LE ROI DE ROME (1811-1832)

 

CHAPITRE XIII. — L'ÉDUCATION DU DUC DE REICHSTADT ET M. DE METTERNICH.

 

 

L'éducation du duc de Reichstadt se poursuivait méthodiquement. Le jeune prince faisait ses études classiques avec le professeur d'histoire et de littérature Mathieu Collin. Il apprenait les mathématiques, l'italien et les premiers principes d'art militaire avec le capitaine Foresti. Le prélat de la cour, Mgr Wagner, lui donnait deux fois par semaine l'enseignement religieux, développant en lui les qualités et les vertus natives. La science et les manières aimables de ce prélat avaient inspiré au duc de Reichstadt beaucoup d'estime et d'affection pour lui. Le duc faisait ses devoirs avec une grande attention. Les cahiers que Foresti montra en 1832 à M. de Montbel, étaient d'une belle écriture, sans ratures et sans taches. On y trouvait des traductions en latin de textes allemands signées Franciscus. Pour suppléer à l'émulation que seule peut créer la concurrence des élèves, rapporte Foresti, en même temps que pour s'assurer que l'instruction était suivie avec assiduité, l'Empereur avait institué deux commissions chargées d'examiner le prince à des époques déterminées. La commission des études classiques était composée des gouverneurs, du prélat de la Cour et du conseiller aulique Sommaruga. La commission à laquelle était confié l'examen des études militaires, comptait au nombre de ses membres un officier supérieur, le colonel du génie Schindler, le major Weiss, professeur à l'Académie militaire, et les gouverneurs. Le 14 novembre 1823, le professeur Collin mourut après une courte maladie et fut remplacé par Joseph d'Obenaus, ancien gouverneur de l'archiduc François-Charles. Ce nouveau professeur, qui avait dirigé l'éducation de Henri de Hesse, du comte Eugène Wrbna et du comte Charles Pachta, s'était chargé d'enseigner au duc de Reichstadt l'histoire universelle et l'histoire d'Autriche jusqu'en 1815, la philosophie, le droit public et le droit des gens, l'économie politique et la statistique[1]. Ce furent surtout les leçons d'histoire et de statistique que goûta particulièrement le jeune prince. Il aimait, dit encore Foresti, à s'occuper de spéculations historiques. Il y portait de la pénétration et une grande justesse de jugement. En 1823, il commença l'étude de la géométrie et de la levée des cartes, faisant déjà des travaux sur le terrain[2]. Avec le major Weiss, il apprit l'art des fortifications et étonna bientôt ses juges par son instruction et ses aptitudes.

La précocité et la fermeté de son esprit frappaient tout le monde. On a remarqué toujours en lui tant de réflexion, affirme Foresti, qu'à proprement parler il n'a presque pas eu d'enfance. Vivant habituellement avec des personnes d'un âge différent du sien, il semblait se plaire dans leur conversation. Sans avoir, dans ses premières années, rien d'extraordinaire, son intelligence était néanmoins précoce ; ses reparties étaient aussi vives que justes ; il s'exprimait avec précision et un choix de termes remarquables. Il traitait ses maitres avec bonté, mais sans ces épanchements affectueux qu'il avait témoignés tant de fois à M. de Méneval et à Mme de Montesquiou. Parfois, il lui échappait des boutades un peu rudes. Un jour, il affirmait devant une dame d'honneur très coquette et déjà sur le retour que la France était un beau pays ; et comme la dame lui répondait sèchement : Il était plus beau, il y a douze ans. — Et vous aussi ! osa-t-il répliquer.

Sous la direction de deux professeurs érudits, MM. Podevin et Barthélemy, le duc de Reichstadt étudia soigneusement les classiques français. Parmi les poètes, il préférait Corneille et Racine. Parmi les prosateurs, il aimait surtout La Bruyère, lisant et relisant ses Caractères, admirant la profondeur de ses observations. Les chapitres de la Cour, des Grands et de l'Homme étaient ceux qu'il se plaisait à approfondir. Cette prédilection, remarque un de ses maîtres, tenait essentiellement à la nature de son esprit. Peu confiant, peut-être par suite de sa position qu'il jugeait avec discernement, il portait sur les hommes un regard scrutateur. Il savait les interroger, les examiner. Il les devinait. Ses idées à leur égard étaient généralement sévères ; mais souvent nous étions obligés de reconnaître la vérité et la justesse de ses observations. Il affectionnait Chateaubriand et avait annoté l'Itinéraire de Paris à Jérusalem. Il pratiquait également la littérature allemande. Il aimait Gœthe, mais surtout Schiller. La Guerre de Trente ans le passionnait. Parmi les historiens allemands, il avait distingué Schmidt et Muller. La langue italienne, que lui enseignaient l'abbé Pina et Foresti, lui était fort agréable. La Jérusalem du Tasse l'avait ravi. Il en savait de nombreuses stances. M. Baumgartner, professeur à l'Université de Vienne, lui apprit la physique, la chimie et les sciences naturelles. On enseigna également au jeune prince la musique, dont il se dégoûta rapidement. Du dessin, il ne retint que le goût des procédés graphiques nécessaires aux travaux de fortification et d'architecture. Tous ces détails prouvent une fois de plus que l'éducation du duc de Reichstadt était au moins aussi soignée et aussi étendue que celle d'un archiduc. Quant à l'histoire de Napoléon, dès l'âge de quinze ans, il put, en lisant de nombreux ouvrages, se rendre un compte précis des événements[3]. La nouvelle Impératrice, la princesse Caroline-Augusta de Bavière, lui témoignait, comme François II, beaucoup de tendresse. Elle aimait à causer avec lui et à développer son intelligence. Le second fils de l'Empereur, l'archiduc François, et l'archiduchesse Sophie, femme de l'archiduc, étaient pour le jeune prince de véritables amis. L'archiduchesse, qui n'avait que six ans de plus que lui, lui montrait une affection qui lui fut d'un charme sans pareil. En l'absence d'une mère qui se bornait de temps en temps à émettre quelques regrets peu sincères, il put sentir combien sont exquis et sûrs le dévouement et l'amitié d'une femme de cœur.

La duchesse de Parme — si l'on en juge par ses lettres intimes — se portait maintenant à merveille. Elle commençait même à engraisser. Elle avait dit adieu à la médecine et s'occupait beaucoup de concerts d'amateurs. Elle y faisait sa partie et exécutait des morceaux sur le clavecin, comme les variations de Mayseder sur un thème de Nina. Elle montait presque tous les jours à cheval. Depuis que ses nerfs s'étaient remis, elle était devenue très habile et même imprudente en ce genre d'exercice. Elle donnait des diners et des fêtes ; elle allait au théâtre et elle disait dans sa joie : Je me trouve d'ailleurs si contente ici que, si j'avais mon fils auprès de moi, je ne demanderais plus rien d'autre dans ce monde ; mais le bonheur parfait ne peut pas y exister[4]. Elle n'eût cependant point osé sacrifier le duché de Parme, ni l'intimité enfin avouée et connue avec le général de Neipperg, pour aller rejoindre son fils à Schœnbrunn. Toutefois, Marie-Louise avait été voir son père à Vérone, où se tenait le Congrès qui allait décider de l'intervention en faveur de Ferdinand VII contre les Cortés. Elle se déclarait satisfaite d'être réunie aux siens, le duc de Reichstadt pourtant n'y était pas, — mais elle s'ennuyait à mourir, non faute d'amusements, mais de société, et faute d'avoir un moment pour respirer. A présent, disait-elle à la comtesse de Crenneville, nous n'avons même plus de théâtre, ce qui était la seule ressource, car le reste du jour se passe à rendre et à recevoir des visites et à faire des toilettes.

A Vérone se trouvaient, outre l'empereur et l'impératrice d'Autriche, le roi de Prusse, le vice-roi et la vice-reine d'Italie, le roi des Deux-Siciles, le roi et la reine de Sardaigne, le duc de Modène, le prince de Metternich, M. de Gentz, etc. Chateaubriand, qui représentait la France, fut invité par Marie-Louise à ses réceptions. Il en parle ainsi dans son Histoire du Congrès de Vérone[5] : Nous refusâmes d'abord une invitation de l'archiduchesse de Parme. Elle insista, et nous y allâmes. Nous la trouvâmes fort gaie ; l'univers s'étant chargé de se souvenir de Napoléon, elle n'avait plus la peine d'y songer. Elle pro-fonça quelques mots légers et, comme en passant, sur le roi de Rome : elle était grosse. Sa cour avait un certain air délabré et vieilli, excepté M. de Neipperg, homme de bon ton Il n'y avait là de singulier que nous, dînant auprès de Marie-Louise, et les bracelets faits de la pierre du sarcophage de Juliette, que portait la veuve de Napoléon. En traversant le Pô, à Plaisance, une seule barque, nouvellement peinte, portant une espèce de pavillon impérial, frappa nos regards. Deux ou trois dragons, en veste et en bonnet de police, faisaient boire leurs chevaux ; nous entrions dans les États de Marie-Louise : c'est tout ce qui restait de la puissance de l'homme qui fendit les rochers du Simplon, planta ses drapeaux sur les capitales de l'Europe, releva l'Italie prosternée depuis tant de siècles !... En parlant à Marie-Louise, Chateaubriand lui dit qu'il avait rencontré ses soldats à Plaisance, mais que cette petite troupe n'était rien à côté des grandes armées impériales d'autrefois. Elle lui répondit sèchement : Je ne songe plus à cela ! L'impératrice des Français n'était plus désormais qu'une petite princesse, se contentant d'une vie facile où les concerts, les diners, les spectacles, les voyages constituaient pour elle les jouissances les plus grandes. La Cassina dei Baschi lui paraissait un séjour plus enviable que celui des Tuileries, et l'amour d'un majordome préférable à celui d'un Empereur. Le, maréchal de Castellane dit que son père vit la duchesse quelque temps après. Elle a parlé de la France seulement comme si elle y avait voyagé, sans laisser la possibilité d'en rien dire, sans parler du rôle qu'elle y a joué. Elle a beaucoup parlé de l'empereur François, des souverains de l'Europe ; mais son fils n'a pas même été nommé[6].

Ce n'était pas Marie-Louise qui donnait de l'inquiétude au gouvernement de la Restauration. Elle saisissait, au contraire, toutes les occasions pour montrer à la famille royale combien elle lui était dévouée. On savait, d'ailleurs, qu'elle n'avait jamais encouragé les tentatives des partisans de Napoléon II. Elle avait fait même tous ses efforts pour les écarter de ses États et pour anéantir leurs espérances. Aussi la jugea-t-on digne des plus grands égards. Au lendemain de la mort de Louis XVIII, le ministre des affaires étrangères écrivait au baron de Vincent, ambassadeur d'Autriche en France : J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Excellence une lettre que le Roi adresse à Madame sa sœur et cousine, l'archiduchesse duchesse de Parme, sur la mort du Roi que la France vient de perdre. Toute la famille des souverains avait pour lui de l'estime et de la vénération. Elle partagera les regrets de Sa Majesté Très Chrétienne, et je ne doute pas que la cour de Parme ne soit vivement touchée de son affliction[7]. Le 4 octobre de la même année, le baron de Damas proposait à Charles X d'accréditer auprès des cours de Parme et de Modène le marquis de la Maisonfort, déjà accrédité près des cours de Lucques et de Florence. L'ancienne position de Mme la duchesse de Parme, disait-il, avait fait penser, vers l'époque de la Restauration, qu'il serait embarrassant d'avoir un ministre auprès d'elle... Les circonstances ne sont plus les mêmes qu'en 1814, et la France en est séparée par la longueur d'un règne. La famille royale n'a éprouvé, de la part de Mme la duchesse de Parme, que des témoignages d'égards et d'amitié ; Votre Majesté croira peut-être devoir y répondre par la mesure que j'ai l'honneur de lui proposer. Charles X s'empressa d'approuver ce rapport, et le marquis de la Maisonfort fut accrédité. Le roi de France, lui écrivit M. de Damas, ne donne point à Mme la duchesse de Parme le titre de Majesté[8], et il continuera de suivre cette règle dans ses communications personnelles... Quant à vos relations, vous vous conformerez, pour leur style, au protocole usité. Chaque Cour a son langage, et vous saurez toujours employer celui qui conviendra le mieux à une princesse avec laquelle le Roi ne veut entretenir que des relations amicales. Le 27 novembre, le marquis informait le ministre qu'arrivé le 16 à Parme, il avait, pendant une réception solennelle à la Cour, entendu la duchesse s'exprimer avec le plus grand intérêt sur la famille royale, sur Mme la Dauphine, qu'elle avait vue à Vienne dans son enfance, et sur le duc de Bordeaux. Le marquis de la Maisonfort put constater dans ses relations avec la duchesse de Parme qu'elle parlait sans affectation de la France et du rôle qu'elle y avait joué. Jamais, disait-il, elle n'a prononcé devant moi le nom de l'usurpateur, mais elle me l'a souvent désigné comme le moteur de grandes choses qui n'ont jamais contribué à son bonheur. On conçoit qu'un pareil tact, une pareille correction aient ravi ceux qui maudissaient l'ogre de Corse. Aussi le marquis ne tarissait-il pas d'éloges sur la veuve de Napoléon. Née trop grande dame, ajoutait-il, pour regretter une élévation que les événements ont prouvé n'être que factice, elle a l'air de solliciter l'indulgence pour ce qu'elle a été et d'appeler l'estime pour ce qu'elle est et veut être. Ainsi Marie-Louise, trop heureuse de recevoir l'ambassadeur du roi Charles X, s'effaçait devant lui, s'humiliait presque. Elle était stylée par Neipperg, qui avait su, lui aussi, gagner les bonnes grâces du marquis de Il Maisonfort. Grâce à lui, la cour de Parme avait de l'apparence : Le comte de Neipperg y prévoit tout, y anime tout, y répond de tout. Il est impossible de ne pas croire à son dévouement pour la cause des rois qu'il a servis toute sa vie et à son penchant pour la France... Il est impossible de mieux penser que ce général, chevalier d'honneur de Sa Majesté la Duchesse et le véritable interprète de ses volontés. M. de Lamartine, secrétaire de légation auprès du ministre de France à Florence, et qui écrivait alors deux petits volumes de poésies purement et simplement religieuses, destinées à la génération qui a conservé un Dieu dans son cœur, avait eu également l'honneur de dîner avec la duchesse de Parme. Cette princesse, mandait-il à M. de Damas, plus à l'aise dans son État borné qu'elle ne l'était à une autre époque, se montre infiniment plus aimable et plus spirituelle à Parme qu'à Paris... Elle parle du passé comme d'une époque historique qui ne tient plus à elle ni au temps présent[9]. Le secrétaire ne se gênait point pour indiquer la véritable situation de la duchesse. Il disait tout haut ce qu'on disait tout bas : Le comte de Neipperg, favori et époux de l'archiduchesse, est à la tète de toutes les administrations. Il en faisait, lui aussi, l'éloge. Il affirmait, en outre, que Neipperg avait su éloigner de la cour de Parme toutes les intrigues qui auraient tenté de s'y rattacher. S'il se passait quelque chose de mal contre les Bourbons et la légitimité, me disait-il ce matin, je ne serais pas ici, et puisque j'y suis, c'est qu'on n'y a pour eux que les sentiments qu'on doit y avoir. Car je suis un vieux serviteur de leur Cour et un ennemi de leurs ennemis. Ce langage fier et hardi, sincère et loyal, prouvait à Lamartine combien Marie-Louise et Neipperg étaient éloignés de soutenir la cause du duc de Reichstadt. Le poète se laissa donc séduire par l'accueil flatteur de la duchesse de Parme. Aussi va-t-il jusqu'à excuser ses fautes. Il reconnaît qu'elle était fidèle à sa nature affaissée et langoureuse ; il avoue même qu'elle avait bien fait d'écarter la gi gloire théâtrale et stoïque n qu'on exigeait d'elle. Mais c'est en vain que Lamartine cherche à lui attribuer de l'émotion et de la grâce ; il ne parviendra point à dissimuler son égoïsme et ses tristes faiblesses.

Le cabinet des Tuileries ne cessait de se préoccuper du duc de Reichstadt et des personnes venues de France, d'Italie ou d'Allemagne qui cherchaient à l'approcher. Le marquis de Caraman écrivait, le 4 janvier 1825, au baron de Damas, qu'il avait pris tous les renseignements possibles sur les relations que les frères Le Bret, de Stuttgard, paraissaient avoir avec le prince. La surveillance dont ils étaient l'objet ne leur permettait que difficilement de remplir les promesses faites par eux à M. de Las Cases. Je me suis assuré, disait-il, que tous les jours les subalternes qui se trouvent autour du duc de Reichstadt, y ont été placés par la police et relèvent directement de cette partie de l'administration. Le comte de Sedlinstky, chargé du département, y met une conscience religieuse. L'Empereur a cru devoir lui abandonner le soin du choix de ces individus, depuis la tentative de M. de Montesquiou, et il lui répond de tout ce qui pourrait se passer dans l'intérieur du jeune duc. Le comte m'a assuré que tout ce qui entourait le jeune duc était placé par lui et qu'il en répondait. Puis venaient des renseignements fort intéressants sur le prince lui-même : Le jeune duc de Reichstadt commence à se former. Il est d'une figure agréable et amuse toute la Cour par des manières vives et spirituelles qui contrastent singulièrement avec la gravité habituelle de toute la famille impériale. Il se distingue par son adresse dans tous les exercices du corps, mais il a un éloignement absolu pour toute espèce d'occupation sérieuse. Ce renseignement était inexact, comme le prouvent les détails donnés par M. Prokesch-Osten. L'Empereur le gronde souvent, ajoutait M. de Caraman[10], mais l'Impératrice, les archiducs et les archiduchesses ne résistent pas à la séduction de ses manières. Il le sait et en fait usage pour obtenir tout ce qu'il désire. Il est impossible de ne pas s'arrêter au moment où il acquerra la connaissance de tout ce qui s'est passé et du rôle qu'il était appelé à jouer dans l'avenir. Il est difficile de prévoir ce que le développement d'idées aussi nouvelles produira dans une tête vive que l'intérêt personnel trouvera peut-être moyen d'exciter encore plus et qu'une situation déjà trop élevée aura préparée à recevoir les germes d'ambition qui ne seront que trop aisés à faire fructifier. La sagesse de l'Empereur n'a peut-être pas assez combattu l'attrait qu'il a senti pour cet enfant, par cela même qu'il était abandonné. Les personnes qui peuvent se permettre des observations en ont fait, mais elles n'ont pas été écoutées, et je crains qu'il n'arrive une époque où la position de ce jeune homme deviendra embarrassante. Je ne suis pas le seul à avoir cette opinion, mais la qualité de petit-fils de l'Empereur oblige à une grande réserve, dans une question aussi délicate.

J'ai lu à Vienne, aux Archives impériales et royales, trois lettres du duc, écrites en allemand et adressées en 1821 à son grand-père, où il l'assure de sa tendresse et où il fait des vœux pour la durée de sa vie et de son bonheur. II déclare qu'il saura s'acquitter de la tâche qui lui incombe et lui obéira toujours. Deux de ces lettres sont des compliments pour le jour de sa fête et le jour de sa naissance. Il s'y montre très modeste, car il s'appelle lui-même : Ein se kleiner unbedeutender Mensch als ich... un petit homme insignifiant. Le marquis de Caraman aurait donc voulu que le grand-père du duc de Reichstadt le tint à l'écart et lui témoignât une froideur officielle. Il osait reprocher au souverain une trop grande sympathie que la genfillesse de l'enfant et l'abandon de sa mère, motivé par les cruelles exigences de la politique, avaient peu à peu déterminée et consolidée. Encore une fois, l'existence de l'héritier de Napoléon était une sorte de cauchemar pour les monarchies, surtout pour la monarchie française. Le 4 octobre 1825, un sieur Poppon informait. la police qu'on avait découvert à Genève un dépôt de pièces de vingt francs et de quarante francs à l'effigie de Napoléon II. Il prétendait qu'un complot se tramait dans le canton de Vaud contre Charles X. Suivant lui, il aurait été question d'assassiner' le Roi, le Dauphin et le duc de Bordeaux, pour leur substituer le duc de Reichstadt. Heureusement, la police.put s'assurer qu'elle avait affaire à un exalté qui avait pris ses visions pour des réalités[11]. L'attention des agents fut attirée, six mois après, sur un officier général autrichien, aide de camp du jeune Napoléon, qui était venu visiter le château de Versailles et qui entretenait, disait-on, une correspondance secrète avec des individus suspects à Nancy. Renseignements pris, on reconnut que c'était le prince de Dietrichstein, le frère du gouverneur, qui faisait un voyage d'agrément en France et qui ne s'était nullement occupé de politique intérieure ou extérieure[12]. Les moindres détails faisaient l'objet de graves communications. Ainsi l'un des secrétaires de l'ambassade française à Vienne envoyait, le 5 août 1828, au comte de La Ferronnays, ministre des affaires étrangères, le renseignement suivant : Le duc de Reichstadt a été confirmé la semaine dernière par le cardinal-archiduc Rodolphe, dans la chapelle de l'Empereur, à Baden. Il fut conduit à l'autel par l'Empereur. On assure que Sa Majesté lui donnera incessamment un régiment[13]. Ce n'étaient pas seulement les agents du ministère qui pensaient au duc de Reichstadt et à l'éventualité menaçante de son retour : M. de Talleyrand y faisait lui-même grande attention. Ses regards, rapporte Vitrolles[14], ne s'arrêtaient jamais au présent et ne se perdaient point dans un avenir éloigné, vague et incertain, mais ils s'attachaient à ce qui était prochain. Il prenait ses mesures en conséquence. Dès qu'il vit les difficultés s'amonceler devant le gouvernement du Roi, il se porta au-devant de tout ce qui pouvait le remplacer. Prenez-y garde, monsieur de Vitrolles, me disait-il dans les commencements ; le duc d'Orléans marche sur leurs talons ! et plus tard : Voyez-vous, la question se place entre le duc de Bordeaux et le duc de Reichstadt.

Qu'il songeât ou non à un glorieux avenir, le jeune prince se livrait avec acharnement à l'étude, et particulièrement à celle de l'histoire. Dans ce genre, affirme le capitaine Foresti, il avait certainement plus de lectures qu'aucun jeune homme de son âge, lorsque le baron d'Obenaus commença à lui donner des leçons formelles et systématiques sur l'histoire universelle... Foresti ajoute que, dès qu'il eut atteint sa quinzième année, le comte de Dietrichstein se fit un devoir de mettre sous ses yeux tous les écrits, sans exception, qui avaient été publiés sur l'histoire de son père et sur la Révolution française. Le comte lui parla toujours sur ce thème délicat avec franchise et les convenances nécessaires. Aussi personne n'avait lu et ne savait autant que lui à cet égard[15]. On voit donc, contrairement à une légende trop accréditée, qu'on ne voulait ni étouffer son intelligence, ni lui cacher ses origines. Cependant, M. de Montbel affirme qu'il n'avait encore sur l'histoire de Napoléon que les notions généralement reçues, et qu'il fallait lui apprendre à discerner la vérité, au milieu d'une foule d'écrits inexacts ou passionnés. L'empereur d'Autriche, préoccupé du développement moral de son petit-fils, manda le prince de Metternich et l'invita à parler au prince impérial de son père, en toute sincérité. Il lui aurait même dit : Ne lui cachez à cet égard aucune vérité ; enseignez-lui à vénérer sa mémoire !... Ces paroles furent répétées par M. de Metternich à M. de Montbel, qui les reproduisit dans son ouvrage. Cet honorable écrivain ne s'est peut-être pas assez dégagé de l'influence qu'exerçait sur lui un homme d'État éminent, auquel il reconnaissait plus qu'à tout autre le pouvoir de répondre aux intentions du monarque. Il n'est pas un passage de son livre où il ne rende, perpétuellement et sans aucune restriction, un hommage pompeux à la sagesse, aux lumières, au désintéressement et à la bonté du prince de Metternich. Mais certaines parties ont été visiblement écrites sous sa dictée, ce qui en diminue quelque peu l'autorité et l'impartialité[16]. Tout en ne contestant point la haute impulsion imprimée par le ministre aux études historiques du jeune prince, tout en avouant son habileté et son expérience en cette matière, je ne puis croire cependant qu'il ait tracé un tableau fidèle de la carrière de Napoléon, qu'il ait séparé consciencieusement le juste de l'arbitraire, l'impérieux du violent, le superbe de l'exagéré. Il eût fallu pour cela une équité parfaite, un empire sur soi-même qu'une froideur et un calme apparents ne suffisent point à inspirer. Il eût fallu, pour juger un être aussi extraordinaire et aussi complexe que Napoléon, attendre le recul des années et des événements ; ce n'est point cinq ou six ans après sa mort que ce jugement était possible.

Le prince de Metternich, d'ailleurs, avait été trop l'adversaire acharné et l'ennemi personnel de l'Empereur pour pouvoir porter sur sa vie entière, et devant son fils, une appréciation équitable. M. de Montbel nous assure que le tableau qu'il en fit avait pour objet de démontrer que l'abus des mêmes qualités comme l'abus des mêmes défauts contribuèrent à élever Napoléon au faîte de la puissance et à le précipiter. Je le veux bien, mais l'admirateur de Metternich a une réflexion surprenante que je tiens à relever ici : Il manquait à Napoléon une qualité essentielle qui, seule, peut assurer le bonheur des peuples et la solidité des trônes : la modération ; mais sans la modération, il ne serait jamais parvenu à l'Empire. Si le prince de Metternich dans ses hautes instructions a employé des naïvetés de ce genre, il a dû faire sourire plus d'une fois son illustre élève. Mais, qu'on se rassure, il ne fut point naïf. Et d'ailleurs, pour juger ce qu'il lui dut dire, nous n'avons qu'à examiner un peu la Biographie de Napoléon qu'il a insérée dans ses Mémoires[17] et dont le duc de Reichstadt eut certainement la primeur, si ce n'est par le texte lui-même, au moins par les idées.

Metternich veut bien reconnaître à l'Empereur une rare sagacité, une persévérance infatigable à accomplir ses desseins, un esprit de domination actif et clairvoyant, une remarquable adresse. Il avoue que Napoléon n'éprouvait aucune difficulté ni aucune incertitude dans l'action, qu'il allait toujours droit au but ; qu'il avait horreur des idées vagues et de la fausse philosophie ; qu'il aimait les aperçus clairs et les résultats utiles. Il dit qu'il était législateur, administrateur et capitaine par son seul instinct. Il consent même à admettre qu'il avait du génie pour les grandes combinaisons militaires et qu'il était toujours à la place, dangereuse ou non, du chef d'une grande armée. Il le voit ayant l'unique passion du pouvoir, maître de lui-même, des hommes et des événements. Il le montre encore facile et bon dans la vie privée, indulgent jusqu'à la faiblesse, simple et même coulant dans la société intime, toujours bon fils et bon parent. Ni l'une ni l'autre de ses épouses, ajoute-t-il, n'ont jamais eu à se plaindre de ses procédés. Il rend hommage à la force de son caractère, à l'activité et à la lucidité de son esprit, au charme de sa conversation, à l'abondance de ses idées et à la clarté de ses conceptions, à sa facilité d'élocution ; à sa mémoire, assez riche de noms et de faits pour en imposer à ceux dont les études étaient moins solides que les siennes ; à ses facultés naturelles, qui suppléaient au savoir ; à son mépris pour tout ce qui était petit. Passant aux défauts, il cherche tout de suite, en grand seigneur qui seul croit avoir le sentiment de la grandeur et des convenances, à le déprécier et même à le ridiculiser. Il dépeint sa figure courte et carrée, sa tenue négligée, ses vains efforts pour se rendre imposant, sa gaucherie dans la tenue, son désespoir de ne pouvoir hausser sa taille et d'ennoblir sa tournure, sa marche guindée sur la pointe du pied et un bizarre mouvement du corps, copié des Bourbons, ses poses enseignées par Talma et sa joie de se retrouver dans ce comédien. Il blâme son manque de savoir-vivre et de politesse. Si Napoléon invoque souvent l'histoire, cela ne l'empêche pas d'avoir une connaissance imparfaite des faits historiques. L'auteur du Concordat soutient la religion, mais c'est plutôt chez lui une affaire de sentiment que de politique éclairée. Napoléon ne nie pas la vertu et l'honneur, mais il croit que tout homme n'a d'autre mobile que l'intérêt. En se défendant d'avoir usurpé le trône de France, il ne cherche qu'à s'étourdir et à dérouter l'opinion. Il dit bien que son origine est le 18 brumaire, mais il attache cependant beaucoup de prix à la noblesse de sa naissance et à l'antiquité de sa famille. Sensible aux malheurs bourgeois, il ne recule jamais devant la somme immense des souffrances individuelles pour assurer l'exécution de ses projets. Il est généreux, mais d'une générosité intéressée. S'il attache les hommes à sa fortune, c'est pour les compromettre. Sans doute, il est impossible de lui dénier de grandes qualités, sans doute, il a de la force, de la puissance, de la supériorité, mais ce sont des termes plus ou moins relatifs. Et Metternich en arrive à cette conclusion impertinente : L'opinion du monde est partagée et le sera peut-être toujours sur la question de savoir si Napoléon méritait le titre de grand homme.

Qu'est-il donc le vainqueur, de Marengo, d'Austerlitz, d'Iéna et de Wagram, aux yeux de cet homme si infatué de lui-même ? Un météore qui n'a eu qu'à s'élever au-dessus des brouillards d'une dissolution générale ! Cependant, ses succès ont eu un éclat inouï. Soit ; mais leur éclat diminue à proportion de la facilité qu'il a eue à les obtenir. Comment contester qu'il a eu à combattre des résistances opiniâtres, des rivalités et des passions prodigieuses, des adversaires formidables ?... Ici, oubliant qu'il réduit à rien le prestige de l'Europe dont il s'est fait le défenseur, Metternich abaisse tout pour abaisser le héros. Les résistances étaient amorties par la lassitude universelle, les rivalités impuissantes, les passions misérables, les adversaires désunis et paralysés par leur désunion. Aussi ne faut-il pas s'exagérer l'idée de la grandeur de Napoléon. Il se disait bien le successeur de Charlemagne, mais la suprématie qu'il voulait exercer sur l'Europe n'était que l'idéal défiguré et exagéré de l'empire de Charlemagne. Tout au plus Napoléon paraissait-il être comme un chef d'atelier qui commande à des ouvriers. Son orgueil était si démesuré qu'il ne comprenait pas comment le monde pouvait aller sans lui. L'édifice qu'il avait élevé avait paru colossal, mais formé de matériaux pourris et sans consistance, il avait croulé de fond en comble. Restaient enfin les écrits de l'Empereur, qui passionnaient et émouvaient l'univers. Il ne fallait point y attacher de l'importance, parce qu'ils le montraient non pas tel qu'il était, mais tel qu'il voulait paraître. Voilà quel était l'historien chargé par François II de faire connaître l'empereur Napoléon à son fils[18] !

J'aimerais à croire, cependant, que dans ses entretiens avec le prince impérial, le premier ministre de François II sut mettre de côté les récriminations, les insinuations et les rancunes qui font du portrait de Napoléon une gravure trop poussée au noir. M. de Montbel, qui alla prendre ses inspirations auprès de M. de Metternich, n'a point remarqué cela. Il se confond en admiration devant les leçons du prince ; il dit, de confiance, que le duc de Reichstadt recevait ces hautes instructions avec un grand empressement. Il nous le présente allant consulter Metternich dans tous ses doutes à propos des ouvrages historiques contemporains, lui soumettant ses observations, recevant de lui des indications précises, interrogeant son expérience et son habileté sur les événements auxquels il avait pris part, examinant les pièces diplomatiques, tous les documents qui montrent l'histoire dans sa nudité, et non déguisée sous ces ajustements fantastiques dont se plaisent à la revêtir les passions intéressées des partis ou les rêveries de quelques imaginations brillantes. Je sais, par expérience, comment il faut lire ces pièces diplomatiques, quelle valeur il faut leur attribuer, quel soin il faut mettre à en saisir le sens déguisé, — car il est peu de documents aussi ambigus, aussi mystérieux, aussi faux, — et je me demande si le diplomate qui voulait former le jeune Napoléon à l'étude exacte de l'histoire avait l'impartialité nécessaire. Comment aurait-il pu être dévoué aux intérêts du prince impérial, l'homme qui disait à Vitrolles, en mars 1814, au moment où il devait soutenir les intérêts de Marie-Louise et du roi de Rome : Croyez-vous que nous nous regardions comme liés par les intérêts de notre archiduchesse et de son fils ? Il n'en est rien. On ne sacrifié pas le salut des États à des sentiments de famille, et la perspective même d'une régence qui donnerait le pouvoir à l'Impératrice et à son fils ne nous détournerait pas de poursuivre les conditions nécessaires à l'existence des États européens. L'Autriche se suffit à elle-même. Elle ne doit pas compliquer sa situation en embrassant des intérêts qui lui sont étrangers[19]. Comment eût-il été sincère l'homme qui disait le 25 janvier 1814 à Alexandre : Le jour de la chute de l'Empire, il n'y aura de possible que le retour des Bourbons. Jamais l'empereur François ne soutiendra un autre gouvernement que le leur ; et le 11 avril suivant, sans se préoccuper de la différence de ses déclarations : Le vœu sincère du cabinet d'Autriche était de faire la paix avec Napoléon, de limiter son pouvoir, de garantir ses voisins contre les projets de son ambition inquiète, mais de le conserver, lui et sa famille, sur le trône de France ? Comment eût-il été honnête le ministre qui avait fait grand maître de la maison de Marie-Louise ce Neipperg qui, après avoir été son amant, devenait son époux morganatique ? Comment eût-il pu montrer une véritable sollicitude au duc de Reichstadt, lui qui se préoccupait de faire légitimer les enfants nés de cette union singulière et de leur assurer une situation à la Cour ? N'avait-il pas, d'ailleurs, fait du fils de Napoléon un prisonnier dont les moindres paroles, les moindres gestes, les moindres écrits étaient surveillés ?... M. de Montbel approuve cependant cette surveillance et déclare qu'il fallait préserver le prince de la rencontre de personnes dont on pouvait suspecter les intentions.

Était-ce bien le guide qu'il fallait au roi de Rome, le diplomate qui se faisait honneur d'une duplicité de carrière, d'une souplesse et d'une dextérité si éloignées de la franchise ordinaire, qui avait osé qualifier la France de peuple dégradé ? Pouvait-il réellement inspirer des sentiments français au prince impérial, celui qui, depuis la Révolution, poursuivait notre pays d'une haine infatigable, qui le dénonçait sans cesse comme un pays menaçant pour l'Europe ; qui, l'ayant réduit à d'étroites limites, aurait voulu le mutiler davantage ; qui avait fait mettre Napoléon au ban de l'Europe et l'avait désigné à la vindicte populaire ; qui avait contribué à son cruel exil et à sa mort prématurée sur le rocher de Sainte-Hélène ? Il est vrai qu'il ne doutait de rien le chancelier qui disait un jour à un historien impressionné par ses confidences : Je suis un peu le confesseur de tous les cabinets. Je donne l'absolution à celui qui a le moins de péchés, et je maintiens ainsi la paix du monde ![20] Je doute fort qu'il y ait eu de la part du duc de Reichstadt un vif empressement à se rapprocher du prince de Metternich. Le bel ambassadeur qui, jadis, se faisait un devoir de se signaler par une grâce et une afféterie toutes mondaines, était devenu sec et gourmé. Son visage pâle avait pris une impassibilité rigide, que ses courtisans appelaient sublime et où les hommes indépendants ne voyaient que la marque d'une importance et d'une suffisance extraordinaires. Sa confiance en lui-même et sa présomption superbe, ses habitudes d'égoïsme et de dissimulation, ses instincts d'expédients et de haute comédie qui en faisaient un acteur consommé, ne pouvaient amener entre lui et la nature si ouverte du jeune prince une sympathie réelle. Le fils de Napoléon avait compris qu'il avait devant lui un homme qui ne savait pas oublier et qui était résolument prêt à se montrer hostile à la France, le jour où l'Autriche en redouterait le relèvement. Il allait apprendre, par l'étude directe de l'histoire des derniers temps, que le plus grand ennemi de son père avait été ce même prince de Metternich qui, avec une adresse et une constance incomparables, avait su endormir les soupçons de Napoléon et déterminer peu à peu sa chute.

Cette confiance que le duc de Reichstadt n'accordait pas au ministre de François II, il la témoignait par contre à son grand-père. Si l'empereur d'Autriche, dont le cœur était bon mais faible, n'avait craint d'encourir les reproches du chancelier, dont il jugeait la présence indispensable au salut de la monarchie autrichienne[21], s'il n'avait pas cru devoir céder aux exigences implacables de la politique, il eût peut-être autorisé le duc à rejoindre sa mère à Parme. Mais l'Europe voulait que l'on gardât le jeune prince à Schœnbrunn ou à Vienne, et l'Empereur se résignait à subir les volontés de l'Europe, dont le prince de Metternich aimait à se dire l'unique et officiel représentant.

 

 

 



[1] En 1825, il fut nommé conseiller de régence, puis baron. L'éducation du duc de Reichstadt devait se terminer en juin 1831.

[2] Il visita, entre autres, à cette époque, les champs de bataille d'Austerlitz et de Wagram.

[3] Il lut, entre autres, Montholon, O'Meara, Gourgaud, Antommarchi, Fleury de Chaboulon, Las Cases, Ségur, Pelet, Benjamin Constant, Massina, Arnault et le Mémorial de Sainte-Hélène, sans compter plusieurs écrits allemands.

[4] Correspondance de Marie-Louise, année 1822, p. 230, 231.

[5] Paris, 1838, t. I.

[6] Journal du maréchal de Castellane, t. II.

[7] Archives des Affaires étrangères, Parme, vol. 5.

[8] Cette omission avait déjà choqué le comte de Neipperg, car, le 23 novembre 1817, un agent des Affaires étrangères informait le duc de Richelieu que Neipperg lui avait renvoyé l'enveloppe d'une dépêche officielle qu'il avait reçue ouverte de la façon la plus inconvenante, et que même on s'y était permis de biffer sur l'enveloppe le titre de Majesté adressé à Sa Majesté l'archiduchesse, duchesse de Parme. Le directeur des postes, interpellé à ce sujet, jura, en s'excusant fort, que cette infidélité ne pouvait être attribuée à aucun bureau français. (Affaires étrangères, Parme, vol. 5.)

[9] 13 décembre 1827. Affaires étrangères, Parme. — Lamartine annonçait en même tempe à M. de Damas que la duchesse de Parme voulait contracter un emprunt de dix millions chez Rothschild. Le banquier exigeait la garantie et la signature du duc de Lucques. Celui-ci y avait consenti, mais à la condition d'avoir un million sur les dix. Rothschild avait en outre prie hypothèques sur la totalité des domaines de Parme, qui se montaient à trente millions. La terre de Borgo San'Domino, que possédait la mère du duc de Lucques, avait été vendue autrefois à Marie-Louise, qui en avait formé un majorat en faveur d'un enfant de Neipperg. Le nouvel emprunt était officiellement affecté aux dépenses du cadastre et d'un grand théâtre nouveau. Mais on assure qu'à peu près le tiers de cette somme, (lisait le secrétaire, est destiné à acheter des terres et des rentes pour les enfants de l'archiduchesse, de sorte que la dette de l'État ne sera que peu ou point diminuée par cette opération. (Affaires étrangères, Parme.) Les trois enfants nés de l'union secrète de Marie-Louise et du comte de Neipperg étaient le prince de Montenuovo et deux filles, dont l'une épousa le comte de San Vitale.

[10] Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 406.

[11] Archives nationales, F7 6979.

[12] Archives nationales, F7 6975.

[13] Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 409.

[14] Mémoires de Vitrolles, t. III, p. 455.

[15] Entretiens de Foresti et de Monbel.

[16] Voir Mémoires de Metternich, t. V, p. 265, 266.

[17] Tome I.

[18] Or, ce Napoléon était celui que Metternich avait flatté comme tant d'autres, celui dont Talleyrand a dit : Les trois hommes qui ont reçu sur la terre le plus de louanges sont Auguste, Louis XIV et Napoléon... Je n'ai pas vu à Erfurt une seule main passer noblement sur la crinière du lion. (Mémoires, t. I.)

[19] Mémoires du baron de Vitrolles.

[20] CAPEFIGUE, Les diplomates européens, t. Ier, 1843.

[21] Metternich l'avait fait croire à beaucoup et le croyait lui-même. Que feriez-vous, prince, lui demandait un jour le vieux général de Gerzelles, si vous n'étiez plus en activité ?Vous admettez là, répliqua Metternich avec raideur, un cas qui est impossible. Cela se vit pourtant en 1848. Mais même après l'insurrection qui le força à déposer le pouvoir et à quitter l'Autriche pour se réfugier en Angleterre, Metternich continua à se juger infaillible. Il dit un jour à M. Guizot, amené sur le même sol par la Révolution, que l'erreur n'avait jamais approché de son esprit. Vous êtes bien heureux ! repartit M. Guizot. Moi, cela m'est arrivé quelquefois.