§ 1. LES DEUX LOTHAIRES. L’histoire de la Lotharingie, comme État distinct, ne commence qu’à l’avènement de Lothaire II ; mais parmi les faits généraux du règne de Lothaire tr, il en est qui servirent à préparer la fondation de ce royaume. Tels sont les congrès de Meersen et l’entrevue de Lothaire avec Louis le Germanique à Liége, en 854. Jusqu’ici nous n’avons parlé qu’incidemment de ces faits ; nous croyons devoir y revenir et en faire l’objet d’une attention particulière. Pour les réunions de Meersen, nous nous trouvons en présence d’une controverse assez aigre, qui s’éleva récemment entre deux écrivains de mérite dont nous avons déjà eu l’occasion de parler. Tandis que tous les historiens distinguent deux congrès tenus à Meersen, l’un en 847, l’autre en 851, M. Gfrœrer soutient dans le premier volume de son histoire des Carolingiens, qu’il n’y en eut qu’un seul, tenu en 851. Il attribue au capitulaire de l’an 847 une date fausse, et ne le considère que comme un extrait de celui de 851, malgré l’autorité de Baluze et de Pertz, qui ont publié les deux textes sous les dates qu’ils portent dans les manuscrits[1]. Toutes les raisons que M. Gfrœrer allègue pour justifier son opinion sont tirées du silence de plusieurs passages des chroniques, dans lesquels il aurait dû être fait mention, suivant lui, de l’assemblée de 847, si réellement cette assemblée avait eu lieu. Il n’a donc à produire que des preuves négatives. Du reste, il ne tient aucun compte des différences qui se remarquent au contenu de l’un et de l’autre capitulaire, ni de ce que l’idée d’envoyer des ambassadeurs aux Bretons et aux Normans n’a pu être comme et adoptée que par le congrès de 847, alors que Normans et Bretons venaient de ravager les possessions des Francs. M. Wenck a victorieusement réfuté l’opinion de M. Gfrœrer, qui a la manie de vouloir comprendre mieux que tout autre l’histoire des Carolingiens depuis l’an 840[2]. Nous croyons pouvoir nous borner à l’indication de ces auteurs et à la mention du différend qui les sépare. Les actes des deux congrès sont assez remarquables : on y trouve le désir énergiquement exprimé par chacun des trois souverains de maintenir l’union entre eux, et d’assurer l’unité de l’empire par un parfait accord et, au besoin, par des secours mutuels. Ils promettent de conserver la législation tant ecclésiastique que civile de Charlemagne, de renoncer à toute intrigue dans les États l’un de l’autre, et de punir ceux de leurs sujets qui ne se conformeraient pas à cette résolution ; de respecter la dignité et l’honneur de l’Église, et de lui faire restituer tous les biens qu’elle possédait légitimement du temps de l’empereur Louis. Les déprédations qui jusqu’alors s’étaient exercées quasi légitimement ne doivent plus être tolérées dans l’empire. II est statué que des missi seront envoyés dans toutes les provinces, pour entendre les plaintes des pauvres et des opprimés, et pour juger les coupables, qui ne resteront plus impunis en passant d’un royaume dans l’autre. Tels sont les sept premiers articles du capitulaire de 847. Une disposition spéciale de l’article 8 prévoit le rapt, et garantit la punition des ravisseurs de femmes dans les trois royaumes. Les territoires départis à chacun des rois par le dernier partage, celui de Verdun, doivent leur être conservés intacts, et si l’un d’eux vient à mourir, sa part doit revenir à ses descendants, sous la condition que les neveux garderont l’obéissance dite à leurs oncles. Il est enfin résolu que des ambassadeurs seront envoyés aux Bretons et aux Normans, pour les exhorter, au nom des trois souverains, à demeurer en paix avec l’empire. Cette dernière résolution ne fut point sans résultats. Nous voyons en effet que vers cette époque, ou peu de temps après, Lothaire accorde à borie, l’un des chefs normands, l’investiture du comté de Dorestadt, et Charles concède à un autre chef de Normans, Godefrid, un comté sur les rives de la Seine. Nomenoë étant mort, Charles le Chauve reconnaît comme roi des Bretons son fils Erispoë, qui vient le trouver à Angers et lui rendre hommage comme vassal. Il est bien évident, d’après cela, que la résolution d’envoyer des ambassadeurs aux Normans et aux Bretons fut prise au Congrès de l’an 847 : car on ne voit rien de semblable se produire après le congrès de 851. Quant au reste, les circonstances n’étaient pas changées lorsque les trois frères se réunirent pour la seconde fois à Meersen. Aussi est-il vrai que la majeure partie du contenu des onze articles du capitulaire de 847 se trouve répétée dans les huit articles de l’acte de 851, sous une forme différente. Les rois, de commun accord avec les grands de leurs royaumes, se promettent d’oublier leurs anciennes discordes, de ne rien entreprendre l’un contre l’autre ; ils s’engagent à refuser un asile dans leurs États à ceux qui seraient poursuivis, soit par la puissance royale d’un de leurs frères, soit par l’autorité ecclésiastique des évêques ; à étendre leur alliance aux enfants l’un de l’autre et à garantir aux fils de celui des trois qui viendrait à mourir l’héritage de leur père. Ils prennent aussi l’engagement de respecter les droits de leurs vassaux. L’entrevue de Lothaire avec Louis le Germanique à Liége est passée sous silence par Sismondi et par M. H. Martin[3], malgré les proclamations publiées par Lothaire et Charles à cette occasion[4]. Louis avait été convié à se joindre à eux ; le capitulaire dit expressément que les deux rois l’ont invité à plusieurs reprises, mais vainement, à avoir une conférence avec eux et leurs fidèles. Ce qui donna lieu à cette réunion, c’est probablement la démarche faite par les Aquitains auprès de Louis le Germanique, lorsqu’ils offrirent la couronne à son fils pour qu’il vînt à leur secours. Les Annales de Saint-Bertin s’expriment ainsi à ce sujet : Charles, suspectant la bonne foi de son frère Louis, vint trouver Lothaire à Liége, où ils traitèrent ensemble de la paix commune ; ils la confirmèrent ensuite devant tous les assistants par un serment solennel, en se recommandant l’un à l’autre leurs fils, leurs fidèles et leurs royaumes[5]. Le capitulaire se termine en effet par un serment, dont l’objet principal est la garantie mutuelle des possessions des deux rois, pour eux et leurs héritiers, contre les entreprises éventuelles de Louis le Germanique et de ses fils[6]. Si l’on en croit les Annales de Saint-Bertin, une réconciliation se fit peu de temps après, et les trois frères s’unirent par les liens de la paix. Mais ces annales ajoutent cependant que Charles, revenu d’Aquitaine, invita son frère Lothaire à son palais d’Attigny, et qu’ils y confirmèrent la convention qu’ils avaient faite précédemment. Un capitulaire d’Attigny, du mois de juin 854, contient en effet le renouvellement des promesses et des serments de Liége[7]. C’est après ce nouveau traité que Charles le Chauve força le fils de Louis le Germanique à abandonner les Aquitains et à retourner chez son père. Au commencement de l’année 855, l’empereur Lothaire fit le partage de ses États entre ses trois fils, et se retira malade à l’abbaye de Prum ; il y mourut le 28 septembre de la mène année. L’aîné de ses ails, Louis II, eut l’Italie avec le titre d’empereur ; le second, Lothaire, eut la partie de l’Austrasie qui depuis lors prit le nom de Lotharingie ; le troisième appelé Charles entra eu possession du royaume de Provence, contenant les pays situés entre le Rhône et les Alpes. Bien que Charles le Chauve saisit toujours avec empressement les occasions d’envahir les États de ses frères ou de ses neveux, il ne paraît pas que les fils de Lothaire aient rencontré le moindre obstacle à la prise de possession de leur héritage. C’est que leur oncle lui-même se trouvait dans une position des plus critiques. Son royaume était envahi par les Normans et les Sarrasins, et il n’avait pas la force de les repousser. Les grands de Neustrie et d’Aquitaine, indignés de son inaction, voulaient le déposer. Ce fut alors qu’ils appelèrent à leur secours Louis le Germanique, qui semblait avoir conservé assez de puissance pour défendre l’empire des Francs. On conçoit donc que Charles le Chauve n’ait pu songer dans ce moment à inquiéter les héritiers de son frère ; il avait plutôt besoin de leur assistance. Pour ce qui concerne particulièrement la Belgique, le capitulaire de Saint-Quentin nous apprend que jusqu’au mois de mars 857, Charles le Chauve n’avait eu aucun rapport avec le roi de Lotharingie, et qu’à cette époque seulement il y eut un rapprochement entre le roi Lothaire II et son oncle[8]. Il est dit dans ce traité, que depuis la mort de l’empereur Lothaire, avec qui Charles le Chauve avait des relations de bonne amitié, son fils Lothaire II n’avait pas encore pu faire connaître quelles étaient ses intentions au sujet de cette alliance ; mais que les cieux rois s’étant réunis, il a déclaré vouloir maintenir et confirmer tous les engagements de son père. En conséquence, les deux rois promettent mutuellement de se soutenir et assister contre tous leurs ennemis, tant de l’intérieur que du dehors ; et les fidèles de l’un et de l’autre, présents à la réunion, déclarent qu’ils sont prêts à aider, dans la mesure de leur force, à l’exécution de ce traité. Le grand événement du règne de Lothaire II, c’est son divorce et le procès qu’il fit à la reine Theutberge. Il avait épousé, en 856, cette princesse, qui était fille du comte Boson de Bourgogne. Il la répudia dès l’année suivante, en l’accusant d’avoir commis un inceste avec son frère Humbert, abbé de Saint-Maurice en Valais. Le véritable motif paraît avoir été l’amour de Lothaire pour Waldrade, qui était nièce de Gauthier, archevêque de Cologne, et parente de l’archevêque de Trèves. La reine se purgea de l’accusation portée contre elle par l’épreuve de l’eau bouillante, qu’un champion subit pour elle sans éprouver aucun mal. M. Laurent raconte avec beaucoup de détails toutes les péripéties de ce drame[9]. Dans les premiers jours de l’an 860, dit-il, se réunirent à Aix-la-Chapelle, Gauthier, archevêque de Cologne, Teutbaud, archevêque de Trèves, les évêques de Metz et de Tongres, des abbés et des seigneurs. Lothaire leur dit que le bruit public accusait la reine Theutberge d’un crime qui ne lui permettait pas de la garder pour femme ; il ordonna aux évêques et aux abbés d’aller trouver Theutberge et de lui demander la vérité. A leur retour ils dirent au roi : La reine a confessé à Dieu et nous qu’elle a commis, bien qu’en souffrant violence, un crime honteux à dire, et pour lequel elle se juge indigne d’être votre épouse ; elle demande la liberté de se retirer dans un monastère pour faire pénitence. Au mois de février suivant, tous les seigneurs de la Lotharingie s’assemblèrent à Aix-la-Chapelle. Outre les archevêques, évêques et abbés qui avaient assisté à la première réunion, il s’y trouvait les évêques de Verdun, de Rouen, de Meaux et d’Avignon. Theutberge avoua publiquement son crime dans cette assemblée ; et, pour plus de garantie, elle remit au roi, en présence des évêques, un papier contenant sa confession écrite. La reine fut soumise à une pénitence publique, et puis enfermée dans un monastère. Mais elle parvint à s’échapper et s’enfuit auprès de son frère Humbert, qui était ‘marié, quoique prêtre et abbé. De là, elle protesta contre le jugement qui la condamnait, et adressa ses réclamations au pape. Charles le Chauve reçut Theutberge et son frère sous sa protection ; il donna au dernier l’abbaye de Saint-Martin de Tours. Hincmar, archevêque de Reims, se chargea de prouver que, quand même Theutberge se serait rendue coupable d’inceste avant son mariage, ce n’était pas une raison suffisante pour prononcer le divorce[10]. Au mois d’avril 862, les évêques du royaume de Lothaire étant réunis en concile à Aix-la-Chapelle, le roi demanda le divorce. Il déclara que, suivant la décision des évêques, il s’était séparé de Theutberge ; qu’il était prêt à expier comme ils le lui prescriraient les péchés qu’il avait commis depuis par fragilité ; mais qu’il ne pouvait se passer de femme, et que c’était aux évêques à le secourir en ce péril extrême. Le concile autorisa le divorce[11], et, par conséquent le mariage de Lothaire avec Waldrade. Dewez attribue à Adventius, évêque de Metz, l’invention d’une sorte de roman, suivant lequel Waldrade, dès sa tendre jeunesse, aurait été mariée à Lothaire par le père du roi ; mais après la mort de l’empereur, Lothaire aurait été forcé d’épouser Theutberge[12]. Le pape Nicolas Ier, que l’histoire représente comme un esprit altier, un caractère inflexible, nourrissant des idées de domination universelle, saisit avec empressement cette occasion si favorable à ses vues. Intervenant d’une manière directe, comme le défenseur de la morale publique, il fit convoquer un concile à Metz, et y envoya deux légats, Haganon et Rodoald, pour l’y représenter. Si l’on en croit les Annales de Metz, les légats du pape se laissèrent circonvenir et gagner à prix d’argent par les partisans de Lothaire ; ils approuvèrent tout ce qui avait été fait. Le concile de Metz se prononça en faveur du mariage de Waldrade ; les archevêques de Cologne et de Trèves allèrent eux-mêmes à Rome porter cette décision. Mais le pape, sans concile, sans examen canonique, sans témoins et sans aveu des métropolitains, les déposa tous deux, et cassa la décision du synode de Metz ; il excommunia Waldrade, et alla jusqu’à menacer Lothaire de lui ôter son royaume. Il écrivit des lettres à Louis le Germanique et à Charles le Chauve, qui eurent à cette occasion une entrevue à Douzy, en 86à ; c’est là probablement que naquit la première idée du partage des États de Lothaire. L’évêque de Liége, Francon, qui était suffragant de Gauthier et avait voté avec lui au concile de Metz, fut interdit par le pape. Il ne parvint à se faire réhabiliter qu’en demandant pardon de sa faute. Fisen tâche de démontrer que Francon n’assista point au concile de Metz, en 863 ; mais Foullon prouve qu’il y fut ; que le pape Nicolas Ier le condamna à raison de ce fait, et qu’il le gracia ensuite, en 865[13]. Lothaire n’essaya point de lutter contre le pape ; il se soumit et reprit sa femme légitime ; mais elle-même finit par demander son divorce au souverain pontife, alléguant que Lothaire, avant de l’épouser, avait été marié à Waldrade. Ce procès scandaleux occupa le monde chrétien pendant près de quinze ans. Le pape Nicolas Ier n’en vit point la fin. C’étaient des affaires de ce genre qui absorbaient l’attention des hommes d’État, pendant que le pays était ravagé par les Normans. L’enlèvement de la fille de Charles le Chauve par le comte Baudouin est de la même époque : c’est encore une des grandes affaires politiques de ce temps. La mort de Lothaire II fui précédée de circonstances qui, si elles sont telles que les chroniqueurs les rapportent, peuvent donner lieu à d’étranges suppositions. Lothaire était entré en Italie avec une armée, pour seconder l’empereur Louis dans la guerre qu’il faisait aux Sarrasins du duché de Bénévent. Il avait rendu de grands services au saint-siège, menacé par les musulmans jusqu’aux portes mêmes de Borne. Adrien, qui avait succédé à Nicolas, lui permit de venir à Rome, pour se purger des accusations qui pesaient contre lui, ou, s’il était coupable, pour s’en laver par la pénitence. Lothaire rentra en Italie au mois de juin 869. Adrien l’invita avec tonte sa cour à une communion solennelle, qui dût avoir lieu vers la fin de juillet. Ce qui se passa alors est si exorbitant, que nous laisserons parler les Annales de Metz : Après la messe finie, le
souverain pontife, prenant en ses mains le corps et le sang du Seigneur,
appela le roi à la table du Christ, et lui parla ainsi : Si tu te
reconnais pour innocent du crime d’adultère, pour lequel tu fus interdit par
l’empereur Nicolas, et si tu as bien arrêté dans ton cœur de ne jamais plus,
dans tous les jours de ta vie, avoir un commerce coupable avec Waldrade ta
maîtresse, approche-toi avec confiance et reçois ce sacrement de salut, qui
sera pour toi le gage de la rémission de tes péchés et de tout salut éternel.
Mais si dans ton âme tu t’es proposé de céder de nouveau aux séductions de ta
maîtresse, garde-toi de prendre ce sacrement, de peur que ce que le Seigneur
a préparé pour remède à ses fidèles ne se change pour toi en châtiment.
Lothaire, avec l’esprit égaré, reçut, sans se rétracter, la communion des mains
du pontife. Après quoi Adrien, se tournant vers les compagnons du roi, leur
offrit à chacun la communion en ces termes : Si tu n’as point prêté ton
consentement aux fautes de ton roi Lothaire, et si tu n’as point communié
avec Waldrade, ou avec les autres que le saint- siège a excommuniés, puisse
le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ te servir pour la vie
éternelle ! Chacun d’eux, se sentant compromis, prit la communion avec une
audace téméraire ; chacun mourut par un jugement divin, avant le premier jour
de l’année suivante. Il y en eut un très petit nombre qui évitèrent de
prendre la communion, et qui réussirent ainsi à se soustraire à la mort.
Lothaire lui-même, en sortant de Rome, fut atteint de la maladie, et en
arrivant il Plaisance il y mourut le 8 août[14]. Si cette histoire est vraie, c’est une des plus affreuses tragédies politiques du moyen âge. On ne pourrait l’attribuer qu’au désir de faire passer les États de Lothaire aux mains de Charles le Chauve, et de reconstituer autant que possible l’unité de l’empire. Mais nous aimons mieux croire que ce récit n’a de fondement que dans l’imagination de son auteur, qui probablement était un moine. L’attente d’un miracle rendait sans doute indifférent pour sa conscience, comme dit Sismondi[15], que la chose présentée fût salubre ou mortelle. Dans sa conviction, l’aliment le plus sain devait se changer en poison pour le coupable, comme le poison devait devenir un aliment salutaire pour l’innocent. S’il n’avait pas cru que le résultat dépendit uniquement du jugement de Dieu, il n’aurait pas consigné de pareilles horreurs dans ses annales. Ce qui est vrai, c’est que Lothaire fut atteint de la fièvre en arrivant à Lucques ; qu’il poursuivit sa route jusqu’à Plaisance, où il arriva le 6 août ; qu’y ayant passé la journée du lendemain, qui était un dimanche, il perdit tout à coup connaissance vers l’heure de none, et qu’enfin il mourut de bonne heure le lendemain matin[16] Il paraît que les deux Lothaires, l’empereur et le roi, ont habité l’un et l’autre le château de Chèvremont : car nous avons de Lothaire Ier une charte donnée le 9 juillet 855 in Novo Castello, et de Lothaire II une autre charte, datée du 13 avril 862, actum Novo Castro in pago Leschensi. La première est une donation faite par l’empereur Lothaire, sur la prière de sa bien-aimée Dodona, à son fidèle vassal Ebroïn[17]. Dans la seconde, Lothaire II déclare qu’obligé par le peu d’étendue de son royaume de donner une partie des possessions de l’abbaye de Stavelot à ses fidèles, il confirme à ce monastère la propriété du reste de ses possessions, ordonne aux bénéficiaires de payer à l’abbaye la dîme des terrains concédés, et lui fait donation, pour qu’elle puisse se fournir de vin, de la chapelle du domaine fiscal de Croeve[18]. Un troisième diplôme de la même date, 13 avril 862, porte également dans sa souscription les mots in Novo Castro[19]. § 2. PARTAGE DE LA LOTHARINGIE. Lothaire étant mort sans laisser d’enfants légitimes, c’était son frère aîné, l’empereur Louis, qui devait lui succéder. Mais Charles le Chauve se fit couronner roi de Lotharingie le à des ides de septembre 869, par les évêques réunis dans l’église de saint Étienne à Metz[20]. L’archevêque Hincmar ne fut pas étranger à cet acte d’usurpation. Dans le capitulaire qu’il publia à cette occasion[21], il explique sa conduite, disant que les églises de Belgique sont sœurs de celles de Reims et de Trèves, et qu’il a pu s’immiscer dans leurs affaires sans violer les canons. L’évêque de Liége Francon assista également à l’assemblée de Metz et au couronnement de Charles le Chauve[22]. Celui-ci alla ensuite s’installer à Aix-la-Chapelle, mais il n’y resta pas longtemps ; les envoyés de Louis vinrent bientôt le sommer de se retirer. Ce fut alors que Charles proposa de partager le royaume de Lothaire ; Louis le Germanique y consentit, et les cieux rois convinrent de se réunir pour procéder à ce partage. Charles vint à Herstal et Louis à Meersen. La conférence devait avoir lieu sur les bords de la Meuse, dans un endroit qui s’avançait un peu dans cette rivière, à une égale distance d’Herstal et de Meersen[23]. Cet endroit est appelé, dans la charte de l’an 870, Procaspide super fluvium Mosam ; c’est probablement le promontoire de Navagne qui se trouve exactement à mi-chemin d’Herstal à Meersen[24]. Les deux rois s’y rendirent accompagnés chacun de quatre évêques, de leurs conseillers et de leurs vassaux. Nous possédons le texte de cette division du royaume de Lothaire, tiré de diverses sources et coordonné par les éditeurs. On le trouve dans l’ouvrage de Dom Bouquet et dans la collection de Miræus (t. I, p. 98). M. Pertz l’a réimprimé dans le t. 1er de ses Leges (p. 516) ; il l’avait déjà donné dans le t. 1er des Monumenta historica (p. 488-489), comme faisant partie des annales de Reims par Hincmar. L’acte du 9 août 870 contient l’énumération détaillée de tous les territoires, évêchés et abbayes attribués à chacun des copartageants. C’est une nomenclature qui présente un certain intérêt pour l’histoire de la Belgique ; nous avons déjà eu l’occasion de la citer plusieurs fois, lorsque nous avons fait la description des pagi. Le mode de partage adopté est bien simple : l’Ourthe et la Meuse forment la ligne principale de démarcation entre les deux parts. Charles a tout ce qui se trouve à l’occident de cette ligne : un tiers de la Frise, la partie du Masau inférieur, du Masau supérieur et du pays de Liége, qui est située sur la rive gauche de la Meuse ; Tongres, Calmont, Eyck, près de Maseyck ; le Condroz et la partie des Ardennes située sur la rive gauche de l’Ourthe ; Arlon, le pays de Voivre, Dinant, Ardenne ; le pays de Lomme ou de Namur, Fosses ; le Hainaut, Saint-Ghislain, Maubeuge, Waslare ; Lobbes, Saint-Sauve, Crespin, Maroilles, Honnecourt, Soignies, Antoing, Condé, Leuze, Haumont ; Cambrai et le Cambrésis ; le Brabant, Nivelles, Malines, Lierre, Meerbeek, Dickelvenne ; la Hesbaie, la Toxandrie ou la Campine, etc. Dans la part de Louis sont compris les deux tiers de la Frise, la Betuwe, le Teisterbant, le pays des Hattuaires, c’est-à-dire la Gueldre ; Utrecht, Susteren, Berch ; tout ce qui du Masau inférieur, du Masau supérieur et du pays de Liége, se trouve sur la rive droite du fleuve ; les districts d’Aix-la-Chapelle et de Theux ; les abbayes de Stavelot, de Prum, d’Echternach ; le pays de Bittbourg et la partie de l’Ardenne située l’orient de l’Ourthe, sauf ce qui appartient au Condroz. Ce traité avait été préparé à Aix-la-Chapelle, au mois de mars 870, par Ingelram et Théodoric, pour Charles le Chauve, par Leutfride et Bodulfe, pour Louis le Germanique. Les délégués des deux rois avaient solennellement juré, au nom de leurs maîtres, que ceux-ci se contenteraient de la part du royaume qui leur serait adjugée et que jamais ils ne chercheraient, par violence ou par ruse, à s’emparer des possessions l’un de l’autre. L’acte constatant cet engagement réciproque avait été signé par l’archevêque Leutbert, par les évêques Altfride et Ode, par les comtes Aclelelme, Ingelram, Liutfride et Théodoric[25]. Mais toutes ces formalités ne changèrent en rien les appétences de Charles le Chauve, qui pensait toujours à étendre les bornes de ses États, bien qu’il fût incapable de les défendre contre les incursions des Normans. A la mort de Louis le Germanique, le 8 août 876, il crut l’occasion venue de s’approprier la partie de la Lotharingie qu’il avait dû céder à son frère, et dont il lui avait garanti la possession. Le second fils de Louis le Germanique, Louis, roi de Saxe, eut beau chercher à l’en détourner, en lui rappelant ses engagements, Charles resta sourd La ses remontrances. Il fallut, pour le faire renoncer à ses desseins, que ce jeune prince marchât contre lui et lui livrât bataille à l’endroit dit Heyenfeld, près d’Andernach, le 8 octobre 876[26]. Charles fut vaincu, et cette tentative d’usurpation fut la dernière dont il se rendit coupable. Il termina sa calamiteuse carrière le 6 octobre de l’année suivante. Les temps écoulés depuis la mort de Charles le Chauve jusqu’à l’extinction des Carolingiens orientaux forment une période de troubles et d’anarchie dont l’histoire est fort difficile à éclaircir. Les sources manquent le plus souvent, et les événements se compliquent de telle façon qu’il n’est pas toujours possible d’en saisir le fil. Il y a anarchie dans la vie privée comme dans la vie politique : le vol, le meurtre, le brigandage et le rapt sont à l’ordre du jour ; on en trouve la preuve dans les capitulaires mêmes. Après la consolidation de la féodalité en France (877) et ses progrès en Allemagne, le pouvoir se trouva déplacé ; il était aux mains des grands vassaux et du clergé. Celui-ci, qui souvent recevait l’impulsion du pape, comme il arriva sous Jean VIII, eut une grande influence sur la marche des affaires politiques. Il soutenait le principe de la légitimité, considérant toujours le royaume des Francs comme appartenant il la lignée masculine de Charlemagne. Ce fut une source de troubles sans profit, car on créa bientôt des rois par élection, soit dans la famille carolingienne, soit hors de cette famille. Arnulphe succédant il Charles le Gros, Boson, roi d’Arles, et Ode ou Eudes, roi de Neustrie, en sont des exemples. La Belgique lotharingienne demeura partagée entre les rois de Germanie el ceux du royaume occidental, comme en 870. Le traité de cette année fut renouvelé par Louis le Bègue, fils de Charles le Chauve, et Louis de Saxe, fils de Louis le Germanique, dans un congrès tenu à Fouron[27], in loco qui vocatur Furonis, le 1er novembre 878. Nous possédons le capitulaire contenant la nouvelle convention[28], semblable sous bien des rapports aux conventions de Meersen de 847, 851 et 870. Les deux rois commencent par déclarer qu’ils entendent maintenir la division du royaume de Lothaire, telle qu’elle a été faite par leurs pères Charles et Louis ; viennent ensuite les stipulations du traité. L’article 1er contient un engagement d’amitié mutuelle ; les contractants promettent de ne pas attenter à la vie l’un de l’autre, de ne rien entreprendre soit pour usurper le royaume de leur allié, soit pour attirer ou séduire ses fidèles. L’article 2 est une promesse d’assistance mutuelle contre les insurrections des païens et des pseudo-chrétiens. Par l’article 3, les deux rois s’engagent réciproquement aider les fils de celui qui mourra le premier à monter sur le trône de leur père. L’article 4 contient l’engagement réciproque de résister aux mauvais conseils et d’éloigner les brouillons qui pourraient tenter de semer la discorde entre les deux rois. Ceux-ci s’obligent également, par une disposition de l’article 8, à ne pas accueillir ni recevoir dans leurs États les malfaiteurs et ceux qui viendraient y chercher un asile, après avoir troublé l’ordre et la paix dans le royaume voisin. Enfin, comme tous les traités précédents, celui de Fourmi garantit aux églises la conservation et la restitution de leurs biens ; il promet aussi de faire rentrer dans leurs propriétés toutes les personnes qui en ont été évincées. Le capitulaire se termine par une annotation portant qu’après la conclusion du traité, Louis, fils de Louis, retourna dans son royaume, et Louis, fils de Charles, s’en alla par les Ardennes à Longlier, où il célébra la nativité du Seigneur. A la mort de Louis le Bègue, qui eut lieu le 10 avril 879, une partie des grands de son royaume, à la tête desquels se trouvait Gozlin, chancelier de France, offrit la couronne à Louis de Saxe, à cause du trop jeune fige des fils de Louis le Bègue, peut-être aussi cause de leur naissance illégitime. Louis III et Carloman étaient nés d’Ansgarde, que leur père avait été forcé de répudier, pour épouser Adélaïde. Celle-ci était enceinte de Charles le Simple lorsqu’il mourut. Nais Louis de Saxe aima mieux se faire céder la partie de la Lotharingie que Louis le Bègue avait occupée, et renonça il la couronne de France. Par cet arrangement toute la Belgique, à l’exception de la Flandre, se trouva annexée au royaume de Germanie ; elle resta dans cette situation jusqu’à la mort de Louis IV, dit l’Enfant, en 911 : car la réunion de l’empire entier sous le sceptre de Charles le Gros (entre 884 et 887) ne changea point cet ordre de choses. C’est vers l’époque de la mort de Louis le Bègue que les Normans firent leur grande expédition dans l’Escaut ; ils débarquèrent sur la côte de Flandre, au mois de juillet 879, et brûlèrent la ville de Thérouanne. Ils vinrent ensuite s’établir à Gand, où ils restèrent pendant plusieurs années. La Belgique tout entière semble avoir été occupée, à cette époque, par les Normans. De Gand ils poussèrent leurs excursions jusqu’à la Somme ; ils entrèrent à Arras, dévastèrent la célèbre abbaye de Saint-Vaast, et détruisirent tous les couvents établis le long de l’Escaut, de la Lys, de la Scarpe, de la Somme. L’abbé Gozlin marcha contre eux, et fut battu ; mais Louis III, fils de Louis le Bègue, remporta sur eux un avantage signalé à Saucourt, à trois lieues d’Abbeville. La victoire de Saucourt a été célébrée en langue tudesque dans un poème très connu. Nous croyons devoir reproduire ici ce monument de l’histoire des Carolingiens, tel qu’il fut publié en 1845, par Willems[29], avec une traduction textuelle en flamand moderne et une traduction française. Eivan kuning weiz ih. Eenen koning weet ik. Je connais un roi, Heizsit her Hluduig. Heet hy Lodewyk. Il se nomme Louis, Ther gerno Gode thionot. Die geerne Gode dient. Qui sert Dieu volontiers ; Ih weiz ber imo-s lonot. Ik weet hy hein des loont. Je sais que Dieu l’en récompense. Kind warth lier faterlos. Kind werd hy vaderloos. Enfant, il perdit son père. Thes warth imo sar buoz. Dit werd hein aldra boet. Cette perte fût bientôt réparée. Holoda inan truhtin. Haelde hein de Heer. Le Seigneur l’appela, Magaczogo warth her sin. Jongelingsopleider werd hy van hem. Et le prit sous sa tutelle ; Gab her imo dugidi. Gaf hy hem deugdelykheid. Lui donna de la valeur, Fronisc githigini. Heerlyk dienstgezin. De joyeux compagnons d’armes, Stual hier in Vrankon. Den rykstoel hier in Frankenland. Un trône ici en France ; So bruche her es lango. Zoo gebruike hy dit lange. Qu’il les garde longtemps ! Thaz gideild’ er thanne. Dat deelde hy dan. Ces biens il les partagea Sar mit Karlemanne. Weldra met Karleman. Bientôt avec Carloman, Bruoder sinemo. Broeder zynen. Son frère. Thia czala wunniono. Dit aental van vreugden. Telle fut la somme de ses félicités. So thaz warth al gendiot. Zoo als dat was al geëindigd. Quand cela fut terminé, Koron wolda sin God. Behoren wilde hem God. Dieu voulut éprouver Ob her arbeidi. Of hy arbeid. S’il supporterait le travail, So jung tholon mahti. Zoo jong dulden mochte. Étant encore si jeune. Lietz her heidine man. Liet hy heiden- mannen. Il laissa les païens Obar seo lidan. Over zee leiden. Arriver par mer, Thiot Vrancono. ‘t Volk der Franken. Le peuple des Francs Manon sundiono. Manen des zondigen levens. Penser à ses péchés. Sume sar verlorane. Som zeer verloren. Quelques-uns furent perdus, Wurdun sum erkorane. Werden, soin verkoren. D’autres sauvés. Haranskara tholota. Straf dulden. Ils subirent leurs peines, Ther er misselebeta. Die er misselyk leefden. Ceux qui avaient mal m’eu. Ther ther alarme thiob was. Zulk die dan dief vas. Celui qui avait été voleur, In der thanana ginas. En die daervan genas. Et qui s’en était guéri, Nam sina vaston. Nam zyne vasten. Eut recours aux jeûnes, Sidh warth her guot man. Sinds werd hy een goed man. Et devint honnête homme. Sum was luginari. Som was logenaer. Tel qui avait été menteur, Sum skachari. Som schaker. Ou ravisseur, Sum fol loses. Som vol van loosheid. Ou plein de fourberie, Ind er gibuozta sih thes. En hy boette zich des. Se soumit à la pénitence. Kuning was ervirrit. De koning was verre. Le roi était éloigné. Thaz richi al girrit. Dat Ryk al verward. Le royaume était troublé. Was erbolgan Krist. Was verbolgen Christus. Christ était irrité. Leidhor thes ingald iz. Leider dit ontgold het. Le pays en souffrait. Thoh erharmed’ es Got. Doch erbarmde dit God. Mais Dieu eut pitié. Wuiss’ er alla thia not. Wist hy al dien nood. Sachant toutes ces calamités, Hiez ber Hludvigan. Hiet hy Lodewyk. Il appela Louis, Tharot sar ritan. Daer heen terstond te ryden. Pour qu’il partit à chenil. Hludvig kuning min. Lodewyk koning myn. Louis, mon roi, Hilph minan liutan. Help mynen lieden. Secourez mon peuple. Heigun sa Northman. Hebben ze de Noordmannen. Les hommes du Nord Harto bidwungan. Hard bedwongen. L’ont durement opprimé. Thanne sprah Hludvig. Dan sprak Lodewyk. Alors Louis parla : Herro so duon ih. Heer, zoo doe ik. Seigneur, je ferai, Dot ni rette mir iz. De dood niet ontrukt my dit. Si la mort ne m’arrête, Al thaz thu gibiudist. Al dat gy gebiedt. Tout ce que vous demandez. Tho nam her Godes urlub. Toen nam hy Gods oorlof. Quand il prit congé de Dieu, Huob her gundfanon uf. Hief by de strydvaen op. Il éleva le gonfanon ; Reit her thara in Vrankou. Reedt hy daerheen in Frankenland. Il chevaucha en France Ingagan Northmannon. Tegen de Noordmannen. Contre les Normands. Gode thancodun. Gode dankten. Ils remercièrent Dieu, The sin beidodun. Die zyner verbeidden. Ceux qui l’attendaient, Quadhun al fro min. Riepen alle Heer myn. Ils criaient : Monseigneur, So lango beidon wir thin. Zoo lang beiden wy u. Nous vous attendons depuis longtemps. Thanne sprah luto. Dan steak (tot de) lieden. Alors il parla aux leudes, Hludvig ther guoto. Lodewyk de goede. Le bon Louis : Trostet hiu gisellion. Troost u, gezellen. Consolez-vous, compagnons, Mine notstallon. Myne noodhelpers. Mes défenseurs : Hera santa mih God. Herwaerts zond my God. Dieu m’a envoyé ici, Joh mir selbo gibod. En my zelven gebood. Et m’a donné ses ordres. Ob hiu rat thuhti. Oft u raedzaem dochte. Si vous êtes d’avis Thaz ih hier gevuhti. Dat ik hier vochte. Que je combatte ici, Mih selbon ni sparoti. My- zelven niet spaerde. Je ne m’épargnerai pas, Unc ih hiu generiti. Tot ik u redde. Jusqu’à ce que je vous délivre. Nu will ih thaz mir volgon. Nu wil ik dat my volgen. Je veux qu’ils me suivent, Alle Godes holdon. Alle Gods vrienden. Tous les amis de Dieu. Giskerit ist thiu hier-wist. Beschoren is het hier-bestaen. Notre existence ici-bas est fixée, So lango so wili Krist. Zoo lang als wil Christus. Aussi longtemps que le veut Christ. Wili her unsa hina-varth. Wil hy onze heen-vaert. S’il veut notre trépas, Thero habet her giwalt Daerover heeft hy geweld. Il eu a le pouvoir. So wer so hier in ellian Zoo wie dat hier met krachtyver. Quiconque viendra ici avec rigueur Giduot Godes willions. Doet Gods wille. Exécuter les ordres de Dieu, Quimit he gisund uz. Komt hy gezond uit. S’il en échappe vivant, Ih gilonon imo—z. Ik loone hem des. Je l’en récompenserai ; Bilibit lier due inne. Blyft hy daer in. S’il reste parmi les morts, Sinemo kunnie. Zyn geslacht. Je récompenserai sa famille. Tho nam ber skild indi sper. Toen nam hy schild en speer. Alors il prit son bouclier et sa lance, Ellianlicho reit her. Heldhaftig reed hy. Et lança son cheval avec courage, Wuold er var errahchon. Wilde hy de waerheid betuigen, Prêt à dire la vérité Sina[n] widarsahchon. Zynen wederzakeren. À ses adversaires. Tho ni was iz buro lang. Toen en was het niet zeer lange. Il ne lia pas longtemps Fand her thia northman. Hy vond de Noordmannen. Sans trouver les Normans. Gode lob sageda. Gode lof zeide hy. Dieu soit loué ! dit-il Her sihit thes her gereda. Hy ziet wat hy begeerde. En voyant ce qu’il cherchait. Ther kuning reit kuono. De koning reedt koen. Le roi s’avança vaillamment, Sang lioth frano. Zong [een] lied heilig. Entonna un cantique saint, Joh alle saman sungun. En alle samen zongen. Et tous chantaient ensemble. Kyrie leison. Sang was gisungan. De zang was gezongen. Le chant étant fini, Wig was bigunnan. De stryd was begonnen. Le combat commença Bluot skein in wangon. Bloed scheen op de wangon. Le sang monta au visage, Spilodun ther Vrankon. Speelden daor de Franken. Les Francs commencèrent le jeu, Thar vaht thegeno gelih. Daer vocht, held iegelyk. Chacun combattait en héros, Nich ein so so Hludvig. Niet een zoo als Lodewyk. Mais pas un comme Louis. Snel indi kuoni. Snel en koen. Prompt et intrépide, Thaz was imo gekunni. Dot was hem aengeboren. Cela était inné chez lui, Suman thuruh skluog ber. Sommigen door- sloeg hy. Il renversait les uns, Suman thurub stah ber. Sommigen door- stak hy. Il perçait les autres. Her skancta ce hanton. Hy schonk t’ hans. Il versait dans ce moment Sinan fian[ton]. Zynen vyanden. A ses ennemis Bitteres lides. Bitleren drank. Une boisson amère. So we hin hio dies libes. Wee hun immer des levens. Malheur a eux d’avoir existé ! Gelobot si thiu Godes kraft. Geloofd zy de Gods kracht. La puissance de Dieu soit louée, Hludvig warth sigihaft. Lodewyk was zeeghaftig. Louis fut victorieux. Jah allen heiligon thanc. Sprak allen heiligen dank. Il rendit grâces à tous les saints, Sin warth ther sigikampf. Zyn was de zegekamp. La victoire fut à lhi ! [Fu]ar abur Hludvig. Hy voer weder, Lodewyk. Louis s’en retourna Kuning w[ig]salig. De koning strydzalig. En roi triomphant. [Joh] garo so ser hio was. En gaer zoo als hy immer was. Il fut toujours tel, So war so ses thurft was. Alwær des noods was. Quand c’était nécessaire. Gehalde ivan truhtin. Behoude hem de Heer. Que le Seigneur le conserve Bi sinan ergrehtin. By zyne gonade. Par sa miséricorde ! Il parait qu’après la bataille de Saulcourt, les Normans
se replièrent sur Gand, qui était toujours leur quartier général. M. le
chanoine De Smet, qui a publié une excellente notice sur la Renaissance de
la ville de Gand après la retraite des pirates du Nord[30], s’exprime ainsi
: La situation de Gand, au confluent de deux
rivières et près d’autres courants d’eau, avait engagé les pirates à faire de
cette ville leur place d’armes et leur résidence la plus ordinaire[31]. Ils s’y réfugièrent plus d’une fois, et en particulier
après un échec que Baudouin le Chauve leur fit essuyer dans la forêt de
Mormal, et après leur défaite beaucoup plus sanglante à Saulcourt, en Vimeu.
Leur séjour dans nos contrées se prolongea pendant plus de douze ans, marqué
par les dévastations et les cruautés les plus affreuses : ils quittèrent le
pays, quand ils l’eurent transformé en désert. La ville de Gand surtout, dont
les deux abbayes ne présentaient plus que des amas de ruines noircies par le
feu, avait perdu sa population presque entière. Ce doit être à cette époque et dans un des combats livrés
aux Normans qui se répandaient de Gand vers l’intérieur du pays, que le
célèbre Regnier, comte de Hainaut, fut fait prisonnier. On connaît l’épisode
raconté par tous les historiens du Hainaut, de la comtesse Aldrade, allant
trouver le chef des Normans pour lui demander la liberté de son mari. Je veux bien, lui dit-elle, vous donner tout ce que vous demanderez, si mon époux le veut aussi.
J’aime mieux être pauvre et le voir libre, que d’être comblée de richesses,
d’honneurs, et même de posséder le monde entier, taudis qu’il est en
captivité. S’il le désire, je suis prête, soit à me livrer en otage pour lui,
soit à partager ses fers[32]. L’homme du
Nord, touché du dévouement de la comtesse, réduisit de moitié la rançon qu’il
avait demandée, et ayant mis Regnier en liberté, il le fit conduire jusqu’à
Mons[33]. Un autre parti de Normans, à la tête duquel se trouvaient Godfrid et Sigefrid, entra dans la Meuse (en 881) et vint établir un camp retranché à Elsloo, village situé sur la rive droite de la Meuse à deux lieues au-dessous de Maëstricht, dans le pays de Fauquemont[34]. Maëstricht, Tongres et Liége furent mis à feu et à sang. Les Normans étendirent ensuite leurs déprédations dans le pays des Ripuaires, entre la Meuse et le Rhin ; les villes de Cologne et de Bonn, ainsi que les châteaux de Zulpich, de Juliers et de Nuis, et même le palais d’Aix-la-Chapelle, devinrent la proie des flammes. Les abbayes de Stavelot, de Malmédy et de Prum ne furent pas plus épargnées[35]. Louis II, roi de Germanie et de Lotharingie, ne pouvait pas venir défendre cette partie de ses États ; il était atteint d’une maladie grave, dont il mourut à Francfort, au mois de septembre 882. Les troupes qu’il avait envoyées contre les Normans se débandèrent, et ceux-ci les poursuivirent jusqu’à Coblence. Ils allèrent ensuite porter la désolation dans le territoire de Trèves ; l’antique cité romaine fut saccagée et brûlée. Metz subit le même sort ; son évêque mourut les armes à la main. Charles le Gros, qui était en Italie et que de nombreuses députations invitaient à se mettre à la tête de l’empire, vint à Worms, où, dans une diète tenue au mois de mai, l’on résolut de marcher contre les Normans. Une armée considérable fut levée à cet effet ; elle était composée de gens tirés de toutes les nations de l’empire, Lombards, Bavarois, Allemans, Thuringiens, Saxons, Frisons. Charles, à la tête de cette armée, arriva devant Elsloo, au mois de juillet. Godfrid et Sigefrid s’y étaient retranchés. Après douze jours de siège, on se décida, de part et d’autre, à traiter de la paix. Godfrid vint lui-même la négocier dans le camp de l’empereur. Les chefs normands promettaient d’embrasser le christianisme et de se retirer, pourvu qu’on leur abandonnent la partie de la Frise autrefois possédée par Hériold et Roric. Ils demandaient en outre pour Godfrid la main de Gisla, fille de Lothaire II et de Waldrade. Ces propositions furent acceptées ; Godfrid, après avoir reçu le baptême, épousa Gisla[36], et l’on compta à Sigefrid et à ses compagnons quarante mille sous d’argent, pour les engager à se retirer. Cette alliance de Godfrid avec la famille naturelle de Lothaire eut des conséquences désastreuses ; elle fit naître chez Hugues, frère de Gisla, l’espoir de rentrer en possession du royaume de son père, sauf à le partager avec le mari de sa sœur. Il parait, en effet, s’être entendu avec Godfrid pour s’emparer de la Lotharingie[37]. Reginon rapporte que tout ce qui dans le pays détestait la justice et la paix accourut à lui ; qu’en peu de jours il se trouva entouré d’une multitude innombrable de brigands — parmi lesquels il ne manquait pas de personnages considérables, tels que les comtes Étienne, Robert, Wibert, Thiebault, Alberic et son frère — ; que ces hommes se livrèrent à tant de rapines et de violences qu’ils ne différaient en rien des Normans[38]. Pour prévenir les effets de cette levée de boucliers, Charles le Gros, monarque peu capable, irrésolu, même faible d’esprit dans les derniers temps, par suite de maladie, céda à de mauvais conseils ; il fit assassiner Godfrid par un ennemi personnel, le comte Eberhard. Quant à Hugues[39], il se contenta de lui faire arracher les yeux et de le reléguer aveugle au monastère de Saint-Gall, d’où il fut ramené plus tard à l’abbaye de Prum[40]. Cette double exécution, loin d’avoir pour effet de délivrer la Belgique de la présence des Normans, ne fit que consolider leur établissement dans ce pays. Sigefrid établit à Louvain le siège principal de ses opérations ; la plus grande expédition que les Normans eussent jamais lancée contre la Gaule s’organisa dans le Brabant[41] ; leur armée se dirigea par terre et par mer sur Rouen et alla ensuite faire le siège de Paris[42]. Charles le Gros ne put sauver cette ville qu’en payant sa rançon, et en livrant aux Normans la Bourgogne, qui n’obéissait pas à l’empereur[43]. Après ce nouvel acte de faiblesse, Charles se retira malade vers le Rhin. Dans une diète qui eut lieu à Tribur, en 887, il se vit abandonné de tout le monde et tomba, comme dit un historien belge[44], du faite des grandeurs dans l’abîme du mépris et de la misère. On ne connaît de ce prince que trois diplômes concernant la Belgique. Le premier est une donation du fisc de Bodeux et de la chapelle de Bra, faite à l’abbaye de Stavelot le 13 novembre 882[45] Le deuxième est un acte expédié de Francfort, le 6 septembre, par lequel l’empereur donne à son fidèle Trudo un domaine situé dans le pagus de Courtrai[46]. Le troisième, expédié de Ratisbonne en 887, est également un acte de donation : l’empereur concède aux moines de Sainte-Marie d’Aix-la-Chapelle la villa de Bastogne en Ardenne[47], avec toutes ses dépendances. Par suite de la déposition de Charles le Gros, Arnulphe, fils naturel du feu roi de Bavière Carloman, fut proclamé roi par les grands de Germanie et de Lotharingie[48]. Les auteurs qui se sont occupés récemment de l’histoire d’Arnulphe, MM. Wenck[49] et Duemler[50], ont parfaitement éclairci les intrigues qu’il employa pour arriver à ce but. C’est un sujet que nous n’avons pas à traiter ici ; seulement nous ferons remarquer qu’il résulte des faits dont nous rendrons compte dans le chapitre suivant que les sympathies des Lotharingiens étaient plutôt pour Charles dit le Simple que pour Arnulphe. Toutefois il ne serait pas juste de méconnaître les services que le roi de Germanie rendit il la Belgique. Les Normans étaient, comme nous l’avons dit, campés à Louvain ; peut-être la ville de ce nom leur doit-elle son origine. Arnulphe aurait voulu marcher contre eux ; mais il était retenu aux extrémités de la Bavière, par les peuples slaves qui commençaient à s’insurger. Il ordonna néanmoins de former une armée sur la Meuse[51]. C’était aux environs de Maëstricht qu’elle devait se rassembler. Mais avant que toutes les troupes fussent réunies, les Normans traversèrent la Meuse près de Liége, et, laissant l’armée royale sur leurs flancs, ils allèrent se poster dans les bois et marais voisins d’Aix-la-Chapelle. Leur but était probablement de tourner l’armée d’Arnulphe et de se placer entre elle et les troupes de renfort qui devaient lui arriver du côté du Rhin. Celle-là descendit le long de la Meuse, et après avoir traversé la Gheule elle s’arrêta aux environs de Fauquemont. Une bataille fut livrée dans cet endroit, et la victoire resta aux Normans. L’armée royale fut mise en fuite et perdit beaucoup de monde. La nouvelle de cette défaite détermina Arnulphe à aller lui-même attaquer les Normans. Il se transporta avec une armée formidable aux bords de la Meuse, et après avoir accordé à ses troupes quelques jours de repos, il les mena vers Louvain, où se trouvaient les forces principales de l’ennemi. La bataille de Louvain est de tous les faits que l’histoire attribue aux Carolingiens, et qui se rapportent à la Belgique, un des plus mémorables. Depuis lors les Normans ne pénétrèrent plus dans l’intérieur du pays. La description de cette bataille nous semble devoir trouver sa place ici ; on nous permettra de l’emprunter à Sismondi, dont le récit est conforme aux sources historiques : Arnulphe arriva près de Louvain,
où les Normans ne l’attendaient pas. Mais lorsqu’il examina leur camp, il
éprouva une grande inquiétude. Les marais, la Dyle et les abatis d’arbres qui
couvraient ce camp, le rendaient inattaquable à la cavalerie ; et les Francs
n’étaient pas dans l’usage de combattre à pied. Arnulphe hésita quelque temps
avec anxiété sur ce qu’il devait faire ; enfin, appelant à lui les plus
considérables des Francs, il leur dit : Hommes qui honorez le Seigneur et
qui, par la grâce de Dieu, fûtes toujours invincibles en défendant votre
patrie, considérez dans vos âmes si vous voulez venger le sang de vos
parents, que ces païens, vos ennemis furieux, ont versé ; si vous voulez
venger les temples de votre Créateur, élevés en l’honneur des saints et que
vous avez vus renversés dans votre patrie, avec leurs saints ministres massacrés.
Soldats, vous avez devant vous les auteurs de tous ces crimes ; voulez-vous
me suivre, si le premier je descends de cheval, en portant vos étendards à la
main ? Attaquons-les, ces ennemis, au nom de notre Dieu ; car ce n’est pas
notre injure que nous allons venger, c’est celle de celui qui peut toute
chose[52]. Ce discours enflamma tellement
les Francs, que jeunes et vieux descendirent également de cheval, et se
déclarèrent prêts à combattre à pied. Ils demandèrent seulement que le roi
tint en réserve un corps de cavalerie, pour les couvrir par derrière et
empêcher toute surprise ; puis ils marchèrent au combat. Les deux armées se
rencontrèrent en poussant à l’envi l’une de l’autre des cris furieux. Les
combattants s’étaient joints avec leurs épées. Comme les Normans, qui
jusqu’alors n’avaient point été vaincus, avaient chargé les plus braves
d’entre eux de la défense de l’enceinte, le combat fût âpre et sanglant, mais
de courte durée. Les Francs forcèrent enfin le retranchement ; alors les
Normans trouvèrent leur mort dans la rivière qu’ils avaient regardée comme
leur défense : précipités par centaines dans les flots, ils s’y faisaient
obstacle les uns aux autres pour nager, et, se saisissant par les bras ou les
jambes, ils s’y noyaient ensemble. Deux rois des Normans furent tués dans
cette déroute, et seize de leurs drapeaux présentés à Arnulphe[53]. Arnulphe se signala par d’autres exploits encore, dont nous n’avons pas à nous occuper ; bornons-nous à enregistrer les expéditions qu’il fit en Italie en 89i, 895 et 896. C’est à la suite de cette dernière campagne, et après la prise de Rome, que le pape le couronna empereur. Le souvenir des rapports qu’Arnulphe eut avec la Belgique et des pouvoirs qu’il y exerça nous a été conservé par quelques diplômes dans lesquels on trouve le reflet de ses tendances politiques et religieuses. Ces actes sont au nombre de cinq ; on voici le résumé succinct : 1° Une charte de confirmation expédiée de Francfort en juin 888, en faveur de l’église de Sainte-Marie d’Aix-la-Chapelle[54]. Il s’agit de la donation de Bastogne faite à cette église par Charles le Gros et d’un acte par lequel le roi Lothaire lui permit de prélever la none sur quarante-trois villas royales, énumérées dans la charte d’Arnulphe. Parmi ces villas on remarque Gemenich, Meersen, Elsloo, Rechem, Theux, Sprimont, Herstal, Jupille, Neuville, Amblève, Manderveld, Duren, Monsdorf, Paliseul, Chassepierre, Longlier, Amberloux, Bastogne, Orto ; 2° Un autre diplôme de la même année, également signé à Francfort, par lequel l’empereur Arnulphe, roi de Lotharingie, donne l’abbaye de Lobbes, avec toutes ses dépendances mobilières et immobilières, ses familles et serfs des deux sexes, à Francon, évêque de Tongres et de Liége[55]. Il est à remarquer que cette donation eut lieu presque immédiatement après la mort de l’empereur Charles le Gros, auquel Arnulphe succéda ; 3° Un troisième diplôme de Francfort du mois de juillet 889, par lequel Arnulphe donne à Rathbod, archevêque de Trèves, l’abbaye de Saint-Servais à Maëstricht, avec ses églises, ses fermes, édifices, familles et serfs des deux sexes, dîmes, etc.[56] ; 4° Un diplôme de la même année et daté également de Francfort, par lequel Arnulphe fait donation de plusieurs domaines à Gerolfe, que Reginon qualifie comte des Frisons, et qui fut le père de Théodoric Ier, comte de Hollande ; 5° Un autre diplôme du même roi Arnulphe, du 30 octobre 890, approuvant l’échange de quelques fonds de terre fait entre le monastère de Stavelot et un certain Richaris[57]. Tous ces actes paraissent avoir la même signification : Arnulphe voulait se faire des partisans dans la Lotharingie et même se ménager l’appui des Frisons. § 3. RÈGNES DE ZWENTIBOLD ET DE LOUIS. Arnulphe avait placé son fils naturel Zwentibold, ou Zwendibald[58], sur le trône de Lotharingie, en 895, avec le consentement des grands de ce royaume, sans cependant qu’il y eut unanimité incontestable. On peut en juger par les termes dans lesquels le fait est rapporté dans la chronique de Reginon : Ann. 894. Arnulphe vint à Worms et y tint un plaid général, voulant placer son fils Zwentibold sur le trône de Lothaire ; mais les grands de ce royaume n’y consentirent aucunement[59]. Ann. 895. Arnulphe vint à Worms ; les grands de tous ses royaumes s’y étant réunis, il célébra une assemblée générale (conventum publicum), dans laquelle, avec l’assentiment et l’approbation de tous, il éleva son fils Zwentibold à la royauté en Lotharingie[60]. Le but du roi de Germanie, en conférant la couronne de Lothaire à son fils, malgré l’opposition qui s’était manifestée dans la première assemblée, était d’élever une forte barrière du côté de la France occidentale. Son plan échoua à cause principalement du caractère fougueux et tyrannique de ce prince plus Hongrois que Franc. Le premier de ses actes sait pour le caractériser. A peine est-il monté sur le trône de Lotharingie, qu’il entreprend de conquérir la Neustrie. Désirant agrandir son royaume, dit Reginon, il rassembla une immense armée, et, sous prétexte de prêter secours à Charles contre Eudes, il alla investir la ville de Laon, dont il ne put s’emparer. Il se retira lorsqu’il apprit qu’Eudes, qui était en Aquitaine, marchait contre lui. En 897, nous le voyons guerroyer contre les seigneurs du pays ; il prive de leurs honneurs et dignités les comtes Etienne, Odoacre, Gerard et Matfried. Il marche contre eux avec une armée ; arrivé à Trèves, il distribue à ses compagnons d’armes les domaines des vaincus et se réserve pour lui-même les monastères d’Horrée et de Saint-Pierre de Metz. Son père, l’empereur Arnulphe, s’efforce de réparer ses torts ; il l’engage à se marier et obtient pour lui la main d’Oda, fille du comte Otton de Saxe et sœur du roi Henri l’Oiseleur. Il le convoque ensuite au plaid tenu à Worms et saisit cette occasion pour le réconcilier avec Etienne, Gerard et Matfried. L’année 898 fut marquée par un événement considérable ; le roi Eudes mourut le 3 janvier. Selon M. Le Glay, il fut chassé du trône, et ne mourut que l’année suivante, à la Fère en Picardie[61]. Charles fut alors proclamé roi de France ou de Neustrie par tous les grands de ce royaume, y compris les vassaux de son rival décédé ou dépossédé. Presque seul le comte de Flandre, Baudouin II, se dispensa d’aller lui rendre hommage. Cependant il avait d’abord pris ouvertement parti pour le Carolingien ; mais à la question de dynastie vinrent se mêler pour lui des questions d’intérêt et de rivalité. Parmi les grands qui entouraient le roi Charles, Baudouin croyait voir des rivaux, même des ennemis. Foulques l’archevêque de Reims, lui fit en effet concurrence pour la possession des abbayes de Saint-Vaast et de Saint-Bertin. Herbert, comte de Vermandois soutint contre le comte de Flandre une guerre dans laquelle le frère de celui-ci, Raoul, fut tué. Baudouin se débarrassa de ses ennemis en faisant assassiner successivement Herbert et Foulques. Dans ces luttes particulières, les intérêts dynastiques de Charles furent souvent perdus de vue. Le roi, pour s’assurer l’appui de Baudouin, fut obligé de lui confirmer la possession d’Arras dont il s’était emparé, et de lui céder l’abbaye de Saint-Bertin, dépouille du vénérable archevêque Foulques. Dans le moment même où Charles ne négligeait rien pour se concilier les feudataires, le roi de Lotharingie Zwentibold avait la maladresse de se brouiller avec Regnier, comte de Hainaut, son fidèle et unique conseiller. Il le priva de ses honneurs et de ses biens et lui ordonna de sortir du royaume dans un bref délai. Un diplôme du mois de mai 898 nous apprend qu’au plaid général tenu à Aix-la-Chapelle, Zwentibold fit solennellement restitution à Rathbod, archevêque de Trèves, de l’abbaye de Saint-Servais de Maëstricht, qu’il avait précédemment donnée en précarie au comte Regnier[62]. Au lieu d’obéir à l’arrêt de proscription qui venait de le frapper, le comte se retira avec les autres mécontents dans un endroit que la chronique appelle Durfoz, et qui probablement était situé sur la Meuse près de Dordrecht. Reginon rapporte que Zwentibold voulut les poursuivre ; mais qu’il dut y renoncer à cause des marais et des eaux de la Meuse qui rendaient cet endroit inaccessible. Quand il vit que ses efforts étaient impuissants, il ordonna aux évêques qui étaient avec lui d’excommunier Odoacre, Regnier et leurs compagnons. Sur leur refus, il les accabla d’injures et déchargea un coup de bâton sur la tête de Rathbod, évêque de Trèves, son chancelier. Cet acte de violence acheva de lui aliéner les esprits. Les révoltés appelèrent à leur secours Charles le Simple, roi de France, qui ne se fit pas attendre. Il marcha directement sur Aix-la-Chapelle, et de là se rendit à Nimègue. Zwentibold qui s’était réfugié d’abord auprès de l’évêque Francon à Liège, traversa la Meuse avec tout ce qui lui était resté fidèle, et se rendit à Vlaardingen, oui il fut, rejoint par les vassaux du royaume qui habitaient ces contrées. Se trouvant ainsi à la tête d’une force sur laquelle il n’avait pas osé compter, il partit pour aller combattre son compétiteur. Charles abandonna Nimègue et se rendit à Prum, où il organisa une petite armée. Mais quand les deux rivaux se trouvèrent en présence, au lieu de combattre, des négociations s’ouvrirent pour traiter de la paix, et les deux rois finirent par se donner la main. Charles retourna paisiblement dans son royaume de Neustrie. En 899, comme on commençait à prévoir la fin prochaine de l’empereur Arnulphe, dont le fils Louis, dit l’Enfant, n’était âgé que, de sept ans, les optimales d’Arnulphe et de Charles se réunirent à Saint-Goar, sur le Rhin, pour en délibérer. Zwentibold se rendit il cette conférence ; il espérait, mais en vain, d’être nommé régent. Arnulphe étant mort le 28 novembre suivant, Louis, son fils légitime, succéda à la couronne de Germanie ; et comme Zwentibold continuait de se rendre odieux par ses violences, ses exactions et ses rapines, les grands de la Lotharingie portèrent également leur vue sur ce jeune prince. Louis se transporta à Thionville, où il reçut leurs serments et fut couronné roi de leur pays. Zwentibold, furieux, se mit à ravager par le fer et le feu les propriétés de ceux qui lui faisaient défection. Mais des secours arrivèrent d’Allemagne, où Louis était retourné. Une bataille fut livrée le 30 août 900, sur la rive droite de la Meuse, dans le voisinage de Susteren ; les insurgés y prirent part, et Zwentibold fut tué, dit Reginon, par les comtes Étienne, Gerard et Mattried. On l’enterra dans l’abbaye de Susteren. Sa veuve Oda, fille d’Othon, roi de Saxe, épousa Gerard peu de temps après. Les insurgés furent rétablis dans leurs honneurs et dignités, notamment Regnier, auquel les chroniqueurs donnent le titre de duc de Hesbaie et de Hainaut[63]. Nous avons conservé, comme souvenirs du règne de Zwentibold en Belgique, 1° un diplôme du 30 mai 895, par lequel il donne à l’abbaye de Stavelot, avec l’assentiment du comte Liutfrid qui le tenait en fief, le domaine de Bislanc, en Ardenne[64] ; 2° un diplôme de la même année, par lequel il soumet le monastère de Susteren à l’autorité de l’abbé de Prum[65] ; 3° un diplôme du 11 novembre 896, portant donation à l’abbaye de Stavelot d’un terrain avoisinant le village de Lierneux, la condition de célébrer chaque jour une messe et de chanter des psaumes[66] ; 4° un diplôme daté de Nivelles, 26 juillet 897, par lequel sont concédés à l’abbaye de ce nom, sur la demande de l’abbesse Gisla, fille du roi Lothaire, de nombreux domaines, parmi lesquels on remarque le village de Goyck, près de Halle, Lennick, Wambeke, Tubise, Ittre, Rebecque, Hennuyères, Baulers, Vorst près de Meerhout, etc.[67] ; 5° un autre diplôme daté d’Aix-la-Chapelle, 31 juillet même année, par lequel Zwentibold donne à l’abbesse Gisla son domaine de Seffent, près d’Aix-la-Chapelle[68] ; 6° un diplôme du 8 octobre 898, par lequel il est fait donation de la villa de Theux à l’église de Saint-Lambert de Liége, représentée par l’évêque Francon[69] ; 7° un diplôme, de la même année, par lequel Zwentibold reprend au comte Regnier, à qui il l’avait donnée en précarie, l’abbaye de Saint-Servais de Maëstricht, et la restitue à l’archevêque de Trèves[70]. Ce diplôme est suivi d’un autre de même date, où il est dit que c’est dans une assemblée générale (in generali placito nostro) que l’archevêque Rathbod a obtenu cette restitution. Immédiatement après la mort d’Arnulphe, son fils Louis avait été, comme nous l’avons déjà dit, élu roi de Germanie, dans une diète tenue à Forchheim en Bavière. Comme Louis n’était âgé que de sept ans, on lui donna un tuteur, qui fut régent du royaume : c’était l’archevêque Hatton, primat de l’Église d’Allemagne et l’un des prélats les plus éminents de son époque. Hatton annonça aussitôt l’élection au pape et s’efforça de la justifier ; ce qui prouve la puissance toujours croissante du saint-siège[71]. L’événement le plus mémorable du règne de Louis, qui fut très court, est une guerre intestine entre deux familles puissantes. D’un côté se trouvaient les comtes Adalbert, Adalard et Henri, appelés les Babelberyiens, du nom de leur château de Babenberg (aujourd’hui Bamberg) ; de l’autre était l’évêque Rudolphe de Wurzbourg avec ses trois frères, dont l’un, du nom de Conrad, fut père du roi Conrad Ier. On appelait ceux-ci les Conradiens. Les comtes Lotharingiens Gerard et Matfried sont mêlés à cette querelle. Alliés d’Adalbert, nous voyons dans la chronique de Reginon qu’ils avaient envahi les possessions de l’église de Saint-Maximin de Trèves et de l’abbaye d’Horrée, dans le même pays. Ils furent attaqués par le fils de Conrad, et se défendirent vaillamment dans un lieu fortifié ; mais le roi Louis arriva lui-même dans le pays avec un corps d’armée. Trop faibles pour pouvoir lui résister, ils furent mis en jugement dans une assemblée générale à Metz, et condamnés au bannissement. Conrad perdit la vie dans un combat le 27 février 905. Adalbert fut livré au roi par une sorte de trahison d’Hatton, et eut la tête tranchée[72]. Le roi Louis mourut en 912. Malgré la rapidité de son passage sur le trône de Lotharingie, nous en retrouvons les traces dans quelques diplômes qui sont parvenus jusqu’il nous. Tels sont : 1° un diplôme daté de Metz, 10 septembre 902, qui approuve un échange de terre fait entre le comte Regnier et l’abbaye de Stavelot[73] ; 2° un diplôme du 9 octobre de la même année, portant donation à l’église d’Aix-la-Chapelle de certains biens situés à Wandre[74] ; 3° un diplôme daté de Francfort, 26 octobre 907, par lequel le roi Louis accorde à l’église de Liége l’abbaye de Fosses, que Gisla, sa cousine, avait cédée à l’église de Liége en s’en réservant l’usufruit[75] ; 4° un diplôme du 28 janvier 908, confirmant à l’église épiscopale de Liége des donations antérieures, notamment celles des abbayes de Lobbes et de Fosses[76] ; 5° un diplôme du 9 novembre 909, confirmant une donation faite aux moines de Chèvremont du domaine de Mortier près de Liége, ou de Mortroux, Mortarium locum[77]. A l’extinction de la famille des Carolingiens orientaux, les nations qui, en Allemagne, étaient réunies sous leur sceptre, les Bavarois, les Souabes, les Saxons, les Thuringiens et les Francs d’outre-Rhin, se trouvèrent dans la nécessité d’élire un roi, si elles voulaient rester unies et ne former qu’un seul royaume. Leur tendance vers l’unité était si forte qu’elles ne songèrent pas à démembrer la monarchie en autant d’États qu’il y avait de peuples différents. La grande question était de savoir dans quelle nationalité il fallait prendre le roi. D’après le principe de la légitimité, sanctionné en 752, renouvelé et confirmé à chaque changement de personne sur le trône, l’Allemagne aurait dû chercher son roi dans le royaume occidental, et conférer la couronne à Charles dit le Simple. C’était l’avis des Lotharingiens, qui considéraient leur pays comme un royaume distinct de la monarchie allemande proprement dite, bien qu’annexé à cette monarchie. Leur attachement au principe de la légitimité explique lui seul la résolution des Lotharingiens d’offrir le pouvoir suprême au roi Charles, mais cet acte parait avoir aussi une autre cause que nous appellerons une raison de fait. Leur nationalité n’était pas en opposition avec celle des Francs de Charles le Simple ; de même que ceux-ci, ils provenaient de la souche salienne. Quel antagonisme pouvait-il y avoir, par exemple, entre les habitants des deux rives de l’Escaut ? Ils appartenaient à des États différents, mais n’étaient-ils pas de la même nation, de la même famille ? Les Francs de la Lotharingie et ceux du nord de la Neustrie avaient non seulement une origine commune, mais des intérêts communs, tout comme aujourd’hui la Belgique et le nord de la France. Mais bien différent était l’état des choses ou plutôt des esprits dans le royaume de Germanie. Il y avait antipathie nationale entre les Germains et les Français, quelle que fût l’origine de ceux-ci, franque ou gauloise. Cette antipathie, qui datait de la guerre des Saxons, n’avait fait que se développer ; on l’avait vue se manifester en France, lorsqu’une fraction de Gallo-Francs avait offert la couronne à Louis de Saxe, et que celui-ci avait mieux aimé se faire céder la Lotharingie occidentale que de succéder à son cousin. C’est à cet antagonisme national que nous attribuons le parti pris par les Bavarois, Souabes, Saxons, Thuringiens et Francs ripuaires, de se choisir un roi de nationalité germanique. Il n’y eut de divergence d’opinion que sur un point secondaire : devait-on prendre dans un royaume d’origine franque un roi franc de naissance, ou était-il indifférent de prendre un Saxon, un Souabe, un Bavarois ? Dans quelle tribu se trouvait l’homme le plus convenable et le plus capable ? On tint une diète à Forchheim, en Bavière, où Arnulphe et Louis avaient été élevés sur le trône. Parmi les quatre nations qui y figurèrent, celles des Francs (ripuaires) et des Saxons y étaient venues en grande masse ; chacune avait à sa tête un prince éminent : les Francs, Conrad ; les Saxons, Othon. Tous deux étaient des ducs distingués par leur valeur et leurs talents politiques. En premier scrutin fut favorable au dernier ; mais, avancé en âge, Othon sentit que la couronne royale était un fardeau trop lourd pour lui ; il refusa, et recommanda Conrad, qui fut alors élu avec d’autant plus de satisfaction qu’il était franc, et qu’on nourrissait encore l’idée que le royaume, étant d’origine franque, devait avoir aussi longtemps que possible un Franc pour souverain. Quant à l’aptitude requise pour bien gouverner l’État, elle ne paraissait pas douteuse. Cependant le gouvernement de Conrad ne répondit pas à ce qu’on en attendait. Influencé ou même dirigé par les évêques et jaloux de la puissance toujours croissante des ducs, il essaya de les abaisser. Soutenus par les nations qu’ils représentaient, ceux-ci se défendirent les armes à la main. Ainsi firent Henri, fils d’Othon, duc de Saxe ; Arnulphe de Bavière, son propre gendre, et mène les deux nuncii cameræ Erchanger et Bertholde, gouverneurs feudataires de la Souabe. Conrad ne put maintenir la paix au milieu de ces éléments de dissension. Il mourut à la fin de l’année 918, après six ans d’un règne rempli de chagrin et d’amertume. Il était cependant si éclairé sur les intérêts du royaume et si soucieux de son avenir, que sur son lit de mort il recommanda au choix de la nation son plus redoutable adversaire, le duc Henri de Saxe[78]. Henri fut élu roi à Fritslar, le 11 avril 920. Bien qu’il fût forcé de se soutenir par la force des armes contre Burchard, duc des Souabes, et Arnulphe, duc des Bavarois, il réussit cependant à maintenir l’unité du royaume, à l’agrandir et même à le défendre contre des ennemis étrangers très dangereux, notamment contre les Hongrois. C’est sous lui que la Belgique fut de nouveau réunie à l’Allemagne, mais toujours sans la Flandre. |
[1] Baluze, t. II, p. 42 et 46 ; Pertz, Leges, t. I, p. 396 et 407.
[2] M. Damberger, t. III, p. 265, partage entièrement la manière de voir de M. Wenck.
[3] MM. Gfrœrer (I, 100) et Wenck (p. 219) en font mention.
[4] Le capitulaire a pour titre : Hœ sunt adnuntiationes quos Hlotorius et Karolus apud Leudicam adnuntiarerunt, anno 854. D. Bouquet, VII, p. 618 ; Baluze, t. II, p. 71 ; Pertz, Leges, t. I, p. 427.
[5] Dom Bouquet, t. VII, p. 70. Les Annales de Fulde ne font pas mention de la réunion des deux frères à Liège.
[6] Baluze, t. II, p. 74.
[7] Ce capitulaire se trouve dans la collection de Dom Bouquet, ainsi que dans Baluze, t. II, p 65-72, et Pertz, Leges, t. I, p. 128-129.
[8] Adnunt. Kar. et nep. Hloth., ap. Baluz., t. II, p. 98.
[9] Histoire du droit des gens, t. V, p. 361 et suiv.
[10] Sismondi, Histoire des Français, 2e partie, ch. 9.
[11] Mansi, t. XV, p. 611 ; Annales Bertiniani ; Annales Metenses ; Hincmari opera, t. I, p. 568.
[12] Histoire générale de Belgique, t. II, p. 234.
[13] Hist. episc. Leod., t. I, p. 150.
[14] Annales Metenses, ad ann. 869.
[15] Histoire des Français, 2e partie, ch. 9.
[16] Annales Bertiniani, ad ann. 869.
[17] Le diplôme se trouve dans la collection de Marlène, ainsi que dans l’ouvrage de Bœhmer, Regesta Carolorum, p. 60.
[18] Ce diplôme, rapporté par Bœhmer, est inséré dans la collection de Martène, t. II, p. 26, et dans l’Histoire du Luxembourg, de Bertholet, t. II, p. 62. Voyez Liste chronologique des édits et ordonnances de Stavelot, p. 6.
[19] Liste chronologique des édits et ordonnances de la principauté de Stavelot et de Malmédy, p. 5.
[20] Baluze, t. II, p. 215 et suiv. Pertz, Leges, I, p. 511.
[21] Baluze, t. II, p. 217 et suiv. Pertz, Leges, I, p. 513.
[22] Nous trouvons dans une note de l’Histoire du pays de Liège, de Henaux, la citation suivante, qui prouve que l’évêque Francon fut reçu dans la commendatio de Charles le Chauve : Indeque Mettis nonas decembris veniens... Franconem Tungrensem episcopum in sua commendatione suscepit. (Hincmar, ap. Pertz, Mon. Germ. hist., t. I, p. 483.)
[23] Annales Bertiniani, ann. 870.
[24] Caumartin, Promenades dans les environs de Visé, p. 13.
[25] Pactio Aquisgranensis, apud Baluz., t. II, p. 221 et 222.
[26] Annales Bertiniani ; Ernst, Histoire du Limburg, t. I, p. 250.
[27] Suivant les Annales de Saint-Bertin, Furonis était situé non loin de Meersen. Miræus et de Valois pensent que c’est Fouron-le-Comte, village du comté de Daelhem, où l’on voyait encore, au commencement du dix-septième siècle, les fondations d’un vieux château sur une élévation appelée Op de Sale. Le curé Ernst est plutôt porté à placer la villa de Furonis à Fouron-saint-Martin, qui n’est éloigné de l’autre que d’une lieu. (Histoire du Limbourg, t. I, p. 330.)
[28] Voyez le texte dans Pertz, Leges, t. I, p. 555, et dans Baluze, t. II, p. 278.
[29] Elnonensia, Monuments de la langue romane et de la langue tudesque du neuvième siècle, Gand, 1845.
[30] Bulletin de l’Académie royale de Belgique, série, t. IX, p. 257 et suiv.
[31] Contra Nortmannos in Ganto residentes (Annal. Bert., ad ann. 880.)
[32] Ex communi hist. secundæ destructionis eccles. Atreb., ap J. de Guise, édit. Fortia, t. IX, p. 292.
[33] Histoire des comtes de Flandre, par Le Glay, t. I, p. 49.
[34] Dans les anciens monuments, il est appelé Hasloc, Haslo, Haslou, Aschlo, Ascalohe, Ascaloha. C’est cet endroit qu’était probablement le palais royal d’Aslao, mentionné dans les traditions de Lorsch. Un diplôme de Lothaire, de l’an 860, le désigne en ces termes : Actum Aslao palatio regio. (Codex Laurishn. diplom.) V. Ernst, Histoire du Limbourg, t. I, p. 331.
[35] Reginonis chron., lib. II, ann. 881.
[36] Après la mort de son mari, tué en 885, Gisla devint abbesse de Nivelles, comme le prouve un diplôme publié par Miræus (Oper. dipl., t. I, p. 305). Un autre diplôme, publié par Ernst dans le Codex diplomaticus de son histoire du Limbourg, nous apprend que Zwentibold donna la Gisla, en 897, la terre de Seffent près d’Aix-la-Chapelle.
[37] D. Bouquet, IX, p. 47, extrait de la chronique de Tours.
[38] Chron. Regin., ad ann. 883.
[39] Les chroniqueurs n’ont que du mal à dire de ce prince. Voici ce que l’un d’eux rapporte : Hugo, filius Lotharii Wabertum comitem sibi fidelissimum dolo trucidari fecit, pulchritudine uxoris ejus captus, quam absque mora in matrimonium recepit, cui nomen Friderata fuit. (D. Bouquet, IX, p. 36.)
[40] Chron. Regin., l. c., Annales Metenses, ann. 885.
[41] H. Martin. t. II, p. 473, 4e édit.
[42] Ce siège a die décrit par le poète Milton, suivant lequel les Normans étaient au nombre de quarante mille, et avaient sept cents navires dans la Seine, sans compter d’innombrables petites barques.
[43] Annal. Metens. ; S. Wedast. ; Fuld. ; Abbonis, Carmen de bellis Parisiacis.
[44] Ernst, Histoire du Limbourg, t. I, p. 360.
[45] Martène, Amplissima collectio, t. II, p. 30 ; Bertholet, Histoire du Luxembourg, t. II, p. 65 ; Bœhmer, Regesta Carolingorum, p. 97 ; Liste chronologique des édits et ordonnances de la principauté de Stavelot et Malmédy, p. 6.
[46] Martène, l. c., p. 32 ; Bœhmer, p. 160.
[47] In pago Hardunensi villam quæ dicitur Bastonica. Ce diplôme a été publié par Ledebur, Archiv., IX, 77, et dans les appendices de Philippe Mouskes, édit de Reiffenberg, p. 550. Ernst en a donné un texte exact dans son Codex diplomaticus, p. 86, d’après le cartulaire royal de l’église d’Aix-la-Chapelle.
[48] La source principale de l’histoire d’Arnulphe est la chronique de l’abbé Reginon de Prum, dans Pertz, Scriptores, t II, p. 598.
[49] Die Erhebung Arnulfs und der Verfall des karolingischen Reichs, Leipzig.
[50] De Arnulfo rege commentatio historica, Berlin, 1852.
[51] Ernst a recueilli sur cette expédition, qui eut lieu dans le Limbourg en 891, tout ce qu’il a pu trouver dans les auteurs du temps. Voyez son Histoire du Limbourg, t. I, p. 361 et suiv.
[52] Ce discours est textuellement traduit des annales de Fulde.
[53] Sismondi, Histoire des Français, t. II, p. 224-225, édit de Bruxelles, 1836.
[54] Appendice de la chronique de Mouskes, p. 551 ; Ernst, Codex diplom. Limburg., p. 87.
[55] Miræus, Oper. dipl., t. I, p. 650.
[56] Miræus, Oper. dipl., t. I, p. 450.
[57] Marlène et Durand, Ampliss. collect., t. II, p. 33 ; Liste chronologique des édits et ordonnances de la principauté de Stavelot et Malmédy, p. 7.
[58] Le duc des Moraves s’appelait aussi Zwentibold. Il avait été parrain de ce fils naturel d’Arnulphe et d’une noble hongroise, et lui avait donne son nom.
[59] Chron. Reginonis, apud Pertz, Monum. Germ. hist., t. II, p. 606.
[60] Chron. Regin., Pertz, l. c.
[61] Histoire des comtes de Flandre, I, 1, p. 57.
[62] Miræus, Opera diplom., t. I, p. 252.
[63] Chron. Reginonis, ad ann. 899 et 900, ap. Pertz, p. 608 et 609. Dans les annales de S. Maximin à Trèves, il est dit simplement : Arnulfus rex obiit, Zwentiboldus a suis interficitur. (Pertz, t. II, p. 213.)
[64] Martène, Ampliss. collect., t. II, p. 34. Liste chron. des édits et ordonn. de la principauté de Stavelot et Malmédy, p. 7. Bislanc est nommé dans l’acte de partage de l’an 870 ; c’est Bihain, près d’Houffalise, ou Bellain, suivant M. Grandgagnage.
[65] Miræus, Opera diplom., t. III, p. 200
[66] Martène, l. c., p. 33 ; Bertholet, t. II, p. 72 ; Bœhmer, l. c. ; Liste chronologique, p. 7.
[67] Miræus, Opera diplom., t. I, p 503 ; Bœhmer, p. 113.
[68] Ernst, Codex diplom., p. 88.
[69] Miræus, Opera diplom., t. I, p. 253 ; Chapeauville, t. I, p. 192 ; Bœhmer, p. 113.
[70] Miræus, Oper. dipl., t. I, p. 253.
[71] La suscription de cette lettre est assez remarquable ; en voici les termes : Universali Papœ non unius urbis sed totius orbis (Labbe, Concil. IX, ann. 911 ; Zimmerman, p. 308, note.)
[72] V. la chronique de Reginon, ann. 802-806 ; Pertz, l. c., p. 611.
[73] Martène et Durand, l. c., p. 36 ; Bertholet, p. 73 ; Liste chronologique, p. 7.
[74] Ernst, Codex diplom., p. 89.
[75] Ernst, Codex diplom., p. 90.
[76] Miræus, Oper. diplom., t. I, p. 31 ; Chapeauville, t. I, p. 167 ; Bœhmer, P. 117.
[77] Miræus, Oper. dipl., t. I, p. 253 ; D. Bouquet, IX, p. 271 ; Bœhmer, p. 17. Suivant Ernst, Mortarium est Mortroux ; mais M. Grandgagnage soutient que c’est Mortier. Voir son mémoire sur les noms de lieux, p. 62.
[78] Le procédé de Conrad est dramatiquement raconté dans la chronique de De Dynter, t. I, p. 297.