'au début l'ordre d'exil surprit désagréablement Julien, mais que la pensée de voir pour la première fois Athènes, et de puiser aux sources les plus réputées de la science et de la sagesse helléniques, le réconcilia vite avec son sort. Lui-même le laisse entendre, dans une pièce moins officielle, et par conséquent plus sincère, que l'Éloge d'Eusébie. Quand j'allai en Grèce[104], au moment où chacun croyait que je partais pour l'exil, — écrit-il à Thémistius, — n'ai-je point béni la fortune comme en un jour de grande fête, et n'ai-je pas déclaré qu'il n'y avait pas pour moi de plus agréable échange que de troquer, comme on dit, de l'airain pour de l'or, ou neuf bœufs pour des hécatombes ? Tant j'étais heureux d'échanger mon foyer pour la Grèce, où cependant je ne possédais ni champ, ni jardin, ni maison[105].

Julien garda de son séjour dans la capitale de l'Attique un souvenir très vif. Je me rappelle avec joie les entretiens d'Athènes, dira-t-il quelques années plus tard[106] ; sa pensée ne pourra se détacher des jardins, du faubourg d'Athènes, des allées de myrtes et de la petite maison de Socrate[107]. Cependant on admettra difficilement que les études qu'il y fit aient pu avoir sur la direction de sa pensée une influence aussi grande que les impressions reçues à Nicomédie, à Pergame ou à Éphèse. Les louanges prodiguées par Julien à la ville où le génie grec se résume dans sa perfection la plus accomplie, les détails donnés par Grégoire de Nazianze sur le séjour qu'y fit le futur restaurateur de l'hellénisme, ont fait illusion ; mais la vérité, c'est que Julien demeura en tout trois mois à Athènes, de juillet à septembre 355, et que son esprit ne put en si peu de temps s'enrichir de beaucoup d'acquisitions nouvelles.

Athènes, quand y arriva Julien, était bien déchue de son antique splendeur. Dès le second siècle de notre ère, elle apparaît très dépeuplée. Les invasions du siècle suivant achevèrent de l'appauvrir. Cependant, au IVe siècle, elle jette encore un grand éclat littéraire. Venir étudier à Athènes est le rêve de quiconque aspire à se faire un nom parmi les rhéteurs ou les sophistes. C'est que la forte organisation universitaire qu'avait donnée à la capitale de l'Attique le siècle des Antonins survit à toutes les ruines. Les professeurs officiels, rétribués par l'État, rivalisent d'influence avec les professeurs libres. Les étudiants affluent. Il en vient de toutes les contrées soumises à l'Empire romain. Libyens, Égyptiens, Arabes, Syriens, Asiatiques, Byzantins, Italiens et Gaulois s'y rencontrent. Ils paraissent avoir été divisés par nations, comme dans les universités du moyen âge. Redoutables entre tous sont les Arméniens. Les contemporains, particulièrement Libanius et Grégoire de Nazianze[108], ont laissé des tableaux très vivants de cette turbulente jeunesse. Ses allures contrastent singulièrement avec la tenue sévère et l'exacte discipline imposées naguère à l'éphébie attique. Il fallait un certain courage pour se faire inscrire parmi les étudiants, car chaque nouveau venu était l'objet de plaisanteries et de brimades plus ou moins vives, selon le degré de rusticité ou de bonne humeur du candidat. Il tombait ensuite dans les mains de rabatteurs aux gages des maîtres, qui s'efforçaient de l'entraîner vers telle ou telle école. Enfin une longue procession le conduisait au bain, avec accompagnement de chants et de danses, et son initiation n'était complète qu'après ce baptême universitaire. Les étudiants athéniens n'étaient pas, pour la plupart, de tout jeunes gens : souvent ils arrivaient après avoir épuisé toutes les ressources d'éducation de leur ville ou de leur province natale et arraché A grand'peine le consentement de parents que l'éloignement et la distance effrayaient, Libanius avait d'abord étudié à Antioche ; sa famille et ses amis essayèrent de le retenir en lui offrant les plus brillants mariages : J'aurais, dit-il, rejeté l'union d'une déesse pour voir seulement la fumée d'Athènes. Quand saint Grégoire de Nazianze y vint, il avait entendu non seulement les maîtres de la Cappadoce, mais encore les professeurs renommés de Palestine et d'Alexandrie[109]. Saint Basile avait étudié aussi non seulement en Cappadoce, mais à Constantinople, avant d'aller finir son éducation à Athènes[110]. Il avait vingt-six ans quand il quitta cette ville : Grégoire parait y être resté jusqu'à sa trentième année Aussi les plus distingués et les plus mars des étudiants athéniens avaient-ils quelquefois une réputation qui rivalisait presque avec celle de leurs professeurs, et dépassait les limites de la Grèce[111].

On se figure aisément l'effet produit par l'arrivée de Julien dans ce milieu agité, où tous les extrêmes se rencontraient, adolescents venus de contrées sauvages, et à peine dégrossis, jeunes gens déjà raffinés par une longue culture intellectuelle[112], étudiants si pauvres qu'ils devaient habiter ensemble le même logis, et pour sortir tour à tour se prêtaient la même tunique et le même manteau[113], rejetons d'opulentes ou illustres familles[114]. La présence d'un jeune prince qu'avaient déjà rendu célèbre ses malheurs, et que recommandait, outre son rang, l'amitié des plus illustres néo-platoniciens, ne pouvait manquer d'exciter un vif intérêt dans cette foule mélangée. Peut-être ce qui transpirait de ses sentiments religieux y ajoutait-il encore. Athènes, dans l'ensemble, était demeurée une ville païenne. Pas plus dans ce sanctuaire de l'hellénisme qu'à Rome même n'avaient été exécutées les lois de Constance proscrivant l'idolâtrie. Les idoles y étaient, dit saint Grégoire, plus nombreuses qu'ailleurs[115]. Julien, dans un discours dédié à Constance, parlera en 360 de la statue de Minerve trônant à l'Acropole[116]. Himère décrit en témoin la procession des Panathénées[117]. Temples, sacrifices, fêtes, jeux, collèges sacerdotaux, rien n'a disparu de ce qui faisait l'éclat ou la parure de l'ancien culte. La majorité des professeurs était païenne. Parmi les sophistes fameux qui enseignaient à Athènes, on cite un seul chrétien, Prohaeresius[118]. Quant aux étudiants, il est impossible de dire quelle religion comptait parmi eux le plus d'adeptes. Sans doute, la forme païenne de l'éducation, le milieu tout hellénique où ils vivaient, devaient exercer sur les convictions flottantes de beaucoup d'entre eux une influence peu favorable au christianisme. Cependant le grand nombre des jeunes gens venus des contrées de l'Asie les plus anciennement évangélisées, et aussi la facilité avec laquelle on voit lm familles les plus chrétiennes, comme celles de saint Grégoire de Nazianze ou de saint Basile, permettre à leurs fils d'étudier à Athènes, donnent lieu de croire que les chrétiens ne s'y trouvaient pas isolés. Mais on croira facilement aussi que peu nombreux sont ceux qui, comme les deux amis de Cappadoce, ne connaissaient de la ville de Minerve que le chemin de l'église et celui de l'école, ignoraient les routes menant aux festins et aux spectacles, et se fortifiaient dans la foi par la vue même de l'idolâtrie[119].

Julien parait avoir fréquenté de préférence, bien que sans ostentation, ses camarades païens. Libanius le montre entouré par une foule d'hommes de tous les âges, philosophes, rhéteurs, étudiants, et gagnant la faveur de tous par sa modestie non moins que par les qualités de son intelligence[120]. Mais il ajoute qu'à des amis intimes Julien ouvrait familièrement son cœur, et laissait voir le désir de travailler en faveur de l'idolâtrie, quand il en aurait la puissance[121]. On cite parmi ceux à qui il fit plus particulièrement confidence de ses desseins un ami originaire d'Antioche, le seul homme, dit Libanius, qui se soit montré impeccable, et ait surmonté l'envie par sa vertu[122]. Tillemont a vu dans ce personnage si mystérieusement désigné l'hiérophante d'Éleusis, dont nous dirons tout à l'heure les relations avec Julien[123] ; mais l'hiérophante appartenait héréditairement à la famille des Eumolpides, par conséquent était Athénien. On n'y saurait reconnaître non plus le néo-platonicien Priscus, disciple d'Edesius, et à cette époque retiré en Grèce : Priscus sera de tout temps tenu en haute estime par Julien : mais il était né en Épire, et non à Antioche[124]. Peut-être Libanius veut-il parler de Celse[125], que Julien fera gouverneur de Cilicie, et qui fut son condisciple à Athènes, raconte Ammien Marcellin[126] ; le récit de cet historien, joint au témoignage de Libanius[127], montre que Celse était païen et que Julien avait pour lui une grande affection. Mais Celse était aussi ami de saint Basile, et c'est même sur le conseil de celui-ci qu'il était venu étudier à Athènes[128]. Il peut avoir servi de trait d'union entre Julien et les deux inséparables compagnons Basile et Grégoire, car nous savons par eux que Julien rechercha aussi leur société[129].

Saint Grégoire affirme que les entretiens de Julien, et même son apparence extérieure, lui découvrirent promptement son caractère faux et dangereux. Je ne me pique pas, dit-il, d'être fort habile à deviner : mais il est vrai que je ne pouvais rien attendre de bon de ce jeune prince, en qui je voyais une tête toujours en mouvement, des épaules continuellement branlantes et agitées, un œil égaré, un regard fier et plein de fureur, une démarche chancelante et sans fermeté, un nez qui ne marquait que de l'insolence et du dédain pour les autres, un air de visage railleur et méprisant, un rire excessif et immodeste, des signes de tête qui accordaient et refusaient sans raison, une parole hésitante et entrecoupée, des interrogations déréglées et impertinentes, et des réponses qui ne valaient pas mieux, embarrassées les unes dans les autres, qui ne se soutenaient point et qui n'avaient ni ordre ni méthode[130]. Ce portrait n'est point en contradiction avec l'image beaucoup plus favorable qu'Ammien Marcellin a tracée de Julien[131] : l'historien peint les traits et la stature de son héros, Grégoire essaie d'en montrer l'âme dans les regards, les gestes, les mouvements, la façon de causer. Il faut ajouter que l'absence d'ordre et de méthode signalée par Grégoire dans la conversation de Julien est précisément la caractéristique de la plupart de ses écrits : quand on les a lus, on retrouve aisément dans l'écrivain le causeur incohérent d'Athènes. Si j'avais ici, continue Grégoire, quelqu'un de ceux avec qui je m'entretenais alors, ils pourraient attester que quand j'eus remarqué toutes ces choses, je dis aussitôt : Quel terrible monstre nourrit ici l'Empire romain ! Et après avoir ainsi parlé, je demandai à Dieu d'avoir été faux prophète.

Il ne semble point résulter de ce passage que saint Grégoire ait eu alors connaissance des relations de Julien avec l'hiérophante d'Éleusis. Ce personnage sacerdotal était, à cette époque, l'un des chefs du parti païen. On le voit en correspondance avec les philosophes les plus fameux de l'Asie. Probablement avait-il introduit ou contribué à introduire dans la religion des grandes déesses des doctrines ésotériques, empruntées au dogmatisme alexandrin, et des rites mystiques imités des pratiques du néo-platonisme décadent ; de même que son successeur, qui sera le dernier hiérophante, y fera, quelques années plus tard, entrer les cérémonies du culte mithriaque[132]. Un tel sentiment de vénération superstitieuse s'attachait à l'hiérophante en fonctions lors du séjour de Julien à Athènes, qu'Eunape déclare n'avoir pas le droit de prononcer son nom[133]. On sait seulement qu'il appartenait à la famille des Eumolpides, qui avait le privilège, depuis plusieurs siècles, de fournir au culte d'Éleusis son principal ministre, et que cette famille, dont l'origine se perd dans la nuit des temps mythologiques, s'éteignit avec lui[134]. Il nous apparaît comme une des mailles dont était formé le réseau de mages et de sophistes, en communication les uns avec les autres, qui reliait entre eux, dans une défense et une propagande communes, tous les points du monde païen. D'Éphèse, Maxime recommanda Julien à l'hiérophante. Julien le vit souvent pendant son séjour à Athènes, et fit de lui son guide religieux[135].

Les historiens modernes disent presque tous que Julien fut alors initié aux mystères d'Éleusis[136]. Cela ne résulte pas clairement du texte d'Eunape, qui, initié lui-même par l'hiérophante que connut Julien, parle de la familiarité de celui-ci avec le prêtre des grandes déesses, mais ne dit pas que l'initiation lui ait été conférée. Il me semble difficile que Julien ait été initié. S'il participa d'abord aux petits mystères d'Agra, qui en certaines années précédaient immédiatement les grands mystères, puis fut admis à prendre part à ceux-ci, célébrés en automne, une partie considérable de son séjour à Athènes dut être employée en cérémonies religieuses. Les Éleusinies duraient, selon les années, dix ou treize jours : il faut encore compter deux ou trois jours pour les petits mystères : on admettra probablement quelques conférences préparatoires entre Julien et l'hiérophante. Pendant un séjour de trois mois, en apparence consacré à suivre les cours de l'université d'Athènes, une aussi longue absence eût été remarquée. Mais on doit ajouter que l'initiation aux mystères comprenait un grand nombre de cérémonies publiques. Si ce qui se passait durant les trois nuits mystiques au temple d'Éleusis, spectacles sacrés, apparitions troublantes, grandiose fantasmagorie, commentée par la voix solennelle de l'hiérophante ou du diaduque, était réservé aux seuls initiés, que liait la loi du secret, l'initiation avait aussi une partie ostensible, dont probablement aucun myste ne pouvait être dispensé. Réunion à Athènes, bain dans la baie d'Éleusis, purifications, sacrifices, prise de l'habit d'initié, jeux, représentations théâtrales, procession qui durait plusieurs heures à l'aller et au retour, tout cela mettait en évidence les dévots de Déméter et de Coré[137]. On se figure difficilement Julien se compromettant de la sorte, à une époque de sa vie où il était obligé de cacher avec le plus grand soin sa conversion intérieure à l'hellénisme.

La lecture des écrits de Julien ne semble pas de nature à infirmer cette conclusion. Il parle du secret imposé à l'initié ; mais c'est à propos du culte du Soleil[138]. Plus tard, en effet, il sera initié aux mystères de Mithra[139]. Nulle part il ne laisse entendre qu'il ait reçu l'initiation d'Éleusis[140]. S'il fait un jour allusion aux grands et aux petits mystères, c'est à propos de la Mère des dieux, et par comparaison à ceux de Cybèle[141]. Quand il parle de l'abstinence, c'est précisément de celle des initiés de Cybèle, à qui est permis l'usage des viandes et défendu l'usage des légumes[142], non de celle des initiés d'Éleusis, qui doivent s'abstenir de la chair des animaux[143] : l'abstinence de poissons et de grenades, dont il fait aussi mention[144], était commune aux deux cultes[145], mais il laisse entendre que les mystères auxquels il participe n'interdisent pas de manger des oiseaux[146], ce qui était défendu aux mystères d'Éleusis[147]. Les dieux auxquels il est dévot sont d'abord le Soleil, à la protection duquel il attribue les événements heureux de sa vie ; puis Jupiter, Mercure, Minerve, Cybèle ou la Mère des dieux : celle-ci et le Soleil forment en réalité le centre de sa vie mystique ; probablement même, afin d'effacer le sceau du baptême, se soumit-il un jour à la sanglante purification du taurobole[148]. Mais jamais ou presque jamais il ne fait allusion à Déméter et à sa fille, les grandes déesses d'Éleusis.

Quoi qu'il en soit, les rapports de Julien avec l'hiérophante d'Éleusis cessèrent promptement, sauf à être repris dans un autre pays et dans des circonstances très-différentes. Un ordre impérial survint, rappelant tout à coup Julien à Milan. Toutes ses terreurs le ressaisirent alors. Il se crut condamné. Que de torrents de larmes je répandis ! écrira-t-il plus tard aux Athéniens, en rappelant les souvenirs de sa jeunesse. Que de gémissements, les mains tendues vers l'acropole de notre cité, suppliant Minerve de sauver son serviteur et de ne point l'abandonner ! Beaucoup d'entre vous l'ont vu, et peuvent en rendre témoignage. La déesse elle-même sait combien de fois je lui ai demandé de mourir avant de quitter Athènes[149]. Probablement, dès cette époque il avait, parmi ses compagnons d'études, des confidents de ses idées religieuses. Sans cela, il n'eût pas fait allusion aux nombreux témoins de ses prières désespérées à Minerve. Autour de lui, cependant, et dans sa domesticité intime, il cachait encore soigneusement son apostasie. Un seul de ses serviteurs, dont il fera un jour son bibliothécaire, partageait ses croyances et l'aidait secrètement dans les pratiques du culte païen.

 

 

 



[1] Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 694 ; Rode, Gesch. der Reaction Kaiser Julians gegen die christliche Kirche, p. 27, note 32.

[2] Julien, Misopogon, 14.

[3] Julien, Misopogon, 14.

[4] Julien, Misopogon, 14.

[5] Μέμνημαι γοΰν έγώ κοτε τροφέως είπόντος... Ordinairement Julien emploie pour désigner Mardonius le mot παιδαγωγός. On peut se demander si le τροφέως dont il parle dans ce passage est la même personne.

[6] Julien, Oratio VI, contre les chiens ignorants, 12.

[7] Voir les discours VI et VII, particulièrement dans cette dernière pièce le § 14.

[8] Julien, Oratio IV, contre le cynique Héraclius, 19.

[9] Libanius, Oratio VII ; Socrate, Hist. ecclés., III, 1.

[10] Libanius, Oratio X.

[11] Voir E. Jullien, les Professeurs de littérature dans l'ancienne Rome, p. 266.

[12] Socrate, Hist. Ecclés., III, 13.

[13] Libanius, Oratio X ; Socrate, III, 1.

[14] Libanius, Oratio X ; cf. Socrate, III, 23.

[15] Julien, Ép. 19. — L'authenticité de celle lettre est niée par Schwarz (De vita et scriptis Juliani imp., p. 29) et par Cumont (Sur l'authenticité de quelques lettres de Julien, p. 13-19).

[16] Socrate, III, 1 ; Sozomène, V, 2.

[17] Socrate, III, 1 ; Sozomène, V, 2.

[18] Libanius, Ép. 923, 956, 1241.

[19] Libanius, De vita sua ; Eunape, Vitæ sophist., 14.

[20] Socrate, Hist. ecclés., III, 1.

[21] Socrate, Hist. ecclés., III, 1.

[22] Libanius, Oratio X.

[23] Vers la fin de 351, selon Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 672. Je suis sa chronologie de préférence à celle de Sievers, qui me parait cadrer moins avec les dates de la vie de Julien.

[24] Libanius, Orat. IV, X ; Eunape, Vitæ soph., 14 ; Socrate, Hist. Ecclés., III, 1.

[25] Ammien Marcellin, XXII, 5.

[26] Libanius, Oratio IV.

[27] Julien, Ép. à Themistius, 4.

[28] Julien, Ép. à Themistius, 4.

[29] Eunape, Vitæ soph., Maximus.

[30] Eunape, Vitæ soph., Maximus.

[31] Tillemont, Hist. des Empereurs, t. IV, p. 491 ; Milman, Hist. of Christianity, t. II, p. 125 ; Wordsworth, Julianus, dans Dict. of christ. biogr., t. III, p. 493 ; Mosley, Maximus, ibid., p. 385 ; voir aussi une note de Jules Simon, Hist. de l'école d'Alexandrie, t. II, p. 311.

[32] Julien, Oratio VII, 19.

[33] Eunape, Vitæ soph., Maximus.

[34] Socrate, III, 1 ; Sozomène, V, 2.

[35] Libanius, Oratio IV. La lettre de Gallus à Julien, dont il sera question plus loin, fait aussi allusion à un voyage de Julien en Ionie.

[36] Socrate, II, 1 ; Sozomène, V, 2.

[37] Voir Grandgeorge, Saint Augustin et le néoplatonisme, Paris, 1896 ; cf. Huit, dans Ann. de philosophie chrétienne, septembre 1889.

[38] Libanius, Oratio X.

[39] Voir les textes cités par Hatzfeld, Saint Augustin, 1897, p. 110-145.

[40] Julien, Oratio V, sur le Roi Soleil, 1.

[41] Libanius, Oratio X.

[42] Libanius, Oratio IV.

[43] Libanius, Oratio IV.

[44] Sozomène, V, 2.

[45] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 55-56. Cf. Théodoret, Hist. ecclés., III, 3.

[46] Ammien Marcellin, XIV, 1.

[47] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[48] Sozomène, V, 19.

[49] Curieux détails donnés par Socrate, II, 35, sur l'emploi par Aetius, dans son argumentation, de la méthode aristotélicienne.

[50] Sur Aetius, voir Tillemont, art. LXIV et LXV sur les ariens, dans Mémoires, t. VI, p. 403 et suiv.

[51] Philostorge, Hist. ecclés., III, 27 ; saint Grégoire de Nysse, Contra Eunom., I.

[52] Lettre de Gallus à Julien, dans Hertlein, p. 613.

[53] Libanius, Oratio IV.

[54] Libanius, Oratio IV.

[55] Socrate, III, 1 ; Sozomène, V, 2.

[56] Socrate, III, 1.

[57] Julien, Ép. 42 (édit sur les professeurs chrétiens).

[58] Libanius, Oratio X.

[59] Hertlein, p. 613.

[60] Hæc epistola spuria videtur, écrit le P. Petau ; mais il n'apporte pu d'argument à l'appui de cette condamnation sommaire. La lettre paroist assez conforme au rapport des historiens et à l'hypocrisie de Julien pour ne pas la rejeter si aisément, lui répond Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 492.

[61] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[62] Reglam indolem. Saint Jérôme, Chron.

[63] Ammien Marcellin, XIV, 1, 7.

[64] Saint Jérôme, Chron. ; Socrate, II, 33 ; Sozomène, IV, 7.

[65] Ammien Marcellin, XIV, 2.

[66] Ammien Marcelin, XIV, 7.

[67] Ammien Marcelin, XIV, 7, 9.

[68] Ammien Marcelin, XIV, 11.

[69] Ammien Marcelin, XIV, 11. — Constance ne permit pas que Gallus fût déposé dans le tombeau de sa famille, ni que l'on rendit hommage à sa mémoire. Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 8.

[70] Socrate, II, 34 ; Sozomène, IV, 7.

[71] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[72] Ut erat in propinquitatis perniciem inclinatior. Ammien Marcellin, XIV, 11.

[73] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4. ; cf. Ammien Marcellin, XIV, 1, 11.

[74] Ammien Marcellin, XV, 2, 3.

[75] Ammien Marcellin, XV, 3. — Ammien Marcellin dit que l'entrevue avec Gallus eut lieu à Constantinople ; Libanius (Oratio X) et Socrate (Hist. ecclés., III, 1) la placent avec plus de vraisemblance à Nicomédie.

[76] Libanius, Oratio X.

[77] Ammien Marcellin, XV, 2.

[78] Ammien Marcellin, XV, 2.

[79] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[80] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[81] Ép. à Thémistius, 4.

[82] Ép. à Thémistius, 4.

[83] Ammien Marcellin, XV, 2.

[84] Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 380 et 676.

[85] Ammien Marcellin, XXI, 6.

[86] Ammien Marcellin, XVI, 10.

[87] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 5, 7.

[88] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 8.

[89] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 11.

[90] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 10.

[91] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 10.

[92] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 13.

[93] Julien, Oratio III, éloge de l'impératrice Eusébie, 15.

[94] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[95] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[96] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[97] Ammien Marcellin, XV, 2.

[98] Julien, Oratio III.

[99] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[100] Ammien Marcellin, XV, 3. L'historien ne nomme pas Félix, dont il est question dans le passage cité de Julien.

[101] Ammien Marcellin, XV, 5-6. Julien a deux fois raconté la révolte de Silvanus, Orat. I, 43, et II, 38, 39 (premier et second panégyrique de Constance).

[102] Julien, Oratio III, 13.

[103] Julien, Oratio III, 13.

[104] On a supposé (Mücke, Flavius Claudius Julianus, p. 27-30) que Julien avait fait un premier séjour en Grèce avant celui de 355. Cette opinion se fonde sur l'expression dont il se sert, quand il écrit à Thémistius : Άπιών εΐς τής Έλλάδα πάλις. Mais πάλις ici doit signifier a dans de différentes circonstances. s Julien vient de parler de son internement en Italie, et parle ensuite de son arrivée en Grèce. Voir Wordsworth, Julianus, dans Dict. of christ. biogr., t. III, p. 494 ; cf. Rode, Gesch. der Reaction Kaiser Julians gegen die christl. Kirche, p. 37, note 31. L'hypothèse d'un séjour antérieur en Grèce se concilierait malaisément avec la chronologie connue de la vie de Julien.

[105] Julien, Ép. à Thémistius, 4.

[106] Julien, Ép. à Thémistius, 1.

[107] Julien, Ép. à Thémistius, 3.

[108] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 15-18 ; Libanius, De vita.

[109] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XIX, XX.

[110] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 14.

[111] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 22.

[112] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 15.

[113] Eunape, Vitæ soph., Prohaeresius.

[114] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 15.

[115] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 21.

[116] Julien, Oratio II, second panégyrique de Constance, 4.

[117] Himère, Oratio III.

[118] Saint Jérôme, Chron., ad. olymp. 286. — On a cependant émis des doutes sur le christianisme de Prohaeresius ; voir Lalanne, Influence des Pères de l'Église  sur l'éducation publique pendant les cinq premiers siècles, p. 202-206.

[119] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 21.

[120] Libanius, Oratio X.

[121] Libanius, Oratio IV.

[122] Libanius, Oratio X.

[123] Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 495.

[124] Eunape, Vitæ soph., 5.

[125] Cf. Sievers, Libanius, p. 90, note 28.

[126] Ammien Marcellin, XXII, 9.

[127] Libanius, Oratio X ; Ép. 634.

[128] Libanius, Ép. 143.

[129] Saint Basile, Ép. 207, 208 ; saint Grégoire de Nazianze, Oratio V, 23, 24.

[130] Saint Grégoire de Nazianze, l. c. — Je me sers ici de la traduction de Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 494.

[131] Ammien Marcellin, XXV, 4.

[132] Eunape, Vitæ soph., Maximus, 5.

[133] Eunape, Vitæ soph., Maximus, 5.

[134] Eunape, Vitæ soph., Maximus.

[135] Eunape, Vitæ soph., Maximus.

[136] Comme le seront un grand nombre de Romains célèbres, Sylla, Antoine, Cicéron, Atticus, les empereurs Auguste, Claude, Hadrien, Lucius Verus, Marc Aurèle, Commode, Septime Sévère, etc. Voir Foucart, les Empereurs romains initiés aux mystères d'Éleusis, Acad. des inscriptions, 2 déc. 1892.

[137] Voir dans le Dict. des ant. grecques et romaines, t. II, p. 554-581, l'art. Elousinia, de F. Lenormant et E. Pottier.

[138] Julien, Oratio IV, sur le Roi Soleil, 1.

[139] Julien, les Césars, in fine ; Himère, Oratio VII, 2.

[140] La lettre 68, à Théodore, où Julien parle de leur commun initiateur, parait faire allusion à Maxime, non à l'hiérophante.

[141] Julien, Oratio V, sur la Mère des dieux, 8.

[142] Julien, Oratio V, sur la Mère des dieux, 9.

[143] Porphyre, De abstin. carnis, VI, 18 ; saint Jérôme, Adv. Jovin., II, 14, 344.

[144] Julien, Oratio V, 11.

[145] Porphyre, De abst. carn., IV, 16 ; Ælien, Hist. anim., IX, 65 ; Plutarque, De solert. anim., 35, 11.

[146] Julien, Oratio V, 11.

[147] Porphyre, saint Jérôme, l. c.

[148] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 52 ; Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[149] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.