Appel à M. Méline —
Succès de M. Charles Dupuy. — Le nouveau Cabinet. — M. Charles Dupuy avant la
présidence du Conseil. — La Décoration du 6 Avril. — Les élections
municipales de Paris. — L'affaire Turpin au Sénat. — Le budget de 1893. —
Interpellation Dumay-Baudin. — Question de M. Millevoye à la Chambre,
interpellation Pourquery de Boisserin. — Démission de MM. Millevoye et Déroulède.
— Condamnation des sieurs Norton et Ducret. — L'arrêt du 15 Juin de la Cour
de Cassation. — Les désordres du quartier latin. — Les troubles du 3 juillet.
— L'interpellation du 7 Juillet. — Démission de M. Peytral. — Remplacement de
M. Loze par M. Lépine. — Le budget de 1894. — Lois sur l'hygiène et la
sécurité dans les ateliers industriels sur l'assistance médicale gratuite
dans les campagnes. — Interpellation Monis au Sénat. — Transformation en
ambassade de la légation de Washington, — L'Angleterre en Egypte. —
L'échauffourée d'Aigues-Mortes. — L'affaire du Siam. — L'Intransigeant
et la Comète à Bangkok. — L'ultimatum de M. Pavie. — La date des
élections générales. — Modifications à la loi électorale. — Proposition
tendant au renouvellement partiel. — La campagne électorale. — M.
Casimir-Périer. — L'évêque d'Annecy, M. de Mun, MM. Millerand, Jaurès, Pelletan.
— MM. Depeyre, Calla, Charles Dupuy et Constans à Toulouse. — M. Léon Say. —
M. Charles Dupuy à Albi. — Discours de M. Jonnart. — M. Godefroy Cavaignac. —
M. d'Haussonville. — MM. d'Arenberg et Piou. — Lettre de Leon XIII au
cardinal Lécot. — Programme de M. Goblet. — Programme des
radicaux-socialistes. — Manifeste collectiviste de Jules Guesde. — Elections
du 20 Août et du 3 Septembre. — Une classification arbitraire des élus. —
L'escadre russe à Toulon. — L'amiral Avelane à Paris. — Le Cabinet reste en
fonctions, malgré ses divisions. — Fin de la grève des mineurs du
Pas-de-Calais. — Élection du bureau provisoire. — Déclaration du 18 Novembre.
— Interpellation Jaurès. — Millerand. — Séance du 23. Séance du 25. — Le coup
de théâtre de M. Pelletan. — M. Charles Dupuy se retire. — Appréciation
générale.
Le
Cabinet Ribot ayant cédé la place, à la suite d'un dissentiment d'ordre
financier entre la Chambre et le Sénat, !e Président de la République
n'avait, comme d'habitude, aucune indication, aucun renseignement sur
l'orientation que le Parlement voulait imprimer à l'action gouvernementale.
Après une entrevue avec les présidents des Commissions de finances des deux
Chambres, MM. Peytral et Boulanger, il fit appel à l'un des membres les plus
influents de la Gauche modérée, M. Méline, lequel n'était pas plus désigné
que ne t'eût été l'un des membres de la Gauche radicale. Avec une bonne
volonté méritoire M. Méline essaya de réunir les éléments de sa combinaison
il y renonça, dès que M. Poincaré eut refusé de se charger du portefeuille
des Finances et M. Carnot dut se tourner d'un autre côté. M. Charles Dupuy
tenait depuis quelques mois, avec une incontestable compétence, le
portefeuille de l'Instruction Publique il plaisait au Président de la
République par les qualités qui avaient déjà séduit la Chambre, sa rondeur,
sa fine bonhomie, sa souplesse alliée, sous une apparence un peu lourde, à
une force réelle. Il montra la décision que l'on attendait de lui en
constituant très rapidement la nouvelle administration. Prenant pour lui
l'Intérieur avec la présidence du Conseil, il laissa l'Instruction Publique,
les Beaux-Arts etles Cultes à M. Poincaré, dont le nom n'avait encore été
prononcé que pour les Finances. Celles-ci échurent, en l'absence de M. Félix
Faure, alors au Havre, à M. Peytral, les Affaires Etrangères à M. Develle, la
Justice et les sceaux à M. Guérin, sénateur de Vaucluse, sur le refus de M.
Milliard, sénateur de l'Eure. Les portefeuilles moins importants du Commerce
et de l'Industrie, de l'Agriculture et des Travaux Publics furent donnés à
MM. Terrier, Viger et Viette les portefeuilles spéciaux de la Guerre et de la
Marine au général Loizillon et au vice-amiral Rieunier. Il y eut un
sous-secrétariat des Colonies qui fut confié à un jeune député de l'Ariège,
M. Delcassé. En somme, la nouvelle combinaison, avec quatre ministres
radicaux, était un retour à la politique dite de concentration ou d'union des
républicains, en vue des élections générales. Son
chef avait un grand mérite ni de près ni de loin il n'avait été mêlé aux
tristes affaires qui avaient si profondément troublé le monde politique et
dont le contre-coup aurait pu se faire sentir aux scrutins du 20 Août et du 3
Septembre. « Je suis un paysan, mais qui sait ce qu'il veut, » disait de
lui-même M. Ch. Dupuy : ces mots le peignent bien. D'origine modeste, arrivé
seul à force de travail et d'intelligence, il eut, à défaut d'une certaine
délicatesse de doigté, la poigne vigoureuse. Il ne cherchait pas à tourner ou
à éviter les difficultés il marchait droit sur elles et le plus souvent il en
venait à bout. De son administration de huit mois, il est resté le souvenir
de quelque chose d'un peu fruste, mais d'assez puissant. Sa première manière
ministérielle fut imparfaite, mais elle ne le disqualifia pas. Il resta un
président du Conseil possible et une ressource de l'avenir. La
Déclaration ministérielle fut lue le 6 Avril, par le ministre de l'Intérieur
à la Chambre, par le garde de sceaux au Sénat. On y remarqua surtout une
allusion aux douloureux incidents qui n'avaient atteint ni la République dans
sa croissance vigoureuse, ni la Patrie dans sa renommée traditionnelle de
probité et d'honneur. Comme projets de loi à plus ou moins longue échéance,
le Gouvernement signalait le projet sur les Sociétés coopératives de
production et le projet sur le crédit agricole et populaire il engageait la
Chambre à en finir avec le budget de 1893 et à épuiser son droit en votant
celui de 1894 avant sa séparation. Courte et d'allures effacées, la
Déclaration fut bien accueillie à la Chambre plus froidement au Sénat. La
Haute Assemblée, reprochait sans doute au Cabinet de ne s'être annexé qu'un
seul sénateur. Peut-être aussi trouvait-elle que la nouvelle combinaison ne répondait
pas exactement à la situation parlementaire. Ni au
Sénat ni à la Chambre le Cabinet du 6 Avril ne fut interpellé sur sa
formation, parce que, d'un commun accord, on était décidé à lui laisser faire
les élections générales et le 6 Avril le Parlement s'ajournait au 25 du même
mois. Pendant les vacances parlementaires eurent lieu, le 16 et le 23 Avril,
les élections municipales de Paris. La majorité qui sortit de ces élections
était, comme celle qui l'avait précédée, républicaine radicale, avec une
forte minorité socialiste et une faible minorité conservatrice majorité et
minorité étaient du reste divisées et subdivisées à l'infini. L'opposition
taquine au Gouvernement n'allait pas jusqu'au refus absolu de concours et,
dans les graves circonstances, nous verrons l'Assemblée communale s'associer
à la France entière, dans un sentiment de sagesse patriotique. Pour les
grands travaux publics, pour les œuvres d'instruction et de solidarité, elle
se montrera aussi généreuse que l'Assemblée précédente. Dès la
rentrée, au Sénat, M. Magnier interpella sur la grâce que M. Carnot avait
accordée, le 10 Avril, à l'inventeur Turpin. M. de Freycinet qui était visé,
à cause de son rôle antérieur dans cette affaire, beaucoup plus que le
général Loizillon, ne manqua pas d'intervenir et, avec son optimisme habituel
uni à un admirable talent, il présenta l'affaire sous les couleurs les plus
roses. Tout se termina par l'ordre du jour pur et simple. A la Chambre, en
réponse à une question de M. Déroulède, le ministre de la Guerre dégagea la
responsabilité du général Ladvocat et la clarté fut loin d'être faite dans
tous les esprits. Le dernier mot, du reste, n'était pas dit, parce que, dès
le premier jour, n'était pas intervenue une solution franche et nette. Le
budget de 1893 fut enfin voté le 28 Avril. L'accord s'était établi entre les
deux Chambres, grâce à de mutuelles concessions sur l'impôt des valeurs de
bourse, sur la patente des grands magasins et sur la réforme des boissons,
qui fut disjointe. La taxe sur les vélocipèdes fut fixée à 't0 francs. La
question de réorganisation du contrôle des chemins de fe :' faillit être une
pierre d'achoppement. Le Sénat avait repoussé une première fois cette
réorganisation, qui devait coûter 750.000 francs et qui paraissait surtout
avoir pour but la création d'un grand nombre d'emplois rétribués. La Chambre
ayant persisté dans son vote, le Sénat s'inclina, après que M. Boulanger,
président de la Commission des Finances, lui eut demandé de faire ce nouveau
sacrifice à la concorde. Dans
les dispositions où était la Chambre en face du Cabinet, les interpellations
ne mirent jamais en danger les ministres du 6 Avril. Citons seulement pour
mémoire celle que M. Lasserre adressa le 29 Avril à M. Viette, à propos de la
distribution d'une brochure anti-patriotique à la porte de la Bourse du
travail, où s'était réuni le Congrès des ouvriers de chemins de fer. M.
Viette flétrit l'auteur anonyme de la brochure, annonça que son œuvre «
odieuse » avait été saisie et tout fut dit. L'interpellation du 2 Mai, venant
après la manifestation ouvrière du 't" Mai et la bagarre qui s'était
produite devant la Bourse du travail, eut le même résultat. Après une réponse
énergique du ministre de l'Intérieur à MM. Dumay et Baudin, l'ordre du jour
pur et simple fut voté et la Chambre autorisa des poursuites contre M.
Baudin, qui avait été arrêté dans la bagarre, puis relâché. M. Baudin fut
condamné à 200 francs d'amende. Malgré
la fréquence des grèves qui éclatèrent sur divers points de la France, aux
mois d'Avril, de Mai et de Juin, à Paris, à Amiens, à Arras, à Suresnes, à
Bordeaux, où l'on remarqua l'intervention du cardinal Lécot en faveur des
boulangers grévistes, la répercussion ne s'en fit pas sentir à la Chambre. Il
n'en fut pas de même des « incidents douloureux » dont la Déclaration avait
parlé ils y eurent leur contre-coup. Un journal sans lecteur, épave du
naufrage boulangiste, la Cocarde, avait annoncé la publication de
documents très compromettants pour divers parlementaires français, documents
qui auraient été volés à l'ambassade d'Angleterre à Paris. Le 23 Juin M.
Millevoye posait une question aù ministre des Affaires Étrangères, au sujet
de Cornelius Herz. M. Dupuy répondit que deux illustres praticiens français
avaient porté le même diagnostic que les médecins anglais sur Cornelius Herz.
Celui-ci, qui avait été arrêté à Bournemouth, le 20 Janvier, serait extradé
dès que l'état de sa santé permettrait le transport. M. Pourquery de
Boisserin demanda naturellement à transformer la question en interpellation
la chose faite, il interrogea le Gouvernement sur Cornelius Herz, sur les
vols de papiers, signalés par la Cocarde et sur Arton. M. Ch. Dupuy
répondit très brièvement que le Gouvernement agissait en ce qui concernait
Cornelius Herz et Arton. Quant aux documents dérobés, ils avaient été remis à
la Justice. C'est alors qu'intervint M. Clémenceau, pour sommer M. Millevoye
de produire ses preuves. Le député d'Amiens prétendait les tenir d'un «
patriote de l'île Maurice)), c'est ainsi qu'il désignait le mulâtre Norton.
Il en donna lecture à la Chambre qui l'écouta avec une sorte de stupeur
jamais document ne porta plus manifestement le caractère d'un faux et jamais
plus maladroit faussaire ne s'était rencontré. Norton ignorait évidemment les
plus élémentaires formules de la langue diplomatique, aussi bien que les
usages du protocole. Il n'ignorait pas moins le monde du journalisme et du
Parlement et il citait à tort et à travers les Débats et le Temps,
MM. Edwards, Laurent, Clémenceau, Rochefort, Burdeau, Maret comme ayant reçu
de l'Angleterre des sommes variant entre 2.000 et 3.000 livres sterling. MM.
Déroulède et Millevoye durent donner leur démission au milieu des huées de la
Chambre. MM. Clémenceau et Burdeau firent entendre une protestation indignée
et la Chambre écœurée vota, par 382 voix contre 2, l'ordre du jour suivant déposé
par M. Maujan La Chambre, flétrissant les calomnies odieuses et ridicules
apportées à la tribune et regrettant qu'on ait perdu pendant toute une séance
le temps du pays, passe à l'ordre du jour. Le 5 Août suivant MM. Norton et
Ducret, de la Cocarde, étaient condamnés le premier à trois ans de
prison et 100 francs d'amende pour faux et usage de faux, le second à un an
de prison et 100 francs d'amende pour complicité d'usage de faux. Telle fut
la dernière tentative faite par les boulangistes pour envelopper tous les
républicains dans une solidarité compromettante. Cette tentative, ils ne devaient
la renouveler que devant le corps électoral, qui en fera bonne justice. Mais
des calomnies répandues, il resta quelque chose, et quelques-uns des bons
serviteurs de la démocratie furent les victimes de ces méprisables moyens. Quelques
jours auparavant, le 1S Juin, avait eu lieu l'épilogue judiciaire de
l'affaire de Panama la Cour de Cassation avait cassé l'arrêt de la Cour de
Paris jugeant au correctionnel, à cause du grade de M. de Lesseps dans la
Légion d'honneur, parce que la prescription était acquise au moment où les
poursuites furent entamées. Il eût mieux valu mille fois ne pas entamer des
poursuites inutiles on eût évité cet avortement qui ne pouvait que
déconsidérer nos plus hautes juridictions et troubler, dans l'esprit des
masses, l'idée de justice et aussi l'idée d'égalité devant la loi.
Malheureusement, de même que beaucoup d'hommes politiques obéissent à ce que
M. Deschanel appellera plus tard « ce respect humain, ce faux point
d'honneur, la peur de ne pas paraître assez avancés », beaucoup sont
dirigés par la peur de ne pas paraître assez purs, assez incorruptibles et
ils engagent le pouvoir exécutif dans une voie dangereuse. Une
condamnation fort légitime, prononcée le 23 Juin pour outrage aux bonnes
mœurs, eut pour conséquence inattendue de graves désordres au Quartier Latin.
Le 8 Février précédent, dans un bal public des boulevards extérieurs, des
étudiants et des artistes avaient profité de la liberté du mardi-gras, pour
faire figurer dans un cortège, dit des Quatre-z-arts, des femmes
insuffisamment vêtues. Il eut peut-être mieux valu fermer les yeux sur ces ~'MDeH~M.
L'information commencée, les poursuites étaient forcées et la condamnation
certaine. Etudiants et artistes prirent parti pour les condamnés et allèrent
manifester autour du Palais du Luxembourg, contre le Sénat collectivement et
individuellement contre M. Bérenger. L'honorable sénateur inamovible, l'un
des plus fermes républicains et l'un des premiers criminalistes de notre
temps, faisait partie de la Ligue contre la licence des rues et il
appelait volontiers les sévérités du parquet contre les outrages aux mœurs
commis par la voie de la presse, des affiches, des prospectus, etc. Tant que
la manifestation ne comprit que des étudiants et des artistes, elle ne
dépassa pas les proportions d'une gaminerie d'écoliers. La blessure de Nuger,
atteint par un porte-allumettes à la nuque, devant le café d'Hareourt et
transporté mourant à' l'Hôpital de la Charité, ne fut peut-être qu'un
déplorable accident. Mais, peu à peu, aux éléments primitifs de la
manifestation se mêlèrent des éléments nouveaux et l'ordre parut sérieusement
compromis. Le 3
Juillet, la Chambre avait, après une interpellation de M. Millerand sur les
troubles, adopté un ordre du jour de M. Turrel absolument insignifiant. Le
soir même, les bagarres recommençaient et l'intervention des brigades
centrales, parcourant en rangs épais le boulevard Saint-Michel et le
boulevard Saint-Germain, ne parvenait pas à les arrêter. Tout omnibus, tout
tramway arrivant sur ces deux voies était dételé ; la voiture, couchée sur le
flanc, formait un commencement de barricade et les manifestants, se portant
sur un autre point, dès qu'apparaissaient les agents de la force publique, y
commettaient les mêmes méfaits. La nuit venue, les kiosques étaient
renversés, les bancs arrachés, les vitres brisées et les deux boulevards, à
peu près solitaires le lendemain matin de bonne heure, offraient le spectacle
d'un quartier pillé par quelques centaines de sauvages. Nous n'oublierons
jamais avec quelle tristesse chacun contemplait ces tableaux de désolation et
de vandalisme qui rappelaient, avec la Terreur et les dénonciations en moins,
ceux des derniers jours de Mai 1871. L'Association générale des Étudiants de
Paris avait, dès le 3 Juillet, répudié toute complicité dans les troubles.
Les étudiants d'ailleurs n'étaient plus qu'en petite minorité parmi les manifestants.
Leur place avait été prise par des cochers en grève, par des ouvriers lancés
en avant par leurs Syndicats et il avait fallu faire occuper militairement la
Bourse du travail, autour de laquelle s'était transportée l'agitation. Une
nouvelle interpellation eut lieu la Chambre, beaucoup plus sérieuse cette
fois, le 8 Juillet. Flottant et maladroit au début, le Gouvernement, qui
s'était montré énergique et décidé, dès que les troubles avaient pris le
caractère que nous avons signalé, ne fut pas en peine de répondre et de
justifier sa conduite, tout en reconnaissant que des fautes avaient été
commises. Après une discussion à laquelle prirent part MM. Paulin Méry,
Camille Dreyfus, Tony-Révillon, Millerand ; Brisson, Lockroy et Ch. Dupuy,
l'ordre du jour de confiance fut adopté par 343 voix contre 134.
L'interpellation ayant porté sur la fermeture de la Bourse du travail, le
résultat n'en était pas douteux. A la même séance, 439 députés contre 43
opposèrent la question préalable à une demande de mise en accusation du
président du Conseil, déposée par M. E. Roche. L'interpellation
du 8 Juillet faillit amener un commencement de dislocation ministérielle. M.
Peytral, comme beaucoup d'autres personnes, faisait remonter à M. Lozé la
responsabilité des premiers troubles. H donna sa démission le 8 Juillet et
reprit son portefeuille le lendemain, quand le Conseil des ministres lui eut
promis que M. Lozé ne resterait pas à la préfecture de police. H y fut, en
effet, remplacé par M. Lépine, qui va devenir le préfet de police idéal des
grandes journées historiques et des époques de crise. Maintenu
en fonctions, M. Peytral put faire voter, au pas de course, par les deux
Chambres le budget de 1894, qui mérite l'appellation de budget de fin de
Législature. Toutes les questions délicates furent écartées, disjointes comme
on dit en langage parlementaire, en particulier celle de la contribution
personnelle et mobilière, celle des portes et fenêtres, celle des centimes
départementaux et communaux, celle de la législation des boissons. Le temps
pressait.et, pour employer un mot cher aux ministres des Finances, le 12
Juillet le budget était bouclé. H s'élevait à 3 414 millions de dépenses, en
augmentation de S7 millions sur le budget de 1893. Cette majoration portait
pour 32 millions sur les garanties d'intérêt des chemins de fer, pour 12
millions sur la Marine, pour 5 millions sur l'Instruction Publique et pour 2
millions sur la Guerre. Le
travail parlementaire, si mal organisé, aboutit cependant sur deux points
importants, pendant la session d'été de 1893. Le 14
Juin, fut promulguée la loi sur l'hygiène et la sécurité dans les ateliers
industriels et, un mois plus tard, le 15 Juillet, la loi sur l'assistance
médicale gratuite dans les campagnes. Sur tous les autres points, dont
quelques-uns fort intéressants, il n'y eut pas de solution acquise. C'est
ainsi que la Chambre vota un projet de création d'une Société de crédit
agricole et populaire, un projet relatif à la suppression des octrois, un
projet sur les bureaux de placement que le Sénat discuta sur l'organisation
de l'Algérie, sur l'organisation du Crédit Foncier, à propos d'une
interpellation, et sur l'exagération des subventions accordées par cet
établissement à la presse et rejeta le projet sur les Syndicats
professionnels. Après la clôture de la session furent promulguées, coup sur
coup, le 25 Juillet la loi sur le traitement des instituteurs, le 27 la loi
des cadres, en même temps que la loi de Finances, le 31 une loi sur l'armée
coloniale qui ne reçut pas d'exécution, le Août une loi sur les Sociétés et
le 8 la loi sur le séjour des étrangers en France. Le
Sénat n'émit de vote strictement politique que le 29 Juin, à propos d'un
préfet, excellent administrateur et républicain éprouvé, que le ministre de
l'Intérieur, après lui avoir donné des instructions contradictoires, avait
obligé a se retirer. Après une question de M. Maret, sénateur de
Seine-et-Oise, transformée en interpellation par M. Monis, sénateur de la
Gironde et une réponse telle quelle de M. Ch. Dupuy, l'ordre du jour pur et
simple, accepté par le Gouvernement faute de mieux, ne fut voté qu'à la
majorité absolue et grâce au suffrage de M. Guérin, garde des sceaux,
ministre de la Justice. La
politique extérieure sous le Ministère Dupuy, avant les élections, se réduit
à la transformation d'une légation en ambassade, à des espérances formulées
par M. Develle à la tribune sur la fin de l'occupation anglaise en Égypte, au
contre-coup qu'eurent au Parlement les événements du Siam et à l'échange de
vues que nécessitèrent, au mois d'Août, les événements d'Aigues-Mortes. C'est
le 4 Mai que le premier ambassadeur des États-Unis en France avait présenté
ses lettres de créance à M. Carnot. L'initiative des États-Unis commandait la
nôtre. Le 10 Mai M. Develle déposait un projet de loi tendant à transformer
notre légation à Washington en ambassade. Le projet fut adopté sans
difficultés et notre ministre devint ambassadeur. C'était M. Roustan,
l'ancien résident à Tunis. Le 16
Mai M. de Mahy, député de la Réunion, interpellait le ministre des Affaires
Étrangères sur Madagascar. L'intérêt de la réponse de M. Dev elle réside dans
ses déclarations relatives à l'Égypte. Le ministre rappela que la France
avait donné son adhésion au Congrès de Berlin, à la condition que les
affaires d'Égypte resteraient en dehors des délibérations du Congrès que
cette condition, acceptée par l'Allemagne et par les autres puissances, fut
la base du condominium anglo-français que l'Angleterre s'adressa à la France,
en 1882, pour une intervention commune et qu'elle négocia l'évacuation avec
la France en 1884 et en 1885 ; et enfin qu'une convention, non suivie
d'effet, fixait a l'année 1888 la date de cette évacuation. M. Develle
estimait qu'une attitude différente de l'Angleterre ou, pour mieux dire, une
déclaration d'elle, contraire à l'évacuation, ne serait pas en rapport avec
les relations amicales existant entre les deux peuples. L'Angleterre ne
devait pas prendre, en effet, une allure différente. Elle resta
officiellement en bonnes relations diplomatiques avec la France, mais elle
demeura en Égypte, où M. de Freycinet n'avait pas voulu agir d'accord avec
elle en 1882. Une
échauffourée à Mourgues, près d'Aigues-Mortes, entre ouvriers français et
italiens, amena des représailles, ou plutôt des manifestations
anti-françaises en Italie. Ces déplorables collisions entre indigènes et
étrangers étaient fréquentes dans le midi de la France, où les têtes sont
plus chaudes et aussi les étrangers plus nombreux elles n'avaient pas eu
encore de contre-coup aussi inquiétant en Italie. Au mois de Décembre 1893,
17 accusés, cités devant la Cour d'assises de la Charente pour les troubles
d'Aigues-Mortes, furent acquittés par le Jury. La
question du Siam vint le 18 Juillet devant la Chambre. C'est par un exposé
très détaillé du ministre des Affaires Étrangères que la Chambre et le public
furent mis au courant, car l'opinion, en France, ne s'occupe de la politique
étrangère qu'après que le Parlement s'y est intéressé. Dans sa réponse à M.
Camille Dreyfus, M. Develle fit savoir que le Gouvernement siamois se
refusait depuis longtemps à réparer les préjudices causés à nos nationaux,
comme à évacuer les territoires dépendant de l'Annam et du Cambodge sur
lesquels il avait empiété. Des postes siamois s'étaient avancés jusqu'à 40
kilomètres de Hué ; d'autres menaçaient de couper le Tonkin de l'Annam. Or la
France réclamait, comme limite orientale de ses possessions en Indochine, la
rive gauche du Mékong. Pour faire valoir nos droits le Gouvernement avait
deux voies à suivre envoyer une flotte à Bangkok, remettre un ultimatum et
attendre que satisfaction nous fût donnée ; ou bien former des colonnes de
tirailleurs annamites, à Hué et à Saïgon, qui refouleraient les postes
siamois. H choisit ce dernier moyen et les colonnes de tirailleurs rentrèrent
en possession d'un territoire de 500 kilomètres. Pendant
ces opérations, les Siamois reprenaient l'île de Khône qu'ils avaient évacuée
la veille et faisaient prisonniers le capitaine Thoreux et quelques
tirailleurs annamites. Ailleurs un de nos inspecteurs, M. Grosgurin, était
assassiné par les ordres du mandarin qu'il faisait reconduire au Mékong, pour
le protéger contre les populations que ses vols et ses assassinats avaient
exaspérées. C'est
alors que M. Le Myre de Villers reçut la mission de faire valoir nos justes
revendications. Il était en route lorsque le Gouvernement français, qui avait
résolu d'augmenter sa force navale à Bangkok, à l'imitation du Gouvernement
anglais, reçut le 12 Juillet de notre ministre à Bangkok, M. Pavie, la
nouvelle que les Siamois s'opposeraient à l'entrée de nos navires dans le
Ménam. M.
Develle, tout en réservant les droits que la France tenait du traité de 1856,
fit donner l'ordre à l'amiral Humann de ne pas passer la barre du Ménam. Cet
ordre n'arriva pas à destination. L'Intransigeant et la Cocarde
franchirent le barrage sous le feu des forts et des navires siamois,
évitèrent les torpilles et vinrent mouiller à Bangkok le 13 Juillet. Le
lendemain la populace de Bangkok mettait à sac le J.-B. Say, navire
des messageries fluviales cochinchinoises, échoué par accident et qui venait
d'être renfloué. Cette nouvelle violation du droit des gens comblait la
mesure. M. Pavie remit le 20 Juillet au ministre des Affaires Etrangères de
Siam un ultimatum qui énumérait nos griefs et réclamait les satisfactions et
réparations qui nous étaient dues. Le
Gouvernement siamois avait 48 heures pour répondre à l'ultimatum sa réponse,
au bout de 46 heures, fut telle que M. Pavie, amenant le pavillon de la
légation, se retira sur le Forfait et nos forces navales bloquèrent
l'embouchure du Ménam. Cette
attitude énergique eut raison de toutes les résistances le blocus du Ménam
avait été notifié à toutes les puissances le 28 Juillet le 29 le Siam se
soumettait, acceptant même les garanties complémentaires que la France
exigeait de lui. Le 3 Août le blocus du Ménam était levé ; le 20 le roi de
Siam recevait solennellement M. Le Myre de Villers et le 1er Octobre la
convention franco-siamoise était signée. L'heureuse solution de cette affaire
fit grand honneur au tact et à l'habileté de M. Develle. Les
élections générales de 1893 furent précédées par une tentative de
modification à la loi électorale et par une campagne de discours et de
banquets, qui commença presque à l'avènement du Ministère Dupuy. Dès le
milieu du mois de Mai, on s'était demandé s'il ne convenait pas de hâter par
une dissolution la date des élections générales. C'est une idée assez
répandue, dans le monde parlementaire, que les élections sont toujours plus
favorables pour le Gouvernement au printemps qu'à l'automne, avant les
récoltes qu'après les récoltes. S'élevant au-dessus de ce préjugé, le
président du Conseil combattit, dans un banquet, l'idée d'élections
prématurées ; il la combattit plus efficacement encore en déposant le budget
de 1894 et il ne fut plus question de dissolution. Le 25
Mai fut voté le projet de loi qui modifiait les circonscriptions électorales,
conformément aux variations du nombre des habitants dans chaque
arrondissement. Une proposition qui n'accordait qu'un député à chaque
fraction de 100.000 habitants fut déposée par M. Hovelacque, député de Paris.
On la repoussa, parce que son adoption eût réduit d'un tiers le nombre des
membres de la Chambre. En revanche, on adopta un peu au hasard trois
amendements de MM. Bazille, Turrel et de Douville-Maillefeu, qui restreignaient
singulièrement la liberté des électeurs, en excluant de l'éligibilité les
ministres du culte, les fonctionnaires rétribués et les personnes ayant un
traité avec l'Etat, ou employées par des personnes ayant semblable traité. En
seconde délibération on rejeta les trois amendements et la loi électorale se
réduisit aux modifications qui furent apportées aux circonscriptions
électorales, suivant que la population avait augmenté ou diminué. Le 19
Juin fut déposée une proposition de renouvellement partiel la discussion fut
longue, MM. Millevoye et Déroulède ayant saisi l'occasion pour diriger contre
M. Clémenceau les attaques les plus vives, les imputations les plus
injurieuses. Mais le ministre de l'Intérieur, qui est volontiers classique en
matière gouvernementale, vint facilement à bout des partisans du
renouvellement partiel, en leur objectant les inconvénients qu'il y aurait à
rendre caduc, tous les deux ans, tout le travail accompli pendant la
Législature. Le meilleur argument en faveur du renouvellement partiel, c'est
le danger qu'une Assemblée nouvelle, animée d'un nouvel esprit, ne veuille
tout changer. Cet argument perd.de sa valeur, avec un Sénat qui a le droit de
dissolution et avec un pays qui avait montré, après la crise du 16 Mai et la
crise du Boulangisme, sa force de résistance aux tentatives révolutionnaires,
qu'elles viennent d'en haut ou d'en bas. L'élection de députés qui ne
représentent pas l'opinion vraie de la majorité, outre qu'elle est fort rare,
n'est à redouter qu'en présence d'une grande crise extérieure, comme en
Février-1871. Le 23
Juillet fut signé le décret fixant les élections législatives au 20 Août et
les ballottages au 3 Septembre. Le même jour était promulguée une loi, votée
sur la proposition de M. Alicot, et qui fixait au 31 Mai 1898 le terme
extrême des pouvoirs de la future Assemblée. La
prochaine Législature aurait ainsi une durée de quatre ans et demi. Par une
singulière ironie des choses, cette prolongation de durée devait faire un
tort irréparable au Ministère modéré de M. Méline. Faites six mois plus tôt,
après le voyage du Président de République en Russie, les élections auraient
certainement tourné en sa faveur ; en 1898 elles le renversèrent du pouvoir
et ces élections différées eurent, par contre-coup, un autre résultat
inattendu elles écartèrent M. Méline de la magistrature suprême. La
campagne des discours et des banquets, des professions de foi et des toasts,
à laquelle tous les partis prirent part, à laquelle le président du Conseil
fut activement mêlé, où l'on vit intervenir le Souverain Pontife, commença
dès le mois d'Avril par un discours-ministre, nous serions presque tenté de
dire par un discours-président, que M. Casimir-Périer prononça à Troyes, à
l'occasion de la réunion du Conseil général. Le futur chef d'État est tout
entier dans ce discours, avec des aphorismes frappants de vérité comme
ceux-ci : « Dans la bataille des idées, la neutralité est une
défaillance. — II ne reste guère aux partis monarchiques que des
États-majors. — La République n'est pas un accident. — La politique peut être
le plus noble ou le plus vil des métiers. » Quel accent de vérité encore
dans ces mots : « La nation ne paye pas d'ingratitude l'homme
public qui a pris envers elle, et envers sa propre conscience, l'engagement
de ne jamais la tromper. » Le
président de la Chambre, entre autres trouvailles heureuses, définit
admirablement l'attitude qu'il faut garder avec les ralliés. L'armée
républicaine doit accueillir tous ceux qui s'enrôlent comme soldats, mais
elle ne doit confier ni la garde de la citadelle, ni l'honneur du drapeau à
ceux qui, hier encore, combattaient dans le camp ennemi. L'espérance même
d'un retour au passé est interdite aux nouveaux convertis, car la Révolution
a séparé le passé du présent par un abîme infranchissable. L'adhésion au
nouveau régime implique la foi dans la démocratie et dans l'évolution
sociale. Commentant
le mot célèbre de Leibnitz : « Le présent est gros de l'avenir »,
M. Casimir-Périer constate lui aussi que nous traversons une époque de
transition, où tout ce qui a été n'est plus, où tout ce qui sera n'apparaît
pas encore et les hommes peu clairvoyants considèrent comme un désordre ce
qui sera peut-être l'ordre nouveau des sociétés. A ceux
qui croient que le passé éclaire l'avenir et que l'histoire recommence, il
dit que même les souvenirs peuvent être des illusions et que l'on peut périr
pour avoir trop de mémoire. Il ne s'agit plus comme en1789,1830 et 1848 de
démanteler la forteresse de la dictature, mais de faire vivre le régime et de
le protéger contre ses propres excès. Après trente ans de République,
existe-t-il un autre problème que celui que M. Casimir-Périer indiquait avec
tant de netteté ? Aujourd'hui comme alors, ne s'agit-il pas de faire sa part à
l'autorité, quand personne ne marchande la part faite à la liberté ? Beaucoup
moins retentissantes furent, pendant les vacances de Pâques, les
manifestations de l'épiscopat, des politiciens catholiques et de l'Extrême-Gauche.
Un évêque, par circulaire confidentielle à son clergé savoisien, t'engageait
à réunir la somme de 100.000 francs, qu'il jugeait nécessaire à l'action
électorale, et à répandre dans tout le département le journal la Croix.
Ce prélat si militant, si ardent à se jeter dans la mêlée électorale, était
un de ceux qui avaient adhéré aux institutions républicaines, par lettre
personnelle adressée à M. Jules Ferry. A la
séance de clôture du Congrès catholique de Toulouse M. de Mun, revenu de ses
velléités boulangistes, engageait ses auditeurs à suivre les instructions du
Saint-Siège et à accepter le Gouvernement établi. Enfin, à Albi, le programme
socialiste était exposée par les trois grands orateurs de l'Extrême-Gauche,
MM. Millerand, Jaurès et Pelletan, qui mettaient dans leurs discours, l'un
son sens politique si avisé, l'autre son prestigieux talent, le troisième sa
puissance intellectuelle et sa vigoureuse logique[1]. Non
seulement les manifestations et professions de foi continuèrent, elles
s'accentuèrent et se multiplièrent après la rentrée des Chambres. MM. Depeyre
et Calla, à l'assemblée des royalistes de Toulouse, désavouèrent les
constitutionnels comme M. de Mun et les ralliés comme M. Piou, ce qui
n'empêcha pas Léon XIII de renouveler ses déclarations sur le respect dû au
Gouvernement de fait. C'est
encore à Toulouse que se firent entendre M. Dupuy, à la dix-neuvième fête des
Sociétés de gymnastique, le 21 Mai et M. Constans, dans une grande réunion au
Capitole, le 3 Juin. Au fond, le programme de M. Dupuy et celui de M.
Constans était le même. On put reprocher à M. Dupuy d'avoir fait des
allusions trop directes à M. Constans lui-même, dans son propre pays, de
l'avoir égratigné d'une main un peu lourde. La harangue de M. Constans fut au
contraire un petit chef-d'œuvre d'habileté. M. Léon Say exposa, dans un des
banquets mensuels du Journal des Débats, les revendications des plus
modérés d'entre les républicains et M. Goblet, à Bordeaux, celles des plus
modérés d'entre les socialistes. Son programme n'était autre que celui des
radicaux avancés, de ceux qui repoussent l'appellation de radicaux de gouvernement. A
l'approche des élections, les manifestations oratoires redoublèrent et chacun
prit position avec plus ou moins de netteté. Dans son discours d'Albi, M.
Dupuy, constatant que les ralliés considéraient la République comme un
Gouvernement digne d'estime et de respect, consentait à leur en entrebâiller
la porte. La Gauche, dite libérale, semblait devoir recruter parmi eux et
parmi les républicains les moins avancés ses principaux adhérents. Ce groupe
nouveau, que présidait M. Félix Roussel, ne voulait, disait-il, « ni
ressusciter le Centre-Gauche qui est mort, ni soigner l'opportunisme qui
agonise, » mais seulement résister au radicalisme socialiste et au socialisme
chrétien. Son programme, exposé par M. Félix Roussel, était exclusivement un
programme d'affaires et il aurait passé un peu inaperçu, si M. Jonnart,
député du Pas-de-Calais, ne lui avait donné un grand retentissement, en
prononçant le plus remarquable discours qui se soit produit pendant la
période électorale. Tout en se défendant d'être socialiste, M. Jonnart
approuve hautement la loi de 1884 sur les Syndicats professionnels, ce
nouveau chapitre à l'histoire de la Révolution, écrit dans le même esprit que
les précédents, qui ne dépare pas l'œuvre, qui la continue. Il reconnaît que
la propriété est organisée, chez nous, en vue de satisfaire les besoins,
économiques plutôt que les besoins sociaux et il rappelle aux législateurs
que le propriétaire du sol et des capitaux a une fonction sociale à remplir,
que nos Codes ne répondent plus aux exigences de la vie sociale, qu'ils
attendent leur complément indispensable : le Code protecteur du travail. Il
veut que l'ouvrier, victime d'un accident, bénéficie d'une procédure
exceptionnellement rapide. Il demande que l'on fasse pénétrer dans nos lois,
avec plus de justice, plus de fraternité, et il rappelle que l'État a le
devoir d'aller au-devant, de toutes les initiatives, de les encourager et de
les provoquer. C'est, avec plus d'ampleur et sous une forme plus oratoire, le
programme que M. Casimir-Périer avait développé à Troyes, avec la réserve que
lui imposaient ses fonctions de président de la Chambre c'est le programme
des républicains qui ne renient aucune des conquêtes libérales et qui, sans
aller jusqu'au collectivisme, s'avanceront aussi loin qu'il sera nécessaire,
dans la voie du progrès démocratique et social. M.
Godefroy Cavaignac, parlant dans sa circonscription électorale, demandait que
rien de ce qui est acquis ne fût abandonné, se prononçait pour une politique
gouvernementale et s'étonnait, qu'étant le peuple le plus uni en face de
l'étranger, nous fussions le plus divisé à l'intérieur. M. Spuller voulait
aussi un gouvernement qui gouvernât, mais, en disant que la République ne
pouvait être l'ennemie d'aucun républicain, il semblait admettre la
concentration, alors que tout le monde la répudiait. Les radicaux devaient
lui tenir bien peu de compte de ces avances. Le
comte d'Haussonville, au banquet de la Presse royaliste et catholique des
départements, qualifia la Chambre élue en 1889 de Chambre impressionniste
et incohérente, lui reprocha sa prodigalité et l'organisation du déficit et
se prononça, assez vaguement, pour l'honnêteté publique, la défense sociale
et la liberté religieuse. Avec plus de précision, il demandait la
modification de la loi scolaire et de la loi militaire. Les
ralliés, par l'organe de M. d'Arenberg et de M. Piou, repoussèrent les
avances de M. d'Haussonville, se prononcèrent pour le Gouvernement établi et
admirent qu'une législation démocratique favorisât l'association sous toutes
ses formes, rapprochât le capital du travail, développât l'arbitrage, la
participation aux bénéfices et les retraites ouvrières. Enfin la grande voix
de Léon XIII se fit encore entendre, à l'encontre des espérances
monarchiques. Sa lettre du 3 Août 1893 au cardinal Lécot, archevêque de
Bordeaux, dissipait franchement l'équivoque que M. d'Haussonville avait si
soigneusement entretenue. Dans un
nouveau discours prononcé à Tournon, M. Goblet fit le procès de la
concentration, celui du Cabinet Dupuy qu'il accusa d'être asservi aux ralliés
et réclama, avec la révision de la Constitution par un Congrès, une loi sur
les Associations et des réformes financières. Le programme des républicains
radicaux socialistes, un peu plus développé que celui de M. Goblet,
indiquait, parmi les principaux desiderata du parti démocratique avancé, la
réforme générale de l'impôt, celle des octrois, la réforme administrative,
l'instruction intégrale, la liberté complète des Syndicats, le crédit
démocratique, la révision dirigée contre le Sénat, la suppression du budget
des Cultes. Le Manifeste des radicaux socialistes était signé par MM.
Barodet, Jacques, Maujan, Mesureur, Pichon, Tony Révillon, Clémenceau,
Desmons, Leydet, Pelletan, Mathé et Merlau. M.
Millerand estimait que ce Manifeste disait trop peu de choses en trop de mots
et M. Jules Guesde, au nom du Conseil national du parti ouvrier,
rédigeait le Manifeste collectiviste. Conquête du pouvoir politique et
socialisation des moyens de production, tel était, depuis le Congrès de
Marseille en 1879, le but du parti ouvrier. Des 189~, aux élections
municipales, il obtenait 170.000 voix, 740 conseillers municipaux et 29
hôtels de ville. M. Guesde, avec les collectivistes, voulait que l'homme cessât
d'être, pour son semblable, un moyen de production ou d’exploitation ;
il voulait une existence réellement humaine pour tous les membres de la
société, divisée d'après lui en classe jouissante et en classe souffrante, en
classe à surloisir et en classe à surtravail. Il se défendait
de vouloir supprimer la propriété individuelle qui n'existait plus, tuée
qu'elle avait été par la propriété actionnaire et par la propriété collective
des grands magasins. Il promettait de libérer la propriété paysanne de tout
impôt d'argent et de sang. Il concluait ainsi c'est donc un changement de
classe au gouvernement qui s'impose. Nous ne parlerons pas du procès fait au « vieux
du Vatican », aux « législataires des classes dirigeantes, » aux
bourgeois, ces « charlatans de patriotisme » et au « pondeur
de toutes les Russies ». La. politique extérieure de M. Jules Guesde se
résumait ainsi Pour faire trembler les tyrans et imposer la paix au monde, la
France n'avait qu'à prendre la tête du mouvement ouvrier socialiste
international. Les succès électoraux des socialistes ne furent certainement
pas dus à ces déclamations révolutionnaires, à cette rhétorique violente et
vide, dont M. Jules Guesde avait retrouvé le secret. On attendait autre chose
du théoricien officiel du parti et M. Millerand, qui s'était montré si sévère
pour le Manifeste radical, s'il s'était prononcé sur l'œuvre de M. Jules
Guesde, aurait été sans doute moins indulgent encore. A tous ces Manifestes
collectifs allaient succéder les professions de foi individuelles, autrement
efficaces et le contact direct du candidat avec l'électeur que rien ne
remplace. Les
élections du 20 Août et du 3 Septembre furent pacifiques dans toutes les
circonscriptions, sauf dans celles où se présentaient MM. Floquet, Clémenceau
et de Cassagnac ; les coryphées du radicalisme de gouvernement, du
radicalisme d'opposition et du conservatisme plébiscitaire furent battus par
MM. Fabérot socialiste, Jourdan radical et Bascou républicain indépendant.
Des autres chefs de parti qui restèrent sur le carreau, il faut citer parmi
les ralliés MM. de Mun, Piou et de Frescfieville, parmi les radicaux MM.
Maujan et Pichon ; parmi les socialistes M. Lafargue, le gendre de Karl Marx,
et parmi les anti-socialistes M. Yves Guyot, contre lequel se présenta M.
Goblet. Toute politique mise à part, il faut reconnaître que ces victimes du
suffrage universel auraient mérité un meilleur sort. L'élimination de
personnalités marquantes et leur remplacement par des inconnus qui professent
souvent, à peu de chose près, la même opinion, et qui feront la même
politique que leurs prédécesseurs, n'élève pas le niveau intellectuel d'une
Assemblée. Pour
qui connaît l'état d'esprit plébiscitaire de notre pays, la personnalité du
Président de la République est loin d'être sans influence sur le résultat
d'une élection générale. Certes la suprême habileté, l'audace tranquille de
M. Constans en 1889, la finesse doublée de force, la bonhomie optimiste de M.
Dupuy en 1893, ont été des conditions essentielles du succès, mais la
respectabilité de M. Carnot, son grand nom historique, sa popularité, qui
naquit au lendemain de son élection et qui grandit jusqu'à sa mort, ont été,
en dépit du Boulangisme et du Panamisme, les véritables facteurs de la
victoire républicaine. Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à une
autre élection générale~ celle de 1898, accomplie dans des conditions
beaucoup plus favorables, l'affaire Dreyfus n'étant pas encore arrivée à
l'état aigu, et qui pourtant donna des résultats beaucoup plus médiocres que
les consultations de 1889 et de 1893. Si l'on mesure la qualité d'une Chambre
au nombre des citoyens éclairés qu'elle renferme, au chiffre des républicains
sans épithète et sans étiquette qui savent être, en même temps, des hommes de
progrès, de liberté et de gouvernement, il est certain que les Chambres élues
en 1889 et en 1893 valaient mieux que la Chambre suivante et ce n'est pas là
l'un des moindres services que la France doive à M. Carnot. Le
ministère de l'Intérieur, après les ballottages, répartissait ainsi les élus
des deux tours de scrutin républicains de gouvernement 311, radicaux 122,
droite 88, socialistes 49, ralliés 35. A prendre cette statistique au pied de
la lettre, il y aurait eu dans la nouvelle Assemblée 311 républicains contre
264 députés de toute provenance et de toute opinion, donc, au pis aller, une
majorité certaine de 47 voix pour la République modérée et contre la
politique de concentration, que tout le monde avait répudiée. Dans les
conjonctures graves, en cas de danger pour la République, on aurait pu réunir
480 républicains, radicaux et socialistes, contre moins de 100 conservateurs
et ralliés. L'événement devait montrer combien ces apparences étaient fausses
et ces classifications arbitraires. Les
élections générales de 1893 avaient été un grand succès pour la République,
sinon pour le Parlementarisme. Un succès plus grand et un véritable honneur
étaient réservés au Cabinet Dupuy. Le tsar Alexandre III avait résolu de rendre
à la France la visite qu'il avait, reçue de l'escadre et des marins français
à Cronstadt et à Saint-Pétersbourg. Le 13 Octobre l'escadre russe, sous les
ordres de l'amiral Avelane, arrivait à Toulon elle comprenait 5 cuirassés, un
croiseur et une canonnière. Au point de vue technique, au point de vue de la
force offensive ou défensive, cette escadre était celle d'une puissance de
second ordre et d'une marine en formation. Les spécialistes furent les seuls
à le remarquer. La foule vit dans la visite de l'escadre russe ce qu'il
fallait y voir une démonstration de l'intimité de l'accord entre la France et
la Russie et elle fit à nos amis et alliés un accueil enthousiaste. De
Toulon, où l'amiral Rieunier les avait reçus au nom du Gouvernement, les
États-majors et une délégation des équipages russes partirent pour Paris, où
les attendait le même accueil qu'à Toulon. Le 23 Octobre ils assistèrent, par
ordre de l'Empereur, aux funérailles nationales du maréchal de Mac-Mahon,
oubliant leur adversaire de la Crimée, pour honorer le brave soldat et
l'homme politique qui était descendu du pouvoir avec une suprême dignité. Le 29
Octobre les Russes quittaient Toulon, où M. Carnot leur fit ses adieux, au
milieu des mêmes ovations. Peu d'instants après leur départ, une dépêche
d'Alexandre III, datée de Gatchina, apportait au Président de la République,
à la France, les remerciements émus de la nation russe. La visite des
grands-ducs Serge, Paul, Vladimir et Alexis à M. Carnot, celle du Tsar,
pendant sa villégiature de Copenhague, aux navires français l'Isly et
le Surcouf accentuèrent encore la portée de cette imposante manifestation.
Elle devint vite populaire, grâce à la presse et à l'image ; il n'est pas une
chaumière, en France, qui n'ait voulu avoir la gravure des deux chefs d'État,
représentés la main dans la main, et des drapeaux entrelacés des deux
nations. Partout
ailleurs qu'en France un Gouvernement, ayant eu la bonne fortune de présider
à cette grande manifestation nationale et patriotique, aurait été consolidé
pour des mois,. pour des années peut-être. H n'en fut pas de même dans notre
pays. L'escadre russe n'avait pas quitté les eaux françaises, que l'on se
demandait si le Cabinet devait se représenter devant les Chambres ou remettre
sa démission avant la session extraordinaire. La question avait été tranchée
dans le sens du maintien, en Conseil des ministres. Pourtant deux ou trois
membres du Cabinet avaient manifesté l'intention, de se retirer. On avait
fait valoir, auprès de ces membres dissidents, l'intérêt qu'il y avait, pour
le Président de la République, à ne constituer le nouveau Cabinet qu'après un
vote qui lui ferait connaitre exactement l'opinion de la nouvelle Chambre.
Tout eût été pour le mieux, si ces ministres par persuasion avaient gardé
pour eux le secret des délibérations du Conseil, au lieu de faire connaitre à
leurs amis leurs intentions de retraite. Conformément aux règles du régime
parlementaire et aux usages, un ministre est en fonctions et il est
responsable devant le Parlement, tant qu'il n'a pas donné sa démission. Or,
aucune démission n'avait été donnée de façon ferme, le jour où s'ouvrit la
session extraordinaire, le 14 Novembre. L'ouverture
de la session fut précédée de la cessation de la longue grève des mineurs du
Pas-de-Calais, de la courte grève des employés des tramways de Marseille, événements
qui semblaient consolider encore la situation du Cabinet. La veille, M. Lozé,
ancien préfet de police, avait été nommé ambassadeur de France à Vienne. Le
premier acte de la nouvelle Chambre fut l'élection de son président
provisoire M. Casimir-Périer réunit 295 voix contre 195 à M. Henri Brisson.
Le 18 Novembre, après la validation de la moitié plus un des députés et
l'élection du Bureau définitif, le président du Conseil prit la parole pour lire
une Déclaration, ou plutôt un programme, c'est trop dire, un sommaire des
travaux qui s'imposaient à la Chambre. Dès que cette lecture est achevée, MM.
Jaurès et Millerand déposent une demande d'interpellation dont la discussion
immédiate, conformément à l'avis du président du Conseil, est ordonnée par
291 voix contre 22t. M. Jaurès développe l'interpellation avec son brio
habituel et dépose un ordre du jour contre la politique « rétrograde et
provocatrice » du Gouvernement, rétrograde parce qu'il s'appuyait, selon
M. Jaurès, sur les ralliés, provocatrice parce qu'il faisait fermer la Bourse
du travail et respecter la liberté du travail dans les grèves. M. Dupuy
répondit assez mollement à ces attaques hors de mesure, cherchant à critiquer
les théories socialistes, plutôt qu'à défendre son administration. La
discussion, qui n'avait passionné personne, fut renvoyée au 23 : MM.
Lockroy, Barthou et Deschanel furent entendus, ils firent assaut d'esprit ou
d'éloquence, sans que la question fit un pas en avant. La Chambre, prenant
goût à ces tournois, renvoya une fois encore la discussion au 25 Novembre. Il
faut attribuer la durée de ces préliminaires au nombre considérable de
députés qui entraient pour la première fois dans une Chambre française. Par
une sorte d'instinct, ces nouveaux venus se rendaient compte de la fausseté
de ta situation. On sentait que les paroles décisives n'avaient pas encore
été dites on voyait que le président du Conseil ne se cramponnait pas au
pouvoir et l'on attendait la lumière qui éclairerait ces obscurités, le coup
de théâtre qui se produisit enfin. Le 25
Novembre, M. Goblet avait parlé, puis lI. Dupuy, pour la seconde fois, au
milieu de l'inattention générale et de rumeurs confuses qui semblaient
présager un orage, quand M. Pelletan monta à la tribune. A l'entendre, le
Cabinet n'existe plus, puisqu'un ministre au moins est démissionnaire. M.
Ouvré confirme les dires de M. Pelletan. M. Henri Brisson affirme que la
Constitution est violée dans son article essentiel, celui qui est relatif à
la responsabilité solidaire MM. Jaurès et Millerand retirent leur
interpellation et M. Dupuy, auquel il suffisait de dire un mot pour remettre
les choses au point, s'abstient de dire ce mot, quitte la séance et va porter
la démission de ses collègues et la sienne à M. Carnot. A
défaut de vote, les incidents qui avaient précédé cette chute fournissaient
une indication utile. La politique dite de concentration, condamnée pendant
la période électorale, venait de faire ses preuves. Trois ministres,
d'opinions à peine plus avancées que leurs collègues, avaient été un élément
de faiblesse pour le Cabinet ; ils l'avaient mis dans l'embarras, après les
désordres de Juillet et en très mauvaise posture, lors de la dernière
discussion devant la Chambre. Ainsi
M. Dupuy, dans cette première administration qui avait duré près de huit
mois, avait eu des hauts et des bas, de bons jours et de mauvais moments. Il
avait rendu le service, au Président de la République et à la France, de
prendre la direction des affaires à une époque difficile, de rétablir
l'accord entre les deux fractions du Parlement. Plus tard, il eut le mérite
de présider avec impartialité aux élections générales et avec dignité aux
fêtes de l'alliance. Il ne tomba pas du pouvoir, il en descendit, sans avoir
été mis en minorité, ni grandi, ni diminué par ce pouvoir, fort d'une
expérience qui sera mise encore au service de la République et de la Patrie,
quand il faudra constituer un Cabinet d'union. Après
une expérience de Cabinet homogène, modéré ou radical, il faudra toujours en
revenir à un Cabinet d'union ou de concentration, parce qu'aucune des deux
grandes fractions du parti républicain n'est assez forte, à elle seule, pour
apporter à un Ministère une majorité suffisante, parce que le péril, venant
des deux ailes, obligera toujours le Gouvernement à chercher son point
d'appui au centre. M. Charles Dupuy semble le président du Conseil tout
désigné des Cabinets qui ne pourront et ne voudront marcher qu'avec les
républicains unis. Cette leçon ressort de l'histoire que nous venons de
raconter, elle ressort de la facilité avec laquelle s'est constituée
l'administration du 6 Avril 1893, elle ressort des incidents mêmes qui ont
précédé sa chute elle va ressortir de l'histoire des administrations
suivantes. Quant à l'union, que l'on appelle concentration lorsque l'on veut
la discréditer, est-elle si blâmable, quand elle réunit des éléments aussi
peu dissemblables que l'étaient en 1893 les modérés et les radicaux ? Quels
principes, quelle question de doctrine les divisait alors ? On le cherche
vainement et l'on se prend à déplorer que les querelles de personnes, les
ambitions individuelles, ou simplement la méconnaissance des conditions
nécessaires de tout gouvernement, aient donné à nos institutions
représentatives cette dangereuse instabilité et à la République elle-même
l'apparence d'un perpétuel provisoire. Une autre leçon ressort des élections générales de 1893, comme des élections générales de 1889. L'accès de fièvre que l'on a appelé le Panamisme, n'avait pas été plus pernicieux pour la France que l'accès précédent, celui que l'on avait appelé le Boulangisme. Elle avait triomphé du mal grâce à sa robuste constitution, à son bon sens, à son instinctive défiance des « rigorismes d'occasion », à la clairvoyance avec laquelle elle sait distinguer ses amis sincères de ses flatteurs intéressés. |
[1]
Toutes les manifestations électorales de 1893 sont étudiées en détail dans l’Année
politique d'André Daniel, tome XX, Paris, Bibliothèque Charpentier, 1894.