LE CHRISTIANISME ET L'EMPIRE ROMAIN

 

CHAPITRE TROISIÈME. — L'ÉGLISE ET L'ÉTAT AU TROISIÈME SIÈCLE.

 

 

§ 1. — La propagande chrétienne. - Septime Sévère.

Au troisième siècle, la société chrétienne est définitivement sortie des ténèbres où pendant longtemps se cachèrent ses progrès. Les fidèles sont trop nombreux pour demeurer nulle part inaperçus. Leur nombre a pour conséquence l'établissement de services de diverse nature, et toute une installation matérielle : les grandes communautés du temps de Septime Sévère ou de Valérien mèneront nécessairement une existence plus compliquée que les petits groupes de croyants formés autour des apôtres ou de leurs premiers disciples. A cette période de la vie de l'Église correspond une visible évolution dans les rapports de l'État romain avec elle.

Jusqu'à la fin de la dynastie antonine, la situation des chrétiens était demeurée telle que l'avait faite le rescrit de Trajan, lui-même interprétatif d'un droit antérieur. Ils ont été poursuivis, non en bloc, mais individuellement, selon qu'un accusateur déférait à ses risques et périls l'un d'entre eux aux tribunaux. Sauf dans des occasions tout exceptionnelles, les magistrats n'ont pas agi d'office contre les adorateurs du Christ. La persécution, toujours suspendue sur leur tête, n'a encore eu rien d'universel, puisque c'étaient des particuliers, et non l'État, qui la mettaient en mouvement, au gré de passions personnelles ou locales. Au troisième siècle, les choses ont changé. C'est le grand développement, c'est la constitution de l'Église, qui inquiètent les dépositaires du pouvoir civil. Dans ce qui, auparavant, leur semblait seulement une désobéissance aux lois, une désertion punissable de la religion de l'État, ils voient maintenant un danger public. Dès lors ils prennent en main les poursuites jusque-là laissées flottantes et abandonnées aux initiatives particulières. La persécution par édit va commencer. Mais, par cela même qu'elle deviendra universelle, elle sera moins durable. Guerre déclarée, elle s'interrompra quelquefois par des trêves. En proscrivant formellement l'Église, l'État, d'une certaine façon, la reconnaîtra et se réservera de traiter avec elle. Les deux puissances (car on peut déjà leur donner ce nom) vont vivre sous ce régime pendant tout le troisième siècle.

Le grand nombre des fidèles ne révèle pas seul, à cette époque, l'importance du peuple chrétien. Elle se marque plus encore peut-être par la vie intense, le mouvement continuel des croyants. L'Orient et l'Occident chrétiens s'attirent et se pénètrent. C'est entre eux un échange ininterrompu d'hommes et d'idées. Telle inscription de fidèles gallo-romains est asiatique par le symbolisme et le style[1] ; telle pierre sépulcrale de Phrygie raconte les impressions d'un évêque de ce pays qui a parcouru le monde chrétien et visité Rome[2]. De la ville éternelle partent pour les chrétientés les plus lointaines les lettres et les aumônes, et vers elle affluent de toutes les Églises les voyageurs et les pèlerins[3]. Qu'une controverse disciplinaire, comme celle qui regardait la date de la Pâque, agite les consciences, des conciles se rassemblent à la fois en Italie, en Gaule, en Grèce, en Afrique, en beaucoup de lieux de l'Asie[4]. Ayant maintenant pris pied dans toutes les provinces, encore clairsemés dans quelques-unes, mais en beaucoup d'autres solidement installés, les chrétiens ne cherchent pas à dissimuler leur nombre. Quelques-uns même, si l'on en juge par Tertullien, semblent prendre plaisir à l'exagérer, en montrant les fidèles répandus dans les cités, dans les camps, dans le palais, au sénat, au forum, comme un flot qui couvrirait déjà les points culminants du monde romain. A en croire l'apologiste africain, leur force serait devenue si grande que la patience et la vertu seules les empêcheraient de tirer vengeance de leurs ennemis[5]. Tout n'est sans doute pas faux dans cet imprudent langage. Bien que les membres de l'Église se tiennent généralement à l'écart des partis, un mot échappé à l'un des lieutenants de Pescennius Niger montre que l'on est maintenant attentif aux sentiments que leur inspirera tel ou tel événement public[6]. Les conquêtes faites par le christianisme dans la plus haute aristocratie sont désormais connues de tous : Septime Sévère a pu s'en rendre compte, en un jour d'émeute où il prit généreusement contre le peuple la défense de chrétiens d'ordre sénatorial[7].

L'accroissement de la population chrétienne était dû dans une certaine mesure aux naissances. Cependant, en Occident au moins, les familles où le christianisme, reçu de bonne heure, s'était transmis par l'hérédité ne formaient pas la majorité des fidèles. Longtemps encore les enfants de parents chrétiens se feront honneur de cette filiation[8]. On ne naît pas chrétien, on le devient, écrit Tertullien avec quelque exagération sans doute, mais non sans un certain fond de vérité[9]. C'est donc à une propagande active, infatigable, toujours en éveil, que les grands progrès du christianisme étaient dus. Elle s'exerçait de toutes les manières, et depuis les philosophes, comme Justin, ou les catéchistes érudits, comme Origène, jusqu'aux artisans, aux servantes, dont Celse raille amèrement le zèle[10], partout elle avait des agents. Leurs travaux et leurs succès ne pouvaient échapper à l'attention des politiques. Gardiens de la religion officielle, ceux-ci voyaient chaque jour un plus grand nombre de personnes s'en détacher, et, à peine gagnées à la nouvelle foi, rivaliser d'efforts pour lui attirer à leur tour des adhérents. Il était difficile qu'un prince même aussi porté à la tolérance que le fut Sévère pendant les premières années de son règne assistât sans inquiétude à ces conquêtes publiques du christianisme. Elles prouvaient la faiblesse doctrinale du paganisme romain, incapable de se défendre contre une religion vivante, dont l'influence s'exerçait à la fois sur la raison et sur le cœur. Même rajeunie par le contact des cultes orientaux ou par la création artificielle de séduisantes légendes, comme celle d'Apollonius de Tyane, la religion de l'État paraissait chaque jour plus vulnérable. On pouvait se demander si l'heure ne viendrait pas où une désertion en masse renouvellerait pour tout l'Empire le spectacle offert par une région de la Bithynie sous le règne de Trajan[11]. Ce sont, apparemment, des réflexions de cette nature qui décidèrent, en 202, Septime Sévère, jusque-là plutôt favorable aux fidèles, à mettre obstacle à leur propagande en interdisant sous les peines les plus sévères de passer du paganisme à la religion chrétienne[12].

Il fit la même défense relativement à la propagande juive ; mais celle-ci avait cessé d'être redoutable. L'époque où les Juifs exerçaient sur le monde romain une véritable séduction ne dépassa guère le premier siècle. Leurs intrigues politiques, leurs révoltes ouvertes, la destruction par Titus de leur nationalité, la ruine du temple, rompirent le charme. Les Romains blasés ne songeaient plus, au troisième siècle, à embrasser les observances judaïques, si fort à la mode au temps d'Horace ou de Juvénal. Aussi, même après l'ordonnance de Sévère, la propagande juive, qui avait perdu son ardeur et ses succès, fut-elle mollement réprimée. Non seulement le judaïsme demeura religion licite et se vit même, de la part de Sévère et de son fils Caracalla, l'objet de ménagements particuliers[13] ; mais encore on paraît avoir fermé l'œil sur les rares conversions qu'il opérait. Aussi rencontre-t-on, à cette époque, des chrétiens pusillanimes qui se font juifs pour fuir la persécution[14]. Probablement la prohibition de Sévère visa seulement le fait matériel de la circoncision[15], qu'Antonin avait déjà interdit aux Juifs de pratiquer sur des étrangers à leur race[16].

L'édit ou rescrit relatif aux chrétiens fut plus strictement exécuté. Antérieurement à sa date, et pendant les premières années du règne de Septime Sévère, l'ancien droit avait continué d'être appliqué aux fidèles. Sans doute on les voit souvent alors traqués par l'émeute, assiégés et surpris dans leurs réunions les plus secrètes[17] ; mais c'était le fait du peuple, non des magistrats. Ceux-ci ne les poursuivaient pas d'office : ils condamnaient seulement les chrétiens traduits devant eux, qui confessaient leur foi[18]. La torture était employée, non pour leur arracher l'aveu de quelque crime, mais dans l'espoir de les faire abjurer[19]. L'exil, la mort, ou mémé, pour les femmes, des supplices pires que la mort punissaient l'obstination[20]. Les choses se passent encore ainsi en Afrique vers 197 ou 198, date probable des livres Aux nations et de l'Apologétique, dans lesquels Tertullien nous donne ces détails. C'est, au point de vue juridique, l'état de choses réglé par le rescrit de Trajan. Rien n'indique que Septime Sévère l'ait abrogé par l'ordonnance de 202. Celle-ci regarde non plus les chrétiens en général, dont la situation légale est depuis longtemps fixée, mais les nouveaux chrétiens, les convertis. L'établissement, en ce qui les concerne, d'un délit spécial implique nécessairement vis-à-vis d'eux un changement de procédure. Pour cette catégorie de fidèles, le conquirendi non sunt de Trajan est effacé. Au lieu d'attendre qu'un accusateur les traduise devant le tribunal, les magistrats reçoivent l'ordre de les poursuivre directement, et avec eux, sans doute, les complices de leur conversion. On espère arrêter ainsi la propagande évangélique.

C'était donner aux gouverneurs de province une sorte de pouvoir discrétionnaire et les rendre maîtres de déchaîner la persécution à leur gré. Aussi les voit-on, au troisième siècle, intervenir d'une manière beaucoup plus personnelle que ne faisaient leurs prédécesseurs. Naguère les magistrats se contentaient de juger les chrétiens ; quelques-uns maintenant leur font la chasse. Les écrits du temps ont conservé le souvenir de légats ou de proconsuls qui se rendirent célèbres par leur cruauté, et d'autres qui, usant modérément ou n'usant pas du pouvoir de recherche qui leur était remis, ont laissé au contraire un renom de douceur[21]. Alors se pose une question à laquelle on ne paraît pas avoir songé pendant la période précédente, quand il était interdit aux magistrats de rechercher et de poursuivre d'office les chrétiens : ceux-ci ont-ils le droit de se soustraire au danger par la fuite ? Les esprits téméraires, et aussi certains hérétiques, soutiennent la négative[22] : les gens sensés répondent affirmativement[23]. Comme on pouvait s'y attendre, beaucoup des victimes les plus illustres de la persécution qui fut la conséquence nécessaire de l'acte de 202 sont de nouveaux chrétiens, néophytes ou catéchumènes : tels plusieurs des disciples d'Origène, immolés à Alexandrie[24], ou les célèbres martyrs de Carthage, Perpétue, Félicité, Revocatus et leurs compagnons, qui se préparaient au baptême[25].

Septime Sévère parait surtout avoir été occupé d'empêcher le nombre des chrétiens de s'accroître. Au moins, ni dans son édit, tel que le résume Spartien[26], ni dans les poursuites auxquelles cet édit donna lieu, et dont un document aussi authentique et aussi détaillé que les Actes de sainte Perpétue fait connaître le caractère, ne rencontre-t-on rien qui permette de croire que l'empereur ait cherché à atteindre dans l'Église autre chose que des individus. Son règne marque cependant l'heure où celle-ci prend matériellement racine dans le sol, en devenant propriétaire.

 

§ 2. — La situation légale des Églises.

Dès les premiers instants de son existence, l'Église avait reçu de la générosité ou de la prévoyance de ses enfants les ressources nécessaires aux frais du culte, à l'entretien du clergé, que le travail manuel ne suffisait pas toujours à nourrir[27], à l'assistance des orphelins, des veuves et des pauvres. Mais ces ressources furent d'abord purement mobilières. Même dans la chrétienté primitive de Jérusalem, on ne voit pas que les fidèles aient offert leurs immeubles à l'Église : le livre des Actes raconte au contraire qu'ils les mettaient en vente pour en déposer le prix aux pieds des apôtres[28]. Cependant, à mesure que s'accrut le peuple chrétien, on sentit la nécessité de posséder des lieux de culte autres que des salles d'emprunt[29], et surtout celle d'avoir des cimetières où les fidèles défunts pussent attendre la résurrection loin de tout contact des tombes païennes. Pendant longtemps ce contact avait pu être évité, grâce surtout à la générosité de riches fidèles, qui ouvraient aux défunts de leur religion leurs propres tombes de famille. Dans l'antiquité romaine, où celles-ci recevaient souvent les affranchis ou même les esclaves, et formaient parfois le centre de très vastes domaines funéraires[30], une telle libéralité n'avait rien d'insolite. Mais on comprend que le nombre croissant des chrétiens ait fini, cependant, par rendre onéreuse et difficile cette hospitalité de la tombe, comme on en aperçoit aussi le caractère précaire, toujours à la merci des hasards de succession, qui pouvaient faire passer à un héritier païen un lieu consacré par la sépulture de saints ou de martyrs. Aussi l'Église dut-elle aspirer à posséder des cimetières lui appartenant en propre, soustraits à toute mutation et administrés par elle seule. Cela paraît avoir commencé à Rome sous le règne de Septime Sévère. A la suite, probablement, d'une donation faite par une noble famille chrétienne[31], l'Église de cette ville devint propriétaire d'un lieu commun de sépulture, le premier qu'elle ait possédé, car un écrit du temps l'appelle avec une sorte d'emphase le cimetière[32]. Vers le même temps, un adorateur du Verbe donna à l'Église sainte de Césarée de Mauritanie une aire pour les sépultures, avec une cella (chapelle) construite à ses frais pour les réunions[33]. Un autre chrétien de la même ville agrandit ce champ des tombeaux en y joignant un second terrain pour tous les frères[34]. L'Église de Carthage paraît avoir eu aussi à cette époque des terrains funéraires[35]. A Rome, le pape Zéphyrin confia l'administration du cimetière au premier diacre, chargé des intérêts matériels de la communauté[36].

C'était la substitution de la propriété corporative à la propriété individuelle pour la possession des locaux nécessaires à l'administration ecclésiastique. Dans les villes où l'Église, ayant de nombreux adhérents, sentit le besoin d'un patrimoine stable, une évolution de ce genre dut s'opérer. La chose, cependant, n'allait pas sans difficulté. On a vu que les chrétiens vivaient sous la perpétuelle menace d'une accusation de religion illicite, et que les conversions au christianisme, du temps de Septime Sévère, entraînaient même des poursuites d'office contre les convertis. Comment la collectivité des chrétiens put-elle avoir une sorte d'existence légale et jouir même du droit de propriété ?

La difficulté, presque insurmontable en apparence, fut peut-être, dans la pratique, assez aisément tournée. La législation sur les associations funéraires semble en avoir fourni les moyens. Celles-ci étaient vues favorablement par la politique impériale. Au lieu que les autres corporations avaient besoin d'une autorisation spéciale pour exister, les sociétés formées en vue de garantir à leurs membres les honneurs funèbres purent se constituer sans l'intervention de l'autorité publique, à Rome dès la fin du premier siècle et le commencement du second, en province au temps de Septime Sévère, et en vertu d'un rescrit de cet empereur. Considérées comme des collèges de petites gens, collegia tenuiorum, des collèges salutaires, collegia salutaria, elles eurent leurs terrains sépulcraux, leurs lieux de réunion, leur caisse, leurs dignitaires et administrateurs. Comme les cotisations des pauvres, des affranchis ou des esclaves, qui les composaient en grande partie, n'eussent pas toujours suffi aux frais exigés par leur destination funéraire et au repas de corps qui réunissaient assez fréquemment les associés, elles recrutèrent aussi parmi les riches des bienfaiteurs (patrons) dont le rôle correspond à peu près à celui des membres honoraires dans nos modernes sociétés de secours mutuels. Ce cadre, variable à l'infini et reproduit sur toute la surface de l'Empire romain à des milliers d'exemplaires, convenait parfaitement à la situation matérielle et à l'organisation économique des Églises chrétiennes.

Comme les collèges funéraires, elles mettent au premier rang de leurs devoirs celui d'assurer la sépulture de leurs membres, et c'est même pour accomplir ce devoir qu'il leur est indispensable d'acquérir le droit de propriété collective. Comme les collèges funéraires, elles sont composées en majeure partie de petits et de pauvres, et admettent à leurs réunions les esclaves. Comme les collèges, elles ont des bienfaiteurs, des patrons dans les riches chrétiens qui répandent sur leurs frères le superflu de leur fortune : les inscriptions relatant le don à une Église d'un cimetière ou d'une chapelle ressemblent à celles où est mentionné le don à un collège d'un terrain funéraire ou d'un lieu d'assemblée[37]. Comme les collèges encore, les Églises ont des chefs nommés à l'élection ; mais, à la différente des collèges, ces élections sont désintéressées, et l'argent n'y joue aucun rôle[38]. Comme les collèges, les Églises ont des réunions à certains jours anniversaires ; mais un calendrier pieux remplace pour elles l'ordo cœnarum, et, au lieu de célébrer par des festins les natalitia des dieux ou de leurs bienfaiteurs, elles célèbrent par des prières et par l'oblation du saint sacrifice les natalitia de leurs martyrs[39]. Comme les collèges, elles reçoivent, un jour de chaque mois, la cotisation de leurs membres (stipe menstrua die) ; mais, à la différence des collèges où cette cotisation est exigée sous peine de déchéance[40], dans l'Église elle est payée par ceux qui le peuvent ou le veulent[41]. Comme les collèges, les Églises ont un administrateur du temporel[42], qui dans les collèges s'appelle l'acteur ou syndic[43], dans la société chrétienne est le premier diacre[44] ; elles ont une caisse (arca) où sont versées les cotisations et les aumônes : mais, à la différence des collèges, ce qui chez elle n'a pas servi à l'inhumation des pauvres est employé en œuvres de charité au lieu d'être dépensé à des banquets et à des fêtes[45]. Il n'est pas jusqu'à la sportule, redevance en argent on en nature distribuée aux convives selon la dignité de chacun, dans les repas de corps des associations païennes[46], qui ne se retrouve avec le même nom, mais avec une destination plus noble, dans les réunions des fidèles, où elle tient lieu de traitement aux membres du clergé, quelquefois aux confesseurs de la foi[47]. Bien que par l'esprit tout diffère, par la constitution extérieure presque tout se ressemble dans les communautés païennes et chrétiennes : aussi les expressions dont se sert Tertullien pour décrire les assemblées des fidèles[48] se trouvent-elles être celles-là mêmes qu'emploient soit le sénatus-consulte sur les associations funéraires[49], soit à propos des collèges les jurisconsultes Gaius[50] et Ulpien[51].

D'analogies aussi frappantes on a conclu que, pour se mettre en règle avec la loi romaine, les Églises, partout au moins où elles voulurent avoir un patrimoine régulier, adoptèrent une organisation identique à celle des collegia tenutorum. La périodicité mensuelle des cotisations, signalée par Tertullien avant même le commencement du troisième siècle, ne peut guère s'expliquer, pour les chrétiens, que par l'intention de se conformer dès lors à la réglementation de ces collèges, qui exigeait la mensualité des versements : car dans les Églises les réunions rituelles, ayant lieu chaque dimanche, étaient hebdomadaires et non mensuelles[52]. Par ce moyen, les Églises semblent avoir acquis la capacité juridique. Une épitaphe d'Héraclée, dans le Pont, contient, à l'adresse des violateurs éventuels du tombeau, une menace d'amende à payer aux frères, c'est-à-dire à la communauté chrétienne du lieu[53] : pour qu'une telle menace eût, le cas échéant, un effet légal[54], il faut que cette communauté ait été considérée comme légitimement constituée[55]. Des indices assez nombreux ont fait penser que les Églises prirent, dans leurs relations juridiques avec le monde profane, ce titre de société des frères, fratres, ecclesia fratrum, qui vient d'être cité[56] : désignation bien appropriée aux mœurs charitables des chrétiens, et aussi vague que celle de beaucoup de collèges funéraires païens[57]. Peut-être aussi des groupes de fidèles furent-ils connus sous le nom d'adorateurs du Verbe, cultores Verbi[58], analogue aux dénominations portées par les nombreux collèges païens, à la fois religieux et funéraires, des cultores Jovis, Herculis, Mercurii, Silvani, etc.[59] Ainsi chaque détail de la vie extérieure des chrétiens, évoquant soit dans les choses soit dans les mots un détail d'apparence semblable emprunté à la vie des corporations, paraît justifier l'hypothèse proposée : celle-ci explique de la manière la plus simple comment les Églises ont pu devenir propriétaires d'immeubles n'appartenant plus à tel ou tel chrétien, mais au corps des chrétiens[60].

Si bien lié que paraisse ce système, il a été critiqué[61]. On lui a reproché de ne pas se fonder sur des textes formels. Celui où Tertullien décrit l'organisation des communautés chrétiennes a paru n'établir que des rapprochements fortuits, mais, au fond, avoir moins pour objet de montrer en quoi elles ressemblaient aux collèges que d'indiquer en quoi elles en différaient[62]. Il a semblé aussi que l'autorité romaine n'aurait pu, sans un excès de naïveté ou de complaisance, prendre les Églises pour des collèges funéraires : ceux-ci, très multipliés dans chaque ville, étaient ordinairement composés chacun d'un petit nombre d'associés[63], tandis que l'Église y formait toujours un corps unique, comprenant parfois des milliers de membres[64] ; d'ailleurs, le caractère religieux des communautés chrétiennes était trop évident[65] pour que, même aux yeux les moins prévenus, la confusion fût possible. Il y aurait donc erreur à reconnaître dans les Églises de vrais collèges funéraires, remplissant toutes les conditions exigées de ceux-ci par les lois, et rentrant dans cette catégorie d'associations aussi complètement et aussi exactement que les innombrables sociétés païennes dont les inscriptions nous ont conservé le type. Mais à côté des collèges clairement définis, qui étaient de deux sortes, associations professionnelles munies d'une autorisation spéciale de l'empereur et du sénat, collèges funéraires autorisés en bloc par la loi, existaient de nombreuses sociétés de fait, n'appartenant ni à l'un ni à l'autre de ces deux genres, ne jouissant pas par conséquent de la personnalité civile, cependant tolérées tant qu'elles ne dégénéraient pas en factions illicites. L'effort des apologistes chrétiens, et de Tertullien en particulier, fut de démontrer que leurs coreligionnaires ne formaient pas de factions illicites, et avaient par conséquent droit à la tolérance[66]. Cette tolérance fut souvent accordée non seulement aux individus, mais même aux groupes chrétiens, qui en profitèrent pour acquérir des biens, posséder paisiblement des lieux de réunion et des cimetières. Ils n'eurent besoin, pour atteindre ce but, de rentrer dans aucun des types légalement définis, puisque, à côté de ceux-ci, et comme en marge de la loi, de nombreuses sociétés eurent souvent la permission tacite de vivre et de se développer. Telles furent les confréries vouées au culte des dieux orientaux : telles furent vraisemblablement aussi les Églises chrétiennes, dans les heures d'apaisement où les pouvoirs publics ne cherchaient pas à les dissoudre et ne se croyaient pas obligés de les persécuter.

Le lecteur choisira entre les deux systèmes. Si le premier n'est pas tout à fait démontré, le second laisse prise à une grave objection. C'est entre la fin du second siècle et le milieu du troisième que parait s'être constituée, sans opposition, la propriété collective des Églises. Une de ces dates est fort proche du moment où nous voyons pour la première fois l'Église de Rome avoir son cimetière, et la seconde touche à l'heure où l'autorité impériale commencera à s'inquiéter des immeubles appartenant au corps des chrétiens. Si pendant ce demi-siècle l'Église avait joui d'une tolérance ininterrompue, on comprendrait que l'État romain l'eût laissée acquérir et administrer librement des biens. Sous le règne de Septime Sévère, qui cependant persécuta, il se peut que la formation encore récente du patrimoine ecclésiastique ait échappé aux regards des magistrats. Mais sous les règnes suivants, où l'Église, souvent tolérée, est quelquefois aussi persécutée violemment, on remarquera qu'aucune de ces alternatives ne modifie sa situation en tant que propriétaire. Jusqu'à 257, ses ennemis les plus déclarés la laisseront jouir de ses biens, et n'en troubleront pas l'usage ou l'administration. Avant le milieu du siècle, aucun acte de séquestre ou de confiscation n'aura lieu à son détriment. On essaiera de faire abjurer ses fidèles, on les condamnera à l'exil ou à la mort, mais on ne touchera pas à ses propriétés. Ce respect du patrimoine ecclésiastique, dans le temps même de la plus grande intolérance pour les membres de l'Église, semble difficile à expliquer en dehors de l'hypothèse qui distingue entre la corporation chrétienne, identifiée avec les collèges funéraires au point de jouir comme eux de la protection légale, et les individus chrétiens exposés à une persécution intermittente comme réfractaires à la religion de l'État.

 

§ 3. — Alternatives de persécution et de tolérance.

Sous le règne de Caracalla, la persécution commencée par Sévère continua, au moins en Afrique, où les légats de Numidie, de Mauritanie, et surtout le gouverneur de la province proconsulaire traitèrent cruellement les chrétiens. On nous brûle vifs pour le nom du vrai Dieu, écrit Tertullien[67], ce qu'on ne fait ni aux véritables ennemis publics, ni aux criminels de lèse-majesté. Ce dernier mot montre bien que ce n'est pas alors comme coupables de lèse-majesté, mais pour le seul crime de religion, que sont poursuivis les disciples de l'Évangile. Cependant l'apologiste, à ce moment même, ne se plaint ni de la violation de leurs areæ sépulcrales, ni de la destruction ou de la confiscation de leurs lieux de culte. L'extension par Caracalla à tous les provinciaux du droit de cité romaine ne parait pas avoir eu d'influence sur la situation des fidèles, sauf en un point. L'appel à l'empereur contre les jugements des gouverneurs, que l'on a vu, au premier siècle, interjeté par saint Paul, au second par quelques justiciables de Pline en Bithynie, cessa d'être reçu. Du moment où tout le monde était citoyen, ce privilège du citoyen devait disparaître. Mais il semble avoir été jusque-là si rarement exercé par les chrétiens, qu'on ne peut dire que leur sort ait été sensiblement aggravé par sa disparition.

Au rude soldat Septime Sévère avait succédé un maniaque avide et sanguinaire. Caracalla eut à son tour pour successeur un fou, qui transporta de la Syrie à Rome les pires orgies de l'Orient. Elagabale était trop peu Romain pour persécuter l'Église au nom de la religion nationale. Tout occupé d'abaisser celle-ci devant le culte du Baal d'Émèse, il toléra ou il oublia les chrétiens. Son cousin Alexandre Sévère purifia, en y montant, le trône souillé par ce honteux souverain. Mais il n'était guère plus Romain que lui. Une instinctive sympathie l'inclinait vers le monothéisme juif et chrétien. Les chrétiens étaient nombreux dans son palais. Sa mère Mammée s'était mise pendant quelque temps à l'école d'Origène. Lui-même professait en religion un naïf éclectisme, qui lui faisait placer dans son laraire l'image du Christ à côté de celles d'Abraham, d'Orphée, d'Apollonius de Tyane et des meilleurs Césars. D'un tel prince l'Église n'avait pas à craindre de persécution. Aussi s'enhardit-elle jusqu'à plaider devant lui. La corporation des cabaretiers disputait un terrain, autrefois dépendant du domaine public, aux chrétiens qui y voulaient établir un lieu de culte. Alexandre résolut le litige par un rescrit. Mieux vaut, déclara-t-il[68], que Dieu soit adoré d'une manière quelconque en ce lieu, que d'en faire don aux cabaretiers. Cette décision était grosse de conséquences. Elle consacrait le droit de l'Église non seulement à posséder, mais à ester en justice, comme toute autre corporation. Elle lui concédait même, de préférence à une corporation rivale, une portion détachée du domaine public. Mais surtout elle lui accordait, pour la première fois, un droit qui semble en contradiction avec toute la législation antérieure : celui d'adorer Dieu à sa manière. Jamais l'Église ne fut plus près d'être officiellement reconnue, non seulement comme corporation légitime ou comme association de fait, mais même comme société religieuse. Christianos esse passus est, dit le biographe d'Alexandre[69]. On eût pu croire toute la politique impériale au sujet des chrétiens désavouée par ce prince, et l'ère des persécutions close pour jamais.

Malheureusement le fils de Mammée, eût-il eu d'avance les sentiments d'un Constantin, n'en avait pas le prestige et la force. Son règne fut ensanglanté par des émeutes qu'il fut impuissant à réprimer. Son préfet du prétoire Ulpien — à qui l'on attribue un recueil de tous les édits ou rescrits relatifs aux chrétiens[70] — périt dans l'une ; dans l'autre fut martyrisé le pape Calliste[71]. Alexandre lui-même mourut victime d'une révolte de soldats. Il eut pour successeur le Thrace Maximin, que la haine de sa mémoire fit persécuteur. Avec la finesse propre aux Barbares, celui-ci proscrivit de préférence les chefs et les docteurs des Églises[72], pensant que le meilleur moyen de détruire les chrétiens serait de leur ôter les dépositaires de l'autorité hiérarchique et les agents les plus actifs de la propagande. Les poursuites dirigées contre les évêques montrent que l'organisation ecclésiastique était maintenant bien connue. Il se peut, comme on l'a conjecturé, que ceux-ci eussent, en qualité d'administrateurs d'associations régulièrement constituées, leurs noms inscrits sur les registres de la préfecture urbaine à Rome, des gouverneurs dans les provinces[73]. En vertu des ordres de Maximin, le pape Pontien et l'un des plus célèbres docteurs de l'Église romaine, Hippolyte, furent déportés en Sardaigne. Pontien, ne voulant point laisser l'Église sans chef, donna aussitôt sa démission, et fut remplacé par Anteros, qui mourut, probablement martyr, après un mois d'épiscopat. Pontien lui survécut de quelques mois, et périt en exil, victime de mauvais traitements[74]. Dirigée surtout contre les chefs ou les personnages influents de l'Église, la persécution atteignit cependant, en divers lieux, les simples fidèles. Elle fut surtout cruelle en Cappadoce, où de violents tremblements de terre avaient exaspéré le peuple païen. Origène, qui était alors dans cette province, dit que beaucoup d'églises y furent détruites par le feu[75] : ce détail montre les communautés chrétiennes en possession de lieux de culte distincts des maisons particulières ; et connus de tous. Ils avaient peut-être été construits à la faveur de la paix d'Alexandre Sévère.

L'Église recouvra la tranquillité sous les Gordiens, et surtout sous Philippe (244-249). Ce dernier parait avoir été chrétien : on connaît l'histoire de la pénitence que lui imposa l'évêque d'Antioche, Babylas[76]. Sa femme et lui-même correspondaient avec Origène[77]. Dans sa vie publique il ne donna sans doute aucune marque de ses croyances intimes, et, célébrant le millénaire de Rome, il le fit en prince païen[78]. Mais vis-à-vis de l'Église sa politique fut empreinte d'une bienveillance visible. Il autorisa le pape Fabien à rapporter solennellement de Sardaigne à Rome, entouré sur le navire de tout son clergé, les reliques de son prédécesseur Pontien[79]. Un contemporain, Denys, évêque d'Alexandrie, parle du très doux empire de Philippe[80]. Origène, écrivant probablement sous son règne le livre Contre Celse, dit que les magistrats ont cessé de faire la guerre aux chrétiens, que dans un monde qui les hait ceux-ci jouissent d'une merveilleuse paix, que la Providence dilate chaque jour les frontières de leur religion, et leur a enfin donné la liberté[81].

Si inférieurs qu'ils fussent par la valeur intellectuelle et (Alexandre excepté) par les qualités morales à leurs illustres prédécesseurs du second siècle, les souverains qui se sont succédé au commencement du troisième ont mieux servi la cause du progrès. Par eux la brèche a été ouverte et chaque jour élargie dans l'étroit exclusivisme de l'esprit romain. Septime Sévère étend aux provinces la liberté d'association, jusque-là réservée à Rome seule[82]. Caracalla fait tomber le mur qui séparait le citoyen du sujet[83]. Alexandre Sévère tenta de donner au travail conscience de sa force, en poussant tous les métiers à s'organiser en corporations industrielles[84]. Sous son règne, sous celui de Philippe, sous celui même d'Élagabale, la religion d'État est mise en échec par la tolérance, puis par la permission expresse accordée aux chrétiens d'adorer Dieu à leur manière. Comme on l'a dit, le monde antique survécut peu aux Antonins. Après eux, c'est une société nouvelle qui se forme confusément, sous les règnes de princes recrutés par le hasard en Afrique, en Asie, en Arabie, et demeurés Orientaux ou Barbares sous la pourpre. Mais l'esprit romain ne se laissera pas abattre sans résistance et sans retours. Il a de trop séculaires racines pour tomber tout d'un coup. Il revit soudain, avec ses qualités et ses défauts, plus dominateur, plus traditionnel et plus obstiné que jamais, dans le successeur de Philippe. Trajan Dèce représente la revanche de Rome contre l'Orient, des anciennes mœurs contre l'esprit nouveau, de la religion d'État contre la liberté religieuse. De cette revanche, les chrétiens seront les premières victimes, et elle se résumera bientôt dans un immense effort pour les détruire.

 

§ 4. — L'édit de Dèce.

Le texte de l'édit rendu contre eux par Dèce n'a pas été conservé, mais des documents nombreux et sûrs, en montrant comment il fut exécuté, laissent deviner sa teneur. C'est, pour la première fois, un édit de proscription universelle, combiné de telle sorte que nul chrétien n'y puisse échapper. Le même coup de filet les enveloppera tous à la fois. Non seulement le principe est posé, mais chaque détail de la procédure est réglé. La part d'initiative laissée jusque-là aux magistrats, maîtres d'appliquer plus ou moins complètement la loi, selon les exigences de l'opinion locale ou même suivant leur tempérament personnel, n'existe plus : seule la volonté de l'empereur fait mouvoir les ressorts et imprime partout à l'engin, dans la même heure, un même mouvement. A jour fixe[85], sur tous les points de l'Empire, ceux dont la religion paraissait douteuse sont mis en demeure de déclarer leur foi. Non seulement à Rome, à Carthage, à Alexandrie, à Éphèse, dans les grandes villes, dans les capitales des provinces ou les chefs-lieux des districts, mais jusque dans les bourgs et les moindres villages[86], l'épreuve a lieu.

Une commission locale, composée de magistrats et de notables, y préside[87]. Les suspects sont tenus de se présenter au temple. A l'appel de son nom[88], chacun doit offrir une victime[89], ou au moins brûler de l'encens sur l'autel et faire une libation[90]. Il lui faut prononcer ensuite une formule blasphématoire, dans laquelle est renié le Christ[91]. Puis un repas, où du vin consacré aux idoles est servi avec la chair des victimes immolées, réunit dans une sorte de communion païenne ceux qui ont sacrifié[92]. Un certificat de ces divers actes est délivré par la commission. La pièce se compose de deux parties. La première est une requête adressée aux préposés aux sacrifices de la ville ou du village[93] par celui qui veut faire constater sa soumission. Après l'indication de ses noms, âge, lieu de naissance, signes d'identité[94], il leur déclare qu'il a de tout temps sacrifié et que récemment, en leur présence, conformément aux prescriptions de l'édit, il a offert l'encens, fait la libation et goûté aux victimes, ce qu'il leur demande de certifier[95]. La commission, ou l'un de ses membres, appose au bas de la requête son visa, avec la date[96].

Les originaux de deux de ces certificats, provenant de localités différentes, ont été retrouvés : les noms varient, mais la rédaction est identique, ce qui permet de croire qu'un modèle unique avait été prescrit pour tout l'Empire. Les gens plus ou moins suspects de christianisme, qui avaient eu la faiblesse de sacrifier, ne manquaient pas de se munir de cette pièce, afin d'être à l'abri de toute poursuite. Il se fit même à cette occasion un trafic, et plus d'un, sans avoir obéi à la loi, se procura à prix d'argent un certificat mensonger[97]. Quant aux chrétiens trop fermes pour recourir à ce subterfuge, où ils voyaient une demi-apostasie, il leur arrivait quelquefois de passer inaperçus et d'être oubliés des persécuteurs : autrement, ils n'avaient qu'une alternative, échapper à la prison par la fuite, ou se laisser arrêter. Souvent la détention était longue, et plusieurs moururent dans les cachots[98]. Dèce, qui n'était pas naturellement sanguinaire, ne cherchait pas à faire des martyrs, mais à défaire des chrétiens. Tous les moyens paraissent bons, depuis les tortures les plus cruelles jusqu'aux plus viles séductions. Pour ceux dont l'abjuration semblait surtout désirable, le procès, conduit avec une lenteur calculée, durait parfois plusieurs mois[99]. C'est seulement quand tous les efforts tentés pour vaincre le chrétien avaient échoué, que la sentence était prononcée : la déportation ou l'exil, plus souvent la mort. Les biens des condamnés, les biens mêmes des fugitifs étaient confisqués et mis en vente[100]. Les apostats furent innombrables, surtout parmi les riches et les grands[101]. Mais nombreux aussi, dans toutes les classes de la société, furent les martyrs.

Jamais encore la chrétienté n'avait subi pareille épreuve ni couru un si grand péril. La persécution fut courte, puisque commencée avec l'année 250, elle était à peu près terminée en mai 251, avant même la mort de Dèce. Mais elle laissa des blessures profondes, qui se cicatrisèrent lentement. Le grand nombre des renégats, celui des porteurs de certificats ou libellatiques, leurs efforts pour rentrer dans l'Église, les pouvoirs usurpés, au détriment des évêques, par des confesseurs de la foi, le conflit qui s'éleva entre les partisans de la sévérité et ceux de l'indulgence, le schisme novatien qui en naquit, les ambitions personnelles mêlées aux luttes disciplinaires ou doctrinales, entretiennent l'agitation. Puis surviennent les courtes persécutions de Gallus et d'Émilien, durant lesquelles les papes Corneille et Lucius sont successivement exilés. L'Église respire pendant les premières années de Valérien, qui se montre favorable aux chrétiens : quelques dissensions passagères entre l'épiscopat africain et le siège de Home ne troublent que superficiellement les esprits. Mais bientôt Valérien cède à des influences contraires : la persécution recommence, en prenant une forme nouvelle, qui va montrer sous un aspect encore inconnu les rapports de l'Église et de l'État.

 

§ 5. — Les édits de Valérien.

Dèce avait cru pouvoir d'un seul coup supprimer le christianisme, en forçant tous les chrétiens à l'apostasie. C'est à la religion seule qu'il s'était attaqué. Il avait, à l'aide de moyens cruels mis au service de fausses croyances, poursuivi un but incontestablement élevé : le rétablissement-de l'unité religieuse par le retour des dissidents au culte national. L'obstination du païen, supérieure chez lui à la perspicacité du politique, l'avait empêché d'apercevoir l'état de ce culte, déjà à demi détruit, et ne tenant plus debout que grâce aux superstitions étrangères qui l'entouraient de leurs rameaux parasites et lui prêtaient une apparence de vie. Valérien eut des visées moins hautes. Ce qui attira son attention, éveilla ses défiances et peut-être sa cupidité, c'est moins la religion que la société religieuse. Disperser cette société, en détruisant sa hiérarchie et en abattant tous ses appuis ; interdire ses réunions ; mettre la main sur ses richesses vraies ou prétendues ; confisquer ou séquestrer ses immeubles : telle fut la tactique de la nouvelle persécution. Valérien n'essaiera pas d'atteindre tous les chrétiens, comme Dèce avait eu l'illusion de le faire : mais il frappera des coups plus sûrs, tout à la fois à la tête, sur les chefs, et à la base, sur le domaine temporel de la communauté chrétienne.

Pour la 'première fois celle-ci est traitée comme une association illicite. Tel est l'objet principal de l'édit de 257. On n'a pas son texte, mais on le reconstitue facilement au moyen de pièces authentiques, telles que le premier interrogatoire de saint Cyprien et celui de saint Denys d'Alexandrie[102]. Il ordonne de traduire devant les tribunaux, non les chrétiens indistinctement, mais les principaux membres du clergé. Les empereurs ont daigné m'écrire au sujet non seulement des évêques, mais aussi des prêtres, dit à Cyprien le proconsul d'Afrique. Ceux-ci sont mis en demeure de sacrifier aux dieux. Mais la nature de la peine prononcée, s'ils désobéissent, montre que la question religieuse — la première ou plut& la seule au temps de Dèce — est maintenant passée au second plan. Cette peine est l'exil : Cyprien sera envoyé à Curube, Denys à Kephro. Toute la sévérité de l'édit est réservée aux rebelles qui persistent à faire revivre l'association dissoute. On les traite en brigands, conformément aux lois rendues contre les fauteurs de collèges illicites[103]. Les empereurs, dit encore à Cyprien le proconsul d'Afrique, ont défendu de tenir des réunions et d'entrer dans les cimetières. Celui qui n'observera pas ce précepte salutaire encourra la peine capitale. La même déclaration est faite à Denys par le préfet d'Égypte. La peine capitale a deux degrés, la mort ou les travaux forcés[104]. Beaucoup d'ecclésiastiques et de laïques sont, en Afrique, condamnés aux travaux forcés des mines, non pour refus d'apostasie, mais pour réunions illicites[105]. L'État s'est saisi des cimetières chrétiens et des lieux de culte, et en surveille l'entrée : si l'on y pénètre encore, c'est à la dérobée, par des passages secrets[106], au risque d'être surpris aux environs de la catacombe de Calliste, comme l'acolyte Tarcisius[107], ou enterré vivant comme des fidèles qui priaient en commun dans une crypte de la voie Salaria, aussitôt bouchée avec des pierres et du sable par les soldats[108].

On peut croire que l'édit de 257 ne produisit pas tout l'effet attendu par son auteur, car un second édit, promulgué l'année suivante, vint le compléter en l'aggravant. La peine relativement douce de l'exil n'avait probablement pas effrayé les évêques : même exilés, ils continuaient leur œuvre, comme Cyprien qui de Curube envoyait encouragements et secours aux forçats chrétiens, et plus encore Denys, profitant de son séjour forcé en Libye pour y prêcher l'Évangile[109]. Il fallait réduire au silence ces voix importunes. D'autre part, les mesures dirigées contre la communauté chrétienne risquaient d'être inefficaces, tant que celle-ci conserverait de puissants protecteurs parmi les nobles, les chevaliers, les femmes riches ou de haut rang, et même les opulents et influents serviteurs du palais qu'on appelait les Césariens. On pouvait confisquer les cimetières possédés à titre corporatif par l'Église, fermer ses lieux d'assemblée : les amis qu'elle conservait dans l'aristocratie de naissance ou de fortune demeuraient, comme autrefois, maîtres de lui ouvrir l'asile de leurs domaines funéraires ; de fait, plusieurs cimetières furent accessibles, même après l'édit de 257, parce qu'ils étaient restés de droit privé. Valérien adressa au sénat un nouvel édit, accompagné d'un modèle de lettre destinée à être expédiée par la chancellerie impériale aux divers gouverneurs : il y était dit que tous les évêques, prêtres ou diacres, qui refuseraient d'abjurer seraient sur-le-champ mis à mort ; que tous les nobles et chevaliers confessant le christianisme seraient déchus de leur dignité, dépouillés de leurs biens, et décapités ; que les femmes de même rang seraient envoyées en exil ; que les chrétiens de la maison de César verraient leur fortune confisquée, et, assimilés aux derniers des esclaves, seraient condamnés à travailler la terre[110].

L'exécution ne se fit pas attendre : dès le 6 août 238, le pape Sixte II, surpris avec son clergé dans une chambre du cimetière de Prétextat, fut décapité sur le lieu même, assis dans la chaire épiscopale : plusieurs de ses diacres périrent avec lui[111]. En Espagne fut mis à mort l'évêque Fructueux, avec ses deux diacres ; à Carthage, Cyprien. Les paroles du propréteur de la Tarraconaise à Fructueux montrent l'intention de supprimer, d'amputer, pour ainsi dire, sèchement et sans phrases, les chefs de la société chrétienne. Tu es évêque ?Je le suis. — Tu l'as été, dit le gouverneur, en l'envoyant au supplice[112]. Plus exactement encore les termes de la sentence prononcée contre Cyprien traduisent la pensée impériale. Ce n'est pas seulement pour cause de christianisme, c'est-à-dire pour dissidence religieuse, c'est surtout comme sacrilège, conspirateur, fauteur d'association illicite, qu'il est condamné. Ces trois crimes, au milieu du troisième siècle, se confondaient avec celui de lèse-majesté, et étaient frappés des mêmes peines[113]. Longtemps auparavant l'accusation de sacrilège et de lèse-majesté avait déjà été, au dire de Tertullien, encourue par les chrétiens[114] : mais sous ce nom ce qui était puni alors, c'était le refus d'adorer les dieux et d'offrir des sacrifices pour le salut des empereurs[115], c'est-à-dire, à y regarder de près, le délit religieux. Aucun procès de martyr, avant le milieu du troisième siècle, ne nous montre l'accusation portée sur un terrain différent. Maintenant, c'est pour des faits d'un autre ordre, clairement définis, que ces qualifications légales sont appliquées aux chefs des chrétiens. Tout proche de l'accusation de sacrilège est celle de lèse-majesté, — écrit le jurisconsulte Ulpien, — et l'on donne le nom de cette dernière à tout attentat contre le peuple romain et contre la sécurité publique. En est coupable quiconque, par action, ruse ou conseil, a rassemblé des gens armés dans Rome, les a unis contre la République, a occupé des lieux publics ou des temples ou a organisé des assemblées et des réunions, et poussé les hommes à la révolte[116]. Ces paroles se trouvent en substance dans le discours du proconsul à Cyprien. Tu as longtemps vécu en sacrilège, lui dit le magistrat, tu as réuni autour de toi beaucoup de complices de ta coupable conspiration, tu t'es fait l'ennemi des dieux de Rome et de ses lois saintes, nos pieux et très sacrés empereurs Valérien et Gallien, et Valérien, très noble César[117], n'ont pu te ramener à la pratique de leur culte. C'est pourquoi, fauteur de grands crimes, porte-étendard de la rébellion, tu serviras d'exemple à ceux que tu as associés à ta scélératesse. Ces considérants appelaient le dispositif, que le proconsul lut sur une tablette : Nous ordonnons que Thascius Cyprien soit mis à mort par le glaive[118].

La persécution de Valérien offre ainsi, à certains égards, un caractère nouveau, et témoigne de préoccupations dont les documents relatifs aux persécutions précédentes ne portaient point de trace. Un autre caractère encore s'y découvre. Pour la première fois, la question d'argent joue un rôle dans les rigueurs exercées contre les chrétiens. Sous Dèce, on confisquait les biens des fidèles condamnés à la peine capitale ou au bannissement, mais la confiscation, même quand elle aggravait pour eux le droit commun[119], n'était qu'un accessoire, et ne prenait pas la première place dans les calculs des persécuteurs. Il en est autrement sous Valérien. Pour aider la détresse, alors très grande, du trésor public, l'empereur se prépare à mettre la main sur les biens des chrétiens. Même avant l'ouverture officielle de la persécution, on le voit s'inquiéter de la fortune de fidèles venus de Grèce à Home, et signalés à l'attention de sa police par l'abondance de leurs aumônes[120]. D'accessoire la confiscation passe au rang de peine principale dans l'édit de 258. On y lit que les sénateurs, nobles ou chevaliers qui professent le christianisme commenceront par être dépouillés de leurs biens, puis, s'ils persistent à être chrétiens, encourront la décapitation. De même pour les Césariens : non seulement ceux qui confesseront la foi dans l'avenir, mais, par un effet rétroactif, ceux qui l'ont confessée dans l'une des persécutions précédentes perdront leur fortune, qui sera acquise au fisc. Dans sa hâte d'acquérir les richesses des chrétiens, l'empereur, contrairement à tous les précédents comme à toute logique, confisque d'abord, sauf à punir ensuite. On comprend qu'il n'ait pas mis moins d'empressement à s'approprier le patrimoine collectif de l'Église. Un reste de respect pour la religion des tombeaux, si puissante à Rome, l'empêche d'adjuger au fisc les terrains funéraires des chrétiens : il se contente de les mettre sous séquestre. Mais les autres propriétés communes, comme les édifices consacrés aux réunions du culte, sont saisies, quelques-unes peut-être vendues au profit du trésor[121]. Plus encore sans doute que les immeubles, les richesses mobilières de la communauté chrétienne paraissent de bonne prise. L'histoire de saint Laurent est trop caractéristique pour avoir été de tout point inventée. Ce premier diacre, administrateur du temporel de l'Église romaine, est mandé devant le préfet après le martyre de saint Sixte. On le somme de livrer les trésors confiés à sa garde. Il accepte, et, au jour fixé, présente au magistrat une troupe de pauvres[122], recrutée parmi les quinze cents indigents que nourrissait quotidiennement l'Église de Rome[123]. On ne pouvait dire plus clairement que les cotisations mensuelles et les aumônes versées dans la caisse ecclésiastique n'y séjournaient pas, et se répandaient tout de suite sur les misérables. C'est ce qu'exprimait plus simplement saint Cyprien, écrivant dans le même temps que l'Église ne faisait pas d'économies, et que tout ce qu'elle recevait s'en allait aux orphelins et aux veuves[124]. Valérien s'était trompé, quand il avait cru que les biens des associations chrétiennes lui seraient une proie fructueuse. Il trouvait des immeubles inaliénables, comme les cimetières, ou d'une vente difficile, comme les oratoires et les chapelles : les réserves mobilières sur lesquelles il comptait n'existaient pas. Mais à défaut de la fortune de l'Église, qui déjoua les espérances du Persécuteur, celle des riches chrétiens, visée spécialement par un de ses édits, dédommagea peut-être son avidité[125].

 

§ 6. — La paix de Gallien.

Le règne de Valérien se termina par une catastrophe, dans laquelle les chrétiens virent un châtiment providentiel. Fait prisonnier par les Perses, le prince persécuteur mourut captif, presque esclave, après avoir servi de jouet à ses vainqueurs. Gallien lui succéda. Celui-ci, suivant probablement les conseils de l'impératrice Salonine, dont la sympathie pour les chrétiens était allée peut-être jusqu'à embrasser leur foi, mit fin à la persécution. Il le fit d'une manière insolite. Jusque-là, plusieurs persécutions avaient cessé de fait, sans que le droit ait été changé. On laissait vivre les chrétiens et tomber en désuétude les lois d'exception rendues contre eux, mais le christianisme demeurait une religion illicite, toujours punissable en théorie. Gallien semble avoir voulu effacer cette tache originelle. Un édit général rendit aux évêques et à leur clergé — aux magistrats du Verbe, selon son expression[126] — la liberté de leur ministère. Puis des rescrits, envoyés à plusieurs évêques, réglèrent les mesures d'exécution. On a conservé l'un de ces rescrits. Il est adressé à Denys d'Alexandrie et à ses collègues orientaux, et les remet en possession des lieux religieux saisis par le fisc[127]. D'autres rescrits lèvent le séquestre établi sur les cimetières, et permettent aux évêques d'en recouvrer l'usage[128]. L'importance de ces actes éclate à tous les yeux. Les chefs des Églises et leurs ministres, supprimés par Valérien, reçoivent de son fils une sorte d'investiture et comme un titre officiel. Les diverses catégories de propriétés ecclésiastiques que Valérien a séquestrées ou confisquées sont rendues aux représentants de l'Église. Celle-ci reçoit, non plus implicitement et en vertu d'une sentence juridique, comme celle d'Alexandre Sévère, mais formellement, par un édit et divers rescrits, le droit d'être et de posséder. Quelques indices laissent penser que les particuliers chrétiens, dont les biens avaient été adjugés au fisc, furent eux-mêmes indemnisés[129]. On croit voir déjà se dessiner dans ses grandes lignes l'édit de pacification que, cinquante ans plus tard, signera Constantin.

Malheureusement, à Gallien la force manqua pour imposer sa volonté et créer à son œuvre un lendemain. L'histoire montre dans la plus grande partie de l'empire, en Orient aussi bien qu'en Occident, l'édit exécuté et les chrétiens rentrés en possession des lieux religieux. Mais, à la même heure, l'unité de gouvernement échappe aux faibles mains qui la détenaient. C'est l'ère des trente tyrans. Gallien n'est plus guère souverain que de l'Italie et de l'Afrique : à l'Occident, une vaste confédération, réunissant la Gaule, l'Espagne et la Bretagne, se forme sous le sceptre de vaillants guerriers ; les provinces danubiennes se donnent un maître ; l'Égypte devient la proie de l'ambitieux Macrien ; à l'extrême Orient, la florissante royauté de Palmyre prospère sous Odenath et Zénobie. Le sort des chrétiens est ballotté entre tous ces princes, bien qu'un seul d'entre eux, Macrien, paraisse les avoir persécutés. Sous son éphémère successeur, Émilien, un épisode de la guerre civile qui désola Alexandrie montre même l'influence qu'ils avaient acquise et les services qu'ils étaient en état de rendre en un temps où toute autorité semblait détruite[130]. Mais si leur situation présente fut rarement aggravée par l'anarchie où était tombé l'Empire, l'autorité des réformes de Gallien y périt presque tout entière. La paix religieuse, qu'il avait cru fonder, continua d'être à la merci des événements.

 

§ 7. — La fin du troisième siècle.

Sauf une persécution courte et locale sous Claude le Gothique[131], les fidèles furent en repos jusqu'à la fin du règne d'Aurélien. Celui-ci paraît avoir très bien connu leur organisation. On vous croirait assemblés dans une église de chrétiens et non dans le temple de tous les dieux, écrit-il avec impatience aux sénateurs qui, dans un extrême danger de l'Italie, hésitaient à ouvrir les livres sibyllins[132]. Il est même familier avec les nuances du langage théologique, au point de trancher par une règle de discipline ecclésiastique une question de propriété. Les fidèles d'Antioche disputaient, en 272, à l'hérésiarque Paul de Samosate un immeuble de l'Église. Le bien litigieux, dit Aurélien, devra appartenir à ceux qui sont en communion avec les évêques d'Italie et l'évêque de Rome[133]. En l'adjugeant aux orthodoxes, il reconnait une fois de plus l'existence collective et le droit de propriété commune des catholiques. C'est la politique d'Alexandre Sévère, avec l'élément nouveau qu'y a introduit Gallien, à savoir la reconnaissance des évêques comme chefs légitimes et presque comme personnages officiels.

Quelle cause poussera, deux ans plus tard, Aurélien à l'abandonner ? L'histoire ne le dit pas, et l'on est réduit aux conjectures. Il se peut qu'Aurélien, en se tournant tout à coup contre les chrétiens, ait cédé à un mouvement de fanatisme religieux. C'est une religion très personnelle que la sienne. Par politique, il soutient le culte officiel de Rome ; au fond de son cœur, il croit en un dieu d'Orient. Fils d'une prêtresse de Mithra, il adore le Soleil, reçoit en songe ses avertissements, le proclame le plus certain des dieux, le fait seigneur de l'Empire romain, lui bâtit à Rome un temple magnifique, et institue en son honneur un second collège de grands pontifes[134]. Le Soleil qu'exalte ainsi Aurélien est moins l'Apollon gréco-romain que le Mithra servi par sa mère dans une grotte de la Pannonie ou le Baal qu'on encense à Émèse et à Palmyre, ou plutôt il est tout cela, divinité composite en qui se résume le long travail du syncrétisme païen, et dont Julien, au quatrième siècle, essaiera de ressusciter le culte pour l'opposer à celui du Christ. L'accent avec lequel, à plusieurs reprises, Aurélien parle de son dieu montre une dévotion vive, ardente, fanatique : on ne s'étonne pas qu'elle ait pu devenir intolérante et se faire persécutrice. Quoi qu'il en soit, en 274 un édit fut rendu contre les chrétiens, édit sanglant, dit Lactance[135], qui malheureusement n'en donne pas le résumé. Une persécution suivit, qui fit des victimes, et eût été probablement très violente, si la mort d'Aurélien, survenue quelques mois plus tard, ne l'eût arrêtée.

Depuis l'élévation de Tacite au trône impérial jusqu'à l'établissement de la tétrarchie par Dioclétien, la situation des chrétiens fut relativement paisible. Cependant des martyrs sont signalés, soit à Rome, soit dans les provinces. Il est intéressant de rechercher en vertu de quelles lois ils furent condamnés. L'édit d'Aurélien n'avait pas été formellement abrogé ; mais il était tombé presque tout de suite en désuétude. Il avait suffi, néanmoins, pour détruire l'effet de la reconnaissance légale dont l'Église fut l'objet sous Gallien, et pour faire revivre l'ancien droit proscrivant en théorie les chrétiens. Sur ce droit purent se fonder de nouveau les rigueurs particulières et locales dont le souvenir a été conservé. Mais celles-ci durèrent peu, et les dernières années du troisième siècle virent la paix religieuse à peine troublée.

Même en Occident, où les chrétiens étaient moins nombreux et avaient, pour ce motif peut-être, souffert plus de violences, l'Église respira librement. En Orient, où depuis longtemps la foi était enracinée dans toutes les provinces, au point qu'en certaines d'entre elles la population croyante formait déjà la majorité, toute entrave sembla levée, et la sécurité assurée pour toujours. Quand Dioclétien eut transporté sa cour à Nicomédie, les fidèles y furent nombreux, et plusieurs parurent très avancés dans la faveur du souverain. On vit beaucoup de chrétiens gérer des magistratures municipales ou même administrer des provinces[136]. Le clergé eut, comme sous Gallien, rang officiel et fut traité avec de grands égards par les représentants de l'autorité publique[137]. La paix sembla si solidement assise que déjà les Églises commencèrent à souffrir les maux de la prospérité. Ici, les mœurs se relâchaient[138] ; ailleurs, des ambitieux se disputaient les dignités ecclésiastiques[139]. Mais partout la sécurité matérielle s'affirmait par des signes extérieurs : en beaucoup de villes, de spacieuses basiliques remplaçaient les églises obscures ou les étroites chapelles des premiers temps[140]. A Rome, cependant, la prévoyance des papes continua de maintenir les lieux de culte loin du centre mondain et tumultueux de la cité, et paraît avoir employé surtout à l'agrandissement des catacombes la liberté laissée à leur zèle[141]. Ils semblent avoir vu que cette liberté serait courte et que la paix demeurait fragile.

Le troisième siècle, cependant, ne s'achevait pas sans avoir modifié favorablement les rapports de l'Église avec l'État romain. Pendant la première moitié du siècle, l'Église avait réussi, en se faisant accepter soit comme collège funéraire légalement autorisé, soit au moins comme association de fait, à constituer le patrimoine nécessaire pour le culte, la sépulture et tous les besoins matériels ou spirituels d'une société organisée. Toute fiction légale avait même fini par devenir inutile, puisqu'une décision impériale, aux environs de l'an 225, avait traité l'Église de Rome comme une corporation reconnue, et même comme une religion licite, en lui concédant un terrain avec permission d'y adorer Dieu. Il fallut le cruel édit de Dèce pour rendre de nouveau illicite la religion chrétienne ; mais, même alors, la situation de l'Église comme corporation propriétaire ne fut point ébranlée. Cette situation était encore si forte au milieu du siècle que Valérien la prit pour but principal d'une persécution nouvelle, et s'usa en vains efforts pour dissoudre l'association chrétienne. L'échec de sa tentative amena une seconde reconnaissance de l'Église, plus formelle encore que la première, par Gallien. De nouveau, cette reconnaissance fut abrogée par l'édit de persécution d'Aurélien. L'Église retomba alors dans la situation juridique qui avait été la sienne au siècle précédent, jouissant le plus souvent d'une paix précaire, que des accusations individuelles ou même de nouvelles persécutions générales pouvaient interrompre à tout moment. Mais au moins, l'expérience a été faite : il a été démontré que le pouvoir impérial peut s'entendre avec l'Église, et que le droit d'adorer un autre Dieu que les divinités officielles peut être accordé sans péril pour l'État. Par deux fois, l'antique législation religieuse de Rome a été mise en échec. Si dures que soient les épreuves encore réservées à la société chrétienne, les bases de la pacification définitive sont dès à présent jetées.

 

 

 



[1] Edmond LE BLANT, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, n° 4, p. 8.

[2] Nuovo Bullettino di archeologia cristiana, 1895, p. 17-41.

[3] EUSÈBE, Hist. Eccl., IV, 23 ; cf. Bullettino di archeologia cristiana, 1864, p. 54 ; 1866, p. 9, 40, 87.

[4] EUSÈBE, Hist. Eccl., V, 23, 24 ; SAINT JÉRÔME, Chron., ad ann. 196 ; Libellus synodicus (dans MANSI, Conc., t. I, p. 275). Cf. HÉFÉLÉ, Hist. des conciles, trad. Delarc, t. I, p. 80-83.

[5] TERTULLIEN, Ad nationes, I, 1, 8 ; Apologétique, 37.

[6] TERTULLIEN, Ad Scapulam, 3.

[7] TERTULLIEN, Ad Scapulam, 4.

[8] On la marque avec soin sur les tombes. Voir BAYET, De titulis Allicæ christianis, p. 136, et Edmond LE BLANT, les Actes des martyrs, p. 237.

[9] TERTULLIEN, Apologétique, 18 ; cf. De testimonio animæ, 1.

[10] ORIGÈNE, Contra Celsum, III, 44, 55.

[11] PLINE, Ep., X, 97.

[12] Judæos fieri sub gravi pœna vetuit, item etiam de christianis sanxit. SPARTIEN, Septime Sévère, 17.

[13] Digeste, L, II, 2, § 3.

[14] EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 12.

[15] PAUL, Sentent., V, XXIII, 3, 4.

[16] Digeste, XLVIII, VIII, 1.

[17] TERTULLIEN, Ad nationes, I, 7 ; Apologétique, 7.

[18] Perducimur ad potestates. Ad nationes, I, 4. — Christianus... interrogatus, confitetur ; damnatus, gloriatur. Apologétique, 11.

[19] Apologétique, 9, 11.

[20] Apologétique, 12, 31, 50.

[21] TERTULLIEN, Ad Scapulam, 4.

[22] TERTULLIEN, De fuga in persecutione, 3, 10, 12, 14.

[23] CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromates, IV, 4.

[24] EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 1-4.

[25] RUINART, Acta sincera martyrum, p. 85 ; ARMITAGE ROBINSON, The Passion of S. Perpetua.

[26] Spartien ne dit pas si l'ordonnance de Septime Sévère fut un édit ou un rescrit. Mais, même si elle prit cette dernière forme, il est certain qu'elle eut une portée générale, comme, un siècle plus tôt, le rescrit de Trajan à Pline, qui fit jurisprudence pour tout l'Empire.

[27] SAINT PAUL, I Cor., IX, 14 ; II Cor., XI, 8, 9 ; I Thess., II, 9 ; II Thess., III, 8, 9. Voir aussi Didachè, 13.

[28] Actes des Apôtres, IV, 34, 35 37 ; V, 1, 27.

[29] Cf. Actes des Apôtres, XX, 7, 8 ; SAINT PAUL, Rom., XVI, 5 ; Recognit. Pseudoclement., X, 71.

[30] Voir dans mon Histoire des Persécutions, t. II, 2. édit., l'Appendice : Domaines funéraires des particuliers et des collèges.

[31] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. II, p. 368 et suivantes.

[32] Philosophumena, IX, 1.

[33] Corpus inscr. lat., t. VIII, 9585. Cf. Bull. di arch. crist., 1864, P. 8.

[34] Corpus inscr. lat., t. VIII, 9586. Cf. DE ROSSI, Roma sotterranea, t. I, p. 106.

[35] TERTULLIEN, Ad Scapulam, 3.

[36] Philosophumena, IX, 11.

[37] Comparez les deux inscriptions de Césarée de Mauritanie citées plus haut arec ORELLI, 2417, 4092, 4093, 4121.

[38] Præsident probati quoque seniores, honorem istum non pretio, sed testimonio adepti ; neque enim pretio ulla res Dei constat. Etiam si quod arcæ genus est, non de honoraria summa, quasi redem ptæ religionis, congregatur. TERTULLIEN, Apologétique, 39. — La summa honoraria, rappelée quelquefois dans les inscriptions, était la somme que devaient débourser les magistrats des villes ou les dignitaires des collèges pour prix de leur élection.

[39] Comparez le férial du collège d'Esculape et d'Hygie, du collège de Sylvain, du collège de Diane et d'Antinoüs (ORELLI, 2417 ; ORELLI-HENZEN, 6085, 6086) avec les depositiones episcoporum et les depositiones martyrum du calendrier philocalien. Voir aussi Ep. eccl. Smyrn. de martyrio Polycarpi, 18, et TERTULLIEN, De corona, 3.

[40] ORELLI-HENZEN, 6086.

[41] Modicam unusquisque stipem menstrua die, vel cum velit, et si modo velit et si modo possit, apponit. TERTULLIEN, Apologétique, 39.

[42] Ministrator christianus. Inscription citée d'après Boldetti par M. DE ROSSI, Roma sollerranea, t. III, p. 526.

[43] GAIUS, au Digeste, III, IV, 1, § 1. Ces mots ne se retrouvent pas dans les inscriptions ; le curator ou procurator qui y est quelquefois nommé en est peut-être l'équivalent.

[44] Philosophumena, IX, 11 ; SAINT CYPRIEN, Ep. 49, ad Cornelium ; SAINT AMBROISE, Off., II, 38 ; PRUDENCE, Peri Stephanôn, II, 37-44.

[45] Nam inde non epulis nec potaculis, nec ingratis voratinis dispensatur, sed egenis alendis humandisque, et pueris ac parentibus destitutis, jamque domesticis senibus, item naufragis, etc. TERTULLIEN, Apologétique, 39. Cf. WALTZING, les Corporations de l'ancienne Rome et la charité, dans Compte rendu du 3e Congrés scientifique international des catholiques, 1895, Sciences historiques.

[46] ORELLI, 2417, 4075 ; Alti della r. Accad. dei Lincei, 1888, p. 279-281.

[47] SAINT PAUL, I Tim., V, 17 ; TERTULLIEN, De jejunio, 17 ; SAINT CYPRIEN, Ep. 38, 04. Cf. DE ROSSI, Bull. di archeologia cristiana, 1866, p. 22.

[48] Coimus.... arcæ genus est.... modicam unusquisque stipem menstrua die apponit... egenis alendis humandisque. TERTULLIEN, Apologétique, 39.

[49] Qui stipem menstruam conferre volunt in funera in id collegium cœant neque sub specie hujus collegii nisi semel in mense cœant conferendi causa unde defuncti sepeliantur. Sénatus-consulte reproduit dans l'inscription du collège funéraire de Diane et d'Antinoüs, à Lanuvium. ORELLI-HENZEN, 6086.

[50] Quibus autem permissum est corpus habore collegii, societatis, sive cujusque alterius eorum nomine, proprium est ad exemplum reipublicæ habere arcam communem. GAIUS, au Digeste, III, IV, 1, § 1.

[51] Permittitur tenuioribus stipem menstruam conferre dum tamen semel in mense cœant conferendi causa. MARCIEN, au Digeste, XLVII, XXII, 1.

[52] PLINE, Ep., X, 97.

[53] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. I, p. 107.

[54] DANIEL-LACOMBE, le Droit funéraire romain, 1886, p. 191.

[55] On remarquera que dans la célèbre épitaphe de l'évêque phrygien Abercius, contemporain de Marc-Aurèle, c'est-à-dire d'une époque où la propriété ecclésiastique n'était pas encore établie, la muleta sepulcralis imposée aux violateurs du tombeau est attribuée à la caisse municipale et au trésor romain.

[56] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. I, p. 107.

[57] Cf. GATTI, dans Bull. della comm. arch. com. di Roma, 1890, p. 145-147.

[58] Corpus inscript. lat., t. VIII, 9685. Cf. EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 13.

[59] Voir BOISSIER, les Cultores deorum, dans Revue archéologique, t. XXIII, 1872, p. 81.

[60] LACTANCE, De mort. pers., 48 ; EUSÈBE, Hist. Eccl., 5. — Voir DE ROSSI, Roma sotterranea, t. I, p. 101-108 ; t. II, p. VI-IX, 371 ; t. III, p. 473, 507-514 ; Bull. di arch. crist., 1864, p. 27, 59-63, 94 ; 1865, p. 89, 97, 98 ; 1866, p. 11, 22 ; 1870, p. 36.

[61] Voir DUCHESNE, les Origines chrétiennes (leçons d'histoire ecclésiastique professées à l'École supérieure de théologie de Paris, 1878-1881), p. 386-396 ; et Compte rendu du 3e Congrès scientifique international des catholiques, Bruxelles 1895, Sciences historiques, p. 488.

[62] Cf. WALTZING, les Corporations de l'ancienne Rome et la charité, dans le Compte rendu cité, p. 175.

[63] Nombreux collèges domestiques, composés des membres ou des serviteurs d'une seule famille (DE ROSSI, I collegii funeraticii famigliari privati e le loro denominazioni, dans Comm. philol. in hon. T. Mommsenii, 1877, p. 704). Donation faite au collège funéraire d'Esculape et d'Hygie, à condition qu'il ne dépassera pas soixante membres (ORELLI, 2417).

[64] On doit faire remarquer que les collèges romains qui portaient un nom professionnel, mais qui étaient avant tout des sociétés amicales, religieuses et funéraires (WALTZING, l. c., p. 166) se composaient souvent de plusieurs centaines de membres ; voir WILMANNS, Exempta inscript., t. II, index, p. 637, au mot centuriæ in collegiis.

[65] Corpus sumus de conscientia religionis, et disciplinæ unitate, et spei fœdere, dit TERTULLIEN, Apologétique, 39.

[66] Inter licitas factiones sectam istam deputari oportebat, a qua nihil tale committitur quale de illicitis factionibus timeri solet... Eadem jam nunc ego ipse negotia christianæ factionis, ut qui mala refutaverim, bona ostendam... Cum probi, cum boni cœunt, cum pii, cum casti congregantur, non est factio dicenda, sed curia... At e contrario illis nomen factionis accommodandum est qui in odium bonorum et proborum conspirant, etc. Apologétique, 38, 39, 40. Une des phrases citées : Non est factio dicenda, sed curia, a toujours été traduite : Ce n'est pas une faction, c'est un sénat. Elle a peut-être un autre sens. Dans l'Afrique proconsulaire, on trouve peu d'inscriptions relatives aux collèges proprement dits, mais les textes épigraphiques faisant allusion à des sociétés qui portent le nom de curie (et qui n'ont point de rapport avec les sénats municipaux) sont nombreux. Ces curiæ ressemblent beaucoup aux corporations et aux collegia tenuiorum et en paraissent une forme particulière à l'Afrique (TOUTAIN, les Cités romaines de la Tunisie, 1896, p. 285). Il se peut donc que Tertullien veuille seulement dire ici que l'assemblée des chrétiens, composée d'honnêtes gens, est non une faction, mais une curia ou association régulière.

[67] TERTULLIEN, Ad Scapulam, 4.

[68] LAMPRIDE, Alexandre Sévère, 49.

[69] LAMPRIDE, Alexandre Sévère, 22.

[70] DE ROSSI, Bull. di arch. crist., 1866, p. 93.

[71] LACTANCE, Div. Inst., V, 2.

[72] EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 28 ; OROSE, VII, 19.

[73] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. II, p. VI-IX. Cf. TERTULLIEN, De fuga, 13.

[74] Catalogue libérien et notices de Pontien et d'Anteros, dans DUCHESNE, le Liber Pontificalis, t. I, p. 4, 5, 145, 147.

[75] ORIGÈNE, Comment. series in Matth., 28.

[76] EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 34 ; Chron. ad olymp. 256 ; SAINT JEAN CHRYSOSTOME, de S. Babyla, 6.

[77] EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 36 ; SAINT JÉRÔME, De viris ill., 51.

[78] AURELIUS VICTOR, De Cæsaribus, 28 ; EUTROPE, Brev., IX, 3 ; EUSÈBE, Chron., ad olymp. 257 ; COHEN, Médailles impériales, t. IV, p. 146- 147, n° 34 et 39.

[79] Liber Pontificalis, Pontianus ; éd. DUCHESNE, t. I, p. 145.

[80] Cité par EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 41, 9.

[81] ORIGÈNE, Contra Celsum, III, 15 ; VII, 26 ; VIII, 15, 41.

[82] Digeste, XLVII, XXII, 1.

[83] Digeste, I, V, 17.

[84] LAMPRIDE, Alexandre Sévère, 22, 33.

[85] SAINT CYPRIEN, De lapsis, 2, 3.

[86] SAINT DENYS D'ALEXANDRIE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 42, 1. Les papyrus publiés par KREBS (1893) et WESSELY (1898), sont des certificats de sacrifice, délivrés dans deux villages égyptiens. Voir Nuovo Bull. di archeologia cristiana, 1895, p. 68-73 et pl. VIII ; cf. Theol. Literaturzeitung, t. XIX (1894), p. 37 et 162.

[87] SAINT CYPRIEN, Ep. 43.

[88] SAINT DENYS D'ALEXANDRIE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 42, 11.

[89] SAINT CYPRIEN, De lapsis, 8.

[90] SAINT CYPRIEN, Ep. 52.

[91] SAINT CYPRIEN, De lapsis, 8. — Formules analogues exigées des apostats au second siècle : PLINE, Ep., X, 97 ; Epist. Eccl. Smyrn. de marc. Polycarpi, 9.

[92] SAINT CYPRIEN, De lapsis, 8, 9, 10, 15, 24, 25.

[93] Papyrus du village d'Alexandre. Même formule dans celui du village de Philadelphie. Nuovo Bull. di arch. crist., 1895, p. 69, 70.

[94] Dans le papyrus d'Alexandre, le requérant Aurelius Diogenes, fils de Satabus, âgé de soixante-douze ans, est indiqué comme ayant une cicatrice au sourcil droit. Ibid.

[95] Papyrus d'Alexandre. Dans celui de Philadelphie, la formule est mise au pluriel, et signée d'un scribe, au nom des requérants illettrés.

[96] Cette dernière partie manque dans le papyrus de Philadelphie. Dans celui d'Alexandre, elle est mutilée, mais reconnaissable, et d'une écriture différente de la requête. Voir Nuovo Bull. di arch. christ., 1895, pl. VIII.

[97] SAINT CYPRIEN, Ep. 31, 52, 68 ; De lapsis, 27 ; Ad Fortunatum, 11.

[98] Lettre de SAINT CORNEILLE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 43 ; Catalogue libérien, dans DUCHESNE, le Liber Pontificalis, t. I, p.4.

[99] SAINT CYPRIEN, Ep. 8, 16, 33,35, 53 ; EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 39.

[100] SAINT CYPRIEN, Ep. 13, 18, 69 ; De lapsis, 3 ; SAINT DENYS D'ALEXANDRIE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 22, 11.

[101] Lettre du clergé de Rome, dans SAINT CYPRIEN, Ep. 2 ; SAINT DENYS D'ALEXANDRIE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 41, 11.

[102] Acta proconsularia S. Cypriani, dans RUINART, Acta sincera, p. 216 ; SAINT DENYS D'ALEXANDRIE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 11.

[103] ULPIEN, MARCIEN, au Digeste, XLVII, XXII, 2 ; XLVIII, IV, 1, 3.

[104] CALLISTRATE, au Digeste, XLVIII, XIX, 28.

[105] SAINT CYPRIEN, Ep. 77, 78, 79.

[106] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. II, p. 258, 259, et 2° partie, p. 45-48.

[107] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. II, p. 7-10, 89 ; Incr. christ. urbis Romæ, t. II, p. 109, n° 62.

[108] Acta SS., octobre, t. X, p. 483, 487 ; GRÉGOIRE DE TOURS, De gloria martyrum, I, 38 ; DE ROSSI, Inscr. christ. urbis Romæ, t. II, p. 84, n° 30 ; 87, n° 31 ; 100, n° 17 ; 103, n° 38 ; 121, n° 9 ; 135, n° 9.

[109] SAINT DENYS D'ALEXANDRIE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 11.

[110] SAINT CYPRIEN, Ep. 80.

[111] SAINT CYPRIEN, Ep. 80. Cf. DE ROSSI, Roma sotterranea, t. II, p. 87-97.

[112] Acta SS. Fructuosi, episcopi, Augurii et Eulogii, diaconorum, 3, dans RUINART, p. 221.

[113] ULPIEN, au Digeste, XLVII, XXII, 2 ; XLVIII, IV, 1.

[114] TERTULLIEN, Apologétique, 10.

[115] TERTULLIEN, Apologétique, 10 ; cf. 15, 31, 35.

[116] ULPIEN, au Digeste, XLVIII, IV, 1.

[117] Valérien s'était associé en 233 son fils Gallien, avec le titre d'Auguste, et avait en 235 fait César son petit-fils Valérien.

[118] Acta proconsularia S. Cypriani, 2 ; dans RUINART, p. 218.

[119] La relegatio ou bannissement n'entraînait pas ordinairement (excepté pour les chrétiens) la perte totale des biens, qui était la conséquence des seules peines capitales. Voir Digeste, XLVIII, XXII, 1, 4.

[120] Actes des martyrs grecs, publiés par DE ROSSI, Roma sotterranea, t. III, p. 202, 205.

[121] On verra plus loin la distinction entre les cimetières et les autres lieux religieux des chrétiens, faite par l'édit de restitution de Gallien ; EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 13.

[122] SAINT AMBROISE, Off., I, 41 ; II, 28 ; PRUDENCE, Peri Steph., II.

[123] SAINT CORNEILLE, dans EUSÈBE, Hist. Eccl., VI, 43, 11. — Cf. DE ROSSI, De origine, historia, indicibus scrinii et bibliothecæ sedis apostolicæ, p. XII, XXIV.

[124] SAINT CYPRIEN, De opere et eleemosynis, 15.

[125] Huic persecutioni quotidie instant præfecti in Urbe, ut qui sibi oblati fuerint in eos animadvertantur, et bona eorum fisco vindicentur. SAINT CYPRIEN, Ep. 80.

[126] EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 13.

[127] EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 13.

[128] EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 13.

[129] SAINT PAULIN DE NOLE, Nat., XVI, 259, 263, 270-272.

[130] EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 32.

[131] Doutes peu fondés de GÖRRES sur la réalité historique des principaux martyrs de cette persécution ; Jahrb. für protest. Theologie, 1891, n° 1.

[132] VOPISCUS, Aurelianus, 10.

[133] EUSÈBE, Hist. Eccl., VII, 30, 19.

[134] VOPISCUS, Aurelianus, 5, 14, 25, 31, 35 ; AURELIUS VICTOR, De Cæsaribus ; ZOSIME, I, 60 ; ECKHEL, Doctr. numm., t. VII, p. 483 ; MARQUARDT, Rem. Staatsverw., t. III, p. 82, 236 ; Bull. della comm. arch. com., 1887, p. 225.

[135] LACTANCE, De mort. pers., 6.

[136] EUSÈBE, Hist. Eccl., VIII, 1, 6, 9, 11 ; concile d'Illiberis, canons 3, 4, 55 ; Passio S. Philippi, 7, 10 (dans RUINART, p. 447, 450).

[137] EUSÈBE, Hist. Eccl., VIII, 1.

[138] Concile d'Illiberis, canons 5, 6, 8, 9, 10, 13, 18, 19, 20, 21, 45, 53, 37, 59, 73, 79.

[139] EUSÈBE, Hist. Eccl., VIII, 1.

[140] EUSÈBE, Hist. Eccl., VIII, 1.

[141] DE ROSSI, Roma sotterranea, t. I, p. 203 ; t. III, p. 45, 46, 49, 61-64, 71-73, 422-423, 425, 487, 488.