PHILIPPE LE BEL ET LA MAISON DE LUXEMBOURG

 

PAR EUGÈNE WELVERT

Extrait de la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XIX, 1884.

 

 

Le comte de Luxembourg, qui devint empereur sous le nom d'Henri VII, paraît être le premier personnage de sa famille qui ait eu avec la France des relations dignes d'être historiquement constatées. Ce n'est pas a dire qu'il ait par lui-même joué un rôle considérable dans nos affaires, quoiqu'il ait mis à néant un des plus grands projets de Philippe le Bel. Mais c'est le père de ce fameux roi Jean de Bohême, le plus fidèle et le plus glorieux des alliés de la France ; il n'est donc pas sans intérêt de rechercher dans le père l'explication des sympathies du fils. En outre, un frère d'Henri VII, Baudouin de Luxembourg, a eu, lui aussi, dans sa jeunesse, quelques relations avec la cour de France, et nous savons que le roi Jean alla souvent puiser dans les souvenirs et les conseils de son oncle des inspirations pour sa politique française. Nous noterons donc les principaux faits qui rattachent à la France Henri et Baudouin de Luxembourg ; ces faits ont du reste l'avantage d'être le point de départ de l'illustration de leur nom.

C'est en effet à des influences françaises qu'Henri de Luxembourg doit les commencements de sa fortune. Il résulte des témoignages contemporains qu'il passa une grande partie de sa jeunesse à Paris, dans l'entourage royal ; et, si l'on en croit certain chroniqueur, ce serait Philippe le Bel en personne qui l'aurait armé chevalier. En tout cas, il est hors de doute qu'il fut marié par les soins d'une reine de France, la veuve de Philippe le Hardi[1]. D'autre part, on retrouve dans les débris de nos archives quelques traces de ses fréquents séjours à Paris et de ses relations avec la noblesse du royaume[2]. Mais ce qui surtout prouve combien la France imprima profondément sa marque sur Henri, c'est que ce prince, absolument Allemand par sa naissance et par le rang suprême auquel il parvint, ne parla jamais bien d'autre langue que la nôtre ; et l'on vit ce spectacle assez curieux d'un empereur d'Allemagne qui, quoique Allemand, ne savait pas l'allemand et dont la chancellerie rédigeait même les diplômes en français[3].

En reprenant l'ordre chronologique des événements nous voyons que, dès 1294, Philippe le Bel, sur le point d'entrer en campagne contre les Anglais dans le midi de la France, fit avec Henri de Luxembourg un traité aux ternies duquel il s'engageait à lui payer annuellement 500 livres tournois de rente à titre de fief héréditaire, en retour de l'hommage-lige promis a lui et a ses successeurs par le comte de Luxembourg. Celui-ci recevait en outre 6.000 livres tournois pour défrayer et solder un contingent de 200 armures de fer destiné à défendre le roïaume de France contre le roi d'Angleterre, ses allés et ses aidans, et generaument contre tout sans excepter nullui[4]. Cette convention fait partie d'une série de traités analogues passés alors par Philippe avec un certain nombre de princes allemands, pour les empêcher de suivre l'exemple de l'empereur, leur suzerain, gagné par l'or du roi d'Angleterre. Mais il n'est pas établi qu'Henri ait pris la moindre part à l'expédition dont il s'agit.

Peu de temps après, le comte de Luxembourg envoya à Paris le plus jeune de ses deux frères, Baudouin, alors âgé de treize ans, pour étudier aux écoles[5]. Baudouin y resta d'abord cinq ans. C'est dans cet intervalle qu'eurent lieu les célèbres états de 1302. Le comte de Luxembourg, vassal du roi de France, y fut convoqué ; il prit part aux assemblées, et son nom figure au premier rang des grands feudataires qui apposèrent leur sceau à l'adresse des nobles contre Boniface VIII[6].

La guerre de Flandre, qui survint, sépara un instant Philippe le Bel et le comte de Luxembourg dans la convention de 1294, Henri avait eu soin de ne pas s'engager contre le comte de Flandre. Mais, après l'affaire de Mons-en-Puelle, il fut un des premiers à proposer la paix. En même temps, il faisait retourner à Paris le jeune Baudouin, qu'il en avait rappelé au début des hostilités. Ce fut même l'occasion d'un nouveau traité, par lequel le comte de Luxembourg promettait, pour lui et pour son frère, de garder les alliances conclues avec le roi de France. En retour, il semble que Philippe ait réussi à apaiser une querelle entre le duc de Brabant et le comte Henri[7].

 

A la fin de 1305, l'archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, fut couronné pape à Lyon. Cette cérémonie attira, comme l'on sait, dans la ville un très grand nombre de seigneurs, parmi lesquels nous retrouvons Henri de Luxembourg dans la suite du roi de France[8]. On ne peut admettre qu'il ait entrepris ce lointain voyage uniquement pour baiser la mule du nouveau pape. D'autre part, il pouvait aisément alléguer un prétexte pour décliner l'invitation du roi. Qui est-ce qui aurait pris garde à l'absence du comte de Luxembourg ? Mais, quoique Baudouin n'eût que vingt ans et ne fût encore qu'un écolier, Henri rêvait déjà pour lui une haute situation en Allemagne : il voulait en faire un électeur ecclésiastique, et cela valait la peine d'aller à Lyon.

Il y avait dans cette ambition un sens politique qui n'échappera à personne. Un électorat ecclésiastique, quel qu'il fût, devait étendre l'influence luxembourgeoise, non seulement sur les pays rhénans, mais encore sur toute l'Allemagne, en faisant pour la première fois entrer en ligne de compte dans une élection impériale l'opinion de la maison de Luxembourg. Et en s'appuyant sur l'amitié de Philippe le Bel pour forcer la main du pape, Henri se montrait habile. Mais le pape refusa.

Soit qu'il fût préparé à un premier échec, soit qu'il dissimulât ses sentiments, le comte de Luxembourg ne paraît pas s'être affecté de cette déconvenue. Il prit patience, soignant la popularité qu'il avait acquise sur les bords du Rhin et attendant une occasion plus favorable. L'événement prouva qu'il n'avait pas eu tort, car, grâce à l'archevêque de Mayence, grand ami de sa famille[9], un courant sympathique à Baudouin s'établit peu à peu en Allemagne, et, le 7 décembre 1307, celui-ci fut élu archevêque de Trèves.

Le roi et la reine de France témoignèrent leur contentement de l'élévation de leur jeune hôte ; comme il n'avait pas l'âge canonique, ils s'employèrent auprès du pape pour obtenir les dispenses nécessaires[10]. Baudouin de son côté ne voulut pas quitter Paris sans faire au roi une promesse solennelle de foi et de loyauté, en reconnaissance de l'hospitalité et des services qu'il en avait reçus[11]. Quand il s'agit d'hommes politiques de la valeur de Philippe le Bel, il faut regarder au delà des sentiments et des parchemins. En aidant Baudouin à monter au siège électoral de Trèves, il avait réfléchi qu'il augmentait la dette de la maison de Luxembourg envers lui ; nous ne tarderons pas à voir dans quelles circonstances il comptait en exiger le paiement. Cependant, si l'on admet — ce qui n'est pas invraisemblable — que, dès ce moment, Henri avait résolu de tirer tout le profit possible de son alliance avec Philippe, sans aller jusqu'à dire que le roi de France fit un pas de clerc en cette occasion, nous reconnaîtrons tout à, l'heure qu'il trouva son maître dans la personne du comte de Luxembourg.

Mais, auparavant, il convient d'examiner une question assez intéressante.

Jean de Luxembourg, le fils unique du comte, était né le 10 août 1296. Son historien dit qu'il fut envoyé à Paris par son père pour y perfectionner son éducation ; il assure même qu'il fut élève de l'Université de cette ville[12].

Dans le silence des textes et devant la difficulté d'accorder les dates, nous pouvons tout d'abord retrancher de cette assertion ce qui est relatif à l'Université de Paris[13]. Quant à un séjour de Jean, pendant sa première jeunesse, au milieu du monde turbulent qui s'agitait alors à la cour du roi de France, il nous parait plus acceptable. Du moins il expliquerait assez bien certaines particularités de l'existence aventureuse de ce prince. Le souvenir du roi Arthur et de la Table-Ronde, vestige caractéristique d'une éducation féodale française, poursuivit le roi de Bohême dans des jours de désenchantement et lui valut, appliqué a la réalité de la vie, autant de mécomptes que de réputation[14]. D'autres présomptions peuvent se tirer de l'exemple de son père, qui fut élevé en France et y entretint presque jusqu'à sa mort des relations très avantageuses et très suivies ; de la présence de Baudouin, oncle de Jean, à Paris à cette époque ; enfin de l'usage assez répandu d'y envoyer les jeunes seigneurs étrangers. Voilà pourquoi nous placerions vers ce temps (1307 ou 1308) le premier séjour en France du futur roi de Bohême. Plus tôt, il eût été trop jeune ; plus tard, son père, brouillé avec Philippe le Bel, ne l'y eût pas laissé. D'ailleurs, dès 1310, il était roi et prenait le chemin de son royaume.

 

Quoi qu'il en soit, Baudouin se trouvait encore en France[15], lorsqu'il apprit par l'archevêque de Mayence la nouvelle de l'assassinat de l'empereur Albert. On savait que le roi de France se préparait à entrer en lutte avec les Habsbourg[16], et, en présence des cieux puissantes familles qui allaient se disputer la couronne impériale, le prélat prévoyait l'hésitation des électeurs ; il craignait  aussi pour l'indépendance de l'Allemagne les suites d'une élection française. Dans ces conjonctures, il proposait à son jeune collègue d'unir leurs efforts en faveur d'Henri de Luxembourg.

Si l'on veut bien se rappeler la situation de celui-ci vis-à-vis de Philippe le Bel, il n'est pas difficile de deviner les sentiments du roi de France à l'annonce de cette candidature. Depuis longtemps Philippe avait formé le dessein de faire passer le sceptre de Charlemagne dans sa maison. Charles de Valois, son frère, par son mariage avec une Courtenay, se prétendait des droits à l'empire grec : réunir sur la tête de ce prince les deux couronnes impériales, c'était s'acheminer vers une monarchie universelle dont le titulaire définitif serait le roi de France. Tout semblait concourir à la réussite de ce plan. Le levier des élections impériales, le pape, était dans la main de Philippe, matériellement et moralement[17]. D'un autre côté, la crainte de voir trop souvent la même famille à la tête de l'Allemagne était un sentiment facile à exploiter. Les pressantes intrigues du roi de France à Avignon et en Allemagne[18], l'embarras du pape et des électeurs allaient certainement donner gain de cause à Charles de Valois, lorsque la candidature imprévue d'Henri de Luxembourg vint anéantir ces trop belles espérances.

Pour Clément V, c'était une occasion unique de se créer contre le joug de Philippe une sérieuse protection ; il n'eut garde de la laisser échapper. Aussi l'échec de Charles de Valois ne doit être attribué qu'au pape[19]. Effrayé des périls dans lesquels la suprématie universelle du roi de France devait jeter la domination pontificale, Clément fit secrètement savoir aux électeurs qu'il regardait te comte de Luxembourg comme le seul candidat admissible pour la tranquillité de tous. L'opinion du pape, énergiquement appuyée par les archevêques de Mayence et de Trèves, prévalut et Henri fut proclamé roi des Romains à Renz, le 15 novembre 1308.

Quoi qu'on en ait dit[20], Philippe le Bel considéra toujours cette élection comme un affront et une ingratitude, et il mit tout en œuvre pour susciter des difficultés au nouvel empereur. Un curieux document du temps nous le montre en effet, dès les premiers jours qui suivirent l'avènement d'Henri VII, cherchant à entraver la confirmation que Clément V voulait faire de son élection. La nouvelle que des ambassadeurs du roi de France arrivaient à Avignon porteurs d'instructions relatives aux affaires d'Allemagne, mit en émoi tout le comtat. Poursuivi par le souvenir de Boniface VIII et de Nogaret, le pape craignait un nouvel attentat de la part des émissaires de Philippe. Après avoir pris toutes sortes de précautions dilatoires, il finit cependant par leur donner audience et leur déclara que les engagements d'Henri de Luxembourg garantissaient le repos de l'Eglise et l'apaisement de l'Italie[21].

Philippe subit ce qu'il ne pouvait plus empêcher. Il trouva une sorte de compensation dans la réunion de la ville de Lyon à la couronne ; ensuite il essaya de soustraire le comté de Bourgogne, les royaumes d'Arles et de Vienne à la suzeraineté impériale. Ces affaires donnèrent lieu à des négociations qui se traînèrent péniblement et dans lesquelles nous voyons Clément V s'interposer très activement, mais sans influence[22]. Plus tard, lorsqu'Henri alla se faire couronner à Rome et chercha à ramener dans l'obéissance diverses principautés italiennes, il souleva contre lui le roi de Sicile Robert d'Anjou. Dans la correspondance qu'il échangea à ce sujet avec le pape, il est à remarquer que le roi de France se préoccupe moins du sort de son cousin Robert que du passage en terre sainte, compromis selon lui, si l'empereur parvient à mettre la main sur la Sicile[23]. Il est trop aisé de voir dans ces manœuvres la rancune d'un joueur malheureux. Mais ce qui rendrait plus grave devant l'histoire la conduite de Philippe envers l'empereur d'Allemagne, c'est le soupçon d'empoisonnement qui plana sur la mort mystérieuse d'Henri VII à la suite d'une communion (24 août 1313). On peut se faire une idée de la persistance de l'opinion publique à cet égard, en constatant que, pins de trente ans après l'événement, Jean de Luxembourg se crut obligé de témoigner par un acte écrit en faveur d'un frère prêcheur désigné comme l'instrument du crime[24]. Les ténèbres qui enveloppent les causes de cette mort ne s'éclairciront pas. En pleine crise des templiers et au cours d'une campagne qui avivait en Italie les haines entre Guelfes et Gibelins, les contemporains ne sont pas assez calmes pour qu'on puisse trouver dans leurs récits une accusation nettement fondée contre Philippe le Bel. D'ailleurs la terre qui venait de recevoir la dépouille de l'empereur se rouvrit bientôt pour celle du roi de France, et la brusque entre de ces deux personnages dans le passé n'a pas manqué de donner lieu à des légendes dont l'histoire a mission de se défier.

 

FIN DE L'ARTICLE

 

 

 



[1] Alb. Mussatus, ap. Muratori, lib. XVI, rub. 3. — Wurth-Paquet, Table chron. des chartes et dipl. d'Henri VII, dans les Publ. de la Soc. arch. de Luxembourg, XVII, 4. — Bertholet, Hist. de Luxembourg, V, 293 et LXXVI. — Wurth-Paquet, loc. cit., p. 61, n° 127.

[2] Archives nationales, Trésor des chartes, J 608.

[3] Un chroniqueur bien informé, Alb. Mussatus, nous apprend qu'Henri se servait dans la vie privée de l'idioma Gallicum (cité dans les Publ. de la Soc. arch. de Luxembourg, ibid., introd., p. 27). Les comptes de sa maison, dont il nous reste des fragments fort intéressants, étaient tenus en français et supputés, du moins jusqu'à son couronnement à Rome, en monnaie de France. Contes Gile [de le Marcelle] trésorier de despens d'ostel le Roy, du IX jour de fevrier l'an MCCC et XI, qu'il entrai en l'offisse... jukes à l'entrée d'avril, l'an MCCC et XII... (Acta Henrici VII, collecta a F. Bonainio, Florence, 1877, in-8° ; 1re part., p. 293 et suivantes, n° 183 à 189.) Enfin, M. Wurth-Paquet, qui a particulièrement étudié la diplomatique d'Henri VII, nous a déclaré n'avoir jamais vu un acte en allemand émané de cet empereur. Cf. Recherches sur les relat. politiques de la France avec l'Allemagne (Bibl. de l'Éc. des hautes études), par M. Leroux, p. 133 et note 1.

[4] Pontoise, novembre 1294 (Arch. nat., Trésor des chartes, J 608, n° 4 et 6). Le comte de Luxembourg faisait des réserves en faveur de l'empereur, des archevêques de Cologne et de Trèves, du comte de Flandre, etc., en raison de ses liens féodaux.

[5] Gesta Baldevini de Luczenburch, lib. I, c. VIII, ap. Baluze, Miscellanea, édit. de Lucques, I, 313.

[6] Dupuy, Preuves du différend de Philippe le Bel avec Boniface VIII, p. 60.

[7] Chron. comitum Fland., ap. Corpus chron. Fland. Bruxelles, 1857, I, 178. — Wurth-Paquet, loc. cit., p. 118, n° 418 et p. 116. — G. de Fracheto, dans le Rec. des hist. de France, XXI, 25. — Jean de Saint-Victor, ibid., 644.

[8] Wurth-Paquet, loc. cit., p. 119.

[9] Gallia christiana, V, 492.

[10] Joannes Victoriensis, ap. Bœhmer, Fontes rer. germ., I, 358.

[11] Paris, avril 1308 (Bibl. nat., fonds latin, 10910, p. 237).

[12] Schœtter, Johann, Graf v. Luxemburg. und Kœnig v. Bœhmen. Lux., Buck, 1865, 2 vol. in-8° ; I, 58 et 59.

[13] Schœtter n'appuie son affirmation que sur un passage d'un écrivain moderne, Barrou (Du rôle de la famille dans l'éducation, p. 239). Duboulai (Hist. univ. Par., passim) qui fait souvent allusion à la présence de Charles de Bohème, fils du roi Jean, à l'Université de Paris, ne mentionne nulle part celle de Jean. L'exemple du fils ne prouve rien. Charles de Bohême vécut à Paris dans des conditions particulières qu'il serait trop long d'exposer ici, mais qu'on retrouvera dans la Vita Karoli IV... ap. Bœhmer, Fontes, I, 233 et suivantes, — dans le Chron. Pulkavæ, ap. Dobner, Monumenta histor. Bœmiæ, III, — dans le Chron. aulx regiæ, ibid., V, 389. D'ailleurs ce prince parle lui-même dans ses Mémoires des connaissances qu'il avait acquises comme d'une nouveauté pour son rang. Si son père l'avait précédé dans les Écoles de Paris, il n'eût pas manqué de le dire. Un autre témoin intime de la vie de Jean, le poète français Guill. de Machaut, qui suivit le roi de Bohême à travers toute l'Europe pendant la plus grande partie de l'existence de celui-ci, ne parle pas davantage de ce fait qui Petit doublement intéressé, comme Français et comme littérateur. Enfin, dans les sources, rien n'indique que le roi Jean ait été particulièrement lettré.

[14] Chron. aul. reg., ibid., V, 371.

[15] Gesta Trevir., édit. Wyttenbach, II, 188.

[16] Musée des Archives nationales, p. 164, n° 303. — Trésor des chartes, JJ 42, n° 99, 100 et 101. — Villani, VIII, 436.

[17] Du moins Philippe le Bel était autorisé à le croire. Mais on sait (et nous en avons une preuve particulière ici) que Bertrand de Got fit toujours tout ce qu'il put pour alléger sa chaîne. Une de ses tentatives les plus intéressantes et les moins connues est une protestation qu'il formula, n'étant encore qu'archevêque de Bordeaux, en plein Conseil du roi, tendant à faire admettre qu'il n'était pas tenu au serment de fidélité envers le roi de France pour son archevêché (du mercredi avant Pâques, 1302 ; Archives de la Gironde, G 245). Il y a là un double personnage qu'il n'est pas inutile de faire ressortir.

[18] Conférences de Poitiers entre le pape et Philippe le Bel. Joannes Parisiensis, ap. Baluze, Vitæ pp. aven., I, 6. — Arch. nat., Trésor des chartes, JJ 42, n° 101 et 102. — Cf. Leroux, Recherches, p. 128.

[19] Art de vérifier les dates, 3e éd., I, 313.

[20] Ils (les électeurs) s'entendirent... pour donner la couronne impériale au comte de Luxembourg, brave chevalier, n'ayant guère que son épée... N'ayant pu faire de son frère un empereur, Philippe voulut se faire un ami du nouveau César ; il le reconnut avec empressement, le félicita de son avènement et entama des négociations pour conclure un traité d'amitié et d'alliance (Boutaric, la France sous Philippe le Bel, p. 409.) Ce passage d'un savant livre appelle deux observations : 1° le comte de Luxembourg était peut-être un brave chevalier ; il s'était signalé à la bataille de Wœringen, dix-huit ans auparavant. Mais nous croyons que ce souvenir a tenu moins de place dans les préoccupations des électeurs que l'avis motivé du pape et les intrigues du parti luxembourgeois ; 2° Philippe le Bel n'avait pas à se faire un ami, même politique, d'un homme qui lui était attaché depuis longtemps par des liens d'amitié et par des traités, et nous pensons tout au contraire qu'il lui devint ennemi, très ouvertement. Toutes les querelles que Philippe s'empressa de chercher à Henri VII, querelles qu'il nous reste à noter, le prouvent sans peine.

[21] Lettre de l'évêque de Bayeux et autres ambassadeurs du roi de France auprès du pape Clément V, rendant compte de leur mission (Arch. nat., J 908).

[22] Par un acte daté du 23 janvier 1310, Philippe nomme ses représentants pour s'entendre avec ceux d'Henri au sujet de toutes leurs discordes présentes et futures, et en particulier au sujet du comté de Bourgogne. — Les représentants d'Henri VII sont institués par acte du 26 avril suivant. — Le 26 juin, on convient de reconnaître ainsi qu'auparavant le comté de Bourgogne comme fief de l'Empire et de régler ultérieurement les autres difficultés. — Le 1er mai 1311, Clément V écrit au roi de France que l'empereur ne parait pas disposé à lui céder les royaumes d'Arles et de Vienne. — Le 17 juin, Henri VII annonce qu'un traité d'alliance a été conclu entre lui et Philippe le Bel ; entre autres clauses, on y voit que le fils du roi, comte de Bourgogne, prêtera hommage à l'empereur pour son comté, conformément à la tradition. — Ces conventions sont confirmées, à la date da 23 septembre, par de nouvelles lettres impériales. — Cependant, le 18 décembre, Clément V écrit à Henri pour le prier de lui retourner avec ses modifications certaines lettres relatives à une nouvelle alliance entre le roi de France et lui, lettres dont le pape lui-même avait réglé la teneur. Communiquées à Philippe, elles avaient reçu son approbation ; mais Henri avait cru devoir en changer des termes et des articles. (Pardessus, Table chron. des dipl., VIII, 186, 174, 178, 192 ; 196 et 201. — Acta Henrici VII a F. Bonainio collecta... 1re part., n° 132, p. 209.) Voir aussi aux archives du Doubs (série B, 2) des lettres d'Henri VII d& cette même année 1311, par lesquelles il déclare consentir à recevoir l'hommage de Philippe le Bel pour le comté de Bourgogne, dès qu'il sera de retour d'Italie, où il va se faire couronner empereur.

[23] Chron. aul. reg., loc. cit., V, 313, 314 et suivantes. — 13 mai 1313 : Litteræ Ph. ad. Clementem pp. V, quibus eum iteratis precibus rogat quatenus Henricum Romanorum imperatorem Rob. regis Siciliæ exhereditionem armis persequi proponentem sic celeriter reprimat, ut pacis pulchritudo servetur, negotiumque passagii terræ sancta, quod alias fieri posse ipse non credit, impediri aut turbari non debeat (Pardessus, ibid., 242).

[24] Cette lettre, datée du château de Mehun-sur-Yèvre (Cher), 17 mai 1346, a été publiée par Baluze, Miscellanea, I, 326.