LES ESCLAVES CHRÉTIENS

LIVRE PREMIER. — L'ESCLAVAGE ROMAIN.

CHAPITRE IV. — LES MAÎTRES.

 

 

Si jamais l'idéal du pouvoir absolu, sans limites et. sans contrôle, fut réalisé quelque part, c'est dans la maison d'un riche romain au temps de l'empire. Un seul homme était entouré d'innombrables serviteurs vivant les uns pour ses besoins, les autres pour ses plaisirs. Chacun de ses caprices était une loi. Nul frein n'arrêtait le premier mouvement de sa volonté. Cruel, emporté, il pouvait torturer et tuer ses esclaves. Débauché, leur pudeur était à lui. Les empereurs essayèrent à plusieurs reprises de protéger ceux-ci contre les excès de ce pouvoir sans bornes. Ces louables tentatives ne produisirent que de faibles résultats ; les lois, quelque bonnes qu'elles soient, ne suffisent pas à réformer les mœurs ; leur action est faible, superficielle, promptement épuisée, s'il n'existe, à côté d'elles et au-dessus d'elles, une force morale indépendante, respectée, ayant pouvoir sur les âmes et entraînant dans un même mouvement le législateur et ceux auxquels il s'adresse. La philosophie stoïcienne marqua de son empreinte les parties humaines et bienfaisantes de la législation des empereurs païens ; la plupart des jurisconsultes qui entouraient et conseillaient ces princes appartenaient à son école, et en firent passer les principes dans leur œuvre ; mais elle manquait d'action sur le commun des hommes ; elle ne sut point ouvrir aux lois qu'elle inspira le chemin des cœurs.

Néron n'avait pas encore oublié les leçons de Sénèque quand il chargea un magistrat de recevoir les plaintes des esclaves victimes de la cruauté, de la luxure ou de l'avarice dé leurs maîtres, et quand il défendit à ceux-ci de condamner leurs esclaves aux bêtes sans l'intervention du pouvoir judiciaire[1]. Domitien, puis Adrien, interdirent de pratiquer sur ces malheureux d'immorales et cruelles mutilations[2]. Adrien retira aux maîtres le droit de mettre à mort leurs esclaves même criminels, et défendit de les vendre comme gladiateurs sans une décision des magistrats[3]. Antonin le Pieux soumit le maître qui « sans juste motif » aurait fait périr son esclave aux mêmes peines que s'il avait tué celui d'autrui, et ordonna de vendre, pour les soustraire à la puissance de leurs maîtres, les esclaves qui, victimes de mauvais traitements, se seraient réfugiés près de la statue de l'empereur[4]. Marc Aurèle défendit de mettre en vente sans jugement un esclave sous la condition qu'il serait obligé de combattre contre les bêtes[5].

Ces lois protectrices furent quelquefois suivies d'effet : Adrien punit de la relégation une matrone cruelle envers ses servantes ; Antonin expropria par humanité les esclaves d'un maître barbare ; une curieuse anecdote rapportée par saint Justin montre qu'au milieu du IIe siècle on n'osait publiquement faire des eunuques[6]. Mais cet effet fut ordinairement de courte durée. La plupart de ces lois protectrices, à peine édictées, tombèrent en désuétude. Adrien avait enlevé aux maîtres le droit de vie et de mort : son successeur Antonin est obligé de renouveler la même disposition. La constitution d'Antonin sur la protection des esclaves maltraités semble n'être qu'une reproduction de celle de Néron ; Marc Aurèle défendant de vendre les esclaves pour les combats de bêtes se borne à remettre en vigueur une loi attribuée au dème prince. Un demi-siècle après Domitien, le troisième successeur de cet empereur doit interdire de nouveau la mutilation des esclaves, et cette interdiction, observée d'abord, bientôt bravée audacieusement[7], retombe, jusqu'à Constantin, à l'état de lettre morte. Tel fut le sort de la plupart de ces lois ; les mœurs demeurèrent plus fortes qu'elles. Après quelques années de sévérité, les choses reprenaient leur cours accoutumé. Plusieurs empereurs, et Auguste le premier, donnèrent eux-mêmes l'exemple de la cruauté domestique ; un d'eux, Macrin, reçut de ses esclaves indignés le surnom de boucher. Une remarque fera sentir le profond oubli dans lequel tombèrent l'une après l'autre les lois rendues en faveur de esclaves. A aucune époque les délateurs qui, sous les mauvais empereurs, étaient à l'affût de la moindre accusation qui pût perdre les riches romains menacés par l'inimitié ou la cupidité du prince, et poursuivaient jusqu'aux célibataires inobservateurs de la loi Papia Poppæa[8], ne songèrent à traîner devant les magistrats les maîtres coupables d'avoir abusé de leurs esclaves. En dépit de quelques lois timides et inobservées, comme toutes celles qui, d'Auguste à Dioclétien, eurent pour objet la réforme morale de l'empire, les possesseurs d'esclaves demeurèrent donc à peu près maîtres absolus dans leurs maisons, fermées à toute investigation et à toute police.

Nous nous figurons difficilement aujourd'hui quelle était la violence des passions chez des hommes dont à peu près rien ne restreignait le pouvoir. La colère, par exemple, est, à nos yeux, un vice individuel, nuisible surtout à celui qui s'y livre ; dans le monde romain, elle était un fléau social, un danger public. Le Bourgeois Gentilhomme, à qui on offre de lui apprendre la morale, en lui disant qu'elle enseigne aux hommes à modérer leurs passions, n'en veut pas entendre parler : Non, laissons cela, je suis bilieux comme tous les diables, et il n'y a morale qui tienne, je me veux mettre en colère tout mon saoul, quand il m'en prend envie. Cela est plaisant, parce que la colère de M. Jourdain ne fait pas peur : outre que c'est un bon homme, nous savons bien qu'il n'y a personne chez lui qui ne soit de force à lui tenir tête, à commencer par Nicole. Mais à la place de M. Jourdain mettons un Verrès dans sa province, ou à Rome même un de ces puissants qui tiennent sous leur toit des centaines d'esclaves à leur merci, avec droit de vie et de mort, droit de torture et droit d'outrage ; on comprend ce que pouvait être la colère chez un tel homme, de quels attentats et de quelles souffrances elle était grosse ; et on s'explique que les philosophes fissent des sermons sur la colère, comme ils en faisaient en effet[9].

Le De Ira de Sénèque paraît avoir été composé sous l'empire d'une espèce de terreur. Cet honnête homme, faible mais clairvoyant, est épouvanté des mœurs de son siècle ; il écrit aux maîtres, aux riches aux puissants, pour les détourner de la Colère, comme il écrit à Néron pour lui enseigner la Clémence. Il voit la férocité monter au cœur des possesseurs d'esclaves comme il voit l'ivresse du rang suprême faire osciller l'âme du jeune souverain ; il essaye (sans beaucoup d'illusions, je le crois) d'opposer aux maux qu'il redoute les lieux communs d'une philosophie généreuse faible digue contre les débordements de la nature corrompue. Mais il tente, et ce sera son honneur dan l'histoire. Plus les mœurs de Rome se dépravent, plu les caractères s'amollissent, plus aussi ce je ne sais quoi de sauvage qui dort au fond de l'homme civilis s'éveille et fait éruption. Sénèque le voit et le dit : Une vie molle, facile, fait des hommes prompts à la colère. N'apercevez-vous pas, à mesure que les fortunes montent, la férocité qui monte avec elles ? Voyez les riches, les nobles, les magistrats : le souffle de la prospérité enfle et grossit démesurément ce qu'ils ont de léger et de vain dans le cœur. Leurs oreilles s'accoutument aux soumissions et aux flatteries ; la félicité nourrit chez eux la colère[10]. Et quelle est cette colère ? une rage sans frein et qui s'épouvante elle-même ; qui a pour armes les chevalets, les cordes, les cachots, la croix, les bûchers, le croc, les chaînes, les châtiments de toute nature, le fer rouge qui grave sur le front un signe ignominieux, les cavernes remplies de bêtes féroces[11]. Mais cette colère suit-elle au moins une loi, accomplit-elle une œuvre de justice ? Non, elle est toute de premier mouvement. Elle ne repose point sur un principe solide, mais sur une vaine enflure ; elle commence violemment, comme ces tourbillons qui sortent tout à coup de terre, puis elle se fatigue et s'abat. Tout à l'heure elle ne rêvait que supplices raffinés, châtiments inouïs ; maintenant elle se radoucit. Ses premiers coups sont mortels, comme le premier venin du serpent ; mais sa morsure prolongée est sans péril, parce.que ses dents, à force d'avoir mordu, se sont usées. Elle se contente de la mort de deux ou trois coupables, et souvent celui qui périt est celui qui le mérite le moins, mais que le hasard a jeté en pâture au premier mouvement de colère[12].

Pour épouvanter les maîtres sujets à ces terribles premiers mouvements, Sénèque leur cite l'exemple si connu de Vedius Pollio jetant ses esclaves dans le vivier des murènes[13] ; il leur montre la cruauté devenant une habitude de l'Arne, la vue du sang en donnant le goût, et l'odeur du carnage montant à la tête comme une ivresse ; il raconte l'épouvantable histoire de ce Valerius Messala, proconsul d'Asie sous Auguste, qui, ayant un jour fait abattre trois cents hommes à coups de hache, se promenait au milieu des cadavres en s'écriant : Ô l'action de roi ! O rem regiam ![14] Il eût pu ajouter, entre bien d'autres traits de cette nature, celui raconté par Asinius Pollio, dans une lettre à Cicéron, d'un certain Balbus, son questeur en Espagne, qui avait fait jeter aux bêtes un citoyen romain parce qu'il était laid (quia deformis erat[15]). Ces exemples étaient trop monstrueux peut-être pour produire sur tous une salutaire impression ; beaucoup des lecteurs de Sénèque pouvaient se dire : Je ne suis ni un Polio ni un Messala. Aussi le philosophe descend-il de préférence à la vie de tous les jours, à la vie des honnêtes gens, de ceux dont de Maistre disait : Je ne sais pas ce qu'est un scélérat, mais je sais ce qu'est un honnête homme : c'est horrible. D'honnêtes gens se mettent en colère si l'eau chaude n'a pas été bien préparée, si un verre a été brisé, si un soulier a été souillé de boue[16], si un esclave n'est pas assez prompt, si le breuvage qu'il apporte manque de fraîcheur, si le lit est mal fait ou la table mal dressée[17]. Qu'un esclave tousse ou éternue pendant le repas, qu'il chasse négligemment les mouches, qu'il laisse tomber une clef avec bruit, nous entrons dans une véritable rage[18]. Qu'il traîne trop rudement un meuble, qu'il ne sache pas glacer le vin avec la neige, nous nous indignons[19]. S'il répond un peu trop haut, si son visage exprime la mauvaise humeur, s'il murmure des mots qui n'arrivent pas jusqu'à nous, avons-nous raison de le faire fouetter, de le mettre à la chaîne ?[20] Le voilà devant nous, lié, exposé sans défense aux coups ; souvent nous frappons trop fort et nous rompons un membre, nous brisons une dent : voilà un homme estropié parce que nous avons suivi l'impulsion de la colère là où il était si facile d'avoir un peu de patience[21]. N'y a-t-il pas de honte à détester un esclave novice parce que, libre peut-être hier, il conserve dans une servitude récente des restes encore mal effacés de son ancienne liberté, parce qu'il n'embrasse pas avec assez d'empressement de vils et pénibles travaux, parce que, habitué à une vie douce, il n'a pas la force d'accompagner en courant le char ou le cheval de son maître, parce que, pendant le travail de chaque nuit (quotidianas vigilias), il se laisse aller au sommeil ?[22] Pourquoi vous écriez-vous ? pourquoi cette fureur ? pourquoi, au milieu d'un repas, faites- vous apporter des fouets ? Parce que vos esclaves ont dit un mot et que, pendant les conversations bruyantes de vos convives, ils n'ont pas gardé un silence absolu[23]. Nous aurons fait vraiment une belle action quand nous aurons envoyé à l'ergastule un malheureux esclave ! Pourquoi nous hâter ainsi, le battre, lui briser les jambes ? Laissons le temps passer sur le premier mouvement de colère, nous serons tout à l'heure plus calmes pour juger. Mais non ! il nous faut de suite punir par le glaive, la peine capitale, les chaînes, les cachots, la faim, une faute qui méritait tout au plus un léger châtiment[24].

Ce n'est pas un satirique qui parle ainsi, c'est un moraliste pratique. Il veut persuader, il se garderait de mettre sous les yeux de ses lecteurs des peintures exagérées. Il leur présente un miroir. Plus d'un philosophe même eût pu s'y reconnaître. Plutarque fit un jour dépouiller de sa tunique et battre de verges un de ses esclaves. Celui-ci, homme d'esprit, se mit à citer à Plutarque un livre de Plutarque sur la colère. Plutarque lui répliqua doctement, lui prouva qu'il n'était pas en colère, et dit à l'esclave chargé de tenir le fouet : Pendant que ton camarade et moi nous philosophons ensemble, continue de frapper[25]. Le mot est joli, mais dur pour les philosophes. Combien d'entre eux, après avoir enseigné qu'il faut avoir l'âme douce, ne pas s'irriter des fautes légères, après avoir professé que les âmes et les corps des esclaves sont formés de la même matière et des mêmes éléments que les nôtres, se préoccupaient peu de mettre d'accord dans leurs maisons la pratique et la théorie : témoin ce Rutilius qui, dit Juvénal, se plaît à entendre les coups retentir avec bruit, et préfère la musique du fouet au chant des sirènes ; cet Antiphone, dont la maison est emplie de terreur ; ce Poliphène, qui n'est jamais si heureux que quand, pour le vol de deux serviettes, il peut appeler le bourreau et faire marquer un esclave avec un fer brûlant[26].

Après avoir lu ces passages de Sénèque, ces mots accusateurs de Juvénal, on est tenté de prendre au sérieux ce que raconte Pétrone quand il nous montre, non pas un philosophe, mais le grossier parvenu Trimalcion, faisant souffleter un esclave pour avoir ramassé un plat d'argent tombé à terre, en faisant fustiger un autre pour lui avoir pansé le bras avec de la laine blanche au lieu de laine pourpre, et approuvant son intendant d'avoir fait mettre en croix l'esclave Mithridate pour avoir médit du génie de son maître[27]. On comprend surtout Sénèque comptant parmi les principales causes de perte de temps qui se rencontrent dans la vie d'un Romain riche, celui employé au châtiment de ses esclaves, et Dion Chrysostome s'écriant, un siècle plus tard : Qui a beaucoup d'esclaves a beaucoup de soucis. Il a le tracas de gronder, de châtier, de flageller, de faire enchaîner l'esclave rebelle, de faire poursuivre l'esclave fugitif[28].

Les femmes n'étaient pas moins cruelles que les hommes. Si, par un sentiment intéressé, elles dénonçaient quelquefois les cruautés de leurs maris à l'égard des esclaves dotaux[29], elles faisaient parfois durement sentir leur puissance à ceux qui étaient attachés à leur service personnel. Moins d'un siècle avant Sénèque, un poète dont l'âme molle et sensuelle ne s'éleva jamais jusqu'à la satire des mœurs de son temps, le chantre des amours et des grâces, Ovide, met sous nos yeux le spectacle des mêmes emportements engendrant les mêmes cruautés ; leur description se mêle aux harmonieux et monotones soupirs de ses élégies, comme si la vue du sang eût été nécessaire pour en assaisonner les fadeurs. Tout le monde a lu les vers terribles de Juvénal décrivant la toilette d'une dame romaine. Le bourreau frappe ; pendant ce temps elle met du fard, cause avec ses amis, fait déployer devant elle des robes brodées d'or ; on frappe toujours ; enfin, quand les bras des bourreaux tombent de fatigue : Sors, crie-t-elle d'une voix tonnante, à l'esclave dont le supplice est fini[30]. » Et plus loin : La malheureuse Psécas, les cheveux en désordre, l'épaule nue, le sein nu, coiffe sa maitresse. Pourquoi cette boucle est-elle rebelle ? le fouet punit le crime de ces cheveux qui ne veulent pas plier. En quoi donc Psécas est-elle coupable ? Est-ce sa faute si ton visage te déplaît ?[31] La Corinna d'Ovide n'est point tout à fait aussi barbare ; par bonheur pour l'esclave qui l'assiste dans sa toilette, sa chevelure est souple et se laisse replier cent fois sur elle-même, sans lui faire souffrir la moindre douleur ; ni l'aiguille ni le peigne ne l'arrachent. Aussi son ornatrix a-t-elle le corps intact. Bien des fois on l'a coiffée devant moi ; jamais elle n'a déchiré de son aiguille les bras de l'esclave[32]. Si, grâce à la qualité de ses cheveux, Corinna était si douce pour ses coiffeuses, d'autres, moins favorisées sans doute, se laissaient aller, pendant leur toilette, à des accès de fureur que le poète, soucieux du décorum, s'efforce de modérer. Ne soyez point maussades pendant le temps de votre toilette ; que votre ornatrix soit à l'abri de vos coups ; je hais les femmes qui déchirent de leurs ongles la figure de cette malheureuse, et enfoncent leur aiguille dans ses bras ; l'esclave maudit alors, en la touchant, la tête de sa maîtresse, et pleure devant ces cheveux détestés[33]. Telles étaient, au dire du poêle qui les a chantées, les femmes romaines dans leurs accès de colère. Corinna elle-même n'en fut pas toujours exempte. Son janitor, par exemple, qui veillait à sa porte attaché par une dure chaîne, fut plus d'une fois amené devant elle et dépouillé de ses vêtements pour être fouetté : il ne dut son salut qu'aux prières d'Ovide[34]. Il paraît même qu'elle fut souvent moins indulgente pour son ornatrix que ne semblent le dire les vers cités plus haut. L'inconstant Ovide parut un jour épris de cette esclave, Cypassis, habile à disposer les cheveux de mille manières, et digne de coiffer seulement les déesses. Ayant à répondre aux soupçons jaloux de Corinna : Moi, s'écria-t-il, j'aimerais une esclave toute découpée par les coups de fouet ![35] On ignore si Corinna, ou la grande dame que le poète a chantée sous ce nom, fut convaincue par cet argument ; mais elle aussi semble avoir été de ces femmes qui, selon l'expression de Juvénal, payaient aux bourreaux un salaire annuel[36].

Tels étaient, à Rome, vis-à-vis de leurs esclaves, le maître et la maîtresse ; l'inhumanité s'était chez eux tournée en habitude ; leur colère avait sans cesse sous la main des instruments de torture, et elle en usait. Ainsi armée, une irritation soudaine, irréfléchie, pouvait donner la mort à des êtres sans défense, ou au moins les estropier, les torturer, les faire souffrir inutilement ; la moindre négligence, un bruit insolite, le pli d'une feuille de rose[37], les vains oracles d'un charlatan[38], amenaient quelquefois des conséquences irréparables ; la vie des hommes tenait à un fil, au caprice d'un maître souvent débauché, aviné, nerveux à l'excès, incapable de se contraindre en quelque chose, se croyant tout permis parce que rien ne lui était défendu. Sénèque compare l'âme de ces maîtres irascibles à des corps malades que le plus léger contact fait frémir[39] ; la colère, et la férocité qu'elle engendre, dès qu'elle tourne en habitude et qu'elle a toujours autour d'elle de quoi se satisfaire, était devenue en effet une véritable maladie, et il suffisait des causes les plus légères pour exaspérer jusqu'à la folie ces âmes si peu maîtresses d'elles-mêmes, qui se sentaient maîtresses absolues d'autrui.

Si le pouvoir de tout faire avait pu à la longue engendrer chez les maîtres cette cruauté presque inconsciente, tant elle leur était devenue naturelle, la faculté de ne rien faire par eux-mêmes et de tout faire faire par autrui accoutuma beaucoup d'entre eux à une mollesse qui ne leur laissait plus de l'homme que le nom. L'esclavage semble avoir été plus funeste encore à la classe des maîtres qu'à celle dés esclaves. Chez la première il détrempa outre mesure les caractères, il rendit l'homme incapable d'un effort, il lui ôta l'habitude de vouloir par lui-même ; il accoutuma beaucoup de riches, de ceux que la langue latine appelait beati, à passer leur vie portés, pour ainsi dire, dans les bras de leurs esclaves ; il fut ainsi à Rome l'un des plus puissants agents de la corruption des âmes et le principal allié, peut-être, du pouvoir absolu. Interrogeons encore Sénèque : il avait senti ce péril et avait essayé de le faire sentir à ses contemporains[40]. Nous pénétrons par ses écrits dans l'intérieur de ces opulentes maisons où tout se faisait par les esclaves ; il nous montre la volonté et l'intelligence de certains maîtres énervées, abattues, presque anéanties par la trop grande facilité de vivre. Ils passent leur journée à se faire promener çà et là dans leur chaise ou leur litière ; il faut que quelqu'un les avertisse quand l'heure est venue de se laver, de se baigner, de prendre leur repas[41]. Marchent-ils ? ils sont accompagnés d'esclaves qui les conduisent comme des aveugles, leur disent de prendre garde quand il faut monter ou descendre[42]. Leurs âmes sont devenues tellement languissantes que, sans le secours d'autrui, ils ne peuvent savoir s'ils ont faim. Un de ces délicats (si l'on peut appeler délicatesse un genre de vie qui ne laisse rien subsister de l'homme) disait, quand, après avoir été retiré du bain, il avait été déposé par ses esclaves sur un siège : Est-ce que je suis assis ? Il ne sait s'il est assis ! Sait-il s'il est vivant ?[43] Voici un de ces délicats à table : autour de lui se tiennent des esclaves qui connaissent à fond toutes les exigences de son palais, qui savent de quel mets la saveur réveillera son goût, de quel mets l'aspect flattera ses yeux, quel autre pourra par sa nouveauté triompher de ses nausées, de quel plat il est dégoûté, de quoi il a faim ce jour-là[44]. Couché sur un lit de roses, il attend son repas ; un plaisir est préparé pour chacun de ses sens ; des chants harmonieux résonnent à ses oreilles, de voluptueux spectacles sont offerts à ses regards, les saveurs les plus délicates vont réjouir son palais, tout son corps est enveloppé des étoffes les plus douces et les plus moelleuses, et, afin que la volupté ne soit exempte d'aucun de ses sens, des parfums variés sont approchés de ses narines[45]. Pendant ce temps, comme pour l'empêcher de succomber à tant de jouissances, des esclaves choisis avec soin raniment par d'habiles massages son corps exténué ; il étend ses doigts inertes, auxquels un léger frottement rend le mouvement et la chaleur ; et, ôtant les gants qu'on l'oblige à porter jour et nuit pour avoir le toucher plus doux, un serviteur attaché spécialement à cet office promène sa main savante sur tous les membres du maître à demi évanoui, afin de réveiller quelque sensation dans ce cadavre[46]. De tels hommes, dit Sénèque, ont plus de souci d'un de leurs cheveux que de la patrie ; la parure de leur tête les touche plus que le salut de l'État[47]... Ce n'est pas parmi ces voluptueux que vous trouverez le défenseur de la patrie ni son vengeur[48]. De tels mots brillent comme un éclair ; ils nous révèlent la secrète pensée du philosophe et la profondeur de l'abîme que l'esclavage avait creusé.

 

II

Ce sont là ses effets généraux ; il faut descendre dans les détails et le voir en contact direct et permanent avec le maître, le corrompant dès l'enfance, le dépravant pendant les années critiques de la jeunesse, le façonnant comme une cire molle.

Sous l'empire, l'éducation était presque tout entière entre les mains des esclaves, depuis ce premier éveil de l'âme qui se fait sur les genoux de la nourrice jusqu'à ces dernières et solennelles instructions qui précèdent l'entrée du jeune homme dans la vie publique et virile. Tacite, étudiant les causes de l'abaissement de la parole publique[49], voit la première de celles-ci dans la substitution de l'esclave à l'homme libre pour l'éducation de l'enfant. Ce fut d'abord, dit-il, le mal propre de Rome, de là il s'étendit en Italie, puis gagna les provinces[50]. Le temps n'était plus où une mère chaste élevait son enfant, dans la sévérité et la discipline des aïeux, entre ses bras et sur son sein[51]. A l'époque où écrit Tacite, les mères amollies, quelquefois emportées par ces violentes passions dont les moralistes, les historiens et les poètes nous ont laissé le tableau et auxquelles nul frein moral, nulle loi religieuse, chez la plupart, ne mettait obstacle, avaient cessé de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants. La nourrice était appelée à remplacer la mère dans un grand nombre de riches maisons souvent dévastées par le divorce, et où l'enfant était considéré comme un fardeau. Le jeune maître, dit Tacite, grandissait dans la cellule d'une femme esclave[52]. Il était ainsi nourri du même lait que les petits esclaves auxquels il devait commander plus tard[53]. Si l'on en croit le philosophe Favorinus, ce lait servile dégradait l'enfant libre et lui inspirait de bas instincts[54]. Cela au moins devait être souvent vrai de l'influence de la nourrice esclave ; elle avait peut-être tenu auprès de l'enfant la place de la mère indifférente ou répudiée ; la reconnaissance, l'habitude, prolongeaient son empire au delà des premières années ; cette influence, dit saint Jérôme, était ordinairement funeste, et, dépravées par l'esclavage, les anciennes nourrices, les anciennes berceuses dépravaient à leur tour l'âme de l'enfant, de la jeune fille surtout qui, ayant grandi, n'avait point rompu avec elles[55]. Une loi de 320 ordonne de verser du plomb fondu dans la bouche de la nourrice qui aura conseillé à une jeune fille de céder à un ravisseur[56] : l'atrocité de la peine montre quelle était la grandeur du péril. Souvent, cependant, il faut le reconnaître, l'affection de ces humbles femmes pour le maître qu'elles avaient nourri était tendre et désintéressée : plus d'une fit preuve d'un dévouement vrai. Quand Néron fugitif se fut donné la mort, les mains qui le portèrent sur le bûcher funèbre furent celles de ses vieilles nourrices Eclogé et Alexandra, demeurées, avec la concubine Acté, les dernières amies du misérable. Phyllis, la nourrice de Domitien, brûla dans son petit jardin des faubourgs le corps de l'empereur assassiné : elle recueillit pieusement ses cendres, les porta en secret dans le mausolée des Flaviens, et les mêla à celles de Julie, fille de Titus, qu'il avait aimée et qui était sa sœur de lait[57].

A côté de la nourrice, qui était souvent une Grecque, était placé dans les grandes maisons, sous le nom d'educator ou de nutritor[58], un esclave pris au hasard, dit Tacite, quelquefois le plus vil et le moins propre à soigner un enfant[59]. L'éducation proprement dite était confiée à l'esclave pœdagogus. Celui-ci, ou la dirigeait lui-même, s'il était un de ces esclaves que, le jour de la vente, un écriteau désignait comme literator et dont le prix atteignait quelquefois 50.000 francs[60] ; ou, simple surveillant, conduisait son jeune maitre aux écoles des grammairiens, pour la plupart anciens esclaves eux-mêmes[61]. Quelquefois le pœdagogus, en conduisant l'enfant aux écoles, devenait savant à son tour : témoin ce Remmius Palæmon qui, d'esclave tisserand devenu esclave pédagogue, apprit les lettres en même temps que son jeune maître, puis, affranchi, ouvrit dans Rome une école ; ses mœurs étaient si décriées que Tibère d'abord, Claude ensuite, durent défendre par édit de lui confier l'éducation d'enfants ou de jeunes gens[62]. Ce que trop souvent était, au point de vue moral, l'esclave pédagogue, cet exemple en a fait suffisamment juger. Mais tous n'avaient pas la valeur intellectuelle de Palæmon. Beaucoup de ces éducateurs étaient choisis, dit Plutarque, par des parents qui employaient leurs meilleurs esclaves à la culture de leurs terres, à la direction de leurs navires, à l'exploitation de leurs banques, et confiaient leurs enfants à des serviteurs incapables de tout emploi productif[63]. Épictète lui-même semble mettre sur la même ligne, dans la hiérarchie de l'esclavage, le pédagogue et le portier[64]. Rappelons-nous Néron élevé chez sa tante Lepida par deux pédagogues dont l'un était un danseur et l'autre un barbier[65] : on comprend que l'âme de l'adolescent n'ait donné qu'une prise superficielle et peu durable, quelques années plus tard, aux leçons de Sénèque.

Le vieux Caton permettait à sa femme de donner le sein aux enfants de ses esclaves, afin que, nourris du même lait, ils conservassent pour son fils une amitié fraternelle ; mais il refusait de confier ce fils aux soins d'un esclave pédagogue, quoique fort honnête homme et bon grammairien[66]. Il avait senti les vices de l'éducation donnée par les esclaves. Bien peu de ces éducateurs, même parmi les plus honnêtes, eussent été capables de répondre ce que Diogène esclave répondit un jour à son maitre lui demandant ce qu'il savait faire : Commander à des homme libres[67]. La plupart des instituteurs esclaves n'étaient propres qu'à préparer à des hommes libres des âme corrompues par des complaisances de toute nature et par la contagion de vicieux exemples. Par leurs antécédents, par la situation à la fois enviée et fragile qu'ils occupaient dans la maison, les pœdagogi esclaves étaient moins les précepteurs que les flatteurs de leurs jeunes maîtres, dont ils s'efforçaient de capter la faveur, dont ils encourageaient les passions, dont ils dissimulaient volontiers les vices[68]. Le grand collecteur d'anecdotes Valère-Maxime nous montre un esclave pédagogue servant d'intermédiaire entre un débauché de Rome et la jeune fille dont l'éducation lui était confiée, la livrant, la vendant peut-être[69]. Les jurisconsultes prévoient le cas où un enfant est déshonoré, son compagnon ayant été acheté par le séducteur (corrupto comite) ; le Compagnon, le suivant, qui s'est laissé corrompre, est puni de mort[70]. Or, parmi les comices dont il s'agit ici, Ulpien nomme le pédagogue[71]. C'étaient là, je le veux bien, d'infâmes exceptions ; pour prendre sur le vif le caractère de l'esclave pédagogue simplement corrompu, lisons les comiques latins, Térence, Plaute surtout, qui, à travers les originaux grecs, observe et peint si exactement la société romaine de son temps.

Voici, dans le Mercator de Plaute, un esclave pédagogue. Il avait été, dit son jeune maître, mon précepteur depuis ma plus tendre enfance, mon père l'avait envoyé avec moi pour être mon surveillant dans mes voyages[72]. Qui est le confident des passions du jeune homme ? qui l'aide à cacher sa maîtresse quand un navire qui l'amène arrive au port ? qui essaye de détourner par un mensonge les soupçons du père ? le pédagogue. Voici, dans le Pseudolus, une autre variété du même personnage. Celui-ci emploie, pour servir les amours de son élève, toutes les roueries que la servitude développait dans une âme dépravée par elle : c'est un de ces maîtres fourbes que l'esclavage a pu seul produire, intelligents, pleins d'audace, de sang-froid, sachant mener avec une indifférence absolue, avec une sorte de plaisir d'artiste, une intrigue qui leur rapportera peut-être plus de coups de bâton que d'honneur et de profit[73]. Pseudolus, qui donne son nom à l'une des comédies de Plaute où ce type servile est le plus curieusement étudié, est encore un des précepteurs de la jeunesse romaine : C'est cette tête scélérate qui corrompt mon fils, s'écrie le vieillard Simo. Voilà son gouverneur, voilà son pédagogue[74].

Sans doute il dut y avoir des exceptions plus d'une âme libre se cacha sous la livrée de l'esclave pédagogue. J'ai été pieux et saint, dit l'épitaphe d'un pædagogus ; j'ai vécu aussi longtemps que j'ai pu ; je n'ai eu ni procès, ni rixe, ni querelle, ni dettes ; je suis demeuré fidèle à mes amis ; j'avais un petit pécule, mais une grande âme[75]. Noble idéal naïvement exprimé : même s'il n'a été entièrement réalisé, il est beau de l'avoir conçu. Je remarque cependant que ce pédagogue aimait fort sa tranquillité. Plus d'un sans doute, même parmi les meilleurs, sacrifia quelque chose de son devoir au désir de vivre sans procès, sans rixe, sans querelle. Il ne faut pas oublier que les parents, ou l'élève lui-même, pouvaient d'un mot réduire au silence le pédagogue importun et l'envoyer rejoindre à l'ergastule la nourrice négligente[76].

Le dialogue suivant, dans le Phormio de Térence, semble vraiment pris sur le fait :

GÉTA.

Les deux vieillards, en partant, m'ont laissé leurs fils et m'en ont établi comme le précepteur.

DAVUS.

Une dure charge, Géta.

GÉTA.

Je le sais par expérience... J'ai commencé par m'opposer à leurs instincts. Que te dirai-je ? vieux et fidèle comme je suis, mon pauvre dos en a pâti. Alors je me suis dit : Il est dur de regimber contre l'aiguillon. Je me suis mis à faire et à laisser faire tout ce qu'ils voulaient.

DAVUS.

Tu es un homme sage, Géta[77].

Si nous en croyons Plaute, le père ou la mère, habitués par l'exercice de l'autorité dominicale à mépriser ce qui venait d'un esclave, prenaient volontiers contre le pédagogue le parti de l'enfant, quand celui-ci se portait son accusateur. L'enfant n'a pas encore sept ans, dit Plaute, qu'il est déjà impossible au pédagogue de le toucher du bout du doigt, s'il ne veut avoir la tête cassée à coups de tablettes. Et si, ensuite, ce dernier va se plaindre au père : Bien, mon enfant, dit le père, tu es bien mon fils ; tu sauras résister à l'injustice. On injurie le pédagogue : Et toi, vieillard de rien, ne va pas châtier ce brave enfant. L'instituteur s'en va, la tête huilée comme une lanterne. Et c'est ainsi que justice est rendue. Quelle autorité voulez-vous qu'ait ce maître, que son disciple bat le premier ?[78]

Il vient une époque où l'autorité est cependant nécessaire. Quand le jeune homme, au premier éveil des passions, est disposé à secouer tout joug, quand il sent fermenter en lui cette force, cette vigueur, ce sang chaud et bouillant, semblable à un vin fumeux, qui, dit Bossuet, ne permettent rien de rassis ni de modéré[79], quelle parole, si pure et si douce qu'elle soit, sera supportée, si celui qui la fait entendre n'est sûr d'avance que le respect abattra devant elle, au moins pour un instant, l'emportement de la passion ? Un esclave ne pouvait attendre un tel respect. Le Bacchides de Plaute renferme une scène admirable. Un jeune homme, vertueux jusque-là, tombe dans les filets d'une courtisane. Il a été élevé par un vieil esclave honnête, qui a pris au sérieux ce titre d'ami des bons conseils donné quelquefois aux pédagogues par les inscriptions[80]. Le vieillard s'afflige et s'efforce de combattre la passion de son élève. Le dialogue suivant s'engage entre eux :

LYDUS (le pédagogue).

Tu te perds toi-même, tu me perds, tu perds les bonnes leçons que je t'ai si souvent données.

PISTOCLERUS.

Eh bien, oui, j'ai perdu ma peine et toi la tienne : l'éducation que tu m'as donnée, n'a profité ni à toi ni à moi.

LYDUS.

Ô cœur enchaîné !

PISTOCLERUS.

Tu m'es odieux. Tais-toi, Lydus, et suis-moi.

LYDUS.

Il ne m'appelle plus mon précepteur, il m'appelle maintenant Lydus !... Tu as une maîtresse ?

PISTOCLERUS.

Tu vas le voir.

LYDUS.

Je ne le souffrirai pas. Je cours avertir ton père.

PISTOCLERUS.

N'en fais rien, Lydus, ou prends garde à toi.

LYDUS.

Comment ! prends garde à toi ?

PISTOCLERUS.

Je suis d'âge à n'être plus sous ta tutelle.

LYDUS.

Dans quel gouffre pourrai-je me précipiter ? J'en vois aujourd'hui plus que je n'en aurais voulu voir. J'aimerais mieux être mort. Un disciple menacer son maitre ! J'ai des élèves trop bouillants : ils me tueront, pauvre homme sans force !

PISTOCLERUS.

Oui, je suis Hercule, et je te traiterai comme Linus.

LYDUS.

Hélas ! je serai plutôt Phénix. J'irai dire à ton père : Votre fils n'est plus !

PISTOCLERUS.

Assez de radotages.

LYDUS.

Il a perdu toute pudeur ! Tu as fait une triste acquisition quand tu as acquis cette impudence. C'est un homme perdu. Oublies-tu donc que tu as un père ?

PISTOCLERUS.

Et toi, oublies-tu donc que tu es esclave ?[81]

Ce dernier mot résume tout ; il nous fait voir où devait aboutir l'éducation par l'esclavage ; il nous en révèle la cruelle et brutale impuissance.

 

III

Le jeune Romain a grandi ; devenu homme, il a gardé, dit Sénèque, l'empreinte servile qu'ont mise sur lui le pédagogue et la nourrice[82] ; il a été amolli par les flatteries des jeunes esclaves qui avaient été appelés à partager son éducation, et qui peut-être, par leurs complaisances, ont acheté leur affranchissement[83]. Il est maintenant maître de lui-même et des autres. Est-il entièrement délivré du joug énervant que depuis le berceau les influences serviles qui l'entourent ont fait peser sur lui ? Au contraire, c'est à ce moment, aux confins de l'âge d'homme, que ces influences vont le saisir avec plus de force. L'homme, à vingt ans, est bien fragile. Il porte en lui le poids accablant de sa corruption native ; il sent courir dans ses veines des langueurs et des ardeurs irrésistibles ; son imagination, comme un cheval fougueux, l'emporte par tous les chemins à la recherche du bonheur. Le chrétien, qui a puisé dans les leçons de la famille, puis dans une chaste et virile éducation, la force de fermer son cœur aux joies énervantes, qui a compris le devoir de l'homme et le sérieux de la vie, qui a appris à regarder plus haut que ce monde et, dans ce monde même, plus loin que le moment présent, pourra, en appuyant sa faiblesse sur les secours que la prévoyance divine a préparés autour de lui, traverser ce périlleux passage en demeurant digne de l'épouse inconnue qui l'attend et dont la douce image vient passer souvent dans ses rêves purifiés, Mais imaginez ce jeune homme sans Dieu, sans frein religieux, ayant puisé, dit Tacite, dans le sein de sa mère le germe des vices particuliers à la civilisation romaine[84], ayant eu pour éducateur un esclave corrompu, et n'ayant emporté de son éducation qu'une leçon durable, celle du mépris de soi-même et des autres[85] ; entourez-le d'esclaves de tout âge, de tout sexe, qui ont été dressés à tout souffrir[86], et dont l'éducation morale peut être résumée par ces trois maximes passées dans la classe servile à l'état d'axiomes : Les choses honteuses doivent être considérées comme honorables quand c'est le maître qui les fait[87] ; rien de ce qu'il ordonne n'est dégradant[88] ; l'impudicité est un crime chez l'ingénu, une nécessité chez l'esclave, un devoir chez l'affranchi[89] ; donnez à ce jeune homme une de ces fortunes énormes que la Rome impériale a seule connues, et dont le chiffre épouvante nos imaginations modernes ; qu'il puisse, sur tous les marchés du monde, prélever à prix d'argent la fleur de toutes les races humaines ; qu'il soit maître d'entasser sous les lambris dorés de son palais, comme on entasse des chevaux dans une écurie[90], une foule d'êtres charmants et sans défense dont la pudeur craintive ou la corruption savante sont autant d'aiguillons pour son âme blasée : et représentez-vous ce que pouvaient être les mœurs d'un jeune païen de Rome, ce qu'il pouvait demander à l'esclavage, ce que l'esclavage pouvait faire de lui.

Devenu chef de famille, le maître n'est point à l'abri de ces influences. A la fin de la république et au commencement de l'empire, le lien conjugal avait bien perdu de son antique force. Relâché par le divorce, il flottait comme au hasard, noué et dénoué sans cesse au gré de l'intérêt ou du caprice. L'esclavage acheva de déshonorer ce que Clément d'Alexandrie appelle la chaste statue du mariage[91]. Ce qu'était l'homme, nous venons de le faire entendre. Valère Maxime, dans son chapitre sur l'abstinence et la chasteté[92], raconte avec admiration que Caton, parcourant la Grèce et l'Asie Mineure avec la puissance d'un proconsul, ne se souilla, pendant tout ce voyage, par aucun acte d'avarice ni de luxure. Rome en était réduite à célébrer comme héroïque un semblable exemple : que devait être la vertu virile, dans ces maisons pleines d'esclaves dont le maître n'était pas un Caton, et où il exerçait une puissance qui dépassait si considérablement celle d'un proconsul ? Et quel était, bien souvent, le sort de l'épouse ? Délaissées pour d'indignes rivales, ou pour des amours plus odieuses encore, humiliées aux yeux mêmes de leurs esclaves, combien d'épouses romaines devaient perdre, dès le lendemain de leurs noces, toute illusion, tout amour, tout respect ! On lés voyait alors, ou se faire les imitatrices des vices de leurs maris, et descendre au rang de ces matrones éhontées dont Juvénal a écrit l'effroyable poème ; ou, si elles demeuraient honnêtes, glisser peu à peu dans cette indifférence résignée qui est le signe d'un cœur mort et d'une vie desséchée dans sa source.

Elle avait tant de douceur et de vertu, dit Valère Maxime parlant de la femme de Scipion l'Africain, que, sachant son mari épris d'une de ses esclaves, elle ne voulut point paraître s'en apercevoir et troubler par sa jalousie le vainqueur de l'Afrique : bien plus, elle en conçut si peu de ressentiment, qu'après la mort de l'Africain elle maria elle-même l'esclave à l'un de ses affranchis[93]. Était-ce là douceur et amour, comme le croit le narrateur romain, ou n'était-ce pas plutôt cette résignation inerte, ce désenchantement sceptique que Plaute, plus clairvoyant que Valère Maxime, a si bien saisi dans un dialogue de la Casina ? Que de fois, entre une femme blessée au cœur, encore capable de souffrir, et une amie plus mûre, plus expérimentée, a dû s'échanger cette conversation que le grand poète a surprise et dont il a rendu ainsi la poignante naïveté :

CLEOSTRATA.

Mon mari poursuit de ses désirs une petite esclave que j'ai moi-même élevée ; il veut la marier à son villicus ; mais c'est pour l'aimer plus librement.

MURRHINA.

Tais-toi, je t'en conjure.

CLEOSTRATA.

Nous pouvons parler, nous sommes seules.

MURRHINA.

Quel droit as-tu sur cette esclave ? Une femme de bien ne doit rien posséder en propre à l'insu de son mari... Tout ce qui t'appartient lui appartient aussi.

CLEOSTRATA.

Toi aussi tu prends parti contre ton amie.

MURRHINA.

Tais-toi, sotte, et écoute-moi. Ne te mets point en opposition avec lui : qu'il aime, qu'il suive. ses caprices, pourvu que tu n'en éprouves dans ta maison aucune souffrance[94].

Quelle froideur presque ironique dans ces conseils ! quel calme dans cette expérience ! comme on sent que ce cœur ne bat plus ! Ne sois point jalouse, dit un personnage du Satyricon à sa femme qui lui reproche d'infâmes amours. La femme bien élevée savait sans doute faire taire sa jalousie sans cesse éveillée : devant une provocation continuelle, elle gardait le silence, soit par dédain, soit par pudeur. Mais, dans ces nombreux ménages de parvenus où l'éducation n'avait point appris à l'épouse outragée comment on dévore l'injure en secret, et où la vanité blessée était sans é cesse prête à se répandre en paroles grossières, on dut voir bien souvent se reproduire ces scènes ignobles dont certains épisodes du souper de Trimalcion nous offrent l'image. A peine installées à table, Fortunata et Scintilla se plaignent tout haut des amours serviles de leurs maris[95]. Habinnas vient-il à louer les talents d'un esclave favori assis à ses pieds : Tu ne dis pas tout, s'écrie sa femme ; il y a autre chose, et j'aurai soin qu'il porte les stigmates[96]. Un autre incident vient exciter la jalousie de la femme de Trimalcion Fortunata pousse des cris, lui adresse des reproches : Trimalcion, furieux, jette une coupe à la tête de sa femme ; et la salle à manger de ce parvenu magnifique retentit pendant un quart d'heure, en présence des convives et des innombrables serviteurs qui la remplissent, de plaintes ordurières mieux faites pour une taverne de bas étage que pour le triclinium d'un palais.

Ces ignobles éclats de jalousie ne demeuraient pas toujours enfermés dans la maison. Ils avaient fait l'amusement des serviteurs et des servantes, dont la haine naturelle se réjouissait au spectacle de cette guerre entre leurs maîtres, dont la licence s'en augmentait, et dont les calomnies en grossissaient les causes[97]. La plainte indiscrète de l'épouse répandait souvent au dehors le bruit de ces luttes, et rendait publiques les plaies domestiques causées par l'esclavage. Qu'on lise sur te sujet un curieux fragment d'une comédie de Cæcilius rapporté par Aulu-Gelle[98]. D'autres fois, ce n'était pas par la lutte ouverte, mais par la ruse, par une véritable diplomatie, que l'épouse défendait ses droits. J'ai déjà cité quelques vers de la Casina ; l'analyse de la pièce, telle que Plaute lui-même la donne dans le prologue, fera voir à quelles tristes complicités une femme, une mère, était quelquefois obligée de descendre pour arracher son mari aux liens d'un amour servile ; elle montrera aussi quelles monstrueuses rivalités pouvaient déshonorer le foyer domestique dans une maison remplie d'esclaves. Une petite fille abandonnée a été recueilli un soir par un esclave ; celui-ci la porte à sa maîtresse, qui la fait élever avec soin, comme son alumna, et l'attache à sa personne[99]. Parvenue, dit le poète, à l'âge de plaire, la jeune fille excite à la fois l'amour de son maître et du fils de celui-ci. Chacun d'eux s'est assuré de la complicité d'un esclave : l'un veut la donner pour femme à son villicus, l'autre à son écuyer. Quand l'épouse eut deviné l'amour de son mari pour la jeune esclave, elle se rangea du parti de son fils[100]. En vain le père, jaloux, éloigne le jeune homme ; la mère sert ses intérêts en son absence[101]. Telle était la situation que l'esclavage pouvait introduire dans une famille : un père et un fils épris de la même esclave ; le père dans sa jalousie éloignant son enfant devenu son rival ; la mère, sous l'empire d'une jalousie plus légitime, mais d'un effet non moins dégradant, s'abaissant jusqu'à servir les amours de son fils.

Plaute a écrit une pièce étrange, le Stichus. On y voit le sentiment de la famille tour à tour exalté et ravalé, parvenant à son apogée de beauté morale dans l'âme de deux femmes que l'on prendrait pour une création de Shakespeare ou plutôt pour une personnification anticipée de l'amour conjugal chrétien, et traîné dans la fange par un honteux vieillard qui, déshonore le nom de beau-père et de père. Les deux filles d'Antipho, Panégyris et Pinacium, ont été délaissées par leurs maris. Ceux-ci, après avoir dissipé leur fortune, sont partis pour la refaire dans des contrées lointaines ; depuis plusieurs années on n'a pas reçu de leurs nouvelles, et leurs femmes envoient chaque jour un esclave au port voir si aucun navire ne les ramène. Le vieil Antipho presse ses filles d'oublier leurs époux ruinés et de contracter une nouvelle union. Puis-je souffrir, dit-il, que vous demeuriez unies à des mendiants ?Mon mendiant me plaît, répond Pinacium ; il est mon roi et je suis sa reine ; je l'aime dans sa pauvreté comme je l'ai aimé dans sa richesse. — Ce sont des brigands, des mendiants, dont vous faites trop de cas. — Tu m'as mariée non à son argent, mais à lui-même[102]. Enfin ces époux tant attendus par les filles, si méprisés par le père, reviennent ; leur fortune est faite de nouveau ; le vaisseau qui les porte est chargé de leur trésors ; ils amènent avec eux des musiciennes, des joueuses de flûte, des joueuses de cymbale, toutes d'une extrême beauté[103]. Voilà de quels esclaves va se remplir la maison de ces deux épouses si fières, si délicates, si fidèles.

Quand le vieil Antipho a connu la nouvelle fortune de ses gendres, il accourt vers eux, il les flatte ; puis, après bien des détours, il tient à l'un d'eux ce langage : Je t'ai donné ma fille pour épouse ; donne-moi pour compagnes une, deux ou même quatre de tes joueuses de flûte[104]. Voilà dans quelles fanges ce père traîne sa vieillesse ! Cela est de la comédie, je le sais ; mais ni la comédie antique ni la comédie moderne n'ont osé inventer des mœurs qui ne soient pas celles de leur temps ; leur miroir grossit, déforme, tourne ou grotesque les images, mais ne les crée point. Cette scène, qui ferait bondir un public moderne, pour lequel de semblables mœurs seraient chose inouïe, faisait sans doute éclater les rires et les applaudissements des contemporains de Plaute, pour qui elles étaient chose naturelle et connue. Ces deux admirables épouses, ce sérail ramené par leurs maris enrichis, et ce vieux père venant mendier près de ses gendres quelqu'une de leurs esclaves : quel jour étrange et navrant projeté sur l'intérieur de la famille antique et sur le rôle qu'y jouait l'esclavage !

Si Plaute avait écrit la suite du Stichus, comme Corneille a écrit la suite du Menteur, on devine à quelles tristesses et à quels dégoûts il nous montrerait en proie Panégyris et Pinacium. Mais si des âmes délicates et tendres succombaient sous l'outrage, comme des fleurs qui se fanent sur pied et s'inclinent pour mourir, d'autres savaient porter légèrement les infidélités de leurs Maris et chercher Comme eux dans l'esclavage de honteux plaisirs.

Souvent même elles ne s'en cachaient pas ; laissant à leurs maris toute liberté, elles revendiquaient une situation égale. Saint Justin, dans son Apologie, parle d'une femme mariée qui, avant de se convertir au christianisme, avait continué de se livrer à l'ivrognerie et à toute espèce de désordres avec des esclaves et des mercenaires[105]. Les serviles amours de certaines matrones étaient notoires[106]. Les jurisconsultes y font allusion[107]. La chronique scandaleuse de Rome s'en amusait. Le peuple montrait du doigt tel sénateur qui, drapé dans son laticlave, s'imaginait descendre de quelque vieille race patricienne, et dont les traits rappelaient à la malignité publique la couleur brune, la face velue, les mauvaises dents des esclaves syriens[108]. Les esclaves eux-mêmes riaient entre eux de ces passions ignobles. Souvent une femme esclave se montrait plus dédaigneuse et méprisait tout haut ce goût d'abaissement, cet amour de la boue, du sang et du fumier qui précipitait les patriciennes dégradées vers un porteur de litière, un gladiateur, un valet d'écurie. Il y a des matrones, dit une esclave dans le Satyricon, qui prennent leurs amours dans la fange, et ne s'enflamment que pour un esclave ou un page... D'autres s'éprennent d'un gladiateur, d'un muletier poudreux, d'un histrion paradant sur la scène... Pour moi, ajoute la fière suivante, je n'ai jamais aimé un esclave, et aux dieux ne plaise que je m'éprenne de qui peut demain monter sur une croix. Libre aux matrones, qui baisent avec amour la marque des étrivières ![109]

Les pouvoirs publics finirent par s'émouvoir de ces débordements. Impuissants à surveiller les relations des matrones avec leurs propres esclaves, ils tentèrent de mettre au moins obstacle aux liaisons de celles-ci avec des esclaves étrangers. Par le sénatus-consulte Claudien, rendu l'an 53 de notre ère, la femme ingénue ayant eu commerce avec l'esclave d'autrui fut condamnée à la perte de sa liberté : elle devenait elle-même l'esclave du maître à qui appartenait son amant ; si la liaison avait été sue et tolérée du maître, la peine était moins sévère : la femme ingénue devenait l'affranchie de celui-ci, c'est-à-dire était tenue vis-à-vis de lui de tous les services dus au patron[110]. Si sévères que fussent ces dispositions, elles ne parvinrent pas à guérir le mal. Comme la plupart des lois rendues sous l'empire dans le but de réformer les mœurs, celle-ci tomba promptement en désuétude. La passion et la licence demeurèrent plus fortes que tous les obstacles[111]. Avant la fin du Ier siècle, Vespasien fut obligé de remettre en vigueur le sénatus-consulte Claudien[112]. Constantin, en 314, le renouvela[113]. Il ne fut abrogé que par Justinien, au VIe siècle[114]. Mais il est probable qu'à cette époque il ne vivait plus que dans la tradition écrite, et que la désuétude l'avait de nouveau aboli dans la pratique.

Jusqu'au IVe siècle les relations demeurèrent libres entre les matrones et leurs propres esclaves. Constantin le premier tenta d'y mettre un terme par une loi rendue en 326, qui punit la femme de la peine capitale et son malheureux complice de celle du feu[115]. Il est permis de croire que dans cette occasion le zèle chrétien de Constantin dépassa le but. Bien souvent l'esclave n'eût pu qu'au péril de sa vie se refuser à la passion de sa maîtresse. Ovide montre des dames romaines faisant bâtonner l'esclave qui refuse de porter leurs billets doux et de servir leurs intrigues galantes, Qu'auraient-elles fait s'il avait refusé d'être leur amant ? Pétrone raconte qu'un maître découvrit les relations adultères de sa femme avec son esclave dispensator. Il condamna l'esclave aux bêtes. En quoi l'esclave était-il coupable ? demande Pétrone ; il avait été contraint[116]. Parole humaine, comme l'auteur du Satyricon en a prononcé quelques-unes. On n'a pas le droit, a dit madame Swetchine, d'exiger la conscience de celui à qui on refuse la liberté[117].

 

 

 



[1] Sénèque, De Benef., III, 22 ; Modestin, au Dig., XLVIII, VIII, 1, § 1.

[2] Suétone, Domit., 7 ; Martial, VI, 2 ; IX, 7 ; Ulpien, au Dig., XLVIII, VIII, 4, § 2.

[3] Spartien, Adrianus, 18.

[4] Gaius, Ulpien, au Dig., I, VI, 1, § 2, 2.

[5] Modestin, au Dig., XLVIII, VIII, 11, § 1.

[6] Ulpien, au Dig., I, V, 2 ; S. Justin, Apologia, I, 29.

[7] Dion Cassius, LXXV, 14.

[8] Tacite, Ann., III, 28.

[9] Havet, le Christianisme et ses Origines, t. II, p. 122.

[10] Sénèque, De Ira, II, 21.

[11] Sénèque, De Ira, III, 4.

[12] Sénèque, De Ira, I, 16.

[13] Sénèque, De Ira, III, 40 ; De clementia, I,18 ; Pline, Hist. nat., IX, 29 ; Tertullien, De Pallio, 5.

[14] De Ira, II, 5.

[15] Cicéron, Ad familiares, X, 32.

[16] De Ira, I, 12.

[17] De Ira, II, 25.

[18] De Ira, II, 25.

[19] De Ira, II, 25.

[20] De Ira, III, 24.

[21] De Ira, III, 29.

[22] De Ira, III, 30.

[23] De Ira, III, 35.

[24] De Ira, III, 32.

[25] Aulu-Gelle, Noct. att., I, 24.

[26] Juvénal, XIV, 14.

[27] Pétrone, Satyricon, 34, 53, 54.

[28] Sénèque, De Brev. vitæ, 4 ; Dion Chrysostome, Diogenes sive de servis, Oratio X.

[29] Ulpien, au Dig., XXXIV, III, 24, § 5.

[30] Juvénal, VI, 480-483.

[31] Juvénal, VI, 490-495.

[32] Ovide, Amor., I, XIV, 14-18.

[33] Ovide, Ars amat., III, 239.

[34] Ovide, Amor., I, VI, 19.

[35] Ovide, Amor., II, VII, 21.

[36] Juvénal, VI, 480.

[37] Sénèque, De Ira, II, 25.

[38] Lucien, Alexandri, 14.

[39] Sénèque, De Ira, I, 16.

[40] Seneca... qui morum vitiorumque publicorum et descriptor verissimus et accusator acerrimus fuit. Lactance, Div. Inst., V, 9.

[41] Sénèque, De Brev. vitæ, 12.

[42] Lucien, Nigrinus, 34.

[43] Sénèque, De Brev. vitæ, 12.

[44] Sénèque, Ép. 47.

[45] Sénèque, De Vita beata, 12.

[46] Sénèque, Ép. 66 ; Athénée, VI ; Martial, III, 82.

[47] Sénèque, De Brev. vitae, 12.

[48] Sénèque, De Vita beata, 15.

[49] De Oratoribus, sive de causis corruptæ eloquentiæ.

[50] De Oratoribus, 28.

[51] De Oratoribus, 28.

[52] De oratoribus, 28.

[53] Pétrone, Satyricon, 71.

[54] Aulu-Gelle, Noct. att., XII, 2.

[55] S. Jérôme, Ép. 47, ad Furiam ; Cf. Ép. 97, ad Gaudentium.

[56] Code Théod., IX, XXIV, 1.

[57] Suétone, Nero, 50 ; Domitianus, 17, 22.

[58] Orelli, 2811, 3046 ; Henzen, 5040, 6007. Ulpien nomme l'educator à côté de la nutrix ; du frère de lait et du pœdagogus, parmi les esclaves que le minor viginti annis peut affranchir. Dig., XL, II, 13. Cf. Instit., I, VI, 5.

[59] Tacite, De Orat., 29.

[60] Suétone, De Illustr. gramm., 3, 5.

[61] Suétone raconte la vie de vingt-quatre grammairiens illustres ; quinze sont les affranchis.

[62] Suétone, De Illustr. gramm., 23.

[63] Plutarque, De Educat. puer., 7.

[64] Épictète, Diss. III, 36.

[65] Suétone, Nero, 6.

[66] Plutarque, Cato major, 20.

[67] Aulu-Gelle, Noct. att., II, 18 ; Macrobe, Saturn., I, 11.

[68] Lucien, Banquet, 26.

[69] Valère Maxime, VI, I, 3.

[70] Paul, au Dig., XLVII, XI, 1, § 2.

[71] Ulpien, au Dig., XLVII, X, 15, § 16.

[72] Plaute, Mercator, I, II, 89-91.

[73] C'est absolument le Scapin de Molière. Mais Scapin n'est qu'un esclave de Plaute ou de Térence revêtu d'habits modernes.

[74] Plaute, Pseudolus, I, V, 31.

[75] Henzen, 6293.

[76] Tertullien, Ad nat., 15.

[77] Térence, Phormio, I, II, 71-79.

[78] Plaute, Bacchides, III, III, 36-44.

[79] Bossuet, Panégyrique de S. Bernard, premier point.

[80] Amicus bonorum consiliorum. Orelli, 2821.

[81] Plaute, Bacchides, I, II, 24-54.

[82] Sénèque, De Ira, II, 23.

[83] Orelli, 3154.

[84] Tacite, De Oratoribus, 29.

[85] Tacite, De Oratoribus, 29.

[86] Sénèque, De Providentia, 3. Cf. Horace, I, Sat., II, 117 ; Lucien, Saturnales, 29.

[87] Plaute, Captivi, II, I, 133.

[88] Pétrone, Satyricon, 75.

[89] Sénèque, Controv., IV, prolog.

[90] Tatien, Oratio ad Grœcos, éd. Oxon., p. 100.

[91] Clément d'Alexandrie, Stromata, II, 23.

[92] Valère Maxime, IV, III, 2.

[93] Valère Maxime, VI, VII, 1.

[94] Plaute, Casina, II, II, 22-33.

[95] Pétrone, Satyricon, 67.

[96] Pétrone, Satyricon, 69.

[97] S. Jean Chrysostome, De Virginitate, 62. Cf. In Genesim, homilia LVI, 1.

[98] Aulu-Gelle, Noct. att., II, 23.

[99] Sur les alumni, voir livre III, chap. II.

[100] Casina, Prologue, 58.

[101] Casina, Prologue., 62.

[102] Plaute, Stichus, I, II, 75-80.

[103] Plaute, Stichus, II, I, 56-57.

[104] Plaute, Stichus, IV, I, 33-67.

[105] S. Justin, Apolog., II, 2.

[106] Tacite, Ann., VI, 40 ; Lucien, Saturnales, 29.

[107] Ulpien, Paul, au Dig., I, XII, 1, § 5 ; IX, II, 30.

[108] Cicéron, In Pisonem, 1. Cf. Plutarque, Cicero.

[109] Pétrone, Satyricon, 126. Cf. Juvénal, VI, 279, 330 ; Martial, VI, 67 ; Tertullien, Ad uxorem, II, 8.

[110] Tacite, Ann., XII, 53. Ce texte est ainsi interprété par Ernesti (voir le Tacite de Lemaire, t. II, p. 160). Godefroi (Code Théod., IV, IX, 1) en donne une interprétation différente.

[111] Suétone, Vespas., 11.

[112] Suétone, Vespas., 11.

[113] Code Théod., IV, XI, 1.

[114] Code Just., VII, XXIV.

[115] Code Théod., VI, IX, 1.

[116] Quid servus peccavit, qui coactus est facere ? Satyricon, 45.

[117] Mme Swetchine, Pensées.