JULIEN L'APOSTAT

TOME PREMIER. — LA SOCIÉTÉ AU IVe SIÈCLE. - LA JEUNESSE DE JULIEN - JULIEN CÉSAR.

LIVRE III. — LA JEUNESSE DE JULIEN.

CHAPITRE PREMIER. — LA PREMIÈRE ÉDUCATION.

 

 

I. — La famille de Julien.

Julien naquit à Constantinople, vers la fin de l'année 331, de Jules Constance et de Basilina[1].

Issu du mariage de Constance Chlore avec Théodora, belle-fille de Maximien Hercule, Jules Constance était un des frères puînés de l'empereur Constantin. Comme les deux autres, Dalmatius et Annibalien, il parait avoir vécu dans l'ombre de son illustre allié, sans se prévaloir de l'avantage que lui donnait une naissance royale. Ainsi l'avait commandé le testament de Constance Chlore, choisissant Constantin seul pour son successeur, et ordonnant que ses enfants du second lit demeureraient simples particuliers[2]. Aussi Libanius parait-il chercher une explication inutile, en attribuant la modération dont ils font preuve à leur bon naturel[3]. Il leur eût été difficile de tenir une conduite différente. Les fils de Théodora étaient encore des enfants quand l'armée de Bretagne salua Constantin du titre d'Auguste. Une fois investi de l'autorité souveraine, Constantin n'était pas homme à la laisser amoindrir. Il semble s'être prémuni d'avance contre un éveil d'ambition chez ses frères. On sait par Ausone que leur jeunesse fut surveillée et se passa à Toulouse, dans une espèce d'exil[4]. Cet exil, cependant, ne dut pas être sans compensation, car Toulouse était alors un des centres intellectuels de la Gaule, une sorte de ville universitaire. Il se peut que Jules Constance y ait pris ce goût des lettres, qui passera par hérédité à l'un de ses fils. On n'a guère de détails sur le reste de sa vie. On sait qu'elle ne fut pas exempte de traverses. Un fragment, malheureusement très court, d'une lettre de Julien aux habitants de Corinthe[5] dit que son père séjourna dans cette ville après avoir erré longtemps. Il semble attribuer cette existence agitée à la défiance et aux précautions d'une marâtre[6] ; c'est probablement sainte Hélène, très puissante sur l'esprit de Constantin, et que les péripéties de sa propre carrière avaient disposée à craindre tous ceux qui auraient pu devenir des rivaux pour son fils. Quiconque a l'expérience du cœur humain ne s'étonnera pas que celle-ci, chez qui une conversion récente au christianisme[7] n'avait probablement pas encore dompté tous les mouvements d'une nature ardente, ait éprouvé quelque joie à faire sentir son pouvoir aux enfants de la rivale que la politique avait naguère obligé Constance Chlore à lui préférer. Julien ajoute que, de Corinthe, Jules Constance alla en un lieu où il trouva enfin le repos. On doit en tout ceci conjecturer une disgrâce, un long exil, puis un rappel à la cour, et une vie enfin fixée dans la tranquillité et la splendeur. La vieille Hélène, en qui la piété avait crû avec les années, peut avoir regardé à ce moment ses beaux-fils d'un œil plus indulgent. Une anecdote rapportée par Libanius montre que deux au moins des frères de Constantin étaient près de lui lors du séjour qu'il fit à Rome en 326[8]. Il prenait leurs conseils et leur donnait des marques de sa confiance. Dalmatius parait avoir reçu le titre de censeur, que personne n'avait porté depuis Valérien[9]. Constantin le chargea d'une enquête importante, au sujet d'une accusation soulevée par les ariens contre saint Athanase[10]. Jules Constance fut fait patrice et eut le consulat en 335. En même temps qu'Annibalien, il reçut le titre de nobilissime, avec le droit de porter une robe de pourpre brodée d'or, appellation et insigne officiels des membres de la famille impériale[11].

Jules Constance se maria deux fois, et toujours d'une manière conforme à son rang. Sa première femme, Galla. était sœur de Rufin et de Cerealis, consuls en 34.7 et 358, qui furent l'un préfet du prétoire, l'autre préfet de Rome[12] : de ce mariage naquirent une fille, qui épousa l'empereur Constance, un fils, dont on ignore le nom, qui périt tragiquement en 339, et Gallus, qui devint César. La seconde femme de Jules Constance s'appelait Basilina. Elle était fille de Julianus[13], que plusieurs ont identifié[14] avec Anicius Julianus, consul en 322, préfet de Rome en 326, dont Symmaque, en 375, composa l'éloge en vers[15]. Mais l'absence, dans cet éloge, de toute allusion à Julien, de la part surtout d'un païen aussi zélé que Symmaque, a fait penser qu'Anicius Julianus n'avait pas droit à compter, entre toutes les gloires de sa race, celle d'avoir donné un mettre à l'Empire[16]. Plus vraisemblablement a-t-on reconnu le père de Basilina dans Caeionius Julianus Camenius, qui fut consul en 325. Un mot de Libanius conduit aisément à cette identification. Jules Constance, dit-il, épousa la fille d'un haut magistrat, que le vainqueur respecta, dont il appela même la famille aux honneurs[17]. Ceci convient tout à fait à l'un des Caeionii, que l'on sait avoir suivi d'abord avec zèle le parti de Maxence, et avoir après sa défaite été promus aux plus hautes charges par Constantin[18]. Les termes dont Jules Capitolin, s'adressant à Constantin lui-même, se sert pour célébrer la gloire des Caeionii semblent marquer une maison honorée non seulement de la faveur toujours croissante, mais même de l'alliance impériale[19].

La famille à laquelle appartenait la mère de Julien comptait, comme beaucoup de familles de ce temps-là, des membres païens et chrétiens. Le frère de Basilina, Publius Caeionius Julianus[20], qui mourut en 362, étant comte d'Orient, persécutera les chrétiens pendant le règne de son neveu ; mais il avait très vraisemblablement apostasié[21]. La religion de Basilina n'est pas douteuse. L'historien Sozomène loue la piété du père et de la mère de Julien[22]. Le don par Basilina de propriétés à l'Église d'Éphèse est un signe évident de la foi qu'elle professait[23]. Mais cette foi ne resta peut-être pas tout à fait pure. Basilina était, par elle-même ou par son mari, parente d'un des chefs de l'arianisme, Eusèbe de Nicomédie[24]. L'influence qu'il exerça vraisemblablement sur elle, comme sur d'autres femmes de la famille impériale, et sur Constantin lui-même, ne dut point être étrangère à la passion qu'elle montra contre saint Eutrope, évêque d'Andrinople. Celui-ci s'était déclaré l'adversaire d'Eusèbe de Nicomédie. Il ne cessait de prémunir les orthodoxes contre les séductions du prélat hérétique. Les ariens parvinrent à le chasser de son église et de sa ville, en prenant pour prétexte le mauvais vouloir de Basilina à son égard[25].

Basilina avait reçu une éducation très soignée. Son père s'en était préoccupé de bonne heure. Il avait tenu à choisir lui-même le maitre capable de lui faire goûter les beautés de la poésie grecque. Pour cela, se fiant peu aux précepteurs de condition libre, nombreux cependant au IVe siècle[26], il avait préféré l'ancienne coutume, et voulu confier sa fille à un pédagogue esclave. Ce genre de serviteurs était ordinairement fort coûteux : aux premiers siècles de l'Empire, un bon grammairien ne se vendait pas moins de vingt-cinq mille francs[27] : on cite un professeur de littérature qui fut acheté cent quarante mille francs[28]. Soit économie, soit désir louable de ne confier l'esprit de sa fille qu'à un homme qu'il aurait préparé lui-même, Julianus Camenius n'acheta pas le pédagogue tout formé : il fit instruire un jeune esclave, en qui il avait reconnu d'heureuses dispositions, et, selon le mot de Sénèque, l'initia aux arts qu'on apprend aux hommes libres[29]. C'était un eunuque, Scythe d'origine, appelé Mardonius. Ce que l'on sait de cet étrange éducateur, que nous retrouverons dans la suite, montre un esprit singulièrement raffiné, exempt de toute habitude ou de tout préjugé servile, et capable non seulement de littérature, mais aussi de philosophie. Ce n'est pas la philosophie qu'il fut appelé à enseigner à, Basilina ; il reçut seulement la mission de lui expliquer ce qui faisait alors le fond de l'éducation classique, les poèmes d'Homère et d'Hésiode[30]. Ce détail suffit à montrer les soins dont fut entourée l'éducation de la jeune fille, et] l'importance qu'y attachait Camenius. Dans cette famille des Caeionii, l'amour des lettres et des sciences parait avoir été très répandu : un neveu de Camenius, Caeionius Rufus Albinus, consul en 335, puis préfet de Rome, écrivit sur la géométrie et la dialectique[31] : on lui donne dans une inscription le nom de philosophe[32].

Julien n'a pas connu sa mère, qui mourut toute jeune[33], peu de mois après lui avoir donné le jour. On ne peut douter cependant que cette personne lettrée n'ait eu quelque influence sur la formation de son esprit et l'éveil de ses goûts. Il entendit certainement parler d'elle par les membres de sa famille maternelle, particulièrement par sa grand'mère, qui parait s'être occupée de son enfance[34]. Mais il dut surtout la connaître par les récits du pédagogue Mardonius, qu'il eut à son tour pour précepteur. Ce fidèle serviteur l'entretint certainement de celle dont il avait dirigé ou au moins suivi de près l'éducation jusqu'à son mariage avec Jules Constance. Julien vit davantage celui-ci, puisqu'il avait six ans lorsque son père mourut. On ne s'aperçoit pas, en lisant ses écrits, où cependant l'autobiographie est si fréquente, qu'il ait conservé de lui un souvenir bien vif. La cause en est peut-être à l'épouvantable tragédie qui vint promptement jeter un voile sur ses impressions d'enfance, et remplacer des images distinctes par de douloureux ressentiments.

Constantin avait, deux ans avant de mourir, partagé l'Empire entre ses enfants, attribuant à Constantin, l'aîné, les Gaules, l'Espagne et la Bretagne, au second, Constance, l'Orient, et au dernier, Constant, l'Illyrie, l'Italie et l'Afrique. C'était la division naturelle de l'Empire, déjà plusieurs fois opérée avant et depuis Dioclétien. Mais ce partage, raisonnable en soi, et qui correspondait assez au groupement naturel des peuples comme aux nécessités de la défense contre les Barbares, fut maladroitement compliqué par le don que Constantin crut devoir faire de plusieurs provinces à ses neveux Dalmatius et Annibalien, fils de son beau-frère Dalmatius : le premier, qui avait déjà le titre de César, reçut la Thrace, la Macédoine et l'Achale ; le second, qui semble avoir eu le titre de roi, le Pont et la Cappadoce. En agissant ainsi, Constantin se départait de la prudence politique dont il avait fait preuve, pour lui-même, au commencement de son règne : lui, qu'on a vu tenir avec tant de soin ses frères à l'écart du pouvoir, semble maintenant, par l'élévation peu justifiée de ses neveux et les apanages qui leur étaient taillés à même les États attribués à ses fils, provoquer d'avance une crise pour le temps où il ne sera plus. La crise éclata, en effet, dès le lendemain de sa mort, et s'il est juste d'en rendre responsable Constance, qui la fit ou la laissa dégénérer en un horrible massacré, il faut avouer que, ramenée à des moyens plus humains, elle était à peu près inévitable.

Constantin était mort le 22 mai 337. A cette nouvelle, Constance quitta la Mésopotamie, et se rendit à Constantinople pour présider aux funérailles. Ses deux frères Constantin Il et Constant ne purent l'y rejoindre, mais de nombreux membres de la famille impériale s'y trouvèrent rassemblés, parmi lesquels Jules Constance, dont il avait, l'année précédente, épousé la fille[35], son autre oncle Annibalien, les deux fils de Dalmatius (probablement prédécédé), Annibalien et Dalmatius jeunes, un fils de Jules Constance, dont on ignore le nom, et quatre autres neveux de Constantin. Bientôt, spontanée ou suggérée, une sourde agitation se montra parmi les soldats. Ils demandèrent d'abord l'éloignement de l'un des plus intimes conseillers du défunt empereur, le préfet du prétoire Ablavius, qui fut relégué en Bithynie, puis mis à mort. Enhardis, les soldats assassinèrent le patrice Optatus, beau-frère de Constantin. Puis ses parents les plus proches furent enveloppés dans le carnage, et, sous les yeux de Constance, qui ne fit rien pour les défendre, périrent ses deux oncles et ses sept cousins, sans que ni l'alliance si étroite avec Jules Constance devenu son beau-père, ni les titres de César et de roi portés par Dalmatius et Annibalien aient pu sauver aucun d'eux. Désormais la route était déblayée, et il n'y avait plus de membres de la famille de Constantin en âge ou en situation de disputer à ses trois fils une part du pouvoir.

Ni Constantin II ni Constant ne furent pour rien dans ce massacre, accompli loin d'eux, et dont ils recueillirent seulement les profits ; mais l'histoire hésite encore à déterminer le rôle joué par d'autres et à désigner ses vrais auteurs. On a voulu voir dans les premiers désordres un essai de réaction païenne[36], que Constance aurait ensuite réussi à détourner en exaltant le loyalisme des soldats et leur attachement à la descendance directe de Constantin. Il parait certain que le préfet Ablavius, qui fut le premier sacrifié, était chrétien[37]. Les païens lui en voulaient beaucoup, à cause de l'influence qu'il avait eue sur l'esprit de Constantin, et lui imputaient la mort du néo-platonicien Sopater, exécuté comme magicien à la suite d'une famine[38]. Mais ce fait déjà, ancien, et les termes dont se servent Eunape et Zosime pour charger la mémoire d'Ablavius, ne suffisent pas à montrer un mouvement païen dans le soulèvement soldatesque qui se produisit à Constantinople après la mort de Constantin. Les enfants de celui-ci ne devaient pas être plus populaires auprès des idolâtres que son ancien ministre, et une émeute excitée par des rancunes païennes n'aurait pu facilement tourner à la consolidation de leur pouvoir. Cette version, du reste, n'est pas de celles qui eurent cours parmi les contemporains. D'autres explications sont données par eux. Selon l'une, les soldats ont seuls été coupables : Constance fut impuissant à les retenir. D'après une seconde opinion, s'il n'ordonna pas les meurtres, il excita au moins, dans un intérêt personnel, les passions qui devaient aboutir à ce tragique dénouement. Quelques-uns l'accusent seulement de faiblesse intéressée, en disant qu'il permit le crime plutôt qu'il ne le commanda. D'autres lui en attribuent, au contraire, l'entière et directe responsabilité. Eusèbe dit que les armées déclarèrent unanimement ne vouloir pour mitres que les fils de Constantin[39], ce qui impliquait presque nécessairement l'arrêt de mort de deux de ses neveux, Dalmatius et Annibalien, mais n'explique pas le meurtre des autres, ni surtout celui de deux vieillards aussi inoffensifs que Jules Constance et le premier Annibalien. Les historiens Eutrope[40] et Socrate[41] disent que Constance ne donna pas d'ordres, mais laissa faire. Saint Grégoire de Nazianze attribue tout aux soldats[42]. Aurelius Victor confesse son ignorance[43]. Saint Jérôme[44] et Zosime[45] accusent nettement Constance. Ainsi font des historiens tout à fait contemporains, et tous deux très dignes de foi, Ammien Marcellin[46], qui représente l'opinion païenne modérée, et saint Athanase[47], qui était peut-être porté à croire facilement tout le mal dit de Constance, mais qui, en revanche, avait tous les moyens d'être bien renseigné.

Quant à Julien, le plus directement intéressé dans le jugement à rendre, il a soutenu successivement les deux opinions extrêmes. Dans un discours il loue l'équité et la modération de Constance, et déclare que, violenté par les événements, ce prince ne put empêcher, à son grand regret, les excès qui se commirent[48]. Ailleurs, au contraire, il porte contre lui une accusation terrible. Son père et le mien étaient frères, et issus du même père. Aussi, avec quelle humanité cet empereur nous a-t-il traités, nous, ses proches parents ! Mes six cousins, qui étaient également les siens, mon père qui était son oncle, puis un autre oncle commun du côté paternel, et enfin mon frère a !né, il les fit tous mettre à mort sans jugement[49]. Le discours où est excusée la conduite de Constance est un panégyrique de cet empereur, prononcé vraisemblablement en sa présence : on conçoit que Julien ait donné alors de la conduite du prince l'explication la plus indulgente : mais on s'étonne qu'il ait cru devoir faire allusion à un évènement qu'il lui eût été facile de passer sous silence. L'autre passage est emprunté à une lettre au sénat et au peuple d'Athènes, écrite en 361, alors qu'il était maitre de l'Empire : mais il s'y montre partout si passionné et si haineux contre la mémoire de son prédécesseur, il est si attentif à justifier sa propre conduite, que son témoignage, cette fois encore, peut paraître suspect. Les lignes que nous venons de citer permettent au moins de se rendre compte des rancunes amassées dans le cœur de Julien enfant par le crime qui le priva de son père, d'un frère aîné, de la plus grande partie de sa famille paternelle, et le laissa seul, sans appui, exposé à tous les dangers et à tous les soupçons.

 

II. — Les premières études.

Julien et Gallus eussent probablement été enveloppés dans le massacre, si leur jeune âge n'avait inspiré quelque pitié. Gallus avait douze ans, et de plus était alors atteint d'une maladie que l'on croyait mortelle[50] ; Julien avait six ans seulement. Cependant leur vie fut un instant menacée, si l'on en croit saint Grégoire de Nazianze, qui raconte que Constance les protégea contre la fureur des soldats[51]. Mais cette protection n'aurait peut-être pas suffi à les sauver : d'après le même récit, des hommes dévoués enlevèrent secrètement Julien[52]. Saint Grégoire cite parmi eux Marc, évêque d'Aréthuse[53] : il résulte d'un autre document que des prêtres chrétiens prirent part à ce sauvetage : c'est dans une église, près de l'autel, que l'enfant fut conduit[54]. Le droit d'asile s'était probablement étendu déjà des temples antiques aux sanctuaires du christianisme, bien que pour ces derniers la loi civile ne Petit pas encore reconnu[55] : il est curieux de voir qu'un des premiers exemples de salut par l'asile cherché près de l'autel chrétien ait eu Julien pour héros.

Ainsi échappé au péril, Julien avait encore plus d'une épreuve à subir. Il nous apprend lui-même qu'il se trouva sans patrimoine. Après la mort de son père, les grands biens de celui-ci furent tout de suite confisqués. Constance se les était-il attribués par cupidité, ou avait-il seulement voulu, en les gardant, tenir ses cousins dans une entière dépendance, les mettre hors d'état de nuire, sauf à leur restituer plus tard, s'il le jugeait à propos, tout ou partie de leur fortune ? La suite des événements montrera qu'il fit apparemment ce dernier calcul. On verra qu'il ne distribua pas à ses courtisans les biens de son oncle, ainsi qu'il avait fait souvent du patrimoine d'autres proscrits, mais les conserva soigneusement, comme une sorte de dépôt. Julien, qui avoue n'avoir pas été dans sa jeunesse insensible aux avantages de la fortune[56], conserva de cette pauvreté momentanée une grande irritation. De mon héritage paternel — écrit-il avec l'âpreté habituelle à son langage, dès qu'il touche à ces souvenirs douloureux — il ne me restait plus rien, et des grands biens qu'avait possédés mon père je n'avais plus une motte de terre, un esclave, une maison. Le beau Constance avait hérité pour moi de tout l'avoir de celui-ci, et ne m'en avait même pas laissé un fétu[57]. L'apanage paternel était loin de former, cependant, toute la fortune de Julien. La jeune mère morte en le mettant au monde lui avait probablement laissé d'importants domaines. On sait que Basilina possédait une maison à Constantinople[58] et que la mère de celle-ci, peut-être orientale d'origine, avait des terres en Asie[59]. Il est vraisemblable que par les Caeionii, de qui descendait Basilina, Julien était devenu propriétaire de biens-fonds en Italie ou en diverses provinces de l'Occident. Mais, en 337, les mêmes défiances politiques qui avaient poussé Constance à s'emparer du patrimoine paternel de ses cousins lui firent mettre la main, avec moins d'apparence encore de droit, sur celui qu'ils tenaient de leurs mères. Il confisqua, au préjudice de Gallus, l'héritage de la première femme de Jules Constance[60], et s'empara d'une partie au moins des biens qui provenaient à Julien de la famille de Basilina : il est difficile, en effet, d'entendre autrement que d'une confiscation ce que dit Julien de la violence qui lui ravit pour un temps l'héritage de son aïeule[61].

A sept ans, Julien se trouvait ainsi précipité, tout d'un coup, des splendeurs d'une existence princière dans un dénuement relatif. Il en sentit profondément l'amertume. Quand il dut abandonner le palais où s'étaient écoulées ses premières années, il lui sembla entrer dans un désert. Si jeune qu'il fût, il était déjà compromettant. On s'éloignait de lui comme d'un vaincu et d'un proscrit. Il n'y avait pas, dit-il, une âme sympathique à l'enfant proscrit de la maison de ses parents[62]. Gallus, à ce moment même, lui était enlevé. Les douze ans de celui-ci paraissant dangereux à Constance, il fut exilé en Asie. Peut-être l'exil ne fut-il pas très dur, car Socrate nous dit que Gallus eut la permission de se rendre à Éphèse et d'y fréquenter les écoles[63]. Il semble même que le séquestre mis sur son patrimoine ait été promptement levé : Socrate parle à cette occasion des grands biens que ses ancêtres lui avaient laissés dans la province[64]. Julien reconnaît lui-même que Constance restitua à Gallus une partie de l'héritage paternel[65]. Cet aveu mérite d'être retenu : car dans l'histoire, restée encore obscure en certains points, de la jeunesse de Julien et de son frère, la violence des ressentiments porte souvent le narrateur à noircir outre mesure la conduite et les intentions de Constance. C'est ainsi que, pour ce qui le concerne personnellement, il emploie le mot d'exil[66]. L'expression est excessive. Le jeune âge de Julien rendait l'éloignement peu nécessaire. Constance laissa ses parents maternels s'occuper de son instruction. C'est à eux, en effet, que doit être attribué le choix, comme pédagogue, de l'eunuque Mardonius, qui avait si fidèlement rempli le même office près de Basilina[67]. Mais on croira volontiers que Constance, toujours défiant, intervint pour désigner le personnage considérable, et très bien en cour, à qui fut confiée la surveillance générale de l'éducation de Julien. Ammien Marcellin nous apprend que celui-ci fut mis sous la tutelle d'Eusèbe, évêque de Nicomédie, qui était son parent éloigné[68].

Julien passa un an à Nicomédie. A ce séjour en Bithynie se rattache une des rares impressions d'enfance dont il ait parlé avec plaisir. De l'héritage de son aïeule il lui restait quelque chose. Celle-ci lui avait donné naguère une terre de dimensions médiocres, située à vingt stades de la mer, et que la confiscation n'atteignit pas. La situation était charmante. D'un coteau voisin de la maison, on découvrait la Propontide, couverte de vaisseaux. L'habitation s'élevait au milieu des bois, entourée d'un joli parc, avec des pelouses de thym et d'herbes odorantes, des bains, des fontaines. Julien y fut conduit souvent : Ce domaine, dit-il, faisait mes délices. Il s'y livrait au jardinage, et y planta quelques pieds de vigne, dont il louera plus tard l'excellent vin[69].

Quand, par la faveur de Constance et du parti arien, Eusèbe eut été transféré du siège de Nicomédie à celui de Constantinople, qu'il occupa de 338 à 342, Julien l'y suivit. Il y vécut, nous dit Sozomène, dans un milieu tout ecclésiastique[70]. Si c'est durant cette période qu'il fut baptisé, il reçut d'Eusèbe l'enseignement doctrinal que l'évêque donnait alors lui-même aux catéchumènes, et lui dut sa première formation chrétienne. Mais Julien ne nous a pas dit si le baptême lui fut conféré à Nicomédie, à Constantinople, ou si le sacrement lui avait déjà été administré avant qu'il passât sous la direction d'Eusèbe. On ne peut donc mesurer exactement la part de l'ami d'Arius dans son éducation religieuse. On sait seulement que cette part fut réelle, et que Julien reçut près de lui, soit la première initiation aux dogmes et aux pratiques du christianisme, soit des leçons complémentaires de littérature sacrée[71]. Et il n'est pas défendu de se demander quelle influence eut sur ses sentiments un séjour forcé pendant cinq années chez ce prélat de cour, occupé de mots plus que d'idées, de formulaires plus que de foi, de disputes sur la religion plutôt que de la religion elle-même. Julien le vit de tout près pendant cette dernière partie de sa longue carrière, alors qu'il travaillait soit à imposer aux dissidents sa présence sur le siège de Constantinople malgré les canons, soit à rassembler des synodes et des conciles en vue d'obtenir la condamnation de saint Athanase. Qui dira si ce n'est pas alors que se formèrent dans l'esprit naturellement aigri et soupçonneux de l'élève les premières préventions contre le christianisme, représenté à ses yeux par des hommes de foi suspecte et de conduite tortueuse ? On sait quelle est, à cet égard, la logique terrible des enfants. Malheureusement, sur ce sujet si intéressant, Julien ne nous a laissé aucun détail. Si l'on ne l'avait appris par d'autres[72], on ignorerait même qu'il ait été baptisé. Julien a toujours soin de parler le moins possible de la phase chrétienne de sa vie. Vouons ces ténèbres à l'oubli, dit-il quelque part[73].

Mais s'il se montre si discret sur son éducation religieuse, que sans Ammien Marcellin nous ne saurions même pas ses rapports avec Eusèbe de Nicomédie, en revanche il ne cesse de parler de son précepteur Mardonius. Celui-ci est le vrai maître de sa pensée et de son cœur. On s'est demandé si Mardonius était chrétien. A cette question Julien seul pourrait répondre, et nous savons, en ces matières, l'étendue de sa discrétion. Mais, quelles que fussent les croyances personnelles de Mardonius, on connaît assez par les confidences de son disciple sa méthode d'éducation pour la juger toute païenne, ou au moins toute rationaliste. Elle est si bien liée en ses diverses parties, la littérature et la philosophie s'y enchaînent si étroitement, qu'on ne voit pas quelle place pourrait y être laissée à l'idée chrétienne. Il semble donc que Julien ait reçu à la fois deux éducations différentes, juxtaposées l'une à l'autre sans se toucher. Eusèbe ou les prêtres de son entourage le formaient aux saintes lettres[74]. Mardonius l'initiait aux lettres antiques. Rien ne montre que celui-ci ait cherché le point de contact qui aurait permis aux deux enseignements de se rejoindre. Tout indique, au contraire, qu'il maintint entre eux une sorte de cloison étanche. On ne voit pas qu'il ait jamais pensé à tremper d'Évangile la philosophie. Cela cependant était possible. Dans l'enseignement public, beaucoup de maîtres chrétiens le faisaient[75]. Ils enseignaient à leurs élèves, comme l'écrira saint Basile, la manière de lire avec fruit les ouvrages des Gentils. Ils montraient comment ceux-ci, interprétés dans un esprit chrétien, cessaient d'être un péril et devenaient au contraire des auxiliaires pour la foi[76]. Mardonius ne vit pas ou ne voulut pas voir cette conciliation facile des deux enseignements. En enseignant les lettres grecques, il resta tout Grec, et n'exprima que des idées contemporaines des poètes qu'il commentait ; en initiant plus tard son élève aux doctrines philosophiques, il s'abstint de regarder plus loin que n'avaient vu les philosophes. Il laissa ainsi subsister, ou contribua à établir, dans la direction intellectuelle et morale donnée à Julien un périlleux dualisme, qui ouvrira devant sa pensée des routes divergentes, et semblera l'inviter à choisir un jour entre elles.

Quand on parcourt avec attention les écrits de Julien, on se rend aisément compte de la manière dont fut conduite son éducation littéraire. Le maitre étudie avec lui les poètes : mais les poètes eux-mêmes sont divisés en deux catégories. Le plus grand nombre est lu rapidement, pour connaître leurs noms et prendre une teinture de leurs œuvres. D'eux à peu près rien ne demeurera dans la mémoire et dans les affections de Julien. Lui qui reproduit sans cesse, avec une monotonie fatigante, des passages du petit nombre d'auteurs dont il est vraiment nourri, il cite les autres très rarement et sans insister : deux fois Pindare, une ou deux fois Sophocle, deux ou trois fois Euripide ; autant Aristophane, Simonide, Sapho, Anacréon, Théocrite, Behring : plusieurs sont seulement nommés en passant. Il ne s'est point assimilé toute cette littérature : elle n'est point entrée dans sa substance. Tout au contraire d'Homère et d'Hésiode. Ceux-ci deviendront comme le tissu de son œuvre écrite. Leurs vers plaqués à toutes les pages, à propos ou hors de propos, les émailleront de fleurs sans cesse renaissantes. Ils tiendront dans ses lettres ou ses discours la place que la Bible occupe dans ceux de ses contemporains Basile ou Grégoire de Nazianze. On sent que leurs poèmes ne lui ont pas été présentés seulement comme des livres classiques, mais presque comme des livres inspirés. Il en appellera à leur autorité, à leur doctrine, à leur morale, comme les docteurs ou les sermonnaires chrétiens en appellent à l'Écriture sainte. Par eux son âme est devenue toute grecque, et disposée à recevoir, avec une docilité entière, les leçons de la sagesse représentée par les philosophes. Quand on a si complètement cru en l'auteur de l'Iliade ou de l'Odyssée, ou en celui des Travaux et des Jours, on croira sans peine, plus tard, en Platon et en Aristote.

Les lettres, en effet, ne sont pour l'éducateur de Julien que le vestibule de la philosophie. Elles ont pour mission de conduire à celle-ci. En lui faisant lire les poètes, Mardonius prépare l'esprit de son disciple à de plus austères travaux. Julien le laisse entendre d'un mot : Tu n'as pas eu, comme moi, le bonheur d'être guidé dans l'étude des lettres par un excellent philosophe[77], écrit-il à Héraclius ; et plus loin : J'arrivai ainsi sur ses pas au seuil de la philosophie[78]. Avant que l'âge permette à Julien de comprendre les livres des philosophes, son habile maitre en donne comme un avant-goût à son imagination, en l'accoutumant à regarder l'Iliade et l'Odyssée comme des traités de morale et à y chercher des règles de conduite. Essayé sur une nature moins soumise, ce procédé n'eût peut-être pas eu de succès. Avec Julien, il réussit d'une manière étonnante. En voici un curieux exemple.

Dans son enfance, Julien partageait l'amour de ses contemporains pour les spectacles. Son précepteur s'en inquiéta. Il n'essaya pas de le corriger par les arguments dont se servaient depuis trois siècles les moralistes chrétiens. On ne le vit pas faire appel à l'amour de la vertu pour détourner Julien des représentations licencieuses, ou au sentiment de la fraternité humaine pour l'écarter des jeux sanglants. L'accent ému d'un Tertullien ou d'un Cyprien, plus tard d'un Augustin ou d'un Chrysostome, parlant au nom du Dieu de pureté et de miséricorde, ne se rencontra pas sur ses lèvres. A un ordre d'idées tout différent le maitre de Julien emprunta ses leçons. Bien souvent, raconte celui-ci[79], quand je n'étais encore qu'un enfant[80], mon précepteur me disait : Ne te laisse pas entraîner par la foule de tes camarades au plaisir du théâtre et au goût des spectacles. Veux-tu voir des courses de chars ? Il y en a dans Homère, qui sont merveilleusement décrites[81]. Prends le livre, et lis. On te parle de danseurs et de pantomimes ? Laisse-les de côté : la jeunesse phénicienne a des danses plus viriles[82]. Là aussi tu as le joueur de lyre Phémios, le chanteur Démodocos. De même tu trouveras chez Homère une foule d'arbres plus beaux que ceux des décors. Rappelle-toi ces vers : A Délos, près de l'autel d'Apollon, j'ai vu croître une jeune tige de palmier[83]. Et l'île boisée de Calypso ! et les grottes de Circé ! et les jardins d'Alcinoüs ! Crois-moi, tu ne verras rien d'aussi charmant. Tels sont les arguments qui, souvent répétés[84], nous dit Julien, lui firent perdre le goût des représentations dramatiques. Il y renonça pour l'amour du grec, et se contenta d'un spectacle dans un fauteuil, avec l'Iliade ou l'Odyssée sous les yeux. Ainsi persuadé par Mardonius et par Homère, il n'alla plus, pendant sa jeunesse, que trois ou quatre fois au théâtre, et encore pour obéir à un ordre de Constance[85].

A en juger par les citations que renferment ses écrits, les noms des poètes étudiés par Julien sous la direction de Mardonius appartiennent tous à la littérature grecque. Pas une fois il ne nomme un latin. Virgile même n'est pas cité par lui. Il serait téméraire de dire qu'il ne l'a pas lu : mais manifestement l'étude du pins grand des poètes latins, comme en général celle de la littérature latine, n'a joué aucun rôle dans son éducation. On doit rechercher les causes de cette lacune, qui ne fut pas sans effet sur les idées et même sur la conduite future de Julien.

A Rome, et dans tout l'Occident, une éducation complète comprenait également les deux littératures. Dès le temps d'Auguste, et même auparavant, les écoliers latins étudiaient Homère, Hésiode, les lyriques et les tragiques grecs, à côté des vieux latins, Ennius, Livius Andronicus, Plaute et Térence, auxquels vinrent bientôt s'adjoindre Virgile, Ovide, Stace, Lucain[86]. Au IVe siècle, la rhétorique grecque excitait encore tant d'enthousiasme à Rome, que le Sénat élevait une statue au rhéteur athénien Prohaeresius, roi de l'éloquence[87]. Les lettres grecques n'avaient pas moins de disciples en province. Marseille était, au premier siècle de notre ère, un foyer de rhétorique et de philosophie grecques[88]. Au IIIe siècle, on voit encore un Athénien professeur à l'école d'Autun[89]. Les poètes grecs sont, au IVe siècle, étudiés dans les écoles africaines. Racontant ses souvenirs d'enfance, saint Augustin dit que Virgile le ravissait, qu'il aimait à contempler dans ses vers le cheval de bois rempli de guerriers, l'incendie de Troie, l'ombre de Creuse, qu'il pleurait sur Didon morte de l'amour d'Énée, mais que par contre il lisait Homère avec ennui[90]. Il le lisait cependant, et s'il n'en profitait pas mieux, c'est que, comme il le confesse, il était mauvais écolier. Je crois bien, dit-il, qu'il en est ainsi de Virgile pour les jeunes Grecs, contraints de l'apprendre avec autant de difficulté que j'apprenais leur poète[91].

L'hypothèse pourrait être inexacte ; car les faits montrent que si les lettres grecques étaient partout étudiées en Occident, les lettres latines l'étaient peu ou point en Orient[92]. Le plus érudit des Grecs, au te siècle, est probablement Eusèbe de Césarée. Celui-ci, qui rassemblait de toutes parts les matériaux de ses ouvrages, et portait dans toutes les directions une curiosité presque universelle, avait à sa disposition, à Césarée et à Jérusalem, deux des plus riches bibliothèques de son temps. Il suffit cependant de parcourir son œuvre pour voir combien sa connaissance des sources latines était bornée. Il cite une lettre de Pline le Jeune ; mais il ne l'a pas lue dans l'original, et il en emprunte le résumé à l'Apologétique de Tertullien. De ce dernier docteur, qu'il croit Romain, il connaît ce seul livre, et encore d'après une traduction grecque, où il y a des contresens[93]. Quand de telles lacunes se rencontrent chez un savant tel qu'Eusèbe, on ne s'étonnera pas de voir parmi ses contemporains et ses compatriotes beaucoup de prélats qui n'entendent même pas la langue latine. Prononçant en latin le discours d'inauguration du concile de Nicée, Constantin a près de lui un interprète, chargé de répéter ses paroles en grec[94].

Chrétiens ou païens, les Grecs se considéraient comme les éducateurs des Latins et se résignaient difficilement à se faire leurs disciples. Il leur semblait de bon goût de se suffire à eux-mêmes, sans emprunter des leçons ou des exemples à une littérature qu'ils regardaient comme dérivée et dont ils méconnaissaient l'originalité propre. On trouve dans un discours du rhéteur athénien Himère[95] le tableau de l'éducation reçue par Hermogène, qui fut proconsul d'Achaïe entre 356 et 359 : elle parait, comme celle de Julien, avoir été exclusivement grecque. Hermogène ne tonnait que Platon ou Aristote, Zénon ou Démocrite : il ignore qu'il y eut aussi des philosophes romains. Cicéron restera inconnu, même comme orateur, à Julien, qui ne citera que Démosthène. Mais ce qui surprend le plus, c'est de voir Julien ignorer les historiens latins. Fréquents sont, dans ses écrits, les renvois à Hérodote, à Xénophon, à Thucydide, à Plutarque : pas un mot ne marque qu'il pense jamais à Tite-Live, à Salluste ou à Tacite. Les allusions à l'histoire grecque abondent sous sa plume, les allusions au passé de Rouie y sont très rares, et quand, par hasard, on en rencontre quelqu'une, on s'aperçoit tout de suite que c'est à un Grec, presque toujours à Plutarque, qu'il l'a empruntée. Une seule fois, il paraîtra s'occuper un peu longuement de l'histoire romaine[96], mais ce sera pour faire la satire de ses prédécesseurs et donner le premier rang à Marc-Aurèle, le plus Grec par l'esprit.

L'ignorance où fut laissé Julien des historiens et des orateurs du monde latin serait plus surprenante que tout le reste, s'il avait été élevé en prince destiné à avoir part un jour au gouvernement. Mais, pendant une partie au moins de ses études, de telles pensées d'avenir étaient bien loin de son esprit et de celui de son précepteur. On croyait l'élever pour la vie privée[97]. Cependant sommes-nous sûrs que même la connaissance de son avenir eût porté ses maîtres à faire entrer dans son éducation une plus forte dose d'esprit latin ? On en doute quand on voit, à l'époque où la carrière impériale s'ouvrit toute grande devant lui, le célèbre orateur Thémistius, l'encourageant à passer de sa retraite philosophique au plein soleil, lui recommander pour modèles un Solon, un Lycurgue, un Pittacus, sans songer aux exemples non moins illustres et plus appropriés à ses destinées que lui eût offerts en foule l'histoire romaine[98]. Tous ceux qui exercèrent une influence sur la jeunesse de Julien paraissent avoir eu pour la culture littéraire et scientifique des Occidentaux le dédain qu'il exprimera lui-même un jour, accordant à une petite élite d'entre eux un seul don, le talent de la parole, et leur refusant à, peu près tout le reste. Ainsi Julien, Latin par toutes ses origines de famille, deviendra tout Grec par son éducation.

 

III. — Le séjour à Macellum.

Julien avait apparemment douze ou treize ans quand un ordre de l'empereur modifia brusquement les circonstances extérieures de son éducation. La mort d'Eusèbe de Nicomédie est de 342. Il est probable que Constance, qui n'avait rien redouté de Julien et l'avait laissé suivre librement ses études à Constantinople tant qu'Eusèbe avait vécu, s'inquiéta en cessant d'avoir pour l'avenir un aussi sûr répondant de la conduite du jeune homme. Rappelant tout à coup Gallus, qui étudiait à Éphèse, et dont les dix-sept ans lui donnaient peut-être encore plus d'ombrage, il réunit les deux frères et les interna, vers 343 ou 344, dans le domaine impérial de Macellum, en Cappadoce.

Julien a gardé un mauvais souvenir des sept ou huit années qu'il passa dans ce lieu. Il représente lui et son frère détenus dans une propriété étrangère, ou plutôt gardés à vue comme dans une prison chez les Perses. Il se plaint de l'isolement dans lequel se passait leur vie, sans aucune communication avec les gens du dehors ou avec ceux qui leur étaient depuis longtemps connus. Il déclare qu'on ne laissait approcher d'eux aucun compagnon de leur âge et qu'on les réduisait à la seule société de leurs esclaves. Il affirme, enfin, que tous deux vécurent pendant cette longue période de temps sevrés de toute étude sérieuse. Ces paroles, qui sont tirées d'un de ses écrits les plus remplis d'amertume, la lettre aux Athéniens, renferment apparemment beaucoup d'exagération, et leur exactitude a besoin d'être contrôlée.

Sans doute Julien et Gallus, transportés soudain, l'un d'une capitale comme Constantinople, l'autre d'une ville aussi brillante et aussi animée qu'Éphèse, dans un château isolé de l'âpre et montagneuse Cappadoce, durent souffrir du contraste. Les Cappadociens avaient mauvaise réputation. On leur prêtait des instincts bas et serviles[99]. De fait, la Cappadoce était l'un des grands marchés d'esclaves du monde romain[100]. Ses habitants restèrent longtemps de demi-barbares. A en croire Mommsen, ils s'essayaient à parler le grec d'Athènes ou de Constantinople à peu près comme les Poméraniens du temps du grand Frédéric s'efforçaient de parler la langue de Versailles[101]. C'était le même accent guttural et la même lourdeur d'imitation[102]. Peut-être ce jugement n'est-il plus tout à fait vrai pour le IVe siècle : la province qui produisit alors Basile, Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, parait avoir été capable de s'assimiler la culture grecque. Mais un délicat comme Julien devait être sensible aux moindres dissonances. Il ne put s'acclimater sans peine dans un milieu si peu semblable à celui où il avait été élevé. Ajoutons que la transition ne fut pas ménagée. La présence de l'ami qui l'eût aidé à supporter ce grand changement lui avait été d'abord enlevée. Il parait avoir été emmené en Cappadoce sans son précepteur Mardonius. A cette séparation se rapporte probablement une phrase de la Consolation à Salluste, où Julien parle de la douleur qu'il éprouva en laissant pour la première fois à la maison le guide de son enfance[103]. Mais la séparation ne fut pas de longue durée. Si sevré qu'il prétende avoir été de ses chères études, Julien laisse lui-même entendre qu'il les reprit bientôt avec Mardonius[104]. Le pédagogue rejoignit donc son élève à Macellum.

Ce domaine impérial ne ressemblait guère à une prison. Ses jardins et ses édifices s'étendaient au pied du mont Argée (l'Arghi Dagh), dans un site qui, aux anciens, moins émus que nous des beautés romantiques de la nature, pouvait paraître sauvage, mais qui était plein de grandeur et de poésie. Là s'élevait un magnifique palais, avec des bains, des parterres, des fontaines toujours jaillissantes[105]. Dans ce cadre digne de leur naissance, les deux jeunes gens menèrent grand train de maison[106]. Sozomène parle de la munificence royale qui assura leur entretien. Julien lui-même nous apprend qu'un grand nombre de domestiques étaient attachés à leur service[107]. D'après Sozomène, des professeurs de littérature furent chargés de continuer leur éducation[108]. Si ceux-ci venaient de la ville la plus voisine, Césarée de Cappadoce, peut-être ne rappelaient-ils qu'imparfaitement les brillants rhéteurs de Constantinople ou d'Éphèse[109]. Mais Julien avait repris ses études avec Mardonius.

Celui-ci, jugeant la préparation littéraire terminée, lançait maintenant son élève à pleines voiles dans la philosophie. Après ma première éducation, raconte Julien, je fus dirigé, jeune homme, vers l'étude de Platon et d'Aristote[110]. C'est bien Mardonius qui lui servit de guide. Vous n'êtes pas sans avoir entendu quelquefois, — écrit-il d'un ton railleur aux habitants d'Antioche, — certains noms dont se rit la comédie, un Platon, un Socrate, un Aristote, un Théophraste. Ce vieillard s'y était laissé naïvement prendre, et, me trouvant jeune, ami des lettres, me persuada que, en me faisant sans réserve leur disciple, je deviendrais meilleur[111]. On aperçoit ici, à la louange de Mardonius, la préoccupation morale qui parait ne l'avoir jamais quitté. Il avait naguère fait intervenir Homère pour combattre chez son élève des goûts qu'il jugeait dangereux : maintenant c'est à la philosophie qu'il demande les moyens de le rendre meilleur. Mardonius lisait avec lui les Lois de Platon et attirait son attention sur des passages tels que celui-ci, que cite Julien comme résumant les enseignements de son maitre : Honorable est l'homme qui ne commet aucune injustice ! Mais celui qui détourne les autres d'un acte injuste mérite deux fois autant et plus d'honneurs que le premier. L'un n'est juste que pour un seul, et l'autre l'est pour un grand nombre, en révélant l'injustice des autres aux magistrats. Quant à celui qui s'unit aux magistrats pour châtier de tout son pouvoir les méchants, c'est un grand homme, un homme accompli, qui mérite la palme de la vertu. Et cet honneur qu'on doit rendre à la justice, je l'applique également à la tempérance, à la prudence, à tontes les vertus qu'on peut non seulement posséder par soi-même, mais encore communiquer aux autres[112]. Voilà, continue Julien, ce que m'enseignait mon précepteur, croyant que je resterais simple citoyen[113]. Cet enseignement, on en conviendra, ne manque pas de virilité. Mais si, comme tout le fait croire, il fut donné à Julien dans les longs entretiens de Macellum, on reconnaîtra aussi que, visant surtout la vie publique, il ne suppose pas, chez l'instituteur, la pensée que Julien fuit destiné à rester toujours interné en Cappadoce.

Le séjour dans cette province ne fut donc point perdu pour Julien. Lui-même attribue son perfectionnement moral à l'étude de la philosophie poursuivie pendant cette période : il remercie les dieux de lui en avoir ménagé le bienfait[114]. Mais il tait soigneusement une autre étude, à laquelle il se livra à la même époque. S'il reçut, pendant son séjour à Nicomédie et à Constantinople, les éléments de la doctrine chrétienne, ce ne fut point alors qu'il acquit d'elle une connaissance étendue. Cette connaissance, cependant, parait dans un des écrits de Julien[115]. Non qu'il s'y montre théologien : il semble bien, au contraire, que la moelle même du christianisme ne fut jamais absorbée par lui, et que ni son intelligence ni son cœur ne s'en laissèrent complètement pénétrer. Mais il devint familier avec les livres saints. La Bible et l'Évangile furent pour Julien l'objet d'une sérieuse étude. De l'Ancien Testament, il connaît au moins la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, les Rois, Isaïe ; du Nouveau, les Évangiles de saint Matthieu, saint Luc, saint Jean, les épares de saint Paul, les Actes des apôtres[116]. Il semble bien les avoir étudiés pendant son séjour à Macellum. On ne peut guère trouver dans sa vie une autre époque où il ait pu le faire. Avant Macellum, il était trop jeune ; après, sa carrière fut trop agitée. On le voit, pendant son séjour en Cappadoce, en rapports avec de nombreux ecclésiastiques[117]. L'un d'eux possédait une très riche bibliothèque composée d'ouvrages de rhétorique et de philosophie, et comprenant aussi beaucoup de livres sur la religion chrétienne. On sait, par une lettre de Julien, que ce prêtre lui prêta ses manuscrits : Julien en copia quelques-uns, et les lut presque tous. La même lettre montre qu'il avait gardé un vif souvenir de ceux qui avaient trait au christianisme[118].

On se demande avec curiosité dans quel esprit il les lut. Quand on voit le parti que Julien tira de l'Ancien et du Nouveau Testament dans sa polémique contre les chrétiens, il est aisé de se rendre compte de l'espèce de répulsion instinctive que les Livres saints durent lui inspirer de tout temps, alors même qu'ils étaient encore à ses yeux des Livres saints. Rien ne montre qu'il en ait, à aucune époque, subi le charme. Il n'aura, en les touchant plus tard, aucun de ces gestes caressants qui se rencontrent si souvent chez ceux mêmes qui ont apostasié les croyances de leur jeunesse. La tendresse empreinte de mélancolie, qui revient quelquefois à Renan devant la figure de Jésus, est étrangère à Julien. Probablement, à l'époque où il était encore de nom pariai les fidèles, la personne du fondateur du christianisme ne touchait point son cœur. Il l'avait adoré sans émotion, comme il le quitta sans regret. Sa connaissance des Livres saints fut donc, selon l'heureuse expression d'un de ses biographes[119], une connaissance verbale, s'arrêtant à l'écorce, n'atteignant pas le fond. Quand il les disséquera, plus tard, sa main ne tremblera pas, comme s'il opérait sur des cadavres aimés. Peut-être cette sécheresse est-elle imputable à ceux qui furent les instruments de sa seconde éducation religieuse. Les théologiens de l'arianisme ne sont pas tendres. Ce sont avant tout des disputeurs. Les Écritures leur fournissent des textes, plutôt qu'elles ne leur livrent une adorable et vivante réalité. On ne peut douter que les prêtres autorisés par Constance à fréquenter Macellum aient été des ariens. Cela est au moins certain pour celui dont la bibliothèque fut à Julien d'un si grand secours. C'était un aventurier ecclésiastique, nommé Georges. Né en Cilicie, d'une famille obscure, car son père parait avoir été un affranchi, il avait débuté comme fournisseur de viande de porc aux armées, puis était entré dans le clergé. Il était attaché à quelque église de la Cappadoce, quand il connut Julien. Arien déclaré et, selon l'expression de saint Grégoire de Nazianze, l'homme de main du parti, il sera élevé, en 356, au siège épiscopal d'Alexandrie, pendant l'un des exils d'Athanase, et intronisé de force par les soldats. Après sa mort tragique en 361, Julien, devenu empereur, commandera au préfet d'Égypte de s'emparer de sa bibliothèque : il exprimera en même temps le désir de faire disparaître les nombreux volumes sur la doctrine impie des Galiléens qu'il connaissait pour les avoir empruntés à Georges, et peut-être lus sous sa direction, quand tous deux habitaient la Cappadoce.

Sur l'éducation donnée à Julien et à, son frère dans le château de Macellum, Grégoire de Nazianze et, probablement d'après lui, Sozomène ont écrit de curieuses pages. On nous dit d'abord que Julien et Gallus y reçurent les leçons de maîtres des lettres humaines et de docteurs des Écritures sacrées[120]. Mais Grégoire ajoute un détail, qui montre jusqu'où fut poussée pour eux l'étude de ces Écritures. Ils en furent assez instruits, dit-il, pour être inscrits dans le clergé et lire au peuple les livres ecclésiastiques[121]. Cela veut dire apparemment qu'ils furent élevés au grade de lecteur. Bien que le fait semble, à première vue, assez surprenant, il est difficile de le mettre en doute. Un renseignement de ce genre ne s'invente pas. L'ordre des lecteurs était alors conféré à de tout jeunes gens, et formait l'un des degrés inférieurs de la hiérarchie cléricale. Probablement l'évêque de Césarée[122], qui était la ville la plus proche de Macellum, fit à Julien la remise du livre des Évangiles, cérémonie principale de l'ordination du lecteur[123], et Julien, debout à l'ambon, lut à certains jours dans l'église quelques versets du livre sacré[124]. Comme dans les églises de quelque importance les lecteurs étaient ordinairement fort nombreux, le service ne devait pas être très pénible, et il est probable que le tour de chacun ne revenait pas souvent. Rien n'indique que Julien se soit acquitté de cet office à contrecœur. Sozomène loue la piété qu'il montrait à cette époque. Peut-être était-elle encore sincère, bien qu'apparemment elle fût sèche et sans profondeur. Julien n'ignorait pas d'ailleurs que la meilleure manière de faire sa cour à Constance était de se prêter de bonne grâce à ces démonstrations religieuses. L'enrôlement dans les rangs inférieurs du clergé n'entraînait aucun engagement de nature à faire obstacle, dans l'avenir, aux ambitions dont le jeune prince pouvait encore se flatter : d'autre part, rien n'était plus capable de rassurer l'empereur contre ces ambitions mêmes, et de défendre Julien et Gallus des périls qui les menaçaient.

Au reste, tout dans leur conduite marquait une véritable ferveur, et pour Gallus au moins on peut assurer qu'elle n'était pas feinte. La solitude relative qu'il trouvait à Macellum avait laissé à son caractère quelque chose d'âpre et de sauvage[125] : l'amour des lettres ou de la philosophie ne corrigeait pas chez lui les duretés imputables à son éducation montagnarde[126] ; ce que présentait de fruste ce milieu cappadocien où s'écoulèrent plusieurs années de sa vie demeura en lui comme une seconde nature. Mais, tout d'une pièce, étranger aux nuances changeantes dont se revêtait à chaque instant l'esprit de son frère, Gallus, au milieu de défauts qui allaient grandissant, garda intacte la foi naïve de sa jeunesse. On le verra plus tard essayer de retenir Julien au moment où celui-ci accomplissait sa funeste évolution religieuse. Comme Gallus était de six ans son aîné, on peut croire que ce fut lui qui guida son frère aux visites d'églises et aux pèlerinages vers les tombeaux des martyrs qu'ils accomplissaient fréquemment ensemble. C'est peut-être pour effacer le souvenir de ces courses de sa jeunesse que Julien qualifiera si souvent le christianisme d'adoration des morts, de religion des tombeaux, et se montrera si animé contre les sanctuaires des martyrs[127]. Mais, au temps où nous sommes, il rivalisait avec Gallus d'honneurs pour ceux-ci. Déjà cependant quelques différences semblaient apparaître dans la piété des deux frères. L'œil malicieux des serviteurs ou des gens du peuple, à qui rien n'échappe des moindres particularités des princes, ne manquait pas d'en faire la remarque. On rapporte que, dans les controverses que, pour s'exercer à la parole, ils avaient ensemble, Julien prenait toujours contre son frère la défense de la religion païenne, sous prétexte que, sa cause étant moins bonne, il y avait plus de profit à plaider pour elle[128]. On raconte encore que Gallus et Julien commencèrent à frais communs la construction d'une basilique sur la tombe d'un martyr célèbre de Césarée, saint Mamas. Il se trouva que les pans de muraille élevés par les maçons de Julien tombaient toujours, tandis que la partie entreprise par Gallus s'achevait sans encombre. La superstition populaire en conclut, dit-on, que la religion de l'un était plus solide et plus sincère que celle de l'autre. Peut-être la rudesse même de l'inculte Gallus paraissait-elle une garantie de cette sincérité, tandis que l'application de Julien aux lettres antiques donnait au vulgaire ignorant des doutes sur sa foi. Mais peut-être aussi ces réflexions ne furent-elles faites qu'après coup, bien des années plus tard. On croirait même, si Sozomène était seul à la raconter, que l'anecdote tout entière n'est qu'une légende symbolique, ingénieusement inventée par l'imagination du peuple ; mais saint Grégoire de Nazianze, un contemporain, un habitant de la province, en avait fait avant lui le récit, qu'il tient, dit-il, de témoins oculaires[129].

Parmi les serviteurs qui entouraient Julien et Gallus, et leur formaient un vrai train de princes, on trouve plusieurs eunuques détachés de la cour de Constance et investis de la confiance de celui-ci[130]. Un mot d'ordre leur avait été donné. Ils devaient effacer autant que possible, dans l'esprit des jeunes hôtes de Macellum, tout souvenir amer de la catastrophe qui avait assombri leur enfance. L'empereur, répétaient-ils, avait alors agi par surprise. La mort de Jules Constance et des autres membres de la famille était due à la violence des soldats ; seule devait en être responsable la pression exercée par leurs hordes remuantes et indisciplinées[131]. Peut-être ces insinuations eurent-elles pour objet de préparer les deux frères à une prochaine entrevue avec Constance. Celui-ci fit en 347 un voyage en Asie Mineure. On signale son passage à Ancyre, en Galatie[132], et à Hiérapolis, en Syrie[133]. Pour aller de l'une à l'autre province, il traversa nécessairement la Cappadoce. C'est alors qu'il s'arrêta à Macellum. Je l'avais vu une seule fois, en Cappadoce, écrira un jour Julien, racontant aux Athéniens l'histoire de sa jeunesse[134]. Il ne donne aucun détail sur cette entrevue. Julien alors avait seize ans et Gallus vingt-deux.

 

 

 



[1] Sur la date de la naissance de Julien, voir Tillemont, Histoire des empereurs, t. IV, p. 693 ; Schwarz, De vita et scriptis Juliani imp., p. 16 ; Goyau, Chronologie de l'Empire romain, p. 420. Cette date se déduit de la comparaison entre Ammien Marcellin, XXV, 8 et 5, la lettre 51 de Julien, et Aurelius Victor, Épitomé, 42. Les historiens qui, voulant préciser davantage, ont placé au 6 novembre la naissance de Julien, l'ont fait pour avoir mal interprété Silvius, qui indique à ce jour le natalis Juliani (Corpus inscr. lat., t. I, p. 379), par allusion non à sa naissance, mais à son élévation au rang de César.

[2] Libanius, Oratio II. — Cf. Lactance, De mort. pers., 24 ; Eusèbe, De vita Const., I, 21 ; Eumène, Paneg., 5, 9 ; Julien, Oratio I, 6.

[3] Libanius, Oratio X.

[4] Ausone, Profess., 7.

[5] Julien, Fragm., 5 ; cf. Libanius, Orat. IX.

[6] Πανέργου μητρυιάς. Libanius, l. c.

[7] Eusèbe (De vita Const., III, 4), dont le témoignage en ceci doit être préféré à celui de Théodoret (Hist. ecclés., I, 18), dit que sainte Hélène ne se convertit au christianisme qu'après son fils.

[8] Libanius, Oratio XIV.

[9] Voir Tillemont, Hist. des empereurs, t. IV, p. 251 et 287.

[10] Saint Athanase, Apologie, 2.

[11] Zosime, II, 39 ; cf. Code Théodosien, XIII, 1, 21.

[12] Ammien Marcellin, XIV, 11.

[13] Libanius, Oratio X.

[14] Tillemont, Hist. des empereurs, t. 1V, p. 483 ; Wordsworth, art. Julianus, dans Dict. of christian biography, t. III, p. 492 ; Gardner, Julian philosopher and emperor, p. 26.

[15] Symmaque, Ép., I, 2.

[16] Seek, Symmachus, p. XCII.

[17] Libanius, Oratio X.

[18] Seek, Symmachus, p. CLXXVI-CLXXVII.

[19] J. Capitolin, Albinus, 4, 13.

[20] Corpus inscr. lat., t. VII, 1159.

[21] Passio S. Theodoriti presbyteri, 1, dans Ruinant, Acta martyrum sincera, p. 658 ; Philostorge, VII, 10. Cf. Tillemont, Mém. pour servir à l'hist. ecclés., t. VII, p. 755, notes XXVII et XXIX sur la persécution de Julien.

[22] Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[23] Palladius, Vita S. Joannis Chrysostomi.

[24] Ammien Marcellin, XXII, 9.

[25] Saint Athanase, Ad solit. Cf. Tillemont, Mémoires, t. VI, p. 279.

[26] Voir Wallon, Hist. de l'esclavage dans l'antiquité, t. III, p. 223 et suiv.

[27] Voir Boissier, la Religion romaine d'Auguste aux Antonins, t. II, p. 376.

[28] Pline, Nat. Hist., VII, 40.

[29] Sénèque, De Benef., III, 21.

[30] Julien, Misopogon, 4.

[31] Boèce, Comment. in Aristot. Περί Έρμήν.

[32] Corpus inscr. lat., t. II, 1708.

[33] Κόρη καί νέα. Julien, Misopogon, 14 (Hertlein, p. 454).

[34] Julien, Ép. 46.

[35] Eusèbe, De vita Const., IV, 49 ; Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[36] Voir Beugnot, Hist. de la devin du paganisme en Occident, t. I, p. 135, et, dans une moindre mesure, A. de Broglie, L'Église et l'Empire romain au IVe siècle, t. III, p. 8.

[37] Voir la lettre de Constantin au vicaire d'Afrique (à la suite du tome IX des Œuvres de saint Augustin, éd. Gaume, p. 1082).

[38] Eunape, Vitæ soph., Edesius ; Zosime, II, 40.

[39] Eusèbe, De vita Const., IV, 68.

[40] Eutrope, Brev., X, 9.

[41] Socrate, Hist. ecclés., II, 25.

[42] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 21.

[43] Aurelius Victor, Épitomé.

[44] Saint Jérôme, Chron.

[45] Zosime, II, 10.

[46] Ammien Marcellin, XXI, 18.

[47] Saint Athanase, Hist. arian. ad monachos, 69.

[48] Julien, Oratio I, 17.

[49] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 3.

[50] Socrate, Hist. ecclés., III, 1.

[51] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV,  21. Peut-être Julien lui-même fait-il allusion à ce fait, Oratio III, 13.

[52] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 19.

[53] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 19.

[54] Passio S. Theodoriii Ancyrani, 6, dans Ruinart, p. 655.

[55] Voir Code Théodosien, IX, XLV.

[56] Julien, Oratio VII, contre le cynique Héraclius, 19.

[57] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 5.

[58] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 5.

[59] Julien, Ép. 45. Cf. Oratio III, 13, et Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.

[60] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 5.

[61] Julien, Fragm. d'une lettre à un pontife, 3.

[62] Julien, Oratio VII, contre le cynique Héraclius, 18.

[63] Socrate, Hist. ecclés., III, 1.

[64] Socrate, Hist. ecclés., III, 1.

[65] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 5.

[66] Φυγήν. Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 3 (Hertlein, p. 349).

[67] Julien, Misopogon, 14.

[68] Ammien Marcellin, XXII, 9.

[69] Julien, Ép. 48.

[70] Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[71] Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[72] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 52 ; Socrate, Hist. ecclés., III, 1 ; Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[73] Julien, Oratio IV, sur le Roi Soleil, 2.

[74] Sozomène, V, 2.

[75] Julien, Ép. 42.

[76] Cf. saint Basile, Hom. XXII.

[77] Julien, Oratio VII, contre le cynique Héraclius.

[78] Julien, Oratio VII, contre le cynique Héraclius.

[79] Julien, Misopogon, 14.

[80] Έπι παιδαρίω κομιδή (Hertlein, p. 453).

[81] Iliade, XXI.

[82] Odyssée, VIII.

[83] Odyssée, VI, 182.

[84] Παλλάκις.

[85] Julien, Misopogon, 14.

[86] Voir Émile Jullien, les Professeurs de littérature dans l'ancienne Rome et leur enseignement depuis l'origine jusqu'à la mort d'Auguste, p. 202-209.

[87] Eunape, Vitæ sophist., Prohaeres. — Saint Jean Chrysostome exagère probablement, quand il se plaint du mépris que les Romains avaient pour la langue grecque, si admirable et si belle. In Ép. II ad Timoth., Homil. IV, 3.

[88] Strabon, Geogr., IV, 1, 5.

[89] Voir Petit de Julleville, Hist. de la Grèce sous la domination romaine, p. 345.

[90] Saint Augustin, Confessions, I, 18.

[91] Saint Augustin, Confessions, I, 14.

[92] Voir Egger, De l'étude de la langue latine chez les Grecs dans l'antiquité, dans Mélanges d'histoire ancienne et de philologie, p. 259-278.

[93] Voir Lightfoot, Eusebius of Cæsarea, dans Dict. of christian biography, t. II, p. 324.

[94] Eusèbe, De vita Const., III, 12.

[95] Himère, Oratio XIV.

[96] Dans le Banquet ou les Césars.

[97] Julien, Misopogon, 16.

[98] Julien, Ép. à Thémistius, 5.

[99] Saint Isidore de Péluse, Ép., I, 281.

[100] Wallon, Hist. de l'esclavage dans l'antiquité, t. II, p. 47.

[101] Mommsen, Röm. Geschichte, t. V, p. 306.

[102] Cf. Philostrate, Vitæ soph., II, 13 ; Vita Apollonii, I, 7 ; saint Basile, Ép. 48.

[103] Julien, Consolation à Salluste, 2.

[104] Comparez Misopogon, 16 et 21.

[105] Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[106] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 22.

[107] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[108] Sozomène, V, 2.

[109] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 13, célèbre les écoles de Césarée qu'il appelle la métropole littéraire aussi bien qu'administrative de la province.

[110] Julien, Misopogon, 21.

[111] Julien, Misopogon, 16.

[112] Platon, Des lois, V, 3.

[113] Julien, Misopogon, 18.

[114] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[115] Les trois livres Contre les chrétiens conservés en quelques parties dans les dix livres qui subsistent de l'ouvrage de saint Cyrille d'Alexandrie contre Julien.

[116] Citations de ces diverses parties de l'Écriture dans son ouvrage Contre les chrétiens.

[117] Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[118] Julien, Ép. 9.

[119] Wordsworth, dans Dict. of christ. biogr., t. III, p. 492.

[120] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 23 ; Sozomène, Hist. ecclés., V, 2.

[121] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 23. Cf. Sozomène, V, 2.

[122] Dianée, qui occupa ce siège de 340 à 362. Sur Dianée et ses faiblesses envers l'arianisme, voir Tillemont, Mémoires, t. IX, p. 58.

[123] Canons d'Hippolyte ; voir Peters, art. Lector, dans Kraus, Real-Encykl. der christ. Alterthümer, t. II, p. 280.

[124] Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 106 ; cf. art. Lectionary, dans Smith, Dict. of christian antiquities, t. II, p. 953 et suiv.

[125] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[126] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[127] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 24.25 ; Sozomène, V, 2.

[128] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 80.

[129] Saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV, 25-27.

[130] Eunape, Vitæ sophist., Edesius.

[131] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 4.

[132] Goyau, Chronologie de l'Empire romain, p. 446.

[133] Goyau, Chronologie de l'Empire romain, p. 446.

[134] Julien, Ép. au sénat et au peuple d'Athènes, 6.