I. — Dispositions de l'Occident à l'égard de la croisade. - Fin de la lutte d'Innocent IV et de Frédéric II. - Les pastoureaux. La guerre des deux puissances musulmanes rendait des espérances nouvelles à saint Louis, s'il pouvait recevoir des secours d'Occident ; et dans les premiers moments, on avait partout montré beaucoup de zèle. Le pape écrivant aux évêques de France la prise et la délivrance du roi, leur ordonnait de faire prêcher la croisade. Il faisait prescrire à ceux qui avaient déjà pris la croix en France de se mettre à la disposition de Blanche[1] ; il pressait de même le départ des croisés d'Allemagne, de Frise et de Norvège[2]. Ferdinand, roi de Castille, avait promis à la reine Blanche d'aller en Orient au secours de saint Louis ; et le roi d'Angleterre, après avoir solennellement demandé pardon aux habitants de Londres des torts qu'il leur avait faits, soit par lui, soit par ses officiers (sans rien restituer pourtant), prit la croix, soit pour piller plus librement ses sujets, soit pour quelque meilleur dessein, ajoute charitablement le moine chroniqueur[3]. C'est surtout l'empereur qui, par l'Italie et la Sicile, pouvait secourir efficacement saint Louis ; mais il était au plus fort de sa guerre contre le pape ; et cela même faisait que les manifestes du pape en faveur de la croisade, quelque pressants qu'ils parussent être, devaient avoir moins d'effet. Depuis le départ de saint Louis pour la croisade, les deux adversaires étaient entièrement à une lutte qui touchait à sa crise suprême. Frédéric ne pouvait plus se dissimuler que c'était une guerre à mort entre lui et le Saint-Siège. Le pape ne voulait plus ni de lui ni de sa race, soit dans l'empire, soit en Italie ; et la fortune tournait décidément contre l'empereur. A son échec de Parme s'était joint un autre échec non moins grave pour sa cause et douloureux pour lui : son fils, son lieutenant Enzio, avait été battu par les Bolonais à Fossalta et fait prisonnier (26 mai 1249). Il se raidit contre ces revers et poussa la guerre avec une sorte de désespoir et en Allemagne et en Italie. Son fils Conrad tenait tête en Allemagne à Guillaume de Hollande. Plusieurs chefs gibelins combattaient les villes guelfes dans le nord de l'Italie, entre autres Eccellino di Romano, dont le caractère féroce répondait à l'humeur de Frédéric poussé à bout. Lui-même écrivait à Vatace, pour l'exciter et l'entraîner à quelque diversion, que tout lui réussissait en Allemagne et en Italie[4], et il s'apprêtait à prendre part personnellement à la lutte, quand il mourut (fin décembre 1250). Étrange personnage, admirablement doué, appelé par son génie, autant que par sa naissance, à tenir le premier rang dans le siècle de saint Louis, mais dont les qualités éminentes, n'ayant pour guide ni les mœurs ni la foi, devinrent pour les peuples soumis à sa puissance un véritable fléau, et pour sa maison, comme pour lui-même, un principe de perdition[5]. La mort de Frédéric semblait mettre fin à cette-guerre intérieure de la chrétienté, et rendre libres les forces que réclamait la lutte contre les Musulmans. Mais il n'en fut rien. La guerre se prolongeait contre sa maison, et Innocent IV continuait de lui donner le caractère et d'y attacher les effets d'une véritable croisade : attirant ainsi vers l'Italie ceux qui, par zèle religieux, auraient pu aller rejoindre saint Louis. Le roi, voyant tout ce qu'il pourrait faire en Palestine s'il était aidé, avait écrit à sa mère et à ses frères de lui envoyer de l'argent et des hommes. Dans sa lettre au comte de Poitiers, après un exposé rapide de la lutte des deux puissances musulmanes, dont la Palestine avait été pour une partie le théâtre, et qui venait de se terminer, vers la fin de juillet 1251, par la retraite des Égyptiens, il parle des démarches faites auprès de lui de part et d'autre, et de la trêve qu'il pourrait obtenir soit de l'une soit de l'autre, peut-être même de toutes les deux s'il lui arrivait des secours d'Occident (11 août 1251)[6]. La France pouvait-elle rester sourde à cet appel ? La reine Blanche réunit les barons pour délibérer. Ceux-ci en prirent occasion de s'élever contre la prédication qui, en appelant les fidèles à se croiser contre Frédéric II, venait à la traverse des désirs du saint roi. La reine, partageant leurs sentiments, l'interdit, et, compensant les indulgences du Saint-Siège par des rigueurs, elle menaça de la confiscation de leurs biens ceux qui s'engageraient dans cette funeste croisade. Mais si les barons avaient murmuré d'une concurrence qui pouvait ôter à saint Louis des auxiliaires, eux-mêmes n'étaient pas plus disposés à reprendre la croix. Dans cet abandon de la noblesse, ce sont les petits et les simples qui entreprirent de venir au secours du saint roi. Une nouvelle croisade surgit. tout à coup, une croisade qu'après celle de Pierre l'Ermite et de saint Bernard on aurait dû croire impossible : remuant le pays tout entier, entraînant les hommes, les enfants et les femmes. Un tel mouvement ne peut se produire s'il n'a son principe dans un sentiment populaire ; mais pour qu'il se produise il faut qu'un homme lui donne la première impulsion et lui ouvre le chemin. Lorsqu'il eut échoué, on n'y voulut voir qu'une illusion du démon, et le chef qui le dirigea parut volontiers aux chroniqueurs comme un suppôt du diable. On disait que c'était un apostat, Hongrois de nation, qui, après avoir apostasié, avait appris à Tolède, auprès des musulmans, la science des sortilèges[7]. Esclave et disciple de Mahomet, il avait promis au soudan de Babylone (Égypte) de lui amener et de mettre entre ses mains une infinité de chrétiens, afin que la France, étant dépourvue d'hommes et veuve de son roi, il lui fût plus facile de réduire la chrétienté en sa puissance[8]. L'imposteur, qui parlait avec la même facilité le français, l'allemand, le latin, s'était donc mis à errer par le monde, prêchant sans l'autorisation du pape, ni le patronage d'aucun prélat, et disant qu'il tenait sa mission de la Vierge Marie. Il s'adressait aux bergers et aux gens de la campagne ; c'était à eux, disait-il, que le ciel avait accordé d'arracher la Terre Sainte et les chrétiens captifs des mains des infidèles, et de réparer, dans l'humilité et la simplicité de leurs cœurs, ce que l'orgueil des chevaliers avait perdu. Il s'en allait tenant la main fermée, comme s'il y tenait l'ordre même qu'il avait reçu de la Sainte Vierge[9], et il rassemblait autour de lui tous les pâtres, qui laissaient leurs troupeaux et le suivaient, sans prendre congé de leurs parents ou de leurs maîtres, ni songer même à la nourriture du lendemain. On disait que c'était lui qui, quarante ans plus tôt, avait déjà provoqué en France cette autre croisade, où l'on avait vu les enfants échappant à leurs mères, sans plus se soucier des menaces que des caresses, courir aussi, au mépris de tous les obstacles, à la délivrance des Saints Lieux. Si ce n'était le même homme, c'était évidemment la même pensée. Ce mouvement, à ses origines, ne fut pas si mal vu qu'il fut jugé par la suite. On se disait avec l'apôtre que Dieu fait souvent choix des faibles pour confondre les forts ; et la reine Blanche elle-même put croire qu'il allait par là susciter dans son peuple les vengeurs que saint Louis n'avait pas trouvés parmi ses barons[10]. Ce fut vers la Flandre et la Picardie qu'ils commencèrent à s'assembler, un peu après Pâques 1251. Ils étaient trente mille quand ils vinrent à Amiens où ils furent reçus avec honneur ; et leur chef, vénéré comme un homme de Dieu dans cette patrie de Pierre l'Ermite, obtint des habitants tout ce qu'il voulut. Leur nombre alla croissant ; bientôt on les comptait par cent mille. Ils avaient des étendards tout comme les seigneurs ; sur l'étendard du chef était figuré un agneau portant bannière : l'agneau en signe d'innocence, et la bannière marquée d'une croix en symbole de victoire par la vertu de Jésus-Christ[11]. Mais. cette troupe, formée d'abord d'hommes fervents et simples, n'avait pu se grossir ainsi sans ramasser bien des impuretés sur la route ; des vagabonds s'y joignirent, des fugitifs, des aventuriers, des voleurs même, des gens qui, indifférents au but, ne s'inquiétaient que de ce qu'ils pourraient prendre sur le chemin. Il fallait vivre ; et une telle masse savait bien prélever dans le pays ce qu'elle ne recevait point suffisamment de la charité publique. On vit donc en France ce que l'Allemagne et la Hongrie surtout avaient vu au passage des premières grandes croisades populaires, avec un redoublement d'excès, provenant. d'un mélange bien plus impur. Mais la troupe ne revendiquait pas seulement les droits du soldat et les privilèges du croisé : les chefs, par une étrange infatuation, prétendaient même exercer les pouvoirs du prêtre. Ils mariaient et rompaient les mariages, ils confessaient et absolvaient ; ils prêchaient, et Dieu sait quelle était leur orthodoxie ! mais si quelqu'un y voulait contredire, ils répondaient les armes à la main. Leur chef ne montait en chaire qu'entouré de gens bien pourvus de ces moyens de réplique[12]. Le clergé alors s'alarma et voulut sévir, mais le chef de ces bandes était déjà en mesure de se défendre et de prendre l'offensive. Il réprouvait tous les ordres religieux, particulièrement les frères Prêcheurs et les frères Mineurs qu'il appelait hypocrites et vagabonds ; les moines de Cîteaux, à son jugement, étaient des accapareurs ; les moines noirs des gloutons et des superbes ; les chanoines des mangeurs de chair. Les évêques n'étaient pas plus épargnés, comme ne sachant qu'amasser de l'argent et vivre dans les délices ; quant à la cour romaine, elle était la plus maltraitée de tous; mais le peuple, dit Matthieu Paris, en haine et par mépris du clergé, prêtait l'oreille à ces invectives et y applaudissait avec faveur[13]. Ils vinrent à Paris, et leur chef prêcha à Saint-Eustache en habit d'évêque et y donna l'eau bénite quelques prêtres qui le trouvèrent mauvais furent massacrés ; et il fallut fermer les ponts pour sauver du même sort les écoliers de l'Université, suspects aux pastoureaux par ce caractère de clercs qui, en tout autre temps, faisait leur garantie[14]. Ils sortirent de Paris où on ne tenta pas de les retenir ; mais an ne les avait pas combattus, et ils se faisaient un titre de cette impunité comme d'une approbation obtenue dans la ville qui était la source de toutes les sciences[15]. On les vit dès lors plus audacieux à exercer partout leurs ravages, entrant dans les villages, forçant les villes sans épargner les laïques plus que les clercs. Ils n'avaient plus besoin d'être unis pour s'imposer ; ils se partageaient donc en troupes qui s'en allaient au hasard, portant en plus de lieux la dévastation et le pillage. Le chef vint à Orléans (11 juin 1251), où il fut reçu par les habitants, malgré les anathèmes de l'évêque. Il ne ménagea pas plus ses hôtes, pillant les maisons, tuant les clercs ; mais les clercs de l'Université d'Orléans ne se laissèrent pas attaquer sans résistance : plusieurs des pastoureaux périrent dans la lutte ; et le chef crut prudent et sage de sortir au plus tôt[16]. Leurs premiers succès n'avaient pu tenir qu'à la surprise. On savait maintenant à qui on avait affaire. La reine mère vit comme elle s'était trompée en croyant trouver en eux des secours pour la Terre Sainte : c'étaient des brigands dont il fallait sauver le pays ; et les laïques, attaqués comme les autres, songèrent partout à prêter leur concours aux sentences qui les frappaient. Leur dernière étape fut Bourges, où, malgré les défenses de l'évêque, le petit peuple les reçut encore : à défaut des prêtres qui s'étaient cachés, ils tombèrent sur les juifs ; puis le chef prétendit réunir' la population pour qu'elle entendît son sermon et fût témoin de ses miracles. Mais on ne fut pas plus dupe de ses jongleries que de ses discours ; et les actes de ses compagnons n'avaient probablement pas servi à gagner à leur cause ceux mêmes qui l'avaient reçu. A peine furent-ils sortis de la ville, qu'on se mit en armes à leur poursuite. Le maître de Hongrie fut rejoint et mis à mort entre Morthomiers et Villeneuve-sur-Cher. Un boucher lui fendit la tête d'un coup de hache, et on jeta son corps aux chiens. Tous ceux de ses compagnons que le prévôt de Bourges put saisir furent pendus comme coupables de maléfice. L'alarme était partout donnée ; on les traquait, on les tuait comme des chiens enragés[17]. Quelques-uns arrivèrent jusqu'aux ports du Midi : mais leur réputation les avait précédés. On en saisit, on en pendit à Marseille, à Aigues-Mortes[18]. Plusieurs de ceux qui étaient entrés dans ce mouvement de bonne foi trouvèrent moyen de s'en tirer et de regagner leur pays. Quelques-uns, en expiation, prirent même vraiment la croix et allèrent, selon la pensée qu'ils en avaient eue, grossir le nombre des derniers compagnons de saint Louis[19]. II. — Conventions avec l'Égypte faites et rompues. - Saint Louis à Jaffa. - Mort de Blanche de Castille. - Mission de Rubruquis chez les Tartares. Cependant la guerre des sultans d'Égypte et d'Alep se continuait de plus en plus vive, et Aïbek, craignant que saint Louis ne finît par se joindre aux Syriens, se résolut à répondre à ses avances en acceptant les conditions qu'il lui avait offertes[20]. La trêve devait durer quatre ans entre l'Égypte et les chrétiens. De plus saint Louis devait s'allier aux émirs égyptiens contre Nacer, et pour prix de ce concours Aïbek s'engageait à lui délivrer tous les chrétiens captifs (c'est une clause sans laquelle saint Louis ne voulait rien entendre), à lui faire la remise des sommes qui restaient dues pour leur libération, et enfin à rendre aux chrétiens le royaume de Jérusalem à l'exception de Gaza, de Dama et de deux autres châteaux. A peine de nullité du traité, saint Louis devait se rendre à Jaffa au milieu du mois de mai suivant, et les Égyptiens à Gaza, d'où les émirs viendraient à Jaffa, pour donner aux conventions une consécration nouvelle. Le roi, les seigneurs et eux s'y obligeaient en même temps par serment[21]. Ce traité donnait aux chrétiens vaincus tout ce qu'ils auraient pu attendre de la victoire. Quand la nouvelle en arriva en Occident, elle y causa une grande joie. Jérusalem était délivrée, et l'on voyait déjà son plus redoutable ennemi, le sultan d'Alep, vaincu par la ligue de saint Louis et des Égyptiens. Vain espoir 1 Nacer était bien résolu à ne pas laisser les choses en venir là Pour mieux éviter les conséquences du traité, il voulut faire qu'il n'eût pas même un commencement d'exécution. Il envoya vingt mille hommes entre Césarée et l'Égypte, pour empêcher la rencontre des Égyptiens et de saint Louis. Saint Louis n'en vint pas moins, comme il s'y était engagé, à Jaffa ; mais les émirs n'osèrent se rendre à Gaza[22]. Ils ne surent que donner au roi une preuve qu'ils voulaient accomplir le traité en lui envoyant par mer les têtes des chrétiens exposées au Caire et les enfants retenus prisonniers ; ils y joignaient un éléphant, que saint Louis envoya depuis, comme une rareté, en France. Ils s'excusaient encore de ne pas venir eux-mêmes et demandaient qu'il leur fixât un autre jour[23]. Mais ils ne vinrent pas davantage au rendez-vous. Ils avaient renoncé à y venir : car de musulmans à chrétiens, il y avait des inimitiés de religion et de race ; de sultan à sultan, c'étaient querelles d'ambition que les peuples ne partageaient pas. Ceux-ci pouvaient fort bien se tourner contre le prince qui en traitant avec les chrétiens aurait sacrifié à un intérêt particulier un intérêt si capital ; et Aïbek, élevé au pouvoir par une révolution, était plus exposé qu'un autre à ce péril. Sous la médiation du calife de Bagdad, les deux sultans se rapprochèrent ; et saint Louis, qui, un moment, avait pu espérer les vaincre l'un par l'autre, se trouva plus que jamais exposé aux efforts de tous les deux réunis (fin d'avril 1253)[24]. Jérusalem échappait encore aux chrétiens. Plus d'espoir de l'affranchir, plus d'autre moyen d'y entrer qu'en pèlerin et sous le bon plaisir des infidèles. Nacer, dit-on, n'aurait pas été éloigné d'accorder cette satisfaction au pieux roi ; et saint Louis ne se fût pas cru déshonoré en venant dans cet humble appareil aux lieux où le Sauveur avait souffert : mais on l'en détourna. On lui dit qu'aller ainsi à Jérusalem, c'était reconnaître le droit des infidèles ; c'était l'y affermir : car si lui, qui était le plus grand roi des. chrétiens, faisait son pèlerinage dans la ville sainte, sans la délivrer des ennemis de Dieu, combien plus par la suite les autres princes se tiendraient-ils dégagés de leur vœu, en visitant la ville sans s'inquiéter de l'affranchir ? Et on lui citait l'exemple de Richard Cœur de Lion, ce héros légendaire de la croisade, l'épouvantail des Musulmans. Quand la retraite du duc de Bourgogne lui ôtant l'espoir de reconquérir les Lieux Saints, il en était réduit à se retirer lui-même, un de ses chevaliers lui dit : Sire, sire, venez jusqu'ici, et je vous montrerai Jérusalem. Mais Richard se voilant la face et pleurant : Beau sire Dieu, dit-il, ne souffre pas que je voie ta sainte cité, puisque je ne la puis délivrer des mains de tes ennemis[25]. Saint Louis ne la vit pas non plus. Mais sa mission ne lui semblait point finie en Palestine ; et s'il ne pouvait plus rendre Jérusalem aux chrétiens, il voulait au moins les mettre en mesure de garder ce qu'ils possédaient encore. Il s'occupa de fortifier Jaffa comme il avait fait Césarée. La place n'était qu'un château dans une presqu'île ; il mit en défense le bourg groupé au pied du château, en lui construisant une enceinte munie de trois grandes portes et - flanquées de vingt-quatre tours. Le légat y avait fait bâtir pour sa part une des portes et le pan de mur attenant ; et il disait que ce travail lui avait coûté 30.000 livres (607.914 fr. 60 c.) : qu'on juge par là des dépenses que le roi avait supportées[26]. Un grave événement vint surprendre saint Louis au milieu de ces soins. Blanche sa mère était morte à la fin de novembre 1252. Tant que Blanche avait vécu, le saint roi avait pu, en toute sécurité, s'en rapporter à elle du gouvernement du royaume. Sa fermeté était connue. Elle avait suffi seule, pendant la minorité du roi, à tirer le pays des difficultés les plus graves ; elle avait tenu tète en même temps aux barons révoltés et aux entreprises de l'Angleterre ; et depuis qu'elle avait remis à saint Louis la direction des affaires, elle n'avait jamais cessé d'avoir place et influence dans ses conseils. H lui avait donc été facile de maintenir intacte l'autorité si bien affermie par le gouvernement du roi, et de continuer dans le royaume les bons effets de son gouvernement. Elle avait même, dans cette nouvelle régence, eu l'occasion de déployer son énergie par un acte où l'on pouvait voir qu'autant elle respectait l'Église, autant elle était résolue à sévir contre ceux de ses membres qui la déshonoraient par leur violence ou leur cupidité. Le chapitre de Notre-Dame de Paris avait fait prendre les hommes de Châtenay et de quelques villages placés sous sa juridiction, et les avait fait jeter dans ses prisons, sans même leur y donner de quoi vivre. On en fit des plaintes à la reine qui intercéda pour eux d'abord auprès du chapitre, demandant qu'on les mît en liberté sous caution : mais le chapitre répondit qu'ils étaient ses hommes ; qu'il avait droit de les traiter comme il voulait ; et par une sorte de défi à l'intercession de la reine, il fit prendre encore les enfants et les femmes et les entasser dans cette geôle, en telle sorte que plusieurs, dit-on, y périrent soit par la presse, soit par la faim. La reine alors ordonna à la noblesse et aux bourgeois de Paris de prendre les armes : elle les mena devant la prison du chapitre et leur commanda d'en briser les portes ; et pour qu'on n'eût pas peur d'encourir les censures de l'Église, elle les frappa la première d'un bâton qu'elle tenait à la main. La prison fut forcée et les malheureux se jetèrent, hommes, femmes et enfants, aux pieds de la reine, invoquant sa protection. La reine n'y manqua point. Elle fit saisir les revenus du chapitre jusqu'à ce qu'il lui eût fait satisfaction ; et pour prévenir toutes représailles elle le contraignit à affranchir les paysans pour la redevance qu'ils lui payaient annuellement[27]. La santé de la reine était déjà fort affaiblie. Elle. n'avait vu qu'avec une peine extrême le départ du roi ; et son affliction avait été sans mesure, quand elle apprit en même temps la mort du comte d'Artois et la captivité de saint Louis et de ses autres fils. Elle avait vu revenir les comtes de Poitiers et d'Anjou ; mais saint Louis était resté en Palestine, et l'on disait qu'il y voulait achever sa vie. Cela ne lui semblait pas impossible, et le bruit fût-il faux, elle savait le roi au milieu des Musulmans, avec si peu de forces, toujours exposé à de nouveaux dangers. Elle ne fit plus dès lors que dépérir. Atteinte plus gravement à Melun, elle se fit transporter à Paris où elle s'éteignit pieusement vers la fin de novembre 1252[28]. Cinq ou six jours avant sa mort, elle avait voulu prendre l'habit de Cîteaux ; elle fit profession et reçut le voile comme religieuse de l'abbaye de Maubuisson qu'elle avait fondée. Elle donna elle-même aux prêtres qui l'assistaient le signal des prières de l'agonie, et, couchée sur la paille, elle rendit l'âme, ayant près d'elle l'abbesse qu'elle avait prise pour mère, et les religieuses dont elle avait voulu être la sœur[29]. Saint Louis était encore à Jaffa quand la nouvelle en arriva en Palestine. Le légat l'ayant reçue le premier prit avec lui l'archevêque de Tyr et Geoffroi de Beaulieu, confesseur du roi, et venant trouver le prince, il lui dit qu'il lui voulait parler en secret. Le roi, voyant à son air grave qu'il avait quelque chose de triste à lui dire, les mena tous trois de sa chambre dans sa chapelle qui tenait à sa chambre, en ferma les portes et s'assit près de l'autel, et eux avec lui. Alors le légat lui rappela tous les bienfaits dont Dieu l'avait comblé dès son enfance, et surtout quand il lui avait donné une mère si vigilante à l'élever dans la foi, si sage, si dévouée dans l'administration de son royaume ; et après une pause, il lui dit en sanglotant qu'elle n'était plus. Le roi poussa un cri de douleur et n'essaya pas de contenir ses larmes. Il se prosterna les mains jointes devant l'autel et dit : Sire Dieu, je vous rends grâces et merci de ce que par votre bonté m'avez prêté si longuement ma chère mère, et par mort corporelle l'avez prise et reçue par votre bon plaisir à votre part. Il est bien vrai, beau très-doux père Jésus-Christ, que j'aimois ma mère par-dessus toute créature, car elle l'avoit bien mérité, mais puisqu'il vous vient à plais sir qu'elle est trépassée, béni soit votre nom[30]. II demeura deux jours enfermé sans que personne pût lui
parler. Le premier qu'il reçut fut Joinville : il l'envoya chercher, et quand
il le vit : Ah ! sénéchal, s'écria-t-il, j'ai perdu ma mère. — Sire,
je ne m'en étonne pas, lui dit Joinville, car
elle devoit mourir ; mais je m'étonne que vous, qui êtes un homme sage, ayez
montré un si grand deuil ; car vous savez que le sage dit que quelque chagrin
que l'homme ait au cœur, rien ne lui en doit paraître au visage ; car celui
qui le fait en rend ses ennemis joyeux et en chagrine ses amis[31]. Quel fut
l'effet de ce sermon ? L'auteur ne le dit pas ; mais le lecteur sera moins
sensible à la remontrance de Joinville qu'à la douleur de saint Louis. La reine Marguerite ne témoigna pas moins d'affliction que le saint roi. Joinville, qui avait été prié de la venir consoler, ne put pas s'empêcher de lui en témoigner son étonnement. Il avoit bien raison, lui dit-il sur ce ton familier qu'il avait pris dans l'intimité de saint Louis, il avoit bien raison celui qui dit que l'on ne doit femme croire ; car c'était la femme que vous haïssiez le plus, et vous en menez tel deuil ! Marguerite lui avoua qu'elle pleurait non pas tant pour la reine que pour la peine qu'en avait le roi, et pour sa fille qui, privée de la reine Blanche, demeurait en la garde des hommes[32]. La France entière devait s'associer au deuil de saint
Louis, et les contemporains en parlant de la mort de Blanche lui ont payé
leur tribut d'éloges : Femme magnanime portant un
cœur d'homme ; — la dame des dames, gardienne
et tutrice de la France[33], etc. Tous
rendent témoignage à l'habileté et à la fermeté de sa conduite dans le
gouvernement, à la pureté de sa vie, à sa dévotion, à sa justice, à sa
charité. Ils rappellent à l'envi comme elle craignait Dieu et aimait
l'Église, comme elle le prouvait par sa sollicitude à l'égard des religieux,
par ses aumônes, par ses pieuses fondations[34] ; et Grégoire IX
a fait lui-même l'éloge de sa piété et de sa foi ; Innocent IV vante son zèle
à soutenir l'Église dans ses nécessités : témoignages qui honorent les pontifes
autant que la reine Blanche[35], quand on se
rappelle la fermeté de la reine en quelques circonstances où son respect pour
le caractère sacerdotal et l'habit religieux ne l'ont pas empêchée de
résister à des violences et de réprimer des abus. Si elle mit quelquefois
plus de raideur et d'âpreté qu'on ne le voudrait pour elle-même dans ses
conflits avec le clergé, ces attestations générales prouvent qu'en somme les
souverains pontifes appréciaient la sincérité de son dévouement et la
droiture de ses intentions. Saint Louis se voyait privé de l'appui qui avait protégé sa jeunesse et soutenu son âge mûr ; de la main qu'il avait toujours sentie près de la sienne au gouvernail de l'État, et à qui il n'avait pas craint de le confier encore pendant sa croisade et jusqu'après les revers de son expédition. Les conseils de Blanche lui allaient faire défaut, et cette tendresse qui rend toujours si douce la direction d'une mère. Avec elle il perdait plus que tout au monde, et il devait se sentir plus que jamais dégoûté d'un pouvoir qu'elle ne partageait plus. Mais il comprenait aussi que son devoir lui commandait d'en prendre la charge tout entière, et cela devait décider la question de son retour. Cependant la situation de la France n'exigeait pas qu'il y revint immédiatement. Ses frères, les comtes de Poitiers et d'Anjou, entourés de sages conseillers, avaient pris en main la conduite des affaires[36], et la défense de la Palestine réclamait de lui quelques jours encore. Saint Louis put donc agir sans précipitation. Il envoya à ses deux frères des pouvoirs pour proroger la trêve avec les Anglais[37], et lui-même tournait les yeux vers l'Orient. On a vu les rapports qu'il avait entretenus, dès son arrivée dans l'île de Chypre, avec des officiers de l'empire des Tartares. Le bruit qu'un prince tartare, Sartach, fils de Batou, petit-fils de Genghis-Khan, s'était fait chrétien ayant pénétré en Palestine, saint Louis, au moins autant dans la pensée de répandre la foi parmi ses peuples que de s'en faire un auxiliaire contre les Musulmans, lui écrivit des lettres de paix et d'amitié ; et nous devons au moins à cette tentative le voyage de Rubruquis, ou Ruysbrœk, cordelier de Terre Sainte, Français d'origine, qui envoyé de Sartach à Batou, de Batou à Mangou eut l'occasion de traverser tous les pays occupés par les Tartares, du Volga à Caracarrum, et de nous donner sur ces peuples les notions les plus précises dont la géographie et l'histoire se soient enrichies pour ce temps-là[38]. III. — Saint Louis à Sour et à Sidon. De Jaffa, saint Louis se dirigea sur Sidon, appelée alors Sayette , pour achever les travaux de défense qu'il y avait fait commencer (29 juin 1253). Il campa devant Arsur, et aurait volontiers, en passant, délogé les Sarrasins de Naplouse, l'ancienne Samarie : mais les Templiers et les Hospitaliers furent d'avis qu'il n'y allât point en personne, et il y renonça. Il était sur la plage d'Acre ; lorsque arrivai une troupe de pèlerins de la Grande Arménie qui allaient en pèlerinage à Jérusalem, en payent un tribut aux Sarrasins. La renommée de saint Louis était répandue dans tout l'Orient. Ils firent prier Joinville de leur montrer le saint roi. Joinville le vint trouver comme il était en un pavillon, assis contre le mât du pavillon, sans tapis, sur le sable : Sire, lui dit-il, il y a là dehors une grande troupe de la Grande Arménie qui va en Jérusalem, et ils me prient que je leur fasse voir le saint roi ; mais je ne désire pas encore baiser vos os (vos reliques). Le roi en rit aux éclats et dit à Joinville de les aller chercher ; les pèlerins virent donc le roi et ils le quittèrent, se recommandant mutuellement à Dieu[39]. Le lendemain le roi alla camper devant Sour, l'ancienne Tyr ; et ce fut là qu'il apprit le sort fatal des hommes chargés par lui de commencer les travaux de Sidon. Selon Joinville, les troupes syriennes. ta-menées des frontières de l'Égypte à la suite de la paix conclue entre Aïbek et Nacer avaient tenté quelques escarmouches contre l'armée du roi, campée alors devant Jaffa (6 mai 1253)[40] ; puis elles avaient passé devant Acre sans s'y arrêter davantage, frappées de la bonne tenue de ses défenseurs[41], et elles s'étaient portées sur Sidon. La ville n'étant pas encore fermée[42], les arbalétriers que le roi avait envoyés pour protéger ses travailleurs durent se retirer dans le château qui était très-fort par sa position, mais très-étroit. Le capitaine n'y put donc recevoir que fort peu de monde avec ses, troupes ; et les Sarrasins, se jetant sur la ville, y tuèrent plus de deux mille de nos gens, pillèrent les maisons et en emportèrent le butin à Damas. D'autres rapportent la prise et le sac-de Sidon aux Turcomans établis à Bélinas, l'ancienne Césarée de Philippe : bandes de pillards qui portaient la désolation partout aux environs[43] ; et il est possible qu'au moins ils y aient pris part. Ce massacra venait de s'accomplir, quand saint Louis arriva à Sour. Le roi voulait marcher tout d'abord. contre Bélinas. On fut d'avis qu'il y envoyât son corps de bataille sans y aller lui-même, et Joinville a raconté cette courte campagne dont il fut, non sans y courir quelque danger[44]. Saint Louis s'était rendu directement à Sidon. Les restes de ceux qui avaient été massacrés gisaient encore sans sépulture et répandaient l'infection à l'entour. Le roi songea tout d'abord à leur rendre les derniers devoirs. Il fit bénir un cimetière ; on y creusa de grands fossés, et pour que personne ne reculât devant le dégoût et le péril de l'entreprise, lui-même recueillait les cadavres et les déposait dans les tapis que l'on cousait pour les charger sur les chameaux ou les chevaux et les porter dans les fosses. Plusieurs de sa maison le suivaient, sans avoir le cœur d'en faire autant, se bouchant le nez, tandis que le roi continuait simplement son office, sans paraître sensible aux émanations infectes de ce lieu. La putréfaction était telle que lorsque l'on prenait le mort par le bras ou la jambe, le membre restait dans la main. Le roi ramassait jusqu'aux entrailles répandues sur le sol. Ce travail dura quatre ou cinq jours. Chaque matin, après la messe, le pieux roi se remettait à l'ouvrage, disant aux autres : Retournons ensevelir nos martyrs ; et quand plusieurs ne paraissaient pas s'y porter volontiers, il ajoutait : Ils ont souffert la mort, nous pouvons bien souffrir ; et encore : N'ayez pas abomination de ces corps, car ils sont martyrs et en paradis. Auprès des fosses se tenaient pour l'inhumation l'archevêque de Tyr, l'évêque de Damiette et un autre évêque, récitant l'office des morts, et le roi avec eux ; ces trois prélats se préservaient autant qu'ils le pouvaient de ces odeurs pestilentielles, mais non le roi. L'archevêque de Tyr mourut trois jours après, et les deux autres évêques furent grièvement malades. On dit, et on le peut croire, que ce fut des suites de cette infection[45]. Ce devoir était rempli, quand Joinville et ceux que le roi avait envoyés contre Bélinas vinrent le rejoindre. Le roi leur avait assigné lui-même leur place. Il avait marqué le logis de Joinville auprès de celui du jeune comte d'Eu, ayant su qu'il aimait sa compagnie[46] ; et Joinville, après quelques traits consacrés à la scène ci-dessus reproduite, trouve encore le loisir de raconter les espiègleries que le jeune prince lui faisait[47]. Le travail entrepris à Sidon dura longtemps. Le roi voulait donner à la ville une forte enceinte munie de tours. Il faisait quelquefois des excursions aux environs ; et Joinville nous en rapporte un trait qui peint bien saint Louis. Un jour que le roi avait pris avec lui le sénéchal pour aller aux champs, il lui montra une chapelle élevée au lieu où l'on disait que Jésus-Christ avait guéri la fille de cette Chananéenne ou Syrophénicienne dont il est ;parlé en saint Matthieu et en saint Marc ; et il y entra pour entendre une messe qui était commencée. Quand on en vint à donner la paix, Joinville fut effrayé de l'aspect de celui qui l'apportait : il était grand, noir, maigre et hérissé. Le bon sénéchal se dit que c'était peut-être un assassin qui, en s'approchant du roi pour lui faire baiser la plaque sacrée, pourrait bien lui donner la mort ! Il s'en vint la lui prendre et la porta lui-même au roi. Le roi fut sensible à cette sorte d'affront fait au clerc. Quand ils furent remontés à cheval, ils trouvèrent le légat dans les champs et le roi lui dit : Je me plains à vous du sénéchal qui m'apporta la paix et ne voulut pas que le pauvre clerc me l'apportât. Joinville expliqua pourquoi il l'avait fait, et le légat dit qu'il avait eu raison. Vraiment non, dit le roi ; et il soutint longtemps son dire, ne voulant pas que pour la sûreté même de sa personne on affligeât un ,de ces pauvres gens[48]. Ce fut à Sidon aussi que la reine le vint rejoindre, relevant de ses couches. Après le fils qu'elle avait mis au monde à Damiette, en de si tristes circonstances (Jean Tristan), Marguerite, pendant ce long séjour de saint Louis en Palestine, lui avait donné un autre fils, Pierre ; et elle venait d'enfanter à Jaffa une fille que saint Louis nomma Blanche, en souvenir de sa mère. Joinville ayant appris son arrivée, quitta le roi pour aller à sa rencontre et l'amener au château. Quand il revint à la chapelle, le roi lui demanda si la reine et les enfants se portaient bien. Joinville lui dit que oui. Je savois bien, reprit le roi, quand vous vous levâtes devant moi que vous alliez au-devant de la reine ; et pour cela j'ai fait attendre après vous pour le sermon. Joinville semble insinuer que le roi aurait fait mieux encore de retarder le sermon pour voir les enfants et la reine ; mais assurément rien ne justifie le reproche de froideur qu'il veut fonder sur le silence où le roi demeurait-avec lui touchant sa propre famille[49]. L'anecdote terne qu'il a citée sur saint Louis et sur Marguerite protesterait contre cette imputation. |
[1] Voy. la lettre d'Innocent IV à l'archevêque de Rouen, dans Duchesne, t. V, p. 415. Cf. sa lettre à Blanche, 18 mars 1251 ; Rinaldi, an 1251. n° 19.
[2] Rinaldi, an 1250, art. 28.
[3] Matthieu Paris, t. VII, p. 10 ;
Rinaldi, an 1251, art. 26 ; Tillemont, t. III, p. 394.
[4] Août 1250 ; Hist. diplom., t. VI, p. 790. Voy. sur la lutte en Allemagne, Ann. Worm. ap. Bœhmer, Fontes rer. Germ, t. II, p. 187, 188, et la lettre de Frédéric à Conrad (septembre 1250) ; Hist. diplom., t. VI, p. 774 ; sur la lutte en Italie, Chron. de rebus in Italia gestis, p. 21. Cf. Hist. diplom., t. VI, p. 767 et 891.
[5]
Voy. le jugement que porte sur ce prince Huillard-Bréholles, en terminant son
Introduction à l'Hist. diplom. de Frédéric II, p. DLVI. — Une chronique
du temps rapporte qu'en mourant il voulut faire réparation à l'Église : Qui in fine perveniens octies mille uncias, auri legavit
domino papæ ad restitutionem damnorum quæ fecerat Ecclesiæ. Insuper et in
reditum regni sui Apuliæ assignavit omnes sumptus quingentorum militum usque ad
septem annos in subsidium Terræ Sanctæ. (Breve chronicon Lyrensis monasterii.
Martene, Thes. nov. Anecd., t. V, col. 1433.)
[6] Lettre de Louis IX au comte de Poitiers et de Toulouse. Au camp devant Césarée, 11 août 1251, Layettes du trésor des Chartes, t. III, n° 3936. Cf. Matthieu Paris, an 1251, t. VII, p. 235 de la traduction. Il y est dit un peu plus haut(mais cela n'est pas confirmé par d'autres récits autorisés) que Blanche et ses fils avaient envoyé une grande quantité d'argent pour la rançon du roi, mais qu'une tempête engloutit le vaisseau qui le portait (ibid., p. 205).
[7] Matthieu Paris, t. VII, p. 216, et les indications réunies par son savant traducteur dans une note sur ce passage.
[8] Matthieu Paris, an 1251, t. VII, 215 et suiv. de la traduction ; Chronique de Saint-Denys, t. XXI, p. 115. Elle est ici plus détaillée que dans Guillaume de Nangis, d'où elle est généralement tirée.
[9] Matthieu Paris, ibid., p. 216. Cf. Chron. de Primat, Histor. de France, t. XXIII, p. 8 ; Chron. de Guillaume de Nangis, t. XX, p. 553.
[10] Matthieu Paris, t. VII, p. 217 ; Chron. de Primat, t. XXIII, p. 9 ; Chron. de Saint-Denys, t. XXI, p. 115, et Chron. de Guillaume de Nangis, t. XX, p. 554.
[11] Chron. de Guillaume de Nangis, l. l.
[12] Matthieu Paris, t. VII, p.219 ; Chron. de Primat, l. l., de Guillaume de Nangis et de Saint-Denys.
[13] Matthieu Paris, t. VII, p. 219. C'est aussi ce que dit Bernard Guidonis : Plurimi autem ac pene universi, quia de persecutione clericorum gaudebant. (Hist. de France, t. XXI, p. 697.)
[14] Guillaume de Nangis, t. XX, p. 554, et Chron. de Saint-Denys, t. XXI, p. 116.
[15] Chron. de Primat, t. XXIII, p. 9.
[16] Matthieu Paris, t. VII, p. 219-221. Chron. de Primat, de Guillaume de Nangis et de Saint-Denys, l. l.
[17] Matthieu Paris, t. VII, p. 222-224 ; Guillaume de Nangis, p. 383. Cf. sa Chronique, et la Chron. de Saint-Denys, l. l.
[18] Chron. de Saint-Denys, t. XXI, p. 116.
[19] Voy. Tillemont, t. III, p. 438. Alfonse de Poitiers parut, presque jusqu'au retour de son frère, disposé à l'aller rejoindre. Dans le cours de 1252, époque où, selon Matthieu Paris, Alfonse fut atteint de paralysie, et certainement avant le 27 ou le 28 novembre, date de la mort de sa mère, son chapelain écrit à saint Louis qu'Alfonse, étant guéri de maladie, a pris la croix et partira le plus tôt possible (Layettes du trésor des Chartes, t. III, n° 4030). Le 21 et le 29 mars 1253, le pape met de nouveau à la disposition d'Alfonse toutes les ressources de l'Église. Il ordonne au trésorier de Saint-Hilaire de Poitiers de lui remettre les legs pieux sans destination spéciale, les sommes versées pour les libérer du vœu de la croisade, donnant au même ecclésiastique les pouvoirs d'absoudre ceux qui n'ont pas accompli leurs vœux (ibid., n° 4043-4047).
[20] Tillemont, t. III, p. 443.
[21] Commencement de 1252. Lettre du Trésorier de l'Hôpital (6 mai 1252). Matthieu Paris, addit, t. VII, p. 525 de la trad. ; cf. Joinville, ch. C.
[22] Lettre du Trésorier de l'Hôpital dans Matthieu Paris, ibid.
[23] Joinville, ch. C. Cf. Continuateur de Guillaume de Tyr, ch. LXXIV, p. 627.
[24] Aboulféda, dans les Hist. arabes des Croisades, t. I, p. 132 ; cf. Cont. de Guillaume de Tyr, c. LXXV, p. 629.
[25] Joinville, ch. CVIII.
[26] Joinville, ch. CIX. La somme parait exagérée.
[27] Chron. de Saint-Denys, t. XXI, p. 117.
[28] Le 27 ou le 28. Voy. Tillemont, t. VI, p. 268, 269. Eudes Rigaud, dans le journal de ses visites, dit qu'il était à Pontoise le 3 des kalendes de décembre (29 novembre), et qu'alors la reine fut enterrée à Maubuisson. Histor. de Fr., t. XXI, p. 576. — Sur la mort de Blanche de Castille et ses funérailles, voy. le R. P. Cros, Vie intime de saint Louis, p. 252-257.
[29] Tillemont, t. III, p. 455.
[30] Guillaume de Nangis, t. XX, p. 387.
[31] Joinville, ch. CXIX.
[32] Joinville, ch. CXIX.
[33] Femineæ cogitationi et sexui masculinum inferens ani mura. (Anonyme de Saint-Denys, Histor. de France, t. XX, p. 46 a.) Dominarum secularium domina ; ...Franciæ custos tutrix et regina ; ...magnanima, sexu femina, consilio mascula, Semirami merito comparanda. (Matthieu Paris, p. 859 ; voy. Tillemont, t. III, p. 457.)
[34] Voyez les textes cités par Tillemont, ibid., p. 458.
[35] Duchesne, t. V, p. 413 a ; cf. Rinaldi, an 1247, § 15 et 16, et an 1251, § 19-22 ; Tillemont, ibid., p. 459.
[36] Ils étaient de retour en France en octobre 1251. Le 30 de ce mois, Alfonse reçoit à Beaucaire les hommages des comtes de Comminges et d'autres seigneurs. (Layettes du trésor des Chartes, t. III, n° 3897-3905.)
[37] Au camp devant Joppé (Jaffa), les mai 1253. Layettes du trésor des Chartes, t. III, n° 4052.
[38] Rubruquis composa son récit en latin, et on y distingue deux parties : de Gestis ou de Moribus Tartarorum et Itinerarium Orientis. On en trouve une traduction française dans le recueil de Pierre Bergeron, Voyages faits principalement en Asie dans les douzième, treizième et quatorzième siècles, par André de Lonjumeau, Ascelin, Plan Carpin, Rubruquis, etc., avec Introduction (Paris, 1834, in-8°). — Le voyage de Rubruquis tient cent quarante-neuf pages à deux colonnes dans l'édition de la Haye, 1735, in-4°. Voy. sa Notice et le résumé de son ouvrage par Daunou, Histoire littéraire de la France, t. XIX, p. 114. et suiv., et aussi Tillemont, t. III, p. 475-484. — Cf. d'Ohsson, Hist. des Mongols, t. II, p. 283-314.
[39] Joinville, ch. CX.
[40] Joinville, ch. CV.
[41] Joinville, ch. CVI.
[42] Joinville, ch. CVII.
[43] Guillaume de Nangis, p. 387. Cf. la lettre du Trésorier de l'Hôpital, dans les additions de Matthieu Paris, t. VII, p. 528 de la traduction ; Tillemont, t. III, p. 488.
[44] Ch. CXI-CXII.
[45] Anonyme de Saint-Denys, t. XX, p. 55 ; Guillaume de Nangis, ibid., p. 387 ; Confesseur de Marguerite, p. 99-100. Cf. Guillaume de Chartres, p. 32 ; Extrait d'un vieux lectionnaire, t. XXIII, p. 152.
[46] Le comte d'Eu avait été avec Joinville dans la petite expédition contre Bélinas (ch. CX-CXI).
[47] Ch. CXIII.
[48] Ch. CXV. Ici se place une ambassade que le roi reçut de Trébizonde et dont Joinville parle en ces termes : Tandis que le roi fermoit (fortifiait) Sayette, vinrent à lui les messagers d'un grand Seigneur du fond de la Grèce, lequel se faisoit appeler le grand Commène et sire de Trébisonde. Ils apportèrent au roi divers joyaux en présent ; entre autres ils lui apportèrent des arcs de cormier, dont les coches entroient au moyen de vis dans les arcs, et quand on les en tiroit, on trouvoit qu'elles étoient dehors très-bien tranchantes et très-bien faites. Ils demandèrent au roi qu'il envoyât une princesse de son palais à leur seigneur, qui la prendroit pour femme. Et le roi répondit qu'il n'en avait amené aucune d'outre-mer, et il leur conseilla d'aller à Constantinople vers l'empereur, qui étoit cousin du roi, et de lui demander qu'il leur baillât pour leur seigneur une femme qui fût du lignage du roi et du sien. Et le roi fit cela pour que l'empereur eût alliance avec ce grand et riche seigneur contre Vatace, qui étoit alors empereur des Grecs. (Ch. CXVI.)
[49] Ch. CXVI.