LES EMPEREURS ROMAINS

DEUXIÈME PARTIE. — L'EMPIRE LIBÉRAL

II. — TITUS ET DOMITIEN. - (79-82 — 82-96 ap. J.-C.).

Un Prince, un Tyran.

 

 

S'il est une preuve frappante de cette vérité que, dans les affaires humaines et dans les conditions de bonheur des peuples, la valeur des institutions compte pour peu de chose, et le caractère des hommes pour beaucoup, c'est l'exemple de Titus et de Domitien, le premier et le second successeurs de Vespasien. Nés du même père, élevés à l'empire dans les mêmes conditions, ils ont régné dans les mêmes circonstances et sur la même société. On a appelé l'un les délices du genre humain, l'autre en est devenu l'horreur. Titus se plaisait à dire qu'il avait perdu sa journée quand il ne la marquait point par un bienfait ; Domitien parut, à la fin, penser qu'il perdait chacune de celles qu'il ne signalait pas par un crime.

La nature paraissait avoir également bien doué Titus et Domitien des avantages du corps et de l'esprit, bien qu'ils en aient fait un si différent usage ; elle les pourvut inégalement du côté de l'âme, puisqu'ils furent si différents. Plus petit de taille et moins bien fait que son frère Domitien, Titus rachetait cette infériorité par l'agrément et la dignité de son visage. Domitien cachait sous des traits réguliers et sous la rougeur d'une modestie apparente un caractère irascible ; ses grands yeux, dont le regard était émoussé, jetaient des éclairs sinistres au moindre mécontentement. Titus était habile dans tous les exercices du corps ; il maniait un cheval avec vigueur et avec grâce ; impétueux dans les combats, il fut blessé deux fois au siège de Jérusalem. Sous l'apparence de la force, Domitien cachait une grande mollesse ; jeune, il se faisait toujours porter en litière ; du maniement des armes, il savait seulement décocher de loin une flèche entre les deux doigts que lui tendait un esclave, preuve de cruauté en même temps que d'adresse. Il ne conduisit en personne que deux expéditions pendant son règne : il fut battu et revint triompher. Vespasien avait également soigné l'éducation littéraire de ses deux fils ; il leur avait donné pour maîtres des rhéteurs et des poètes. Ces leçons profitèrent à Titus, qui devint un habile orateur et sut trouver des mots heureux ; il eut même la réputation d'un improvisateur fécond en fait de vers. Domitien ne fut pas dépourvu de ces talents ; mais il les crut bientôt au-dessous de lui. Devenu empereur, il éloigna, méprisa, humilia les rhéteurs et les poètes avant de détester les philosophes. Quoiqu'il fit transcrire à grands frais les manuscrits des anciens auteurs conservés à Alexandrie, et qu'il prit soin de reconstituer les bibliothèques brûlées sous son règne, il ne lut plus ni poésie, ni histoire, si ce n'est les mémoires de Tibère, lecture trop appropriée à son génie[1], et il fit composer par d'autres les discours, les lettres, les édits qu'il avait à faire.

Les deux fils de Vespasien, tous deux princes de la jeunesse, se laissèrent entraîner de bonne heure aux écarts, aux dérèglements auxquels ne se dérobait guère la jeunesse romaine de ce temps ; mais Titus eut des vices inoffensifs, et les savait couvrir d'une grâce qui les faisait pardonner. La déesse à laquelle il sacrifiait le plus volontiers était la Vénus de Paphos. Il aima Bérénice, sœur du second Agrippa, roi des Juifs, d'un attachement plus sincère qu'elle ne le méritait ; et il sut faire au préjugé romain, qui n'eût point voulu pour impératrice de la fille d'une race méprisée, le sacrifice de son amour. Domitien adorait particulièrement l'austère déesse Minerve, et était plutôt sévère que sage. Plus offensif seulement dans ses plaisirs, il ravit par deux fois l'objet de ses affections : Domitia, à Ælius Lamia, pour en faire sa femme, et Julie, fille de Titus, à son cousin Sabinus, pour en faire sa maîtresse. Titus était de ces hommes heureux qui savent faire aimer même leurs vices ; Domitien de ces âmes mal nées qui ont le talent, lors même qu'elles possèdent quelques vertus, de les faire détester.

Avant d'arriver au pouvoir, Titus et Domitien le courtisèrent d'une façon bien différente. L'un sut l'attendre et le défendre dans la personne de son père ; l'autre le poursuivit d'une passion ardente et prématurée, et l'attaqua dans la personne de son frère. Envoyé par son père pour complimenter Vitellius, et destiné peut-être à être adopté par celui-ci, Titus, à la nouvelle de la révolte qui éclata contre cet empereur, se hâta de retourner vers son père, et lui assura l'empire en sachant lui gagner l'altier et ambitieux Mucien. Après la prise de Jérusalem, il se déroba à ses soldats, qui l'eussent fait volontiers empereur, pour aller rassurer son père déjà inquiet. J'arrive, père ! s'écria-t-il en venant seul l'embrasser, j'arrive ! Titus ne fut cruel qu'une fois en sa vie, lorsqu'il fit tuer, au sortir de table, Cécina, pris en flagrant délit de conspiration contre Vespasien, et ce fut pour sauver son père. Du vivant même de Vespasien, et avant qu'il fût arrivé de Judée à Rome, Domitien, qui était dans la capitale, fit un fiévreux et violent usage du pouvoir. Il ôtait, donnait les offices à son gré ; Vespasien le remercia d'avoir bien voulu ne pas le destituer. A la mort de son père, Domitien, que Titus avait protégé contre les sévérités paternelles, eut l'idée de disputer l'empire à son frère. Il renonça à ce projet ; mais il ne se fit pas faute de répéter que son frère avait falsifié le testament paternel qui les aurait institués tous deux héritiers. Il conspira contre Titus, quoique celui-ci le traitât en collègue et l'eût déclaré son successeur. Un jour Titus le conjura en pleurant de le traiter du moins en frère[2].

Les premières années du règne de Domitien ne différèrent cependant point beaucoup du règne de Titus. La mémoire de son frère fut d'abord un frein pour lui. Pendant quelque temps, il continua Titus. Tous deux furent également pleins de libéralité ; soucieux d'éviter le reproche d'avarice, ils refusèrent les héritages et les présents, dictés toujours plus par la crainte que par l'amour. Si Titus confirma tous les dons et toutes les grâces accordés par ses prédécesseurs sans qu'on eût besoin de le demander, Domitien remit les tributs arriérés de cinq années. Ils portèrent tous deux des lois contre les délateurs, ces corrupteurs du pouvoir et ces fléaux de l'empire. L'un décréta que l'on ne pourrait plus poursuivre le même fait à l'aide de deux lois différentes, et l'autre que l'accusateur convaincu de faux serait puni de l'exil. Mais Titus savait accompagner tous ces actes de manières qui en rehaussaient le prix. Quoique l'art y fût pour beaucoup, c'étaient aussi chez lui des vertus naturelles qui inspiraient confiance. Domitien faisait, comme à regret, ses actes les meilleurs, d'un air qui en gâtait même la bonté. Ce semblaient être des actes de commande qui laissaient toujours une secrète défiance.

Titus fut toujours affable et bon compagnon. Arrivé à l'empire, il quitta la mauvaise société qu'il fréquentait trop, s'entoura de lettrés, de poêles, de philosophes, de gens honnêtes et graves, qui furent, après Domitien, les conseillers des meilleurs empereurs. Il se rappelait qu'en Orient le célèbre Apollonius de Tyane, philosophe thaumaturge, auquel il demandait conseil pour bien gouverner, lui avait persuadé d'écouter, à Rome, Démétrius le cynique. Il avait les abords faciles et ne rebutait jamais personne, même les plus fâcheux solliciteurs. Comme on lui reprochait de promettre plus qu'il ne pouvait tenir : Personne, disait-il, ne doit sortir mécontent de l'audience d'un prince. Ce païen avait deviné l'art de donner l'eau bénite de cour, grand et utile talent pour les princes, qui satisfont ainsi, à peu de frais, la plus exigeante de nos convoitises morales, la vanité. Il savait représenter, et donnait des festins qui brillaient plus par l'agrément que par la profusion.

Plein de morgue et d'une humeur farouche, n'aimant ni à être flatté, ni à ne pas l'être, Domitien dispersa bientôt tout l'entourage de son frère, et ne le remplaça, autant qu'il était besoin, que par des serviteurs, des instruments qu'il tint à distance et maltraita le plus souvent. Il aimait à rester seul, caché au fond de ses appartements, n'ayant de plaisir, même empereur et âgé de plus de quarante ans, qu'à attraper et à tuer des mouches. Un plaisant à qui l'on demandait où était l'empereur, répondit : Il est seul, pas une mouche avec lui ! Domitien faisait son grand repas le matin pour n'avoir pas faim le soir, et ne point donner l'exemple à ses convives. Au milieu des mets servis à profusion, il se contentait d'une pomme et d'une coupe de vin ; alors il raillait, reprenait d'un air dédaigneux ses invités, se levait promptement de table et s'en allait promener, jusque bien avant dans la nuit, sous les longues galeries de son palais, sa solitude chagrine et bientôt ses sinistres projets.

Domitien et Titus ont rivalisé de beaux monuments et de nombreux spectacles. Tous les empereurs ont eu la noble passion d'élever des monuments, et la passion moins relevée de gorger le peuple de spectacles et de plaisirs. Bâtir fut de plus une nécessité pour Titus et pour Domitien, qui avaient beaucoup à réparer. La guerre civile des Vitelliens et des Antoniens avait ruiné une partie de Rome ; un nouvel incendie sous Titus (80) dévora six temples, entre autres ceux de Neptune, de Sérapis, d'Isis, la bibliothèque d'Octave et deux théâtres ; l'éruption du Vésuve engloutit Pompéi et Herculanum. Titus acheva le Colisée et y ajouta les thermes qui portent encore son nom. De plus que la passion de bâtir, Domitien avait du goût en architecture. Cet empereur orna de colonnes de marbre pentélique le temple de Jupiter, éleva sur le Champ de Mars un temple à Minerve Chalcidique, acheva le Circus Maximus, bâtit un stade, un odéon, et débarrassa les rues de Rome des laides échoppes qui les encombraient. On le loua moins d'avoir achevé pour lui la maison dorée de Néron. Les deux frères, outre les fêtes régulières, saisirent l'occasion de la dédicace des monuments pour célébrer des jeux extraordinaires. Ils donnèrent des combats d'hommes et d'animaux, par troupes ou seul à seul ; des combats d'éléphants ; des courses de chars, de chevaux et de grues ; des luttes sur terre et sur l'eau ; on sacrifia un jour cinq mille, un autre neuf mille animaux. çà et là ils glissèrent quelques joutes d'éloquence, de poésie et de chants. Les deux frères n'épargnèrent rien en ce genre. Combien ils furent différents cependant là où ils rivalisèrent ! Titus bâtit toujours à ses frais, soulagea même les infortunes privées qui suivirent l'éruption du Vésuve, disant que les malheurs publics doivent tomber seulement à la charge du prince. Domitien se réserva d'inscrire son seul nom sur les édifices qu'il ne fit même qu'achever. À l'un les charges, à l'autre l'honneur. Dans les factions du Cirque ils eurent leur parti, leurs préférés. Titus se contenta d'encourager les gladiateurs Thrèces qu'il aimait, et de railler le peuple sur ses préférences. Domitien, qui eut le bon goût de se déclarer contre les Thrèces, fit un jour jeter dans l'amphithéâtre, pour combattre avec les chiens, un spectateur qui avait trop hautement exprimé ses sympathies pour les Mirmillons. Les jeux sont souvent la meilleure épreuve des caractères[3].

On ne trouve à Domitien qu'un avantage sur Titus. L'indulgente humeur et la facile bonté de Titus laissaient aisément flotter les rênes du gouvernement et des mœurs romaines. Domitien paraît avoir eu l'instinct et la volonté d'un sévère justice, si nécessaire à Rome. Il jugea quelque temps assidûment au forum, cassa les sentences dictées par la faveur, releva les juges du péché d'indulgence et poursuivit à Rome et dans les provinces les magistrats prévaricateurs et concussionnaires. Il imprima à ceux-ci une terreur si salutaire que, dit Suétone, jamais Rome et ses provinces ne furent mieux gouvernées que pendant ce temps-là[4]. Beaucoup de magistrats à qui l'on n'avait rien eu à reprocher sous son règne, tombèrent ensuite sous le coup de la justice. On cite de Domitien quelques jugements heureux. Il sévit une fois contre un tribunal tout entier qui avait fait mauvaise justice. Austère censeur des mœurs, il voulut remettre en vigueur quelques lois d'Auguste, et ôta aux femmes qui ne le méritaient plus l'honneur de se faire porter en litière, et l'avantage de recueillir des successions et des legs. Il dégrada un chevalier qui reprit sa femme après l'avoir légitimement répudiée. Les historiens romains nous assurent que Domitien n'agissait ainsi que pour blâmer indirectement l'indulgence de son père et de son frère. Mais c'est peut-être une supposition gratuite. On regrette au moins que Domitien n'ait pas toujours appliqué à lui-même, à son ménage, cette juste sévérité. Il se permit beaucoup à lui-même ; il ne refusa aucun honneur à Domitia, sa femme, et se conduisit à son égard comme le chevalier qu'il punit.

Pour être juste envers les deux frères, il faut remarquer aussi que Titus ne régna que deux années, Domitien quinze, et que l'allié des fils de Vespasien eut à dépenser généreusement le trésor paternel, bientôt épuisé sous le cadet. Si Domitien continua Titus au commencement de son règne, et tant qu'il eut de l'épargne, comment ne pas craindre que Titus, s'il avait vécu, n'eût commencé Domitien ? Le trône exerce toujours d'abord, sur ceux qui y montent, une influence salutaire ; c'est le temps qui, là comme partout, constitue l'épreuve décisive. Titus eut autant de bonheur que de vertus, si pour sa gloire il mourut à temps. Il est difficile de croire cependant que le pouvoir, en le gâtant à la longue, eût jamais fait de Titus ce qu'est devenu Domitien. Il avait en lui deux grandes ressources : du cœur, il le prouva à son père, à son frère ; de la conscience, nous le verrons à sa mort. Domitien n'eut jamais que quelques vertus apprises qui faisaient comme partie de son rôle d'empereur. Le cœur et la conscience lui manquèrent surtout. C'est ce qui a fait de lui, quand une fois il eut jeté son masque d'emprunt, le plus affreux sans contredit des tyrans romains. Parmi les empereurs romains, en effet, Domitien fut le tyran par excellence ; si l'on voulait faire une étude morale de la tyrannie, c'est lui qu'il faudrait prendre pour type.

Descendre dans l'âme d'un tyran, pour y découvrir les sources principales de vices et de haine qui débordent sur le genre humain, n'est pas une entreprise facile. L'envie, l'avarice, la peur, l'orgueil, tels sont à la fois et les principes constitutifs et les tourments vengeurs de la tyrannie. Le tyran désire tous les avantages matériels et moraux, et il craint de tout perdre. Il ne peut satisfaire, quoi qu'il fasse, ni ses convoitises, ni son ambition ; et plus il les assouvit, moins il est à l'abri de l'envie et de la crainte. Être l'homme le plus puissant du monde, posséder les plus grandes richesses n'est rien pour lui, tant qu'il reste quelque chose de désirable qui ne lui appartienne point. Le tyran est insatiable. Son avarice est un gouffre qui veut tout engloutir. Le bonheur qui le fuit, et les qualités qu'il n'a pas, sont même comme un vol qu'on lui fait. Sa conscience inquiète poursuit chez ceux qu'il a déjà blessés, soit dans leurs personnes, soit dans leurs biens, jusqu'à leur conscience tranquille qui prétend lui échapper. C'est avec les qualités dont il est le plus dépourvu qu'il voudrait rivaliser ; et s'il ne peut les égaler ou les surpasser, il faut qu'il les supprime. Telle est l'immense et haineuse envie que connaît le tyran. Tout haïr, tout envier et tout menacer, quelle source de crainte ! Le tyran a peur de perdre ce qu'il a et de ne pas acquérir ce qu'il ne possède pas. Il a peur de ceux qu'il a offensés et de ceux qu'il offensera. Il méprise tous ceux qui sont au-dessous de lui ; mais comme son orgueil ne va point jusqu'à n'en plus rien craindre, il tremble autant qu'il fait trembler. Comment s'élever assez haut pour échapper à cette peur de tous les instants, à tous ces périls ? La terre n'a rien d'assez inaccessible pour lui servir de retraite. Ce n'est pas trop du ciel pour cacher le tyran ; le maitre du monde ne sera rassuré que s'il se fait dieu. Dieu jaloux, terrible, vengeur, il fera peut-être peur alors sans trembler. Étrange rencontre t le tyran a à la fois tous les vices et tous les tourments qui semblent devoir être le moins ceux de la tyrannie t Il est tout-puissant et il est envieux ; il a tout et il est avare ; il est maître de tout et il a peur ; il est le roi du monde et il n'est point satisfait ; géant de l'orgueil, il met Pelion sur Ossa, Ossa sur Pelion, pour escalader le ciel, usurper la divinité ; et il se sent toujours homme.

La nature et les circonstances préparèrent singulièrement Domitien à la tyrannie. Présent à Rome quand une révolution fit son père empereur en Syrie, puis quand son frère monta sur le trône, il se crut deux fois frustré de l'empire, d'abord par Vespasien, puis par Titus. Tenu en surveillance par son père et dans l'ombre par son frère, il se nourrit dans la solitude d'envie et. de haine pendant douze ans. Arrivé enfin à l'empire, il eut la force de se contraindre pendant deux ans. Mais au bout de ce temps il entra, par l'envie et l'avarice, de plain-pied dans la tyrannie.

Les deux premiers crimes de Domitien tombèrent sur Ælius Lamia, à qui il avait ravi sa femme, et sur Sabinus son cousin, à qui il avait ravi sa maîtresse. L'un ne regrettait pas assez (et il n'y avait point de quoi), l'autre regrettait trop, avec quelque raison, celle dont l'empereur faisait trophée. La facile résignation de l'un était une insulte, et l'inconsolable douleur de l'autre, un reproche. Il les en punit. Tous deux perdirent la vie.

Le frère de Titus, vainqueur de Jérusalem, regrettait surtout de n'avoir point les talents d'un général. Agricola, le beau-père de Tacite, un autre Corbulon, conquérait sous son règne, à force d'énergie et de patience, presque toute la Grande-Bretagne. C'était un sujet de sécurité et de gloire pour l'empire, mais de dépit et de crainte pour l'empereur. Était-ce la peine d'avoir étouffé l'éloquence, la vie au forum, si un autre usurpait le privilège de vaincre, cette vertu impériale. Domitien rappela Agricola de Bretagne avec de grands éloges, sous prétexte de l'envoyer en Syrie. Mais il reçut froidement le conquérant, quand celui-ci rentra modestement de nuit à Rome, selon l'ordre qu'il en avait reçu ; et il le laissa dans la foule de ses esclaves. Agricola ne réclama point le gouvernement de Syrie ; il fut heureux d'être oublié, et peut-être même, dit Tacite, de mourir à temps[5]. Mais le talent d'Agricola disgracié ne passa pas au service de l'empereur.

Domitien voulut châtier lui-même les Cattes qui avaient insulté la frontière. Il parvint avec beaucoup de peine à les joindre au fond de leurs forêts et à leur faire quelques prisonniers, qu'il augmenta en couvrant plusieurs soldats de costumes germains.. Il n'en prit pas moins le titre de Germanicus, qu'il voulut donner aussi au mois d'octobre en souvenir de ses exploits. La postérité n'a pas sanctionné cette ambition. Un barbare, Décébale, sur la frontière du Danube, en donnant un instant l'unité de commandement et la discipline romaine aux peuples sauvages des Daces, des Quades et des Marcomans, fit trembler l'empire romain. Domitien se contenta de conduire les nouvelles levées romaines contre ce redoutable adversaire ; mais, après l'avoir vu, il revint en toute hâte ; et, pendant que Décébale battit ses légions et lui imposa un honteux tribut, il prit le nom de Dacicus, célébra un triomphe et se fit élever des arcs de triomphe et des statues dans tout l'empire[6]. En revanche, Domitien augmenta de près d'un tiers la solde des légions, et, ce qui était pis, relâcha la discipline en fermant les yeux sur les écarts et les excès des soldats. Non content d'inventer pour le peuple de nouveaux jeux, de nouveaux spectacles, de renouveler de Néron les jeux capitolins qu'il prolongea jusqu'à la nuit aux flambeaux, et présida en costume d'Athlothète, il multiplia les congiaires, les distributions d'argent, et donna au peuple des banquets publics où le vin coula à flots. Trois fois, pendant son règne, il fit aux citoyens pauvres une distribution de 300 sesterces par tête. Mais ces prodigalités épuisèrent le trésor de Vespasien ; Domitien fut obligé de demander aux riches et aux provinces ce qu'il donnait au peuple et aux soldats. L'avarice s'ajouta à l'envie. Les délateurs, ces pourvoyeurs des besoins impériaux, reparurent à Rome dès l'année 84 ; et la tyrannie recommença.

On nous a Conservé le nom de quelques-uns de ces infâmes auxquels Titus avait réservé le fouet de l'arène ou les amertumes de l'exil. C'étaient Messalinus Catullus que l'empereur lançait comme un trait contre tout ce qui était honnête ; Carus, qui appelait ceux qu'il avait une fois dénoncés ses morts, et ne permettait point qu'un autre y touchât : ils étaient siens ; Regulus, qui avait vu les honnêtes gens s'élever contre lui au commencement du règne de Vespasien, et qui exerça alors en liberté ses représailles ; enfin, Bœbius Massa, le plus habile, qui donna cependant prise sur lui-même plus tard pour ses malversations en Bétique. Grâce à eux le trésor de l'empire se remplit promptement. Quels que fussent l'accusation et l'accusateur, les biens des vivants, des morts étaient d'abord saisis. Un homme riche avait-il bien parlé de César pendant sa vie ; Domitien devenait son héritier, fallût-il attaquer le testament pour cause d'oubli. Un autre était-il accusé d'avoir mal parlé de l'empereur ; condamné comme criminel de lèse-majesté, il laissait ses biens confisqués à Domitien.

Mais l'empire renvoya bientôt à l'empereur la terreur qu'il répandit autour de lui, et commença le tourment de la tyrannie. Avant Domitien, Titus ne s'était pas contenté d'engager deux conspirateurs à ne point lui disputer l'empire, que les destins seuls donnent ; il avait pris place entre eux sur les bancs de l'amphithéâtre et leur avait donné sans défiance à examiner les glaives des gladiateurs lorsqu'on les lui avait présentés. Trait plus touchant encore : Il avait envoyé rassurer la mère de l'un deux sur le sort de son fils. Domitien avait eu de bonne heure d'autres principes. La défiance fut toujours pour lui la meilleure garantie contre ses sujets ; il avait interdit à son cousin Sabinus de faire porter à ses serviteurs une livrée semblable à la sienne, répétant ce mot d'Homère, ούκ άγαθόν πολυκοιρανίη, εις κοίρονος έστω. Les empereurs, disait-il aussi, sont bien malheureux ; on ne croit aux conspirations formées contre eux que lorsqu'ils en ont été victimes, et, faisant allusion à son frère Titus, il appelait heureux plutôt que vertueux[7] ceux qui, pendant leur règne, n'avaient pas trouvé d'occasion de punir.

La première conspiration qui fut tramée contre Domitien, celle du général des légions de Germanie, Antonins, fit de ce qui n'était chez lui qu'un instinct, un système. Quoique cette tentative et été promptement déjouée, l'empereur sévit avec une grande rigueur contre tous ceux qui pouvaient avoir de près ou de loin des relations avec le coupable. Depuis cet événement, l'empereur s'isola complètement dans son palais de Rome ou dans sa maison d'Albe, qui devint une véritable forteresse. L'autorité du préfet du prétoire fut diminuée. Personne ne resta plus longtemps en possession de cette dignité dangereuse. Au lieu d'un préfet Rome en eut douze. Domitien avait eu jusque-là un conseil composé d'hommes considérables qu'il réunissait de temps en temps ; il ne les consulta plus. Le seul favori qu'on lui ait connu, le danseur Pâris, n'ayant pas respecté l'impératrice, fut mis à mort dans la rue sans procès, par ordre de l'empereur, et ne fut pas remplacé. Un réseau d'espions, dont les délateurs de la cour tenaient les fils, couvrit Rome et tout l'empire. On vit alors les délations et les condamnations se multiplier comme sous Tibère et Néron, dans les provinces comme à Rome. Les grands et les riches en furent naturellement les premières victimes. Tantôt l'empereur se débarrassait directement de ses ennemis par le fer ou par le poison, sans jugement ; tantôt il mettait le sénat en demeure de partager la responsabilité de sa tyrannie, en couvrant alors toujours sa conduite d'un faux semblant de clémence. Un si grand nombre de sénateurs périt ainsi, qu'on ne trouvait plus parmi eux, dit Tacite, de tête blanchie par les années. Les historiens ne nous ont pas toujours conservé le nom des victimes. Rien d'étonnant ! Domitien défendit qu'on mentionnât dans des actes ou dans des écrits publics le nom des condamnés[8].

La tyrannie de Domitien eut un trait particulier qui la distingue des autres. Elle était pleine de superstitions, de religiosité. Il visait à passer, comme Auguste, pour le restaurateur de la religion ; c'était pour lui une garantie. Il fit juger trois vestales infidèles à leur serment. L'une d'elles fut enterrée vive ; et le grand pontife, à cette nouvelle, rendit l'esprit en plein sénat. Les sectateurs des superstitions étrangères, les magiciens, mathematici, furent plusieurs fois chassés de Rome. En revanche, Domitien remit en honneur le culte de Minerve, et encouragea par tous les moyens celui de Vespasien et de Titus. Le collège des prêtres flaviens fut très-nombreux. En cela Domitien pensait surtout à lui-même. Il se proclamait le fils de Minerve, et rappelait que Titus était dieu, pour qu'on n'oubliât pas qu'il était son frère[9]. Domitien voulut enfin être dieu. La plupart de ses prédécesseurs avait refusé le titre de maître comme odieux aux Romains ; lui ne voulut point qu'on s'adressât à lui autrement qu'en se servant des noms de seigneur et de dieu. Il signa tous ses édits avec ces mots : Domino et Deo placuit[10]. Pline nous parle des nombreux troupeaux sacrifiés à Domitien. Ce ne fut point de sa part folie, comme chez Caligula ; ce fut son sang-froid ; il y vit un moyen de gouvernement, une sauvegarde de la tyrannie. On n'attenterait peut-être pas à la majesté, à la vie d'un dieu. Roi du ciel, il crut d'ailleurs, dans sa superstition, contenir mieux la terre. Il s'était fait dresser une liste de tous les grands personnages de Rome, avec la date de leur naissance et la constellation sous laquelle ils étaient nés. A la clarté des nuits, cherchant dans les étoiles sa sécurité, il les prenait en flagrant délit de conspiration contre sa vie, contre son immortalité. L'astrologie, qu'il se réservait comme un privilège, devint entre ses mains un instrument de terreur. Les astres suppléèrent au défaut de clairvoyance des délateurs. La divinité de Domitien fut l'occasion de ses persécutions les plus affreuses, mais en même temps aussi, ce qui console, l'objet des plus nobles résistances.

On regrette que la poésie, avec Stace l'improvisateur, et avec Martial, le fécond auteur d'épigrammes, ait ratifié le culte de cette nouvelle divinité. Stace félicite Domitien d'avoir relevé son propre temple sur le Capitole ; il n'y voit plus, en effet, Jupiter, mais son empereur. Martial aime mieux adresser ses prières à ce fils terrestre de Minerve, qu'aux dieux de l'Olympe : Je prie Jupiter, dit-il, pour César, et César pour moi. Jupiter ne lui avait-il pas dit d'adresser ses demandes à celui qui lui élève des temples ? La philosophie du moins et la foi opposèrent la conscience humaine à cette dernière entreprise ; et ce fut là encore que la tyrannie échoua

Par une fortune extraordinaire alors, des premiers aux derniers rangs de la société, la philosophie stoïcienne et la foi chrétienne se rencontrèrent dans une égale opposition contre le nouveau dieu. Le docteur le plus écouté de la philosophie stoïcienne, Épictète, disait alors à Rome :Nous n'envions pas aux rois leurs palais et leurs richesses. — Mais je veux, repart César, commander à vos pensées ?Comment ?Par la terreur. — Prends mon corps pour tes supplices, mon âme ne t'est pas sujette. Si tu veux être obéi, commande-nous les vertus qu'il faut suivre et les vices qu'il faut éviter ; mais de nous dire : Fais ceci, fais cela ou je te tue ! ce n'est pas ainsi qu'on gouverne des âmes raisonnables et libres. Dans le même tempe, le plus doux des disciples de Jésus, Jean, se trouvait à Rome. Il y répandait la doctrine de Celui qui était venu enseigner de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Si le stoïcisme avait toujours dans l'aristocratie et au sénat des adeptes fidèles, Senecion, Arulenus Rusticus, et le fils d'Helvidius Priscus, le christianisme trouvait déjà des disciples au palais impérial même, où il comptait Flavius Clemens, cousin de l'empereur, sa femme Domitilla et Acilius Glabrion, officier du palais. Ce fut parmi ces stoïciens et ces chrétiens que Domitien fit ses dernières victimes.

Depuis longtemps le préfet du prétoire Casperius Ælianus dénonçait les sophistes, cette engeance frondeuse qui cachait de sinistres projets sous une barbe inculte et un sale manteau, et qui aiguisait le poignard dont d'autres se servaient[11]. La lutte commença par l'accusation que portèrent deux jeunes gens courageux, Senecion et Pline, contre Bœbius Massa, au nom de ses administrés de la Bétique. Convaincu, Bœbius se releva en lançant contre Senecion une accusation de lèse-majesté. Pline demanda hardiment l'honneur d'une pareille accusation puisqu'il avait partagé le péril d'accuser Bœbius. L'affaire finit celte fois. Mais Metius Carus la reprit bientôt en sous-œuvre ; il accusa Senecion d'avoir écrit la biographie d'Helvidius Priscus, et de mépriser le gouvernement en ne recherchant aucune magistrature. Après lui, Aquilius Regulus prit à partie Arulenus Rusticus, l'ancien tribun, qui, jeune, avait voulu défendre Thraséas ; il l'accusa d'avoir appelé saint cet ennemi des empereurs. Le sénat romain, agité de sentiments divers, partagé entre les stoïciens et les délateurs, mais entouré de soldats, céda, livra ses membres sous le poids d'une véritable stupeur. Exaspéré par la lutte, César inventa une inquisition nouvelle, des supplices nouveaux, espionna, fit épier, prit au piège dans leur prison ses accusés, et assista avec une joie féroce à leurs tortures, à leur supplice. Senecion mourut, bien qu'il eût écrit l'éloge d'Helvidius Priscus à la pieuse requête de sa veuve ; Arulenus Rusticus, le fils d'Helvidius Priscus, bien d'autres succombèrent[12]. Dans le même temps à peu près, moitié par avarice, moitié par esprit de persécution religieuse, Domitien étendit l'impôt mis depuis Vespasien sur les Juifs, à tous ceux qui, sans faire profession de foi juive, judaïsaient. Chez les Romains, encore inhabiles à distinguer les religions orientales les unes des autres, c'était désigner surtout les chrétiens. Des perquisitions indiscrètes, honteuses, commencèrent contre les chrétiens. Quand on ne trouva point sur eux la preuve qu'ils judaïsaient, on les accusa d'être athées. Ainsi Clemens, Domitilla, Glabrion, trouvèrent place parmi les premiers martyrs du christianisme. Domitien crut pouvoir disperser par l'exil cette nouvelle et redoutable conspiration morale. A la fin de son règne, il bannit stoïciens et chrétiens, docteurs et apôtres. Dion Chrysostome, le sophiste ; Apollonius de Tyane, le thaumaturge ; Arthémidore, le stoïcien, disciple de Musonius Rufus, quittèrent Rome à l'époque où saint Jean l'évangéliste fut exilé dans l'île de Pathmos[13].

C'est l'honneur de la philosophie ancienne d'avoir partagé avec le christianisme la persécution de Domitien, et mêlé le sang de ses héros avec celui des disciples de Jésus. Néron avait déjà fait ouvrir les veines de Sénèque et de Thraséas, en même temps qu'il éclairait ses jardins avec des victimes chrétiennes. L'alliance de la philosophie spiritualiste et de la foi chrétienne est ancienne ; elle commence sous les coups de la même tyrannie, et presque dans le sang de communs martyres.

Différentes furent la mort de Titus et celle de Domitien, comme avait été leur vie. L'aîné de Vespasien avait assisté à une longue représentation de l'amphithéâtre, quand il se prit tout à coup à verser d'abondantes larmes, sans qu'on sût pourquoi. Malade, il se fit transporter à la campagne de son aïeule, où son père était mort. Avant de mourir, il exprima un regret : celui d'avoir commis une faute qu'il ne se pouvait pardonner. C'est un secret qu'il a emporté avec lui ; on est heureux de soupçonner, dans l'urne funéraire qui renferme le meilleur des empereurs, un secret, un sentiment presque chrétien : la repentance. Cet empereur a des traits de sentiments, une mélancolie qui surprennent. Il avait des vertus singulières pour un Romain : il savait pleurer.

Le tyran Domitien finit par prendre en défiance et en haine ses affidés mêmes, son préfet du prétoire, son chambellan, ses affranchis, sa femme Domitilla, et jusqu'à ces astres qu'il avait su faire complices de ses crimes. Ce fut dans son palais cependant qu'il trouva sa fin. Son chambellan, sa femme, avaient résolu de délivrer Rome de ce monstre. Ils lui cherchaient seulement un successeur. Domitien, plus soupçonneux que jamais, ne sortait presque plus. Il avait fait garnir les galeries où il se promenait de pierres phengites, qui ne laissaient personne approcher de lui sans qu'il s'en aperçût. Mais tout tourna contre lui, même l'astrologie dont il avait fait un instrument de règne. Un astrologue, Asclétarion, lui prédit sa mort prochaine, chose facile à prévoir dans l'empire romain. — Et toi, lui dit Domitien, quel sort t'attend ?Je serai dévoré par les chiens. Domitien, pour le faire mentir, ordonna de l'enterrer profondément après l'avoir fait tuer. Un orage terrible dispersa les fossoyeurs et donna raison à l'astrologue. Nerva, qui conspirait peut-être contre lui, fut épargné sur la foi d'un autre mathématicien. La céleste délation abandonnait Domitien. Les présages s'accumulèrent : orages nombreux, rêves, prodiges. La foudre tomba jusque dans la chambre de Domitien ; il rêva que Minerve sortait de son temple disant ne pouvoir plus le protéger. Chaque heure du jour amenait sa peur avec elle. Domitien demandait plusieurs fois par jour si l'heure qu'il craignait était passée. Entendait-il gronder la foudre : Qu'elle frappe, s'écriait-il, plutôt aujourd'hui que demain !

Le 18 septembre de l'an 96, Domitien se réjouissait d'avoir vu s'écouler la cinquième heure, qu'il redoutait surtout, quand Stephanus, un affranchi, introduit probablement par l'impératrice Domitilla dans ses galeries, vint lui présenter un mémoire, une délation. Pour être plus sûr de l'approcher, il avait le bras gauche en écharpe comme s'il était blessé. Domitien lut ; aussitôt Stephanus tire un poignard de l'écharpe où il était caché et en frappe Domitien. Furieux, l'empereur se précipite sur l'assassin, en invoquant Minerve sa mère, pour lui arracher le poignard des mains, se blesse, le terrasse, s'efforce de lui crever les yeux, puis le laisse pour aller querir une arme et appeler au secours. Mais le chambellan Parthenius tenait toutes les issues ; il vint bientôt avec un esclave, un gladiateur et quelques autres, prêter main-forte à Stephanus. En se débattant comme une bête fauve, le tyran succomba sous le nombre[14].

 

 

 



[1] Suet., Titus, de 1 à 6. — Domitien, de 1 à 8.

[2] Tacite, Hist., II, 77. — Dion, LXVI, 5. — Josèphe, B. J., V.

[3] Suet., Tit., 8-11. Dom., 6-12. — Dion, LXVI, 18, 19, 26. — Tacite, Hist., II et III, passim.

[4] Suet., Dom., 8. Magistratibus quoque urbicis provinciarum que præsidibus coercendis tantum curæ habuit ut neque modestiores unquam ne que justiores exstiterent. — Pline, Ep. VII, 33, sur le procès de Bæbius Massa.

[5] Tacite, Agricola, 28-39.

[6] Tacite, Hist., IV, 73-40. — Dion, LXVII, 3-10.— Pline, Pan., 58.

[7] Suet., Dom., 21. — Dion, LXVII, 2.

[8] Dion, LXVII, 11.

[9] Pline, Pan., 11. ..... ut dei frater videretur.

[10] Suet., 13. — Vict., 7. — Martial, V, 8. — Pline, Pan., 2.

[11] Phil., Vit. App., VII, 10, 16, 23. — Tac., Ann., XIV, 57.

[12] Pline, Ep., VII, 19, 33. — Suet., 10. — Tacite, Agric., 45.

[13] Philostr., Vit. Soph., I, 7. — Suet., Dom., 13, 15. — Tillemont, Hist. ecc., II, p. 57.

[14] Dion, LXVII, 15, 16. — Suet., Dom., 14. — Phil., Vit. App., VIII, 15.