LE CHRISTIANISME ET L'EMPIRE ROMAIN

 

CHAPITRE SIXIÈME. — LA RÉACTION PAÏENNE. - JULIEN.

 

 

§ 1. — La religion de Julien.

La rapide carrière de Julien peut se résumer en quelques mots : la mort violente de ses parents, sa jeunesse studieuse et demi-captive, son élévation inattendue au rang de César, ses brillantes victoires en Gaule et en Germanie, l'émeute militaire qui le proclame Auguste, sa rupture avec Constance, sa prise de possession de l'Empire, sa guerre malheureuse contre les Perses, sa mort près de Ctésiphon. Mais dans cette vie coupée par tant de péripéties, et en apparence agitée par tant d'événements extérieurs, la postérité a surtout vu ce qui, en réalité, l'a remplie : le drame intérieur qui détacha Julien du christianisme, puis l'effort ininterrompu pour abattre celui-ci et relever le culte des dieux. Une fois entrée dans son cœur, cette pensée ne quitte plus Julien : elle l'accompagne à son départ de la Gaule, le suit dans sa marche contre Constance, inspire toute sa politique dès qu'il est seul empereur, le hante durant les préparatifs de la guerre des Perses, chemine avec lui dans cette traversée de l'Asie Mineure qui le mène à son destin tragique, ne laisse qu'avec la vie le prince mourant sans avoir réalisé son dessein, et comme écrasé sous son rêve.

 Il est difficile de dire comment Julien fut amené à rompre avec le christianisme. La haine contre Constance, qu'il accusait du meurtre de son père, le jeta-t-elle d'instinct dans un parti religieux opposé à celui du persécuteur de sa famille ? ou l'arianisme d'Eusèbe de Nicomédie, à qui avait été confiée son éducation religieuse[1], lui laissa-t-il de la doctrine chrétienne comme de ses adhérents une idée incomplète et fausse ? Tout porte à croire que des influences plus directes l'attirèrent à l'ancien culte. Son précepteur, l'eunuque Mardonius, était un admirateur passionné d'Homère[2]. De bonne heure l'Iliade et l'Odyssée dégoûtèrent l'enfant de l'Évangile et de la Bible. La connaissance assez étendue qu'il prit des livres juifs et chrétiens demeura tout extérieure, et ne passa point jusqu'à son âme. Il s'habitua tout de suite à considérer leurs auteurs comme des barbares. Les prophètes et les apôtres lui parurent grossiers, comparés à la brillante civilisation des Grecs. Mardonius n'était pas seulement enthousiaste des poètes : très versé dans la philosophie[3], il ouvrit les yeux de son élève aux beautés de Platon et d'Aristote. L'isolement moral où vécut longtemps Julien, dans un lointain château de la Cappadoce, sans autre compagnon de son âge que son frère Gallus, dont les goûts différaient totalement des siens, le livrait sans défense à ces impressions, d'autant plus vives que rien ne l'en venait distraire. Aussi quand il reçut la permission d'étudier aux écoles de Constantinople d'abord, puis de Nicomédie, de Pergame, d'Athènes, il était déjà par l'intelligence et par le cœur un païen, ou du moins un hellène[4]. Les pratiques chrétiennes qu'il observait encore, et qu'il suivit par prudence jusqu'en 361[5], ne couvraient plus qu'une foi morte. Lui-même, dans sa lettre aux Alexandrins, écrite en 362, fixe à douze ans en arrière, c'est-à-dire à l'an 350, époque où il commença de fréquenter les écoles des sophistes, la date de son adhésion intérieure au paganisme[6]. Le contact des néoplatoniciens acheva de lever le dernier obstacle. Une chose avait longtemps empêché Julien de franchir le pas décisif : de sa première éducation chrétienne il gardait une aversion presque insurmontable pour la pluralité des dieux[7]. Les doctrines néoplatoniciennes lui apprirent à concilier cette pluralité avec l'unité d'un Être suprême, et à se faire de la fable antique une idée moins inconciliable avec la raison. Mais surtout, dégénérées comme elles étaient devenues, elles flattèrent en son âme le goût du merveilleux. Par les initiations, les évocations, la pratique de la théurgie, Maxime d'Éphèse lui révéla toute la partie occulte, toute l'enivrante et malsaine chimère du paganisme[8]. Dès lors Julien appartint tout entier à celui-ci, chrétien en apparence jusqu'au point d'affecter des allures monastiques afin d'écarter les soupçons qui s'éveillaient déjà[9], mais païen en réalité, lion revêtu de la peau de l'âne, selon le mot plus piquant que fier de son panégyriste Libanius[10].

Quelle était, cependant, la religion de Julien ? Rien qui ressemblât à l'antique religion de Rome, naturaliste dans son origine, devenue toute formaliste et officielle, parlant encore au peuple par la pompe des cérémonies et des spectacles, mais n'étant plus, dans le fond, qu'un culte politique dont les principaux sacerdoces formaient autant de fiefs de l'aristocratie. Le dévot Africain qui, dans une inscription trouvée en Numidie, qualifie Julien de restaurateur de la religion romaine[11] commet presque un contresens. A Rome, on paraît avoir mieux jugé : tout en voyant avec satisfaction un païen sur le trône, l'aristocratie romaine semble éviter de se compromettre pour sa cause. Quand, en novembre 361, Julien adresse au sénat un mémoire très violent contre Constance, l'assemblée rappelle l'usurpateur au respect dû à l'Auguste, auteur de sa fortune[12]. A aucune époque du règne de Julien, on ne signale chez les sénateurs un empressement marqué à le servir. Il semble que le paganisme romain ait deviné en lui, non sans doute un ennemi, mais à quelques égards un rival, et l'ait regardé agir sans se mêler beaucoup à son action. Julien, en se présentant comme le champion de l'hellénisme, selon son expression, c'est-à-dire de la religion intellectuelle, littéraire, artistique de la Grèce plutôt que de la religion officielle de Rome, négligea peut-être la seule force qui eût pu donner un appui sérieux à son entreprise. En ceci, il fit preuve de peu d'esprit politique.

Mais, même en croyant servir la religion grecque, il paraît avoir mal lu dans sa propre pensée. Entre l'anthropomorphisme aux contours arrêtés, gracieux et purs comme les lignes des statues de Phidias ou de Praxitèle, qui caractérise l'hellénisme à la plus belle époque de son histoire, et la religion vague, capricieuse, presque insaisissable de Julien, les différences sont très grandes. On découvre malaisément l'idée qu'il se fait des dieux, et peut-être aurait-il eu peine lui-même à la définir. Tantôt il voit en eux des êtres tout à fait distincts et personnels, qui lui apparaissent dans toutes les grandes crises de sa vie, au point que leurs traits, dit Libanius, lui sont devenus aussi familiers que ceux de ses amis. Tantôt les dieux se confondent presqu'à ses yeux avec les diverses nations, dont une Providence suprême leur a confié la garde : ils façonnent le tempérament de chaque peuple conformément à leur propre type : à ce titre, Julien se déclare prêt à rendre un culte même au dieu des Juifs. Mais le plus souvent les divinités traditionnelles se transforment pour lui en concepts purement intelligibles, en idées flottantes, sans contours précis, en nébuleuses que l'imagination du philosophe forme ou déforme au gré de la théorie qu'il construit. Il emprunte alors de toutes mains : au néoplatonisme, aux mystères orientaux, aux systèmes gnostiques. Il y a de tout cela dans son éloge de la Mère des dieux : son discours en l'honneur du Roi-Soleil y joint même quelques réminiscences de la théologie chrétienne.

La religion de Julien est cependant fort éloignée d'un pur dilettantisme philosophique. Elle doit à la superstition des parties très personnelles et très vivantes. Si elle se rattache surtout au néoplatonisme, c'est au néoplatonisme décadent, où presque plus rien ne parait de la noblesse et de la simplicité des origines. Dans son désir d'entrer en relations avec les dieux, Julien ne se contente ni de l'extase intellectuelle de Plotin, ni de la purification intérieure de Porphyre : avec Jamblique, il demande quelque chose de plus excitant, une méthode pour contraindre les dieux, selon la force singulière du mot théurgie, presque un procédé mécanique pour attirer à soi les puissances célestes : lui-même a qualifié un jour de frénésie bacchique cet état contraire à la raison. Parlant avec pompe de la connaissance de Dieu, avec mépris de ceux qui ne sont pas initiés, l'école à laquelle appartient Julien entend par la connaissance quelque chose de très différent de la sobre et forte certitude atteinte par la foi : il s'y mêle je ne sais quoi d'expérimental et de sensible, un effort, une nervosité tremblante, un mélange de trouble et d'équivoque, que n'ont jamais ressenti les vrais adorateurs, et que ne connaît pas l'extase chrétienne. Chez Jamblique, chez Maxime, chez Julien, on trouve le médium moderne autant et plus que le philosophe.

 

§ 2. — La réforme du paganisme.

Quelque opinion que Julien se soit faite des dieux, le premier acte de sa réforme religieuse fut la réorganisation de leur culte. Il donna l'exemple en remplissant lui-même toutes les fonctions sacrées, au risque d'exciter les railleries de ceux qui le voyaient apporter le bois à l'autel, souffler le feu, manier le couteau du sacrificateur, interroger sans cesse les entrailles des victimes, et, malgré ses mœurs irréprochables, marcher entouré de bacchantes et de mignons, honteux cortège de certaines fêtes païennes[13]. Mais il rachetait ces ridicules et l'excès de sa superstition[14] par l'idée qu'il se faisait du sacerdoce. Si bizarre que fût la pratique, la théorie était très haute. Il semble que rien d'aussi sain et d'aussi droit ne se rencontre dans les idées de Julien. Le caractère sacerdotal, dit-il, mérite le respect et l'hommage, quand même l'homme qui en est revêtu se montrerait indigne des fonctions sacrées. 'Alais le prêtre doit faire tous ses efforts pour mener une vie exemplaire. En acceptant ce titre, il s'est obligé aux plus hautes vertus. Il lui faut avoir une grande piété pour les dieux, une exactitude scrupuleuse à ses devoirs liturgiques, être simple de vie, de vêtement et de mœurs, observer la continence, s'abstenir des mauvaises lectures, des spectacles déshonnêtes, des tavernes, des métiers honteux. La vocation sacerdotale ne dépend, du reste, ni de la naissance ni de la fortune : doivent être appelés au service des autels les hommes les plus vertueux, les plus religieux, les plus humains, pauvres ou riches, obscurs ou célèbres[15].

Tel est, pour Julien, l'idéal du prêtre. Nulle part peut-être le restaurateur de l'hellénisme ne s'est montré moins romain. Au lieu qu'à Rome les plus hauts personnages politiques sont en même temps les membres des collèges sacerdotaux et les titulaires des grandes charges religieuses, dans l'Église païenne qu'il organise l'ordre sacerdotal doit rester presque sans contact avec le dehors. Il recommande au prêtre de s'abstenir des affaires publiques, de visiter rarement les magistrats, de fréquenter peu l'agora ou le forum. Ici se dessine la tactique presque inconsciente de Julien. Par un hommage involontaire au christianisme, il s'efforce d'en transporter les vertus dans le monde païen. Le prêtre, tel qu'il le dépeint, n'est pas le prêtre latin, adonné aux affaires, servant l'État ou la cité, fréquentant officiellement les jeux et les spectacles, aussi bien les comédies où sont raillés les amours des dieux que l'amphithéâtre inondé de sang humain[16]. Ce n'est pas le prêtre oriental ou grec, séparé davantage de la politique, plus isolé dans ses fonctions religieuses, mais souvent dissolu et orgiaque. Julien écrit les yeux fixés sur le prêtre chrétien, dont le choix est indépendant de la naissance et de la fortune, et à qui les lois de l'Église imposent non seulement la pureté de vie, mais encore l'abstention des fonctions séculières, des mauvaises compagnies, des métiers honteux et des spectacles[17].

Former aux dieux un clergé exemplaire, telle est la base de la construction religieuse de Julien. Sur cette base, suivant l'exemple donné cinquante ans plus tôt par Maximin Daïa, il élève toute une hiérarchie, plus ou moins exactement imitée de la hiérarchie chrétienne. Le grand prêtre de chaque province sera une sorte de métropolitain, ayant l'intendance générale de tout ce qui y concerne la religion, l'autorité sur les prêtres des villes et des campagnes, le droit de juger les actes de chacun[18], chef hiérarchique[19] en correspondance directe avec le souverain pontife qui préside à tout le culte des dieux, c'est-à-dire avec Julien lui-même[20]. Mais pour Julien il ne s'agissait pas de reproduire seulement par le dehors la constitution de l'Église : il fallait aussi dérober quelque chose de son esprit. La force du christianisme est dans l'obéissance au commandement du Sauveur : Allez, enseignez toutes les nations. Le prêtre chrétien se double d'un apôtre et d'un prédicateur. Dans le paganisme on ne prêchait pas. N'ayant ni doctrine fixe, ni morale certaine, ni histoire, il ne pouvait être l'objet d'un enseignement régulier. C'est ce que Julien cependant essaya de lui donner. Il se proposa d'établir des chaires de prédication, des écoles où des lecteurs et des docteurs en théologie païenne exposeraient le dogme et la morale. Il songea aussi à faire réciter une sorte de prière commune, litanie aux chants alternés. Enfin, il eut la pensée d'instituer tout un système pénitentiel, avec des expiations proportionnées aux fautes de chacun[21]. Sauf pour la prédication, qui fut essayée[22], on ne voit pas que ces réformes aient eu un commencement d'exécution. Mais elles complètent l'aveu involontaire arraché par la force des choses à Julien. Décidé à supprimer le christianisme, il se reconnaît incapable de le remplacer autrement qu'en le copiant.

Il en fit l'aveu plus ouvertement encore, et avec beaucoup d'amertume. Ce qui manquait le plus au paganisme, c'était la charité. Julien voyait les Juifs assister leurs pauvres, les chrétiens assister les pauvres de toutes les religions. Il avait été le témoin de cette brillante floraison qui faisait, depuis le commencement du quatrième siècle, surgir de terre les hôpitaux et les hospices à côté des cathédrales. Rien de pareil chez les païens. En dehors de l'assistance officielle, les pauvres n'avaient rien à attendre des adorateurs des dieux. Ceux-ci ne possédaient ni institutions de bienfaisance, ni personnel formé au soin des malades et des indigents. Nous adorons Jupiter hospitalier, et nous sommes plus inhospitaliers que les Scythes, écrit Julien à un pontife[23]. Sa mauvaise humeur à ce sujet se manifeste sous toutes les formes. C'est l'indifférence de nos prêtres pour les malheureux qui a suggéré aux impies Galiléens la pensée de pratiquer la bienfaisance[24]... Il serait honteux, quand les Juifs n'ont pas un mendiant, quand les impies Galiléens nourrissent tout ensemble et les leurs et les nôtres, que les nôtres fussent dépourvus des secours que nous leur devons... Ne laissons pas à d'autres le zèle du bien : rougissons de notre indifférence[25]. Aussi exhorte-t-il ses prêtres non seulement à faire l'aumône, à visiter les prisonniers, à secourir jusqu'aux ennemis[26], mais encore à fonder des institutions de bienfaisance publique. Établissez dans chaque ville de nombreux hôpitaux, écrit-il au grand prêtre de Galatie, afin que les étrangers y jouissent de notre humanité, et non seulement ceux de notre religion, mais tous ceux qui auront besoin de nous. J'ai pourvu aux fonds nécessaires[27]. Mais Julien aurait honte de laisser à la charge de l'État tous les frais des hospices païens, quand les chrétiens suffisent seuls à entretenir les leurs. Apprends aux Hellènes, ajoute-t-il[28], à fournir leur part de ces contributions ; apprends aux bourgades helléniques à offrir ces prémices aux dieux ; accoutume les Hellènes à ces œuvres de bienfaisance. Le paganisme avait sur ce point toute une éducation à faire : il était tard, peut-être, pour l'entreprendre : et nul ne le pouvait essayer qu'en se mettant à l'école des chrétiens.

Si Julien avait cherché à battre ceux-ci sur le terrain de la piété, de la vertu et de la bienfaisance, et à supplanter le christianisme en faisant produire à la religion païenne des fruits supérieurs aux siens, il se serait appliqué à une œuvre chimérique, mais au moins eût-il mis des moyens excellents au service d'une mauvaise cause. Tout spiritualiste qu'il fût, Julien n'était pas homme à suivre cette voie, et, investi du pouvoir, à négliger des moyens plus matériels et plus rapides d'atteindre son but. Son impatience voulait tout de suite des résultats. On le voit, dans ses lettres, se plaindre que le triomphe de l'hellénisme n'arrive pas assez vite. Un tel prince n'eût pas été capable de suivre la politique inaugurée au commencement du règne de Constantin par l'édit de Milan, et de tenir la balance égale entre les deux religions. Il ne se fût même pas contenté, comme Constantin, de prodiguer les faveurs à son propre culte, tout en observant strictement envers l'autre les règles de la justice. Mais en même temps, formé par les épreuves de sa jeunesse à une prudence qui touche souvent à l'hypocrisie, il eût craint d'imiter, à l'encontre du culte chrétien, la conduite de Constance vis-à-vis du paganisme et d'ordonner la fermeture des églises comme son prédécesseur avait ordonné celle des temples. Sa marche fut tout autre. Il déclara, à plusieurs reprises, que la liberté de leur culte était laissée aux chrétiens, ou, comme il les appelle toujours, aux Galiléens[29]. Mais en même temps il prit soin de les accabler publiquement de tous les mépris. Ses livres, comme sa correspondance, s'expriment sur eux en termes tellement outrageants, que les copistes des âges postérieurs n'ont pas osé les reproduire tous[30]. Les quelques paroles dédaigneuses de Constantin à propos des païens ne sont rien, comparées à ce débordement d'injures. Faire connaître aussi ouvertement ses sentiments équivalait presque à une déclaration de guerre. Cette guerre se poursuivit par des mesures obliques, qui allaient à pousser peu à peu les chrétiens en dehors du droit commun. Quand les passions païennes, surexcitées, se donnèrent carrière, et qu'à la suite d'émeutes populaires il y eut du sang versé, Julien toléra ou réprima avec une mollesse significative. Lui-même, sous divers prétextes, commanda quelquefois de véritables actes de persécution. On ne sait jusqu'où la haine l'eût entraîné, si la brièveté de son règne n'avait empêché les principes posés par lui de produire logiquement toutes leurs conséquences.

 

§ 3. — La réaction païenne.

Julien eut pour premier soin de rétablir le paganisme dans sa place de religion officielle. Les sacrifices recommencèrent à être offerts par les magistrats au nom de l'État, des provinces et des cités ; des images païennes remplacèrent sur les étendards le monogramme du Christ ; dans les distributions aux soldats, chacun, en s'approchant pour recevoir le présent impérial, dut brûler de l'encens devant les idoles ou devant les aigles[31]. Mais Julien ne s'en tint pas à cette restauration civile et militaire de l'ancien culte. Faire de nouveau du paganisme la religion de l'État ne lui parut point suffisant, si les personnages officiels ne redevenaient en même temps païens. Des officiers furent cassés de leurs grades, et les magistrats furent mis en demeure de choisir entre leurs charges et leur foi[32]. C'était exercer sur les consciences, au profit du paganisme, une violence que n'avaient essayée, dans un autre sens, ni Constantin ni Constance : on sait que ces empereurs n'hésitaient pas à nommer des païens aux plus hautes fonctions : Julien lui-même, dans une lettre, loue un citoyen distingué de la ville de Batna, qui avait reçu plusieurs fois Constance dans sa maison, d'être demeuré fidèle aux dieux, malgré les efforts de l'empereur pour l'attirer au christianisme[33].

D'autres mesures de Julien montrèrent combien il était loin d'accorder aux deux cultes un traitement égal, comme avait fait Constantin. Celui-ci avait déclaré les prêtres catholiques exempts des charges municipales, et spécialement des obligations de la curie. Ce n'était pas leur accorder une faveur, mais les faire participer à un privilège dont jouissaient de temps immémorial les membres du clergé païen. Rendue à peu près illusoire par deux lois de 320 et de 326, qui enjoignaient d'admettre aux ordres sacrés ceux-là seuls que la naissance ou la fortune ne désignaient pas pour être curiales, cette immunité avait été à peu près rétablie pour les évêques, prêtres, diacres et autres clercs par une loi rendue en 361 sous Constance[34].

Julien se hâta de supprimer l'exemption accordée aux impies, selon le mot de Libanius[35], tout en maintenant ou en rétablissant celle dont avaient joui les prêtres des dieux[36]. Une loi de 362 rappelle dans les assemblées des villes les décurions qui avaient cessé d'en faire partie après être entrés dans le clergé chrétien[37]. Une courte lettre aux habitants de Byzance montre cette loi appliquée par la réintégration forcée de tous les Galiléens dans leur sénat[38]. Une autre lettre, adressée aux habitants de Bostra, nous apprend que les nommés clercs[39] ont été également dépouillés des pouvoirs juridiques accordés dans certains cas par Constantin à l'évêque et à ses conseillers[40]. Julien alla plus loin : il enleva aux membres du clergé les subsides naguère octroyés par Constantin ou Constance, et les obligea à rendre les sommes perçues à ce titre. Il contraignit même les femmes assistées par la charité de l'Église, les vierges et les veuves consacrées à Dieu, à restituer les traitements que Constantin leur avait assignés sur le produit des contributions municipales[41].

C'était une insidieuse et cruelle revanche : une autre mesure, mieux justifiée en apparence, la compléta. Pour compenser les pertes subies par les biens des temples sous les deux règnes précédents, on mit la main sur les richesses de nombreuses églises et l'on confisqua leurs vases précieux. Julien alla plus loin : il décida que tous ceux qui avaient participé à la destruction de quelque sanctuaire païen le rebâtiraient à leurs frais, ou au moins paieraient le prix de la reconstruction[42]. C'est, entre autres, la sentence qui fut rendue contre l'évêque d'Aréthuse[43]. Dans une circonstance remarquable, une cité entière fut condamnée pour ce fait. Césarée, métropole de la Cappadoce, était, dès le règne de Constance, presque entièrement chrétienne : d'un commun accord, on y avait démoli deux temples, devenus inutiles aux habitants : un troisième venait encore d'être abattu. Julien enleva à la ville son nom de Césarée, la frappa d'une énorme amende, augmenta ses impôts, enrégimenta tout son clergé dans les troupes de sa police, et menaça de détruire la cité entière si les temples n'étaient pas rebâtis[44].

Malgré la simplicité de ses mœurs, Julien avait de grands besoins d'argent, soit à cause des dépenses amenées par la restauration du culte païen, la pompe dont il l'entourait, l'immense consommation des victimes que faisaient ses sacrifices[45], soit à cause des frais de l'expédition qu'il préparait contre les Perses. Aussi se plaisait-il à frapper d'amendes les chrétiens. Tout prétexte lui était bon. C'est ainsi qu'afin de châtier les violences exercées par les ariens d'Édesse contre une autre secte hérétique, il confisqua toutes les propriétés de l'Église de cette ville, distribuant les meubles aux soldats, adjugeant les immeubles à son propre domaine[46]. C'est là, écrivait ironiquement Julien, le meilleur moyen d'aplanir aux Galiléens la route qui mène au royaume des cieux[47]. Ce mélange d'avidité et de raillerie, constaté par une lettre même du restaurateur de l'hellénisme, rend vraisemblable ce que l'historien Socrate rapporte d'une taxe de guerre, qui aurait été spécialement exigée des chrétiens, et aurait fait entrer de grosses sommes dans le trésor impérial[48].

 

§ 4. — L'édit sur l'enseignement.

En toutes choses, Julien tendait à mettre les chrétiens hors la loi, ou, ce qui revient au même, à créer pour eux une législation spéciale. Son édit sur l'enseignement public en est la preuve. Aucun acte, peut-être, ne fait moins d'honneur à la mémoire de Julien. Tous les partis l'ont sévèrement jugé, aussi bien les chrétiens que la fraction honnête et modérée de l'opinion païenne. Ammien Marcellin, écho fidèle de celle-ci, le qualifie de barbare et le voue à un éternel silence[49]. Le chrétien Socrate y voit un véritable acte de persécution, destiné à interdire à ses coreligionnaires l'étude des humanités[50]. Sozomène le résume en disant que Julien défendit aux enfants chrétiens de lire les auteurs grecs et de fréquenter les écoles tenues par les païens[51]. Plus exactement, Ammien Marcellin rapporte que Julien ferma l'enseignement public aux rhéteurs et aux grammairiens qui ne pratiqueraient pas le culte des dieux[52]. C'est bien le sens général de l'édit, pièce longue et diffuse, moins incohérente cependant que beaucoup de productions de son auteur[53]. Libre aux instituteurs chrétiens d'expliquer dans l'église Matthieu ou Luc ; mais qu'ils n'enseignent plus à leurs auditeurs, soit comme rhéteurs, soit comme grammairiens, soit comme sophistes, pour les former à l'éloquence, ou à la morale, ou à la science politique, aucun des classiques païens, les poètes Homère ou Hésiode, les historiens Hérodote ou Thucydide, les orateurs Démosthène, Isocrate ou Lysias. On remarquera, dans les exemples cités par Julien, la tendance exclusivement grecque de son esprit, qui le porte à ne nommer ici aucun écrivain latin.

Le motif allégué pour cette défense, c'est la pensée, si superficielle qu'on a peine à la croire sincère, qu'il est déloyal à un maître de commenter devant ses élèves un livre où il est question de dieux auxquels lui-même ne croit pas. Ramené à un principe aussi étroit, l'esprit humain serait exclu de toute culture étendue, sans qu'il lui fût licite de demander aux littératures étrangères les secrets du style, aux philosophies lointaines ceux de la pensée, aux vieux annalistes la science de l'histoire, aux lois des anciens peuples les règles du droit comparé. Tout progrès intellectuel s'arrêterait du même coup, et menacerait de se heurter contre un mur. Ce mur serait la religion, devenue aussi oppressive, aussi écrasante pour l'intelligence que celle dont Lucrèce aspirait à délivrer ses contemporains, oppressa gravi sub relligione. Fermer à la science, à la philosophie, aux lettres tout autre horizon que l'horizon païen, et en même temps exclure l'idée païenne, qui avait tenu et qui tenait encore tant de place dans le monde, des études de ceux qui ne lui donnaient pas toute leur foi, c'était exercer sur l'être pensant la plus exécrable tyrannie.

Julien, apparemment, ne vit pas toutes ces conséquences, qui ramenaient son système à l'absurde et à l'odieux. Mais il s'inquiétait des ressources que pouvait prêter à la polémique chrétienne une étude même littéraire de la mythologie. Pour les païens éclairés, celle-ci était devenue un scandale. Ils s'efforçaient d'en pallier par tous les moyens les fâcheux aspects. Julien lui-même, si la piété ne l'avait retenu, eût peut-être été tenté de sourire quelquefois des fables où s'attachait la crédulité populaire : on connaît sa jolie lettre sur la nymphe Écho[54]. Au moins l'esprit du temps et ses propres habitudes intellectuelles lui fournissaient-ils un moyen de concilier les récits mythologiques avec la raison ou la pudeur. Sur les plus vilaines aventures il jetait le voile d'une allégorie subtile, parfois pédante et compliquée. C'est ainsi qu'il rendit presque édifiant le mythe de Cybèle et d'Attis. Mais tout le monde n'avait pas pour les dieux sa piété filiale. On l'eût difficilement attendue des professeurs chrétiens. Tout fait supposer qu'en expliquant dans leurs écoles les poèmes d'Homère ou d'Hésiode, ces maîtres, qui étaient nombreux, quelques-uns même célèbres, ne cherchaient pas à dissimuler les étrangetés du sens littéral. Il est même probable qu'ils ne se privaient pas de montrer les ridicules ou de remuer les boues de la mythologie, afin de comparer à l'immoralité de la fable la pureté de la doctrine ou de la morale évangéliques. Les livres des historiens pouvaient donner matière à des leçons d'une autre sorte, qui tournaient de même au détriment des coutumes idolâtriques et à la glorification des mœurs chrétiennes. C'est ce que Julien appelle expliquer les ouvrages des auteurs, et rejeter les dieux qu'ils adorent, ou encore accuser les poètes d'impiété, de folie et d'erreur au sujet des dieux, et c'est probablement à ce genre de commentaire, utile auxiliaire de la prédication ou de la catéchèse ecclésiastiques, qu'il voulut mettre un terme.

Mais l'étude des lettres païennes n'avait pas seulement pour résultat d'amuser les écoliers chrétiens aux dépens de la mythologie : elle leur ouvrait en même temps tous les trésors de la sagesse et du goût antiques. Les conseils que Basile de Césarée donnera plus tard à ses auditeurs sur la lecture des écrivains profanes étaient déjà dans la bouche des maîtres chrétiens ; et dès lors le fond de leur enseignement eût pu être résumé en ces vers charmants de Grégoire de Nazianze : Méprise les divinités ridicules dont parlent les poètes, admire la beauté des paroles ; sur le tronc des lettres antiques laisse l'épine et cueille la rose[55]. C'est cette fleur même que Julien voulut arracher à ceux qu'il traitait en ennemis. Ce but lointain et caché de l'édit a été très bien vu par le sagace historien Socrate[56]. Julien n'avait pas interdit aux jeunes chrétiens de fréquenter les écoles païennes, comme le dit par erreur Sozomène. Mais il savait que beaucoup de familles chrétiennes, privées des maîtres de leur choix, refuseraient d'envoyer leurs enfants puiser la science à des sources qu'elles jugeaient empoisonnées. Il espérait voir les nouvelles générations de l'Église grandir ainsi dans une sorte d'isolement intellectuel, et peu à peu toute la population des misérables Galiléens retomber dans les rangs des illettrés et des Barbares. Oublieux de l'art de bien dire, des règles de la logique, de toute science profane, ignorant ce qui s'apprend dans les écoles et que donne seule la culture classique, les chrétiens eussent perdu toute influence sur les esprits délicats. De leur sein nul adversaire redoutable pour les sophistes, pour les philosophes, pour les prêtres des dieux ne serait sorti désormais. L'hellénisme n'eût plus eu de rivaux capables de tourner contre lui ses propres armes. Ces émules, ces anciens condisciples, dont Julien supportait avec impatience la supériorité, les Basile, les Grégoire, nourris des lettres profanes en même temps que des lettres sacrées, écrivains élégants, puissants orateurs, fussent morts sans laisser d'héritiers[57]. Qui sait si, après une ou deux générations, il se serait encore rencontré un prédicateur chrétien en état de citer à ses auditeurs, à l'exemple de saint Paul, un mot d'Épiménide, un vers d'Euripide ou d'Aratus[58] ? Les adorateurs du Christ seraient devenus, comme les Juifs, un peuple à part, morose et singulier, nourri de sa seule littérature religieuse, séparé du monde brillant de l'hellénisme, n'ayant plus avec lui d'idées communes, ne le comprenant pas et ne pouvant s'en faire entendre.

On a peu de renseignements sur la manière dont les chrétiens reçurent l'édit de Julien. Les pages les plus intéressantes sur ce sujet, celles de Socrate, auxquelles j'ai déjà fait allusion, sont d'un demi-siècle environ postérieures à l'événement. Un contemporain, Grégoire de Nazianze, a dit, le lendemain de la mort de Julien, l'indignation ressentie par lui à la nouvelle d'une ordonnance qui le dépouillait du fruit de tant de travaux et de voyages entrepris à la recherche de l'éloquence ; et il a laissé échapper ce cri d'un véritable artiste, épris de l'antique beauté : Ont voulu nous l'enlever, cette langue hellénique, en nous considérant comme des usurpateurs du bien d'autrui : il ne restait plus qu'à nous priver sous le même prétexte des arts de la Grèce ![59] On sait l'attitude fière des deux plus célèbres rhéteurs chrétiens à Rome et à Athènes, Victorinus et Prohæresius, qui descendirent aussitôt de leurs chaires, bien que Julien eût fait offrir à Prohæresius la faveur exceptionnelle de continuer son enseignement sans être contraint d'abjurer[60]. On sait aussi l'illusion naïve que se firent deux autres professeurs, le grammairien et le rhéteur Apollinaire. Ils crurent à la possibilité de conjurer les désastreux effets de l'ordonnance, en mettant en vers grecs, sous forme d'épopée ou de tragédie, et en prose, sous forme de dialogues, la Bible et l'Évangile, afin de remplacer pour les étudiants chrétiens Homère, Eschyle et Platon. Ce monument d'une bonne volonté méritoire, mais d'une surprenante infatuation littéraire, ne survécut pas à la crise qui en avait été l'occasion. A l'époque où Socrate écrivit son Histoire ecclésiastique, les œuvres des deux Apollinaires n'étaient plus dans aucune main : l'intelligent historien, heureux de voir la littérature antique redevenue partie intégrante de l'enseignement chrétien, rend grâces à la Providence de l'inutilité de leur tentative[61].

 

§ 5. — Julien et les Juifs.

Les rapports de Julien avec le judaïsme sont l'un des épisodes les plus curieux de son histoire. Les Juifs ne portaient pas ombrage au champion de l'hellénisme. Réfractaires à la civilisation qu'il préférait, mais ne prétendant pas à la supplanter, ils recevaient de lui une faveur mêlée de mépris. Le mépris était pour le peuple jugé de tout point inférieur aux Hellènes, la faveur pour le peuple qui rivalisait avec Julien de haine contre les chrétiens. La théorie de Julien sur les dieux nationaux lui faisait même accepter le dieu des Juifs. Avec la contradiction qui fait le fond de sa théologie, tantôt Julien reconnaissait en lui un des noms du Dieu universel[62], tantôt, au contraire, il le dépouillait de tout caractère d'universalité pour en faire la divinité locale d'un peuple et d'une race[63]. Il se proposait d'aller, au retour de l'expédition de Perse, l'adorer dans Jérusalem, en même temps qu'il relèverait celle-ci de ses ruines[64]. On sait que Julien conçut un dessein plus extraordinaire encore, celui de rebâtir le temple détruit par Titus. Cette entreprise fut commencée à grands frais. Quelle était, en la tentant, la pensée précise de Julien ? Le désir de s'attacher les Juifs et d'honorer leur Dieu fut-il son seul mobile ? Il en eut 'probablement d'autres. En rappelant les Juifs dans Jérusalem, en faisant de nouveau de celle-ci leur ville sainte, qu'elle avait cessé d'être depuis Titus et surtout depuis Hadrien, il rendait au judaïsme un centre autour duquel se rallieraient peu à peu ses éléments épars. Par là il substituait, dans le culte d'Israël, le caractère national au caractère universel que lui avait donné la dispersion, et le réduisait à n'être plus que la religion d'un petit peuple de Palestine. Si peu inquiétant que le prosélytisme juif au dehors eût pu être pour l'hellénisme restauré, toute crainte de son influence sur les esprits cultivés serait écartée désormais. Le christianisme se trouvait lui-même indirectement atteint. Il perdait en apparence sa base historique. Il cessait de pouvoir rattacher ses origines aux traditions d'Israël : qui lui reconnaîtrait désormais pour précurseur, à lui qui aspirait à la domination universelle, un culte aussi étroitement localisé ?

Mais Julien voulut apparemment porter au christianisme un coup plus direct. On connaît les prédictions évangéliques au sujet du temple de Jérusalem. Il n'en restera pas pierre sur pierre, dit Jésus-Christ à ses disciples[65]. Julien avait certainement lu ces paroles. Il était familier avec les Évangiles, souvent cités dans les trop courts fragments qui nous restent de ses sept livres contre les chrétiens : une des citations qu'il fait de saint Matthieu[66] ne précède précisément que de quelques versets le texte du même évangéliste relatif à la future et complète destruction du temple. Donner, sur ce point, un démenti à Jésus-Christ lui-même, montrer que sa prophétie n'est pas accomplie, ou plutôt empêcher soi-même cette prophétie de s'accomplir, quel triomphe pour Julien ! Quel argument contre l'Évangile ! Quel désastre pour la cause du christianisme ! Les écrivains chrétiens n'hésitent pas à prêter à Julien ces pensées, et très probablement ils ne se trompent pas. On sait comment furent déjouées les espérances de l'empereur et des Juifs. Même en écartant comme empreint de partialité le témoignage des narrateurs chrétiens[67], il reste une entreprise commencée à grands frais, sous la direction d'un haut magistrat, et soudain arrêtée par une force inconnue, dont tous les efforts des ingénieurs et des ouvriers ne purent venir à bout. Ammien Marcellin, un contemporain et un païen, rapporte que, pendant que l'on creusait les fondations, des globes de feu sortirent de terre, chassant les ouvriers, en consumant même quelques-uns. Le projet dut être abandonné[68]. Julien lui-même, dans sa lettre à un pontife, avoue (sans donner de détails) avoir tenté de rebâtir le temple des Juifs, en l'honneur du Dieu qu'on y adore, et n'y avoir pas réussi[69].

 

§ 6. — Les actes de persécution.

Tons ces actes sont la préparation savante de la guerre au christianisme : il reste à voir cette guerre elle-même, et la part qu'y prit Julien.

Cinquante ans après l'édit de Milan, on ne pouvait renouveler les anciennes persécutions. Ni le rescrit de Trajan, autorisant contre les chrétiens les dénonciations individuelles, ni les édits ordonnant de les poursuivre d'office, n'eussent été applicables. Favorisée depuis un demi-siècle par les pouvoirs publics, qui se déclaraient pour elle lors même qu'ils luttaient aveuglément en faveur du schisme ou de l'hérésie, l'Église était maintenant répandue partout. Dans certaines provinces, elle réunissait la majorité des habitants. Là où ses adhérents demeuraient la minorité, celle-ci était trop considérable pour être aisément violentée. On eût difficilement attendu de la population chrétienne, dans la dernière moitié du quatrième siècle, la patience dont elle avait fait preuve à d'autres époques. Les fidèles avaient vu le christianisme sur le trône, et déjà c'était beaucoup pour eux de supporter les dédains et les injures dont Julien se montrait prodigue. L'attitude que prirent les habitants d'Antioche vis-à-vis de l'empereur et de son entourage de sophistes ou d'hiérophantes montre combien il devenait dangereux de blesser le sentiment populaire là où il était dévoué au X et au K, c'est-à-dire au Christ et au souvenir des princes chrétiens Constantin et Constance[70]. Aussi Julien, malgré sa haine du christianisme, n'essaya-t-il pas de le proscrire. Il se borna à l'attaquer par mille voies détournées. Mais en même temps il déclara ne vouloir user contre lui d'aucune contrainte. J'en atteste les dieux, je ne veux ni massacrer les Galiléens, ni les molester contrairement à la justice, ni leur faire subir aucun mauvais traitement : je dis seulement qu'il faut leur préférer des hommes qui respectent les dieux, et cela en toute rencontre[71]. Rien n'empêche de croire à la sincérité de ces paroles. Elles ne sont pas d'un libéral, mais paraissent d'un homme résolu à observer au moins la tolérance matérielle. Julien probablement s'en crut capable. Mais la haine le possédait trop pour lui laisser le sang-froid nécessaire à cette politique.

C'est ainsi que la plupart des mesures prises indirectement par Julien contre le christianisme ou les excitations adressées par lui aux passions païennes aboutirent à de vrais actes de persécution.

Quand on le vit, au commencement de son règne, rappeler tous les chrétiens exilés par Constance pour cause de religion, on put croire d'abord à un mouvement d'équité[72]. Mais ses intentions apparurent promptement. Ammien Marcellin, en général bien renseigné sur elles, dit qu'il se proposait de rompre l'unanimité du peuple chrétien, et d'y réveiller les dissensions. Julien, ajoute l'historien, savait que les bêtes féroces ne sont pas plus cruelles pour l'homme que la plupart des chrétiens les uns pour les autres[73] : parole injuste, même après les tristes exemples du règne de Constance, mais qui, par le ton, semble bien de Julien. On vit alors rentrer les chefs des partis les plus contraires, eunoméens opposés à la foi de Nicée, défenseurs intransigeants de cette foi, Aetius comme saint Athanase. Mais la partialité de l'empereur parut aussitôt. A l'hérétique Aetius il ouvrit les bras, l'appelant près de lui par une lettre affectueuse, l'autorisant à se servir de la poste impériale[74] : faveur sous Constantin et Constance prodiguée aux évêques, sous Julien réservée aux philosophes. Tout au contraire, Athanase à peine rétabli sur le siège épiscopal d'Alexandrie, la colère de Julien éclate contre lui. Il lui conteste le droit de reprendre ses fonctions ecclésiastiques. Il s'indigne de ce que ce misérable ait osé, lui régnant, baptiser quelques femmes grecques de distinction. Il écrit au peuple d'Alexandrie pour lui signifier le bannissement d'Athanase. Dans une seconde lettre, ou plutôt un édit destiné à être affiché, il reproche sévèrement au peuple son attachement persistant pour le rebelle, et déclare que celui-ci devra sortir non seulement de la ville, mais même de toute l'Égypte. Un rescrit au préfet d'Alexandrie menace le magistrat d'une forte amende si cet Athanase, l'ennemi des dieux, n'est pas, à bref délai, expulsé de la province. C'est un très grand chagrin pour moi, ajoute-t-il[75], que ce mépris de tous les dieux. Ainsi le rappel des exilés amène après quelques mois, comme conséquence inattendue, un nouvel exil d'Athanase, puni cette fois comme contempteur des dieux, c'est-à-dire un acte formel de persécution.

On rapprochera avec intérêt de ces sévères missives au peuple ou au magistrat les remontrances beaucoup plus douces adressées aux villes où des fanatiques ont massacré des chrétiens. Cela arriva d'abord à Alexandrie. L'évêque arien Georges, coupable d'avoir, sous Constance, dévasté des temples, avait été, avant le retour d'Athanase, supplicié par les païens. Julien leur reproche ce forfait sur un ton de douce remontrance. Par bonheur pour vous, citoyens d'Alexandrie, c'est sous mon règne que vous avez commis ce crime, sous moi qui, par vénération envers le dieu (Sérapis) et envers mon oncle, mon homonyme[76], qui commandait en Égypte et dans votre ville même, veux bien vous conserver une bienveillance fraternelle[77]. On se rappelle l'amende énorme dont Julien frappa la ville de Césarée, à cause de la destruction d'un temple : ni les habitants de Gaza, ni ceux d'Héliopolis, ni ceux d'Aréthuse ne furent punis après avoir massacré des chrétiens, des femmes, un évêque, avec d'horribles raffinements de cruauté[78]. Les plaintes du préfet païen de Syrie, honteux et affligé des excès commis par le peuple d'Aréthuse, trouvèrent Julien impassible[79] ; pour avoir mis en prison quelques uns des meurtriers, le gouverneur de Gaza fut même sur le point d'être jugé et, dit-on, condamné à mort par Julien, à qui l'on attribue ce propos : En quoi était-il nécessaire de sévir contre des hommes qui ont vengé leurs injures et celles des dieux sur quelques Galiléens ?[80] D'autres magistrats comprirent mieux l'humeur du maître : les chrétiens d'une province se plaignant de ce que, sans ordres réguliers, un gouverneur les avait accablés de vexations, reçurent de l'empereur cette ironique réponse : C'est votre rôle de souffrir patiemment les injures : ainsi l'a commandé votre Dieu[81].

Cette indulgence, ces propos, ne permettent pas d'excuser Julien d'une sorte de complicité morale dans des actes qu'il n'avait pas commandés. Certaines des violences exercées par les païens à la faveur de l'impunité furent la revanche sanglante d'excès beaucoup moins graves commis sous Constance contre les temples, non contre les personnes. Mais quelques-unes de ces scènes sauvages paraissent avoir été aussi la conséquence directe des mesures de Julien. Si l'évêque Marc fut victime d'une émeute à Aréthuse, c'est parce qu'il refusait de payer les dommages intérêts auxquels un ordre impérial avait condamné tous ceux qui avaient naguère participé à la ruine d'un temple[82]. Dans quelques villes, où la population était zélée pour le paganisme, Julien donna le signal d'autres excès : en même temps qu'il commandait de relever les temples, il enjoignait d'abattre les tombeaux des athées, c'est-à-dire les sanctuaires des martyrs. Il avoue que des attentats contre les chrétiens suivirent ces destructions : un zèle ardent, une fougue emportée, se déchaîna contre les impies plus que ne commandait sa volonté[83]. Même les mesures prises par lui pour rétablir l'idolâtrie dans l'armée amenèrent l'exil ou la condamnation capitale de quelques soldats chrétiens[84]. Mais les sentences prononcées dans ces occasions le furent pour indiscipline et rébellion[85], et l'on eut soin de ne montrer que des délits de droit commun dans des actes qui, en d'autres temps, eussent valu aux condamnés les honneurs du martyre[86]. Sous cette tactique, Julien dissimula bien des violences, dont la loi ou la politique étaient le prétexte, et la religion la vraie cause. Quand, tout au commencement de son règne, il exerça contre les amis et les conseillers de Constance des représailles que le sincère Ammien Marcellin déclare indignes d'un philosophe[87], il les punit de la mort ou de l'exil comme coupables d'excès de pouvoir, de concussions, ou pour s'être gorgés des dépouilles des temples[88] : le témoignage de Grégoire de Nazianze[89], quelques mots de Libanius[90] et de Julien lui-même[91] permettent de croire qu'en ces hommes, dont tous sans doute n'étaient pas irréprochables, mais parmi lesquels il y eut aussi, de l'aveu d'Ammien, d'innocentes victimes[92], c'étaient d'abord des chrétiens que l'on poursuivait[93].

 

§ 7. — Les résultats.

Quel fut le résultat de cette politique ? Il est impossible de prévoir ce qui aurait eu lieu, si Julien avait régné plus de deux années. Grégoire de Nazianze accuse le champion couronné de l'hellénisme d'avoir, en déclarant la guerre à la religion chrétienne, grandement ébranlé la puissance romaine[94]. Hardi changement de point de vue ! Ce que les païens, aux siècles précédents, reprochaient au christianisme naissant, de mettre en péril l'unité morale et l'existence matérielle de l'Empire, saint Grégoire le reproche maintenant au paganisme renaissant, parce que, en fait, de païen qu'il était jadis, l'Empire, par la constitution comme par le nombre, était devenu chrétien. Mais ce péril, s'il fut aussi grand que le dit l'orateur de Nazianze, n'eut pas le temps de se produire, et le vent chassa vite le petit nuage qui semblait receler dans ses flancs de dangereuses tempêtes[95].

Les apostasies furent nombreuses. Par l'effet même de la discipline militaire, beaucoup, dans l'armée, revinrent an paganisme avec autant de facilité peut-être qu'ils en avaient eu à l'abandonner, et remplacèrent le labarum par l'image des dieux sans plus de peine qu'ils n'en avaient montré naguère en substituant à ces images le labarum[96]. Parmi le peuple, il y eut aussi des conversions intéressées, et Julien lui-même remarque soit l'ennui ou la gaucherie des gens qui essaient de sacrifier[97], soit leur empressement excessif et suspect[98]. On vit des transfuges plus extraordinaires, comme ce sophiste qui, chrétien zélé sous Constance, se fit païen ardent sous Julien, et pleurera son apostasie avec une bruyante ostentation sous les règnes suivants[99]. Même dans le clergé, quelques-uns cédèrent à la séduction ou à la peur : non seulement cet étrange évêque d'Ilion, qui, resté païen en secret sous Constance, jeta avec empressement le masque dès que parut Julien[100], mais d'autres, évêques ou prêtres, dont l'histoire a gardé le souvenir[101]. En face de ces faiblesses, les exemples contraires abondent. Chez quelques-uns, plus directement tentés, la résistance, on l'a vu, alla jusqu'au martyre. D'autres, et parmi eux on cite de hauts fonctionnaires ou des officiers de rang élevé, eurent le mérite de rester insensibles, pour garder leur foi, aux promesses comme aux menaces[102]. Julien lui-même raconte le peu d'effet que ses exhortations à revenir au culte des dieux produisirent sur le sénat de Béroé[103]. Des gens du peuple montrèrent la même fermeté, et, selon le mot d'un contemporain, repoussèrent comme un mur solide toutes les attaques d'une impuissante machine[104]. Il faut ajouter que pendant le combat même, le christianisme réparait ses forces, et regagnait souvent le terrain perdu : au moins à Alexandrie, par la grande influence d'Athanase, les chrétiens qui passaient à l'ennemi étaient remplacés par des païens qui chaque jour entraient dans le sein de l'Église persécutée[105].

Un résultat auquel Julien était loin de s'attendre fut la fin, en face du commun péril, de toute division dans le peuple chrétien. Sous la main du persécuteur, les plaies ouvertes par la tyrannie religieuse de Constance se fermèrent[106]. Sans doute il y eut là une trêve passagère plutôt qu'une paix durable : mais elle suffit à réparer bien du mal, et à rendre aux Églises la vigueur nécessaire pour résister à l'assaut du paganisme.

Finalement, sur tous les points l'effort de Julien échoua. De son essai de restauration païenne une seule chose demeura, l'affaiblissement produit par une tentative avortée. Au lendemain de sa mort, la religion païenne était moins forte que le jour où il monta sur le trône. Le mot prêté à Julien blessé : Tu as vaincu, Galiléen ![107] est vrai comme tous les mots historiques. Probablement il ne fut jamais prononcé, mais il est sorti de la conscience du peuple. Julien avait lui-même, dès 361, prédit ce que serait son règne, en essayant de peindre sous de fausses couleurs celui de Constantin. Il compare les travaux du premier empereur chrétien à ces jardins d'Adonis, que les femmes syriaques formaient le matin en plantant dans un vase des fleurs coupées[108]. Le soir les voyait flétries, parce qu'elles n'avaient pas de racines. Il en fut de même de l'œuvre de Julien. Comme les jardins d'Adonis, elle ne dura qu'un jour.

Il n'y eut pas besoin de contrainte pour détruire ce qu'il avait fait. L'édifice s'écroula de lui-même. Élu à la hâte, au milieu des désastres de la retraite de Perse, Jovien n'eut qu'un mot à dire pour que les soldats revinssent au christianisme[109]. De tous côtés les apostats demandèrent à faire pénitence. Beaucoup de temples se fermèrent plutôt qu'ils ne furent fermés[110]. Dociles aux conseils de leurs chefs, les chrétiens s'abstinrent de représailles[111]. Ils ne demandèrent même pas qu'on fit revivre les lois de Constance prohibitives de l'idolâtrie. Un édit rétablit simplement la liberté religieuse[112]. Cela suffit pour remettre les choses dans la situation où les avait placées Constantin, le paganisme cessant d'être la religion officielle, mais demeurant une religion permise, le christianisme redevenant la religion de l'empereur, de la majorité de ses sujets, et s'acheminant à être, dans un avenir prochain, celle de l'État.

 

 

 



[1] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 9.

[2] JULIEN, Misopogon, 14.

[3] JULIEN, Contre le cynique Heraclius, 2 ; Misopogon, 19, 21.

[4] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 5.

[5] AMMIEN MARCELLIN, XXI, 2.

[6] JULIEN, Ep. 51.

[7] LIBANIUS, Prosphon., éd. REISKE, t. I, p. 408 ; Epitaph., ibid., p. 528.

[8] EUNAPE, Vitæ sophist., Maximus.

[9] SOCRATE, III, 4 ; SOZOMÈNE, V, 5.

[10] LIBANIUS, Epitaph., t. I, p. 528.

[11] Corpus inscr. lat., t. VIII, 4326.

[12] AMMIEN MARCELLIN, XXI, 20.

[13] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 14 ; SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio V, 24 ; SAINT JEAN CHRYSOSTOME, De S. Babyla adversus Julianum et Gentiles, 14.

[14] AMMIEN MARCELLIN, XXV, 4.

[15] JULIEN, Fragment d'une lettre à un pontife, 8-14 ; Ep. 49, 64.

[16] PRUDENCE, Peri Stephanôn, X, 219-230.

[17] Canons apostoliques, 17, 18, 20, 42, 43, 54, 81, 83.

[18] JULIEN, Ep. 63.

[19] Fragment d'une lettre à un pontife, 10.

[20] Fragment d'une lettre à un pontife, 10 ; cf. Ep. 62.

[21] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, III ; SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 16.

[22] Voir la lettre de LIBANIUS à Acace.

[23] Fragment d'une lettre à un pontife, 3.

[24] Fragment d'une lettre à un pontife, 11.

[25] Ep. 49.

[26] Fragment d'une lettre à un pontife, 3 ; Ep. 49.

[27] Ep. 49.

[28] Ep. 19.

[29] Ep. 7, 43, 52.

[30] Voir lacunes des Ep. 51, 63, et du Fragment d'une lettre à un pontife, in fine.

[31] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 17 ; SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 61, 82-84.

[32] SOCRATE, Hist. Eccl., III, 13, 22 ; IV, 1 ; SOZOMÈNE, V, 48 ; VI, 6.

[33] JULIEN, Ep. 27.

[34] Code Théodosien, XII, I, 49.

[35] LIBANIUS, Oratio in Juliani necem.

[36] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 3.

[37] Code Théodosien, XII, I, 50 ; XIII, I, 4. Par une dérogation à ses habitudes, Julien, au lieu de l'expression méprisante de Galitæi, emploie ici le mot christiani, qui dans ce texte, comme l'a montré Godefroy, est l'équivalent de clerici.

[38] JULIEN, Ep. 11.

[39] Ep. 52.

[40] Code Théodosien, I, XXVII, 1, et appendice de Sirmond, 1 et 17. Cf. HUMBERT, art. Episcopalis audientia, dans Dict. des antiquités, t. II, p. 697.

[41] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 5. L'historien allègue en preuve les contraintes décernées par les agents du fisc, et encore existantes.

[42] SOZOMÈNE, V, 5.

[43] SOZOMÈNE, V, 10; SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 88-90.

[44] SOZOMÈNE, V, 4 ; SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 92.

[45] AMMIEN MARCELLIN, XXV, 4.

[46] JULIEN, Ep. 43.

[47] JULIEN, Ep. 43.

[48] SOCRATE, Hist. Eccl., III, 43.

[49] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 10.

[50] SOCRATE, Hist. Eccl., III, 12.

[51] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 18.

[52] AMMIEN MARCELLIN, XXV, 4.

[53] JULIEN, Ep. 42.

[54] Ep. 54.

[55] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Ad Seleucum, 57-61.

[56] SOCRATE, Hist. Eccl., III, 16.

[57] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE explique que, dans sa jeunesse, il a suivi avec ardeur les écoles de littérature afin de devenir capable de réfuter les sophistes, d'échapper aux nœuds subtils de leur argumentation et de donner les lettres fausses comme auxiliaires aux vraies lettres. De Vita sua, 112-118.

[58] La réflexion est de SOCRATE, Hist. Eccl., III, 16.

[59] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 100.

[60] EUNAPE, Vitæ sophist., Prohæres. ; SAINT AUGUSTIN, Confess., VIII, 3, 10.

[61] SOCRATE, Hist. Eccl., III, 16.

[62] Ep. 25, 63.

[63] Voir les passages cités par SAINT CYRILLE, Adv. Julianum, IV.

[64] Ep. 25.

[65] SAINT MATTHIEU, XXIV, 2 ; SAINT MARC, XIII, 2 ; SAINT LUC, XXI, 6.

[66] SAINT MATTHIEU, XXIII, 27 ; dans SAINT CYRILLE, Adv. Julianum, X.

[67] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio V, 3-7 ; SAINT JEAN CHRYSOSTOME, In Matth. homil. IV, 1 ; Adv. Judæos, V, 11 ; Contra Judæos et Gentiles, 16 ; SOCRATE, III, 20 ; SOZOMÈNE, V, 22 ; THÉODORET, III, 20.

[68] AMMIEN MARCELLIN, XXIII, 1.

[69] Fragment d'une lettre à un pontife, 3.

[70] JULIEN, Misopogon, 13, 22.

[71] Ep. 7.

[72] THÉODORET semble l'écho de cette opinion, quand il attribue la mesure prise par Julien au désir de capter la bienveillance de tous. Hist. Eccl., III, 2.

[73] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 5.

[74] Ep. 31.

[75] Ep. 6, 26, 51.

[76] Le comte Julien.

[77] Ep. 10. — AMMIEN MARCELLIN (XXII, 11) me parait se départir de son habituelle impartialité, quand il montre l'empereur sur le point de sévir, retenu difficilement par son entourage et adressant aux Alexandrins une lettre de reproches véhéments et de terribles menaces.

[78] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 87, 89 ; SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 9, 10.

[79] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 91.

[80] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 9. — GRÉGOIRE DE NAZIANZE rapporte ce mot sous une forme plus vive : Est-ce un si grand mal qu'un Grec tue dix Galiléens ?

[81] SOCRATE, III, 14.

[82] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 38-90.

[83] JULIEN, Misopogon, 22.

[84] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 17. Cf. VI, 6 ; et SAINT JEAN CHRYSOSTOME, In Juventinum et Maximinum, 1 ; SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 82-81 ; Passio SS. Bonosi et Maximiliani, dans RUINART, p. 664.

[85] SOZOMÈNE, V, 17.

[86] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 98 ; VII, 11.

[87] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 4.

[88] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 4.

[89] Oratio IV, 64.

[90] LIBANIUS, De vita sua ; REISKE, t. I, p. 16.

[91] JULIEN, Ep. 25.

[92] AMMIEN MARCELLIN, XXII, 4.

[93] Voir, sur le martyre des palatins Jean et Paul, le livre du P. GERMANO, la Casa celimontana dei SS. martiri Giovanni e Paolo, Rome, 1894.

[94] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 74. — Les habitants d'Antioche accusaient aussi Julien d'avoir bouleversé le monde, Misopogon, 22.

[95] Mot attribué à saint Athanase ; SOZOMÈNE, Hist. Eccl., V, 44.

[96] JULIEN, Ep. 38 ; SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 64-65.

[97] Ep. 4.

[98] Ep. 27.

[99] SOCRATE, Hist. Eccl., III, 13.

[100] Lettre de Julien, publiée par HENNING, dans l'Hermès, 1875, et portant le n° 78 dans l'édition d'HERTLEIN, p. 603.

[101] Chron. parc., ad ann. 362 ; PHILOSTORGE, VII, 13.

[102] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 65.

[103] Ep. 27.

[104] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio IV, 65.

[105] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio XXX, 34. Cf. JULIEN, Ep. 6.

[106] SOZOMÈNE, Hist. Eccl., VI, 4.

[107] THÉODORET, Hist. Eccl., III, 20.

[108] JULIEN, Césars, 24.

[109] SOCRATE, III, 22 ; SOZOMÈNE, VI, 3 ; THÉODORET, IV, 1.

[110] SOCRATE, III, 24.

[111] SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio V, 37.

[112] THEMISTIUS, Oratio V ; Cf. SOCRATE, III, 25.