Jules Michelet est souvent considéré comme l'exemple le
plus représentatif des historiens romantiques. Non que sa formation
historique n'ait été très sérieuse : excellent élève malgré une enfance
parisienne assez misérable, agrégé, jeune universitaire chargé de cours à
l'École Normale Supérieure, chef de la division historique au Archives
nationales dès 1831, suppléant de Guizot à la Sorbonne de 1834 à 1836, enfin
professeur d'histoire au Collège de France à partir de 1838, il a, dans
toutes ces situations, l'occasion et les moyens d'une recherche sérieuse,
fondée sur la consultation directe des documents qu'il compulsa et dépouilla
inlassablement. Mais très vite l'histoire ne l'intéresse qu'en tant quelle
aboutit à de larges synthèses : disciple de Victor Cousin et des philosophes
de l'histoire comme l'Allemand Herder et l'Italien Vico, il tente d'embrasser
de vastes ensembles de l'évolution humaine. Après une
Histoire romaine
publiée en 1831, il entreprend une Histoire de France qui l'occupera de 1833
à 1867. Faisant reposer son oeuvre sur de solides bases géographiques, il
tend très vite à mettre au centre des événements un acteur principal, le
peuple, artisan de son propre destin, opposant sa liberté sans cesse conquise
aux vieilles fatalités de race ou de terroir. Pour traduire l'activité
multiforme et pourtant profondément cohérente de cet acteur central, il faut,
outre l'intuition du passé nécessaire à tout bon historien, une capacité de « résurrection
de la vie intégrale » que l'on doit saisir à la fois dans son mouvement
d'ensemble et dans tous ses détails. Cette philosophie de l'histoire, que
Michelet exposera systématiquement en 1869 dans sa Préface à l’Histoire de
France, devait l'amener, dès 1843, à des préoccupations plus nettement
politiques. Outre des essais proprement polémiques (Le Peuple, 1846 ; La
Bible de l'humanité, 1864), outre une activité assez directe contre le régime
de la Monarchie de Juillet, cette nouvelle orientation inspire les tomes de
son Histoire de France parus à partir de 1847. Son Histoire de la Révolution
(qu'il publia de 1847 à 1853 et pour laquelle il abandonna momentanément à la
mort de Louis XI son Histoire de France proprement dite) est nettement
partisane, malgré une documentation sérieuse et neuve, et les tomes qui vont
de la Renaissance à la Révolution (parus seulement de 1855 à 1867)
constituent plus un réquisitoire contre la monarchie et l'Ancien Régime qu'un
récit objectif. Dès le Coup d'État de 1851, Michelet avait été destitué de
toute fonction officielle et il occupa les loisirs de ses dernières années
non seulement à terminer son oeuvre historique, mais encore à composer des
sortes de méditations lyriques sur la nature, les oiseaux, les insectes,
s'accordant ainsi le droit à quelque délassement poétique, et retrouvant une
fois de plus, par un autre biais, son culte romantique de la vie
toute-puissante et universelle.
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