MARIE STUART ET LE COMTE DE BOTHWELL

 

VIII. — L'ENLÈVEMENT DE MARIE STUART. SON MARIAGE AVEC BOTHWELL.

 

 

Le soir du 19 avril 1567, Bothwell invita les nobles, ses collègues du parlement, à souper à la taverne d'un certain Anslie, d'où le nom historique de souper d'Anslie. Lorsque plusieurs heures de libations eurent disposé les convives favorablement, Bothwell prit la parole. Il annonça que la reine consentait à lui accorder sa main et qu'elle désirait l'approbation de sa noblesse. Ensuite il présenta un bond qu'il les pressa de souscrire. Aucune difficulté ne s'éleva. Cet acte comprenait deux parties. La première rappelait que le comte de Bothwell, accusé calomnieusement par placards et par lettres du comte de Lennox, de participation au détestable meurtre du roi, avait été déclaré innocent par les nobles ses pairs, et autres barons de bonne réputation ; qu'il avait offert le combat à quiconque l'accuserait, et ainsi n'avait négligé, pour se purger entièrement de l'accusation, aucun des moyens que l'honneur et les lois mettaient à la disposition d'un noble homme. De là, considérant l'ancienneté et l'illustration de sa maison, ses services dans l'État, la vieille amitié qui existait entre sa famille et toutes les autres, la condition générale de la noblesse dont la réputation, l'honneur et le crédit sont exposés constamment aux vains discours du peuple, et aux accusations calomnieuses des envieux, les signataires déclaraient sur leur foi et leur honneur, sur leur vie, aussi vrai qu'ils étaient nobles, et qu'ils en répondraient devant Dieu, que si quelqu'un venait à incriminer calomnieusement le comte de Bothwell d'avoir eu part dans ce meurtre détestable, tous et chacun d'eux en particulier soutiendraient sa querelle de leur corps, de leur héritage, de leurs biens, contre les calomniateurs cachés ou publics, passés ou à venir. — Ainsi, protection énergique quant au passé. Maintenant, aide efficace quant à l'avenir. C'était l'objet de la seconde partie. Attendu, si l'on considérait le temps actuel, que la reine était privée d'époux, que le bien du royaume n'admettait pas la viduité et qu'un temps viendrait où Sa Majesté se laisserait incliner au mariage ; alors, dans le cas où le service dévoué et cordial que le comte lui avait fait de tout temps, ainsi que ses autres bonnes qualités et sa conduite, porteraient Sa Majesté à condescendre à préférer l'un de ses sujets aux princes étrangers, eux les soussignés, et chacun d'eux sur leur honneur et loyauté, s'obligeaient, non-seulement d'aider à la célébration d'un tel mariage de leurs vœux, conseils, appui et assistance en paroles et en action ; mais encore si quelques-uns osaient, directement ou indirectement, ouvertement ou sous quelque prétexte que ce fût, empêcher, arrêter ou troubler ledit mariage, ils les regarderaient et tiendraient pour leurs ennemis communs ; ils aideraient le comte à parvenir à ce mariage, autant du moins qu'il plairait à leur souveraine de s'y prêter ; ils y dépenseraient et emploieraient leur vie, leurs biens, contre tout ce qui vit ou meurt, aussi vrai qu'ils en répondraient devant Dieu, sur leur loyauté et leur conscience ; et s'ils agissaient contre leur promesse, ils voulaient n'avoir plus jamais ni réputation, ni crédit, et consentaient à passer pour d'indignes et infâmes traîtres.

Cette pièce extraordinaire, datée du 20 avril, reçut la signature de l'archevêque de Saint-André, des évêques d'Aberdeen, de Galloway, de Dumblane, de Brechin, de Ross[1], des Iles, d'Adam, évêque des Orcades ; des comtes d'Huntly, d'Argyle, de Morton, de Cassilis, de Sutherland, d'Errol, de Crawford, de Caithness, de Rothes ; des lords Boyd, Glammis, Ruthven, Sempill, Herries, Ogilvy, Fleming : tout cela certifié dans la suite par sir James Balfour, clerc du registre et du Conseil privé, par conséquent gardien de l'acte original[2]. Afin d'obtenir cette unanimité étonnante, Bothwell, i1 ce qu'assurèrent des témoins, présenta une procuration — warrant — écrite par la reine, où il était invité à proposer cette affaire à la noblesse[3]. Qui sont ces témoins, en quel endroit parlèrent-ils de ce warrant ? Ce furent Murray — il n'était pas au souper —, Morton, Adam, évêque protestant des Orcades, Pitcairn, commendataire de Dunfermling, et lord Lindsay de Byres. Lors des conférences d'York (octobre 1568), où ils accusèrent Marie Stuart devant les commissaires anglais, ils chargèrent Lethington, Mackgill, Buchanan et John Wood, de présenter, outre le bond, cette prétendue pièce, par laquelle la reine autorisait les lords à sanctionner son mariage avec Bothwell[4]. Avant de l'avoir, disent-ils, il n'y en avait pas un qui eût voulu mettre la main dans l'affaire, le comte d'Huntly excepté[5].

Caution médiocre, celle des auteurs de la Detectio, de l'Actio et du journal de Murray. Non pas qu'il soit absolument impossible qu'un papier de ce genre ait été produit au souper, comme émané de la reine. Mais alors c'était une fraude de Bothwell. De ce warrant, il ne fut pas question dans l'histoire jusqu'aux conférences d'York, où Lethington le communiqua aux commissaires anglais secrètement, comme ils le racontent à Élisabeth[6]. Que de bruit les lords n'en auraient-ils pas fait, s'il eût existé, pour établir la complicité de la reine avec Bothwell, quand ils l'eurent détrônée, un mois après le mariage qu'ils venaient de conseiller si chaudement. Autre, argument : le 14 mai, veille de cette fatale union, Marie Stuart accorda un pardon formel aux signataires du bond. Comment lui eussent-ils demandé une garantie de cette sorte, si, le 19 avril, elle les avait exhortés par écrit à seconder les vues de Bothwell ?

Ils avaient donc signé le bond bien malgré eux, sur ce qu'on leur avait communiqué le warrant de la reine, et aussi par peur, ajoutèrent-ils, plus que par toute autre raison[7]. Car on avait disposé autour de la salle du repas deux cents arquebusiers à la dévotion de Bothwell ; et, disaient-ils encore aux commissaires anglais avec ce front qui ne rougissait pas, cela leur avait tellement déplu, que dès quatre heures du matin, il ne restait plus qu'un bien petit nombre de lords ou même pas un seul dans la ville, et qu'ils partirent sans prendre congé.

Il est difficile de descendre plus bas. Confesser ainsi devant le gouvernement superbe, ennemi éternel de leur pays, confesser leur lâcheté, sans sourciller et une lâcheté qu'ils n'avaient pas commise ! Comment croire, en effet, qu'on ait osé employer cette violence énorme contre la première noblesse d'Écosse ; que cette noblesse réunie, en tout temps si prompte et si rude, soutenue de la nombreuse clientèle de gentilshommes qui remplissaient alors Édimbourg, ait eu si peur qu'elle ait signé en hâte les engagements qui lui répugnaient le plus ? Comment Bothwell pouvait-il croire que les lords se tiendraient pour liés par une promesse extorquée de vive force ? Comment laissait-il aller libres, dès le matin, des hommes qu'il venait d'offenser mortellement ? Comment aussi se fait-il que ces mêmes nobles, dans la révolution qu'ils accomplirent si peu de temps après ce souper, n'aient rien dit de la contrainte exercée sur eux, et que les arquebusiers n'aient surgi dans leur mémoire que dix-huit mois après l'événement, à York ? Et puis, qu'étaient-ce que ces deux cents arquebusiers ? C'était la seule troupe soldée, formant la garde de la reine. Cette nuit-là, du samedi au dimanche, elle se trouvait à Seton autour de Marie Stuart, et non pas à Édimbourg. Elle était si peu à la dévotion de Bothwell que, le dimanche même, elle se révolta pour la solde en présence de la reine ; Bothwell ayant saisi l'un des mutins, l'épée haute, les autres accoururent et le forcèrent de lâcher prise ; on ne les apaisa que par la promesse de les satisfaire, et, en effet, la reine ordonna de leur distribuer quatre cents couronnes, deux couronnes par homme — ce qui fait bien les deux cents arquebusiers. — Est-ce avec une milice dans de telles dispositions, que l'on tente des coups d'État ? Cette mutinerie est racontée par Drury à Cecil, 24 avril 1567[8]. Plus tard, Morton, à l'heure du supplice, ne parla pas des arquebusiers. Sachant, avoua-t-il cyniquement aux ministres presbytériens, que Bothwell était l'assassin du roi, il ne s'était pas fait scrupule de signer un bond portant promesse de l'aider à se défendre et à se tirer d'affaire, si quelqu'un l'accusait de ce meurtre ; de même il l'avait recommandé à la reine comme époux, ainsi qu'avaient fait d'autres de la noblesse[9]. Si donc les meneurs comme Morton signèrent le bond, c'est tout uniment que le mariage de Marie Stuart avec Bothwell faisait partie de leurs plans.

Ainsi Marie Stuart était poussée vers l'abîme qu'elle ne soupçonnait pas. Mais quoi ! nous dit-on, elle l'aurait vu, si elle n'avait été éprise si passionnément de Bothwell, car un ami fidèle essaya de lui dessiller les yeux. Melvil affirme que lord Renies se rendit exprès à Édimbourg, et là, aux pieds de Marie Stuart, il la conjura de ne point épouser celui que tout le pays regardait comme le meurtrier de son mari, si elle ne voulait pas compromettre son honneur, exposer son fils et se perdre elle-même. La reine parut surprise, et lui répondit, avec sa dissimulation accoutumée, qu'elle ne comprenait rien à ce bruit, vu que son cœur ne lui avait jamais rien dit pour Bothwell. Après lui avoir donné ce salutaire mais inutile avis, Hernies s'en retourna en toute hâte avec des chevaux qu'il avait placés en relais sur la route, afin d'échapper aux poursuites de Bothwell[10]. Certes le trait est intéressant, et l'on suit du regard, non sans émotion, ce brave serviteur galopant loin d'Édimbourg, avec ses cinquante hommes — autre détail — auxquels, par précaution, il avait fait acheter des lances neuves. Une chose pourtant nous embarrasse. Si lord Hernies vint tout exprès braver un péril qu'il savait presque mortel, si, le conseil donné, il s'enfuit sur les ailes d'une juste frayeur, qu'on nous dise par quelle étonnante contradiction il siégeait en même temps au parlement à Édimbourg, pourquoi il figurait dans le comité des lords des articles[11], pourquoi il s'asseyait au souper d'Anslie et apposait sa signature, avec les autres, au bas du bond ; pourquoi il signa au contrat de mariage, dressé le 14 mai suivant[12]. Reléguons cette historiette, quoique agréable, parmi les nombreuses inexactitudes et inventions qui fleurissent dans les mémoires de sir James Melvil ; ou bien, pour la conserver, nous nous verrions dans la nécessité de prendre un parti héroïque ; par exemple, d'effacer d'autorité le nom seul, nom gênant, de lord Herries dans la liste des invités et des signataires du bond. C'est ce que fait M. Mignet[13] ; mais nous n'oserions pas l'imiter.

Pendant que les seigneurs travaillaient si savamment à unir les destinées de Marie Stuart et de Bothwell, ils aiguisaient en cachette le fer qui devaient les trancher. Dès la fin de février, nous l'avons vu, ils avaient posé les bases d'une confédération en présence de Murray, dans la réunion de Dunkeld. Leur prétexte était de venger le roi, eux les assassins du roi autant que Bothwell. Ils étendirent sur le fils l'intérêt que le père leur inspirait maintenant ; et leur mot d'ordre fut qu'ils craignaient que la reine, ayant perdu à force de frénésie amoureuse la possession d'elle-même, ne livrât son fils à Bothwell qui s'en débarrasserait comme il s'était débarrassé du mari. Inquiétude bien superflue : la pauvre mère n'avait-elle pas pris les devants ! N'avait-elle pas, dès le 19 mars, éloigné d'elle et confié au comte de Mar son enfant, pour qu'il veillât sur lui dans sa forteresse de Stirling, jusqu'à l'âge de dix-sept ans ? Ce comte de Mar, n'était-il pas oncle du comte de Murray ? Quelle meilleure sûreté pour le jeune prince[14] ? Bientôt, quand Marie se courbera sous la nécessité et qu'elle épousera Bothwell, avant le mariage, elle enverra secrètement par Leslie, le fidèle évêque de Ross, une lettre au comte de Mar, portant injonction la plus formelle de ne remettre l'enfant à personne autre qu'à elle-même, sous quelque prétexte que ce pût être[15].

Toutefois avant de franchir le pas glissant de la révolte, les conjurés désiraient savoir les dispositions de l'Angleterre, si elle les appuierait ou les abandonnerait, l'attitude qu'elle prendrait devant décider de leur sort. Ce fut un des affidés, le mieux apprécié de Cecil, qui sonda le terrain. Le 20 avril, le matin après le souper d'Anslie, sir William Kirkcaldy de Grange écrivit au comte de Bedford. Analysons d'abord la lettre ; nous dirons ensuite ce qu'était le laird de Grange. Il déplorait la folie de la reine, s'étendait sur le danger que courait le jeune prince, prédisait le mariage imminent de la reine avec Bothwell. Elle en était si effrontément amoureuse qu'on l'avait entendu dire qu'il lui serait indifférent de perdre la France, l'Angleterre et son propre royaume pour lui ; et plutôt que de le quitter, elle le suivrait jusqu'au bout du monde, en jaquette blanche. Kirkcaldy terminait en sollicitant l'aide d'Élisabeth pour lui et ses amis, dans le cas où le meurtre de leur souverain ne resterait plus longtemps sans vengeance[16].

Et maintenant, avant d'aller plus loin, ouvrons une parenthèse à la fois sur le passé de Kirkcaldy de Grange et sur les derniers temps de sa vie. Le lecteur verra que ce n'est pas sortir de notre sujet. Kirkcaldy de Grange, un des premiers et des plus fougueux disciples de la réforme en Écosse, avait figuré parmi les assassins du cardinal Beaton en 1546, exploit qui lui avait mérité, de la part de Henri VIII, une pension annuelle de cent livres[17]. Vingt ans après, il avait trempé ses mains dans le sang de David Riccio. La munificence d'Henri VIII lui avait fait prendre goût à l'argent d'Angleterre ; il s'était mis à la solde des ministres de ce pays, pour des correspondances secrètes contre Marie Stuart. Joignant au zèle de remarquables qualités d'esprit, sinon de caractère, il était fort apprécié de ceux qui le payaient. Ainsi, quand l'ambassadeur anglais Randolph fut remplacé à Édimbourg par Killigrew, Bedford déplora ce changement comme une grande perte pour les nouvelles d'Écosse et dont on ne serait dédommagé que par le laird de Grange[18]. Il appelait sur son auxiliaire les générosités un peu lentes, à ce qu'il semble, de Cecil. Souvenez-vous, je vous prie, du laird de Grange ; car, si ce n'était lui, Sa Majesté serait bien mal servie pour les correspondances de ce pays. Il l'a bien mérité ; et j'ai la confiance que vous y aurez égard[19]. D'après ses antécédents, il était naturel qu'il portât la parole auprès de Bedford, lorsque ses amis préparèrent la levée de boucliers qui devait précipiter Bothwell du faite de sa fortune, mais surtout précipiter avec lui Marie Stuart. Le style indigné du traître pourrait tromper sur ses véritables sentiments par un vernis de sincérité. Ne nous arrêtons pas à discuter ce point, parce que nous allons trouver vers la fin de sa vie des documents qui parleront assez haut.

Après leur odieux triomphe sur Marie Stuart, les vainqueurs se divisèrent, comme il arrive toujours. Lethington et Murray rompirent l'un avec l'autre ; et Kirkcaldy épousa les intérêts du secrétaire son ami[20]. Tous deux alors se rangèrent parmi les défenseurs de Marie Stuart. Murray ayant fait arrêter à la fin d'août 1569 Lethington et sir James Balfour, comme coupables de la mort du roi, Kirkcaldy de Grange commandant du château d'Édimbourg, lui écrivit sur-le-champ qu'il devait donc arrêter aussi Motion et Archibald Douglas[21]. L'énergie de Kirkcaldy et la mort violente de Murray (23 janvier 1570) firent avorter cette affaire. Pendant l'interrègne qui suivit, Maitland et Kirkcaldy essayèrent de réconcilier les partis. Mais Élisabeth envoya Randolph, puis une armée de secours à Morton et à Lennox contre Marie ; Lennox fut proclamé régent le 12 juillet 1570. C'est à cette époque que Randolph, irrité de voir ses instruments d'autrefois contre Marie Stuart se retourner maintenant contre lui, leur écrivit une lettre foudroyante[22]. D'abord il combat les scrupules de conscience qu'ils ont allégués. Elle ne mérite pas de vivre, dit-il, après le crime horrible qu'elle a commis, celle dont vous défendez la cause. Donc, il n'y a pas conscience, d'abord, à la renverser ; encore moins à ne pas lui obéir ; mais surtout la conscience n'oblige pas à épouser son injuste querelle. Vous le savez vous-mêmes ; vous l'avez dit vous-mêmes. Vous l'avez reconnu vous-mêmes. Vous-mêmes, vous avez écrit contre elle, combattu contre elle ; vous avez été les auteurs principaux de son arrestation, de son emprisonnement et de sa déchéance ; vous avez fait quelque chose de plus encore, que nous pourrions dire, si ce n'était que nous ne voulons pas vous chagriner par trop[23]. Mais franchise est preuve d'amitié ; et j'ai la confiance que vous le prenez ainsi. Donc, vous deux, vous avez été les artisans principaux de tous les malheurs, comme elle dit, où elle est tombée : Vous, lord de Lethington, en persuadant et en conseillant de se saisir d'elle et de l'emprisonner ; et vous, lord de Grange, par vos sollicitations, votre travail et vos efforts pour amener d'autres à y consentir ; et pour mettre à exécution les plans qui avaient été combinés par l'autre, par vous, lord de Lethington. Il ne faut pas s'alarmer du ton de conviction de Randolph quand il parle du crime horrible de Marie Stuart. Il débite son rôle ; et l'allusion qu'il glisse ensuite sur la participation de l'un et de l'autre au meurtre de Darnley, indique assez clairement sa véritable opinion. Son éloquence demeura sans effet. Lethington et Kirkcaldy de Grange tinrent le château d'Édimbourg jusqu'au 29 mai 1573, Où il fallut capituler devant une seconde intervention anglaise qui affermit dans la régence Morton, troisième successeur de Murray. Kirkcaldy, poète et soldat, avait la plume acérée comme l'épée. Ses vers flagellaient alors les ennemis de Marie Stuart, les superbes, les venimeux pharisiens, qui travaillèrent pour le mal quand ils jetèrent leur reine si digne de pitié dans une épaisse prison, lorsqu'ils l'outragèrent, l'accusèrent avec des mots cruels de serpents, de tonsurés et de rebelles, ces hideux chiens d'enfer. Dans une ballade il apostrophait la forteresse d'Édimbourg : une voix s'est élevée ici, demandant l'aide de Dieu et de la France ;bientôt je te consolerai de tous tes chagrins ; avec l'aide de Christ tu posséderas en paix ta douce reine[24]. Tombés au pouvoir de Morton, Lethington mourut subitement à Leith, le 9 juin 1573 ; Kirkcaldy de Grange fut pendu à Édimbourg, le 3 août suivant. Jusqu'au dernier moment, il témoigna en faveur de Marie Stuart. Sans doute, six ans auparavant, il avait tenu un langage et une conduite bien différents, qu'on pourrait opposer à son attitude finale. Mais l'homme est plus croyable, alors qu'il affirme au prix de sa vie.

Cette digression éclaire d'une pleine lumière les événements qui vont suivre le souper d'Anslie jusqu'à la prison de Lochleven, et au delà, sous l'impulsion des deux hommes dont nous venons de retracer les variations.

Le bond, signé de toute la haute noblesse, venait donc de sanctionner les prétentions de Bothwell enivré, à la main de sa souveraine et au partage de son trône. Il fallait à présent obtenir le consentement de Marie Stuart elle-même : entreprise commode, disent les ennemis de Marie, puisque cette union était depuis dix mois l'objet de ses vœux criminels. Mais, ajoutent-ils, l'exécution présentait de certaines difficultés. Ce mariage avait été convenu, chose incroyable, par un contrat signé de la main même de Marie Stuart le 5 avril, sept jours avant la sentence d'acquittement de Bothwell. Il fut préparé avec une mystérieuse précipitation. Bothwell ne pouvait pas ouvertement y prétendre ni la reine y consentir volontairement, après la mort si récente de Darnley, que l'un avait tué deux mois ! auparavant et dont l'autre devait longtemps encore porter le deuil. Que firent-ils ? ils imaginèrent un enlèvement, qui placerait en quelque sorte Marie Stuart sous la contrainte de la nécessité et expliquerait la résignation de la reine par la violence faite à la femme[25]. Il aurait mieux valu, pour édifier tout de suite l'opinion sur la portée de ces rigoureuses accusations, avertir qu'elles étaient tirées de la Detectio et de l'Actio[26]. D'abord, quand au contrat ou pour mieux dire promesse de mariage, il n'y pas seulement celui du 5 avril à Seton ; il y en a un autre antérieur, en français. La Detectio, qui en cite les premiers mots[27], affirme que cette pièce est de la main de Marie Stuart, qu'elle semblerait, par sa rédaction, être postérieure à la mort du roi[28], mais qu'on a de fortes raisons de croire le contraire. Quelles raisons ? Buchanan n'a garde de nous en instruire. Goodall a vu ce papier à la bibliothèque Cotton, où d'autres sans doute ont été libres de le vérifier après lui[29]. Il déclare que ce n'est ni l'écriture, ni la signature de Marie Stuart ; que le corps de l'acte est de l'écriture dite de chancellerie ; et que dans la signature, la première lettre du mot Marie est deux fois plus haute que les autres, au lieu que dans les signatures authentiques toutes les lettres sont de la même dimension[30]. M. Mignet ne parle pas de cette pièce, mais seulement de la promesse du 5 avril. Elle serait de la main du comte d'Huntly et non de Marie Stuart. Cet acte, rédigé en écossais, est muni des indications précises de lieu et de date qui manquent dans l'autre. Le premier contient la simple promesse de Marie Stuart de ne pas prendre d'autre époux que Bothwell ; le second, l'engagement réciproque de l'un et de l'autre, de se prendre pour mari et femme. Mais son origine est tout aussi frauduleuse que celle du document sans date, et il en porte les enseignes. En, effet, on y exprime à plusieurs reprises qu'un procès de divorce entre Bothwell et sa femme est entamé, et que le mariage aura lieu aussitôt le jugement rendu. Or, il est certain, comme nous le verrons plus bas, que le procès ne fut entrepris devant les diverses juridictions que les 27 et 29 avril, plusieurs jours après pie Bothwell eut enlevé Marie. Ainsi la fraude est grossière, qu'une pièce datée du 5 avril, roule sur un fait qu'elle suppose en voie d'accomplissement, tandis qu'il ne commença que vingt-deux jours après. Oui, dirons-nous avec M. Mignet, mais dans un sens bien différent, oui, cette convention de mariage est une chose incroyable.

Le calcul profond prêté à la reine et à Bothwell, d'imaginer un enlèvement, parce que Bothwell ne pouvait pas prétendre ouvertement au mariage, ni la reine y consentir volontairement après la mort si récente de Darnley, ce calcul était parfaitement inutile. Quand la noblesse, siégeant au parlement du 14 avril, signe un acte par lequel non seulement elle recommande le comte comme époux à la souveraine, mais de plus elle jure d'aider à ce mariage de toutes ses forces, et de combattre jusqu'à extinction des biens et de la vie quiconque aurait l'audace de s'y opposer, comment soutenir que Bothwell ne pouvait pas prétendre ouvertement à épouser la reine, ni la reine y consentir volontairement ? Et quelle extravagance à l'un et à l'autre, de jouer une comédie si savante et si compliquée, quand ils n'avaient qu'à prendre tout simplement, la main dans la main, le chemin de la chapelle d'Holyrood, chemin qu'on leur avait fait si large ?

Nous disons que Marie Stuart n'aimait pas Bothwell, qu'elle rejeta ses premières ouvertures, et qu'alors Bothwell, armé des deux bonds de Craigmillar et de la taverne d'Anslie, prit la résolution d'employer la force, et de s'approprier par un rapt celle qui le repoussait. Et pourquoi, là-dessus, n'écouterions-nous pas Marie Stuart elle-même, puisque les documents que Buchanan élève contre elle sont convaincus de mensonge ? Son mariage fait, elle chargea Chisholm, évêque de Dumblane, d'en porter la nouvelle à la cour de France. Les instructions qu'elle lui donna expliquaient les circonstances sous l'empire desquelles. elle avait épousé le comte[31]. Comme elle était sous l'œil et la censure de son nouveau mari, et qu'elle désirait ardemment conserver pour elle-même la sympathie de la cour et de ses parents de France, et l'acquérir autant que possible à l'homme à qui elle était liée, elle dut adoucir bien des choses. Sa plume s'exprima toutefois avec liberté. Elle récapitulait d'abord les fidèles services que le comte lui avait rendus pendant sa minorité et depuis son retour en Écosse jusqu'à la mort du roi. Nous pensions, continuait-elle[32], que sa persévérance à nous servir et son empressement à remplir tous nos ordres procédaient seulement du sentiment du devoir, sans aucune arrière-pensée, puisqu'il était né notre sujet. De notre côté, nous lui faisions bon visage, bien loin de penser que ce qui n'était que notre accueil ordinaire aux nobles affectionnés à notre service, pourrait l'encourager et lui inspirer la hardiesse de viser à la faveur extraordinaire de notre main. Mais lui, comme la suite l'a bien montré, profitant de tout ce qui pouvait servir son dessein, nous cachant ses intentions et le plan qu'il roulait dans sa tête, se contentait d'entretenir notre faveur par sa bonne conduite extérieure et par tous les moyens possibles. En même temps il se mit à pratiquer les nobles secrètement, pour en faire ses amis et obtenir leur adhésion à ses vues ; il y réussit tellement, sans que nous en eussions aucune connaissance, que, lors de l'assemblée de nos états en parlement, il obtint un écrit revêtu de leurs signatures, dans lequel non-seulement ils accordaient leur consentement à notre mariage, mais s'obligeaient à s'y employer aux dépens de leur vie et de leurs biens, à se déclarer ennemis de quiconque essayerait de le troubler ou de l'empêcher. Cette lettre, il l'obtint en leur donnant à entendre que tel était notre désir.

Ce point gagné, il commença de nous manifester ses intentions sur nous, et il essaya s'il pourrait par une humble demande obtenir notre consentement. Mais trouvant notre réponse contraire à ses désirs, se mettant devant les yeux les sujets d'inquiétudes que les hommes ont coutume de rouler en eux-mêmes dans de telles entreprises, la résistance qu'il trouvait de notre part, les obstacles que les conseils de nos amis ou de ses ennemis pouvaient lui susciter, les changements possibles dans les dispositions de ceux qui lui avaient donné leur consentement, et beaucoup d'autres incidents capables de le frustrer de ses espérances, il se résolut en lui-même de suivre jusqu'au bout sa bonne fortune ; et, tous respects laissés de côté, ou bien de tout perdre en une heure, ou bien d'achever l'affaire qu'il avait prise en main. Et ainsi, décidé à poursuivre promptement son dessein, il ne voulut pas laisser dormir la chose ; mais dans les quatre jours, trouvant l'occasion favorable lors du voyage que nous fîmes sans appareil pour aller visiter à Stirling le Prince, notre très-cher fils, il nous attendit à notre retour sur le chemin, accompagné d'une force considérable, et nous conduisit en toute hâte à Dunbar. Comment prîmes-nous cette action, mais surtout combien la trouvâmes-nous étrange chez lui, qui était le dernier de nos sujets dont nous l'aurions redoutée, c'est ce qu'on imagine facilement. Marie raconte ensuite ses reproches et sa résistance à Bothwell, dont nous n'avons pas encore à nous occuper. Quoi qu'on en dise, là est l'accent de la vérité. Cette narration simple, claire, naturelle, si bien d'accord avec tout ce que nous avons établi jusqu'ici, porte le cachet de l'honnêteté, autant que les déclamations, les assertions tortueuses, les innombrables inexactitudes dénoncent chez la partie adverse les machinations et l'acharnement de la calomnie.

Il est très-vraisemblable que Bothwell, muni du bond signé dans la nuit du 19 au 20, se présenta le jour même devant Marie Stuart comme prétendant à sa main, ainsi qu'elle l'affirme. Elle partit de Seton le lendemain, lundi 21 avril, pour Stirling. Un mois s'était passé depuis qu'elle avait confié son fils à la fidélité du comte de Mar et aux solides murailles de la forteresse. Elle passa la nuit à Callander, chez lord et lady Livingston, et arriva le lendemain, mardi 22, à Stirling. Il y a des gens qui croiraient qu'une jeune mère, séparée de son enfant, et en butte aux chagrins les plus cuisants, aurait faim et soif de le voir et de puiser dans son berceau quelques douces consolations. Buchanan !es détrompera : Marie Stuart ne ressemble à aucune autre mère. C'est la mort qu'elle vient apporter au fruit de ses entrailles : car, dit-il, Bothwell voulant avoir le Prince en son pouvoir, la reine s'en chargea ; elle se rendit à Stirling pour tirer l'enfant des mains du comte de Mar. Mais le comte, devinant sa pensée, lui montra seulement le Prince et ne souffrit pas qu'elle le vît hors de sa présence, ni qu'elle entrât dans la chambre où il était, accompagnée de plus de deux dames[33]. Ce qui rend cette conduite insultante, très-peu croyable, c'est que longtemps encore, même captive en Angleterre, Marie Stuart entretint une correspondance amicale avec le comte de Mar, qu'elle lui rappela plus d'une fois sa promesse solennelle de garder le précieux dépôt sain et sauf, et de ne pas permettre que qui que ce fût le lui ôtât[34]. Souvenez-vous, lui écrivait-elle[35], que quand je vous baillay mon fils, comme mon plus cher joïau, vous me prosmistes le garder et ne le délivrer sans mon consentement, comme des' puis avez aussi fayt par vos lettres.

Marie fut introduite sans difficulté auprès de son fils. Mais cet enfant de dix mois avait oublié les traits de sa mère ; épouvanté des visages nouveaux, des grands vêtements de deuil et de cet empressement extraordinaire autour de lui, il poussa des cris aigus. En vain cherchait-elle à l'apaiser ; elle tire de sa poche et lui offre une pomme. L'enfant la repousse ; elle la donne à la nourrice. La nourrice jette la pomme à une levrette qui allaitait ses petits : la chienne la mange ; à l'instant, spectacle terrible ! elle et ses petits, les voilà morts ! — Du moins, c'est ce que Drury mandait à Cecil, le 20 mai 1567[36]. Il ajoutait que la reine s'était munie aussi d'un pain de sucre pour l'usage du prince. Mais le comte de Mar l'a gardé ; on pense que la composition en est très-dangereuse. Ces ridicules histoires font hausser les épaules ; cependant, c'est avec cela que Lethington préparait les catastrophes.

Marie Stuart écrivit de Stirling, 22 avril, une lettre au nonce du pape en France, l'évêque de Mondovi, pour lui marquer le désir de communiquer avec lui, lui annoncer qu'elle lui dépêcherait un homme exprès dès qu'elle serait de retour à Édimbourg, et le prier d'assurer le pape de la dévotion qu'elle avait de mourir en la foi catholique et pour le bien de son Église[37]. Cette déclaration calme et noble ne cadre pas avec les trois lettres affolées qu'elle aurait écrites le même jour à Bothwell, et que l'on tira de la cassette d'argent, outre les quatre lettres de Glasgow. Nous voyons aussi que Marie comptait rentrer directement et bientôt dans sa capitale, et qu'il est clair que l'enlèvement ne tient pas de place parmi ses prévisions. Qu'on ne dise pas que cette annonce de son retour très-prochain à Édimbourg était une ruse pour dérouter d'avance l'opinion. Car c'est un billet secret, envoyé au loin, qu'elle n'invoquera jamais comme preuve de son ignorance des projets de Bothwell.

Ces trois lettres, dont nous venons de parler, complètent, sous les n° V, VI et VII, les missives accusatrices que Morton déclara avoir saisies, le 20 juin 1567, entre les mains de Dalgleish[38].

Première question à élucider : la date. On les donne pour écrites de Stirling en avril 1567. Elles ne portent pas de quantième ; mais la date précise est aisée à fixer. En effet, dans la dernière, Marie Stuart fait allusion aux perplexités d'un de ses auxiliaires supposés, le comte de Huntly, sur ce qu'il doit faire après-demain, c'est-à-dire lors de l'enlèvement qui eut lieu le 24 avril. Il s'ensuit donc que cette troisième lettre est du mardi 22 avril, jour de l'arrivée de Marie à Stirling, assez tard dans la journée, puisque la reine était partie de Callander dans la matinée ; et, par conséquent, les trois lettres ont rit être écrites coup sur coup, le mardi 22 dans l'après-midi ou, pour mieux dire, dans la nuit du 22 au 23. Car la première est du soir : sans cela, elle ne se terminerait point par le souhait : Dieu vous donne la bonne nuit. Leur succession si rapide nous reporte à une singularité chronologique de même espèce, que nous avons déjà rencontrée dans les lettres de Glasgow, et, comme précédemment, inexplicable.

La première lettre (Ve) commence par la passion amoureuse et le reproche.

Ce Bothwell, public complice des désordres de la reine, et qui, pour l'épouser, n'a pas reculé devant le meurtre du mari, depuis que, par le crime le plus audacieux, il s'est frayé la route du mariage, depuis qu'il a obtenu l'inestimable et toutefois précaire avantage de la garantie de la noblesse, est devenu subitement une sorte de réfractaire et d'amoureux transi. Il traîne en longueur, ne songe plus à rien, ne s'occupe plus de rien ; et, de cet homme auparavant si résolu, on ne peut plus tirer une détermination. Que voulez-vous ? C'est qu'en avril comme en janvier, il aime sa femme, la race perfide des lettres de Glasgow. Il faut que la rivale, la Médée qui aspire à déposséder celle-ci, aiguillonne sans relâche le tiède objet de ses feux ; et en quels termes ! Mylord, hélas ! pourquoy est vostre fiance mise en personne si indigne pour soupçonner ce qui est entièrement vostre ? J'enrage. La fin sera digne de l'exorde : Vous me promistes bien autre chose par vos premières promesses[39] ; mais l'absence a pouvoir sur vous, qui avez deux cordes en vostre arc. L'autre corde, c'est là-bas, lady Gordon, aux pieds de qui son époux s'est avisé de se rasseoir. Combien ce Bothwell céladon est différent de celui de l'histoire, celui qui enlèvera Marie Stuart moins de cinq jours après le bond, et qui ne souffrira pas que son procès de divorce avec l'autre corde dure plus d'une semaine ? Combien aussi cette brutale Marie Stuart diffère-t-elle de la véritable, celle dont nous avons sept volumes dé lettres authentiques !

En vérité, l'invraisemblance est trop forte. Les lettres de Glasgow, avec leurs protestations de tendresse, de fidélité de Marie Stuart pour désarmer la jalousie toujours éveillée du comte, de crainte qu'il ne se laisse retenir par sa femme, dépeignent chez tous deux une passion vive jusqu'aux orages. Depuis ce voyage, les choses déjà si avancées ont suivi un terrible progrès ; et pour nous placer un instant au point de vue de l'accusation, le 9 février ils ont assassiné le mari incommode ; le cadavre à peine refroidi, ils sont allés s'ébattre deux mois à Seton, foulant aux pieds les plus simples convenances du deuil ; le 12 avril, Marie a fait acquitter Bothwell ; le 19, ils ont extorqué à la noblesse prise au piège l'adhésion à leur mariage ; le 24, elle est enlevée par son complice : tout cela, en moins de trois mois. Certes, Bothwell a brûlé les délais. On devrait donc s'attendre que les lettres de Stirling, écrites à une époque où les événements décisifs se précipitent ainsi, trahiront chez l'un et l'autre le désir fougueux avec lequel ils courent effectivement vers le but. Sinon l'amour, au moins la solidarité, la soif du plaisir ou l'ambition se manifesteront de toute l'énergie qui les a poussés à défier la conscience et la colère d'un peuple entier. Point du tout. Nous nous trouvons en présence du plus nonchalant, du plus inerte des hommes, et du plus négligent à recueillir les fruits de son forfait. Quoi de moins conforme au caractère, à la position et aux actions du personnage ? Dans les douze derniers jours, les 12, 19 et 24 avril, il accumule les démarches les plus étonnantes par leur audace pour parvenir à ce mariage royal. Est-il possible que celle qui le voit à l'œuvre lui adresse les reproches de lenteur glacée, dont la correspondance de Stirling est surchargée ? Selon nous, il est visible que les faussaires, en fabriquant la série de janvier et d'avril, se sont proposé, pour déshonorer Marie Stuart, un certain type de femme d'autant plus amoureuse, que celui à qui elle fait plus de sacrifices montre moins d'empressement. Se réduisant à une seule note, la fiévreuse et stérile impatience, ils n'ont pas senti que le langage de celle qu'ils mettaient en scène aurait dû se modifier avec les faits à l'approche du dénouement ; qu'elle n'avait nulle raison de tant se dépiter, et de si fort taxer d'irrésolution versatile celui qui marchait si vite ; que, bien loin de là, elle ne pouvait avoir pour une telle vigueur que des paroles d'admiration ; et que si, à la veille de tenter le destin par un coup suprême, la main devait trembler à l'un des deux, c'était à la femme, et non pas à celui qui avait tant osé. Toutes les missives de Glasgow et de Stirling, il les ont maladroitement jetées dans le même moule, amplifications composées après coup, calquées sur des procédés identiques, et non pas lettres actuelles, palpitantes, inspiriez de la progression des faits, comme il en jaillirait infailliblement d'une complicité serrée par de tels nœuds.

Pour en revenir à l'examen de détail, quand une femme parle des soupçons de ramant jaloux, qui de son côté a mis sa confiance dans une rivale — alors comment peut-il être jaloux ? —, et du pouvoir de l'absence sur lui, c'est sans doute qu'ils sont séparés déjà depuis quelque temps. Mais on n'est qu'au mardi ; et le lundi, Marie était encore à Seton, Bothwell avec elle. Il avait même dû, comme shériff, l'escorter la moitié du lundi jusqu'aux limites du comté d'Édimbourg. Voilà de quelle manière le style prêté à Marie Stuart détonne à tout moment avec le véritable état des choses. On dira que dans u frénésie elle comptait un jour pour un

Vous m'aviez promis, poursuit-elle, que vous vous résouldriez en toutes choses et que chacun jour vous m'envoiriez dire ce que j'auroye à faire. Vous n'en avez rien fait. Chacun jour ! On ne s'exprime ainsi qu'en cas d'absence et d'attente prolongées. — Après quoi, Marie avertit Bothwell que le comte d'Huntly, son beau-frère, le trahit : il — Huntly — vint vers moy, sans me faire apparoistre que c'estoit de vostre part, et me dit que vous l'aviez requis qu'il vous escrivit ce que je voudroye dire, et où, et quaneje pourroye aller à vous, et ce que vous délibériez faire de lui. Et sur cela il me remonstra que c'estoit une tblle entreprise, et que pour mon honneur je ne vous pouvoye prendre à mary, puisque vous estiez marié, ny aller avec vous, et que ses gens mesmes ne le souffriraient pas ; voire que les Seigneurs contredyroient à ce que en seroit proposé. Respirons ; et rétablissons le sens d'après l'écossais[40] : — Il vint à moi, et sans me rien montrer de votre part, il me dit que vous vouliez qu'il vous écrivit ce que je dirais, où et quand vous pourriez venir à ma rencontre, et le rôle que vous lui destiniez — and that that ze suld to tuiching him — ; et sur cela, il me prêcha que c'était une folle entreprise, et que, pour mon honneur, je ne pourrais jamais vous épouser, puisque vous étiez marié, qu'alors vous seriez obligé de m'enlever — seing that being maryit ze did cary me away —, que ses gens mêmes ne le souffriraient pas, que les seigneurs reviendraient sur leur parole et désavoueraient ce qu'ils ont dit[41] — allusion à l'engagement pris par eux dans le bond du 20 avril..... — Je lui respondy, veu que j'en estoye venue si avant, que, si vous ne vous rétractiez, nulle persuasion, non pas mesme la mort, me feroit manquer à ma promesse. Bon gré, mal gré, Marie Stuart veut qu'on l'enlève. Bothwell, embarrassé et incapable de lui donner aucune des directions qu'elle réclame à grands cris, n'est pas suppléé avantageusement par son beau-frère, un Géronte de comédie. Le sens naturel du raisonnement de celui-ci, sur la nécessité où serait le comte de recourir à un enlèvement, c'est que le rapt n'est encore qu'une simple éventualité qui s'offre subitement à son esprit, et non pas un plan arrêté. On nous apprend pourtant que Marie était convenue de tout avec Bothwell à son départ pour Stirling. Quoi qu'il en soit, ici, Bothwell a simplement recommandé à son beau-frère de lui écrire ce qu'elle aura dit : de même, Huntly lui écrira le rôle que lui, Bothwell, lui assigne — petit membre de phrase inextricable —. Voilà, d'ailleurs, qu'Huntly, qui est du complot quoiqu'à regret, détourne Marie Stuart de l'entreprise, étant venu à découvrir qu'elle ne peut pas épouser Bothwell, attendu qu'il est marié. Alors il oublie, ou plutôt ceux qui le font mouvoir oublient qu'on lui a rendu ses biens, trois jours auparavant, à ce qu'ils disent, sous la condition expresse de consentir la dissolution du lien conjugal entre sa sœur et Bothwell. Et ce qui n'est pas moins étrange, n'oublie-t-il pas que c'est lui qui, de sa propre main, a dressé à Seton, le 5 avril, cette incroyable promesse de la reine et de Bothwell de s'épouser, aussitôt le jugement du procès de divorce avec lady Gordon, procès dont on parle comme très-avancé, bien qu'il n'ait été commencé que le 27 avril ? Que d'inconséquence et de contradictions !

Ce qui suit n'est pas moins épineux : touchant la place, pardonnez-moi, si je vous dy que vous estes trop négligent de vous remettre à moy : Choisissez-la donc vous-même, et m'en advertissez. Cependant je ne suis à mon aise, car il est jà trop tard[42], et n'a pas tenu à moy que vous n'y ayez pensé de bonne heure. Et, si vous n'eussiez changé d'opinion depuis mon absence non plus que moy, vous ne demanderiez maintenant d'en estre résolu. Tant y a qu'il n'y a point faute de ma part ; et en cas que vostre négligence ne nous mette tous deux au danger d'un desloyal beau-frère, si les choses ne succèdent, jamais ne puisse-je bouger de cette place. Sans nous engager dans un travail de rectification et d'interprétation, fastidieux ou peut-être impossible, bornons-nous au sens général que Bothwell a changé d'opinion depuis l'absence de la reine, c'est-à-dire depuis la veille ; qu'il veut s'en remettre à elle du soin de fixer le lieu de la rencontre et du rapt, et qu'il demande positivement qu'elle lui trace sa conduite. — C'est donc qu'il lui a envoyé quelqu'affidé, puisqu'elle a su immédiatement les rapides fluctuations du capricieux personnage ? — Mais non, puisque, quelques lignes plus haut, elle enrage que le comte lui ayant promis de lui mander chaque jour ce qu'elle aurait à faire, n'en a rien fait. Est-ce là le langage, est-ce l'attitude de deux criminels endurcis, mettant la dernière main aux arrangements définitifs d'un plan de campagne, dont ils poursuivraient l'imperturbable exécution depuis un an ?

Lorsque Marie écrit à Bothwell, le 22 au soir, elle compte sans doute que la lettre va lui parvenir en temps utile et que la réponse tranchera cette question des voies et moyens. Mais en ce moment-là, il est à Édimbourg ; or elle doit repartir de Stirling, le lendemain matin 23 avril. Le temps manquera donc matériellement. Je vous envoye ce porteur, d'autant que je n'ose commettre ces lettres à vostre beau-frère, qui n'usera aussi de diligence. Il vous dira de mon estat... Je voudroye être morte, car je voy que tout va mal... Dépêchez-vous de me faire réponse, afin que je ne faille, ne me voulant fier en vostre beau-frère, car il en a babillé, et y est du tout contraire. Dieu vous donne la bonne nuict. Voilà encore ce porteur de la première lettre de Glasgow, pour lequel il n'y a rien de secret : il vous dira de mon estat. Il fera le chemin de Stirling à Édimbourg, reviendra d'Édimbourg à Stirling avec les instructions de Bothwell, tant désirées de la reine, afin qu'elle ne faille. Ces instances de Marie n'ont pas de sens ; ou bien elles signifient qu'elle craint de risquer quelque fausse démarche, si elle agit par elle-même ; et qu'en attendant la réponse, elle ne quittera pas Stirling. Elle l'aura quitté néanmoins dès la matinée du 23 ; absolument comme dans le voyage de Glasgow, lorsqu'après avoir dit à Paris, porteur de sa première lettre pour Bothwell, qu'elle rie bougera pas qu'il ne lui ait rapporté la réponse sur ce qu'elle doit faire, elle n'a rien de plus pressé que de s'en aller de Glasgow.

En résumé, l'esprit de la première lettre de Stirling, c'est qu'il faut simuler un enlèvement. Mais quant à l'exécution, toujours comme à Glasgow, les deux acteurs principaux se rejettent le faix réciproquement, Bothwell par la superbe indifférence d'un homme trop aimé ; Marie, par l'excitation nerveuse d'une femme qui veut s'approprier à tout prix l'objet rétif de sa passion.

Mais voici un changement de scène à vue : la seconde lettre (L. VIe), écrite, comme nous l'avons prouvé, aussitôt après la première, la même nuit, avant que l'autre ait pu parvenir à destination — comme la seconde de Glasgow —, nous représente la situation inverse : Du lieu et de l'homme[43], je m'en rapporte à vostre frère à vous. Je le suivray et ne fauldray en rien de ma part. Il trouve beaucoup de difficultez : je pense qu'il vous en a adverty, et de ce qu'il désiroit pour bien jouer son personnage. Quant à jouer le mien, je sçay comme je m'y dois gouverner, me souvenant de la façon que les choses ont été délibérées[44].

Le beau-frère n'a guère plus d'initiative que tout à l'heure ; du moins, ce n'est plus le desloyal beau-frère, ni le babillard sur la diligence duquel on ne peut pas compter. Lui qui, une heure auparavant, n'avait pas encore compris qu'on ne pouvait achever ce beau roman que par un enlèvement et un divorcer a fait tout à coup de tels progrès d'intelligence, que la reine le suivra en confiance comme son guide. D'où vient ce changement ? Rien ne l'explique. Mais changement bien plus extraordinaire : il n'y a qu'un instant, Marie exhalait des plaintes amères contre la négligence de Bothwell, qui ne lui faisait rien dire, quoiqu'il lui eût promis un message journalier, et qui tacitement s'en était remis à elle de tout décider ; et tout à coup, comme Huntly, elle se trouve posséder parfaitement son rôle, non par quelque illumination soudaine, ou par un message survenu enfin dans l'intervalle, simplement parce qu'elle a bien présents à la mémoire les arrangements qu'ils ont concertés ensemble à l'avance. Laquelle des deux lettres croire ? La contradiction est criante : l'une exclut l'autre.

Marie continue par une théorie justificative de son enlèvement, afin de fournir Bothwell d'arguments auprès des seigneurs. Sans doute il va s'avancer aucunement par dessus le devoir d'un subjet. Cependant ce n'est pas pour la forcer et tenir captive ; c'est pour se rendre asseuré près d'elle, de peur que les remontrances des autres ne viennent à la détourner de ce mariage auquel il espère parvenir un jour par ses services. Bref, c'est pour vous asseurer des seigneurs, et vous mettre en liberté de vous marier, comme y estant contraint pour votre seureté, à ce que puis après, me servant loyaument, vous me puissiez présenter une humble requeste, conjointe toutefois avec importunité. Ni la pensée, ni la traduction tant prisée par Murray, ne brillent en clarté. Du reste, qu'est-il besoin de s'assurer des seigneurs ? Cela n'a-t-il pas été fait deux ou trois jours auparavant, au souper d'Anslie ? A quoi donc a servi ce bond, si ce n'est à s'assurer de la noblesse ? Et, du moment que les seigneurs ont pris les engagements solennels que nous connaissons, pourquoi recourir à l'expédient bizarre d'un rapt sur la personne de la reine ? Cette violence n'est concevable que dans un seul cas, celui où la reine refuse d'épouser le candidat de l'aristocratie. Alors le comte en vient à conjoindre son humble requête avec importunité, pour employer le style de notre auteur.

Le dernier paragraphe de la lettre est ainsi conçu : Excusez-vous donc, et les persuadez — les seigneurs — le plus que pourrez, que vous estes forcé par nécessité de faire ainsi votre poursuite à l'encontre de vos ennemis[45]. Vous aurez de quoy dire assez, si l'argument et le subjet vous plaist ; et donnez beaucoup de belles paroles à Ledington. Que si cela ne vous semble bon, advertissez-m'en, et n'en mettez pas du tout la faute sur moy. — Persuadez les nobles. — Nous sommes désolés de tant redire la même chose : Mais que restait-il à faire pour les persuader, après le dernier bond ? Il y a d'ailleurs un obstacle matériel à ces conférences que Marie Stuart recommande. Bothwell, à Édimbourg, ne pourra recevoir cette lettre que le soir du 23 avril. Or les principaux de ces mêmes seigneurs ont déclaré aux conférences d'York, en 1568[46], qu'après avoir été forcés — à ce qu'ils disaient faussement — de signer le bond dans la nuit du 19 au 20 avril, ils quittèrent en masse la ville dès quatre heures du matin, sans prendre congé. — Congé de qui ? Marie Stuart était à Seton. Marie, ayant quitté Seton et traversé Édimbourg, le lundi 21, ne pouvait pas ignorer leur disparition. Avec qui donc Bothwell aurait-il à soutenir sa thèse ? Avec Lethington ? Mais les faits antérieurs, et mieux encore la lettre de Randolph citée plus haut, nous ont démontré qu'il avait la direction du complot contre la reine, après avoir eu celle du complot contre le roi. Il sera témoin de l'enlèvement qu'il aura préparé avec Bothwell, afin de rendre le mariage inévitable. La phrase qui le nomme a pour but de couvrir officiellement sa responsabilité ; elle est toutefois transparente et lause apercevoir la griffe du faussaire. Concluons sur cette seconde lettre : elle est en plein désaccord à la fois avec la première et avec la situation, telle que le fameux souper l'a faite, et cela sans qu'il soit rien survenu de nouveau entre les deux lettres.

La troisième de Stirling — septième de la série. - Teulet, p. 56 — toujours écrite la même nuit, quand l'encre des deux autres n'est pas sèche, nous rejette dans les tourments du comte d'Huntly. La première phrase est fort importante, non pas pour cela, mais pour la chronologie : Mylord, depuis ma lettre esche, vostre beau-frère, qui fust, est venu à moy fort triste, et m'a demandé mon conseil de ce qu'il ferait après-demain, c'est-à-dire le jour de l'enlèvement, le 24 avril. De ces mots, combinés avec le souhait de bonne nuit qui termine la première lettre, nous avons déjà déduit la conséquence qu'elles sont toutes trois de la nuit du 22 au 23 avril. On remarque les mots vostre beau-frère, qui fust. Cela signifierait que regardant le mariage de Bothwell avec lady Jane Gordon comme rompu virtuellement, elle ne connaît plus de lien de parenté entre Bothwell et Huntly. Les soucis de ce dernier viennent de ce qu'il y a beaucoup de gens à Stirling — la lettre parle plus bas de plus de trois cents chevaux d'Huntly et de Livingston présents la veille —, entre autres le comte de Sutherland, qui aimeraient mieux mourir que de souffrir qu'elle fut emmenée, eux la conduisant[47]. 2° de ce qu'il craint de paraître ingrat et traître envers sa souveraine. Marie lui a conseillé d'en écrire à Bothwell ; et à celui-ci elle dit : Pour l'amour de Dieu, soyez plustost accompagné de trop que de trop peu ; car c'est le principal de mon soucy. — Je m'en vay achever ma dépesche, et prie Dieu que nous nous puissions entrevoir bientost en joye. Je vous escry en diligence, afin que soyez adverty à temps.

La correspondance finit sur ces mots, sans que Bothwell et Marie soient convenus de rien, ni des dispositions à prendre, ni du lieu, ni du temps ; elle, pressante, mais contradictoire et vague ; lui, glacé, immobile, variable et muet dans son éloignement ; Huntly, bourrelé de frayeurs et de perplexités. Quels singuliers machinateurs de l'entreprise la plus effrontée et la plus scandaleuse ! Personnages postiches, ils se démènent dans le vide ; et parlant comme ils agissent, leur jargon n'est que logomachie. Combien un vrai complot, dont l'historien aurait la bonne fortune de fouiller les replis et la pensée jusque dans ses documents les plus intimes, serait-il autrement noué et décidé ; combien autrement vivantes les allures des acteurs ; logique et significatif, leur style épistolaire sous les réticences obligées. La vie de l'infortunée reine nous en fournirait plus d'un exemple, mais chez les nobles d'Écosse et les ministres anglais, lorsqu'il est question de l'arrêter dans la mer du Nord en 1561, d'empêcher son mariage avec Darnley, d'assassiner Riccio ; lorsqu'au 20 avril 1567, Kirkcaldy de Grange écrit à Bedford la première de ces lettres qui étincèlent comme le poignard, et lorsqu'ils multiplient leurs correspondances d'Écosse et d'Angleterre, à mesure que leur conjuration approche de son but, le renversement de Marie Stuart. C'est là, qu'en prenant la réalité sur le fait, on peut mesurer la différence entre des conspirateurs de chair et d'os comme ceux-ci, et les fantômes imbéciles par qui l'on fait balbutier la langue du crime à Stirling et à Glasgow.

On dit quelquefois, pour appuyer l'authenticité des lettres de Marie Stuart, que la simplicité et les particularités de certains détails sont des choses qui ne s'inventent pas ; et que si on avait fabriqué cette correspondance, on l'aurait faite plus précise et plus accablante encore. Sur le premier point, il n'avait pas été difficile d'introduire dans les lettres de Glasgow, notamment la première, la seule où il y en ait, certains incidents dont les uns, comme l'entrevue de Marie avec Crawford à l'entrée de la ville, avaient eu lieu en public ; les autres, comme les conversations entre le roi et la reine, avaient dû transpirer dans leur entourage. Tout en les dénaturant, on put leur donner un semblant de vérité. Les lettres de Stirling ne contiennent rien de pareil. On n'y sort pas du vague, parce que les faussaires n'eurent aucun trait riel, aucun fait solide à y insérer, et qu'ils durent se contenter de battre les buissons. Quant au second point, il n'est pas aussi facile que l'on penserait d'imposer une ordonnance régulière à un tel amas d'impostures. Comment la fraude, surtout quand elle est si vaste, ne serait-elle pas grossière en plus d'un endroit ? Comment le mensonge ne se laisserait-il pas surprendre à ses contradictions, ses impossibilités et ses lacunes ? Et puis, tous ces faux documents ne furent pas forgés simultanément, comme le bronze colossal coulé d'un seul jet. Ils se succédèrent au fur et à mesure des besoins. Vers la fin de 1567, on inventa les lettres, auxquelles on adjoignit ultérieurement les promesses de mariage et les sonnets[48] ; l'on remania les dépositions de Hay, de Powrie, de Dalgleish et d'Hepburn. Dans l'été de 1568, on créa le journal de Murray, les dépositions de Thomas Crawford et de Nelson ; au mois d'août 1569, celles de Paris. Quoi d'étonnant que des écrits rédigés précipitamment, souvent avec étourderie[49], au milieu du tumulte des affaires, sous l'empire et les exigences du mensonge du moment, se coupent comme de faux témoins[50] ? Buchanan et ses patrons se génèrent d'autant moins, qu'ils n'écrivaient pas pour le public C'étaient des papiers destinés à rester secrets, à être secrètement communiqués aux compères d'Angleterre, pour servir de prétextes contre la reine détrônée et prisonnière ; ces papiers, dont elle ne put obtenir ni communication, ni copie. On publia seulement dans la Detectio, en 1571, la promesse de mariage de Seton, les lettres, les sonnets, avec une analyse tronquée et infidèle dés dépositions de Hay, Powrie, Dalgleish, Hepburn. Si la discussion en fut tolérée ou interdite, c'est ce que nous apprennent suffisamment les rigoureuses recherches qu'on dirigea contre les écrivains assez hardis pour défendre Marie Stuart. Aujourd'hui, les pièces sont connues non pas du fait de leurs auteurs, niais parce que depuis deux siècles des chercheurs érudits les ont tirées une à une de la poudre des archives. C'est par force qu'elles étalent maintenant au grand jour leurs incohérences, leurs invraisemblances choquantes, leur vaine prétention de s'enchaîner ensemble et de s'étayer les unes aux autres.

Pour donner plus de consistance aux lettres de Glasgow, les faussaires leur apportèrent le support des dépositions de Paris et du journal de Murray. Notre discussion a établi que, bien loin de les affermir, ces auxiliaires achèvent de les ruiner, en accroissant le nombre des impossibilités et des mensonges. Le même artifice ne réussira pas mieux quant aux lettres de Stirling ; et le coup que la déposition du malheureux Paris devait porter à Marie Stuart retombera de tout son poids sur les accusateurs.

Donc, le second interrogatoire de l'ancien valet de Bothwell (10 août 1569), porte que la nuit avant l'enlèvement (23-24 avril), le laird d'Ormiston vint parler à la reine bien secrètement à Linlithgow ; que là-dessus elle écrivit une lettre par Paris, et comme il ne savait pas le chemin, elle chargea le laird d'Ormiston de le conduire chez Monsieur de Halton, là où ledict sieur de Boduel estoit en bonne compagnie, et mesmes les capitaines couchés auprès de luy et d'aultres. Et trouvant ledict sieur de Boduel endormy, l'esveille et luy dict : Monsieur, voilà des lettres que la Royne vous envoye. — Hé bien, Paris, ce dict-il, couche-toy là un peu ; cependant je m'en voys escrire. Et après avoir escrit, il dit audict Paris : Recommandez-moy humblement à Sa Majesté, et luy dictes que j'iray aujourd'huy la trouver sur le chemin au pont[51]. Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer dans ces paroles une sorte de jovialité résolue, fort peu en harmonie avec l'idée que les lettres de Stirling donnent des dispositions du comte. Cette nouvelle lettre de Marie Stuart, évidemment distincte des trois précédentes, puisqu'elle est de la nuit du 23 au 24 avril, à Linlithgow, fixe donc le rendez-vous au pont. Encore ne serait-il pas superflu de spécifier quel pont[52]. Mais enfin, c'est un renseignement d'une certaine précision, quand il n'y en a pas un seul dans les trois lettres. Et voyez la singulière inspiration de Bothwell. Il a déposé dans la cassette de vermeil ces trois lettres à côté des lettres de Glasgow, arsenal terrible qu'il se réservait, nous dit-on, contre les inconstances possibles de la reine[53] ; et en voilà une quatrième, la seule qui articule un fait positif, celui du rendez-vous du lendemain, par conséquent plus compromettante pour Marie, et d'autant plus utile pour le prévoyant Bothwell. Précisément, il néglige de la conserver ; elle ne nous parvient que par le récit de Paris.

Mais laissons cela. Quand Ormiston, ainsi mis en scène en 1569 dans cette déposition, eut à son tour à répondre en 1573 de sa complicité dans la mort de Darnley, on ne l'interrogea pas sur son entrevue supposée avec Marie Stuart à Linlithgow. Cependant quel énorme avantage pour les ennemis de Marie Stuart, d'établir juridiquement qu'elle était de connivence avec son ravisseur ! Mais il parait que le ministre John Brand qui assista Ormiston sur l'échafaud, n'était pas du bois d'un Buchanan, et qu'il n'y avait pas à interpoler les aveux qu'il recevait[54]. Des questions sur ce point, on n'en posa donc pas au coupable de son vivant ; mort, on ne put pas le faire parler, comme ce malheureux Paris.

La peinture que ce dernier trace du logis de Bothwell, encombré de capitaines et autres, avec lesquels le comte est couché pêle-mêle, nous met sous les yeux une scène d'expédition en campagne. Et c'est bien comme cela que l'entend le journal de Murray : 23 avril, la reine arriva à Linlithgow, et Bothwell tout près, à Halton. Eh bien Bothwell cette nuit-là, n'était pas en campagne ; il était à Édimbourg, comme cela résultera de la détermination du véritable pont, près duquel il s'empara de la personne de Marie Stuart, non pas à côté de Linlithgow, mais aux portes mêmes d'Édimbourg[55]. Ainsi, nous l'affirmons par anticipation, ainsi l'interrogatoire de Paris qu'on nous apporte en cérémonie, comme un criterium contre Marie Stuart, n'est là qu'une œuvre de mensonge ; et il entraîne avec lui dans le mépris qu'il-mérite, les trois lettres de Stirling, aussi bien que les quatre lettres de Glasgow.

La correspondance de Drury est utile aussi à consulter. Le prévôt de Berwick écrit à Cecil : Lundi dernier, la reine prit le chemin de Stirling afin de visiter le prince. Quelques-uns disent qu'elle serait bien aise de le reprendre sous sa garde. Aujourd'hui, elle compte retourner à Édimbourg ou bien à Dunbar. Le comte de Bothwell a rassemblé ses amis en grand nombre, très-bien pourvus, quelques-uns disent en vue d'une expédition dans le Liddisdale. Mais on craint quelqu'autre projet bien différent de celui-là, et sur lequel je crois que je serai bientôt en mesure de vous donner des avis plus certains. Il a muni le château de Dunbar de tous les approvisionnements nécessaires en vivres et en armes[56]. Le cabinet anglais sut donc d'avance le projet de Bothwell d'enlever Marie et de la conduire à Dunbar, comme il avait connu avant l'exécution, le projet de Murray d'enlever sa sœur en 1565, et le complot qui embrassa dans ses replis la vie de Riccio, le trône et la vie de Marie en 1566. De qui venaient ces dernières confidences ? Pas de Bothwell qui n'était pas l'ami de Cecil, mais de ses complices, de Maitland de Lethington, l'éternel promoteur et le lien de toutes les conspirations avec l'Angleterre. Où retrouver sa main I' dans l'insinuation que Marie voudrait reprendre son fils ; c'est aussi le venin de Kirkcaldy de Grange, son acolyte. Autre observation : il est donc positif que Bothwell s'était mis en mesure de soutenir un siège à Dunbar. De tels préparatifs ne s'improvisent pas en une heure. Si la reine avait concerté avec lui son enlèvement, il est impossible qu'elle ne sût pas en quittant Seton, en quel endroit il devait la rencontrer, ni surtout dans quel refuge, puisqu'on y travaillait, ils iraient abriter leurs amours et préparer leur mariage. Alors ses trois lettres de Stirling, dont le fond est l'incertitude de l'un et de l'autre sur la manière de s'y prendre, sont d'autant plus inadmissibles. Innocente, elle ne peut pas les avoir écrites ; complice de Bothwell, elle devait, d'après ce qui avait été commencé à Dunbar, être fixée sur ce qui restait à faire[57].

Marie Stuart repartit de Stirling le mercredi matin, 23 avril 1567. A peine en route, elle fut prise d'une indisposition subite et violente, et obligée de s'arrêter dans une chaumière : effet de la rage concentrée qui avait bouleversé son âme, dit Buchanan, lorsqu'elle avait reconnu, à la vigilance rigoureuse du comte de Mar, qu'elle devait renoncer à s'emparer de son fils. Un peu remise, elle gagna Linlithgow où elle passa la nuit. C'est là qu'elle aurait donné à Ormiston l'audience en question, et prévenu Bothwell par l'intermédiaire de Paris d'avoir à la rencontrer au pont. Le jeudi 24 avril 1567, elle quitta Linlithgow, sa dernière étape avant Édimbourg. On lui fait recommander à Bothwell, dans sa troisième lettre de Stirling de se munir d'une force considérable, attendu que le 21 — jour de son voyage de Seton à Callander —, elle n'avait pas moins de trois cents cavaliers autour d'elle, tant d'Huntly que de lord Livingston, et qu'on pouvait craindre un combat. Inquiétude superflue : où étaient-ils le 24 ? Marie, tout à l'heure si inquiète de son trop nombreux cortège et des dispositions de Sutherland, etc., n'était pas plus accompagnée au retour qu'à l'aller. Ce jour fatal, elle avait près d'elle douze personnes, parmi lesquelles Huntly, James Melvil et Maitland de Lethington qui la menait au piège. De son côté, Bothwell sortit d'Édimbourg par la porte de l'Ouest, avec un millier d'hommes à cheval, comme pour aller au-devant de sa souveraine jusqu'aux limites du comté. D'après une lettre de Drury à Cecil, le comte avait eu ce jour-là, de très-grand matin, une conférence avec Huntly, et lui avait révélé son projet d'emmener la reine à Dunbar ; mais il n'était pas parvenu à faire entrer son beau-frère dans ses vues[58]. Que dire de ce nouveau coup aux lettres de Stirling, à cette comédie où le comte d'Huntly remplit si bien le personnage de complice poltron ? Miss Strickland soupçonne sans invraisemblance qu'instruit au dernier moment, il avertit indirectement Marie Stuart de quelque embuscade sur son chemin ; car elle marcha si vite, que déjà elle touchait Édimbourg. Encore trois quarts de mille et dix minutes, elle était à Holyrood. Mais au pont de Foulbriggs, hameau suburbain, elle rencontra Bothwell à la tête de ses mille hommes armés en guerre. La petite escorte de Marie fut surmontée et désarmée en un instant ; et, le comte saisissant la bride que tenait la reine, tourna la tête du cheval et le lança sur la route de Dunbar. D'après le mémoire que Marie adressa l'année suivante aux princes chrétiens (Carlisle, juin 1568), et qu'on a retrouvé en italien dans les archives des Médicis, la chose se serait passée encore plus simplement, sans voie de fait. Bothwell aurait dit à la reine qu'un grand danger la menaçait et qu'il allait la conduire en sûreté dans l'un de ses châteaux[59]. Il lui fit franchir sans désemparer la distance de vingt milles entre Édimbourg et Dunbar, où ils arrivèrent la nuit. Ce rapt n'avait pas pu se consommer à l'insu des bourgeois de la capitale. Ils sonnèrent le tocsin, coururent aux armes et se disposèrent à secourir leur reine. Mais le prévôt d'Édimbourg, Simon Preston de Craigmillar, l'un des assassins de Riccio, et maintenant encore du complot des grands, fit fermer les portes, pendant que le château pointait ses canons sur la cité. En même temps on affirmait à la population que tout se faisait du consentement de Son Altesse, et qu'il existait entre elle et le comte de Bothwell plus d'intimité qu'il n'aurait été convenable pour son honneur[60]. Les armes tombèrent des mains de ses défenseurs.

La version accréditée par Buchanan et son école place le théâtre du rapt de Marie Stuart, à Almond-Bridge, localité située sur la petite rivière de l'Avon, à un mille à l'ouest de Linlithgow[61]. Il s'en faut qu'entre Almond-Bridge et Fioulbriggs, la différence soit insignifiante. Si près de Linlithgow et si loin d'Édimbourg, la collusion est plus soutenable. Car il serait difficile de penser que Bothwell se fût aventuré de lui-même et sans instructions de la reine, jusqu'à l'endroit où elle avait passé la nuit. A la rencontrer ainsi à souhait, sa dernière journée à peine commencée, la concordance serait frappante avec la lettre qu'elle lui aurait envoyée la nuit même par Paris et Ormiston, avec le désordre militaire du coucher de Bothwell et de ses officiers, avec la réponse précise qu'il ne manquera pas au rendez-vous du pont.

Si, au contraire, il faut transporter la scène sous les murailles mêmes d'Édimbourg, les choses changent de caractère. Que Marie Stuart soit consentante, elle ralentira sa marche pour donner à celui qu'elle attend le loisir d'arriver. Elle préférera la pleine campagne au voisinage immédiat de sa capitale, soit un reste de pudeur, soit la crainte que les bourgeois ne s'en mêlent mal à propos. Dès qu'elle voyage rapidement et qu'elle atteint la banlieue, les murs de la ville, il y a présomption ou qu'elle n'espérait aucune aventure de ce genre sur le chemin, ou qu'elle en craignait une. Et en effet, il s'en fallut de bien peu, qu'elle ne déjouât par sa vitesse l'entreprise de Bothwell. Almond-Bridge et l'ensemble de circonstances accusatrices qu'on a groupées autour de ce nom seront donc des inexactitudes de plus à noter chez les ennemis de Marie Stuart. Mais pour rejeter ce récit de Buchanan, quelles sont nos autorités ?

Il est temps de le dire : ce sont les nobles eux-mêmes, les actes du parlement tenu par Murray en décembre 1567[62]. Cette assemblée, en prononçant une sentence de forfaiture contre Bothwell, la motiva d'abord par le meurtre du roi Henri, ensuite par une accusation de lèse-majesté, pour avoir traîtreusement arrêté la très-noble personne de notre très-illustre mère[63] Marie, reine d'Écosse, sur sa route de Linlithgow à Édimbourg, près les ponts appelés vulgairement Foulbriggs, en l'attaquant à la tête d'un millier d'hommes à cheval armés en guerre, pendant le mois d'avril dernier. — Lorsqu'elle ne soupçonnait aucun mal de la part de qui que ce fût de ses sujets, du comte Bothwell moins que de tout autre, puisqu'elle l'avait comblé d'autant de marques de libéralité et de bienveillance qu'il est possible à un prince envers un bon sujet ; lui, par force et par violence, saisit traîtreusement sa très-noble personne, porta sur elle des mains violentes, en ne lui permettant pas d'entrer paisiblement dans la ville d'Édimbourg ; bien plus, il se rendit coupable de trahison par le crime de rapt sur sa très-noble personne, en arrêtant notre très-chère mère sur la voie publique, et en la conduisant la même nuit au château de Dunbar dont il était maitre. Il l'y incarcéra et la retint captive douze jours environ[64].

Il nous prend un scrupule d'avoir abusé de la complaisance du lecteur, et de n'avoir pas tranché tout de suite, par cette déclaration si catégorique, le débat sur l'authenticité des lettres de Stirling et sur la connivence de Marie Stuart avec Bothwell.

Le parlement, qui justifie Marie sur ce point particulier avec tant d'énergie, était composé en majorité de ceux qui, six mois auparavant, l'avaient renversée et enfermée à Lochleven. Pour nous borner à la question de lieu, Foulbriggs ou Almond-Bridge, Huntly, Lethington, sir James Melvil, qui avaient fait partie de la suite de la reine, siégeaient dans l'assemblée. L'acte de forfaiture fut proclamé par les hérauts sur toutes les places de la ville, en présence d'une foule de gens qui avaient été témoins oculaires de l'événement et qu'on ne pouvait pas, qu'on ne songeait peut-être pas encore à chercher à tromper sur le fait matériel. Ainsi constatons, d'après les pouvoirs publics eux-mêmes, que le choix du nom d'Almond-Bridge est une calomnie contre Marie Stuart.

Bothwell une fois à Dunbar renvoya ses hommes avec des remercîments et des promesses, et l'invitation de se tenir prêts pour un nouvel appel très-prochain. Le capitaine Blackadder, un des siens, dit à Melvil, afin de le rassurer, que tout s'était fait du consentement de la reine : même tactique qu'au souper d'Anslie, et pas plus digne de foi. Bothwell était au comble de la joie, et Melvil l'entendit se vanter qu'il épouserait la reine, qu'on le voulût ou qu'on ne le voulût pas ; oui, qu'elle-même le voulût, ou ne le voulût pas[65]. — N'est-ce pas là un de ces mots qui font lire dans la situation ? Est-ce le cri de l'homme aimé, ou du brutal ravisseur ?

De la suite de Marie Stuart, Bothwell n'avait emmené que Lethington, Huntly et Melvil. Encore dès le lendemain, il renvoya ce dernier. Il n'avait pas permis qu'une seule des dames de la reine l'accompagnât dans la forteresse qui devenait sa prison. Il plaça près d'elle comme surveillante sa sœur, la veuve de lord Coldingham. Cet attentat inouï paraît avoir produit en Écosse l'effet d'une pierre tombant dans une eau profonde. Au premier élan, comme chez les bourgeois d'Édimbourg, succéda l'immobilité. La redoutable faction qui avait livré la captive à Bothwell, par le bond d'Anslie, n'aurait souffert aucun mouvement ; personne ne s'arma contre le ravisseur. Ne venait-il pas de jouer, quoique à son insu, l'un des actes de la vaste trahison ourdie contre elle et contre lui ? Lethington, présent de sa personne dans les murs de Dunbar, tenait la main à la consommation des événements. Le reste de la faction en épiait les progrès, pendant que Kirkcaldy de Grange, chargé plus spécialement de requérir contre sa souveraine auprès des Anglais, la décriait avec une fureur croissante. Six jours après sa première lettre à Bedford, et deux jours après l'enlèvement, il revint à la charge. Cette reine, écrivait-il au même personnage le 26 avril, n'en finira pas qu'elle n'ait ruiné tous les honnêtes gens de ce royaume. Son intention, en se faisant enlever par Bothwell, a été de presser le mariage qu'elle lui avait promis avant de le décider à assassiner son mari. Bien des gens vengeraient ce meurtre, mais ils craignent votre maîtresse. Pour moi, je suis tellement disposé à me charger de cette vengeance, qu'il me faut, ou la prendre en main, ou quitter le pays.... Elle veut ensuite retirer le prince de la garde du comte de Mar et le livrer à celui qui a tué le père, comme je vous l'écrivais dans ma dernière. Je prie Votre Seigneurie de me faire savoir ce que votre maîtresse compte faire. La France, ajoutait-il pour le stimuler, s'ils s'adressaient à elle, ne manquerait pas de les accueillir ; mais ils préféraient l'appui de l'Angleterre[66]. Le complot contre Marie Stuart s'exécutait donc simultanément sur deux lignes parallèles, à Dunbar et hors de Dunbar.

Les scènes dont ce château fut alors témoin ne sont guère connues que par les ennemis de la prisonnière. Nos oreilles sont pleines du bruit qu'ils en ont fait. N'est-il pas juste de la laisser parler aussi, et d'écouter le récit qu'elle a tracé elle-même de ces funestes moments.

Tout à l'heure, nous traduisions la première partie de ses instructions à l'évêque de Dumblane, lorsqu'au mois de mai suivant, elle l'envoya en France. Elle racontait comment Bothwell l'avait conduite de force à Dunbar. Là, continuait-elle, elle l'accabla de reproches sur son ingratitude, lui faisant toutes les remontrances qu'elle croyait de nature à la délivrer de ses mains. Quant à lui, si sa manière d'agir était violente, ses paroles n'étaient que douceur ; il voulait, disait-il, nous honorer et nous servir, sans jamais nous offenser. Il nous demandait pardon de la hardiesse qu'il avait eue de nous conduire à un de ses châteaux ; c'était malgré lui qu'il en était venu là, contraint à la fois par l'amour, dont l'impétuosité l'avait fait passer par dessus le respect qu'il nous devait comme notre sujet, et par la nécessité de garantir sa propre vie. Alors il se mit à nous. raconter toute sa vie ; quel avait été son malheur de trouver des ennemis chez des hommes qu'il n'avait jamais offensés ; comment leur malice n'avait jamais cessé de s'attaquer à lui dans toutes les occasions, quoique injustement ; quelles calomnies avaient été répandues sur lui au sujet de l'odieux attentat perpétré sur la personne du feu roi notre époux ; qu'il lui était impossible de se sauver des complots de ses ennemis, parce qu'il ne pouvait pas les connaître, chacun faisant profession extérieurement d'être son ami ; qu'il était donc dans cette malheureuse position de ne se trouver en sûreté qu'autant qu'il serait certain de conserver notre faveur sans altération ; qu'il ne croyait pas pouvoir y compter, à moins qu'il ne nous plat de lui faire l'honneur de le prendre pour époux, protestant toujours qu'il ne prétendrait pas à d'antre souveraineté que de nous servir et de nous obéir, comme par le passé, tous les jours de notre vie ; avec tout cela, le langage le plus honnête que l'on puisse employer en pareil cas.

Quand il vit que nous rejetions et ses demandes et ses offres, Il finit par nous montrer ce qu'il avait obtenu de notre noblesse et des principaux de nos États, et les promesses qu'ils lui avaient faites sous leur propre signature. Si nous eûmes sujet d'être étonnée, c'est ce que nous laissons au jugement du roi — de France —, de la reine — Catherine de Médicis —, de notre oncle et de tous nos amis. Nous voyant en sa puissance, séquestrée de la présence de nos serviteurs et des autres à qui nous aurions pu demander conseil ; que dis-je, voyant que ceux sur les conseils et la fidélité desquels nous nous étions toujours reposée, dont la force était le soutien de notre autorité, sans lesquels, il est vrai de dire que nous ne sommes rien — car qu'est-ce qu'un prince sans son peuple ? —, voyant que ceux-là avaient cédé d'avance à son ambition, et qu'ainsi nous lui étions abandonnée seule pour être sa proie ; nous avions beau réfléchir en nous-même, il ne nous était pas possible de trouver une issue. Et il ne nous laissait guère le temps de méditer, nous harcelant sans relâche de son incessante et fâcheuse recherche.

A la fin, quand nous vîmes qu'il n'y avait pas d'espoir de sortir de ses mains, que pas un homme en Écosse ne remuait pour nous délivrer ; car il était clair, d'après le papier qu'ils avaient souscrit et leur silence, qu'il les avait tous gagnés, alors il nous fallut bien modérer notre déplaisir, et commencer de songer à ce qu'il nous proposait. Nous voulûmes bien nous rappeler les services qu'il nous avait rendus auparavant et qu'il offrait de continuer ; l'éloignement de nos peuples pour un étranger qui ne connaîtrait pas nos lois et nos coutumes ; leur disposition à ne pas souffrir longtemps que nous restassions sans époux ; les factions qui tiennent ce royaume divisé ; l'impossibilité de maintenir l'ordre, si notre autorité n'est pas soutenue et rehaussée par l'appui d'un homme qui se charge de faire respecter la justice et de réprimer l'insolence des rebelles, labeur auquel nous ne pouvons pas suffire davantage de notre propre personne, fatiguée et presque brisée que nous sommes par les désordres et les rébellions toujours renaissantes contre nous depuis notre retour en Écosse ; tellement, que nous étions forcée de créer quatre ou cinq lieutenants à la fois dans les diverses parties de notre royaume ; et la plupart d'entre eux, travaillant contre notre autorité, ont, sous couleur du pouvoir qu'ils tenaient de nous, employé leur charge à soulever nos sujets contre nous-même ; considérant que nous serions forcée à la fin, pour la conservation de notre État, de songer au mariage ; que l'humeur de notre peuple ne s'accommoderait pas d'un époux étranger ; que parmi nos sujets, il n'y avait personne qui, pour la réputation de sa maison, le mérite personnel, sagesse, vaillance et autres bonnes qualités, pût être préféré ou même comparé à celui que nous avons pris, nous consentîmes à ratifier le vœu de nos propres États qui, comme je viens de le dire, avaient déjà déclaré ce qu'ils désiraient[67].

Après qu'il nous eut amenée par ce moyen et beaucoup d'autres à incliner vers ses projets, il nous extorqua en partie, et en partie obtint de nous la promesse de le prendre pour époux ; et cependant peu satisfait encore, craignant toujours quelque changement, il ne voulut pas se rendre aux très-justes raisons que nous lui alléguions pour retarder l'accomplissement du mariage, comme il eût été très-raisonnable, afin que nous pussions le communiquer au roi, à la reine, à notre oncle et à nos autres amis. Mais de même que par un coup d'audace en commençant, il avait gagné le premier point, de même il n'eut pas de repos que par persuasion et importunité, accompagnées de violence, il nous eût obligée d'achever l'œuvre, dans le temps et de la manière qu'il jugeait le plus utile à ses desseins. Sur tout cela, nous ne pouvons dissimuler qu'il ne nous a pas traitée comme nous l'aurions souhaité et comme nous l'eussions mérité de sa part. II était plus préoccupé de satisfaire ceux au consentement préalable desquels il attribue le succès de ses plans, quoiqu'il ait trompé à la fois eux et nous, que de regarder à notre propre satisfaction et de peser ce qui nous convenait quant à la religion dans laquelle nous avons été nourrie, et que nous n'entendons pas quitter jamais ni pour lui, ni pour qui que ce soit au monde[68].

Marie Stuart, après cet exposé, dont l'amertume contenue ne sent guère la femme amoureuse, ni la feinte, conclut cependant avec raison que la chose étant faite et ne pouvant pas se défaire, il faut en tirer le meilleur parti possible. Elle prie ses parents de France de ne pas séparer son mari de l'affection qu'ils lui portent. Elle les assure qu'il sera toujours prêt à leur faire l'honneur et le service qu'ils requerront.

Quand elle parle ainsi de violence morale et matérielle exercée sur sa personne, on pourrait douter encore et soupçonner un art consommé de mentir, si le parlement de décembre 1567 n'était là pour déposer en faveur de sa sincérité. Le comte, y est-il dit, employant la force et la violence, la contraignit par la crainte qui peut avoir accès chez la femme même la plus courageuse, à consentir de l'épouser le plus tôt qu'il serait possible[69] ; toutes choses qui furent complotées par ledit comte et les personnes nommées ci-dessus[70], de longue date, et même avant la conspiration susdite et l'abominable parricide — la mort de Darnley —, quoique le même James, comte de Bothwell, fût engagé dans les liens du mariage avec l'honorable dame Jane Gordon, et que bien loin d'avoir divorcé avec elle, il n'eût pas même commencé un procès en divorce[71]. Et auparavant, les lords — Lethington et autres —, répondant par écrit à l'ambassadeur anglais Throckmorton, le 11 juillet 1567, avaient dit : Tout le monde sait[72]... avec quelle honteuse violence la reine, notre souveraine, fut emmenée prisonnière, comment par crainte, par force et — ainsi qu'il est permis de le soupçonner d'après de nombreuses conjectures — par quels autres moyens extraordinaires et encore plus illégaux, elle fut contrainte de partager le lit d'un homme marié, cet homme qui, moins de trois mois auparavant, avait assassiné cruellement son mari dans son lit, comme cela est évident aux yeux du monde, pour le grand déshonneur de Sa Majesté, de nous-mêmes et de toute la nation. Après avoir dénoncé le danger que courait, à son tour, le fils de Darnley, ils demandaient si on n'avait pas tout à craindre d'un ambitieux qui, en si peu de temps, avait tué le père, recherché un prétendu mariage avec la mère, qui avait mis la main sur elle, l'avait environnée d'une garde continuelle de deux cents arquebusiers, jour et nuit, sans compter ses nombreux serviteurs et une foule perverse d'assassins et de pirates, lesquels achetaient l'immunité d'une vie criminelle et la liberté de mal faire, en se mettant sous son patronage. Par là, il avait réduit la noblesse à cette situation misérable, que si l'un de ses membres avait affaire au chef de l'Etat, il lui fallait pour être admis en sa présence, passer entre les rangs des arquebusiers, à la merci, d'un insigne tyran, comme quelqu'un qui va être passé par les piques. Exemple nouveau, et bien ignoré jusqu'ici de cette nation, personne ou presque personne n'était admis à parler à la reine ; car dévoré de soupçons et de la crainte que lui inspirait le témoignage de sa mauvaise conscience, il ne voulait pas souffrir que les sujets de Sa Majesté eussent accès auprès d'elle, comme ils en avaient coutume[73]. Il nous semble que c'est là le tableau bien précis d'une reine captive, — captive et outragée. Notre devoir est de poursuivre jusqu'au bout la vérité, et de la dire, quelle qu'elle soit et quoi qu'il en coûte. Qu'entendaient les nobles quand ils accusaient Bothwell d'avoir contraint sa prisonnière au mariage par des moyens encore plus illégaux que le rapt ? Et le parlement, avec les mots de force et de violence, à propos du consentement de Marie, arraché, dit-il, par la crainte à laquelle peut céder la femme la plus courageuse ? Ont-ils en vue l'infatue exploit de Bothwell que Melvil a rapporté sans détour : la reine ne put pas faire autrement que de l'épouser, après que le ravisseur fut entré dans son lit contre son gré[74]. Se fut-on jamais exprimé de cette manière — et nos auteurs sont des ennemis de Marie Stuart —, si l'enlèvement avait été réputé un jeu et la continuation notoire de leurs amours, nouées de vieille date ? Donc l'enlèvement de vive force, la prison, le viol, voilà au vrai les scènes de Foulbriggs et de Dunbar. Marie fut vaincue par la violence de l'homme infâme à qui une noblesse, plus infâme encore, l'avait livrée en proie[75].

Dès qu'il avait refermé sur sa victime les portes de Dunbar, Bothwell s'était occupé de rompre le mariage qu'il avait contracté avec lady Jane Gordon, quatorze mois auparavant. Il n'avait pas tenu à Marie Stuart que cette union ne fût entourée de toutes les garanties de durée, puisqu'elle avait sollicité instamment le comte de la célébrer devant l'Église catholique, l'Église de lady Gordon. Le refus de l'époux qui ne voulut pas d'autre bénédiction que celle des ministres presbytériens, devint une circonstance favorable à la dissolution du mariage. Lady Gordon ne parait pas avoir marchandé son assentiment. Elle accepta de celui qui était encore son mari, la donation viagère du bourg de Nether-Hales avec ses dépendances[76] ; et le 29 avril, elle introduisit devant la juridiction réformée, une demande en divorce contre son mari, pour raison d'adultère commis par lui avec une suivante sous le toit domestique. Sans blâmer lady Gordon de sa facilité à se prêter au divorce, même à en recevoir le prix, et à convoler bientôt après, nous dirons que son empressement est encore un démenti aux prétendues lettres de Glasgow et de Stirling, où elle est représentée sous les traits d'une rivale d'amour, la race perfide qui dispute la citadelle du cœur de Bothwell avec la même opiniâtreté que Marie l'attaque[77]. La sentence de divorce, à la requête de l'épouse, fut rendue le 3 mai. Quant à Bothwell, dès le 27 avril, il avait saisi la juridiction catholique d'une demande en nullité de mariage, pour parenté à un degré prohibé, dont on n'avait pas obtenu dispense préalable. L'archevêque de Saint-André avait d'autant moins d'objections à faire, que le mariage n'ayant été célébré que devant l'Église réformée, n'existait pas aux yeux de l'Église romaine. La sentence conforme est du 7 mai[78].

Une fois assuré de l'annulation de son mariage et du consentement de la reine, Bothwell rouvrit les portes de Dunbar et conduisit Marie à Édimbourg, le 6 mai[79]. En entrant dans la ville, les hommes de l'escorte jetèrent leurs lances à terre pour montrer que la souveraine était libre, sur quoi elle fit mine de prendre le chemin d'Holyrood ; à l'instant, Bothwell s'empara de la bride de son cheval et la fit monter vers le château, où il la garda prisonnière avec le même soin jaloux qu'à Dunbar.

Ce serait vers ce temps peut-être que se placerait, si toutefois elle mérite quelque créance, la narration de Melvil sur un danger qu'il aurait couru par zèle, en remettant à Marie Stuart une lettre de Thomas Bishop.

Ce Bishop était un Ecossais que Lennox avait emmené jadis en Angleterre. Bishop s'était fait naturaliser Anglais, avait reçu de l'argent d'Henri VIII ; et continuant à en recevoir de Cecil, il avait trahi bassement près d'Élisabeth, Marie et lady Lennox[80]. Quoi qu'il en soit, loyal cette fois au moins, il aurait averti Marie que le cri public accusait Bothwell du meurtre du roi, et qu'à l'épouser, elle perdrait la protection de Dieu et les trois royaumes. Après avoir lu, elle aurait tendu à Lethington cet étrange écrit, et accusé Melvil de l'avoir fabriqué pour perdre le comte de Bothwell. Lethington prit Melvil à part : A quoi pensez-vous, lui dit-il, au premier mot que Bothwell en apprendra, et je crains que cela n'arrive, il ne manquera pas de vous tuer. — Il est cruel, répondit Melvil, de voir une bonne princesse courir à sa perte, sans qu'il y ait personne pour l'avertir. — Vous avez été plus honnête que sage, répliqua le secrétaire ; mais, je vous prie, retirez : vous promptement, avant que le comte de Bothwell ne revienne de son diner. En effet, la reine s'empresse de tout redire à Bothwell, après avoir exigé de lui la promesse de ne pas faire de mal à Melvil. Le comte ne veut entendre à rien, mais, continue le narrateur, je m'étais sauvé, et l'on me chercha, et l'on ne me trouva pas, jusqu'à ce que la fureur de milord se fut apaisée. Il faut y regarder à deux fois avant d'en croire Melvil, lorsqu'il parle défavorablement de Marie Stuart. Honoré de l'amitié et des bienfaits de cette princesse, il la paya par l'ingratitude et la trahison, non pas seulement lors de la crise dont nous approchons, et où quelques-uns pourraient dire que le dégoût l'éloigna d'une femme criminelle, mais dès l'origine, dès l'an 1559, lorsque Marie n'était encore que dauphine de France[81]. Plus tard, en composant à un âge très-avancé, ses mémoires, remplis d'inexactitudes, il les arrangea en vue de sa propre justification, et ne craignit pas d'y insérer plus d'une fois le contraire de la vérité[82]. S'il était si dévoué à l'honneur et à la conservation de sa souveraine, qu'avait-il besoin d'une lettre de Thomas Bishop ? Ne pouvait-il pas plus facilement et avec moins de risques encore, lui parler directement et lui révéler de vive voix ce que l'on disait de Bothwell ? D'ailleurs, comment accorder ce qu'il rapporte de la confiance étourdie et aveugle de Marie pour Bothwell, avec ce qu'il dit lui-même du refus qu'elle opposa au comte à Dunbar, et de la manière dont celui-ci surmonta sa résistance. Melvil enchaîne les faits de la manière suivante : le dévouement d'Herries, son propre dévouement et la lettre de Bishop, le voyage de Marie à Stirling, l'enlèvement, le retour de Bothwell et de la reine de Dunbar à Édimbourg, la convocation dans cette ville d'un certain nombre de nobles, auxquels on fait approuver par écrit le mariage ; tout cela, chronologie de fantaisie. Nous avons déjà établi au commencement de ce chapitre, qu'on ne peut placer ni l'avertissement d'Herries à la souveraine, ni sa fuite prétendue, à l'époque indiquée par Melvil. Même difficulté pour la lettre de Bishop. Comme Marie Stuart retourna dès le 19 à Seton, aussitôt la session close, il faut que la lettre soit arrivée au moins le matin du 19, et par conséquent, que Bishop et Melvil aient eu dans le court espace de quelques jours[83], l'un, le temps d'apprendre le projet de mariage, d'écrire et de faire parvenir sa missive ; l'autre, celui de la communiquer. D'autre part il est inexact que Bothwell exerçât dès lors, dans le palais, l'espèce de terrorisme que ce récit lui prête. Il n'était pas encore à ce point le maitre de Marie, comme après l'enlèvement. Cette histoire si vive et si tranchée sous la plume de sir James, est donc aussi obscure que contestable. Eût-elle quelque fondement, et on ne peut pas déterminer ce que l'imagination du narrateur y aurait introduit, ce ne pourrait être qu'après que Bothwell eut ramené la reine en vainqueur de Dunbar à Édimbourg, immédiatement avant la célébration de leur mariage.

Un autre lapsus de Melvil, c'est de placer en dernier la réunion des nobles à Édimbourg pour leur faire approuver par écrit le mariage imminent. Miss Strickland hésite si cela ne se rapporterait pas à un bond distinct de celui d'Anslie, et postérieur, quoiqu'il n'ait été mentionné nulle part. Nous croyons plus naturel d'y voir simplement la scène du souper, transposée et défigurée comme tant d'autres, par l'auteur si peu sûr des mémoires.

L'annulation définitive du mariage entre Bothwell et lady Gordon, ayant été prononcée le 7 mai, le comte requit l'Église réformée de publier les bans de son nouveau mariage à la cathédrale de Saint-Gilles. Sur le refus du lecteur, John Calmis, il envoya Thomas Hepburn, porter injonction au ministre John Craig, de faire lui-même les publications[84]. Celui-ci ayant demandé s'il avait un ordre écrit de la reine, et le Messager répondant que non, il déclara qu'il ne ferait rien sans cela, d'autant plus que le bruit public accusait le comte d'avoir enlevé la reine et de la tenir prisonnière. Il résulte de cette circonstance que jusqu'au 7 mai inclusivement, la reine n'était pas encore entièrement vaincue. Mais le 9, arriva le clerc de Justice, sir John Bellenden, porteur d'un écrit signé de Marie, où il était dit qu'à la vérité elle avait été enlevée, mais qu'elle n'était pas prisonnière, et qu'il était ordonné au ministre de publier les bans. L'Église réformée d'Édimbourg, après une longue discussion, rendit une décision conforme. Le courageux ministre protesta néanmoins qu'il n'approuvait, ni ne célébrerait ce mariage et qu'il se bornerait à faire connaître aux fidèles la volonté de la reine. Il demanda même à être admis devant le Conseil privé, et là en présence de Bothwell et contre lui[85], il déduisit ses motifs d'opposition : la loi sur l'adultère, la règle de l'Église, la loi sur le rapt, le soupçon de collusion entre lui et sa femme, la précipitation du divorce, les publications dans les quatre jours — après le divorce — ; enfin le soupçon sur le meurtre du roi, que ce mariage confirmerait.

Le dimanche suivant (11 mai), John Craig obéit à l'ordre de faire les publications ; mais en pleine église, la congrégation assemblée, il déclara ce qu'il avait fait. Je prends le ciel et la terre à témoins, ajouta-t-il, que j'abhorre et déteste ce mariage, parce qu'il est odieux et scandaleux aux yeux du monde. Puisque la meilleure partie du royaume l'approuve, soit par les flatteries, soit par le silence, j'exhorte les fidèles à prier ardemment pour que Dieu tourne au bien du royaume ce projet, contraire également à la raison et à la conscience. Suspendons un moment la narration, car nous sommes à l'un de ces endroits où l'on voit- le mieux par un exemple clair et saisissable, avec quel parti pris d'impitoyable injustice, quel mépris de l'intégrité des textes et de leur sens, on a procédé, contre Marie Stuart. Tytler, au lieu de remonter franchement aux sources et au récit même de John Craig, en a donné une fausse analyse que M. Mignet a suivie. Voici comment les deux historiens font parler le ministre : Je prends le ciel et la terre à témoin que j'abhorre, que je déteste ce mariage comme odieux et horrible aux yeux du monde, et j'exhorte les fidèles à adresser leurs prières ferventes à Dieu, afin qu'une union contraire à toute raison et à toute conscience soit empêchée, à la satisfaction de ce malheureux royaume[86]. Donc, John Craig exprimerait : 1° le vœu que le mariage fût empêché ; 2° l'idée que le malheureux royaume — malheureux, ajouté pour le plaisir de l'oreille — serait satisfait qu'on empêchât une telle union : deux choses dont chacun peut s'assurer ci-contre, qu'il n'y a pas un mot dans les paroles que prononça le ministre. A la fois l'on y intercale des idées qu'il ne renfermait pas, et l'on pratique des éliminations sur celles qu'il renfermait. On l'a expurgé de la phrase si nette et si positive, que la meilleure partie du royaume approuve le mariage : l'on en tire ainsi juste l'opposé de ce qu'il contient. Conçoit-on que la prévention ait pu égarer jusque-là l'honnêteté de Tytler ? Oui, certes, Marie Stuart est une des grandes victimes de l'histoire. Comme d'autres sont mis hors la loi dans les luttes de partis, voilà dix générations qu'on l'a mise hors la vérité.

On respire à rencontrer dans cette honteuse histoire un homme de probité. N'est-il pas curieux d'apprendre de lui précisément que la majorité de l'Écosse penchait pour le mariage de Marie Stuart avec Bothwell ? Et le digne ministre ne le dira pas une fois ; il le redira la veille du mariage : Le mercredi (14 mai) je répétai d'abord et je confirmai toutes mes paroles antérieures ; ensuite j'exhortai les frères à ne pas s'en prendre à moi si ce mariage s'accomplissait, mais à eux-mêmes, puisque la crainte les empêchait de s'y opposer, et qu'ils aiguisaient plutôt leurs langues contre moi, alors que je les avertissais de leur devoir et que je venais réveiller de leur assoupissement les consciences gangrenées des hypocrites. Je protestai enfin devant eux que ce n'étaient pas les publications faites par moi, c'était leur silence qui légitimait en quelque sorte ce mariage[87]. Est-ce après un tableau si frappant de l'état de l'opinion publique, les uns approuvant tout haut — par flatterie, peu importe —, les autres se taisant, que l'on est autorisé à dire : L'aveugle Marie ne fut point éclairée par l'effrayante lumière de la réprobation universelle ?[88] Cela sans doute vient bien à la suite du texte altéré dans Tytler, lorsqu'on fait demander par le ministre que cette union soit empêchée, à la satisfaction de ce malheureux royaume. Mais dans la vérité des événements et des témoignages, où est-elle cette effrayante lumière de la réprobation universelle ? Nulle part. Le témoin lui-même, le seul qui ose parler librement, nous atteste qu'elle se cache. Nous ne voulons pourtant pas forcer les faits à. notre tour, et soutenir qu'au fond l'Écosse voyait avec plaisir Marie donner sa main à Bothwell. Nous pensons plutôt que le sentiment public p répugnait. Toutefois l'absence de tout signe d'opposition de la part de ceux-ci, les manifestations favorables de ceux-là, ont une signification : c'est qu'on savait que tout était l'œuvre de l'aristocratie. Les nobles et leurs clients y poussaient ; le reste immobile laissait faire, comme peu de jours auparavant, on avait laissé consommer les violences de Dunbar. S'il en eût été autrement, que d'anathèmes l'éloquence presbytérienne n'aurait-elle pas lancés sur Marie Stuart, après avoir fait éclater ses fureurs contre elle pour les causes les plus frivoles, et s'être enflammée si docilement chaque fois que les grands lui en avaient donné le signal ? Marie n'en était pas ici à braver tout pour contenter la passion de son cœur et élever jusqu'à elle son favori[89]. Elle en était à subir la loi du tyran qui l'avait forcée et outragée. Le bond d'Anslie l'écrasait, comme il étouffait l'Écosse. Que pouvait l'infortunée contre le cercle de fer qui l'enserrait de plus en plus ?

Le lendemain, lundi 12 mai — car il ne perdait pas de temps, ce Bothwell inerte des lettres de Stirling —, le comte entouré de ses amis conduisit sa triste fiancée au Tolbooth devant la Cour de session, cour suprême du royaume, grossie ce jour-là d'un grand nombre de membres de la noblesse et du clergé. Le but de cette démarche était : 1° de rétablir le cours de la justice que les lords avaient suspendue pendant la captivité de la souveraine ; 2° de publier un plein pardon accordé à Bothwell, en raison de sa bonne conduite depuis l'enlèvement, des services que la reconnaissance l'avait porté à rendre dans le passé, et que l'avenir verrait plus grands encore. La reine se déclarait satisfaite de lui. Elle mettait de même en oubli toute colère contre les complices qui avaient contribué à son arrestation et à son emprisonnement. Maintenant, ajoutait-elle, libre et maîtresse de sa personne, elle se proposait d'élever le comte à des dignités plus hautes, toujours pour prix de ses services[90]. Ce langage est trop chaleureux, nous en convenons. Mais avant de nous joindre à M. Mignet pour en demander compte à Marie, nous devons songer que liée désormais à son mauvais sort, elle ne pariait plus par elle-même. Il est permis aussi de douter que ce libellé soit bien authentique. Anderson a omis, mais Goodall nous a conservé une note marginale dans le registre de la Cour de session de la même main que le corps du registre, et placée à la hauteur des compliments dont le comte est gratifié : Memorandum. Cet acte fut inséré dans les livres, après que le lord régent et tous les lords présents dans la ville, le 18 octobre[91], en eurent pris connaissance ; ensuite, je le transcrivis. Ainsi le greffier lui-même nous met sur nos gardes, et probablement, avec intention. La seule preuve incontestable d'authenticité, la transcription immédiate en mai, nous fait défaut. Or, nous avons vu plus d'une fois, et nous verrons les lords se jouer dans ce genre de fraude ; on ne manquera pas plus à la vraisemblance qu'à la justice, en les soupçonnant d'avoir ici altéré et forcé les termes dont Marie Stuart se serait servie en l'honneur de Bothwell[92].

Au sortir du Tolbooth, Bothwell ramena la reine au palais d'Holyrood, où il l'avait réinstallée la veille[93]. Le soir, elle le créa solennellement duc des Orcades et seigneur des Shetland.

Voici de quelle manière le parlement de décembre 1567, dans l'acte où nous avons puisé déjà, apprécie ces dernières journées : persistant et persévérant dans ses crimes, ses projets abominables et ses trahisons, le comte de Bothwell garda et retint la très-noble personne de notre dite très-chère mère[94], dans une étroite prison et captivité, par force et à main armée, avec l'aide de ses amis et de ses clients, jusqu'au 6 du mois de mai passé ; lequel jour, accompagné d'une troupe armée considérable, il la conduisit au château d'Édimbourg qui était en son pouvoir ; il l'emprisonna et la contraignit d'y demeurer jusqu'au onze dudit mois ; ce jour, accompagné de sa nombreuse troupe armée, et afin de donner une meilleure couleur à ses crimes, à ses projets abominables et à ses trahisons, il la conduisit au palais d'Holyrood ; et dans les quatre jours, la contraignit de l'épouser[95]. Le 14 mai, fut dressé le contrat de mariage[96]. Il est aisé de se moquer de ce que Bothwell y est appelé noble et puissant prince ; de ce que Marie Stuart dit qu'elle veut sortir de son solitaire veuvage et augmenter sa descendance. Qu'importe ? Cela n'est-il pas du style de chancellerie ? Et l'histoire du XVIe siècle, celle d'Angleterre par exemple, n'abonde-t-elle pas en expressions de même espèce ? Fixons plutôt notre attention sur ce qu'on y lit la déclaration réitérée, que la plus grande partie de la noblesse a prié la reine de se remarier, de préférer un de ses sujets à un étranger, et qu'elle lui a désigné formellement le noble prince, maintenant duc des Orcades. Laissons les malices de bagatelles ; nous perdrions de vue la filiation véritable des événements.

Cependant le pardon accordé à Bothwell et à ceux qui avaient joué un rôle dans l'enlèvement, ne rassurait pas les signataires du bond d'Anslie, tant il est vrai que c'était ce bond qui avait engendré l'enlèvement. Ils sollicitèrent, mais ils n'obtinrent que le 14 mai, un pardon en forme. Marie promettait sur sa parole de princesse, que ni elle, ni ses successeurs, n'imputeraient jamais à crime, ni à offense à aucun des signataires la signature qu'ils avaient donnée ; que jamais ni eux, ni leurs héritiers ne seraient appelés à en rendre compte ; que leur participation ne serait pas regardée comme une tache à leur honneur, ni comme un manquement à leurs devoirs de sujets[97]. Auraient-ils pris cette précaution, si la reine avait gratifié Bothwell de son fameux warrant lors du souper d'Anslie ?

Le lendemain 15 mai, à quatre heures du matin, Adam Bothwell, évêque protestant des Orcades[98], assisté de John Craig, célébra le funeste mariage dans une des salles d'Holyrood. Cet événement si facile à constater, a été dénaturé néanmoins parce qu'on n'a rien laissé d'intact dans l'histoire de Marie Stuart. Le Journal de Murray dit en propres termes : 15 mai. Ils furent mariés publiquement par-devant les deux églises réformée et non réformée. M. Mignet adopte cette version[99], contre tous les témoignages : Melvil, un des assistants remarque que la cérémonie fut faite selon le rite protestant par l'évêque des Orcades dans la salle ordinaire des séances du Conseil privé, et non pas avec la messe, ni dans la chapelle du palais, comme cela s'était passé pour le feu roi. Une dépêche de du Croc[100], deux chroniques di la fin du avis siècle, le Diurnal of Occurrents et le Birrel's Diary, l'historien Spotiswood confirment le dire de Melvil. Une lettre de Drury à Cecil, Berwick 16 mai 1567, à laquelle M. Mignet, trompé sans doute par d'inexacts renseignements, renvoie le lecteur, contredit absolument le Journal de Murray : Plaise à Votre Honneur, écrit le prévôt de Berwick, apprendre qu'hier, c'est-à-dire le 15 courant, à quatre heures du matin, la reine fut mariée au duc des Orcades, en présence de fort peu de monde[101]. Cela se passa dans la salle d'audience, avec le prêche et non avec la messe, quoiqu'on eût dit la veille qu'il y en aurait une et que l'on s'attendit à un discours de l'évêque de Ross[102]. Pourquoi le comte de Murray fit-il du cérémonial de cette union, l'objet d'un de ses innombrables mensonges ? C'est que ses complices lui en fournirent la matière, lorsqu'un mois après le mariage, se liant entre eux par un bond, la même nuit qu'ils envoyèrent Marie Stuart à Lochleven[103], ils alléguèrent entre autres méfaits de Bothwell, qu'il s'était marié par-devant les deux églises, afin de mieux montrer qu'il n'était ni de l'une, ni de l'autre religion[104] : invention fausse et ridicule, quant au motif ; car Bothwell fut de tout temps à sa manière un protestant zélé, et nous verrons dans le chapitre suivant, qu'il comptait là-dessus, comme un moyen de popularité. Invention radicalement fausse quant au fond : car les autorités les plus diverses, présentes sur le lieu, s'accordent à rapporter qu'il n'y eut que le mariage protestant. Ce sont eux bien plutôt, les ennemis de Marie Stuart, qui, à force de mensonges entassés, nous donnent la démonstration claire et certaine, qu'à leurs yeux la religion n'était qu'un mot.

 

 

 



[1] L'évêque de Ross parle de ce bond dans sa défense de l'honneur de la reine Marie, en termes qui donneraient lieu de croire qu'il ne le signa pas. Voyez Anderson, II, p. 42.

[2] Il y a une autre copie du bond, faite pour Cecil par John Read, secrétaire de Buchanan. Un papier y annexé, de la main de Cecil, porte que les signataires, autant que Read s'en souvenait, furent : les comtes de Murray, Argyle, Huntly, Cassilis, Morton, Sutherland, Rothes, Glencairn, Caithness ; les lords Boyd, Seton, Sinclair, Sempill, Oliphant, Rosse-Hacat, Carielle, Herries, Hume, Innermeith. Eglinton ne signa pas et s'évada. — Read, digne acolyte de Buchanan, ne s'est pas donné la peine de vérifier les noms, puisqu'il inscrit faussement, en tête da la liste, Murray, qui, depuis le 9 avril, était parti pour la France. Cette erreur est caractéristique ; si elle est sortie de la plume d'un étourdi, c'est que l'étourdi savait parfaitement que le moteur de toute cette machine était le comte de Murray. — Chose curieuse, Cecil n'y prend pas garde. — La copie de Read est datée du 19 avril. Comme c'est la date adoptée par Murray et ses amis, aux conférences d'York, en 1568 (Goodall, Append., p. 140), il est clair que l'acte qu'ils présentèrent était celui de Read, accompagné des signatures inexactes : remarquable effronterie. — Pour le bond et les signatures, voir Keith, p. 380-3. — On peut douter si les évêques mentionnés par Balfour signèrent en effet le bond. Comment le secrétaire de Buchanan aurait-il oublié cette particularité, au point de ne pu se rappeler un seul d'entre eux ?

[3] Mignet, t. I, p. 299.

[4] Goodall, Append., p. 140. Whereby she gave them licence to agree to the same (marriage).

[5] Le rôle attribué au comte d'Huntly par les ennemis de Marie Stuart, dans l'enlèvement de la reine, le 24 avril suivant, nous donnera la clef de l'exception faite ici (Voyez ch. VIII.).

[6] Voyez leur lettre du 11 octobre 1668 à Elisabeth, dans Goodall, Append., p. 139-143. Marie Stuart ne fut pas informée des pièces apportées contre elle par ses ennemis ; encore moins admise à les discuter et à les réfuter.

[7] Goodall, Append., p. 140-1 : — More for fear than otherwayes.

[8] Miss Strickland, t. V, p. 254.

[9] Miss Strickland, t. V, p. 254. Il ajoutait qu'ils y avaient été contraints par le commandement et l'écrit de la reine.

[10] Mignet, t. I, p. 298.

[11] Voyez la liste des membres de ce parlement dans Anderson, t. I, p. 113-116. Le comité des lords des articles était une commission prise dans le sein du parlement, pour préparer les affaires.

[12] Goodall, Append., p. 61.

[13] T. I, p. 299. Le nom de lord Herries se trouve également dans la copie de Read et dans celle de sir James Balfour, Keith, loc. cit. — A la suite du récit du souper, il y a dans M. Mignet une page étrange (p. 300-1) que nous avons déjà eu à combattre incidemment (chap. V) mais qu'il est bon de résumer ici. L'historien représente Marie plus éprise que jamais de Bothwell ; ce maitre violent se défie de sa fidélité et lui lite lady Rares qui avait la réputation d'être sa complaisante. Il la remplace par sa propre sœur, lady Coldingham. La reine est réduite à lui écrire aven toute l'humilité de la passion : J'en prendrai quelqu'une dont j'estime que la façon vous contentera.... — Il est difficile de prendre plus de licence avec les faits et avec les textes. Nous ne parlons pas de cet amour furibond de Marie Stuart, la grande erreur de ses juges : qu'à cette époque, Bothwell eût le crédit de remplacer par sa sœur, lady Coldingham, lady Rares auprès de la reine ; cela peut être simplement l'habileté d'un homme qui prépare les voles à ses projets ultérieurs. Mais cela autorise-t-il M. Mignet à reculer vers le 20 avril, sans aucun motif plausible ni même indiqué, la lettre supposée de Marie Stuart, lettre que les accusateurs de la malheureuse reine ont toujours donnée comme la quatrième écrite par elle de Glasgow, vers le 27 janvier. Les mêmes ont toujours dit que la femme ingrate qu'elle voulait renvoyer pour complaire à Bothwell, était Marguerite Carwood. M. Mignet substitue lady Reres, encore sans motif. Mais dans cette lettre, Marie fait allusion au mariage prochain de Marguerite, mariage qui eut lieu le 9 février, quelques heures avant la mort de Darnley ; elle dit : Et quand elle sera mariée, je vous prie de m'en donner une autre, ou bien j'en prendrai quelqu'une dont j'estime.... (Teulet, p. 47). Ces mots quand elle sera mariée, ne permettraient pas le doute ; car lady Rares était mariée ; elle avait mis au monde un fils, l'année précédente, en même temps que Marie. M. Mignet les fait disparaître d'un trait de plume, et, à l'aide de cette dernière violence aux choses, il approprie la phrase à lady Reres.

Autre observation : nous avons eu l'occasion de dire aux endroits rappelés plus haut, qu'il aurait mieux valu laisser dans l'immonde pamphlet de Buchanan, cette allégation que lady Reres avait la réputation d'être la complaisante de la reine. Encore, ce que l'auteur de la Detectio entend, c'est complaisante de l'intrigue entre la reine et Bothwell ; tandis que, chez l'écrivain français, cela prend un sens général et absolu : complaisante des divers débordements de la reine, et, pour cette raison, suspecte à Bothwell. Ainsi, de cette page regrettable sort une calomnie nouvelle et gratuite, assurément contre l'intention de l'auteur. Mais voilà l'effet des systèmes préconçus.

[14] Voyez le ch. VII. Nous avons cherché inutilement dans M. Mignet une mention quelconque de ce fait. Il est bien dit (t. I, p. 290) que la reine investit Bothwell du commandement du château d'Edimbourg, que possédait le comte de Mar, gouverneur du prince royal, mais sans une seule explication.

[15] Miss Strickland, t. V. p. 295, d'après une lettre de Drury à Cecil.

[16] Mignet, t. I, p. 314. — Miss Strickland, t. V, p. 255. Tytler, t. V, p. 403, édit. 1845. Le laird ne pense pas à parler de la contrainte prétendue exercée quelques heures auparavant sur les nobles invités de Bothwell. Il n'y pensera que dans une autre lettre du 8 mai (Tytler, t. V, p. 407, édit. 1845).

[17] Chalmers, t. III, p. 340, note.

[18] Bedford à Cecil, 17 juillet 1566, dans Keith, p. 344 et Append., p. 169. Voyez, dans miss Strickland, t. V, p. 76, un extrait d'une lettre de Bedford à Élisabeth sur le même sujet.

[19] Bedford à Cecil, 12 août 1566, dans Goodall, t. I, p. 306.

[20] Murray lui avait pourtant rendu le service de le mettre à l'abri des poursuites légales, intentées contre lui devant le parlement d'août 1568, par la famille du cardinal Beaton, attendu que le meurtre du cardinal avait eu pour objet le bien public et la conservation de la foi. Goodall, t. I, p. 394.

[21] Chalmers, t. III, p. 680, d'après Melvil.

[22] Voyez, dans Chalmers, t. III, p. 589, note I, d'après les Annales de Strype, t. II, Append., n° IX.

[23] Allusion à leur complicité dans la mort de Darnley.

[24] Miss Strickland, t. VII, p. 187-8.

[25] Mignet, t. I, p. 302.

[26] Dans l'édition latine de Freebairn, 1715, p. 8 et 28. — Dans l'édition écossaise d'Anderson, t. II, p. 33, 91, 92.

[27] Anderson, t. II, p. 92.

[28] Et puisque Dieu a pris mon feu mary Henry Stuart, dit Darnley, et que par ce moyen je sois libre... — Teulet, p. 106. — Goodall, Append., p. 54.

[29] L'ouvrage de Goodall est de 1754.

[30] Goodall, t. I, p. 125-6.

[31] Keith, p. 388. — Labanoff, t. II, p. 31-44.

[32] Labanoff, t. II, p. 36.

[33] Buchanan, Rer. Scot., L. XVIII.

[34] Miss Strickland, t. V, p. 262, Pap. offt. MS.

[35] Lettre de Marie au comte de Mar, Bolton (en Angleterre) 17 décembre 1568. — Dans Labanoff, t. III, p. 254-6.

[36] Miss Strickland, t. V, p. 263.

[37] Labanoff, t. II, p. 20.

[38] Il y a une lettre n° VIII, mais tellement vague et obscure, qu'elle n'a aucune signification. En Angleterre, le gouvernement l'écarta. — Voyez, pour le texte, Teulet, p. 49-58.

[39] Il faudrait prévision ; car l'écossais porte foirseing. — Voyez Goodall, t. I, p. 91. Le sens n'y gagne pas. Souvenons-nous que ce 'français n'est pas de la plume de Marie Stuart. C'est toujours cette mauvaise traduction de troisième main, que Murray jugea convenable de substituer au français du texte original, qu'il prétendait avoir en sa possession.

[40] Voyez le texte dans Teulet, p. 50. M. Teulet a rectifié quelques-uns des contre-sens, mais pas tous. Nous ne reproduirons pas ici le texte écossais pour ne pas surcharger. Nous nous servons surtout des observations de Goodall, t. I, p. 91, 85, 98.

[41] Nous ne nous expliquons pas pourquoi M. Mignet, citant cet endroit, donne la traduction française tirée des Mémoires de l'Estat de France, avec les contre-sens qui défigurent tout à fait la pensée, et n'en avertit pas le lecteur. Si c'était le texte authentique de Marie Stuart, il faudrait bien l'admettre tel quel ; mais puisque c'est une traduction, œuvre d'un scribe quelconque, pourquoi l'accepter avec tant d'abnégation ?

[42] Comment peut-elle se plaindre qu'il soit déjà trop tard, lorsqu'il n'y a que deux jours que les grands ont recommandé le mariage par le bond d'Anslie ?

[43] Non-sens du traducteur ou de l'imprimeur des Mémoires de l'Estat de France. — Il faut lire : du lieu et de l'heureof the place and the tyme.

[44] Teulet, p. 53-4.

[45] Cela signifie sans doute que Bothwell, ayant besoin de rassembler une troupe en armes, donnera pour prétexte une expédition contre les habitants turbulents du Border.

[46] Goodall, Append., p. 141.

[47] M. Mignet s'est bien écarté du sens (t. I, p. 303) : Lorsque, dit-il, le moment de l'exécution approcha, des difficultés survinrent de je part de ceux qui devaient l'escorter. Le comte de Sutherland déclara qu'il aimerait mieux mourir que de souffrir que la reine fût emmenée pendant qu'elle serait placée sous sa garde. — La lettre ne porte pas du tout que Sutherland ait fait cette déclaration. C'est seulement une objection du comte d'Huntly ; il est persuadé que Sutherland ne souffrirait pas un enlèvement. La différence est grande pour le fond des choses. Car si le comte de Sutherland avait fait cette déclaration, cela prouverait qu'Io. Stirling on délibérait sans ambages sur l'enlèvement ; tandis que la lettre, en la supposant authentique, exprimerait seulement une opinion particulière du comte d'Huntly.

[48] Les actes du Conseil privé et du parlement de décembre 1567 ne mentionnent absolument que les lettres. Comment douter, à voir le luxe des énumérations de pièces accusatrices que les lords dressèrent plus tard dans leurs communications avec l'Angleterre, qu'ils eussent dénoncé dès lors les promesses de mariage et les sonnets, s'ils les avaient possédés en décembre 1667 ?

[49] Par exemple, rien de plus étourdi que les traductions latine et française des lettres, et les lettres elles-mêmes, ne fût-ce que pour leur chronologie.

[50] La prétendue promesse de mariage de Seton en donne un échantillon curieux. On se rappelle que, datée du 5 avril 1567, elle mentionne comme pendantes les phases du procès de divorce entre lord et lady Bothwell, quoique ce procès n'ait commencé que le 27 avril. En forgeant cette pièce, on n'avait pas pensé à la contradiction des dates. Quand il voulut l'imprimer à la suite de la Detectio, Buchanan crut se tirer de difficulté en ajoutant l'observation suivante : Il appert des termes de l'acte lui-même qu'il fut dressé avant le jugement de divorce entre Bothwell et sa première femme ; et même, en réalité, il fut dressé avant tout procès de divorce entamé ou commencé entre lui et sa première femme, quoique certaines expressions qu'il contient semblent marquer le contraire. : L'auteur ajoute que ce qui le prouve, c'est que, tandis que l'acte est daté du 5 avril, le procès fut entamé seulement les 26 et 27 avril (dates inexactes pour 27 et 29 avril ; voir plus bas, même chapitre). — Avec sa triomphante assurance, il s'imagine que de signaler la contradiction suffira pour en détruire le mauvais effet et pour laver de tout reproche l'authenticité de l'acte. Et le fait est que plus d'un écrivain s'en est contenté, sans croire même qu'il fût nécessaire d'exposer l'état de la question au lecteur.

[51] Teulet, p. 104-5.

[52] Nous verrons qu'il y en a deux, et que le vrai n'est pas celui de Buchanan, dont la version est acceptée par M. Mignet.

[53] Voyez Teulet, Avertissement, p. IV-V.

[54] Miss Strickland, t. V, p. 269.

[55] Voyez un peu plus bas le récit de l'enlèvement.

[56] Miss Strickland, t. V, p. 265.

[57] Voyez cet extrait de la lettre de Drury et ces observations de si grande importance, dans miss Strickland, t. V, p. 265-6.

[58] Correspondance du Border, citée par miss Strickland, t. V, p. 271. Voici comment le journal de Murray défigure cette entrevue : 24 avril. Elle envoya le comte d'Huntly à Bothwell le matin. Il — Bothwell — la rencontra sur le chemin, fit semblant de l'enlever, retint Huntly et le secrétaire prisonniers, et les conduisit tous à Dunbar, où il resta jusqu'au 3 mai. — Il y a ici quelque difficulté ; c'est comment Huntly, qui accompagne la reine, a eu cette entrevue avec son beau-frère. Mais il se peut que Bothwell lui ait envoyé un émissaire, et qu'ils se soient rencontrés à mi-chemin d'Edimbourg, pendant la nuit du 23 au 24.

[59] Labanoff, t. VII, p. 317.

[60] Miss Strickland, t. V, p. 276-7, d'après la chronique du temps, Diurnal of Occurrents.

[61] Cette Indication est de Keith, p. 283, note a. — Keith adopte sans examen Almond-Bridge ; Tytler et M. Mignet de même, t. I, p. 304. — Tytler ne place cet endroit qu'à six milles d'Edimbourg.

[62] Acta parliamentorum, t. III, p. 5-10. Ce point à été complètement élucidé par les recherches approfondies de miss Strickland, t. V, p. 271-275. Il est démontré que les ponts de Foulbriggs étaient aux portes mêmes d'Edimbourg.

[63] Cette pièce est en forme de requête présentée au nom du jeune roi, qui est censé parler. — Act. parliam., t. III, p. 6 : Ac etiam pro eorum proditoria interceptione nobilissime persone clarissime marris nostre Marie Scotorum regine in via sua inter Linlithgow et oppidum Edimburgi prope pontes vulgo vocatos Foulbriggis eam adoriendo cum mille equitibus armatis more bellico instructis mense aprilis ultime elapsi.....

[64] Act. parliam., t. III, p. 8. Ces mots : en ne lui permettant pas d'entrer paisiblement dans la ville d'Édimbourg, continuent bien l'idée que le rapt eut lieu aux portes mêmes de la ville.

[65] Voyez Chalmers, t. III, p. 51, note q.

[66] Tytler, t. V, p. 405, édit. 1846.

[67] Lorsque Marie Stuart fait l'éloge de Bothwell, il faut se souvenir qu'elle est sa femme et en son pouvoir.

[68] Keith, p. 390-1. Labanoff, t. VII, p. 38-41. Keith remarque qu'ici, sans doute, Marie Stuart s'excuse d'avoir épousé un protestant, et par-devant l'Eglise protestante.

[69] Eamque vi et violentia compellendo metu qui etiam in constantissimam mulierem cadere permittere matrimonium quam celerrime poterit cum eo contrahere.

[70] Inutile de dire que ce sont les coupables inférieurs.

[71] Acta parliamentorum, t. III, p. 8. Admirons en passant ce nouveau démenti que reçoit l'incroyable contrat de Seton, qui au 5 avril parle de l'imminente solution du procès de divorce, déjà entamé. Voilà Murray et ses partisans déclarant, en décembre 1567, que le procès n'était pas même commencé lors de l'enlèvement. Ils n'ont pas encore pensé à mentir là-dessus, et ne forgeront le contrat que plus tard.

[72] Ils rappellent d'abord l'assassinat du roi et le jugement dérisoire de Bothwell.

[73] Keith, p. 417-8. Ils ajoutent un peu plus bas : Que lui restait-il encore pour finir l'œuvre commencée et pour accomplir dans leur plénitude les désirs de son cœur ambitieux, si ce n'est d'envoyer le fils rejoindre le père ; et, ce qu'il est permis de soupçonner, puisqu'il se réservait une autre femme en magasin — in store —, de faire boire la reine à la marne coupe, afin de s'emparer de la couronne de ce royaume ? — L'éloquence des lords dépasse les bornes du bon sens.

[74] Cité par Chalmers, t. III, p. 441 : And then, the queen could not but marry him, seeing he had ravished her ; and lain with her against her will.

[75] Ces mots de proie, de violence employés par Marie Stuart semblent concorder avec cette version. — Leslie dit que personne n'avertit jamais la reine de la culpabilité de Bothwell dans l'assassinat du roi. Pour elle, n'ayant aucun soupçon, elle se plia au parti que ces chefs astucieux, conspirateurs et séditieux, et à ce qu'il lui parut la nécessité du temps, la forcèrent en quelque sorte de prendre. Anderson, t. I, p. 27-8.

[76] Chalmers, t. III, p. 54, note s.

[77] Lettr. I de Glasgow, Teulet, p. 15.

[78] Voir l'acte authentiqué dans Robertson, Pièces historiques, n° XX.

Le journal de Murray est inexact, selon son habitude, sur les dates, en mettant la requête de lady Gordon au 26 avril, et celle de Bothwell au 27 du même mois. C'est pour concorder avec les dates de la Detectio (Anderson, t. II, p. 96).

[79] Le journal de Murray, Tytler et M. Mignet indiquent le 3 mai. Mais cette date est inexacte. L'acte du parlement de décembre 1567 porte : 1° que Bothwell retint la reine prisonnière à Dunbar une douzaine de jours ; 2° qu'il la mena de Dunbar à Édimbourg le 6 mai. (Act. parliam., t. III, p. 8.) Nous ne voyons pas non plus comment Tytler peut dire (t. V, p. 406, édit. I845) que le procès de divorce par-devant l'archevêque de Saint-André et le consistoire fut expédié en deux jours — hurried.... in two days —, quand il dura du 27 avril au 7 mai. — En tout et toujours, parti pris d'inexactitude. Tytler répète sans y regarder, une assertion mensongère des lords dans un manifeste qu'ils lancèrent contre Bothwell, le 12 juin suivant.

[80] Miss Strickland, t. II, Vie de Marguerite, comtesse de Lennox, p. 320, 323, 325, 329, 332, 350, 360 ; t. III, p. 53 ; t. V, p. 284-5, sur le récit de Melvil.

[81] Voyez Goodall, t. I, préfac., p. XVIII-XXV.

[82] Voyez Goodall, t. I, préfac., p. XVIII-XXV, en particulier l'histoire d'un Anglais nommé Roxby. C'était un agent de Cecil qui s'était présenté à la cour d'Holyrood comme pour soutenir les droits de la reine d'Ecosse à la succession d'Angleterre. Elisabeth pensait par là connaître les noms des seigneurs anglais sur qui Marie croyait pouvoir compter, et avec lesquels elle était en correspondance. Melvil raconte faussement que ce furent l'évêque de Ross et Bothwell, qui, pour nuire à lui et à Robert son frère, présentèrent ce Roxby à Marie. Or, on a les lettres de Roxby à Cecil, prouvant qu'il a été introduit par James Melvil.

[83] Le jugement et l'acquittement de Bothwell sont racontés par Drury à Cecil dans une lettre du 15 avril ; et il fallut à cette lettre le temps d'arriver à Londres. — Voyez Chalmers, t. III, p. 69 ; Tytler, t. V, p. 517, édit. 1845.

[84] Voyez la curieuse et intéressante Déclaration de Craig devant la congrégation, le 30 décembre 1567, dans Anderson, t. II, p. 278-282 ; Keith, p. 587. — Miss Strickland, t. V, p. 286 et suivantes.

[85] Craig, dit M. Mignet, voulut être confronté aux parties devant le Conseil privé. Là, avec une courageuse véhémence, il reprocha à Bothwell les crimes qui lui étaient imputés, l'accusa de meurtre, de rapt, d'adultère. (T. I, p. 306). Ces mots confronté aux parties sembleraient indiquer la présence de Marie Stuart, dont Craig ne dit rien dans son récit. De plus, les motifs de Craig sont surtout canoniques — il était interdit à l'époux contre lequel le divorce avait été obtenu pour adultère, de se remarier —. La présomption de meurtre ne tient qu'une place secondaire dans l'opposition de Craig.

[86] Pour que le lecteur soit à même de juger en toute connaissance de cause, voici le texte authentique de John Craig (Anderson, t. II, p. 280-1) et le texte infidèle de Tytler (t. V, p. 412, édition 1845). Tytler renvoie comme nous, à la collection d'Anderson, même endroit.

Texte authentique de Craig : I tuik Heaven and eirth to witnes, that I abhorred and deteastit that mariage, because it wes odious and sclandrous to the warld ; and seing the best part of the Realme did approve it, ather be flatterie, or be thair silence, I desyrit the faithfull to pray earnestlie, that God wald turn it to the comfort of this Realme, that thing quhilk they intendit agains reasone and guid conscience.

Texte de Tytler : I take Heaven and earth to witness, that I abhor and detest this marriage, as odious and slanderous to the world ; and I would exhort the faithful to pray earnestly, that a union against all reason and good conscience may yet be overruled by God, to the comfort of this unhappy Realm.

[87] Anderson, t. II, p. 281-2.

[88] Mignet, t. I, p. 306.

[89] Mignet, t. I, p. 306.

[90] Anderson, t. I, p. 87-9. — Goodall, Append., p. 242-3. — Ce même jour, 12 mai, Cecil écrivait à Norris, ambassadeur anglais en France : La reine d'Écosse sera, je pense, sollicitée d'épouser Bothwell ; les principaux de la noblesse s'y opposent, et ils sont à Stirling avec le prince (Chalmers, t. III, p. 242-3, note v). — Cecil savait donc dès lors que les nobles se soulèveraient contre le mariage qu'ils avaient demandé.

[91] 1567, quatre mois après le renversement de Marie Stuart.

[92] Les lords envoyèrent à Cecil une copie de la procédure faite au parlement de décembre 1567, contre Bothwell. Chalmers affirme (t. III, p. 52, note r ; p. 88, note x) que la comparaison de cette pièce avec l'acte authentique, publiée beaucoup pins tard, démontre qu'ils l'altérèrent. Cela se voit en effet à la p. 8 des Acta, t. III.

[93] Déclaration du parlement de décembre 1567. — Acta parliament., t. III, p. 8.

[94] On se souvient que c'est le jeune Jacques VI qui est censé parler.

[95] The acts of the parliaments of Scotland, t. III, p. 8.

[96] Goodall, Append., p. 57-61.

[97] Anderson, t. I, p. 111.

[98] Nullement parent du comte.

[99] Tome I, p. 307.

[100] Teulet, p. 110-111. Analyse d'une dépêche de du Croc, mai 1567. Voyez aussi Relations politiques de la France avec l'Espagne et l'Écosse au XVIe siècle, Teulet, t. V, p. 25. Don Frimes de Alava, ambassadeur espagnol en France, écrit à Philippe II (Paris, 16 juin 1667) que d'après le récit de l'évêque de Dumblane, toute la cérémonie du mariage se fit à la calviniste. — Leith n'est pas moins positif, p. 386. — Tytler de même, t. V. p. 413, édition 1845.

[101] Peu de barons écossais assistèrent à la révoltante cérémonie.... (Mignet, t. I, p. 307). C'est donc l'indignation qui éloigne ces hommes vertueux, quoiqu'ils aient poussé de toutes leurs forces à la cérémonie qui les révolte. Ne peut-on pas dire que Marie Stuart ne tenait pas à ce qu'il y eût une nombreuse assistance, et le prouver par le choix d'une heure si matinale ?

[102] Miss Strickland, t. V, p. 290-1, et note 4. Nous croyons inutile de reproduire le texte de la dépêche.

[103] La nuit du 16 au 17 juin 1567. Voyez plus bas, ch. IX. — Le lecteur se rappellera que le journal de Murray fut composé en 1568.

[104] Voyez Keith, p. 405.